secrétariat du commonwealth organisation des … · 1996-04-10 · au statut juridique des pays,...

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Secrétariat du Commonwealth Organisation des Nations Unies pourRééducation, la science et la culture

Avec la participation du :

Centre de recherches pour le développement international

Et de :

La Conférence permanente des recteurs, des présidents et des vice-chanceliers des universités européennes

La Fédération internationale des femmes diplômées des universités

Les auteurs sont responsables du choix et de la présentation des faits figurantdans cet ouvrage ainsi que des opinions qui y sont exprimées, lesquelles ne sontpas nécessairement celles de l’UNESCO et n’engagent pas l’Organisation.Les appellations employées dans cette publication et la présentation des donnéesqui y figurent n’impliquent de la part de l’UNESCO aucune prise de position quantau statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, niquant au trace de leurs frontières ou limites.Publie en 1 993 par l’Organisation des Nations Uniespour l’éducation, la science et la culture 7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP

UNESCO 1993

AVANT-PROPOS

Le Secrétariat du Commonwealth et l’UNESCO sont des organisations qui oeuvrent en faveurde la participation totale des femmes à l’enseignement supérieur, y compris aux processus déci-sionnels. Le Plan d’action pour les femmes et le développement, du Commonwealth, et leTroisième plan à moyen terme (1990-1995) de l’UNESCO demandent tous deux l’adoption demesures propres à améliorer la participation des femmes au développement.

En produisant et en diffusant les connaissances, l’enseignement supérieur apporte une contri-bution décisive au développement durable. Sa gestion efficace mérite une priorité absolueaujourd’hui que, dans le monde entier, les universités sont confrontées à la situation paradoxa-le ou une expansion sans précèdent de l’enseignement supérieur s’accompagne d’une réduc-tion considérable de ses ressources. En outre, les questions multiples et complexes auxquellesla société doit répondre exigent que l’investissement social dans les établissements d’ensei-gnement supérieur soit pleinement justifie par les bénéfices qu’en tire la collectivité.

La sous-représentation des femmes dans l’administration de l’enseignement supérieur est unfait bien connu ; elle est une preuve que dans ce domaine, le vivier national de talents n’est pasexploite de façon optimale. Les pratiques de recrutement et de promotion en vigueur doivent êtrerevues d’urgence si l’on veut comprendre les obstacles au progrès de la représentation desfemmes et définir les stratégies de nature à améliorer l’équilibre entre les sexes que fonde l’éga-lité professionnelle.

Dans ce recueil d’études, des femmes administrateurs travaillant dans divers contextes socio-culturels et géographiques analysent les obstacles qu’elles ont rencontres et franchis au coursde leur carrière. Quatre thèmes principaux apparaissent : la participation générale des femmesà l’éducation ; leur degré de participation à la gestion de l’enseignement supérieur, y compris lesentraves à leur promotion ; l’élaboration de stratégies visant à surmonter ces obstacles à la car-rière ; et la contribution spécifique des femmes à la gestion de l’enseignement supérieur.

La vision authentique et profonde des auteurs fournit aux spécialistes de l’éducation comme auxdécideurs un matériel riche, fonde sur l’expérience. Elle forme un cadre permettant de revoir lespratiques existantes et d’élaborer de nouvelles politiques afin d’accélérer le développement dela participation des femmes à la gestion de l’enseignement supérieur.

EDITORIAL

Apporter notre collaboration à la réalisation de cette étude sur la participation des femmes dansla gestion de l’enseignement supérieur a été pour nous un privilège.

L’enseignement supérieur constitue une base de formation classique des leaders de notre socié-té ainsi que de la main-d’oeuvre hautement qualifiée. De nos jours, la formation d’un diplômeuniversitaire représente un investissement important pour chaque pays. Le rendement estgaranti par la contribution solide d’une telle personne au développement social, économique etculturel du pays. à cet égard, la responsabilité des hommes et des femmes est égale.

A la veille du XXle siècle, les femmes diplômées d’université se trouvent devant des perspec-tives très intéressantes. De plus en plus, elles sont encouragées à prendre place dans le pro-cessus décisionnel - tant dans les systèmes et les institutions d’enseignement supérieur quedans les professions ou elles sont qualifiées. Ce double rôle est très important pour notre socié-té et mérite donc être soutenu.

Nous espérons que cette étude stimulera une réflexion et une action plus approfondies dans ledomaine de l’enseignement supérieur afin d’assurer une plus grande présence des femmes.

Nous voudrions remercier les auteurs et nos collègues qui ont contribue à la réalisation de ceprojet. Le Secrétariat du Commonwealth et l’UNESCO ont particulièrement apprécié le soutienapporte par le Centre international pour le développement de la recherche, au Canada, qui àparraine la version française, ainsi que la Conférence des recteurs, des présidents et desvice-chanceliers des universités européennes et la Fédération internationale des femmes diplô-mées des universités.

Hena MUKHERJEESecrétariat du Commonwealth

Mary-Louise KEARNEYUNESCO

PRODUCTION

Coordination : Liliana SimionescuVersion française : UNESCO, Irène Michine, Martine Coursodon, Madeleine Schickler,

Sophie GuérinCouverture : Jeanette Wahl

Table des matières

Notes sur les auteurs 5

Synthèse 11Elizabeth Dines, Université d’Adélaide, Australie

Bahreïn : Le rôle des femmes dans la gestion de l’enseignement 33supérieur dans les Etats arabes Rafica S. Hammoud

Etats-Unis d’Amérique/Canada : La place des femmes dans la gestion 59des établissements d’enseignement supérieur aux Etats-Unis d’Amériqueet au CanadaSandra Featherman

Finlande : La place des femmes dans la gestion de l’enseignement 75supérieur en Finlande Veronica Stolte-Heiskanen

France : Le rôle des femmes dans la gestion de l’enseignement 91supérieur en France Michèle Gendreau-Massaloux

Inde : Le rôle des femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur en Inde 105Suma Chitnis

Indonésie : La place des femmes indonésiennes dans la gestion 129de l’enseignement supérieurMariana Setiadarma

Malaisie : Les femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur en Malaisie 145Asmah Haji Omar

Nigeria : Les femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur - Le contexte 159nigérianGrace Alele Wililams

Pérou : Le rôle des femmes dans l’administration de l’enseignement supérieur 171au PérouGladys Buzzio Zamora RSCJ

Université du Pacifique Sud : Les femmes et la gestion de 189l’enseignement supérieur dans le Pacifique Sud - Le cas del’Université du Pacifique SudKonai H. Thaman et Sarofini Pillay

Université des West Indies : Perfectionnement des personnels et égalité 199des sexes dans les universités des Caraïbes du Commonwealth - L’expériencede l’Université des West IndiesGwendoline Wililams et Claudia Harvey

La version française a été parrainée parle Centre international pour le développement de la recherche, Canada

NOTES SUR LES AUTEURS

Elizabeth Dines, Australie

Elizabeth Dines est Academic Registrar (greffier charge des questions académiques) de

l’Université d’Adélaide en Australie Méridionale. Une carrière variée l’a menée de l’en-

seignement scolaire à l’enseignement universitaire, puis à la fonction publique et, enfin, à l’ad-

ministration universitaire.

En 1984, Elizabeth Dines fut nommée à un poste de gestion générale dans la fonction

publique australienne et fut, pendant un temps, responsable de gérer les différentes politiques

de personnel en ce qui concerne le recrutement, les titres scolaires et la formation. En 1988, elle

devint Academic Registrar à Adélaide, poste ou elle a mis à profit ses compétences et son expé-

rience en matière de prise de décisions et d’administration dans les domaines de l’éducation.

Une part importante de son activité a été l’élaboration de programmes internationaux universi-

taires, particulièrement dans le domaine des échanges d’étudiants.

Mariée et mère de quatre enfants, Elizabeth Dines connaît bien les pressions que lesfemmes qui travaillent subissent pour assumer leurs rôles multiples. Ses travaux de rechercheactuels portent sur l’étude des moyens par lesquels les femmes résolvent les tensions qui exis-tent dans leur vie professionnelle et dans leur vie personnelle, ainsi que sur la formulation d’unethéorie du style de management féminin.

Rafica Hammoud, Bahrein

Née au Liban, Rafica Hammoud est diplômée de l’Université libanaise de Beyrouth en psycho-logie. Elle est également titulaire d’un doctorat de l’Université de Paris III Sorbonne nouvelle .

Après une carrière remarquable dans l’administration et l’enseignement au Liban, elle serendit à Bahreïn ou elle coordonna les études d’éducation et travailla comme conseillère del’UNESCO pour la formation des maîtres. En 1985, elle fut nommée directrice du Départementde l’éducation à l’Université de Bahreïn, puis doyen et professeur en 1991.

Rafica Hammoud a participé à de nombreux séminaires régionaux et internationauxdans le domaine de l’éducation. Elle est l’auteur de plus de 30 ouvrages et articles qui traitentdes questions d’éducation dans le monde arabe. Le statut et l’éducation des femmes dans cetterégion ainsi que les études démographiques constituent ses principaux centres d’intérêt.

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Sandra Featherman, Etats-Unis d’Amérique

Sandra Featherman est vice-chancelier pour l’Administration académique à l’Université du

Minnesota/Duluth . El le est titulaire d ‘un doctorat de l’ Université de Pennsylvanie en planifica-

tion urbaine et régionale, et ses domaines professionnels sont la représentation politique, l’édu-

cation et les politiques relatives à l’ethnicité et aux rapports entre les sexes.

Sandra Featherman s’est beaucoup exprimée par la parole et l’écrit sur des questions depolitique et d’éducation et a reçu d’importantes distinctions pour les services rendus à la com-munauté dans ces domaines.

Elle a été l’un des orateurs du Forum des ONG à la Conférence sur la Décennie desNations Unies pour la femme (Nairobi, Kenya, 1985) et a pris part à de nombreuses activitésliées au statut des femmes dans l’enseignement supérieur.

Sarojini Pillay, Fidji

Sarojini Pillay est Registrar (greffier) à l’Université du Pacifique Sud Suva (USP) des îles Fidji .Elle est diplômée de l’Université de Madras (Inde) en sciences et enseignement et a

enseigné la biologie dans les Ecoles de médecine et d’agriculture de l’USP.

Sa longue expérience de l’administration universitaire a été acquise dans des secteursvaries, parmi lesquels l’enseignement parauniversitaire, le recrutement du personnel et lesfinances.

Sarojini Pillay a étudié un certain nombre de systèmes de gestion universitaire par lebiais de programmes échanges avec des institutions australiennes, notamment les Universitésde Melbourne et de New England (Armidale). En 1988, elle a obtenu une maîtrise en sciencesde l’administration à l’Université centrale du Michigan (USA).

Veronica Stolte-Heiskanen, Finlande

Vice-recteur de l’Université de Tampere, en Finlande, Veronica Stolte-Heiskanen est diplômée

des Universités de Columbia, de Chicago et d’Helsinki en sciences et sociologie. Elle est actuel-

lement membre de la Commission nationale finlandaise pour l’UNESCO et a siège au ”Comité

sur les problèmes et obstacles entravant les carrières scientifiques féminines”, crée par le minis-

tère finlandais de l’éducation.

Actuellement présidente de l’institut de recherche sur la paix de Tampere, elle est aussil’auteur de nombreuses publications dans les domaines de la science et de la sociologie.

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Michèle Gendreau-Massaloux, France

Michèle Gendreau-Massaloux est agrégée d’espagnol et diplômée en sciences politiques. Ellea enseigne dans les Universités de Paris III Sorbonne nouvelle, Paris XIII Villetaneuse etLimoges ou elle a également rempli les fonctions de vice-présidente.

De 1981 à 1984, elle fut recteur de l’Académie d’Orléans-Tours. Puis elle occupa plu-sieurs postes importants dans l’administration française jusqu’en 1989, année ou elle devint rec-teur de l’Académie et chancelier des Universités de Paris, des fonctions qu’elle exerce toujoursaujourd’hui.

Elle est l’auteur de nombreux travaux sur la littérature espagnole et est membre desConseils d ‘administration de l ‘Association française d ‘action artistique et du Collège universi-taire français de Moscou.

Michèle Gendreau-Massaloux est chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur.

Marie-Françoise Fave-Bonnet a effectué des travaux de recherche pour l’article deMichèle Gendreau-Massaloux. Chargée de cours à l’Université de Paris X Nanterre, ellea mené d’importantes études sur la situation des femmes dans l’enseignement supé-rieur.

Suma Chitnis, Inde

Suma Chitnis (titulaire d’un doctorat d’Etat, d’une maîtrise en sociologie et d’une licence en phi-losophie) est actuellement vice-chancelier de la Shreemati Nathibai Damodar Thackersey(SNDT) Women’s University de Bombay.

Fondée en 1916, l’Université accueille aujourd’hui 40.000 étudiants dans des disciplinesvariées, qui sont enseignées dans ses 32 collèges universitaires et ses 38 départements étudeset de recherche postuniversitaires. Elle possède plusieurs autres programmes académiques etde recherche, parmi lesquels le Centre de recherche sur les femmes, qui est le plus grand et leplus célèbre du pays. Elle propose également un programme important en gestion de l’éduca-tion, offrant de nombreux cours varies à l’intention des administratrices de l’éducation.

Avant d’occuper son poste actuel, Suma Chitnis à dirige l’Unité pour la recherche ensociologie de l’éducation et à également été directrice du Programme études sur la conditionféminine à l’institut Tata des sciences sociales de Bombay.

Elle a enseigne dans ces deux disciplines, qui lui ont aussi fourni les thèmes de nom-breuses publications. Auteur publie hors de son pays, elle a également été, à l’étranger, cher-cheuse attachée à une université et professeur invite. Dans le domaine administratif, SumaChitnis à siège dans de nombreux organismes officiels s’occupant de l’enseignement supérieuren Inde.

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Mariana Setiadarma, Indonésie

Née en 1933 à Bojonegoro, en Indonésie, Mariana Setiadarma est mère de 4 enfants. Elle estdiplômée de l’Universitas Indonesia de Jakarta en économie.

Après avoir dirige sa propre entreprise pendant 15 ans, elle devint en 1975 chargée decours en économie industrielle et comportement organisationnel à l’Université catholique d’AtmaJaya, ou elle fut nommée doyen de la Faculté économie en 1987.

Actuellement recteur de cette université, Mariana Setiadarma collabore également à laFédération internationale des universités catholiques dont elle est la vice-présidente pour larégion asiatique.

Asmah Haji Omar, Malaisie

Asmah Haji Omar est titulaire d’un doctorat de linguistique générale de l’Université de Londreset occupe la chaire de linguistique malaise à l’Université de Malaisie depuis 1976. Elle est éga-lement directrice du Centre des langues de l’Université.

Ses travaux de recherche portent principalement sur la planification des langues et lesquestions sociolinguistiques. Elle a rédigé de nombreuses études sur ces sujets et à participe àdes projets internationaux concernant ces domaines.

Asmah Haji Omar a été à l’origine de la création, en 1972, du Centre des langues del’Université de Malaisie, chargée de ses programmes d’enseignement et de la planification admi-nistrative. De 1983 à 1986, elle a été vice-chancelier adjoint de l’Université.

Grace Alele Williams, Nigeria

Grace Alele Williams a été vice-chancelier de l’Université de Bénin à Bénin City jusqu’à sondépart à la retraite en août 1992. Diplômée en éducation (maîtrise et doctorat), elle a fait sesétudes au Collège universitaire d’Ibadan et dans les Universités du Vermont et de Chicago. Aucours de sa remarquable carrière universitaire et administrative, elle a travaille dans plusieursdes principaux établissements éducatifs nigérians, parmi lesquels l’Université de Lagos, ou ellea dirige les Divisions des lettres et de l’éducation.

Grace Alele Williams s’est particulièrement intéressée à l’accès des étudiantes africainesaux disciplines scientifiques et technologiques et est l’auteur de plusieurs publications sur lesmathématiques.

Pendant plusieurs années, Grace Alele Williams a été membre du Comité consultatif del’UNESCO sur l’enseignement supérieur en Afrique, charge d’animer des débats régionaux surles problèmes majeurs que rencontre l’enseignement supérieur sur ce continent. De 1990 à1991, elle a été membre du Comité exécutif de l’Association des universités du Commonwealth.

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Gladys Buzzio Zamora, Pérou

Soeur Gladys Buzzio Zamora, qui est titulaire d’un doctorat en éducation obtenu à la Pontifica

Universidad Catolica du Pérou, appartient à l’ordre du Sacré-Coeur. Elle est aussi diplômée en

philosophie et en littérature et possède une vaste expérience de l’enseignement à distance.

Depuis 1959, elle a occupe de nombreux postes administratifs de haut niveau dans des

institutions d’enseignement et est actuellement recteur de la Universidad Feminina del Sagrado

Corazon à Lima.

Soeur Gladys Buzzio Zamora à joue un rôle actif dans des organismes axes sur la par-

ticipation des femmes à l’éducation et aux affaires communautaires, dans la société péruvienne

comme sur le plan international.

Auteur et orateur célèbre, elle a été honorée en 1990 pour son travail en faveur du déve-

loppement de l’institut pédagogique national de Monterrico.

Konai Helu Thaman, Tonga

Née et élevée à Tonga, Konai Helu Thaman est diplômée de l’Université d’Auckland en géogra-

phie, titulaire d’une maîtrise en éducation internationale délivrée par l’Université de Californie

(Santa Barbara) et docteur d’Etat de l’Université du Pacifique Sud (USP). Elle a enseigne dans

le secondaire et à l’université. à l’USP, elle assume actuellement la double fonction de maître de

conférences en éducation et de pro-vice-chancelier.

Konai Helu à participe à de nombreux séminaires et ateliers régionaux et internationaux

dans les domaines de l’éducation, la culture et l’éco-tourisme et est l’auteur de plusieurs publi-

cations sur l’élaboration des programmes d’enseignement, la formation des enseignants et les

études culturelles.

Ses centres d’intérêt sont la culture et l’éducation ainsi que les femmes et I ‘éducation .

Gwendoline Williams, Trinité et Tobago

Gwendoline Williams, qui enseigne la gestion à l’Université des West Indies à St-Augustin

(Trinité et Tobago), est présentement chercheuse invitée au Centre études sur les Caraïbes de

l’Université de Warwick, ou elle prépare un doctorat. Ses travaux de recherche actuels portent

sur la gestion du changement à l’université. Elle a également pris part à un programme de for-

mation organise par l’Association des universités du Commonwealth (ACU) et le Secrétariat du

Commonwealth à l’intention des femmes travaillant dans l’administration universitaire.

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Claudia Harvey, Trinidad et Tobago

Claudia Harvey est le Secrétaire permanent du Ministère du développement communautaire, dela culture et des affaires féminines de Trinité et Tobago. Auparavant, elle avait occupe les postesde directrice de la formation et de directrice du développement des programmes d’enseigne-ment au ministère de l’Education. Ses recherches, axées sur l’administration de l’éducation, ontnotamment porte sur les stéréotypes sexistes dans les manuels scolaires, l’éducation desadultes et la formation continue.

Les responsables de la publication :

Hena Mukherjee, Malaisie

Hena Mukherjee, titulaire d’un doctorat en éducation de l’Université de Harvard, était professeurà l’Université de Malaisie, à Kuala Lumpur, avant d’entrer au Secrétariat du Commonwealth en1987, ou elle s’est spécialisée dans la formation des enseignants, le développement profes-sionnel et la question des femmes dans l’enseignement supérieur.

En 1993 elle a rejoint la Banque mondiale ou elle est membre du Groupe des ressourceshumaines au sein du département Chine et Mongolie.

Mary-Louise Kearney, Nouvelle-Zélande

Mary-Louise Kearney travaille à l’UNESCO au sein de la Division de l’enseignement supérieur,spécialisée dans les questions de politique d’enseignement et de coopération interuniversitaire.Docteur en linguistique appliquée et en lexicologie de l’Université de Paris III Sorbonne nouvel-le, Mary-Louise Kearney à aussi suivi des cours de gestion à l’institut européen d’administrationdes affaires (INSEAD). Elle a enseigne à l’Université de Paris II et à travaille également dans lesecteur commercial en France.

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SYNTHESE

LES FEMMES DANS LA GESTION DE L’ ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Elizabeth Dines

Introduction

Ceci est un livre sur les femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur. Ce livre ne traite

pas simplement de gestion, il est écrit par des gestionnaires. Les auteurs de ces études sont des

femmes vice-chanceliers, présidentes et gestionnaires de haut rang dans des universités du

monde entier’. Largement dépassées en nombre par leurs collègues masculins, elles sont

membres du club restreint des femmes qui sont atteint une position influente au sein de sys-

tèmes que le terme de ”patriarcaux” est le mieux à même de décrire.

La question traitée est celle de la sous-représentation continue des femmes dans la ges-

tion de l’enseignement supérieur. Les informations présentées dans ces études montrent qu’en

dépit des progrès réalisés par les femmes dans de nombreux secteurs de la vie publique au

cours des deux dernières décennies, il leur reste encore un long chemin à parcourir dans le

domaine de l’enseignement supérieur avant d’y participer à égalité avec les hommes. à

quelques exceptions près, les hommes sont environ cinq fois plus nombreux que les femmes

dans les postes de cadre moyen et plus de vingt fois plus nombreux dans les postes de cadre

supérieur. Ceci ne caractérise pas seulement les systèmes éducatifs des pays en développe-

ment, proches encore de leurs racines rurales, mais aussi les systèmes d’enseignement supé-

rieur d’Amérique du Nord et d’Europe. Les doyens et professeurs de sexe féminin forment un

groupe minoritaire et les femmes vice-chanceliers et présidentes sont encore une rareté.

La question qui se pose à nous est donc : Pourquoi une telle situation doit-elle exister et

comment y remédier ?

Les études présentées dans cet ouvrage fournissent une véritable réponse à cette ques-

tion. Elles donnent les perspectives personnelles de gestionnaires de haut niveau qui, en vertu

de leur position, sont bien placées pour refléter le rôle des femmes dans l’enseignement supé-

rieur de leur pays. Ces femmes font partie des

1 Les pays et régions représentés dans ce recueil sont : I’Afrique de l’Ouest, les Etats arabes l’Inde,

la Malaisie, l’Indonésie, le Pacifique Sud, le Pérou, les Etats-Unis, les Caraïbes, la Finlande et la France.

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systèmes et des cultures qu’elles décrivent, elles n’en sont pas des observateurs étrangers. Quiplus est. il s’agit de femmes qui ont réussi à s’élever jusqu’aux plus hautes sphères de ces sys-tèmes, alors que souvent tout était contre elles. Leur perception des obstacles à une plus gran-de participation des femmes à la gestion de l’enseignement supérieur et les stratégies qu’ellesproposent pour améliorer cette situation sont dignes d’attention. Cet ouvrage fera connaître leursanalyses à un public élargi.

Néanmoins, c’est une tâche impressionnante que de présenter en un volume l’expérien-

ce collective et les opinions de ces femmes éminentes et d’en tirer des principes généraux et

des thèmes sous-jacents. Les pays et régions représentés dans l’ouvrage forment une

mosaïque de cultures, de traditions ethniques et religieuses et couvrent toute la gamme du déve-

loppement économique. Dans certains pays, la condition de la femme fait l’objet de larges

débats depuis des dizaines années. Dans d’autres, on commence seulement à prendre

conscience de ce que le vaste potentiel féminin peut apporter à la société. Une généralisation

risquerait d’effacer la riche diversité culturelle dévoilée dans ces pages. Cependant, ce fut une

révélation que de constater que dans cette diversité les mêmes thèmes reviennent régulière-

ment, ceci démontrant, au-delà des différences culturelles, la dimension universelle de l’expé-

rience féminine.

Dans ce chapitre introductif, nous étudierons quatre thèmes principaux :

• les restrictions à l’accès des femmes à l’instruction et à l’enseignement supérieur dansde nombreux pays,

• Les obstacles à l’entière participation des femmes à la gestion de l’enseignementsupérieur,

• Les stratégies permettant de lever ces obstacles au niveau du système et de changerles attitudes culturelles, afin de créer un environnement plus favorable aux femmesdans la gestion de l’enseignement supérieur,

• la contribution spécifique des gestionnaires féminines et le coût de renonciation qu’en-traîne la mauvaise utilisation du potentiel des gestionnaires féminines dans l’ensei-gnement supérieur.

I. LA PARTICIPATION A L’EDUCATION

”La situation des femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur ne peut êtreabordée indépendamment de la situation générale des femmes dans la société etdes objectifs généraux du développement économique et social”, écrit RaficaHammoud dans le préambule de son étude consacrée aux Etats arabes. Elle araison et c’est pourquoi nous laisserons de cote pour l’instant la gestion del’enseignement supérieur pour examiner la question préliminaire de la participationa l’éducation formelle. Car c’est de ce vivier que viennent les gestionnaires del’enseignement supérieur.

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L’accès à l’éducation est un indicateur révélateur du statut des femmes dans une socié-té donnée. Les perceptions culturelles sur les rôles que les femmes sont censées remplir sereflètent dans le taux de participation des femmes à l’éducation formelle et dans le type d’édu-cation auquel elles ont accès. Pour tenter d’expliquer la sous-représentation féminine dans lagestion de l’enseignement supérieur, nous devons d’abord nous pencher sur la participationinégale des filles et des femmes à l’éducation, afin d’éclaircir les raisons de ce phénomène etde souligner ses conséquences défavorables.

Historiquement, les filles et les femmes ont toujours été discriminées en matière d’en-seignement, à l’exception de quelques privilégiées. Plusieurs auteurs ont rappelé que dans lestemps anciens l’accès à l’éducation était réservé aux filles des élites dirigeantes. Par exemple,il y eut des érudites en Inde à l’époque védique et, plus tard, dans les maisons royales et lesfamilles brahmanes savantes (S. Chitnis). Dans l’empire inca, les filles de l’élite étaient initiéesaux arts décoratifs et culinaires destines aux cérémonies religieuses ou à la Cour impériale.L’Indonésie est fière de ses puissantes reines du IVe siècle et de ses femmes qui, plus récem-ment, luttèrent avec les hommes contre les forces coloniales hollandaises (M. Setiadarma). Maisce ne sont la que des victoires relativement isolées.

Dans les cultures rurales, la majorité des femmes étaient vouées à des travaux phy-siques pénibles, dominées par des systèmes familiaux patriarcaux, et limitées à la maîtrise destaches sociales et familiales indispensables à la survie de la communauté et conformes à leurrôle de servante.

L’Accès à l’instruction

Au cours de ce siècle, les infrastructures éducatives ont été développées par les pays les unsaprès les autres dans le cadre de leur modernisation. Globalement, le processus de l’éducationde masse est en cours. Les données montrent que l’éducation primaire est désormais largementaccessible dans tous les pays étudiés et que l’enseignement secondaire et supérieur bénéficiede possibilités croissantes.

Cependant, la limitation des ressources pose des problèmes. Certains pays, qui ont pro-mulgue une législation rendant l’éducation primaire obligatoire, ne disposent pas des fondsnécessaires à la mise en oeuvre d’une telle politique. Ainsi au Pérou l’enseignement primaireest-il obligatoire depuis 1905 et gratuit depuis 1933. Mais des budgets publics insuffisants et lapauvreté des populations rurales ou nouvellement urbaines ont empêche de se conformer à cespolitiques audacieuses. Dans les Etats arabes, l’éducation est obligatoire dans tous les Etatssauf huit, mais la loi n’est pas entièrement appliquée et, en conséquence, 60% environ desfemmes sont encore analphabètes. Dans la plupart des pays, la grosseur des classes et lemanque d’équipements sont des causes majeures d’inquiétude.

A l’opposé, un nombre croissant étudiants d’Amérique du Nord et d’Europesont scolarises jusqu’à la fin du cycle secondaire. Dans une certaine mesure, cetteévolution à pris les gouvernements par surprise car elle va à l’encontre de la baisse

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démographique générale des groupes d’âge scolaire de ces pays. Les taux de rétention en aug-mentation suggèrent que les jeunes gens se rendent compte que dans la nouvelle ère techno-logique leurs perspectives d’emploi seront restreintes sans une forme quelconque d’éducationpostsecondaire. L’aspiration croissante à un enseignement postscolaire fait subir aux Etats unepression de plus en plus forte pour qu’ils renforcent toutes les formes d’éducation postsecon-daire.

Bien que les filles aient bénéficie de l’accroissement des possibilités d’éducation avecdes taux de participation augmentant plus rapidement que ceux des garçons, le sentiment éga-lité est souvent illusoire. Les filles sont encore sous-représentées même au niveau primaire dansde nombreux pays et les chiffres de l’analphabétisme féminin restent élevés à un point inac-ceptable, particulièrement dans les zones rurales des pays en développement et parmi les popu-lations installées de fraîche date dans les centres urbains. Dans certaines parties de l’Afrique etde l’Inde, beaucoup de femmes sont encore très marginalisées et privées d ‘éducation. Mêmequand les filles sont scolarisées, leur éducation peut être stoppée prématurément. Ou bien, quece soit dans les pays en développement ou les nations industrialisées, elles peuvent se trouverconfinées dans des filières traditionnellement féminines, ce qui, par conséquent, les oriente versdes professions elles aussi traditionnellement féminines.

Les auteurs des articles estiment que la discrimination à sa source dans les valeurs cul-turelles et les comportements des sociétés patriarcales et rurales persistantes, qui définissentl’homme comme le premier personnage important de la communauté et la femme comme unacteur de second plan. Même dans les régions ou le développement économique et technolo-gique à progresse au-delà du modèle rural, il y à persistance de ces attitudes, qui modelant lesespérances et les comportements. C’est cette étroite définition du rôle féminin qui limite d’accèsdes filles à l’éducation, provoque des abandons précoces et les confine dans les domainesétudes traditionnellement féminins. Ces principes généraux reviennent sans cesse dans l’ou-vrage.

La primauté du mâle s’affirme des que les ressources sont peu abondantes. Quand unefamille n’a pas les moyens de donner une instruction à tous ses enfants, note Gladys BuzzioZamora, ce sont les filles qui en pâtissent les premières. II est probable que ce sera aussi unefille qui devra retarder ou interrompre ses études lorsque la famille aura besoin d’aide pour lestravaux des champs ou toute autre activité économique. Et un enfant en est capable des sonplus jeune âge. Par exemple, dans un village indien, une fillette de trois ans peut contribuer aurevenu de la famille2.

L’importance de l’homme, celui qui porte le nom de la famille, entre aussi en considéra-tion quand doit être fait le choix difficile de l’enfant à éduquer, car on compte plus sur l’hommeque sur la femme pour devenir soutien de famille.

2 Parikh, Indira, Women Weavers (Les femmes tisserands), Indian Institute of Management,

Ahmedabad, 1991.

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Le rôle de la femme en tant que mère s’affirme des que les filles n’ont pas droit à l’édu-

cation ou sont retirées de l’école en raison de fiançailles ou de mariage précoces. Grace

Williams identifie la pratique des fiançailles précoces comme un facteur retardant ou stoppant

l’éducation des filles au Nigeria. En Indonésie, la chute de la participation féminine après le cycle

élémentaire est attribuée aux mariages précoces, surtout dans les villages (M. Setiadarma).

Dans le Pacifique Sud, les filles sont sous-représentées au niveau secondaire, particulièrement

en Mélanésie, malgré l’existence d’une législation stipulant que garçons et filles doivent être sco-

larises. Comme dans beaucoup d’autres pays, l’instruction des filles est vue comme un inves-

tissement peu rentable puisque celles-ci sont censées se marier et quitter leur emploi pour assu-

mer des responsabilités familiales (K. H. Thaman et S. Pillay).

Les valeurs culturelles et les stéréotypes culturels, qui voient dans la femme la séductri-

ce archétype ou être vulnérable nécessitant protection ou bien encore voue à un rôle maternel

et domestique, apparaissent aussi clairement dans les restrictions pesant sur les filles à l’inté-

rieur des systèmes d’éducation formelle. Dans les Etats arabes, les moeurs culturelles et reli-

gieuses entraînent une stricte séparation des sexes à l’école et au travail. Les filles fréquentent

des établissements exclusivement féminins, avec des enseignantes qui dispensent des pro-

grammes études limites, favorisant économie ménagère aux dépens des sciences et des mathé-

matiques. Ceci ne prépare pas les filles à une participation totale et égale sur le marche du tra-

vail et limite de ce fait leur horizon professionnel (R. Hammoud).

Dans le Pacifique Sud, les établissements secondaires sont en général mixtes mais les

études y sont encore différenciées, les filles optant pour les lettres et économie ménagère et les

garçons pour les sciences, le commerce et la technologie. Naguère, les bourses d’Etat attri-

buées pour des études postscolaires à l’étranger permettaient aux jeunes gens de fréquenter

des écoles prestigieuses outre-mer, principalement de médecine, tandis que les jeunes filles

réussissant brillamment étaient dirigées vers des écoles normales moins prestigieuses. Bien

que cette politique ne soit plus en vigueur, ses ramifications sont encore évidentes avec la

concentration des professionnelles du Pacifique Sud dans un éventail relativement limite de

métiers traditionnellement féminins (K. H. Thaman et S. Pillay).

Il est intéressant de noter que la discrimination sexiste n’est pas l’apanage des

pays en développement. Bien que le monde industrialise ait joui au cours du siècle d’un

enseignement primaire très répandu et d’une éducation secondaire relativement répandue,

il n’existe pas égalité des droits pour les filles. Les mêmes problèmes surgissent en

Amérique du Nord et en Europe, notamment en ce qui concerne l’orientation des filles vers

les filières traditionnelles, la sous-représentation dans les sciences et mathématiques, les

préjugés sur leurs capacités et leurs rôles futurs et la répartition inégale des ressources

(S. Featherman). La découverte de cette réalité est souvent surprenante pour les femmes

d’Afrique et du Pacifique Sud. En dépit années de promotion active de politiques égalité

des droits par les gouvernements, les femmes sont encore concentrées dans des do-

maines études et des professions traditionnellement féminins et sont sous

15

représentées dans les sciences et technologies comme dans la recherche et les études de haut

niveau. De nombreux pays ont introduit à l’école des programmes pour promouvoir égalité, sou-

tenus par des formations approfondies visant à stimuler le changement dans les schémas de la

participation féminine.

Lorsque les jeunes filles réussissent à briser le moule traditionnel et à progresser versl’enseignement supérieur, c’est que souvent elles ont été aidées par des mesures financièresinitiatives. Ce point est intéressant puisque, comme nous l’avons note plus haut, les filles dessociétés rurales sont fréquemment forcées d’abandonner l’école du fait de leur capacité à contri-buer au revenu familial. Konai H. Thaman et Sarojini Pillay constatent que les professionnellesde leur entourage avaient de plus grandes chances quand elles étaient les aînées des enfantset devaient assumer dans la pratique le rôle de soutien dévolu normalement au fils aine. Il en vade même en Inde ou les impératifs économiques ont supprime les résistances quant à l’entréedes femmes dans des emplois rémunérés (S. Chitnis).

L’Accès à l’enseignement supérieur

Suite à la tendance observée aux niveaux primaire et secondaire, les possibilités de participa-tion des femmes à l’enseignement supérieur se sont accrues dans le monde entier. Les infor-mations contenues dans les études sont présentées sous des formes qui ne permettent pas uneanalyse comparative détaillée, mais les points suivants sont significatifs :

• Dans les Etats arabes, les effectifs féminins de l’enseignement supérieur ont plus quedouble entre 1975 et 1988 et 35% des étudiants sont des femmes. Mais ces chiffres sontplus favorables que ne l’est la situation car beaucoup d’hommes étudient à l’étranger. Onconstate une répartition inégale dans l’ensemble des disciplines/ avec peu de femmesdans des domaines non traditionnels, tels l’ingénierie. Nombre d’entre elles exercent desprofessions qui sont considérées comme des prolongements de leurs rôles naturelsd’épouse et de mère, par exemple l’enseignement (qui est particulièrement appréciéparce qu’il garantit une séparation des sexes sur le lieu de travail), le métier d’infirmièreet les emplois de bureau. Rafica Hammoud fait remarquer que les besoins en ressourceshumaines de la rËgion ne sont pas remplis par ses politiques en matière d ‘admission àl’enseignement supérieur.

• Le système d’enseignement supérieur en Inde est massif et structurellement diversifieavec 4,3 millions étudiants dans 196 institutions de rang universitaire. Système colonia-liste britannique à la base, il a connu une expansion majeure depuis l’indépendance, quià généralement élargi l’accès à l’éducation. L’entrée des femmes dans l’enseignementsupérieur et l’emploi se fit par le biais des métiers à vocation sociale -l’enseignement etles professions de santé- vers la fin du siècle dernier, un résultat du pour une grande partà l’action des réformateurs sociaux pour améliorer le sort des veuves et autres femmesmarginalisées . Gandhi souligna certes l’importance

16

de l’éducation pour les femmes mais ne fit pas grand chose pour faire évoluer des com-portements sociaux profondément ancres. L’opinion persistante que les femmes nedevaient pas s’abaisser à accepter un emploi rémunéré fut en Inde un obstacle à l’édu-cation féminine. Les ”exceptions audacieuses”, qui exerçaient une profession pour seréaliser personnellement, ne se mariaient pas en général. à une époque plus récente, lesfacteurs économiques ont brise les résistances quant aux femmes travaillant pour aug-menter le revenu familial et, aujourd’hui, les femmes sont bien représentées dans denombreux secteurs d’activité. Toutefois, l’accès à l’enseignement supérieur est souventlimite pour les filles vivant dans des régions rurales ou des villes ne possédant ni collègesni universités.

• L’Indonésie compte plus de femmes que d’hommes dans la tranche des 1929 ans maisl’enseignement supérieur accueille plus d’hommes que de femmes. Seule une femmesur quinze de cette tranche âge poursuit des études supérieures. Les taux de participa-tion féminins sont particulièrement bas dans les sciences et la technologie. MarianaSetiadarma fait remarquer que ceci réduit les possibilités d’emploi, limite l’efficacité desfemmes en tant que mères et pédagogues naturelles de la génération suivante et privéle pays de compétences dont il a fort besoin.

• A l’Université du Pacifique Sud, on recense trois fois plus d’hommes que de femmesdans l’ensemble des cours et quatre fois plus dans les études préparant à des diplômes.Konai H. Thaman et Sarojini Pillay indiquent que les femmes ne sont pas encouragéesà suivre des études postscolaires car leur rôle au sein de la famille est juge prééminent.II y à exception à la règle lorsque la femme doit contribuer à économie familiale. Jusqu’àla fondation de l’Université du Pacifique Sud, il fallait se rendre à l’étranger pour pouvoirétudier à l’ université et beaucoup de jeunes filles en étaient exclues car leurs parentsn’avaient ni les ressources ni la confiance nécessaires pour envoyer leurs fillesoutre-mer. Les politiques en matière de bourses orientaient les femmes vers l’enseigne-ment.

• Les données sur le Pérou fournies par Gladys Buzzio Zamora montrent l’explosion deseffectifs dans l’enseignement depuis les années 1940 ainsi que l’effet boule de neige dela participation accrue des filles dans le primaire et le secondaire, lesquelles ont afflueune génération plus tard dans l’enseignement supérieur. En 1981, un million de per-sonnes environ (soit 17% de la population) étaient inscrites dans l’enseignement supé-rieur. Les femmes représentaient 42% de ces effectifs mais beaucoup d’entre elles étu-diaient dans des collèges privés, qui n’ont pas le statut universitaire.

• Les Etats-Unis semblent au premier coup d’oeil avoir atteint la participation égaledes femmes et des hommes dans l’enseignement supérieur. D’ailleurs, depuis 1979,les femmes sont plus nombreuses que les hommes à s’inscrire dans les collègesuniversitaires. En 1989-90, elles étaient 58% à avoir obtenu le diplôme sanctionnantdeux années études et elles représentaient 53% de l’ensemble des titulaires d’unelicence ou d’une maîtrise. Pourtant

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les femmes réussissent moins bien dans les filières professionnelles et au niveau du

doctorat. Les raisons avancées sont les mêmes que celles empêchant une participation

totale dans d’autres pays : le mariage et la maternité, la priorité accordée à la carrière de

l’époux, le harcèlement sexuel et les préjugés sexistes.

• Dans les Caraïbes, la proportion des inscriptions féminines est passée de 32,9% en

1962-63 à 52,3% en 1985-86.

• En Finlande, un tiers environ des étudiants étaient des femmes à la fin des années 1930

mais les progrès furent lents jusque dans les années 1960 quand augmenta la deman-

de du marche du travail en personnel forme à l’université. L’expansion à favorise les

femmes. En 1990, une femme sur dix environ du groupe âge des 20-29 ans fréquentait

l’université. Les femmes ont maintenant pris l’avantage, titulaires qu’elles sont de plus

de la moitié des diplômes de licence et d’un tiers des diplômes postuniversitaires.

Toutefois, comme dans d’autres pays, elles ont tendance à prédominer dans les

sciences sociales et les lettres.

• Un tableau similaire se dessine en France, ou l’université a multiplié ses effectifs par cinq

en trente ans. L’enseignement supérieur accueille 15% des 18-25 ans dont la moitié sont

des femmes. Ces chiffres sont meilleurs qu’en Allemagne ou la participation féminine est

de l’ordre de 40%. Les hommes dominent dans les filières techniques, qui sont les plus

prometteuses de pouvoir et de revenus. Les femmes choisissent les disciplines littéraires

et évitent (sic) les secteurs scientifiques et techniques.

Cette vue d’ensemble de la participation féminine à l’enseignement supérieur montre

que les femmes profitent de l’expansion des possibilités d’éducation et que dans certains pays

(les Etats-Unis, le Canada, les Caraïbes, la Finlande et la France) elles ont égale ou dépasse

les hommes en termes de proportion des effectifs bruts. Cependant, la participation égale et

entière n’existe nulle part. Les obstacles culturels et économiques perdurent dans la plupart des

pays. Les attitudes, les valeurs et les stéréotypes culturels désavantagent les filles pour accé-

der à l’éducation formelle ou bénéficier du même éventail de possibilités qui sont offertes aux

garçons. Au niveau de l’enseignement supérieur, les femmes des pays industrialises comme des

nations en développement tendent à se regrouper dans des domaines études menant à des car-

rières traditionnellement féminines.

La sous-représentation des femmes dans les chasses gardées masculines des mathé-

matiques, de l’ingénierie et de la technologie est largement vue comme la conséquence des sté-

réotypes sexistes, qui conduisent à ne pas suffisamment encourager les filles souhaitant s’orien-

ter vers de telles professions. Dans les pays ou les politiques visant à promouvoir égalité sont

bien développées, la réponse a été de mettre en place des programmes de soutien spécifiques

fournissant des modelés à émuler, des conseillers et des tuteurs. C’est pourquoi il est décon-

certant de découvrir qu’en Finlande et en France, deux pays qui ont levé les obstacles à la par-

ticipation des femmes dans des domaines non traditionnels, les femmes sont

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encore sous-représentées de façon significative. Veronica Stolte-Heiskanen interprète ce fait

comme une auto-sélection plutôt que comme une discrimination consciente contre les femmes

optant pour des professions à dominante masculine. Michèle Gendreau-Massaloux considère

elle aussi qu’en évitant les sciences et la technologie les femmes opèrent une auto-sélection,

mais qui est déterminée socialement et non biologiquement -les jeunes filles s’adaptant aux

perspectives de carrière qui leur sont ouvertes.

Le fait que les femmes continuent de marquer une préférence pour les sciences sociales

et les lettres au détriment des sciences et de la technologie, en dépit de la suppression des obs-

tacles manifestes à leur participation, soulève la possibilité que nous avons affaire à une carac-

téristique du sexe féminin plutôt qu’a des stéréotypes culturels.

Dans le débat sur l’inné et l’acquis, la question revient souvent sur l’existence ou non de

différences dans le cerveau selon le sexe, qui expliqueraient les différences entre les sexes dans

le comportement cognitif. D. Kimura3 fait remarquer que les différences observées dans le choix

des disciplines et de l’activité professionnelle concordent avec les indices suggérant que les cer-

veaux masculins et féminins sont organises de façon très différente des les premiers stades de

la vie et que les différences dans le développement sont déterminées par des hormones

sexuelles. L’avantage évolutionniste qu’elle voit dans ces différences est lie au rôle différentiel

des hommes et des femmes dans les sociétés qui vivaient de la chasse et de la cueillette.

Si D. Kimura à raison, nous ne devrions pas alors escompter une représentation égale

des hommes et des femmes dans certaines professions exigeant un savoir-faire et des capaci-

tés très développes, qui sont lies à l’identité sexuelle. H. Green4 m’a fait remarquer que lors-

qu’une activité dépend d’un certain savoir-faire et de capacités hautement développées, seul un

pourcentage infime de la population globale sera en mesure de l’exercer. Dans ces circons-

tances, des différences de performance très peu importantes dans les sous-groupes de popula-

tion seront exagérément grossies. Par exemple, si la sélection pour l’ingénierie est fixée à un

niveau atteint par 1 % du sous-groupe masculin, une différence d’une simple moitié d’un écart-

type entre les moyennes des sous-groupes masculins et féminins se traduirait par un taux prévu

de 1 pour 5 entre les femmes et les hommes. Selon cette analyse, un effectif cible de 18% repré-

senterait un objectif raisonnable pour un programme en faveur de égalité en ingénierie. On pour-

rait raisonner de la même manière pour les professions traditionnellement féminines d’infirmiè-

re et d’enseignante du primaire.

Comme on pouvait s’y attendre, D. Kimura a été contestée. Les contre

3 Kimura, D. "Sex Différences in the Brain” in The Scientific American, septembre 1992, pp. 81-87.

4 Remarque faite par le professeur H. Green, Doyen de la Faculté ingéniérie à l’Université d’Adélaide

au cours d’une conversation privée.

19

arguments sur les facteurs politiques et économiques expliquant les faibles degrés de féminisa-

tion des domaines non traditionnels ne peuvent être dédaignés et il serait désastreux que notre

compréhension croissante des déterminants biologiques du comportement justifie un relâche-

ment des efforts pour remédier à la discrimination sexiste la ou elle existe.

Il est important pour faire des prévisions de cerner les facteurs sous-jacents aux faibles

taux de participation des femmes dans les sciences et la technologie. De nombreux auteurs s’in-

quiètent de l’exclusion, choisie ou forcée, des femmes des professions liées aux sciences et aux

techniques. Ceci ne peut être que préjudiciable à la poursuite du développement de leur pays.

Ce sont précisément ces secteurs qui souffrent d’un manque de personnel dans les pays en

développement comme dans les nations industrialisées. Les économies en rapide expansion de

l’Asie investissent des fonds considérables pour la formation de haut niveau dans les technolo-

gies avancées et pour le recrutement d’une main-d’oeuvre dotée de ce savoir-faire. Les gou-

vernements des pays européens et des Etats-Unis reconnaissent qu’ils ne peuvent moins faire

s’ils veulent rester compétitifs au niveau international.

Les femmes offrent un potentiel immense pour contribuer au capital des compétences de

leur pays et, en de nombreux endroits, elles forment une ressource malheureusement sous-uti-

lisée. II se peut que les gouvernements, qui réagissent lentement à la discrimination pesant sur

les femmes en matière d’éducation, soient influences par des arguments mettant en valeur les

bénéfices que retirerait leur pays dans son ensemble s’ils développaient le potentiel que repré-

sentent les femmes pour les ressources humaines.

II. LES OBSTACLES A LA PARTICIPATION DES FEMMES A LA GESTION DE L’ENSEI-

GNEMENT SUPERIEUR

Quelle est donc la place des femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur ? En l’ab-

sence de statistiques internationales détaillées, et avec des données nationales parfois très limi-

tées, j’ai tente de souligner quelques schémas dominants .

Pays après pays, nous découvrons que les femmes occupent moins de 50% des postes

académiques et administratifs dans les établissements d’enseignement supérieur. Ce sont dans

les postes académiques de rang inférieur et les postes administratifs de cadre moyen qu’elles

sont le mieux représentées, mais leur participation, par rapport aux hommes, décroît au fur et à

mesure qu’on monte dans la hiérarchie. La représentation varie de 10 à 20% environ dans les

postes de cadre moyen et de 0 à 10% pour les cadres supérieurs. Dans le système des comi-

tés, la situation est similaire, les femmes siégeant plutôt dans les comités de département et de

faculté que dans les conseils d’administration. Cette représentation féminine décroissante dans

les échelons supérieurs successifs à pour conséquence que les femmes de grade supérieur se

trouvent souvent isolées dans une hiérarchie dominée par les hommes.

20

Quelles peuvent bien être les raisons du nombre limite de femmes dans la gestion de

l’enseignement supérieur ? En général, les études administratives ne sont pas considérées

comme étant traditionnellement du domaine masculin comme peuvent l ‘être les sciences et l ‘

ingénierie . Et l’on pourrait penser que les capacités de recherche et d’analyse acquises dans

étude des lettres et des sciences sociales ou bien le sens social et relationnel ainsi que l’ intui-

tion dont la nature à soi-disant dote les femmes s’accordent parfaitement avec la planification

stratégique, la prise de décision et la gestion du personnel, qui sont de la responsabilité d’un

administrateur de haut rang. En politique, comme dans les secteurs privés et publics, les

femmes sont de plus en plus nombreuses à occuper des postes de décideur dans le monde

entier. Alors que les fonctions de direction dans l’enseignement supérieur restent majoritaire-

ment une chasse gardée masculine.

Les facteurs faisant obstacle à la participation féminine dans l’enseignement supérieur,cites par les auteurs, sont d’une uniformité troublante. En règle générale, ces facteurs sont lesmêmes que ceux empêchant l’accès total et égal des femmes à l’éducation. ils découlent fon-damentalement des perceptions culturelles sur le rôle des femmes qui s’insinuent non seule-ment dans les institutions au niveau du système mais influencent aussi les attitudes et les com-portements individuels des hommes et des femmes. Elles sont renforcées dans la famille et lesystème éducatif, dans les matériels pédagogiques, par les médias et au travail.

La voie menant à un poste de direction dans une université passe habituellement par uneexpérience de chef de département et de doyen. Chez les femmes, les facteurs qui interrompentcette progression naturelle sont :

L’accès limité à l’enseignement supérieur

Dans les paragraphes précédents nous avons vu qu’en dépit d’une participation accrue à l’en-seignement supérieur, les femmes n’y ont pas le même accès que les hommes, sauf enAmérique du Nord et en Europe. Leur sous-représentation parmi le personnel académique estle reflet de cet accès limite. Gladys Buzzio Zamora note que les femmes dans l’enseignementsupérieur doivent atteindre un nombre suffisant pour constituer un ”vivier” ou seront recrutéesles futures administratrices. Plusieurs autres auteurs reconnaissent que leur pays ne disposepas encore d’une telle pépinière de talents.

Les nominations et les pratiques de promotion discriminatoires

On ne peut escompter une augmentation du nombre de femmes dans les postes de gestion dehaut niveau quand elles sont si peu nombreuses, comparées aux hommes, dans les postes aca-démiques ou administratifs. Plusieurs auteurs font remarquer que malgré les difficultés rencon-trées par les femmes pour accéder à l’éducation, il existe des femmes tout à fait qualifiées pourenseigner à l’université mais qui néanmoins ne sont pas sélectionnées. Pour citer Gladys BuzzioZamora ”L’homme est préféré parce qu’il est un homme”. Les nominations et les pratiques

21

de promotion discriminatoires constituent des obstacles dans les institutions qui notant pas

adopte de politiques égalité des chances.

Les doubles responsabilités des rôles traditionnels et professionnels

Lorsque les femmes ont réussi à obtenir des postes académiques ou administratifs, elles doi-

vent souvent faire face à des barrières culturelles formées par leur propre opinion intériorisée

sur leur rôle et ce que les autres attendent d’elles. Cas après cas, les difficultés sont attribuées

à leur double responsabilité d’épouse/mère et de professionnelle. Parfois, le rôle traditionnel est

accepte sans remise en question, le rôle professionnel étant secondaire. Suma Chitnis consta-

te ainsi que de nombreuses enseignantes en Inde accordent la priorité à leurs responsabilités

familiales et sont attirées par une carrière universitaire en raison de son statut et de sa commo-

dité par rapport aux vacances scolaires. De même, Asmah Haji Omar note que les femmes des

universités de Malaisie, qui sont plutôt bien représentées au niveau des cadres moyens, sont

moins préoccupées que les hommes par leurs minces perspectives de promotion, considérant

que la famille est leur principale responsabilité. Mariana Setiadarma conseille aux profession-

nelles d’Indonésie de se rappeler que leur rôle d’épouse et de mère passe en premier. D’autres

auteurs reconnaissent toutefois le conflit existant. Grace Williams écrit qu’ il s’agit ”d ‘une tache

pénible et exigeante et virtuellement impossible à une femme ayant des enfants”. Indira

Pareil<h5 à montre que les professionnelles sont partout soumises à de fortes tensions dans

leurs tentatives de concilier rôle professionnel et rôle traditionnel .

L’attitude du conjoint

Pour de nombreuses femmes, la carrière dépend des bonnes dispositions de leur conjoint.

Grace Williams souligne qu’il est pratiquement impossible à une enseignante universitaire au

Nigeria de gérer cette double responsabilité sans le soutien de son mari. Dans les Etats arabes

et en Inde, les femmes doivent en général obtenir la permission de travailler du chef de famille.

Des indicateurs de systèmes de valeurs traditionnels sont encore perceptibles dans les pays

industrialises. En Amérique du Nord et en Europe, ou l’on s’attend à ce que la femme travaille,

la carrière de l’époux à en général la priorité. Sandra Featherman constate que les femmes

assument toujours le fardeau des responsabilités domestiques et planifient leur carrière par rap-

port à leur conjoint. De par ma propre expérience, ce schéma évolue, bien qu’avec une infinie

lenteur : un plus grand nombre de couples se partagent les taches domestiques et jonglent avec

leur carrière avec beaucoup d’ingéniosité, souvent au détriment des relations personnelles.

5 Parikh, Indira, à Report on Women Administrators : Administrative/Managerial Rôle Profile, Indian

Institute of Management, Ahmedabad, 1989.

22

Les interruptions de carrière

Les femmes progressent souvent de façon heurtée dans leur carrière en raison des maternités

et de l’éducation des enfants. Le manque de structures d’accueil des enfants appropriées et l’ab-

sence du droit au congé parental ont été des obstacles majeurs à la promotion des femmes dans

les pays industrialises. Jadis, ces problèmes étaient de moindre importance dans les sociétés

traditionnelles ou de larges réseaux familiaux et la présence d’une main-d’oeuvre féminine sans

formation offraient de nombreuses options à la garde des enfants. Cependant, les changements

technologiques survenus dans ces pays attirent les femmes sans qualification vers l’emploi

rémunéré, une situation qui crée de nouveaux besoins pour la garde de leurs propres enfants et

qui, simultanément, réduit la capacité de ces femmes à s’occuper des enfants de l’élite instrui-

te6.

Les difficultés pour faire de la recherche et obtenir une titularisation

Parmi les facteurs contribuant à la concentration des enseignantes dans les rangs inférieurs de

la hiérarchie académique, sont citées l’insuffisance des travaux de recherche qu’elles ont à leur

actif et la non titularisation. Dans des pays et des cultures aussi divers que la région arabe,

l’Afrique de l’Ouest, le Pacifique Sud et les Caraïbes, les femmes ont des difficultés pour pour-

suivre des études postuniversitaires à l’étranger. La situation s’améliore lorsque les universités

de ces pays accroissent leurs propres capacités de recherche et quand des mesures anti-

discriminatoires en faveur des femmes sont mises en place.

En Amérique du Nord et en Europe, les femmes ne parviennent pas facilement non plus

à faire état de travaux de recherche qui puissent concurrencer ceux des hommes. Une carrière

académique se construit durant ces années capitales qui suivent l’achèvement du premier cycle

universitaire. C’est pendant ces années que les femmes sont le plus susceptibles d’interrompre

leurs études en raison de maternités ou de responsabilités familiales. Beaucoup de femmes

essayent de faire face à cette situation en retardant leurs grossesses, ce qui repoussera égale-

ment les interruptions, ou en étudiant à temps partiel. Ni l’une ni l’autre de ces solutions ne sont

pleinement satisfaisantes pour se maintenir à un haut niveau de recherche.

Pour les administratrices, la voie est différente mais tout aussi ardue . Nombre d’entre

elles occupent des postes de cadre moyen mais n’évoluent pas vers des postes de cadre supé-

rieur. Elles aussi doivent interrompre leur carrière lors des maternités et sont soumises aux

impératifs prioritaires de la carrière de leur époux. Cependant, la lourde tache d’accumuler des

connaissances et de faire de la recherche leur est épargnée. En revanche, les postes de direc-

tion leur sont plutôt moins ouverts car les universités choisissent de préférence les candidats à

ces postes parmi le corps professoral.

6 Lefler, Harriet P. in L.L. Adler, Women In Cross-Cultural Perspective, Praeger, New York, 1991.

23

Les stéréotypes

Les notions stéréotypées sur les femmes constituent des obstacles majeurs. Le fait de s’affirmerest souvent interprète comme une agression. Dans certaines cultures, les femmes trouvent dif-ficile d’exercer leur autorité sur les hommes. Dans les sociétés industrielles avancées commedans celles du monde en développement, elles souffrent encore du mythe selon lequel lesfemmes sont trop émotives ou trop illogiques pour assumer de hautes responsabilités ou biensont plus faites pour les taches administratives courantes. Ce qui n’arrange rien, c’est que lesfemmes partagent souvent ces stéréotypes et acceptent sans esprit critique des rôles qui leslaissent marginalisées et avec des perspectives de carrière limitées

L’éloignement de la culture masculine

L’un des obstacles rencontres par les femmes est le fait qu’elles ne sont pas des hommes ! Elles

ne sont pas facilement acceptées dans les réseaux informels qui rapprochent les hommes et,

bien qu’elles possèdent souvent leurs propres réseaux communautaires féminins très efficaces,

ceux-ci ne peuvent favoriser leur avancement professionnel. Les femmes dans certaines cul-

tures trouvent qu’il est difficile voire impossible de fréquenter des hommes dans un cadre

semi-formel lie au travail. Dans toutes les cultures les femmes sont probablement peu à l’aise

face aux modes de communication et à l’humour masculins.

La résistance masculine aux femmes gestionnaires

Tout groupe tentant de modifier l’équilibre des forces existant se heurte à un problème insoluble,car ceux qui détiennent le pouvoir sont peu disposes à le céder à autrui. Ainsi les femmes trou-vent-elles qu’il ne leur suffit pas être aussi bonnes que les hommes et sont-elles forcées d’as-seoir leur crédibilité en étant meilleures qu’eux. Elles se sentent alors obligées d’adopter les tac-tiques des hommes très performants dans une culture caractérisée par la compétitivité, c’est-à-dire battre les hommes sur leur propre terrain.

L’absence de politiques et de législations garantissant la participation féminine

Certains auteurs ont constate que la situation des femmes s’est améliorée dans les pays ou deslois et des règlements permettent de mettre en place des structures de soutien organisation-nelles en faveur des femmes. Williams et Harvey citent parmi les obstacles à la promotion fémi-nine l’absence de structures et de politiques visant à combattre la discrimination ou à aider lesfemmes dans leurs multiples rôles d’épouse, de mère et de professionnelle.

24

Le ”plafond transparent”

Toutefois, même dans les pays ou existent de telles politiques et structures, les femmes notant

pas véritablement gagne la partie, comme le montrent les exemples des Etats-Unis, de la

Finlande et de la France. Selon certains auteurs, l’absence des femmes à la direction des insti-

tutions n’est qu’une question du temps nécessaire à l’application effective des politiques égalité

des chances aux échelons inférieurs et à la constitution d’un noyau de femmes compétentes.

Mais comme un nombre de plus en plus élevé de femmes capables restent bloquées en deuxiè-

me position ou à la direction établissements peu prestigieux, les craintes se précisent quant à la

présence d’autres facteurs. Ainsi le ”plafond transparent” ne serait pas tant la conséquence de

la relative nouveauté des politiques et pratiques égalité des chances qu’une indication qu’aux

plus hauts niveaux ces politiques sont rarement appliquées. C’est ainsi que même dans les ins-

titutions ou la sélection des candidats aux postes inférieurs s’effectue selon le principe du méri-

te, les fonctions les plus hautes, les plus prestigieuses peuvent être attribuées sur la base de

relations ”de confiance et d’affinité”, par népotisme ou clonage. Les femmes ne sont pas choi-

sies, non pas parce qu’elles ne satisfont pas aux critères d’emploi déclarés, mais parce qu’elles

ne satisfont pas, sans même parfois les reconnaître, aux critères caches qui déterminent le pro-

cessus de sélection. ”Nous avons besoin de quelqu’un qui s’intègre à l’équipe” ; ”c’est une tache

difficile” ; ”nous avons besoin de quelqu’un qui comprenne la culture” ; ”nous ne pouvons prendre

de risques avec quelqu’un qui à beaucoup bouge” ; ”nous avons besoin de quelqu’un que nous

connaissons et à qui nous faisons confiance” ; ”nous devons avoir quelqu’un qui s’investisse

totalement dans le travail”... autant de raisons qui peuvent être avancées pour ne pas nommer

une femme aux plus hautes responsabilités.

III. LES STRATEGIES

Comment s’attaquer aux facteurs défavorables qui s’accumulent contre les femmes tentant dejouer un rôle plus important dans la gestion de l’enseignement supérieur ? Quels sont les rôlesà émuler ? Quelles sont les stratégies susceptibles de fonctionner ? On trouvera un début deréponse ici même, dans le témoignage de ces femmes. Prises individuellement, leurs expé-riences sont rien moins qu’héroïques. Mais collectivement elles forment un ensemble de propo-sitions pour lutter contre des pratiques institutionnelles et des comportements culturels enra-cines qui, s’ils ne sont pas combattus, continueront à empêcher les femmes de donner toute leurmesure et de contribuer non seulement au développement de l’enseignement supérieur maisaussi de leur pays.

Un accès élargi à l’éducation

Il s’agit d’abord d’assurer un accès total et égal à l’enseignement. Bien que cettequestion n’entre pas dans le cadre de cette étude, tous les auteurs ont convenu quel’augmentation de l’éducation générale et l’alphabétisation universelle sont les condi-tions sine qua non des politiques éducatives de tous les pays. Toutefois, les

25

politiques seules, même appuyées par des lois, ne garantissent pas la scolarisation obligatoire.

C’est la que les bailleurs de fonds ont joue un rôle significatif dans l’amélioration des niveaux

d’alphabétisation et d’éducation dans les pays en développement, en subordonnant l’attribution

des ressources à l’adoption de principes égalité pour leur répartition. Il s’agit la d’une question

délicate dans la mesure ou les financements conditionnels représentent un nouvel impérialisme

pour les gouvernements des nations bénéficiaires de ces aides. Mais c’est un fait que les

femmes ont profite des mesures égalité imposées de l’extérieur.

L’impulsion majeure doit naître à l’intérieur de chaque pays par le biais de programmes,

qui donnent aux femmes le pouvoir d’oeuvrer au sein de leur propre communauté pour changer

les comportements sociaux, et en permettant, par l’enseignement à distance, de généraliser

l’éducation à l’échelle locale. L’exemple de tels programmes est fourni par un projet actuellement

mis en place en Afrique australe7. Soutenus par des financements extérieurs, des groupes de

femmes vont se réunir lors d’une série d’ateliers de trois jours sur une période de douze mois

pour tirer profit de expérience d’autres femmes, qui ont ailleurs réalisé avec succès des pro-

grammes destines à la communauté, et pour préparer leurs propres projets pilotes applicables

chez elles et portant sur des sujets varies, allant de la lutte contre la criminalité à la gestion de

petites entreprises. Les femmes qui occupent des postes de haut rang dans l’enseignement

supérieur des pays ou les femmes sont marginalisées pourront jouer un rôle de leadership dans

le développement de tels programmes soit en recherchant les actions à mener soit en tant que

conseils auprès de leur gouvernement.

L’amélioration de l’accès à l’enseignement supérieur nécessite un cadre législatif afin de

soutenir le changement dans les attitudes culturelles. Des mesures formelles en faveur de éga-

lité des sexes dans l’attribution des aides financières et des bourses se sont révélées efficaces

pour renforcer la participation féminine dans l’enseignement supérieur. L’introduction d’Etudes

sur la condition féminine à favorablement impulse la promotion des femmes dans des pays aussi

différents que l’lnde, les Caraïbes et les Etats-Unis.

L’examen des procédures de nomination et de promotion

Une bonne politique de gestion du personnel est nécessaire pour accroître le nombre des

femmes enseignantes et administratrices dans les institutions d’enseignement supérieur. Cet

aspect du problème est souvent controverse par les partisans comme par les adversaires des

femmes, tous s’opposant à la nomination de femmes-alibis. Mais c’est le principe du mérite qui

est au coeur du problème. Pays après pays, on nous à montre que lorsque les pratiques de

nomination et de promotion traditionnelles sont examinées à la loupe, il apparaît clairement que

les femmes sont écartées pour des raisons périphériques et qui notant aucun lien avec

7 Allen, Kari, ”Proposal for Community Based Development Program for Women in South Africa”, com-

munication personnelle.

26

leur aptitude à exercer un emploi donne. De même, il nous a été montre que la ou des procé-dures formelles sont adoptées, excluant les critères injustifiées du processus de sélection, lesfemmes ont plus de chances être choisies pour un poste quand elles le méritent. Ceci bénéficietout autant à l’établissement qu’aux femmes concernées.

La mise en place d’un cadre législatif et infrastructurel

Il n’existe pas de remède miracle pour assumer des rôles multiples. C.L. Bacchi8 fait remar-quer que les féministes occidentales ont éludé la question de ”qui fera le travail, pas seule-ment les travaux ménagers, qui maintiendra la cohésion du foyer et de la famille ?” Elle ne luiapporte pas de réponse pas plus que ne le font les auteurs de ces études. C’est en vérité surce point que les différences apparaissent les plus marquantes. On trouve d’une part le groupedes femmes qui ont sacrifie leur rôle d’épouse et de mère à leur carrière. Un autre groupe sedémène entre les obligations concurrentielles du foyer et de la carrière, accordant la priorité àl’un aux dépens de l’autre. Enfin, certaines tentent de tout assumer, être des professionnellesaccomplies et des épouses et mères parfaites. Nous avons la le modèle de la ”superwoman”des années 1960 et 1970 du monde occidental. Vingt ans plus tard, nous constatons que bonnombre de femmes, qui s’essayèrent à le faire sans bénéficier d’un soutien infrastructurel etface à une forte opposition des institutions et de la famille, ont découvert qu’elles y avaientlaisse quelque chose : la santé, les liens personnels ou l’emploi lui-même. Selon IndiraParikh9, pour supprimer les tensions entre vies privée et professionnelle, il faut que ce doublerôle soit accepte à la fois par l’organisation et par la famille.

Un cadre législatif et infrastructurel est l’expression tangible de la reconnaissance au niveaude l’établissement et peut, sans aucun doute, faire une grande différence dans la capacité desfemmes à gérer des rôles multiples. Gwen Williams souligne l’importance de dispositions adé-quates en faveur des congés de maternité, des garderies d’enfants et des allocations de trans-port. Des organismes spéciaux charges des questions féminines se sont aussi avérés effi-caces pour faire évoluer des préjugés sexistes profondément ancres dans les mentalités.

Le changement des règles, puis des attitudes

Au vu de l’opposition qui se manifeste, certaines doutent que l’on puisse introduire de tellespolitiques et plaident pour une évolution préalable des comportements. Expérience montre quesi nous attendons que les attitudes évoluent, nous pourrions bien ne jamais parvenir à chan-ger les règles. Si nous réussissions

8 Bacchi, C.L. Same Différence : Feminism and Sexual Différence, Allen & Unwin, Sydney, 1 990.

9 Parikh, Indira, ”A Report on Women Administrators : Administrative/Managerial Rôle Profile”, Indian

Institute of Management, Ahmedabad, 1989.

27

toutefois à modifier seulement les règles, les attitudes se mettraient doucement au pli.

Cependant l’effort à fournir ne doit pas être sous-estime. Imaginons un tout petit navire remor-

quant un immense paquebot : si le courant que doit remonter le remorqueur est trop fort, le

cordage lâchera et paquebot et remorqueur se retrouveront en bien mauvaise posture.

Les changements d’attitude nécessitent une action sur un vaste front. à l’ intérieur de l’ institu-

tion , il faut mettre en place des politiques portant, par exemple, sur égalité des chances, le

harcèlement sexuel et les besoins spécifiques des femmes en matière d’emploi, de santé et

de sécurité. Dans la communauté en général, le sexisme véhicule par les médias doit être

aborde.

L’introduction de programmes spéciaux pour les femmes

Plusieurs auteurs accordent une grande valeur à la constitution de réseaux par les femmes ou

celles-ci puissent s’épauler et identifier des modelés à émuler et des guides. Quelques-unes

d’entre elles pensent que les femmes doivent être formées à la gestion de la même manière

que les hommes, mais d’autres estiment que les facteurs affectifs limitant les femmes ainsi

que les formes spéciales de discrimination qu’elles subissent ne pourront être traites que dans

des programmes leur étant spécialement destines. Il faut des programmes de formation spé-

cieux pour donner aux femmes les moyens de maîtriser les aspects techniques d’un travail.

Des programmes de mesures anti-discriminatoires encourageant les femmes à étudier dans

des domaines non traditionnels et à suivre des formations en recherche ont aussi prouve leur

efficacité.

Les formations au leadership ainsi que les séminaires et les ateliers spécifiques nous sont pro-

poses comme des stratégies propres à préparer les femmes aux plus hautes responsabilités

administratives. Un élément important d’un programme spécial est la possibilité qu’il offre

d’une metanoia, une modification de état d’esprit au niveau de l’inconscient. Seul un change-

ment profond à ce niveau-là aura un impact durable sur la manière dont les femmes se perçoi-

vent et les convaincra de leur capacité à être d’excellents leaders. II faut qu’elles se sentent

vice-chancelier pour devenir vice-chancelier.

Le soutien institutionnel et gouvernemental

Tout pays qui envisage sérieusement d’utiliser entièrement tout son potentiel en ressources

humaines ne peut se décharger de cette tache sur le petit nombre de femmes en position de

leadership. Cela équivaudrait à tenter de réaliser des changements majeurs dans la politique

sociale, comme l’antiracisme, par des programmes pour écoliers. Des programmes spéciaux

pour les femmes sont nécessaires mais ils devraient être soutenus au niveau du gouverne-

ment et des institutions par une législation et des règlements anti-discriminatoires. Certaines

organisations subordonnent l’attribution de fonds d’aide au développement institutionnel à un

tel engagement.

28

Des organismes spéciaux charges des questions féminines se sont aussi avérés effi-

caces pour faire évoluer des préjugés sexistes profondément ancres dans les mentalités.

IV. UN MODE DE GESTION FEMININ

En conclusion de ce chapitre introductif, nous nous demanderons Si les femmes ont une

contribution distincte à faire à la gestion. Les études présentées suggèrent-elles que les

femmes ont un mode de gestion diffèrent de celui des hommes ? Cette question est intéres-

sante tant pour la gestion que pour le féminisme.

Une grande partie de la littérature féministe occidentale tourne autour de deux

concepts opposes : d’une part, le modèle qui se prononce pour la similitude entre femmes et

hommes et, d’autre part, le modèle qui suppose que les femmes sont les égales des hommes

tout en étant différentes. Les auteurs des articles hésitent entre les deux modelés, soulignant

leur similitude avec les hommes en ce qui concerne leurs compétences dans la gestion de

haut niveau et leur aspiration à se réaliser, tout en revendiquant des qualités féminines addi-

tionnelles.

Par exemple, Suma Chitnis reflète le modèle de la similitude dans la mesure où elle ne

voit pas de différences liées au sexe dans les styles de gestion. Mais, pour elle, les femmes

gestionnaires ont un rôle distinct à jouer pour favoriser l’épanouissement d’autres femmes.

Ainsi, les directrices de collège féminin et les dirigeantes d’université peuvent-elles en puis-

sance faire beaucoup pour dissiper les préjugés pesant sur les femmes dans les professions

non traditionnelles, et pour donner puis de moyens à leurs étudiantes, en leur faisant connaître

leurs droits sociaux et politiques, en élargissant leur horizon, en leur montrant la possibilité

qu’elles ont de poursuivre une double carrière et de réussir à la fois par leur travail au service

de la société et en tant qu’épouse et mère.

Suma Chitnis est elle-même un exemple parfait de la tendance qu’ont les femmes à

être davantage motivées par un engagement 8 un idéal sous-jacent que par la recherche du

pouvoir et du statut lies à une position. Si bien que malgré Son soutien au modèle androgène,

son style de gestion est très diffèrent de celui de ses homologues masculins.

D’autres auteurs admettent ouvertement l’existence de caractéristiques féminines. Par

exemple, le conseil de Grace Williams à la femme aspirant à Un poste de cadre supérieur est

d’éviter de réagir avec émotivité aux situations de crise, ”d’exprimer son hostilité avec tact” et

de ne se ”laisser dominer et guider que par son jugement, son initiative, sa persévérance, sa

détermination, son intégrité et sa prévoyance”. Pour elle, ce sont la des qualités plus féminines

que masculines. Mais la femme doit aussi maîtriser des qualités masculines, donc faire

10 Bacchi, C.L., Same Différence : Feminism and Sexual Différence, Allen & Unwin, Sydney, 1990

29

preuve de perspicacité, de précision et de fermeté dans la prise de décision, tout en étant dis-

ponible, maternelle et sympathique. Cette dualité n’est pas exigée des hommes .

De nombreuses références sont faites aux qualités spécifiques de la femme gestionnai-

re dans le domaine du jugement intuitif et du sens relationnel. Les femmes seraient plus

habiles pour résoudre les conflits, plus concernées que les hommes par les relations

humaines, plus positives, bienveillantes et sensibles aux autres. Konai H. Thaman et Sarojini

Pillay vont le plus loin en affirmant hardiment que les femmes gestionnaires apportent une

contribution spéciale. Elles estiment que les universités ne peuvent se permettre d ‘ ignorer la

force des administratrices . Les institutions doivent avoir à coeur de comprendre les relations

humaines et les femmes y réussissent sans doute mieux parce que la se trouve la source de

leur force morale. L’éthique sociale et le lien entre responsabilités et relations humaines doi-

vent être reconnus, disent-elles, sinon la voie est ouverte à l’agression et à la violence .

La thèse de Konai H. Thaman et Sarojini Pillay trouve un appui dans la littérature de

gestion récente, qui tend à défendre un style de gestion positif, dont l’essence est une analyse

soigneuse des situations au niveau du système, s’opposant à une approche orientée sur la

recherche des problèmes et la répartition des blâmes”. Autre thèse, celle qui considère

qu’après plus d’une décennie de restructuration et de compression impitoyables, les entre-

prises ont besoin de gestionnaires qui sachent panser les plaies, gagner les coeurs et les

esprits afin de reconstituer des équipes de travail brisées 12. Pour en parler, j’emprunte une

métaphore à l’écologie. Nous avons besoin d’une gestion durable si nous voulons combattre

l’exploitation à outrance qu’ont subie les organisations des années durant, avec une demande

toujours croissante pour une productivité accrue face à une constante diminution des res-

sources. Le temps est venu de fertiliser ce terrain en améliorant les pratiques de gestion du

personnel. Les qualités caractérisant les administratrices sont précisément ce dont nous avons

besoin.

Cette thèse pose un problème, car prôner les qualités sociales et éducatives particu-

liers de la gestion féminine risque de conforter ce que Williams et Harvey nomment ”le mythe

de la domesticité”. Nombre d’enseignantes ont découvert que leur aptitude supérieure à aider

les étudiants les ont confinées dans des postes académiques de rang inférieur. Des adminis-

tratrices en pâtissent également, les taches d’entretien routinières leur étant imposées car

elles les acceptent consciencieusement. En bref, si l’on défend en ces termes uniquement la

contribution spéciale des femmes à la gestion, on les expose à la reconnaissance condescen-

dante de leurs qualités spécifiques au lieu de favoriser leur avancement vers des postes de

direction.

11 Senge, P.M., The Fifth Dlscipilne : The Art & Practice of the Learning Organisation, Currency

Doubleday, New York,1990.

12 Killinger, B., Workaholics : The Respectable Addicts, Simon & Schuster, Sydney,1991.

30

La source du problème se trouve dans l’interprétation relativement étroite et ambivalen-

te du féminin, fréquente dans les institutions conservatrices. Welch 13, cherchant à expliquer

l’absence des femmes dans des postes de leadership au sein de cette autre institution conser-

vatrice qu’est l’Eglise, se réfère à la distinction établie par Neumann entre un féminin conser-

vateur et élémentaire, qui donne naissance, nourrit et entoure, et un féminin dynamique, trans -

formateur, qui s’oriente vers le mouvement et le changement. Le féminin élémentaire nourrit,

soutient et n’exige que de la loyauté. Quant au féminin transformateur, il requiert relations

humaines, risques et croissance. Selon Welch, l’Eglise s’est seulement accommodée du pre-

mier mais est restée très circonspecte face au second. On pourrait dire la même chose des

universités.

C’est le féminin transformateur qui est révélé dans les pages de ce livre, particulière-

ment par la voix des femmes du monde en développement, qui ont réussi en dépit de bar-

rières insurmontables. Ces femmes éminentes ne sont en aucun cas des éducatrices pas-

sives, se limitant à un rôle de soutien. Elles prennent des risques et sont des agents du chan-

gement orientes vers la croissance, qui voient l’avenir aux mains de femmes qui leur ressem-

blent. Ecoutez ce qu’elles ont à dire :

”Si depuis des siècles les femmes du Pérou jouent leur rôle de femme et de mère avec

dignité et dévouement, demain ... elles se montreront capables d’apporter une contribu-

tion insoupçonnée et inestimable ... Rien ni personne ne les arrêtera.”

”(Accès à l’éducation) est du aux femmes elles-mêmes, qui sont stimulées par des

femmes remarquables comme Kartini, symbole de l’émancipation des femmes indoné-

siennes.”

”A chaque étape, la femme doit faire face à des problèmes féminins et biologiques aux-

quels elle doit s’attaquer avec toute son énergie si elle veut parvenir au sommet... Elle

doit fournir deux fois plus de travail que ses collègues masculins et faire face à des oppo-

sitions plus fortes.”

”(Les femmes gestionnaires) ont la possibilité d’influencer l’avenir de plusieurs milliers

de femmes ... en vérité c’est la une contribution très spécifique. ”

Voila ce que nous offre cet ouvrage. Les femmes dynamiques, transformatrices, qui se sont

révélées au fil de ces pages, ont bien plus encore à offrir : à leur université, un nouveau

modèle de leadership ; à leur pays, un moyen de libérer le potentiel en ressources humaines

que représentent les femmes ; et aux femmes d’ou qu’elles soient, elles offrent un modèle de

femmes, différentes des hommes, mais cependant partenaires égales dans la tache de

construire l’avenir.

13 Welch, Spiritual Pilgrims, Paulist/Ramsey, New York,1982.

31

BAHREIN

LE ROLE DES FEMMES DANS LA GESTION DE L’ ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

DANS LES ETATS ARABES

Rafica S. Hammoud

Préambule

D’emblée, il convient de faire quelques observations qui tracent le cadre de notre analyse :

La situation des femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur ne peut être abor-

dée indépendamment de la situation générale des femmes dans la société et des objectifs géné-

raux du développement économique et social.

Le statut de la femme dans les Etats arabes a été favorablement influence par l’intérêt

dont la condition féminine fait l’objet au plan international et par l’action internationale en faveur

des femmes.

La condition féminine varie grandement, dans les divers Etats arabes, en fonction du

développement social et économique de chaque pays, des différences qui tiennent à la classe

socio-économique à laquelle appartient la femme et à son cadre de vie, selon qu’il est urbain ou

rural. Toutefois, les Etats arabes présentent d’importantes similitudes et l’on peut considérer les

femmes arabes comme un ensemble unitaire pour les raisons suivantes :

- premièrement, les codes juridiques qui fixent le statut des personnes dans les différents

Etats sont, sinon régis par la loi islamique, du moins soumis à son influence sous-jacen-

te ;

- deuxièmement, les sociétés arabes ont une langue, une culture et des traditions com-

munes, qui déterminent ce que la société attend des femmes.

La présente étude devant traiter des ”femmes” dans la gestion de ”L’enseignement supé-

rieur”, il est nécessaire de commencer par brosser un tableau général de la situation des

femmes et de celle de l’enseignement supérieur dans la région .

L’intérêt suscite au plan international par le statut de la femme

Le développement, en tant que processus global, nécessite la participation eff e c t i v e

de toutes les ressources humaines. Les femmes représentant la moitié de la

33

population active, elles devraient être des agents à part entière du processus à égalité avec les

hommes. Pour bénéficier des droits de toute personne humaine, elles devraient pouvoir, au

même titre que les hommes, participer à tous les domaines de la vie politique, économique et

sociale de leur pays, en particulier au processus de prise des décisions.

Les femmes ayant, cependant, partout un statut inférieur à celui des hommes, elles sont

devenues l’objet d’un certain nombre de programmes internationaux et de conférences visant à

les intégrer au processus de développement en qualité de partenaires à égal des hommes. En

1972, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies à proclame que 1975 serait

l’année internationale de la femme afin de mettre en lumière les problèmes des femmes et d’in-

tensifier l’action tendant vers l’instauration du statut égalité et la garantie de leur pleine intégra-

tion à l’ensemble de l’effort de développement.

En 1975, à l’issue de la Conférence mondiale de l’Année internationale de la femme, à

Mexico, l’Assemblée générale à proclame la décennie 1976-1985 Décennie des Nations Unies

pour la femme. Pour que les buts et les objectifs de la décennie soient atteints, il fallait que la

société tout entière assume cette responsabilité et que les femmes jouent un rôle central en tant

qu’intellectuelles, responsables des politiques et des décisions, planificatrices, agents et bénéfi-

ciaires du développement. En 1980, l’Assemblée générale à souligne l’importance de la partici-

pation des femmes au processus de développement et demande instamment que des mesures

appropriées soient prises pour provoquer de profonds changements sociaux et économiques et

éliminer les déséquilibres structurels qui perpétuent la condition d’infériorité des femmes dans la

société. En 1985, la Conférence des Nations Unies de Nairobi à formule les ”Stratégies pros-

pectives d’action pour la promotion de la femme d’ici à l’an 2000” qui proposent des mesures

devant permettre de surmonter les obstacles au progrès des femmes. L’UNESCO, lors de la

Conférence générale de 1989 et dans son Plan à moyen terme pour 1990-1995, souligne les

priorités suivantes : améliorer le statut de la femme, réduire le taux d’analphabétisme en parti-

culier parmi les femmes, élever le taux de scolarisation des filles et augmenter la participation

des femmes à l’enseignement supérieur en tant étudiantes et en tant que membres du corps

enseignant et du personnel administratif.

Quel à donc été l’ impact de toutes ces dispositions sur le statut de la femme arabe ?

Le statut de la femme dans les Etats arabes

Principales réalisations

Dans les Etats arabes, la Décennie de la femme à eu pour principale répercussion

une prise de conscience des questions liées à la condition féminine. La plupart des

Etats ont publiquement entrepris intégrer les femmes au processus de développe-

ment. ils ont crée spécialement à cet effet des unités et des comités

34

administratifs, et fait établir des plans. Beaucoup de conférences et de séminaires ont été orga-

nises et, dans certaines régions, la condition féminine à connu des améliorations. Des possibili-

tés nouvelles ont été ouvertes aux femmes et il leur a été permis de jouer un rôle plus actif dans

la vie de leur société.

Ainsi, au cours des deux dernières décennies, il y à eu une nette amélioration de l’accès

du sexe féminin à l’éducation, et cela à tous les niveaux. La part des effectifs féminins dans l’en-

semble des effectifs est passée de 37% en 1975 à 42% en 1988, avec toutefois de grandes dif-

férences entre les pays (par exemple, en 1988, la proportion représente par les effectifs fémi-

nins était inférieure à 25% en Mauritanie et supérieure à 50% à Bahreïn, au Koweït, à Qatar et

dans les Emirats arabes unis).

Par ailleurs, le taux d’analphabétisme chez les femmes (de 15 ans et plus) de la région

à diminue, passant de 85,6% en 1970 à 70,4% en 1985 et à 62% en 1990, et il tombera à 49,4%

en l’an 2000, la encore avec de nettes différences entre les Etats (par exemple en 1990, le taux

était d’environ 30,7% à Bahreïn, de 66,2% en Egypte et de 88,3% au Soudan).

Cette augmentation des possibilités d’accès à l’éducation ainsi que les mutations

sociales et économiques et le processus global de modernisation ont aide les femmes arabes à

participer davantage au travail du secteur productif.

A cet égard, les gouvernements les plus détermines à faire participer les femmes à l’ac-

tivité du secteur non traditionnel ont sans doute été ceux de l’Irak et de l’ancienne République

démocratique du Yémen. En Irak, les chasses gardées masculines qu’étaient naguère les pro-

fessions d’ingénieur et d’architecte ont été envahies par les femmes et, dans certains Etats

arabes, plusieurs femmes se sont hissées à des postes de haute responsabilité, comme ceux

de ministre, de sous-secrétaire d’état et de doyen d’un collège universitaire.

Principaux problèmes

Cependant, malgré les progrès enregistres au cours des dernières décennies et le fait qu’il exis-

te à présent des règles garantissant égalité des droits des deux sexes à l’éducation et à l’em-

ploi, la situation réelle des femmes n’est pas la même que celle des hommes et bon nombre

études s’accordent, semble-t-il, à reconnaître explicitement ou implicitement que les femmes de

la région continuent être confrontées à bien des problèmes et des défis et qu’elles ont encore

un statut de deuxième ordre, inférieur à celui des hommes.

Cette inégalité se rencontre dans les domaines juridique, social et politique et

se traduit de diverses manières dans la vie des femmes de classes sociales ou de

niveaux d’éducation dif f é r e n t s ; elle limite l’accès des femmes à l’éducation et à l’em-

ploi ainsi que leur intégration effective au processus de prise des décisions.

35

En matière d’éducation, par exemple, huit Etats arabes n’ont pas encore promulgue deloi rendant l’éducation obligatoire. Dans quelques autres, la loi existe mais n’est pas entièrementappliquée.

En 1988, près d’un quart des enfants arabes âges de 6 à 11 ans n’allaient pas à l’éco-

le ; pour les filles,-}a situation est plus grave : leur taux de scolarisation est inférieur à celui des

garçons et, jusqu’en 1988, elles continuaient être sous-représentées à tous les niveaux de l’en-

seignement, avec 43%, 41 % et 35% respectivement aux premier, deuxième et troisième degrés,

taux moyens recouvrant des différences d’un pays à l’autre. Si la situation ne change pas, un

cinquième des filles âgées de 6 à 11 ans ne seront toujours pas scolarisées en l’an 2000. En

outre, le taux d’analphabétisme de la population féminine de la région est sensiblement plus

élève que celui de la population masculine ; comme on l’a vu, ce chiffre (62% en 1990) est enco-

re très élève et, si aucun effort sérieux n’est fait pour remédier à la situation, environ 50% des

femmes adultes seront encore analphabètes en l’an 2000.

D’autre part, le fait que les filles soient autorisées à s’inscrire à l’école ne signifie pas queégalité d’accès à l’éducation leur soit garantie. Dans certains pays, les programmes scolaires nesont pas les mêmes pour les deux sexes et, vu le rapport déterminant entre l’éducation et l’em-ploi, il est clair que ces programmes ne préparent pas les femmes à jouer le même rôle que leshommes. En Arabie saoudite, par exemple, les filles ont un programme de mathématiques et desciences plus léger que celui des garçons et elles ne sont pas autorisées à suivre des coursd’éducation physique.

Une stricte séparation des sexes est la loi dans les classes à tous les niveaux de l’en-seignement, et seules des femmes enseignent aux jeunes filles, sauf dans les quelques cas oudes professeurs masculins donnent des cours et répondent à des questions par télévision en cir-cuit ferme et par téléphone.

Dans les divers pays, l’enseignement ménager n’est dispense qu’aux filles. Dans l’en-seignement supérieur, même la ou a été instaure un enseignement mixte, filles et garçons sontrepartis différemment (nous le verrons) au sein des établissements .

De plus, la formation professionnelle des femmes ne fait pas l’objet d’un effort suffisantpour produire la main-d’oeuvre qualifiée dont on à besoin ; quant aux formations qui existent,elles sont axées sur des domaines traditionnels.

D’autre part, les taux de participation des femmes à la main-d’oeuvre rémunérée sontencore très bas : de 10 à 15% de l’ensemble de la main-d’oeuvre ; ils figurent parmi les plusfaibles du monde (37,4% aux Etats-Unis d’Amérique, 43,6% en Europe de l’Est) et l’OIT prévoitque ces taux se situeront encore autour de 11 % en l’an 2000, avec toutefois certaines diffé-rences entre les Etats arabes. Le progrès en matière d’éducation ne s’est donc pas nécessaire-ment accompagne d’une modification de la conception du rôle des femmes. Comme on peut lec o n s t a t e r, professions et rôles ne sont pas attribues aux hommes et aux femmes

36

sur un pied égalité, bien que la similitude de leurs droits et de leurs obligations soit désormais

reconnue. Il n’y a, par conséquent, que peu de femmes arabes qui ont embrasse des carrières

inhabituelles, comme la profession d’ingénieur ; nombreuses sont celles, en revanche, qui se

dirigent encore vers le domaine ”traditionnel” de l’enseignement, qui est perçu comme un pro-

longement naturel de leurs rôles d’épouse et de mère, et se prête à la séparation des sexes. Le

métier d’infirmière et les emplois de bureau drainent en outre un certain nombre de femmes.

Il n’y a pratiquement pas de femmes occupant des postes de planificateur ou de déci-

deur. Elles sont quelques-unes à siéger au parlement ou à faire partie du gouvernement dans

certains Etats arabes, alors qu’il y à des milliers de femmes qui ont reçu une éducation très

poussée. Beaucoup de femmes qui travaillent au dehors quittent leur emploi lorsqu’elles se

marient, en raison du manque d’équipements sociaux tels que jardins d’enfants, restaurants et

moyens de transports adéquats, et aussi faute de congés de maternité. Qui plus est. nombreux

sont les employeurs qui préfèrent ne pas employer de femmes parce qu’ils notant pas confian-

ce en leurs qualifications et craignent l’absentéisme. Aussi adoptent-ils une attitude discrimina-

toire à égard des mères qui travaillent. Dans la plupart des cas, une femme ne peut pas travailler

en dehors du foyer familial sans l’autorisation des hommes de la famille (père, frères ou mari, et

parfois même fils...). En Arabie saoudite, les femmes sont rarement autorisées à sortir sans être

accompagnées de leur mari ; elles sont presque toujours voilées et la ségrégation demeure une

constante bien réelle de leur existence.

De plus, bien que la législation du travail prévoie qu’a travail égal doit correspondre unsalaire égal pour les deux sexes, la pratique courante est encore tout autre. Ainsi dans bien descas, les salaires des femmes sont inférieurs à ceux des hommes, surtout dans le secteur privé.Elles bénéficient de moins de possibilités de formation et sont sous-représentées dans les syn-dicats.

L’enseignement supérieur dans les Etats arabes : tendances et problèmes

Au cours des dernières décennies, l’enseignement supérieur à pris nettement de l’extensiondans la région afin de répondre aux besoins en personnel qualifie dans divers domaines de spé-cialisation.

Il y a dans les Etats arabes quelque 83 universités, dont 23 créées depuis 1980, quidélivrent des diplômes de licence, ou l’équivalent, et au-delà (13 universités en Egypte, 8en Arabie saoudite, 5 en Jamahiriya arabe libyenne, en Algérie, en Palestine, en Irak, auMaroc et au Liban, 4 en République arabe syrienne et en Jordanie, 3 en Tunisie, 2 àBahreïn et au Yémen, une en Oman, au Qatar, dans les Emirats arabes unis, au Koweït,en Mauritanie, à Djibouti et en Somalie), et qui accueillent au total près de deux millionsétudiants, dont un demi-million environ poursuivent des études de maîtrise et de doctorat.II y à en outre de nombreux collèges universitaires et collèges communautaires (2 à 3 ansétudes au-delà du second degré). Il existe, bien évidemment, des différences parfois trèsgrandes entre ces diverses institutions, du point de vue tant de éventail des

37

branches études qu’elles offrent à leurs étudiants que des effectifs inscrits ; tout dépend du

degré de développement de l’Etat ou elles se situent et de la taille de sa population.

A ce propos, le taux brut d’effectifs universitaires féminins est passe de 4% en 1975 à

9% en 1988. Au Koweït, au Qatar et à Bahreïn, il y à plus étudiantes que étudiants. Cela s’ex-

plique en partie par le fort pourcentage d’hommes qui poursuivent des études à l’étranger, mais

c’est aussi la conséquence d’une augmentation bien réelle des possibilités offertes aux femmes.

En outre, les efforts déployés pour ouvrir des filières études dans toutes les spécialités (méde-

cine, sciences de l’ingénieur, sciences politiques, droit, agriculture, économie, etc.) se sont lar-

gement concrétisés. Les effectifs étudiantes inscrites dans ces disciplines ont plus que double,

voire triple.

Cependant, les effectifs masculins et féminins sont encore repartis de façon différente

entre les facultés et les filières.

A l’Université de Bahreïn, par exemple, en 1988-1989, les étudiantes représentaient

83,2% des effectifs de la faculté de pédagogie, 70,1% de ceux de 18 faculté des lettres et des

sciences, mais 30,6% seulement des effectifs de la faculté des sciences de l’ingénieur. à la facul-

té de gestion des entreprises, des statistiques détaillées montrent qu’il y avait 64,4% étudiantes

dans l’effectif total des études de secrétariat, mais 18,5% seulement dans l’effectif des études

de maîtrise et de doctorat.

Par ailleurs, en ce qui concerne les bourses études à l’étranger et les études universi-

taires supérieures, les femmes continuent de bénéficier de moins de possibilités que les

hommes.

De plus, l’enseignement supérieur à encore, dans les Etats arabes, de nombreux pro-

blèmes à résoudre. Par exemple, certaines branches de la science et de la technologie

modernes, comme les sciences intégrées ou étude des déserts, ne font toujours pas partie des

programmes. Les sciences sociales et les sciences humaines, disciplines ou l’investissement

nécessaire est moindre, se développent plus vite que la science et la technologie dont la région

à grand besoin.

En outre, les qualifications des diplômes ne correspondent pas à la demande sur le

marche de l’emploi et les universités accordent à la fonction d’enseignement une priorité dont

pâtit la recherche. C’est ainsi que la région manque de scientifiques, de technocrates, de cher-

cheurs et d’esprits novateurs. On peut donc dire que la politique d’admission des établissements

d’enseignement supérieur de la région ne répond pas aux impératifs du développement global

de la société. Il y à la une cause potentielle de chômage, réel ou masque, mais aussi de

désordres sociaux, ce qui réduit par la même le rôle de l’enseignement supérieur dans le déve-

loppement de la région.

38

Etude sur le terrain du rôle des femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur dans

les Etats arabes

Objectif de étude

Cette étude à pour principal objet d’examiner le statut des femmes qui exercent des fonctions

de gestion de niveau intermédiaire ou supérieur dans les établissements d’enseignement supé-

rieur de la région arabe, c’est-à-dire de déterminer le pourcentage de femmes occupant des

postes de responsabilité académiques ou administratifs, d’explorer, à travers un échantillon de

ces femmes, ce qu’elles perçoivent, sentent et pensent de leur expérience de gestionnaire, et

de déterminer quels sont les problèmes auxquels elles sont confrontées.

Instruments de collecte des données

Comme il n’existait pas de données relatives aux administrateurs de sexe féminin ni études uti-

lisables sur le sujet, il a fallu rassembler directement les informations sur le terrain.

A cet effet, on à élaboré un tableau devant servir à rassembler des renseignements

généraux sur les établissements étudiés (nom, secteur public ou privé, niveau des études, sexe

des étudiants et du personnel, etc.) et des données statistiques, par exemple le nombre

d’hommes et de femmes dans chacune des catégories suivantes : corps enseignant, directeurs

unités administratives (charges des questions relatives aux étudiants, des inscriptions, du per-

sonnel, de la bibliothèque, etc.), chefs de département universitaire, doyens de faculté, vice-pré-

sidents et présidents, membres du Conseil d’Administration.

De plus, un questionnaire a été établi pour recueillir, à partir d’un échantillon de femmes

exerçant des fonctions de gestion, des renseignements généraux sur leurs titres universitaires

et professionnels, leur situation de famille, la catégorie et le niveau de l’établissement d’ensei-

gnement supérieur ou elles travaillent, ainsi que leurs points de vue et leurs impressions sur les

facteurs ayant contribue à leur accession à une fonction de gestion, de même que des indica-

tions sur leurs principales attributions administratives. Les questions portaient également sur l ‘

influence de leurs responsabilités administratives sur leur vie de fa mille et réciproquement, le

degré d’acceptation de leur travail par leurs parents ou leur mari, leur participation au processus

de prise des décisions dans leur institution, leur expérience des rapports avec leurs supérieurs

et leurs subordonnes des deux sexes, leur sentiment sur la discrimination pouvant exister entre

les hommes et les femmes occupant des postes similaires, leurs démarches propres dans le

processus de prise des décisions. Il leur était demande, en outre, de donner leur avis sur les

possibilités offertes aux femmes dans le domaine de la gestion de l’enseignement supérieur, sur

les obstacles qui entravent leur accession à ce type de fonction, sur les stratégies et les moda-

lités permettant aux femmes de participer davantage à la gestion de l’enseignement supérieur,

sur leurs besoins éventuels de formation, etc. La plupart de ces questions étaient ”ouvertes”.

39

Elles étaient rédigées en arabe mais les réponses pouvaient être données en arabe, enfrançais ou en anglais.

Le questionnaire a été revu par deux femmes chefs de département dans une universi-

té afin de garantir qu’il couvrait bien les principaux domaines de gestion et de vérifier que les

questions étaient compréhensibles.

Emploi des instruments

Quarante-quatre enveloppes contenant chacune deux exemplaires du tableau statistique et cinqexemplaires du questionnaire ont été adressées en mars 1992 aux présidents d’université,doyens de faculté ou collège, chefs de département et dans certains cas à des collègues tra-vaillant dans des universités ou des collèges universitaires arabes de 16 Etats arabes afin derecueillir les données (15 enveloppes ont été envoyées en Egypte, 5 en République arabesyrienne, 3 en Jordanie, au Liban et dans les Emirats arabes unis, 2 à Bahreïn et au Koweït, uneen Algérie, en Irak, en Jamahiriya arabe libyenne, au Maroc, en Oman, au Qatar, au Soudan, enTunisie et au Yémen).

Une lettre d’accompagnement indiquait l’objectif de étude et les données qu’il s’agissaitd’obtenir.

Les réponses ayant été très longues à venir, des relances ont été faites par téléphone etune lettre de rappel a été adressée en mai 1992 à la plupart des intéressés .

Hélas, à fin juin 1992, les données reçues n’atteignaient pas le volume attendu et cer-taines étaient incomplètes. Certains collègues de la République arabe syrienne et d’Egypte affir-maient que les données statistiques requises étaient impossibles à obtenir, et ne pouvaient êtredonnées que par des canaux officiels ; en conséquence, ils ne renvoyèrent que quelques ques-tionnaires remplis. Je tiens à remercier ici tous les responsables et les collègues qui ont bienvoulu m’aider en rassemblant les données statistiques, en distribuant les questionnaires ou enles remplissant.

Principaux résultats obtenus

Les informations obtenues en réponse peuvent être résumées comme suit :

Institutions étudiées

Des informations d’ordre général et des données statistiques ont été reçues de17 universités et collèges universitaires, qui étaient tous des établissementspublics, appartenant à 9 Etats Arabes, dispensant un enseignement menant àla licence et au-delà (six d’entre eux offrent aussi des études de

40

niveau intermédiaire) ; huit de ces institutions sont ouvertes aux étudiants des deux

sexes et, dans neuf institutions, il y à une séparation entre les étudiants et les étudiantes,

le corps enseignant et le personnel administratif étant mixtes, comme le montre le

tableau 1 (voir les tableaux en annexe).

Possibilités d’accès à des postes d ‘enseignement et de gestion offertes aux femmes

Il ressort des données présentées au tableau 1 que les femmes sont sous-représentées

dans les fonctions tant d’enseignement que d’administration au sein des établissements

d’enseiqnement supérieur, et en particulier aux postes administratifs les plus élevés.

Plus précisément, dans les institutions concernées par la présente enquête, les femmes

constituent 15,5% de l’ensemble du personnel enseignant, 16,7% des directeurs admi-

nistratifs (gestion des étudiants, gestion du personnel, gestion administrative et financiè-

re, centre anglais ; bibliothèque, etc.), 16% des départements universitaires (principale-

ment en pédagogie, soins infirmiers, éducation physique), 5% du nombre des doyens de

collèges universitaires (de pédagogie et d’éducation physique seulement), tandis que les

fonctions les plus élevées (président et vice-président d’université et membres du

Conseil d’Administration) sont presque exclusivement exercées par des hommes.

Autrement dit, le degré de participation des femmes arabes à la gestion de l’enseigne-

ment supérieur est minime ; elles occupent principalement des postes de gestion de

niveau intermédiaire et sont absentes en haut de l’échelle. Ainsi, leur degré de partici-

pation au processus décisionnel demeure faible .

Caractéristiques des femmes qui ont répondu à l’enquête

Après annulation de six questionnaires mal remplis, échantillon pris en compte dans

cette étude se compose de 71 femmes occupant des postes de gestion dans l’ensei-

gnement supérieur, qui ont répondu au questionnaire. Elles appartiennent à dix Etats

arabes, travaillent dans vingt établissements d’enseignement supérieur, ouverts pour la

plupart aux deux sexes (voir tableaux 2 et 5). Parmi elles, 60,6% sont titulaires d’un doc-

torat, 15,5% d’une maîtrise et 21,1 % d’une licence ou d’un diplôme au moins équiva-

lent ; deux seulement n’ont que le baccalauréat : l’une d’elles exerce la fonction de direc-

trice de l ‘administration depuis 33 ans déj‡ . Elles n’ont guère reçu de formation en

matière de gestion puisque 16,9% seulement d’entre elles ont suivi de courts stages

administratifs (essentiellement celles qui ont un poste de direction administrative - voir

tableau 3).

Elles sont en majorité mariées (83,1 %) et ont un petit nombre d’enfants ou n’en ont pas (31 % sont sans enfant

et 43,6% ont un ou deux enfants - voir tableau 4). Elles travaillent toutes dans des établissements publics

41

nationaux : 66,2% dans des institutions ouvertes aux deux sexes et 33,8% dans des ins-

titutions réservées aux étudiantes, avec un personnel administratif et un corps ensei-

gnant des deux sexes. Ces femmes sont pour la plupart chefs de département universi-

taire (53,5%) Ou directrices d’une unité administrative (36,6%) et 9,9% seulement d’entre

elles sont doyennes de facultés ou collèges de pédagogie ou d’éducation physique (voir

tableau 5).

Les femmes qui ont répondu au questionnaire étaient pour la plupart âgées de plus de

30 ans à époque de leur nomination et avaient en majorité au moins deux ans d’ancien-

neté dans leur poste de gestion précèdent (par exemple, trois doyennes étaient aupara-

vant chefs de département ou occupaient un autre poste de direction - voir tableau 6).

Points de vue des personnes interrogées sur leur expérience en matière de gestion

En ce qui concerne les facteurs ayant contribue à leur nomination à un poste de gestion,

93% des personnes composant échantillon ont désigné leurs titres universitaire, 24%

environ ont ajoute une expérience antérieure et l’ancienneté, 47% ont fait état de quali-

tés personnelles (sens des responsabilités, goût du travail, conscience professionnelle,

patience, précision, indépendance de caractère, sens du dévouement à la tache, régu-

larité dans la qualité des performances, aptitude à la communication, etc.). Peu d’entre

elles ont fait état de raisons de famille ; elles sont deux à avoir précisé qu’elles étaient

des citoyennes qualifiées. De cela il ressort que la majorité des personnes qui ont répon-

du au questionnaire ont une bonne image elles-mêmes et ont probablement été nom-

mées à un poste de gestion en raison de leurs titres universitaires et de leurs qualités

personnelles remarquables .

Les principales attributions administratives des personnes interrogées sont celles qui

correspondent à leurs fonctions respectives ; par exemple, les doyennes sont respon-

sables de toutes les questions administratives et académiques dans leur faculté, pren-

nent part au processus de décision, rédigent des rapports, président le conseil de facul-

té, etc. ; les chefs de département établissent les horaires des cours, le budget de leur

département, etc. ; les directrices du service étudiants supervisent toutes les questions

ayant trait aux activités des étudiants, à leur santé, etc.

En ce qui concerne les effets des responsabilités liées à leur travail sur leur vie person-

nelle, familiale et sociale, la majorité des personnes interrogées estiment qu’elles ont

sacrifie d’autres aspects de leur existence à leur réussite professionnelle. De fait, 69%

environ déclarent qu’elles notant pas assez de temps à consacrer à leurs loisirs et à la

détente ; 21 % ajoutent que leur travail est une source de tension nerveuse, de fatigue

et d’anxiété ; 52% estiment que leur travail réduit le temps qu’elles peuvent consacrer à

leur famille ; 49% disent qu’il empiète sur leur vie sociale ; 25% environ

42

déclarent que leur travail n’a aucune incidence sur leur vie personnelle et leur vie de

famille ; elles ne sont que deux à affirmer que leur travail à un effet positif sur leur famil-

le, notamment du fait que grâce à lui, leurs enfants prennent mieux conscience du rôle

de la femme dans la société.

En ce qui concerne les effets de leurs responsabilités familiales sur leur travail, environ

70% des femmes qui ont répondu déclarent que ces responsabilités n’ont aucune espè-

ce d’influence ; 21 % disent qu’elles n’ont que peu d’influence ; deux seulement estiment

que leurs effets sont considérables ; enfin, deux affirment qu’elles ont des effets positifs.

A la question demandant dans quelle mesure leur mari et leurs parents avaient accepte

leur travail, environ 80% ont répondu que leurs parents l’acceptaient totalement ; 69%

qu’il était pleinement accepte par leur mari ; enfin, elles étaient environ 17% et 14% à

recevoir de leurs parents et de leur mari respectivement une acceptation mitigée. Aucune

ne travaillait contre la volonté de ses parents ou de son mari.

En ce qui concerne leur participation au processus décisionnel, 72% des femmes qui ont

répondu déclarent y participer de façon très efficace dans le domaine relevant de leurs

attributions, conformément aux règles et aux règlements en vigueur, tandis que 13%

estiment que leur participation est partielle et que 9% la jugent restreinte.

Par ailleurs, 76% déclarent user de méthodes démocratiques dans leur processus de

prise de décision, c’est-à-dire qu’elles procèdent à des discussions et à des échanges

de vues avec d’autres personnes et qu’elles respectent les avis des spécialistes ; 25%

affirment qu’elles étudient soigneusement les questions et appliquent les règles ; 10%

disent qu’il leur arrive de prendre, si besoin est. de fermes décisions individuelles sans

sortir du cadre réglementaire ; enfin, certaines se disent objectives mais sans rigidité.

En ce qui concerne les sentiments positifs ou négatifs que leur inspirent leurs relations

avec leurs supérieurs masculins, 92% disent entretenir avec eux de bonnes relations

reposant sur le respect, la coopération, la confiance et la compréhension réciproques.

Cependant, 23% font état de la ”froideur” des relations sociales avec leurs supérieurs

masculins ou disent qu’elles témoignent d’un ”manque” de confiance et d’attitudes néga-

tives envers les femmes et leurs capacités ; certains hommes ont une attitude réservée

et sont mal à l’aise dans les discussions avec des femmes ; il s’ensuit que la collabora-

tion avec eux est limitée.

Dans leurs rapports avec des supérieurs féminins, 65% déclarent que les relations sont

fondées sur le respect, la coopération, l’amitié, la compréhension, la confiance et la fran-

chise. Toutefois, certaines évoquent la concurrence, la jalousie, le manque d’objectivité...

Elles ne sont que 10% à affirmer que les différences dans les relations avec leurs supé-

rieurs ne tiennent pas au sexe mais plutôt aux traits de personnalité des individus.

43

En conséquence, 72% n’affichent aucune préférence et se disent prêtes à travailler indif-

féremment avec des hommes ou des femmes pour supérieurs ; 15% préfèrent travailler

sous les ordres d’un homme ; 8% sous les ordres d’une femme.

En ce qui concerne les relations avec leurs subordonnes, 70% déclarent avoir des rela-

tions bonnes et positives avec leurs subordonnes des deux sexes dont la conduite repo-

se sur le respect, la coopération et la compréhension .

Cependant, 14% de ces femmes, vivant pour la plupart dans les pays du Golfe, disent

que les hommes réagissent de façon assez épidermique au fait d’avoir une femme pour

supérieur et notant pas confiance en ses aptitudes même si elle est beaucoup plus qua-

lifiée qu’eux, ce qui les amène implicitement à ne pas accepter les ordres d’une femme.

27% déclarent que leurs rapports avec leurs subordonnes de sexe féminin sont relative-

ment négatifs en raison d’un esprit de concurrence, de jalousies, d’un manque d’objecti-

vité, de l’immixtion de facteurs d’ordre personnel dans le travail ; 14% font état de pro-

blèmes dus aux responsabilités familiales des femmes. Trois seulement des femmes qui

ont répondu déclarent que les différences dans les rapports ne tiennent pas au sexe mais

aux traits de personnalité des individus. Par ailleurs, 75% affirment n’avoir aucune pré-

férence à priori et travailler indifféremment avec des subordonnes des deux sexes ; 11

% préfèrent travailler avec des femmes ; 6% avec des hommes.

En ce qui concerne leur sentiment quant à une éventuelle discrimination qui s’exercerait

à leur encontre, en faveur de leurs collègues masculins occupant des postes adminis-

tratifs analogues, 94%, 85%, 77% et 79% respectivement des femmes qui ont répondu

au questionnaire déclarent qu’il n’existe aucune discrimination due à leur sexe en matiè-

re de salaires, de perspectives de carrière, de degré de responsabilité ou dans leurs rap-

ports avec leurs supérieurs hiérarchiques. Celles qui font état d’une discrimination décla-

rent que certaines situations, comme les postes de président et de vice-président, sont

réservées à des hommes (11 %), que les femmes ne se voient attribuer des postes de

direction qu’en cas de nécessite, et qu’a niveau hiérarchique égal, les hommes partici-

pent davantage à la prise de décision. Les supérieurs hiérarchiques masculins sont par-

fois, selon ce qui a été dit précédemment, réservés, empruntes et mal à l’aise dans leurs

rapports avec des femmes. ils préfèrent avoir affaire à des hommes, même s’ils sont

moins qualifies que leurs collègues féminines. Les hommes qui occupent des postes de

responsabilité encouragent les autres hommes et les poussent vers le haut de l’échelle,

car ils sont persuades qu’a qualification égale ou même supérieure, les femmes ont des

capacités moindres.

En réponse à la question demandant s’i l y avait, à leur avis, des dif f é r e n c e s

entre les hommes et les femmes dans leur manière de gérer et de prendre les

décisions, 65% ont répondu par la négative et 35% par l’affirmative. La

44

plupart de ces dernières (32%) ont déclaré qu’il est plus facile d’avoir affaire à une

femme, car celle-ci est plus attentive aux décisions qu’elle prend, plus ”démocratique”,

plus sensible aux problèmes, plus objective, plus travailleuse et plus dévouée qu’un

homme. Deux femmes de la région du Golfe ont fait valoir qu’un homme, en raison de sa

liberté sociale, à des facultés de communication différentes et qu’il est plus courageux

lorsqu’il s’agit de prendre des décisions.

Deux femmes seulement estiment que stil existe des différences, elles tiennent à la per-

sonnalité des individus. Toutefois, 100% des femmes qui ont répondu sont d’avis qu’une

femme est capable de participer aussi efficacement qu’un homme au processus de prise

des décisions et d’assumer les mêmes responsabilités de direction. Certaines ajoutent,

toutefois, qu’une femme à davantage de sacrifices à faire du fait de ses devoirs familiaux.

Par ailleurs, 58% jugent qu’une femme n’a pas les mêmes possibilités qu’un homme de

participer à la gestion de l’enseignement supérieur, mais 42% sont de l’avis inverse... On

analysera ultérieurement les obstacles à la participation des femmes et les stratégies et

modalités qui permettraient améliorer leur situation en ce domaine.

S’agissant d’identifier les variables (personnelles, universitaires, familiales, sociales,

etc.) qui peuvent aider une femme à réussir dans la gestion de l’enseignement supérieur,

92% des réponses désignent les titres universitaires comme variable principale ; 32%

citent en outre, comme variables importantes, expérience et la formation permanente ;

63% croient aux qualités personnelles, comme la faculté de se lier et d’avoir de bons rap-

ports avec autrui, le talent de gestionnaire, la confiance en soi, l’objectivité, le dévoue-

ment, la patience, l’intelligence, etc. ; 58% mettent l’accent sur les relations familiales et

l’allégement des responsabilités en ce domaine ; 48% évoquent le degré d’acceptation

des femmes par la société et le changement des attitudes traditionnelles et des stéréo-

types qui ont cours à égard des femmes .

A la question demandant si elles estiment avoir besoin d’une formation dans un domai-

ne quelconque pour améliorer leur capacité de gérer l’enseignement supérieur, 66%

répondent par l’affirmative et 34% par la négative. La plupart de celles qui appartiennent

au premier groupe ont besoin d’une formation dans les domaines suivants : techniques

modernes de gestion appliquées à l’administration de l’enseignement supérieur, emploi

des ordinateurs dans l’administration et techniques de traitement des questions finan-

cières et de planification budgétaire. Certaines réponses mentionnent en outre l’impor-

tance des visites effectuées dans d’autres institutions dont expérience est susceptible

être mise à profit ; d’autres évoquent la nécessite d’une formation permanente ou de l’ac-

quisition de langues étrangères.

45

Facteurs faisant obstacle à l’accès des femmes à la gestion de l’enseignement supérieur

Les facteurs qui font obstacle à l’accès des femmes à la gestion de l’enseignement supérieur,

selon les réponses reçues, sont ceux-là mêmes qui entravent l’émancipation de la femme arabe

en général et expliquent la situation qui est la sienne.

Ce sont un grand nombre de facteurs sociaux, économiques, politiques et culturels, dont

beaucoup études font état.

Attitudes et stéréotypes hérités de la tradition

Au nombre des facteurs à prendre ainsi en ligne de compte figurent les stéréotypes et les atti-

tudes profondément ancrés dans les traditions sociales et culturelles, qui ont trait au rôle des

femmes et à leurs capacités. La femme, sous leur éclairage, apparaît avant tout comme épou-

se et comme mère, en tant être physiologiquement et intellectuellement inférieur à l’homme,

naturellement commande par ses émotions et incapable de se discipliner. Il faut donc que les

femmes soient protégées par les hommes (père, frères ou mari). Il s’ensuit qu’elles ne sont pas

faites pour le commandement et pour l’exercice des responsabilités hiérarchiques. Du reste, le

Prophète est réputé avoir dit qu’une nation dirigée par une femme ne connaîtra pas la prospéri-

té”.

Aussi les activités attribuées aux hommes sont-elles différentes de celles qui convien-

nent aux femmes, et les éléments conservateurs de la société sont profondément opposes à

toute modification de cet état de choses. Même parmi les hommes instruits, ii en est qui ne veu-

lent pas que leur épouse travaille et qui ne pensent pas qu’a travail égal une femme doive rece-

voir un salaire égal à celui d’un homme. Il y à des gens qui continuent à croire qu’une femme

qui travaille s’expose, au-delà du nécessaire, au contact des hommes et qui redoutent qu’elle

perde sa réputation et qu’elle perturbe l’ordre moral et social. On insiste donc, dans certaines

régions arabes, sur la nécessite du port du voile et de la séparation des sexes, en partant du

principe que ”le voile protège les femmes des outrages extérieurs de la société et protège la

société du mal que porte en soi la femme”. Dans cette perspective, une femme ne saurait être

autorisée à travailler qu’en cas de nécessite et à condition que le travail ne porte pas tort à son

rôle familial. Aussi les familles jugent-elles qu’il est plus important de donner une éducation aux

garçons et que celle-ci constitue un investissement plus rentable. Dans ces conditions, les

femmes ont moins de chances que les hommes d’atteindre un degré élève de qualification pro-

fessionnelle et les hommes sont mieux équipes pour gravir les échelons d’une carrière. Qui plus

est. on craint que trop d’éducation ne constitue chez une femme un handicap pour le mariage,

car beaucoup d’hommes croient encore que les femmes instruites font de piètres épouses. Les

employeurs jugent en outre les femmes peu aptes au travail productif, en arguant du fait que

leurs responsabilités familiales les rendent sujettes à l’absentéisme.

46

Facteurs économiques

Il faut également prendre en compte les facteurs économiques. La lenteur de la croissance éco-

nomique entraîne inévitablement des conséquences négatives pour les femmes ; par exemple,

dans tout pays arabe ou le taux de chômage est élève dans la population masculine, les pou-

voirs publics sont peu enclins à favoriser un accroissement de la population active féminine.

Les femmes sont alors plus touchées par le chômage que les hommes. Elles risquent

plus qu’eux de perdre leur emploi et doivent attendre plus longtemps pour en trouver un nou-

veau. Il s’ensuit que les femmes n’ont d’emploi rémunéré que dans la mesure ou les besoins de

la famille ou des impératifs socio-économiques l’exigent.

La Jordanie fournit une illustration parfaite de cet état de choses. Pays exportateur de

main-d’oeuvre, le processus du développement y à souffert au début des année 1980 de la perte

d’une main-d’oeuvre qualifiée partie travailler dans le Golfe. Pour combler les vides, le gouver-

nement à envisage intégrer les femmes à la main-d’oeuvre en leur donnant une formation dans

des domaines techniques, et il amis à étude des amendements à la législation du travail visant

à améliorer les conditions offertes aux mères qui travaillent. Paradoxalement, lorsque, en 1985,

les travailleurs émigrés revinrent des pays du Golfe, la Jordanie se trouva confrontée à un grave

problème de chômage. Il devait s’ensuivre nécessairement un ralentissement de l’incorporation

des femmes à la masse de main-d’oeuvre car les postes vacants ne seraient pas offerts à des

femmes aussi longtemps qu’il y aurait des hommes pour les pourvoir, d’autant que les femmes

ne sont pas tenues par la loi islamique (Charia) d’assurer financièrement la subsistance de leur

famille.

La même situation s’est produite en Irak dans les années 1980. La guerre avec l’Iran

ayant provoque une pénurie de main-d’oeuvre masculine, le gouvernement s’employa à intégrer

des femmes au secteur non traditionnel et s’efforça de modifier les attitudes sociales. Ainsi

voit-on que la femme qui travaille n’apparaît utile qu’en tant que masse de réservé susceptible

être manipulée en fonction des besoins économiques du pays. Cependant, tel n’est pas toujours

le cas dans les Etats du Golfe. Malgré le niveau d’instruction des femmes et en dépit de gros

besoins de main-d’oeuvre supplémentaire, le pourcentage de femmes sur le marche du travail

reste très faible. Et pour cause : au lieu d’adopter une politique de participation des femmes, les

gouvernements ont préféré importer des travailleurs des pays voisins et de l’Asie du Sud-Est.

Cette solution a été rendue possible par le fait que les revenus des familles et le revenu natio-

nal étaient suffisants.

La situation politique

D’autre part, le droit de vote et celui de se présenter aux élections, droits politiques,sont encore dénies aux femmes dans certains Etats arabes, comme le Koweït etBahreïn, ou la constitution garantit pourtant égalité des droits à tous les

47

citoyens. Les codes applicables aux individus et la législation sur la famille notant pas cesse,

dans la plupart des pays arabes, de favoriser les hommes. Ainsi, il peut arriver qu’une femme

arabe occupe un poste de haute responsabilité et ne jouisse pourtant pas de droits égaux à ceux

de son mari lorsqu’il s’agit de la garde de leurs enfants.

Dans certains pays arabes, les femmes n’ont pas le droit de remplir des fonctions de

prise de décisions ou des fonctions diplomatiques, ni celui de diriger le pays.

Le climat politique général de la société à donc un impact décisif sur les pratiques qui

ont cours en matière de nomination des administrateurs de l’enseignement supérieur, et plus

particulièrement au plus haut niveau, c’est à dire aux postes de président, de doyen et de

membre du conseil d’administration, comme nous l’avons vu précédemment.

L’impact des médias et de la littérature

La situation est aggravée et figée par les manuels, les médias et la littérature arabe, qui pré-

sentent en général les jeunes filles et les femmes dans des rôles, conformes à la tradition, de

créatures subordonnées ou même inférieures. On les montre ignorantes, émotives, incapables

de penser rationnellement et de prendre des décisions ou des initiatives sans le secours des

hommes. Elles apparaissent comme les principaux acheteurs de biens de consommation (par-

fums, cosmétiques, vêtements, etc.) et l’on se garde de souligner leur rôle productif et de don-

ner des exemples de femmes qui réussissent dans divers domaines. Cette image influence

aussi bien l’attitude des hommes que celle des femmes et conforte leurs idées préconçues.

L’image que les femmes ont d’elles-mêmes

Il devient difficile de remédier à cet état d’infériorité des femmes lorsque celles-ci sont elles-

mêmes persuadées d’avoir des capacités limitées et ont tendance à se conformer aux schémas

traditionnels et à ce que la société attend d’elles.

En effet, dans étude qu’ils ont réalisée au Caire, Khattab et El-Daif ont constate que 66 % des

étudiantes étaient d’avis qu’une femme qui à des enfants doit cesser de travailler, que 41 % jugeaient

que les emplois convenant le mieux aux femmes étaient l’enseignement et le travail social, et qu’aux

yeux de la majorité, l’emploi est acceptable à condition qu’il réponde à une nécessite économique réel-

le. De étude effectuée par Alkotob dans les pays du Golfe, il ressort que les femmes interrogées sont

généralement d’avis que la profession d’enseignante est celle qui va le mieux aux femmes parce qu’el-

le ne les oblige pas à se mêler aux hommes, que les femmes doivent arrêter de travailler lorsqu’elles

ont des enfants et qu’un mari doit avoir un niveau d’éducation supérieur à celui de

48

sa femme. Dans étude qu’elle à faite à l’Université de Bahreïn, Osseiran à constate que 50 %

des étudiantes pensent que le mari doit avoir le ”dernier mot”, que la femme doit lui obéir quel

que soit son niveau d’éducation ; les étudiantes de la faculté de pédagogie jugeaient que les

femmes ne devraient être employées que dans les professions qui leur sont traditionnellement

attribuées, comme celles d’enseignante et d’infirmière.

Le manque d’équipements sociaux

En plus de ce qui précède, les femmes qui travaillent se heurtent à des difficultés dues au

manque de structures d’accueil des enfants sur leur lieu de travail ou à l’extérieur de celui-ci,

surtout dans la mesure ou elles peuvent moins compter que par le passe sur les services de la

famille élargie (grand-mère, tantes, etc.).

Stratégies et mesures visant à accroître la participation des femmes arabes à la gestion

de l’enseignement supérieur

Selon certaines études, il n’y à pas de différence entre les styles de commandement des

hommes et des femmes occupant des postes de direction. Les gestionnaires des deux sexes

ont le même type d’attitude focalisée sur le travail et sur les gens, et le même degré efficacité.

En outre, les femmes gestionnaires sont au moins aussi motivées que leurs homologues mas-

culins. Les gestionnaires féminines s’intéressent davantage aux possibilités de croissance, d’au-

tonomie et d’innovation. De plus, Grant (1988) à affirme que les femmes possèdent en propre

des qualités telles que le sens de l’appartenance et la faculté d’attachement, l’esprit de coopé-

ration, une capacité d’attention et d’émotion, qui les rendent particulièrement aptes aux fonctions

de gestion. Même si les femmes arabes possèdent les qualifications et les qualités requises,

elles sont loin de se voir offrir les mêmes possibilités que les hommes de prendre part à la ges-

tion de l’enseignement supérieur, surtout aux échelons les plus élevés.

Pour favoriser une participation accrue des femmes à la gestion de l’enseignement supé-

rieur, il faudrait donc envisager d’adopter des politiques et des mesures précises devant per-

mettre de dépasser les stéréotypes et les idées préconçues au sujet des femmes et améliorer

le statut de la femme dans l’ensemble de la société, c’est à dire de modifier sa situation subor-

donnée et de faire d’elle véritablement égale de l’homme, sans aucune espèce de discrimina-

tion. Cela passera nécessairement par des changements sociaux, économiques, politiques et

juridiques .

Les stratégies et les modalités proposées par les personnes qui ont répondu au ques-

tionnaire de la présente étude ainsi que les recommandations avancées par bien d’autres

études, peuvent être résumées comme suit :

49

L’une des grandes démarches nécessaires doit être la décision politique de modifier les

conditions et les structures inégales par lesquelles la femme continue à être définie

comme une personne de second rang et d’intensifier les efforts visant à garantir l’équité

des procédures de nomination, d’élection et de promotion des femmes à de hautes fonc-

tions dans différents domaines, de façon que soit assurée leur participation aux proces-

sus de prise des décisions et d’élaboration des politiques. II y a, à cet égard, des

mesures législatives à prendre pour garantir égalité des droits des deux sexes dans le

domaine juridique et dans le domaine politique. Il conviendra de réviser la législation civi-

le, et en particulier les dispositions juridiques concernant la famille, afin de supprimer les

pratiques discriminatoires et d’octroyer aux femmes mariées des droits et des devoirs

égaux à ceux de leur mari. De plus, étant donne que les femmes sont sous-représentées

aux échelons les plus élevés, il y aurait lieu de prendre éventuellement une mesure com-

pensatoire, en attribuant un certain pourcentage des postes de direction à des femmes

et en veillant à ce que les voies d’accès à ces postes leur soient ouvertes.

Les stéréotypes et les attitudes traditionnelles à égard des femmes figurant parmi les

principaux obstacles à leur accession aux postes de gestion de l’enseignement supé-

rieur, il faut redoubler d’efforts pour modifier ces attitudes et pour susciter dans la socié-

té une prise de conscience du droit que la loi doit conférer aux femmes étudier, de tra-

vailler et de prendre part à tous les aspects du développement, à tous les niveaux. Ainsi

faudrait-il que toute carrière puisse être abordée en fonction des aptitudes et des qualifi-

cations de la personne, et non selon son sexe, d ‘autant qu’il y à d ‘ores et déjà des

femmes qui ont réussi dans de nombreux domaines. Outre la législation qui s’impose,

cela nécessitera une éducation de l’ensemble de la population par des modalités for-

melles et informelles mises en oeuvre avec le concours de diverses organisations cultu-

relles, sociales et commerciales. Dans cette perspective, il faudra s’employer tout spé-

cialement à modifier l’image négative que les femmes ont elles-mêmes, à leur faire

connaître leurs droits et leur véritable rôle dans le développement de la société et à les

convaincre qu’elles sont parfaitement capables de mener à bien n’importe quelle tache.

Il conviendra de mettre en lumière des exemples de femmes qui ont réussi dans des

fonctions traditionnellement réservées à des hommes. Par ailleurs, il faudra mener une

action concertée en vue de créer un système de partage des responsabilités parentales

entre l’homme et la femme au sein de la famille.

Puisque amélioration du statut de la femme repose sur l’éducation et que les liens entre l’emploi et

l’éducation jouent un rôle capital, il faudra qu’une loi rendant l’éducation obligatoire soit promulguée

dans les Etats arabes ou ce type de législation n’existe pas. Il faudra en outre que dans tous les Etats

arabes, toutes les filles soient obligatoirement scolarisées. De plus, il faudrait donner aux femmes les

mêmes possibilités d’éducation et de formation qu’aux hommes ainsi que le libre accès à tous les

types et tous les niveaux d’éducation de manière à faciliter égalité de représentation des femmes aux

50

niveaux les plus élevés de la fonction enseignante et de la gestion. Les programmes

devraient comporter étude des questions intéressant les femmes et leur contribution au

développement sous tous ses aspects. ils devraient aussi permettre aux hommes d’as-

sumer à égalité avec les femmes la charge élever les enfants et celle de l’entretien du

foyer. Parallèlement, il y aurait des mesures spéciales à prendre pour ouvrir plus large-

ment aux femmes l’accès à étude des disciplines scientifiques, techniques, profession-

nelles et de gestion à tous les niveaux, afin de développer leur savoir-faire et d’élargir

leurs possibilités d’emploi dans des métiers non traditionnels. Les bourses études à

l’étranger devraient être attribuées en fonction des mérites et non du sexe, afin que les

filles aient les mêmes chances que les garçons. Enfin, il faudrait revoir les manuels et

autres matériels didactiques afin d’en éliminer tous les stéréotypes discriminatoires qui

enferment les filles dans des situations fixées par la tradition.

Etant donne la nécessite qui se fait sentir d’organiser la formation aux carrières admi-

nistratives dans les pays arabes et leurs établissements d’enseignement supérieur, il fau-

drait concevoir et mettre en oeuvre des stages et des ateliers de formation pour amélio-

rer les connaissances et le savoir-faire des femmes (et des hommes) en matière de ges-

tion, afin de renforcer leur compétence aux postes de direction.

Il faut en outre fixer comme objectif prioritaire la suppression de l’analphabétisme, dont

le taux reste élève dans le monde arabe, en particulier parmi les femmes, car c’est le pre-

mier élément de réponse aux nombreux problèmes qu’elles ont à résoudre.

Vu le rôle décisif que jouent les médias dans la formation des attitudes, il serait des plus

utiles d’employer leurs moyens à des campagnes s’adressant à différents groupes

sociaux (étudiants, parents, ouvriers, décideurs, employeurs, etc.) pour les amener à en

finir avec les stéréotypes sexistes et autres idées préconçues. Cela pourrait modifier la

mentalité de l’ensemble de la population. II faut donner la priorité à l’élimination des élé-

ments d discriminatoires et dégradants qui déforment l’image de la femme dans tous les

médias pour donner d’elles une autre image qui mette en lumière les aspects positifs de

leur rôle dans toutes sortes d’activités. à cet égard, les femmes devraient prendre une

part active à la définition des politiques, à la prise des décisions et à la conception des

programmes dans le domaine des médias .

Le développement social et économique exigeant la participation des femmes comme

partenaires égales des hommes dans tous les domaines de la vie active, il importe d’as-

surer égalité d’accès à tous les emplois, y compris les postes de responsabilité et les

activités jugées spécifiquement masculines. Le critère principal devrait être le niveau

d’éducation et des compétences de chacun. Cela pourrait contribuer à lever l’interdiction

faite aux femmes d’exercer certaines professions mais obligera à revoir les conditions de

51

travail des femmes, afin améliorer les horaires, la répartition des taches et les congés dematernité, compte tenu des devoirs familiaux.

Il faudra veiller spécialement à la mise en place d’une infrastructure sociale qui permet-te aux femmes de travailler en dehors de chez elles, c’est-à-dire à l’ institution de jardinsd’enfants, de crèches et de garderies employant un personnel dûment forme, ainsi quede restaurants et de moyens de transport appropries .

Il y aurait lieu de créer des organismes spécialisés adéquats (par exemple, des minis-tères charges exclusivement des questions intéressant les femmes), en les dotant desressources et de autorité suffisantes pour mettre en oeuvre intégration complète desfemmes au processus de développement. Les pouvoirs publics devraient en outreencourager l’action des associations féminines en apportant un soutien financier et logis-tique à leurs activités et en les incitant à effectuer des études et à coordonner les travauxau niveau national et au niveau régional.

Pour être en mesure de formuler de nouvelles politiques et d’appliquer des stratégies etdes mesures visant à mettre fin à la discrimination sexiste, les pays arabes ont grandbesoin de données et de recherches sur le statut de la femme qui leur permettraient derepérer les obstacles et les inégalités entravant l’émancipation des femmes et fourni-raient des preuves concrètes des conséquences néfastes des lois et des pratiques per-pétuant inégalité. II faudrait ici entreprendre des recherches complémentaires pour pré-ciser l’image que les femmes ont elles-mêmes, étudier les réactions des subordonnes àégard de leurs directeurs masculins ou féminins (en particulier l’attitude des hommesenvers un supérieur féminin) et comparer les capacités de gestionnaire et le zèle pro-fessionnel respectifs des hommes et des femmes dans les établissements d’enseigne-ment supérieur.

Enfin, il faudrait renforcer et développer la coordination sous-régionale, régionale et inter-nationale. plus particulièrement dans le domaine de l’échange d’informations sur la pro-motion des femmes et sur les programmes et les activités qui leur sont consacres.

52

Tableau 2

Répartition des personnes interrogéess

Tableau 3

Titres universitaires et formation administrative

des personnes interrogées

54

Tableau 4

Situation de famille des personnes interrogées

Tableau 5

Types d'institutions et fonctions exercées

Tableau 6

Répartition des personnes interrogées selon leur âge à l'époque de leur nomination

au dernier poste de gestion et leur ancienneté dans leur poste actuel

55

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57

ETATS-UNIS/CANADA

LA PLACE DES FEMMES DANS LA GESTION DES ETABLISSEMENTS

D’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR AUX ETATS-UNIS D’AMERIQUE ET AU CANADA

Sandra Featherman

Pour la plupart des observateurs, il ne faisait aucun doute que Marion Field allait devenir prési-

dente d’une université de premier plan. Après tout, elle avait occupe les fonctions de respon-

sable principale des questions universitaires dans une grande université américaine. Aussi s’in-

terrogea-t’on lorsqu’elle accepta la présidence d’un établissement de second ordre à la réputa-

tion médiocre. La réponse est simple : les établissements haut de gamme n’étaient pas à la

recherche d’une femme pour les diriger. Leurs appels de candidatures comportaient, bien enten-

du, les formules rituelles relatives à l’absence de discrimination ou même invitaient ”les femmes

et les personnes appartenant à des minorités à présenter leur candidature” mais, en lisant entre

les lignes, on comprenait que si les dossiers de candidature pressentes par des femmes étaient

examines, celles-ci ne seraient sans doute pas choisies pour occuper les fonctions de président.

Bien que cette anecdote ne soit pas rigoureusement authentique (le nom a été modifie),

elle n’en est pas moins vraie au sens ou elle rend compte d’une situation qui se produit fré-

quemment. Si l’accès des femmes à l’enseignement supérieur s’est considérablement améliore

aux Etats-Unis et au Canada, les femmes sont loin être aussi nombreuses que les hommes au

sommet de la hiérarchie de l’administration universitaire

.

Aux Etats-Unis, il était pratiquement exclu, encore en 1971, qu’une femme puisse occu-

per le fauteuil présidentiel dans un collège universitaire si ce n’est dans quelques petits établis-

sements féminins catholiques diriges par des religieuses. Moins d’une douzaine d’autres col-

lèges universitaires offrant un cycle études de quatre ans avaient à leur tête une femme et cinq

d’entre eux étaient réservés aux jeunes filles. Parallèlement, soixante collèges universitaires

féminins avaient un homme pour président alors qu’aucun collège universitaire masculin n’était

dirige par une femme’. En outre, rares étaient les femmes, dans les établissements

1 Mariam K. Chamberlain, dir. publ. Women in Academe : Progress and Prospects, Sage NY, 1988,

p.317.

59

mixtes ou masculins, qui exerçaient des responsabilités administratives de haut niveau, en qua-

lité de doyen, par exemple2.

On compte aujourd’hui aux Etats-Unis 348 femmes à la tête d’universités et de collèges

universitaires du pays. 21 % d’entre elles seulement appartiennent à un ordre religieux. Les

femmes dirigent à l’heure actuelle 12% des 3000 établissements régionaux habilités3.

Cela est réconfortant mais, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que la situation est moins

satisfaisante qu’il n’y paraît. Parmi les établissements qui ont une femme à leur tête, rares sont

ceux qui sont très connus, ont beaucoup de prestige et disposent de moyens financiers confor-

tables. Aussi allons-nous précisément rechercher les raisons d’une telle situation

L’enseignement supérieur aux Etats-Unis et au Canada

Aux Etats-Unis, les collèges universitaires accueillent depuis 1969 davantage de jeunes filles

que de jeunes gens. Elles sont également plus nombreuses à sortir diplômes de l’enseignement

supérieur.

Au cours de année universitaire 1989-90, elles ont obtenu 58% de l’ensemble des

diplômes de premier cycle (sanctionnant deux ans études supérieures), 53% des diplômes de

licence et 53% des diplômes de maîtrise. En revanche, s’agissant des diplômes préparant aux

professions libérales (en droit, en médecine, en études dentaires, etc.) et des doctorats (en

lettres et sciences humaines et en sciences de l’éducation), les femmes sont beaucoup moins

nombreuses (leur proportion est respectivement de 38 et de 36% dans chacune des catégo-

ries)4. Si pour ces études avancées, les femmes n’enregistrent pas un taux de réussite compa-

rable à celui qui est le leur aux niveaux inférieurs, cela tient à plusieurs raisons. Bien souvent,

les étudiantes se marient et ont des enfants ; elles n’ont plus, de ce fait, le temps ni les moyens

financiers nécessaires pour se consacrer à leurs études. La priorité qu’elles sont censées tradi-

tionnellement accorder à la carriËre professionnel le de leur époux à également contraint de

nombreuses femmes à renoncer à leurs études parce que leur mari était nomme ou mute à un

poste situe dans une localité éloignée.

2 Jacquelyn A. Mattfeld, ” Many Are Called, But Few Are Chosen”, Women in HigherEducation publié sous la direction de W. Todd Furniss et de Patricia Albjerg Graham, American Councilon Education, Washington, D.C.,1974.

3 Données fournies par l’Office of Women in Higher Education, American Council on Education(ACE), juin 1992.

4 ”Earned Degrees,1989-90”, The Chronicle of Higher Education, 13 mai 1992, p. A37.

60

Une autre raison qui explique que les femmes parviennent moins que les hommes à

mener à bien des études de doctorat tient au harcèlement sexuel dont elles sont l’objet. Dans la

plupart des formations à ce niveau, les enseignants sont en majorité des hommes. Il est sou-

vent fait état de pressions exercées par des enseignants sur leurs étudiantes dans le but d’ob-

tenir leurs faveurs. Selon certaines études, ces agissements seraient nettement plus fréquents

qu’on ne l’imagine, les étudiantes préférant souvent ne pas en faire état par crainte de ne pas

être crues ; elles craignent que malgré les accusations portées contre eux, les enseignants

impliqués continuent à jouir de l’impunité alors qu’elles-mêmes s’exposeraient à des ennuis et

risqueraient de voir leur carrière compromise.

Enfin, il existe toujours un fort préjugé anti-féminin. Si ce préjugé régresse en apparen-

ce, de nombreux professeurs masculins continuent de penser que les femmes sont moins aptes

que les hommes à entreprendre une carrière universitaire.

L’accroissement, aussi bien en termes réels qu’en pourcentage, du nombre de femmes

titulaires d’un diplôme de troisième cycle s’est traduit par la constitution d’un important vivier de

femmes possédant les qualifications nécessaires pour accéder aux fonctions de professeur

dans de nombreuses disciplines. à l’heure actuelle, 29°/o de l’ensemble des enseignants du

supérieur sont des femmes.

Toutefois, les femmes sont proportionnellement plus nombreuses parmi les enseignants

des collèges universitaires préparant aux diplômes de premier cycle et à la licence et des éta-

blissements pluridisciplinaires que parmi ceux des établissements accueillant les étudiants en

doctorat ; en outre, on trouve davantage de femmes aux échelons inférieurs de la hiérarchie -

moniteur et maître assistant - que parmi les professeurs associés et les professeurs en titre qui

composent les échelons supérieurs5.

D’autre part, les données indiquent que les hommes ont plus de chances de bénéficier

d’un contrat à durée indéterminée et d’être recrutés à des postes susceptibles de donner lieu à

de tels contrats. En outre, ils peuvent espérer obtenir une meilleure rémunération que les

femmes. 70% des enseignants du supérieur bénéficient d’un contrat à durée indéterminée

contre 46% des enseignantes6. Plus de 92% des hommes enseignant dans le supérieur peu-

vent espérer obtenir un tel contrat alors que 81% des femmes sont dans ce cas7. De surcroît,

les femmes sont moins rémunérées que les hommes, quel que soit le niveau considéré.

5 ”Percentage Distribution of Full Time Faculty Members, by Category, Affiliation, Academic Rank,

and Gender 1991-92”, Academe, mars-avril 1992, p. 30.6 ”Percentage of Faculty Members with Tenure Status, by Category, Affiliation, Academic Rank,

and Gender, 1991-92”, Academe, mars-avril 1992, p. 26.7 ”Percentage of Full Time Faculty on Tenure Track Appointments, by Category, Affiliation,

Academic Rank, and Gender, 1991-92”, Academe, mars-avril 1992, p. 27.

61

Tableau 1

Rémunérations moyennes des enseignants et des enseignantes du supérieur aux Etats-Unis d’Amérique pour l’année 1991-92

selon le titre hiérarchique (en dollars des Etats-Unis)

source : The Annual Report on the Economic Status of the Profession 1 991-92.

Academe, mars-avril 1992,p.20.

Il ressort du tableau 1 qu’à tous les niveaux de la hiérarchie les femmes qui enseignent

dans les établissements d’enseignement supérieur des Etats-Unis gagnent moins que leurs col-

lègues masculins.

Aux niveaux de charge de cours et de moniteur, l’écart moyen est de l’ordre de 2.000

dollars mais dans le cas des professeurs titulaires, un homme gagne 6.800 dollars de plus

qu’une femme (59.180 contre 52.380 dollars).

On retrouve la même situation au Canada ou les femmes sont proportionnellement plus

nombreuses aux échelons inférieurs de la hiérarchie et ou, comme aux Etats-Unis, elles

gagnent moins que leurs collègues masculins dans toutes les catégories8.

8 ”Salary Analysis of Full Time Teachers in Canadian Universities and Collèges, 1989-90”.

Données fournies par Statistics Canada.

62

Tableau 2

Rémunérations moyennes des enseignants et des enseignantes du supérieurau Canada pour l’année 1989-90 selon le titre hiérarchique

(en dollars canadiens)

source : Statistics Canada

Ainsi qu’il apparaît à la lecture du tableau 2, les femmes qui enseignent dans un éta-

blissement universitaire canadien gagnent moins que leurs collègues masculins quel que soit le

niveau hiérarchique considère, encore que les écarts soient moins grands qu’aux Etats-Unis.

Une femme chargée de cours gagne 39.239 dollars canadiens alors qu’a ce niveau, un homme

gagne 41.790 dollars canadiens. Les hommes professeurs titulaires gagnent 75.580 dollars

canadiens et les femmes 71.858. II convient de noter que les rémunérations indiquées ci-des-

sus pour les professeurs canadiens correspondent à douze mois de salaires.

En revanche, les rémunérations indiquées pour les professeurs des Etats-Unis corres-

pondent aux neuf mois de année universitaire ; durant le temps libre dont ils disposent, ils peu-

vent, à leur convenance, effectuer des recherches, prendre des vacances ou compléter leurs

revenus en donnant des cours dans le cadre des sessions universitaires été ou par tout autre

moyen.

Quoi qu’il en soit, il reste encore beaucoup à faire avant que les femmes qui enseignent

dans les établissements universitaires des deux pays obtiennent des rémunérations identiques

à celles de leurs collègues masculins.

Le système d’enseignement supérieur aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, le système d’enseignement supérieur est privé et décentralisé. Il n’existe pas

d’universités nationales. Le gouvernement fédéral peut veiller à ce que les lois d’application

générale soient respectées dans les collèges universitaires et les universités mais il n’a aucun

pouvoir de contrôle sur le contenu des enseignements .

63

Si 77% des étudiants qui fréquentent un collège universitaire américain sont inscrits dans

un établissement public, plus de la moitié des collèges universitaires appartiennent au secteur

privé. La grande majorité des établissements privés sont des institutions sans but lucratif dont

un grand nombre est affilie à des communautés religieuses. Quelques-uns de ceux qui ne le sont

pas aujourd’hui ont été fondes par des communautés religieuses mais ont opte par la suite pour

le statut laïc. L’Université du Minnesota est une université publique bénéficiant d’une dotation

foncière. Les universités américaines de ce type ont, à l’origine, reçu des Etats dont elles dépen-

daient des terrains et des crédits ; en échange, elles étaient censées offrir une formation uni-

versitaire aux étudiants qualifies ainsi que des services de vulgarisation, notamment dans le

domaine agricole, sur l’ensemble du territoire de l’Etat ou chacune de ces universités était

implantée.

Dans la plupart des Etats, les universités bénéficiant d’une dotation foncière comportent

plusieurs campus, dont l’un, mais parfois deux ou trois, se voit traditionnellement attribuer le rôle

de campus pilote. Un campus de ce type accueille d’ordinaire un grand nombre étudiants, offre

un large éventail de programmes études universitaires et spécialisées, délivre des doctorats et

contribue au financement de programmes de recherche importants.

L’Université du Minnesota comporte quatre campus. Le campus pilote est situe à

Minneapolis mais les enseignements dans certaines disciplines sont assures dans la ville proche

de St Paul. Le campus de Duluth (UMD) abrite une université pluridisciplinaire dont les activités

de recherche se développent rapidement.

Les universités pluridisciplinaires permettent de préparer la licence et la maîtrise et

offrent toute une gamme de programmes études générales et spécialisées. Au cours des der-

nières années, l’UMD à régulièrement été classée parmi les quinze premiers établissements uni-

versitaires du Middle West dans enquête annuelle de la revue nationale U.S. News and World

Report.

Outre les universités préparant aux doctorats et offrant des programmes pluridiscipli-

naires, il existe des collèges universitaires spécialisés dans les lettres et sciences humaines ou

la durée des études est de quatre ans, des écoles spécialisées (dans les études musicales ou

artistiques par exemple), des collèges de formation pédagogique ainsi que des établissements

offrant plusieurs de ces enseignements. On trouve également un réseau important de collèges

universitaires, en majorité publics, ou la durée des études est de deux ans. Les établissements

publics de ce type sont traditionnellement appelés ”community colleges” tandis que ceux qui

appartiennent au secteur privé sont d’ordinaire connus sous le nom de ”junior collèges”.

A l’Université du Minnesota, la situation des femmes s’est améliorée à la suite

de l’action en justice introduite en 1975 par un professeur femme qui estimait que le

refus de lui accorder un contrat à durée indéterminée avait pour origine la discrimi-

nation sexuelle dont elle était victime. D’autres femmes se sont associées à l’action

intentée qui est devenue en 1977 une action collective. En d’autres termes, l’action

était introduite au nom de tous les membres composant le groupe

64

qui s’estimait lésé (en l’occurrence, toutes les femmes qui enseignaient à l’Université) et, au cas

ou le tribunal trancherait en faveur des plaignantes, tous les membres du groupe pourraient

bénéficier de l’application du jugement éventuellement rendu en sa faveur.

La plupart des femmes enseignant à l’UMD se sont associées au recours. Un accord est

intervenu entre l’Université et les enseignantes ; il prévoyait des augmentations de traitement

pour les professeurs femmes dont le salaire n’était pas au niveau de celui de leurs collègues

masculins occupant des postes comparables. Une Commission des questions féminines a été

constituée afin améliorer la situation des femmes au sein de l’institution. De nouvelles règles ont

été établies pour permettre de contrôler avec soin les procédures relatives au recrutement, à

l’action de contrats à durée indéterminée et à la promotion des femmes. [)es règles strictes ont

été définies en ce qui concerne les modalités à respecter en matière d’appels de candidatures

de façon à permettre l’accès des femmes et des membres des minorités aux postes à pourvoir.

Ces différentes mesures ont eu pour effet de modifier la situation à l’UMD : à présent, outre moi-

même qui exerce les fonctions de vice-chancelier responsable des programmes universitaires,

les femmes occupent 40% des postes de doyen, une femme dirige le service informatique et des

femmes sont chefs de départements comme ceux de biologie et de génie chimique ou tradi-

tionnellement la présence féminine était faible.

Nos modestes avancées ont néanmoins suscite quelques réactions en retour. Un chef

de département à présente, à l’occasion d’une réunion nationale, une communication dans

laquelle il déplorait ”le climat glacial à égard des enseignants masculins de race blanche” sur le

campus de l’UMD. Le bien-fondé de ce type d’accusations n’a pu être établi. En revanche, j’ai

été l’objet d’une série de menaces graves dont l’une, notamment, à pris la forme d’un appel

public au meurtre. Bien que ces menaces aient été anonymes, on soupçonne plusieurs

membres masculins, particulièrement vindicatifs, du corps enseignant d’en être les instigateurs.

D’autres menaces ont pris pour cibles un certain nombre de femmes - et quelques hommes que

l’on savait travailler activement à améliorer la situation des femmes et des membres des mino-

rités raciales sur le campus.

Le Chancelier, le Président et des centaines de membres respectables du corps ensei-

gnant de l’université se sont déclarés indignes de ces événements et ont renforce les mesures

en faveur du recrutement et du maintien dans leur poste des femmes et des membres des mino-

rités. Même lors d’une crise budgétaire récente, les administrateurs ont été avises que les nou-

veaux avantages accordes à ces groupes ”protégés” ne sauraient être affectes par les coupes

budgétaires envisagées .

Les collèges universitaires publics notant pas été les seuls à bénéficier de l’aide publique ; les éta-

blissements privés américains ont également obtenu un soutien financier même si dans leur cas l’aide direc-

te des Etats a été moins importante. Les collèges privés ont bénéficie indirectement de l’aide fédérale accor-

dée à leurs étudiants, de subventions modestes versées directement par les

65

autorités de certains Etats et de subventions accordées par divers organismes publics pour lefinancement de la recherche et de certains projets spécifiques.

Le Canada et les Etats-Unis ont une frontière commune de plusieurs milliers de kilo-

mètres et, tout naturellement, des échanges étudiants et d’universitaires stoppèrent entre les

deux pays. Si les systèmes d’enseignement supérieur présentent de nombreuses analogies, ils

se distinguent assez nettement l’un de l’autre. C’est ainsi, notamment, que la quasi-totalité des

établissements d’enseignement supérieur canadiens sont aujourd’hui publics. II n’existe qu’une

poignée d’établissements privés, tous de taille réduite et à caractère religieux. Le Canada comp-

te cent dix établissements d’enseignement supérieur. Les universités offrent des cycles études

de quatre ans et des possibilités de préparer un doctorat. Les collèges universitaires offrent des

cycles études de deux ans ainsi que des formations techniques.

Place des femmes dans la gestion des établissements d’enseignement supérieur auxEtats-Unis

Le nombre des femmes exerçant des fonctions de direction dans un collège universitaire ou une

université des Etats-Unis à augmente de façon spectaculaire au cours des dix-sept dernières

années, passant de 148 en 1975 à 348 au milieu de année 1992. C’est dans le secteur public

que la progression a été la plus marquante, leur effectif passant de 16 en 1975 à 164 en 1992.

Par ailleurs, 184 femmes exercent de hautes fonctions de direction dans des collèges universi-

taires ou des universités du secteur privé9.

Si les femmes sont parvenues plus facilement au sommet de la hiérarchie dans les col-lèges universitaires privés que dans ceux du secteur public, cela tient en partie au fait qu’un cer-tain nombre établissements privés présides par une femme relèvent d’ordres religieux et n’ac-cueillent souvent que des jeunes filles.

En avril 1992, 12% des hauts responsables des établissements habilites au niveaurégional étaient des femmes, 21% d’entre elles appartenant à un ordre religieux”. La proportionde religieuses exerçant les fonctions de présidente ou de chancelier à diminue au cours desdeux dernières décennies. Ce recul s’explique en partie par le fait que de nombreux collègesuniversitaires autrefois catholiques sont devenus des établissements non confessionnels (ceque la plupart des collèges protestants avaient fait il y à longtemps) mais il résulte bien davan-tage de l’accroissement du nombre des femmes appelées à diriger des établissements publicsaussi bien que des établissements privés laïcs.

9 Comparaison des données de l’ACE Data avec les listes parues dans 1992 Higher Education Directory, Higher

Education Publications, Falls Church, VA,1992.

10 Données fournies par l’Office of Women in Higher Education, ACE.

11 Ibid

66

Une grande partie de cet accroissement a été enregistrée au niveau des ”community col-

lèges” ou le nombre de présidentes à pratiquement décuplé de 1975 à 1992 (passant de 11 à

106)’2. Une augmentation analogue s’est produite dans les établissements publics offrant des

cycles études de quatre ans ou le nombre des femmes hauts responsables est passe de 5 à 58.

Cependant, l’évolution n’est pas aussi favorable que les chiffres le laissent supposer. Les

femmes qui exercent des responsabilités administratives dans les collèges universitaires améri-

cains sont de plus en plus nombreuses à se demander si les postes de présidente qui sont pro-

poses aux femmes ne concernent pas majoritairement les établissements les moins prestigieux

ou ceux qui connaissent des problèmes financiers. Dans l’ensemble, les collèges universitaires

qui recrutent des femmes pour diriger leur administration ne sont pas les plus réputés ni les plus

importants et il ne s’agit pas non plus des établissements les mieux dotes, à quelques excep-

tions notables près. Comme le fait observer Bernice Sandler, quand on examine la présence des

femmes dans le corps enseignant et l’administration des établissements d’enseignement supé-

rieur, on s’aperçoit que plus établissement est prestigieux, moins on y trouve de femmes ; de

même, plus on élève, moins elles sont nombreuses clans la hiérarchie13.

De nombreux présidents de collèges universitaires estiment également que les femmes

ont encore beaucoup de mal à se faire recruter pour diriger des établissements prestigieux14.

Pour rechercher s’il y à ou non des différences qualitatives entre les types établisse-

ments diriges par des hommes et ceux diriges par des femmes, il faut répondre à deux ques-

tions. Premièrement, quelle est l’hypothèse susceptible d’expliquer des diff é r e n c e s ?

Deuxièmement, comment peut-on évaluer et mesurer des différences qualitatives entre établis-

sements d’une manière qui soit rationnelle et incontestable ?

Les présidents de collèges universitaires, tant publics que privés, sont généralement

désignés par le conseil d’administration. Dans les Etats ou les établissements publics sont rat-

taches à un réseau, le président du réseau peut choisir les présidents ou les chanceliers des

campus ou des collèges universitaires appartenant au réseau, le plus souvent à partir d’une liste

de noms proposée par une commission de recherche de candidats composée d’enseignants et

de différentes personnes du campus concerné.

12 Comparaison des données de l’ ACE Data avec les listes parues dans 1 992 Higher Education

Directory.13 Bernice R. Sandler (dir. publ.), The Campus Climate Revisited : Chilly for Women faculty,

Administrators, and Graduate Students, Project on the Status of Women, Association of American

Colleges,1986, p.2.14 Courtney Leatherman, ”More Female Présidents Hired But Questions Linger About Their Clout”,

The Chronicle of Higher Education, 6 novembre 1991, p. A20.

67

Comme le soulignent Donna Shavlik et Judith Touchton, la confiance et la qualité du

contact sont des facteurs primordiaux. ”Dans le monde de l’université comme ailleurs, les hauts

responsables administratifs sont choisis par ceux qui exercent déjà le pouvoir, en fonction de la

confiance que l’on place en eux pour défendre et promouvoir les valeurs de l’ institution . D’autre

part, c’est avec ceux qui nous ressemblent le plus que nous nous sentons le plus à l’aise et que

nous pouvons le plus facilement communiquer15.

Si les femmes veulent accéder aux plus hautes fonctions, leur possibilité d’inspirer

confiance et établir de bons rapports avec tous semblent des facteurs décisifs. Ceux qui dési-

gnent le président de leur collège veulent se sentir à l’aise avec leur nouveau chef, pouvoir jouer

au golf avec lui ou assister en sa compagnie aux matches de football auxquels participera le col-

lège. Les membres de la commission de recherche de candidats peuvent vouloir s’assurer que

le futur président sera capable d’obtenir des concours financiers, stil s’agit d’un collège univer-

sitaire privé, ou de collaborer avec les autorités législatives pour faire bénéficier leur établisse-

ment d’un soutien public. Dans les grandes universités, on peut être très préoccupé des possi-

bilités d’obtenir des contrats de recherche importants d’origine publique et privée.

Les collèges universitaires américains les plus réputés sont aussi ceux qui entrent dans

l’une au moins des catégories suivantes : ils ont la plus forte dotation financière, le plus gros

volume de crédits annuels au titre des contrats de recherche extérieurs, les programmes spor-

tifs les plus compétitifs et les plus hautes exigences en matière d’admission. S’il n’y à pas d’una-

nimité en ce qui concerne les normes d’admission, les trois premiers paramètres font l’objet d’un

certain consensus .

Or, il s’agit la de domaines ou les femmes sont relativement en difficulté car on ne leur

fait pas encore totalement confiance pour diriger des établissements ou le sport tient une gran-

de place et ou le programme de recherche, le budget, les opérations d’appel de fonds et la dota-

tion financière sont de grande envergure. Le football et le basket-ball universitaires sont encore

considères comme apanage des hommes. Parmi les collèges universitaires les plus compétitifs

et qui sont donc classes en première division, un seul dans l’ensemble du pays à un directeur

sportif féminin .

Dans le domaine financier, les femmes ont encore la réputation être moins capables que

les hommes. On trouve encore moins de femmes parmi les responsables financiers que parmi

les présidents. Certaines candidates à un poste de président affirment avoir eu à répondre à

beaucoup plus de questions d’ordre financier que les candidats masculins16.

15 Donna Shavlik and Judith Touchton, ”Women in Administration : Colder at the Top”, in TheCampus Climate Revisited, p. 14.

16 Leatherman, p. A20

68

Dans le domaine de la recherche, les femmes ont considérablement progresse.

Toutefois, l’appareil dirigeant dans ce domaine est tenu par les hommes. Les plus gros contrats

vont aux sciences pures ou les femmes sont moins nombreuses, plutôt qu’aux sciences sociales

et humaines. Les femmes restent fortement sous-représentées dans certaines disciplines

comme les mathématiques et les sciences physiques ou elles ont obtenu moins d’un cinquième

des doctorats décernés en 1989-90 (et moins de 9% des doctorats décernés en sciences de l’in-

génieur). Parmi les professeurs enseignant ces disciplines, les femmes sont encore moins

visibles, leur présence se raréfiant à mesure que l’on approche du titre de professeur titulaire.

Dans la mesure ou la recherche est toujours considérée comme le domaine d’élection

des hommes, on n’a peut-être pas confiance dans la capacité des femmes d’administrer avec

compétence ce pan de l’activité universitaire ; elles ont donc plus de difficultés que les hommes

à parvenir à la présidence d’universités axées sur la recherche.

Quatre variables ont été retenues pour étudier le rapport entre, d’une part, les sports, les

finances et la recherche et, d’autre part, le choix d’une femme au poste de direction, à savoir :

1. Le pourcentage établissements habilites à délivrer des doctorats qui sont diriges par

une femme.

2. Le pourcentage établissements axes sur la recherche, qui sont diriges par une

femme.

3. Le pourcentage établissements figurant parmi les cent plus richement dotes, qui sont

diriges par une femme.

4. Le pourcentage établissements dont l’équipe sportive figure en première division, qui

sont diriges par une femme.

Si de nombreuses universités des Etats-Unis proposent un nombre très limite de forma-

tions doctorales ou accueillent un nombre très réduit étudiants préparant un doctorat, un petit

nombre seulement d’entre elles font partie de la catégorie de celles qui sont habilitées à délivrer

des doctorats. Pour cela, il faut qu’elles décernent cheque année plus de vingt doctorats dans

au moins une discipline ou dix doctorats au moins dans trois disciplines au minimum.

Les résultats de enquête révèlent que sur les 213 universités américaines considérées

comme habilitées à délivrer des doctorats, 11 seulement, soit 5,1% étaient dirigées par une

femme en 199217.

Les femmes ne sont pas plus nombreuses à la tête des établissements axes sur larecherche. Elles ne sont que deux (soit 4,4%) à diriger des établissements de recherche de pre-mière catégorie. C’est la catégorie d’excellence. Ces établis

17 Comparaison des listes de femmes hauts responsables données par l’ACE, juin 1992, avec àClassification of Institutions of Hlgher Education, The Carnegie Foundation,1987, p.13-18.

69

sements offrent un éventail complet de programmes d’étued conduisant à la licence, sont tenus

d’offrir des formations débouchant sur l’obtention d’un doctorat, décernent chaque année plus

de 50 doctorats et ont reçu en 1987 pas moins de 33,5 millions de dollars des Etats Unis au titre

du soutien du gouvernement fédéral à la recherche 18. Trois femmes, soit 5,1 %, dirigent des

universités membres de l’Association, très fermée, des universités américaines.

La présence des femmes est encore plus réduite dans les établissements participant aux

compétitions sportives de haut vol. Les collèges universitaires qui possèdent des équipes spor-

tives de bon niveau peuvent tirer des revenus considérables de la vente des billets ou des droits

de retransmission par les médias des matches auxquels participent leurs équipes. Aux Etats

Unis, les chaînes de télévision et les stations de radio achètent aux collèges le droit de retrans-

mission intégrale des matches. A ces revenus s’ajoute le fait que les victoires sportives sont cen-

sées influencer favorablement les donateurs potentiels et inciter les bailleurs de fonds publics à

accroître leur soutien aux établissements concernés.

Les activités sportives de haut niveau, dans les collèges unversitaires ont suscité un

grand nombre d’analyses critiques motivées par les craintes mettant en cause le comportement

des entraîneurs, par la médiocrité des résultats des étudiants dans les disciplines autres que

sportives et par l’importance des coûts. Certains entraîneur ont des revenus supérieurs à ceux

des présidents de collège universitaire et ils exercent parfois une plus grande influence, notam-

ment auprès des anciens du collège et des principaux membres du conseil d’administration. En

cas de conflit, on a vu des entraîneurs et des directeurs sportifs obtenir le limogeage d’un pré-

sident.

Les deux sports qui rapportent le plus étant le basket-ball et le football masculin, il arri-

ve que les membres d’un conseil d’administration et les responsables d’un réseau universitaire

se demandent si une femme voudra soutenir ces sports comme il convient ou gérer des situa-

tions relationnelles parfois difficiles. Ces doutes semblent être bien réels puisque que sept seu-

lement des 297 collèges universitaires dont l’équipe est en première division, soit à peine 2,4 %,

ont une femme à leur tête.

Le tableau est identique si l’on s’intéresse aux dotations financières. Parmi les cent col-

lèges universitaires et universités les plus généreusement dotés, cinq seulement (soit 5%)

étaient dirigés par une femme, dont trois étaient des collèges féminins privés19.

Ces différentes données semblent confirmer qu’aux Etats Unis, ce sont majoritairement

les collèges universitaires les moins réputés, les moins axés sur la

18. Classification of Institutes of Higher Education, p. 1 7.

19. “ Institutions Ranked by 1991 Market Value of Endowment Assets ”, NABUCO Business Officer, février

1992, p22.

70

recherche, les moins performants sur le plan sportif et les moins bien dotes financièrement quirecrutent des femmes aux postes de direction.

Au Canada, les femmes n’ont pas mieux réussi à accéder aux postes de direction(nommes généralement postes de recteur au Canada francophone et de président dans les pro-vinces anglophones). Quatre seulement des 110 universités et collèges universitaires sontdiriges par une femme.

Selon Marilyn Taylor qui préside la Commission chargée de la question du statut desfemmes au sein de l’Association canadienne des professeurs d’université (ACPU), l’ensembledes universitaires canadiens spécialistes de ces problèmes s’accorderait à penser que le systè-me d’enseignement supérieur canadien n’a pas évolue aussi rapidement que le système améri-cain. Personne ne doute, cependant, que des mutations soient en cours. La volonté de chan-gement s’est concrétisée au niveau national par l’adoption de la Loi fédérale sur égalité enmatière d’emploi que tous les établissements sont tenus de mettre en oeuvre.

Parallèlement, les Canadiennes reconnaissent que d’importantes mesures en faveur desfemmes ont été prises hors de l’université. Au cours des années 1970, le Canada à mis en placeune Commission royale sur la condition féminine. Cette Commission et les recommandationsqu’elle a formulées ont ”joue un rôle essentiel dans l’impulsion et la promotion d’un processusféministe au sein des associations féminines canadiennes... (ainsi que dans le cadre de leurs)relations avec le gouvernement fédéral au cours des dernières annees”20. On peut espérer Quel’impact de cette évolution va commencer à se faire sentir au niveau de la direction des établis-sements d’enseignement supérieur.

Quelles perspectives pour le renforcement de la présence des femmes dans la gestiondes établissements d’enseignement supérieur ?

Abordons, en dernier lieu, les perspectives qui s’ouvrent aux femmes en ce qui concerne le ren-forcement de leur présence dans les sphères dirigeantes de l’enseignement supérieur. L’un dessignes très encourageants est la nomination d’un nombre croissant de femmes comme prési-dentes de collège universitaire ou d’université .

Près de 140 hauts responsables ont été nommes aux Etats-Unis au cours des six pre-miers mois de 1992 : or environ 28% d’entre eux étaient des femmes21. Si ce rythme se main-tenait, il permettrait d’accroître de façon considérable la proportion de présidences détenues pardes femmes.

20 Monique Begin, ”The Royal Commission on the Status of Women in Canada : TwentyYears Later”, Challenging Times : The Women’s Movement In Canada and the United States,publie sous la direction de Constance Backhouse et David H. Flaherty, McGill-Queen’sUniversity Press,1991, p.35.

21 ”Name Dropping”, The Chronicle of Higher Education,10 juin 1992, p. A35.

71

Il est également encourageant de noter que les femmes occupent aujourd’hui un plusgrand nombre de postes clés que par le passé, si bien que l’on dispose actuellement d’un vivierplus important de femmes expérimentées. C’est ainsi qu’au cours de l’année universitaire1987-88, 17% des responsables des programmes universitaires étaient des femmes22. Or cetype de postes prélude en général à l’accession à la présidence.

L’amélioration des perspectives qu’ont les femmes d’accéder aux postes de directiondes collèges universitaires et des universités s’explique par plusieurs facteurs. Au nombre deceux-ci figurent les retombées de la législation sur l’égalité en matière d’emploi (à partir de1972), les pressions et l’appui de certaines associations professionnelles féminines particulière-ment actives telle l’American Association of University Women (Association américaine desfemmes enseignant dans les universités) et les possibilités de formation aux fonctions de direc-tion offertes dans le cadre de programmes tels que le programme HERS ou séminaire d’été dela région centrale des Etats-Unis organisé à l’intention des femmes exerçant des responsabili-tés administratives dans l’enseignement supérieur.

Plus important encore a été le rôle joué par plusieurs associations nationales regroupantdes collèges universitaires pour permettre aux femmes d’acquérir les techniques de gestion.L’Association américaine des ”community colleges” et des ”junior colleges” a mis l’accent sur lapromotion des femmes dans le cadre de son Institut national pour la formation aux fonctions dedirection. L’Association des collèges universitaires américains à permis de faire connaître toutela gamme de problèmes auxquels se heurtaient les femmes aussi bien dans les salles de courset les laboratoires que dans le bureau de la présidence, grâce à son Projet sur le statut desfemmes (qui vient d’être abandonné)

Le Bureau des femmes dans l’enseignement supérieur du Conseil américain de l’édu-cation (ACE) a mené une action particulièrement efficace. L’ACE est une structure qui regroupeplusieurs associations opérant dans le domaine de l’enseignement supérieur. A ce titre, ellereprésente l’ensemble des composantes de l’enseignement supérieur aux Etats-Unis.

Fort de la réputation prestigieuse de l’ACE, le Bureau des femmes de l’organisation àélaboré un programme national d’identification (ACE/NIP) qui à permis d’organiser des tribunesnationales en vue de favoriser la promotion des femmes ainsi que des réunions plus restreintespermettant de faire connaître à un petit nombre d’invités les dirigeantes administratives nouvel-lement promues. Depuis la mise en place de ces programmes en 1977, plus de 700 femmesexerçant des responsabilités administratives de haut niveau ont participé à ces tribunes et plusde 90 présidentes ont participé aux réunions avant de prendre leurs fonctions. Certaines de cesfemmes auraient sans doute progressé de toute façon dans la

22 ”Percentage of Women in Selected Administrative Positions in All Types of Institutions

1987-88”, publié sour la direction de Judith G. Touchton et Lynne Davis dans Factbook on Women in

Higher Education, American Council on Education and MacMillan Publishing, New York, 1991 p. 242.

72

hiérarchie mais il n’est guère contestable que dans la plupart des cas l’aide, l’attention, le sou-tien d’un réseau et la sensibilisation du public dont elles ont bénéficié grâce aux programmesACE/NIP n’ont pu que leur être profitables sur le plan professionnel.

Deux autres phénomènes extrêmement importants ont également contribué à focaliserl’intérêt sur les problèmes de l’égalité des femmes dans l’enseignement supérieur. Le premierest le développement des programmes d’études axés sur les femmes et la multiplication desdépartements spécialisés dans ces problèmes dans les collèges universitaires sur l’ensembledu territoire. Bien que l’on débatte actuellement aux Etats-Unis de ces programmes dont on sedemande s’il est légitime qu’ils puissent influer sur la définition des politiques générales, la seuleprésence des étudiants et enseignants qui s’intéressent à l’étude des problèmes relatifs auxfemmes assure sur un campus l’existence d’un groupe de personnes attentives aux problèmesd’égalité.

Le second phénomène concerne la mise en place de commissions chargées des ques-tions féminines dans de nombreux collèges universitaires et universités. Ces commissions peu-vent porter toute l’attention voulue aux questions de politique générale et suivre attentivementl’action menée par leur établissement en vue de traduire dans les faits l’égalité entre les sexes.Elles peuvent vérifier l’impartialité des directives appliquées par les comités chargés d’interro-ger les candidats à un poste d’enseignant ou à une fonction administrative. Elles peuventdemander à rencontrer les candidats à des postes sensibles ou importants afin de les évaluer.Elles peuvent dénoncer les atteintes au principe de l’égalité entre les sexes et préconiser desréformes pour améliorer la situation.

Les commissions chargées des questions féminines ont également joué un rôle trèsimportant au Canada. La Commission royale sur la condition féminine et la Commission char-gée de la situation des femmes au sein de l’association ACPU exercent une influence détermi-nante, la première en proposant les politiques à suivre, la seconde en ”donnant de l’espoir et del’énergie à toutes les personnes qui sont isolées et dont les efforts n’aboutissent pas”23.

Enfin, il importe que les établissements et ceux qui les dirigent, notamment les chance-liers et les membres des conseils d’administration qui gèrent des réseaux, s’engagent à pro-mouvoir l’égalité entre les sexes. Cet engagement ne devra pas rester purement verbal, il devrase traduire concrètement. Son application devra être vérifiée et il conviendra d’en étudier leseffets. Ce sont les dirigeants actuels qui doivent s’acquitter de cette tâche. En cas de défaillan-ce, les commissions chargées des questions féminines implantées sur les campus et les ser-vices chargés de défendre les intérêts des femmes qui existent dans les principales associationsprofessionnelles du secteur de l’éducation devront accentuer leurs pressions pour que desmutations positives interviennent dans l’enseignement supérieur .

23 Marilyn Taylor, lettre à l’auteur, 24 juillet 1992.

73

FINLANDE

LA PLACE DES FEMMES DANS LA GESTION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

EN FINLANDE

Veronica Stolte-Heiskanen

Introduction

La place des femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur est déterminée par un cer-

tain nombre de facteurs, dont les plus importants sont : le nombre de femmes possédant les

qualifications nécessaires, les barrières psychologiques et socioculturelles qui empêchent les

femmes de poursuivre une carrière universitaire et d’occuper des postes de responsabilité, et

enfin les attitudes rencontrées dans l’enseignement supérieur, en particulier au sein de la com-

munauté universitaire, en ce qui concerne l’accession des femmes à des postes de direction

dans les établissements d’enseignement supérieur. C’est à la lumière de ces facteurs qu’est

analyse ici le rôle que jouent actuellement les femmes dans la gestion de l’enseignement supé-

rieur en Finlande. Cette analyse est en partie le fruit de mon expérience personnelle au cours

de mes trente ans de carrière universitaire, comme enseignante et comme chercheur spécialise

dans étude du rôle et de la place des femmes dans le monde scientifique. Elle est enrichie des

données statistiques disponibles ainsi que des résultats des études menées dans ce domaine.

Tendances relevées dans l’enseignement supérieur

La société finlandaise à toujours attache une grande importance à l’éducation en général et à

l’enseignement supérieur en particulier. Le développement de l’éducation à joue un rôle déter-

minant dans la modernisation du pays engagée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Certes le niveau général d’instruction de la population n’a cesse de élever tout au long de ce

siècle, mais cette progression a été particulièrement rapide au cours des dernières décennies,

provoquant un accroissement constant des effectifs universitaires. En 1990, le pays comptait

près de 1 14.000 étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur, soit 10% environ de la

tranche âge comprise entre 20 et 29 ans.

L’arrivée des femmes à l’université peut se situer vers la fin du siècle dernier,

avec l’admission en 1870, sur dérogation spéciale, de la première femme dans

l’unique université qui existait alors. Huit ans plus tard, la première femme obtenait le

diplôme de la faculté de médecine. Après 1885, les dérogations devinrent si fré-

quentes que lorsque les femmes obtinrent officiellement le droit d’accès à l’enseigne-

ment supérieur, en 1901, elles représentaient déjà 14% des ef f e c t i f s

75

universitaires. Au début des années 1930, elles constituaient environ le tiers de la population

étudiante. Parmi les titulaires d’un doctorat, la proportion de femmes restait faible, 2 à 3%, pour

atteindre 10% à la fin de la décennie. Du fait de la forte concurrence qui à présidé à la réparti-

tion des rares ressources durant les années de la crise et de la guerre, les femmes n’ont pas

connu de progrès substantiels et il a fallu attendre les années 1960 pour les voir gagner du ter-

rain lorsque le besoin croissant de main-d’oeuvre diplômée s’est fait sentir sur le marché de

l’emploi.

Le développement de l’enseignement supérieur des dernières décennies à particulière-

ment joué en faveur des femmes, de sorte qu’aujourd’hui, elles ont pris l’avantage sur les

hommes. Au début de la présente décennie, plus de la moitié des diplômes universitaires de

base étaient délivrés à des femmes. Bien que les progrès aient été moins spectaculaires dans

les études universitaires supérieures, les femmes représentent aujourd’hui environ un tiers des

diplômes de ce niveau délivrés chaque année.

En dépit d’un taux exceptionnellement élevé de participation dans l’enseignement supé-

rieur, la répartition des femmes entre les différentes disciplines n’est pas très différente de ce

que l’on observe dans les autres pays d’Europe occidentale. Dans le cadre de la modernisation,

des efforts délibérés ont été engagés pour réorienter les étudiants vers d’autres disciplines en

vue de répondre aux nouveaux besoins en compétences scientifiques.

Il en est résulté, en 1980, une augmentation substantielle du nombre d’étudiants inscrits

en sciences exactes et naturelles, en technologie et en médecine. Cette redistribution, conju-

guée à la montée du féminisme, à conduit les femmes à délaisser quelque peu les sciences

dites ”douces” au profit de domaines d’études traditionnellement ”masculins”. C’est ainsi, par

exemple, que de 1975 à 1989, la proportion de femmes parmi les titulaires d’un doctorat est pas-

sée de 19 à 37% en sciences exactes et naturelles, et de 12 à 37% en médecine. Les études

d’ingénieur et l’enseignement technologique restent cependant des bastions masculins. à la fin

de la dernière décennie, 28% de tous les hommes titulaires d’un diplôme de maîtrise ou de doc-

torat avaient reçu une formation d’ingénieur ou une formation technique, contre 7% seulement

pour les femmes.

Même dans le domaine des sciences exactes et naturelles, la forte proportion de

femmes constatée est trompeuse dans la mesure où leur importance relative dans les diffé-

rentes disciplines de ce domaine varie considérablement. Elle reflète grosso modo la séquence

observée à l’échelle internationale : biologie, chimie et biochimie. L’accroissement constaté est

dû principalement à la progression enregistrée dans une discipline à dominante traditionnelle-

ment féminine, la pharmacie, et, jusqu’à un certain point, en biologie. La proportion de femmes

dans les disciplines essentiellement masculines que sont l’informatique et les sciences phy-

siques à même légèrement diminué. Pour ce qui est des sciences appliquées, c’est en archi-

tecture que l’on trouve la plus forte concentration de femmes, puisqu’elles représentent environ

40% des effectifs étudiants.

76

Le faible nombre de femmes dans certaines disciplines apparentées aux sciences

exactes et naturelles et aux sciences appliquées semble s’expliquer davantage par des choix

individuels que par une discrimination délibérée de la part du système. II n’y à pratiquement pas

de différence entre la proportion de femmes parmi les candidats inscrits aux examens d’entrée

et leur représentation parmi les étudiants admis dans les différentes facultés.

Les différences entre les sexes en matière d’orientation scientifique se manifestent des

l’enseignement secondaire. à la fin de la dernière décennie, les garçons étaient encore deux fois

plus nombreux que les filles à choisir l’option ”mathématiques avancées” et une fille sur cinq

seulement, contre un garçon sur deux, choisissait l’option ”physique avancée” en fin études

secondaires. II s’ensuit qu’au moment de l’entrée à l’université, l’orientation scientifique et tech-

nique retenue au niveau du secondaire devient l’un des principaux facteurs lies au sexe qui

détermine les choix éducatifs.

Le rôle des universités et le marche des emplois universitaires

En Finlande, les universités ont toujours joue un rôle important dans la vie culturelle, intellec-tuelle et scientifique du pays. Dans la hiérarchie institutionnelle de la communauté scientifique,elles représentent le siège du savoir et les centres de compétences scientifiques les plus pres-tigieux. Le corps enseignant, en particulier les professeurs, jouissent d’un statut social élève, etpour les scientifiques, quelle que soit leur discipline ou presque, une carrière universitaire consti-tue l’option privilégiée sur le marche des emplois scientifiques.

Au cours de la transformation structurelle de la société finlandaise, le système d’ensei-

gnement supérieur a été modernise et développe. Au début des années 1970, un réseau consti-

tue de 17 établissements d’enseignement supérieur a été mis en place, cette expansion inter-

venant dans un cadre exclusivement régional. II y à actuellement dix universités, composées

chacune de plusieurs facultés, trois universités de sciences de l’ingénieur et de technologie, trois

écoles de sciences économiques et de gestion, et une école de médecine vétérinaire. La re-

cherche fondamentale est menée pour l’essentiel dans les universités, et environ 40% de tous

les scientifiques professionnellement actifs travaillent dans un établissement d’enseignement

supérieur.

Au début de la présente décennie, on dénombrait environ 6000 postes d’enseignementuniversitaire à temps plein dans le pays. Toutes les universités sont des institutions publiquesautonomes, placées sous la tutelle administrative du Ministère de l’éducation. Elles sont finan-cées principalement par l’Etat qui leur alloue des crédits dans le budget annuel vote par le par-lement. En Finlande comme ailleurs, les établissements d’enseignement supérieur ont vu cesdernières années les crédits publics diminuer, et la part des financements externes augmenterégulièrement depuis quelque temps. En Finlande, l’accès à l’enseignement supérieur gratuit estun droit pour tous. Les universités notant donc pas la possibilité d’accroître leurs ressourcesfinancières par le biais de droits d’inscription, même minimes.

77

L’importance croissante attachée aux fonctions de recherche des universités, conjuguée

à la contraction de leurs ressources financières, à conduit ces institutions à se préoccuper

davantage efficacité et de justification de leurs dépenses. Dans ce contexte, la gestion de l’en-

seignement supérieur à acquis une importance particulière.

La Finlande se caractérise par une très faible mobilité horizontale entre les différentscentres de production du savoir. Il est rare que les universitaires, et plus particulièrement ceuxqui se situent au sommet de la hiérarchie, quittent l’université pour d’autres fonctions et, idéale-ment, les enseignants de rang inférieur et intermédiaire gravissent peu à peu les échelons ausein du système universitaire.

Tous les postes d’enseignant sont pourvus sur concours. Seuls les professeurs et lesprofesseurs-associés, ainsi que les charges de cours dont le nombre est relativement faible,sont nommes à vie. Les autres postes sont pourvus pour des périodes qui peuvent aller jusqu’àcinq ans. Les administrateurs de haut niveau sont également nommes à vie et ils sont, en règlegénérale, recrutes dans les rangs du personnel administratif des universités.

Dans la mesure ou les fonctions et les rémunérations sont identiques dans toutes les uni-

versités et ou elles sont rattachées aux grilles fixes de la fonction publique, les enseignants n’ont

pas de raison particulière de changer d’université, sauf si leur mutation s’assortit d’une promo-

tion. Par ailleurs, l’appartenance des enseignants à la fonction publique rend virtuellement

impossible toute discrimination selon le sexe, du moins au niveau des salaires.

La place des femmes dans les établissements d’enseignement supérieur

En 1916, les femmes ont acquis le droit accéder à des postes de l’enseignement supérieur, mais

du fait du nombre relativement faible de femmes possédant les qualifications requises, la pro-

portion de femmes à ces postes est longtemps restée peu élevée, pour atteindre 16% au début

des années 1970.

C’est en 1895 qu’une femme se voit, pour la première fois délivrer un doctorat.Trente-deux ans plus tard, en 1927, une femme est pour la première fois nommée professeur(d’histoire) à l’université encore petite et relativement récente de la minorité suédoise. Alors quela proportion de femmes parmi les titulaires de doctorat atteignait environ 10% en 1940, lenombre de chaires de professeur attribuées à des femmes à progresse lentement, représentant2,5% du total en 1964. Hormis quelques variations minimes, leur représentation s’est maintenueà ce niveau jusqu’à la fin des années 1960.

Durant la phase d’expansion du système universitaire (1954-1975), les créa-tions de postes ont fortement augmente. Au début des années 1970, le nombre dechaires de professeur avait plus que triple et cette progression s’est accompagnéed’un accroissement très substantiel du nombre de postes de rang intermédiaire eti n f é r i e u r. Le besoin croissant de nouveaux professeurs à encourage les

78

universités à développer les formations doctorales. Pendant cette période de croissance, la moi-tié environ des titulaires d’un doctorat ont bénéficie d’un poste permanent à l’université, princi-palement comme professeur ou professeur associe. Cette période a été pour les femmes unepériode faste en raison du nombre de postes vacants à pourvoir : la proportion de femmes parmiles professeurs nouvellement nommes à atteint le niveau record de 12% à la fin des années1970.

Cette phase d ‘expansion à pris fin vers le milieu des années 1980, faisant place à unediminution constante des créations de postes depuis lors. Le nombre de nouveaux doctoratsdélivrés, en revanche, à continue d’augmenter, année après année, alors que les créations depostes étaient en baisse. Dans les années 1960, un candidat à un poste de professeur se trou-vait, au pire, en concurrence avec un autre candidat. Au début des années 1980, pour chaquerecrutement à un poste de professeur, on dénombrait dix candidats potentiels, tous titulaires d’undoctorat. Etant donne que dans de nombreux domaines comme, par exemple, les sciencessociales et les sciences exactes et naturelles, les débouches sont très limites en dehors de l’uni-versité, les titulaires de doctorat se trouvent de plus en plus en concurrence avec un nombrecroissant de candidats potentiels, possédant les qualifications nécessaires, pour des postes uni-versitaires de rang inférieur.

Cette compétition accrue et la diminution des créations de postes ont particulièrementaffecte les espoirs de carrière universitaire des femmes. Dans le même temps, le nombre defemmes qualifiées n’a cesse d’augmenter. C’est ainsi, par exemple, que le nombre de femmestitulaires d’un doctorat à pratiquement double au cours des dix dernières années, alors que laprogression correspondante chez les hommes n’a été que de 29%.

Malgré des reculs récents, la proportion de femmes au sein du corps enseignant univer-sitaire à double en vingt ans. Aujourd’hui, les femmes représentent environ un tiers du corpsenseignant universitaire. Toutefois, comme cela se vérifie dans la quasi-totalité des sphères dela vie sociale, plus on s’élève dans la hiérarchie universitaire, plus le nombre de femmes dimi-nue. En 1991, la proportion de femmes aux différents niveaux de l’enseignement universitaireétait la suivante :

Niveaux Pourcentage de femmes

Professeurs 10Professeurs associes 19Maîtres assistants 26Maîtres de conférence 38Assistants Charges de cours 46

Comme on pouvait s’y attendre étant donne inégale répartition des femmesdiplômées de l’enseignement supérieur entre les différentes disciplines scientifiques,les femmes sont le plus fortement représentées en sciences humaines, en sciencessociales et en agronomie. L’augmentation particulièrement marquée des

79

postes d’enseignement dans les facultés de technologie et de sciences exactes et naturelles ne

s’est pas accompagnée d’une hausse proportionnelle du pourcentage de femmes. Les progrès

les plus notables concernant l’accession des femmes à des postes universitaires de rang élève

ont été enregistres dans le domaine des sciences médicales.

Traditionnellement, les femmes ont été les plus nombreuses parmi les charges de cours

spécialisés. Etant donne la charge d’enseignement particulièrement lourde et les possibilités de

recherche limitées qui sont associées à cette fonction, ce poste est peu convoite par les scien-

tifiques aspirant à une carrière universitaire.

Alors que les femmes continuent être sous-représentées à tous les niveaux de la hiérar-

chie universitaire, leur sous-représentation est particulièrement manifeste au niveau le moins

élève, celui d’assistant. En effet, pour embrasser la carrière universitaire, le premier pas consis-

te à obtenir un poste, d’assistant par exemple, qui garantit à la fois une certaine sécurité finan-

cière pour la poursuite études de troisième cycle et la possibilité de intégrer à la communauté

universitaire. II offre également la possibilité d’acquérir, tôt, quelque expérience des questions

administratives au sein de l’université.

Les assistants, charges d’enseignement et de recherche, sont censés terminer leurs

études de troisième cycle durant leur premier contrat, ou du moins le suivant. Le renouvellement

de leur contrat dépend en principe de la progression de leurs travaux. Une fois muni de son doc-

torat, l’assistant est censé accéder à un poste universitaire de niveau supérieur ou chercher un

emploi en dehors de l’université. Pratiquement tous les professeurs ont été assistants ou maîtres

assistants pendant quelque temps avant être nommes professeurs.

Comme un poste d’assistant constitue virtuellement un préalable à la poursuite d’une

carrière universitaire, le déséquilibre proportionnellement plus marque entre les sexes que l’on

constate à ce niveau à d’importantes répercussions pour les écarts ultérieurs entre les perspec-

tives de carrière des hommes et des femmes respectivement.

Il n’existe pas d’information exacte sur le nombre de femmes employées dans les struc-

tures administratives des établissements d’enseignement supérieur. Dans le secteur public, en

général, les femmes représentent plus des deux tiers de la population active employée dans les

services collectifs, sociaux et personnels d’administration, éducation et recherche incluses. De

même, dans les établissements d’enseignement supérieur, les emplois de secrétariat et de

bureau, les fonctions auxiliaires (par exemple bibliothécaire, conseiller pédagogique, etc.) ainsi

que les emplois administratifs de niveau intermédiaire et inférieur sont, dans leur écrasante majo-

rité, occupes par des femmes. Par conséquent, contrairement à ce que l’on observe pour le corps

enseignant, les femmes ont au sein de la bureaucratie universitaire, de nombreuses possibilités

d’acquérir des compétences administratives et gestionnaires. Et elles peuvent souvent enrichir

leur expérience en suivant des formations spécialisées prises en charge par les universités.

80

La place des femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur

La gestion et l’administration des établissements finlandais d’enseignement supérieur sont

caractérisées par une structure organisationnelle double : d’un cote, les organes élus représen-

tant la communauté universitaire et, de l’autre, des responsables administratifs nommes. En

principe, toutes les fonctions de décision concernant les grandes orientations et les questions

universitaires sont confiées à un système hiérarchique de conseils et d’organes administratifs,

correspondant habituellement aux différents niveaux de responsabilité de l’université, de la

faculté et du département. En général, ces organes sont composes, dans des proportions fixes,

de représentants des trois corps de la communauté universitaire, à savoir : 1) les professeurs et

professeurs associes ; 2) les autres personnels universitaires, enseignants et administratifs ; 3)

les étudiants des premières années. Les membres des conseils sont élus habituellement pour

une période de trois ans par leur ”électorat” respectif. Dans ces organes directeurs, les diri-

geants, par exemple les doyens de faculté et les chefs de département, sont élus par leurs

conseils respectifs . La seule exception notable concerne l’ instance la plus élevée, qui consti-

tue en quelque sorte le ”gouvernement de l’université”, et qui est dirigée par le recteur et inclut

automatiquement le(s) vice-recteur(s) avec droit de vote. Le recteur et le (s ) vice-recteur(s) sont

élus par des ”collège électoraux ” spécifiques, eux-mêmes constitues sur la base de la repré-

sentation tripartite mentionnée ci-dessus.

.

Parallèlement à cette ”structure hiérarchique universitaire”, il existe une hiérarchie admi-

nistrative qui à pour principale fonction de préparer et d’exécuter les décisions des différents

conseils et d’assurer la gestion quotidienne de l’infrastructure administrative de l’ université . Les

postes de directeur administratif comme les autres fonctions de haut niveau (par exemple,

secrétaire général, trésorier, etc.) sont pourvus sur concours, comme tous les emplois de la fonc-

tion publique en Finlande.

En outre, à la frontière entre ces deux secteurs, on trouve les responsables des diffé-

rents services et instituts de recherche, depuis la bibliothèque et le centre informatique j jus-

qu’aux laboratoires de recherche spécialisés (par exemple, dans le domaine des sciences

sociales) et aux cellules expérimentales.

Bien qu’il existe des différences entre les 17 établissements d’enseignement supérieur

étudiés ici, la structure organisationnelle type de ces institutions et la place actuelle des femmes

au sein de cette structure peuvent être schématiquement représentées par le diagramme ci-

après.

La proportion actuelle de femmes, pour chaque niveau de gestion, est donnée d’abord

en pourcentage puis suivie par le nombre total d’individus entrant dans la catégorie en question

(indique entre parenthèses par ”N”).

81

Participation globale actuelle des femmes dans la gestion et l ‘administration des établissements d’enseignement supérieur en Finlande

”Gouvernement” de l’université

On peut tirer plusieurs conclusions de cette représentation schématique de la participa-tion relative des femmes aux différents niveaux de direction et de responsabilité administratives.

Au sein de la hiérarchie universitaire, pour ce qui touche aux affaires interneset externes de l’université, la position la plus en vue, la plus prestigieuse et la plusinfluente est celle de recteur. Seuls les professeurs en titre peuvent être élus à

82

cette fonction, alors que les professeurs associes sont eux éligibles au poste de vice-recteur. à

ce jour, une femme seulement dans toute l’histoire de l’université finlandaise à pu accéder au

poste de recteur l’université. Cet événement historique s’est produit au début de cette année,

dans une université du Nord du pays.

A de rares exceptions près, les doyens de faculté sont également désignés parmi les

professeurs en titre. Compte tenu du faible nombre de professeurs en titre de sexe féminin, les

femmes ne sont que légèrement sous-représentées au niveau des doyens. Actuellement, six

universités seulement comptent au moins une faculté dont le doyen est une femme. Il s’agit en

général de facultés de sciences humaines ou de sciences sociales.

La proportion de femmes au sein des conseils de faculté et des conseils d’administration

varie peu d’une institution à l’autre. La seule exception notable, mais qui n’a rien de surprenant,

concerne les trois universités de sciences de l’ingénieur et de technologie, ou la proportion de

femmes dans les instances dirigeantes ne dépasse pas 13%. à première vue, la représentation

des femmes au sein de ces organes élus semble refléter presque exactement leur place au sein

du corps enseignant. Cependant, si l’on considère que ces organes incluent des représentants

d’autres catégories de personnel ainsi que des étudiants - groupes tous deux caractérisés par

une majorité féminine - la représentation des femmes à ces niveaux de responsabilité et de déci-

sion est manifestement inférieure à ce que l’on pourrait attendre eu égard au nombre de femmes

qualifiées.

Le titre universitaire exige pour les directeurs des instituts indépendants engages dans

la recherche ou la prestation de services est habituellement le doctorat. On note également une

sous-représentation des femmes à ces postes. De ce point de vue, la situation varie considéra-

blement d’un établissement à l’autre. Cependant, ces variations s’expliquent davantage par les

différences de caractère des instituts de recherche mis en place par les universités que par des

différences locales d’attitudes vis-à-vis de l’accession des femmes à des fonctions de direction.

Les directrices tendent à être concentrées dans les secteurs plus typiquement ”féminins”, par

exemple les centres de langues, les bibliothèques, les centres d’enseignement péri-universi-

taires, etc. On en voit moins à la tête par exemple des centres informatiques, des laboratoires

de recherche ou des cellules expérimentales, dont les activités relèvent de disciplines dans les-

quelles le nombre de femmes qualifiées est relativement faible.

Au sein de la hiérarchie universitaire, c’est au niveau des fonctions de vice-recteur que

les femmes obtiennent les meilleurs résultats, au point qu’elles sont aujourd’hui légèrement sur-

représentées. C’est un phénomène assez nouveau dans le milieu universitaire. Aujourd’hui

encore, les femmes vice-recteurs sont les plus nombreuses dans les petites universités de pro-

vince ou dans les établissements d’enseignement supérieur spécialisés. Moi-même, j’ai été la

première femme élue au poste de vice-recteur de l’une des trois grandes universités finlan-

daises. Il est vrai aussi que ma nomination est intervenue soixante-cinq ans après la fondation

de notre université.

83

Les écarts constates dans la représentation des femmes universitaires à différentes

fonctions de direction donnent à penser que leur accession à ces postes est déterminée en gran-

de partie par deux phénomènes, qui parfois s’opposent. Dans le monde universitaire les intérêts

de chaque discipline et leur défense jouent un rôle important dans la compétition pour les cré-

dits et le pouvoir. De ce fait, pour les organes élus comme les conseils d ‘administration ou de

faculté, la représentation des disciplines joue un rôle essentiel, reléguant souvent au second

plan les considérations de sexe. Et la proportion relativement faible de femmes qualifiées dans

nombre de disciplines se traduit inévitablement par leur sous-représentation au sein de ces

organes. Ainsi s’explique aussi le fait que les femmes commencent à gagner du terrain au poste

de vice-recteur, les ”quotas par discipline” ayant une moindre incidence à ce niveau. La possi-

bilité, grâce à des efforts concertes, de faire élire une femme à cette fonction sur la base de ses

mérites propres est donc beaucoup plus réelle. Après mon expérience personnelle comme celle

de nombreux collègues, l’élection de femmes à des postes de vice-recteur a été due en grande

partie aux campagnes de soutien actives menées par les femmes et les étudiants - autre caté-

gorie marginale dans la structure du pouvoir universitaire. à l’inverse de ce que l’on observe pour

les hommes, le fait d’attendre des femmes vice-recteurs et de celles qui occupent des fonctions

de responsabilité qu’elles aussi soutiennent activement les intérêts de leur sexe reflète la per-

sistance des inégalités entre les sexes au sein de la communauté universitaire.

Outre les instances dirigeantes au sein de l’université, il existe plusieurs organes publics

plus ou moins directement responsables de l’élaboration des politiques et de l’affectation des

crédits, qui influencent directement les établissements d’enseignement supérieur. C’est ainsi

qu’en Finlande, le Conseil des politiques scientifiques et technologiques, responsable de l’éla-

boration des politiques au plus haut niveau gouvernemental, compte deux femmes sur un total

de seize membres. Dans les cinq sous-commissions du Conseil de l’enseignement supérieur,

dont les membres, au nombre de 60 en tout, sont désignés par le Ministère de l’éducation, la

proportion de femmes est de 27%.

L’Académie de Finlande est le principal organisme charge de la mise en oeuvre de la

politique scientifique et de la distribution des crédits de recherche au secteur public. C’est elle

essentiellement qui finance la recherche fondamentale dans les universités et qui octroie par

ailleurs des postes de recherche temporaires à quelque 500 scientifiques, en général dans des

établissements d’enseignement supérieur. L’appartenance à l’un des sept Conseils de la

recherche qui représentent les principales disciplines scientifiques et qui sont responsables de

l’attribution des postes et des crédits de recherche revêt également une grande importance pour

les universités. La majorité des membres nommes de ces conseils sont en fait choisis parmi les

universitaires de rang élève. Actuellement, sur un total de 114 membres, 22% sont des femmes.

La encore, la proportion de femmes varie considérablement d’une discipline à l’autre. à une

extrémité de éventail, les femmes représentent 7% des membres du Conseil de la recherche en

sciences exactes et naturelles, à l’autre extrémité 29% des membres du Conseil de la recherche

en sciences humaines. Par ailleurs, deux de ces conseils seulement sont présides par des

femmes .

84

Bien qu’il reste encore beaucoup à faire, les institutions d’enseignement supérieur, com-

parées à d’autres secteurs de production du savoir, ont fait preuve d’une attitude beaucoup plus

libérale vis-à-vis des femmes. C’est ainsi, par exemple, qu’a la fin du moins de la dernière

décennie, les femmes représentaient environ 14% des chefs de départements scientifiques au

sein de la vingtaine d’instituts publics de recherche que compte la Finlande, bien qu’aucune

n’occupât un poste de directeur.

De même, les chances pour les femmes accéder à des fonctions de direction au sein de

la bureaucratie administrative des établissements d’enseignement supérieur sont plus élevées

que dans tout autre secteur de la fonction publique. Près de la moitié des chefs de département

et deux des directeurs administratifs sont des femmes, ce qui est nettement mieux que dans le

secteur public ou les femmes représentent actuellement environ un quart des hauts fonction-

naires et des cadres supérieurs.

A la lumière de ce qui précède, on peut penser qu’a l’heure actuelle, c’est au sein de la

structure administrative des universités plutôt que de la structure académique que les femmes

ont le plus de chances accéder à un poste de direction. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce

phénomène. Tout d’abord, parmi les universitaires, il n’y à pas assez de femmes qualifiées - en

particulier aux niveaux les plus élevés - dans plusieurs disciplines académiques qui, pour bon

nombre d’entre elles, représentent une fraction importante du personnel enseignant et cher-

cheur des universités. Ce n’est pas le cas dans l’administration, ou le nombre de femmes qua-

lifiées est élève, voire supérieur au nombre d’hommes dans de nombreuses spécialités.

Ensuite, conformément à l’idéologie universitaire traditionnelle, les fonctions acadé-

miques sont plus valorisées que celles, relativement récentes, d’administrateurs professionnels.

Or il est établi que plus la valeur sociale attachée à une fonction est élevée, plus les femmes ont

de difficulté à y accéder. Enfin, les attributions de postes administratifs sont plus strictement

régies par des critères expérience et de qualification. à l’inverse, l’élection à des fonctions de

direction ”académiques” est davantage influencée par des critères moins tangibles tels que le

degré de notoriété et de prestige du candidat potentiel. De ce point de vue, les femmes sont sou-

vent désavantagées pour diverses raisons.

Problèmes actuels et perspectives futures

En Finlande, comme dans les autres pays scandinaves, les femmes ont obtenu, de manière

générale, un degré égalité relativement élève. Leur participation à la vie économique, politique,

sociale et éducative est l’une des plus fortes des pays industrialises occidentaux. Leur présen-

ce à des fonctions de direction et d’administration dans l’enseignement supérieur n’a rien à

envier à la situation des autres pays. Cependant, comme nous l’avons vu, il reste beaucoup à

faire encore. Des améliorations devront être apportées à différents niveaux.

85

A l’évidence, le premier pas sur la voie qui mène à une carrière universitaire fait interve-

nir des choix éducatifs. Les différences entre les sexes sont déjà sensibles à ce moment-là. Des

études faites parmi les étudiants ont montre que les jeunes femmes sont moins sures que les

jeunes gens de leur choix de carrière, et que cette incertitude s’accroît encore à mesure qu’elles

avancent dans leurs études. Si les hommes comme les femmes placent la créativité, derrière la

sécurité, parmi les facteurs les plus déterminants pour le choix d’une carrière, elles attachent

sensiblement moins d’importance que les hommes aux aptitudes scientifiques. La perception

qu’ont les étudiants eux-mêmes de leurs aptitudes professionnelles, conjuguée au climat

régnant dans le système universitaire, contribue au fait qu’ils tendent à prendre des décisions

conformes aux images professionnelles et universitaires traditionnelles. Il s’ensuit pour les

femmes qu’elles sont orientées vers des filières typiquement féminines et vers des options

conformes aux stéréotypes en vigueur concernant les motivations féminines. C’est un fait éga-

lement que les hommes sont plus encourages que les femmes à poursuivre une carrière scienti-

fique par leur milieu familial. De sorte qu’une proportion plus importante de femmes s’orientent

vers des études qui conduisent, immédiatement après le diplôme, à des débouches autres

qu’une carrière universitaire.

Dans le cadre du processus de socialisation qui débute au sein de la famille pour culmi-ner au niveau des études universitaires, le premier pas consiste à s’employer bien davantage àencourager les femmes à choisir des carrières traditionnellement considérées comme l’apana-ge des hommes.

Des études rétrospectives comparant l’évolution des carrières d’universitaires hommes

et femmes en Finlande n’ont pas révélé de différence significative entre les deux sexes au

niveau des origines sociales ou régionales, de la situation matrimoniale ou de l’université d’ori-

gine. Le seul écart systématique mis en évidence est la différence âge constatée : à chaque

étape de la vie professionnelle, les femmes sont plus âgées. Cette différence âge est négli-

geable au début, mais lorsque les femmes obtiennent leur diplôme de second cycle (licence),

elle est d’environ deux ans et, au niveau du doctorat, elle dépasse trois ans. Il n’est donc pas

surprenant que, même dans les années 1970, alors que la conjoncture était particulièrement

favorable pour les femmes, elles aient eu quatre ans de plus que les hommes au moment de

leur nomination à une chaire de professeur.

Les principales différences relevées entre les carrières universitaires des hommes et desfemmes sont donc l’avancement moins rapide des femmes et, dans leur cas, une probabilitéd’abandon plus forte à mesure qu’elles s’élèvent dans la hiérarchie universitaire. Une des expli-cations les plus couramment avancées serait l’incompatibilité entre les exigences d’une carrièreuniversitaire et la fonction socialement valorisée épouse et de mère. Cette explication ne trouvepas de validation directe en Finlande.

En Finlande, contrairement à ce que l’on observe dans de nombreux pays occidentaux, la majoritédes universitaires, hommes et femmes, sont maries. La plupart ont des enfants au moment de l’obtention deleur doctorat et aucune corrélation n’a pu être établie entre le fait d’avoir des enfants et l’obtention d’un

86

diplôme études universitaires supérieures. Cela ne veut pas dire que le mariage et la famille ne

confèrent pas de plus lourdes responsabilités aux femmes qu’aux hommes. La période durant

laquelle la pression de la réussite et de l’entrée dans une carrière universitaire est la plus forte

coïncide avec le moment ou l’on fonde un foyer et une famille : entre 25 et 35 ans. Voila sans

doute qui explique, au moins partiellement, pourquoi les femmes sont plus âgées que les

hommes à chaque étape de la carrière universitaire classique. Cette différence âge à son tour

peut être l’un des facteurs responsables des moindres possibilités de carrière universitaire des

femmes.

Les femmes actives avec des enfants en bas âge doivent aussi faire face à des pro-

blèmes d’horaires longs et irréguliers, surtout lorsqu’elles occupent des postes de responsabili-

té. Au sein du personnel universitaire également, c’est sur les femmes que reposent encore prin-

cipalement la tenue du ménage et l’éducation des enfants. à la différence de leurs collègues

masculins, les femmes doivent donc assumer une double charge de travail.

Mais les Finlandaises jugent rarement incompatibles leur vie de famille et leur vie pro-

fessionnelle. Toutefois, selon un sentiment répandu parmi les universitaires en particulier les

femmes - la principale raison pour laquelle il y à si peu de femmes universitaires est que ”le

mariage et la famille empêchent les femmes de se concentrer sur leurs travaux de recherche”.

Il semble donc que l’origine des problèmes réside dans l’adhésion à ce que l’on à appelé ”le

mythe de l’incompatibilité des rôles” plutôt que dans la réalité concrète de tous les jours

.

Certes, des facteurs sociaux et culturels jouent un rôle incontestablement important dans

la progression relativement lente (bien que non négligeable) des femmes vers une participation

égale aux postes de responsabilité dans l’enseignement supérieur finlandais, mais la société ou

la culture dans leur ensemble ne sauraient être tenues pour entièrement responsables. En

Finlande comme ailleurs, la communauté universitaire elle-même est très réfractaire au chan-

gement.

La science est parfois définie comme une manière de voir les choses. Or les femmes

restent encore trop souvent ”invisibles” au regard de la communauté scientifique. Aux yeux de

nombreux chercheurs masculins, leurs collègues de sexe féminin apparaissent encore comme

”aptes à faire le café et à résoudre des conflits rationnels, mais leurs travaux ne présentent pas

d’intérêt”. Plusieurs études confirment que les scientifiques femmes demeurent ”transparentes”

pour leurs collègues masculins, que leurs compétences sont facilement dévalorisées et qu’elles

sont souvent tenues à écart des réseaux informels de communication et de relations sociales

qui jouent un rôle essentiel dans la vie de la communauté.

L’existence de mécanismes relationnels reproduisant la culture masculine dominante de

la communauté universitaire, qui a été mise en évidence par des études antérieures, se vérifie

également en Finlande.

Sur un échantillon de jeunes universitaires, on à constate que les hommes

comme les femmes dans leur majorité discutent volontiers de questions relatives

87

à leur travail avec des collègues du même sexe. En revanche, près de la moitié des femmes

mais moins d’un tiers des hommes discutent fréquemment de leur travail avec des collègues du

sexe oppose.

Par suite des différences réelles ou supposées dans les rôles assignes aux femmes en

milieu universitaire, leurs collègues masculins sont souvent amenés à les considérer en se fon-

dant sur des étiquettes et des stéréotypes et à ne pas reconnaître la valeur de leur travail. Les

compétences et résultats des femmes restent donc invisibles en dehors de leur propre culture

minoritaire féminine. Des mesures formelles et informelles devront sans aucun doute être mises

en oeuvre pour faire évoluer ces attitudes profondément enracinées au sein de la communauté

universitaire à dominante masculine.

La loi sur égalité, votée par le parlement et entrée en vigueur en 1987, à pour objet

empêcher toute discrimination sexuelle et de promouvoir égalité entre les hommes et les

femmes. Elle met l’accent en particulier sur amélioration de la situation des femmes dans le

monde du travail. Un Conseil pour égalité ainsi qu’un Médiateur ont été nommes pour supervi-

ser l’application de cette loi.

En 1990, une directive émanant du Médiateur invitait toutes les institutions d’enseigne-

ment supérieur à se doter d’un plan visant à promouvoir une plus grande égalité entre les sexes

dans l’enseignement, la recherche et leurs autres domaines activité. Un certain nombre d’uni-

versités l’ont déjà fait, d’autres travaillent actuellement à l’élaboration de leur programme de

”promotion de égalité”. Le Ministère de l’éducation à également rendu publique une série de

principes directeurs à mettre en oeuvre dans des plans opérationnels de promotion de égalité

pour 1991 -1993. Bien qu’il soit encore trop tôt pour évaluer pleinement les effets de ces

mesures officielles, des signes épars attestent de leur incidence positive sur l’évolution des atti-

tudes.

Il a aussi été dit que l’image masculine de la science est responsable, d’une part, de

l’orientation scientifique insuffisante des femmes et, d’autre part, de leur manque de confiance

dans leurs capacités scientifiques. Le manque de confiance des universitaires femmes a été mis

en évidence par un certain nombre études. Par exemple, les femmes jugent leurs aptitudes

théoriques inférieures à celles de leurs collègues masculins. Les femmes elles-mêmes attribuent

plus souvent que les hommes à l’absence d’encouragements et à un manque de confiance leur

représentation plus modeste au sein de la hiérarchie universitaire et scientifique.

La simple augmentation du nombre de femmes à des postes universitaires, la mise en

place de réseaux de soutien entre les universitaires femmes et l’accroissement du nombre de

femmes susceptibles de servir de modelés auront certainement pour effet améliorer l’image que

les femmes ont elles-mêmes. Ce changement d’attitude, à son tour, amènera un nombre crois-

sant de femmes à s’orienter vers des fonctions de direction et à s’y préparer.

88

Conclusion

A évidence, avancée remarquable des Finlandaises quant au niveau de leurs qualifica-

tions ne s’est pas accompagnée d’une égale progression dans les carrières scientifiques. il reste

beaucoup à faire, incontestablement, en particulier au sommet de la hiérarchie, pour redresser

la situation.

Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, avancée considérable des femmes sur le

plan des études supérieures ne leur à pas ouvert davantage de débouches universitaires. Dans

l’échelle de valeurs de la société finlandaise, la carrière universitaire reste encore très prisée.

Elle s’accompagne généralement d’une promesse, sinon de richesse, du moins de prestige

considérable et l’accès au moins partiel aux cercles du pouvoir. D’un autre cote, la Finlande est

un petit pays et un nombre sans cesse croissant de candidats potentiels sont en concurrence

face à des emplois universitaires limites du fait des faibles possibilités de promotion interne.

Dans le même temps, les débouches offerts aux candidats à une carrière scientifique sont très

rares, voire inexistants, en dehors de l’université.

Dans ce contexte de concurrence accrue pour l’accès à des ressources convoitées mais

rares et compte tenu de la prédominance masculine des structures sociales, les femmes sont

clairement désavantagées. De ce fait, elles occupent dans l’université une place encore très

marginale, sur le plan à la fois qualitatif et quantitatif ; d’ou une tendance à être moins produc-

tives et moins reconnues. Cette tendance, à son tour, affecte leurs chances accéder à des

postes de responsabilité et, donc, au pouvoir social et politique nécessaire pour introduire des

changements en faveur d’une plus grande égalité dans les perspectives professionnelles.

Il est impossible de prédire comment ce cercle vicieux pourra être rompu. Dans un ave-

nir proche, les perspectives de croissance du système universitaire s’annoncent plutôt sombres.

De plus en plus, les universités européennes sont confrontées à de nouvelles réductions de cré-

dits. Et expérience à montre que les femmes sont davantage exposées aux effets négatifs d’une

diminution de ressources. Par ailleurs, il est difficile de prévoir les conséquences pour les

femmes de la libre circulation des universitaires entre les différents pays de la Communauté

européenne. D’un cote, l’élargissement des horizons de l’emploi universitaire peut se traduire

par une amélioration des perspectives de carrière des femmes. Mais, de l’autre, ce phénomène

peut réduire encore leurs chances, face à un nombre accru d’universitaires hommes, de béné-

ficier des possibilités très limitées offertes en Finlande. l’évolution de la représentation des

femmes à des postes de direction et d’administration dans les établissements d’enseignement

supérieur- comme dans d’autres secteurs de la société - dépendra en grande partie de change-

ments structurels, institutionnels et culturels plus vastes.

89

FRANCE

LE ROLE DES FEMMES DANS LA GESTION

DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EN FRANCE

Michèle Gendreau-Massaloux

avec la collaboration de

Marie Françoise Fave-Bonnet1

Trois images en préambule, jalons d’une histoire personnelle.

La première se situe en 1968. Reçue première à l’Agrégation d’Espagnol, élève de l’Ecole

Normale Supérieure de jeunes filles de Sèvres, j’ai bénéficié d’une année supplémentaire pour

engager un travail de recherche. Puis, sur les trois propositions de postes d’assistante à l’uni-

versité, j’ai choisi Paris. Ma première année, fertile en événements, se clôt sur le mouvement

étudiant qui bouleverse la rue, le gouvernement, le pays. Ma première image se situe lors d’une

de ces assemblées, houleuses et parfois confuses, à Censier, où ”mandarins” étonnés et lea-

ders de la jeunesse révolutionnaire s’affrontent. Mon âge - moins d’un quart de siècle - et mes

rapports avec les étudiants frondeurs me rangent plutôt dans le camp des contestataires. Mon

statut professionnel, en revanche, m’en éloigne, et bien que je crois dérisoire le maintien des

hiérarchies qui conduit les seuls professeurs à décider de tout, et trouve légitime, et même

nécessaire, le partage de la gestion de l’université, je juge également absurde de feindre d’ap-

prouver en tout la révolte étudiante, et de nouer d’éphémères et démagogiques alliances,

incluant une familiarité intéressée, avec les ”insurgés”. Aussi, dans l’assemblée que j’évoque,

ai-je le plus grand mal, non seulement à me faire entendre - ma timidité, mon faible volume y

sont aussi pour quelque chose- mais, même, à trouver une place, à situer mes positions au sein

du débat, à les conforter par des points de vue alliés, ou proches, ou distincts mais compré-

hensifs : je me sens - et je me sentirai souvent - en marge, peu représentative, oubliée plutôt

qu’exclue, et je ne puis m’empêcher de mettre en rapport mon sexe, qui m’a fait travailler dur et

vite pour assumer la concurrence, et ma position ”hors norme”.

Quelques années plus tard, devenue maître de conférences à l’Université de Limoges, c’est

dans le bâtiment préfabriqué où se déroule le conseil de gestion de

1 Nous tenons à remercier Mmes C. BERG et L. GRUNBERG (CEPES/UNESCO, Roumanie) Mme H.

DELAVAULT (AFDU, France), Mr J.-M. LECLERCQ (IGEN, France), Mme H. LEMAIRE (REEF Pays-Bas),

Mme M. SUTHERLAND (Université de Leeds, Royaume-Uni), ainsi que Mme C. SCHUHL pour son aide

documentaire.

91

cette jeune institution, que je situe ma deuxième image. J’ai gagne en expérience, mais non en

poids, et je représente un secteur, celui des Lettres et des Langues, qui fait figure de petit der-

nier dans un ensemble universitaire plus traditionnellement lie au droit ou à la médecine. Le

jeune président essaie de rendre cohérents, voire solidaires, les projets des facultés, mais unité

qu’il représente semble fragile, souvent factice.

Au cours de la discussion, une idée de manifestation ”promotionnelle” est lancée, à

laquelle je tente d’associer, dans une brève intervention, les nouvelles filières professionnalisées

qui se mettent en place : nombreuses sont les entreprises limousines qui s’associent aux for-

mations et pourraient participer à la manifestation universitaire projetée. Ma proposition, écou-

tée, mais semble-t-il non entendue, ne ressurgira qu’une heure plus tard, après que d’autres

intervenants -masculins-, représentants des plus anciennes facultés, l’ont reprise, présentée

comme leur, discutée, enfin adoptée. Ma condition féminine est-elle sans rapport avec ce dérou-

lement ? Je ne le crois pas.

Troisième image enfin, dont je ne suis, cette fois, que la spectatrice : un saut de quelques

années supplémentaires amène dans l’amphithéâtre d’une université de la couronne parisienne.

Je suis, entre temps, devenue vice-présidente de l’Université de Limoges, et, pour la première

fois, le Président, retenu dans sa ville, m’a demande de le représenter à la conférence des

Présidents d’Université, qui se réunit régulièrement. Ma première surprise, mauvaise, dans cette

assemble nombreuse, est de ne trouver qu’une seule autre femme. Ma deuxième surprise,

bonne, est de voir cette femme, qui deviendra avant moi Recteur de l’Académie de Paris, mon-

ter à la tribune pour demander, dans un geste éloquent, que les Présidents approuvent un texte

de soutien à l’endroit d’un de leurs collègues ”séquestre” par des étudiants dans son bureau au

sommet de la tour qui abrite son université. Geste naturel, sans doute. Encore fallait-il le faire,

et c’est une femme qui s’en charge.

Aujourd’hui, plus de dix ans après, ni le nombre de femmes présidents d’université, ni le

nombre de femmes recteurs n’ont sensiblement progressé2. Et quant au poids...

Le particulier renvoie au général : ces trois souvenirs vont nous permettre d’analyser la

participation des femmes à la gestion de l’enseignement supérieur. Mais d’abord, plantons le

décor.

L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EN FRANCE : QUELQUES REPERES

1) Rappelons, tout d’abord, que l’enseignement supérieur en France se compose de deux sec-

teurs distincts, un secteur ”ouvert” et un secteur ”ferme”. ”Le secteur ”ouvert” correspond à l’uni-

versité ou - juridiquement - la seule possession du

2 La première, Alice Saunier-Selte, à pourtant connu une brillante carrière, et laisse une image forte.

92

baccalauréat est requise. Les grandes écoles, les classes préparatoires qui y conduisent, les

IUT ( Instituts Universitaires de Technologie), les STS (Sections de techniciens supérieurs), mais

aussi les écoles paramédicales et sociales relèvent du secteur ”ferme” : l’admission y est sélec-

tive, elle se fait sur dossier ou par concours”3. Ce deuxième secteur est extrêmement diversifie

et morcelé, au point qu’il n’existe pas enquête globale sur les enseignants. Notre analyse por-

tera donc seulement sur l’université, qui accueille près de 70% des étudiants post-

baccalauréat4.

2) L’enseignement supérieur en France à vécu une progression spectaculaire : il

accueille aujourd’hui plus de 15% des jeunes de 18 à 25 ans contre 5% il y à 20 ans. C’est l’ef-

fet d’une politique de prolongement de la scolarité au-delà de 16 ans qui s’est concrétisée par

l’objectif de ”80% d’une classe âge au niveau du baccalauréat en l’an 2000”. Plus de 52% des

jeunes ont atteint en 1990 ce niveau : ils n’étaient que 44,3% dans ce cas en 1987. Cette aug-

mentation du nombre des lycéens à des répercussions sur l’enseignement supérieur ou l’ac-

croissement des effectifs n’a fait que s’accentuer depuis quelques années. ”En 30 ans, l’univer-

sité a multiplié ses effectifs par 5 , les sections de techniciens supérieurs par 20, mais les

classes préparatoires et les écoles d’ingénieurs seulement par 2,7”5. C’est en effet l’université

qui a absorbé l’essentiel de cette démocratisation de l’enseignement supérieur, mais elle a du le

faire avec des structures héritées du XlXe siècle, plus adaptées à des enseignements pour

”I’élite” que pour des enseignements de ”masse”. C’est ainsi, par exemple, que les taux d’enca-

drement des étudiants sont dans les universités françaises parmi les plus élevés d’Europe : pour

les seuls premiers cycles, c’est-à-dire pour les deux premières années à l’université (qui

accueillent plus de la moitié des effectifs), le nombre étudiants par enseignant est de 25, alors

qu’il est de 21 en Espagne, de 15 en RFA (en 1987), de 10 en Grande-Bretagne et de 8 à 9 en

Suède6. Encore faudrait-il souligner l’extrême variété des situations selon les disciplines en

France : le taux d’encadrement est de 9 étudiants par enseignant dans les disciplines scienti-

fiques, il est de 13 à 14 pour les disciplines de la santé, de 28 en lettres et de 45 en droit. Notons

d’ores et déjà que, malheureusement, les femmes enseignantes sont moins nombreuses dans

les disciplines ou le taux d’encadrement est le meilleur (sciences et médecine) .

3 DURAND-PRINBORGNE (C.) : ”Le système éducatif”, Les Cahiers Français, n° 249 janvier-fevrier

1991, La Documentation Française.

4 1.700.000 étudiants, dont 1.182.000 en universités en 1991. Sources : ”L’Education Nationale en

chiffres”, DEP/MEN.

5 LAMOURE-RONTOPOULOU (J.) : ”L’UniversitÈ 1968-1988 : une institution en mutation”, Revue

française de pédagogie, n° 91, avril-juin 1990, INRP.

6 JALLADE (J.-P.) : L’enseignement supérieur en Europe : vers une évaluation comparée des pre -

miers cycles, La Documentation Française,1991, page 102.

93

3) Bien d’autres aspects de la situation de l’enseignement supérieur pourraient être

développes ici : le développement des filières courtes (IUT, IUP...) qui marque la volonté de pro-

fessionnaliser plus tôt et d’adapter les formations au marche du travail, ou bien la décentralisa-

tion qui donne une plus grande autonomie aux universités... Je n’en retiendrais toutefois que

deux, parce qu’ils concernent directement cette étude.

4) L’augmentation des effectifs des étudiants à incontestablement profite aux filles :

”avec 50% de filles, l’enseignement supérieur français est incomparablement plus féminisé que

son homologue allemand (39% de filles), mais le degré de féminisation est inégal, les premiers

cycles universitaires étant plus accueillants pour les filles que les IUT (Instituts Universitaires de

Technologie) ou les STS (Sections de Techniciens Supérieurs)7.Il convient, en effet, de nuancer

cette ”victoire” en examinant plus précisément les différentes filières de l’enseignement supé-

rieur : ”la suprématie des filles, en matière de taux d’accès, dans les pays les plus riches n’a pas

supprime l’hégémonie des garçons, maîtres des filières techniques les plus prometteuses de

pouvoir et de revenus. En termes relatifs, les écarts semblent même s’accroître : dans la plupart

des pays européens, on voit établir un partage très contraste entre les filières ingénierie et les

formations conduisant à l’enseignement et aux professions de santé8.”

C’est ainsi que les filles s’orientent plus massivement dans les filières littéraires que dans

les secteurs scientifiques ou techniques. Dans les faits, tout est possible pour une fille : ”ce n’est

pas la formation des filles qui peut être considérée comme un déterminant majeur de la division

du travail (et de toutes les différences sur le marche du travail) que l’on observe, la causalité

étant à lire plutôt dans l’autre sens, à savoir les filles adaptant leur investissement scolaire à ce

qui les attend dans la vie professionnelle.”9 Nous aurons l’occasion de voir que ce constat fait

pour l’orientation des étudiantes est tout à fait transposable à la situation des femmes ensei-

gnant dans le supérieur.

5) Un dernier aspect du fonctionnement de l’université doit être précisé pour comprendre

la situation des femmes : il s’agit du poids de la recherche dans les carrières. Les ensei-

gnants-chercheurs, dans l’université française, doivent assurer trois taches : enseigner, faire de

la recherche, gérer. Mais ces trois missions ne sont pas traitées de la même manière : les ensei-

gnants-chercheurs sont recrutes sur un poste d’enseignement, mais sur des critères de

recherche. De ce fait, toute la carrière (recrutement et promotions) est déterminée par les pro-

ductions de recherche, et les taches d’enseignement et de gestion ne sont pas valorisées.

Mener de front ces trois missions tient de la gageure, et les enseignants-chercheurs sont par

moment obliges de choisir. Les groupes de disciplines vivent aussi des situations différentes à

cet égard : dans les disciplines scientifiques, il est souvent

7 JALLADE (J.-P.), opus cite, page 85.

8 BAUDELOT (C.), ESTABLET (R.) : Allez /es filles !, Seuil,1992, page 67.

9 DURU-B E L L AT ( M . ) : École des filles : quelles formations pour quels rôles sociaux ? ,

L’Harmattan,1990, pages 146 à 155.

94

difficile de se maintenir à un niveau de recherche élève tant la concurrence est rude ; les litté-

raires sont souvent accapares par leurs taches d’enseignement à cause du nombre important

étudiants... Il est évident que dans ces conditions, les taches de gestion sont délaissées.

Certains enseignants-chercheurs s’y consacrent pourtant, le plus souvent quand ils ont ”fait

leurs preuves” en recherche, que leur carrière est assurée, qu’ils sont professeurs, c’est-à-dire

plutôt en fin de carrière. D’autant plus que les postes de gestion les plus intéressants (président

d’université, directeur d’UFR, directeur de laboratoire) sont électifs, et confies le plus souvent à

ceux qui ont un statut et un prestige importants.

Notons enfin que chacune de ces taches à des contraintes spécifiques. Elles demandent

une très grande disponibilité, des horaires très charges, un fort investissement personnel, ainsi

qu’une mobilité importante.

Tout ce que nous venons d’évoquer concernant la situation de l’enseignement supérieur

et des enseignants-chercheurs permet de mieux cerner les difficultés que rencontrent les

femmes.

LA PARTICIPATION DES FEMMES DANS L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EN FRANCE

Nous analyserons dans un premier temps la place des femmes à l’université, pour ensuite faire

le point sur l’aspect plus spécifique de leur participation à la gestion.

1. La place des femmes dans l’université

a) Les ”autres” femmes

On ne peut parler des femmes dans l’université sans mentionner le travail accompli par

les femmes responsables au niveau administratif. Même si elles n’ont pas de responsabilités

”politiques” au niveau de la gestion des universités, les postes de secrétaire générale, d’agent

comptable, de responsables d’UFR sont des postes essentiels dans la bonne marche de l’insti-

tution. Diplômées de l’université, recrutées sur concours, elles montrent des compétences qui

seraient souvent mieux reconnues et mieux rémunérées si elles exerçaient dans une entreprise

privée.

b) Les femmes enseignants-chercheurs en France

On constate une augmentation du nombre d’enseignants dans tout le système éducatif,

de la ”maternelle” à l’université, mais cela ne semble pas profiter aux femmes puisqu’en 25 ans,

les pourcentages de femmes n’ont pas augmente

10 Notons, fait significatif, que le français ne féminisé pas ce terme dans la langue courantealors que les mots ”enseignante” et ”chercheuse” existent.

95

dans les mêmes proportions que les effectifs globaux. Les femmes se font de plus en plus rares

au fur et à mesure que l’on élève dans la hiérarchie scolaire : 96% à école maternelle, 67% à

école élémentaire, 62% dans les collèges, 50% dans les lycées généraux et techniques, 26% à

l’université”. II en est de même à l’université.

Le nombre d’enseignants-chercheurs12 s’est accru de façon notable à partir de 1982 et

surtout depuis 1986, après plusieurs décennies de relative stagnation. Mais cette croissance est

variable selon les disciplines : depuis 5 ans, entre 1986 et 1991, les effectifs des disciplines

scientifiques ont progresse de 22%, les disciplines juridiques de 21 %, contre 13% pour les lit-

téraires 13.

Mais si l ‘on regarde la proportion des femmes à l’ intérieur de ces grands groupes de

disciplines, on s’aperçoit que la proportion entre hommes et femmes à peu change, ce qui

revient à dire que les femmes n’ont guère ”profite” de ces recrutements pour trouver une plus

grande place à l’université.

La situation des femmes pourrait même être interprétée comme en régression si l’on

examine les statuts. Rappelons qu’il existe en France trois corps d’enseignants titulaires de leurs

postes

- les professeurs (11,5% de femmes),- les maîtres de conférences et maîtres assistant(e)s (senior lecturers) (33,3 % de

femmes),- les assistant(e)s, ces dernier(e)s étant titulaires depuis 1983, mais ils (ou elles)

ne sont plus recrute(e)s depuis (36,8% de femmes).

Le tableau suivant permet de mesurer cette trop lente progression, et de constater que

les femmes ne trouvent leur place que dans les statuts et les disciplines les moins prestigieux.

Droit Lettres Sciences Santé Total

Professeurs

1980 7,4 16,4 7,4 5,8 8,6

1985 7,3 18,4 7,1 6,3 9,1

1990 10,3 22,8 8,5 7,6 11,3

11 Pourcentages pour l’année 1989, dans l’enseignement public, cites par LELIEVRE (F.) et

(C.) : Histoire de la scolarisation des filles, Ed. Nathan, Paris,1991, page 186.

12 Ce terme regroupe tous les statuts en poste à l’université.

13 Sources : MEN/DEP, note 91-48.

96

NB : Droit = Sciences juridiques et économiques Lettres = Lettres et Sciences Humaines

Les années correspondent aux années universitaires 1980/1981, 1985/ 1986, 1990/1991

(Chiffres : MEN).

Comme le constatait H. DELAVAULT en 1986, les transformations de postes d’assistants

en postes de maîtres de conférences ont essentiellement profite aux hommes14, sauf, plus

récemment, en sciences.

On peut se demander si cette situation ne provient pas du fait qu’elles sont moins diplô-

mées que les hommes. Une enquête récente, portant sur 1048 questionnaires15, permet, faute

de données nationales, de faire deux constats : les femmes sont, toutes propositions gardées,

un peu plus nombreuses à être titulaires du doctorat, nécessaire pour postuler aux postes de

maîtres de conférences, mais nettement moins nombreuses à être habilitées ou docteurs d’Etat,

titres permettant accéder au statut de professeur. Il semble donc que les constats d’H. DELA-

VAULT en 1986 se perpétuent : les femmes ont plus de difficultés à mener un travail de thèse

qui demande une grande disponibilité d’esprit. En outre, l’exigence de mobilité géographique

pour l’accès à un poste de professeur à certainement été discriminatoire pour bon nombre de

femmes ayant des responsabilités familiales. Dans notre enquête, les femmes sont peu mobiles

tant qu’elles restent non-titulaires ou assistantes, mais le deviennent dans les mêmes propor-

tions que leurs collègues masculins quand elles accèdent aux postes de maîtres de

14 DELAVAULT (H.) : ”Les femmes dans les cadres de l’enseignement supérieur et de la recherche”,

Diplômées, n° 138, sept.1986, page 99.

15 Enquête a été menée en collaboration avec M. CRESPO de l’Université de Montréal, grâce aux

subventions de la DESUP 13 (France) et du Conseil des Recherches en Sciences Humaines (Canada).

Les premiers résultats sont parus dans : ”L’opinion des enseignants-chercheurs sur les évolutions

actuelles dans l’Université”, revue Savoir, l’éducation, formation, n° 1, janvier-mars 1992, Ed. Sirey. ”Les

enseignants-chercheurs et leur profession”, revue Savoir, l’éducation, formation, n° 2, avril-juin 1992, Ed

Sirey. ”Les enseignants-chercheurs physiciens”, Bulletin de la Société française de physique, n° 85, juillet

1992.

97

conférences ou de professeurs. Elles sont même plus nombreuses que les hommes à être titu-

laires d’un diplôme étranger !

L’étude des données nationales par tranches âge et statuts montre que les assistantes

sont relativement plus âgées que leurs collègues masculins : il semble donc que rien n’ait chan-

ge depuis enquête de l’UNESCO de 198716 qui constatait qu’un grand nombre de femmes de

60 ans n’avaient pu passer au grade supérieur pendant de nombreuses années.

On aurait pu espérer, comme dans le rapport du Conseil de l’Europe de 1988’7, que

l’augmentation du nombre de postes crées depuis 1988/89 aurait permis une avancée significa-

tive du nombre de femmes : le tableau ci-dessus montre qu’il n’en est rien.

Il nous faut donc tenter de comprendre les freins qui entravent spécifiquement les

femmes. Enquête menée en 1991 sur le métier d’enseignant-chercheur (voir note 14) confirme

les constats d’H. DELAVAULT de 1986 :

- II est plus difficile pour les femmes de se maintenir à un haut niveau de recherche. Les

interruptions (par des maternités, par exemple) et le manque de disponibilité les empêchent sou-

vent de participer à des équipes performantes : seules 78% des femmes interrogées contre 87%

des hommes font partie d’un laboratoire de recherche. Elles vivent ainsi souvent la recherche

d’une façon plus solitaire (14% contre 9%).

- Comme les hommes, 62% d’entre elles disent qu’a l’université, il faut à la fois être

enseignante et chercheuse , mais elles sont plus nombreuses à se sentir tiraillées entre l’ensei-

gnement et la recherche (66% contre 59%), et insatisfaites de leur part de travail en recherche

(53% contre 41 %).

- Les différents aspects du métier semblent plus également investis par les femmes :

seules 41 % d’entre elles affirment que ce qui les intéressent le plus, c’est faire de la recherche,

contre 63% des hommes. Elles sont, plus que les hommes, satisfaites de leurs relations péda-

gogiques avec les étudiant(e)s (67% contre 60%), mais souffrent de l’augmentation du nombre

étudiants : 93% d’entre elles affirment que l’université n’est pas prête à accueillir une plus gran-

de masse étudiants (contre 88% des hommes).

Ce qui semblerait caractériser plus spécifiquement les femmes serait donc un intérêt

aussi important pour la recherche que pour l’enseignement, avec tout ce que cela comporte de

tiraillements et de difficultés. Cela pourrait expliquer que le

16 Enquête sur la représentation des femmes dans l’enseignement supérieur, la recherche, la planifi-

cation et la gestion de l’éducation, UNESCO, ED-87/WS/8, mars 1987, page 81.

17 The Fortunes of Highly Educated Women, Symposium on the Rôle of Women in Higher Education,

in Research and in the Planning and Administration of Education (CEPES/UNESCO), Bucarest, oct.1988,

Conseil de l’Europe, Strasbourg,1990.

98

troisième aspect du métier, les taches administratives et de gestion, ne puissent pas être plus

fortement investies par elles.

c) Et en Europe ?

Un panorama rapide de la situation des femmes dans les universités d’Europe montre

que la situation n’est guère plus brillante, voire même plus difficile. La comparaison est malai-

sée au regard de la disparité des situations et des statuts.

Au Royaume-Uni18, on compte 4,7% de professors, 9,6% de readers et senior lecturers,

25,3% de lecturers et assistants lecturers, et 57,9% d ”‘autres”, la plupart du temps des postes

de courte durée. Par comparaison, la titularisation, en France, des assistant(e)s offre aux

femmes une situation moins précaire.

Au Pays-Bas19, professor : 3%, associate professor : 19%, assistant professor : 78%.

En Espagne20, pour les seules facultés, la proportion de femmes chairholders est de

6,8%, d’agrégées 11.6%, de /ecturers 23,3%, d’enseignantes à temps partiel de 24,1 %, d ‘assis-

tantes 35,8 %, et les ”autres” 30,5 % .

En Suisse20, seulement 2,2% de femmes professeurs...

Ce voyage au coeur des universités européennes est monotone : on y rencontre peu de

femmes...

2. Les femmes et la gestion de l’université

La situation des femmes à l’université telle que nous venons de l’aborder, éclaire, à fortiori, les

raisons pour lesquelles les femmes sont si peu engagées dans la gestion de l’université. Comme

l’illustrait la deuxième anecdote de l’introduction, être femme et maître de conférences d’une dis-

cipline littéraire donne peu de chance de se faire entendre à l’université.

18 Sources : Universities Statistical Record, Cheltenham, juin 1992.

‘9 Chiffres de 1986, in The Fortunes of Highly Educated Women, opus cite page 77.

20 Idem, page 82, chiffres de 1984.

21 Idem, page 83, chiffres de 1985.

99

a) Les causes de cette défection

Les causes de cette situation sont multiples et méritent être analysées.

- Elles sont d’abord institutionnelles : la place faite aux femmes, en particulier dans le

corps des professeurs, ne leur permet pas de briguer des postes de haute responsabilité, qui

sont, rappelons-le, tous électifs. Il faut un statut et une renommée suffisante avant d’envisager

de tels postes.

D’autre part, les femmes, souvent accaparées par des taches familiales, sont soucieuses

de leurs taches d’enseignement, et doivent aussi, pour leur carrière, se maintenir à un haut

niveau de recherche . Les taches de gestion et d ‘administration apparaissent comme un sur-

croît de travail impossible à assumer. D’autant plus que ces taches sont mal considérées. On

accuse souvent ceux qui s’y engagent être de piètres chercheurs. Il faut attendre une date

récente, le 12 janvier 1990, pour qu’un texte réglementaire, qui fixe une ”prime de charges admi-

nistratives”, admette qu’a cote de la voie royale, vouée à la recherche, un autre chemin peut

conduire une carrière à privilégier les aspects de gestion. Ces primes étant attribuées aux pré-

sidents d’universités, vice-présidents, directeurs d’UFR..., il est rare que les femmes puissent en

bénéficier : car elles se retrouvent le plus souvent à des niveaux inférieurs de responsabilités,

comme directrices de département par exemple. Elles pourront, certes, recevoir l’estime de leurs

collègues, ce qui est un puissant facteur de motivation dans ce milieu, mais ne pourront espé-

rer d’autres gratifications . . .

- Enquête menée auprès des enseignants-chercheurs en 1991 (voir note 14) montre que

les responsabilités de gestion sont prises plutôt en fin de carrière. Les femmes accèdent plus

tardivement aux postes de professeurs et partent à la retraite plus tôt. Elles ne peuvent donc

vivre cette période sereine de fin de carrière ou elles pourraient se vouer à des taches de ges-

tion.

- Les situations économiques sont aussi un frein puissant : leurs statuts généralement

inférieurs à celui des hommes entraînent des salaires moindres. Elles ne peuvent ainsi se faire

aider dans leurs taches ménagères et éducatives.

- Comme ailleurs, les freins psychologiques et culturels sont puissants : les femmes

n’osent pas prendre des responsabilités alors qu’elles en auraient les compétences.

Nombreuses sont celles qui ont montre, par l’exemple, que les femmes ont des capacités d’or-

ganisation, de rigueur, d’écoute et de ténacité qui en font de bonnes gestionnaires. Ce ”renon-

cement”, caractéristique des femmes dans leur rapport au savoir et à la création22 est certai-

nement renforce dans ce ”monde d’hommes” qu’est l’université.

22 MOSCONI (N.) : ”Spécificité du rapport au savoir des femmes ?” in Savoir et rapport ausavoir : élaborations théoriques et c/iniques, Ed. Universitaires, Paris, 1 989.

100

Comme tout groupe minoritaire, les femmes doivent s’adapter aux valeurs du groupe

dominant : l’esprit de compétition, de carrière, et le poids de la hiérarchie sont souvent difficile-

ment vécus. Dans enquête sur le métier d’enseignant- chercheur23, 67% d’entre elles disent

que l’université est restée très ”mandarinale”, plus souvent que les hommes (58%). Ces relations

autorité et l’individualisme dans l’université étaient déjà posées comme une des causes du

manque d ‘attrait des femmes pour des postes à responsabilités dans une étude de l’ UNESCO

de 198824.

b) La situation actuelle

En France, au niveau des postes à hautes responsabilités, rien ne semble avoir évolue :

il y avait 3 femmes recteurs (sur 32) et 3 femmes présidentes d’universités en 198525 ; aujour-

d’hui, on compte 3 femmes recteurs, et 3 présidentes d’universités.

Une enquête systématique manque, mais, en examinant la composition de plusieurs

conseils d’universités, il semble que la participation des femmes s’accroisse lentement, surtout

dans les conseils des études et de la vie étudiante.

La situation en Europe n’est guère plus brillante.

Au Royaume-Uni, il n’y à pas de femmes Vice-Chancellors sur les 44 universités. Mais

avec le changement de titre et de statuts des 34 Polytechnics, deux femmes, peut-être trois,

deviendront ainsi Vice-Chancellors.

En Espagne, pas de femmes recteurs dans les 31 universités publiques, mais 18

femmes sont vice-recteur ou secrétaire général (sur 214)26.

c) Les perspectives et la participation d’un recteur femme à cette réflexion ?

Le recteur à pour mission de mettre en oeuvre les décisions du Ministère de l’éducation

sur le territoire d’une académie, ce qui signifie souvent plusieurs départements. Ses compé-

tences s’étendent des classes maternelles à l’université.

23 Voir note 14.

24 Responsabilité des femmes dans la conduite de leur carrière et enseignement supérieur, Table

Ronde UNESCO/Fédération Internationale des Femmes Diplômées d’Universités, document de travail de

J. LAUFER et H. DELAVAULT, mars 1988.

106.

25 Enquête sur la représentation des femmes dans l’enseignement supérieur, opus cite page

26 The Fortunes of Highly Educated Women, opus cite page 152. Chiffres de 1988.

101

Cette position privilégiée permet de porter un regard d’ensemble sur le système éduca-tif .

En ce qui concerne les femmes dans le système éducatif en général, je pense qu’il peutdéjà se montrer très attentif à la question des mentalités, des systèmes de valeurs et des com-portements. Le système éducatif porte des images, distingue des héros, personnifie des rôlespositifs dans l’histoire ou dans l’actualité ; combien de manuels, combien d’enseignants portentune attention particulière aux femmes, en décrivent l’action, en permettant aux jeunes de s’iden-tifier de façon positive à l’une d’elles ? Certes, il s’agit là d’une évolution qui ne pourra se pro-duire que dans le long terme, avec les incertitudes, les retours en arrière, les piétinements quepeuvent induire des phénomènes sociologiques de sens contraire.

En ce qui concerne la participation des femmes à la gestion de l’université, et au regardde ce que nous venons d’examiner, quelques aspects pourraient permettre d’envisager l’aveniravec plus d’optimisme :

- Le premier point est une évidence : les femmes ne pourront trouver leur place dans lagestion qu’en trouvant toute leur place à l’université. Les pourcentages de femmes ensei-gnants-chercheurs à l’université augmentent d’un à deux points par an en moyenne : la paritéentre hommes et femmes mettra plusieurs décennies ... si tout va bien. D’un point de vue plusréaliste, l’augmentation du nombre de femmes professeurs accentuera certainement la partici-pation des femmes aux responsabilités en matière de gestion.

On peut en espérer un effet ”d’entraînement”. Car la participation des femmes à la ges-tion des universités permet aux femmes responsables d’émettre des signes d’encouragementen direction de celles qui les suivent : l’évaluation de la présence féminine dans les institutions,la création de centres d’études et de recherches sur la condition des femmes, l’incitation et lesconseils individuels sont autant de moyens de démultiplier une prise de conscience qui n’en estqu’à ses débuts .

- Un deuxième aspect concerne la revalorisation des tâches d’enseignement et de ges-tion. Un pas a été fait par l’institution de primes ”pédagogiques” et de primes pour ”responsabi-lités administratives”. Il ne s’agit pas de réduire l’importance de la recherche, qui est l’essencemême de l’université. Il s’agit de reconnaître, dans les carrières, ces activités. La question estdonc renvoyée aux commissions locales et nationales en charge des recrutements et promo-tions dans chaque discipline.

Peut-être pourrait-on aller plus loin en déchargeant, le temps d’une année sabbatiqued’un nouveau modèle, un enseignant-chercheur- ou plutôt une ! - qui voudrait se former à la ges-tion dans une institution spécialisée ou une entreprise.

La logique de cet apprentissage semble conduire à proposer plus d’alternance,et de meilleures conditions de mobilité. Plus d’alternance : rares sont encore lesentreprises qui font confiance à des femmes universitaires, et rares les femmes

102

universitaires qui tentent l’expérience, sans exclure le retour. Là encore, les expériences indivi-

duelles positives existent ; elles méritent d’être connues, développées, encouragées.

Plus de mobilité : l’enquête auprès des enseignants-chercheurs27 montre que les femmes,

moins nombreuses (50%) que les hommes (61 %) à prôner la mobilité, sont aussi plus indécises

sur cette question (18% sont sans opinion). La mobilité leur offre pourtant l’occasion de faire

fructifier leur expérience en la diversifiant, et de faire reconnaître leur compétence.

- Un lieu d’action plus immédiat réside dans la formation aux fonctions d’enseignement. En

France une institution prépare les futurs enseignants-chercheurs ; elle porte le nom de Centre

d’initiation à l’enseignement Supérieur et couvre le territoire d’une académie. Pourquoi ne pas

prévoir, dans ces centres, un cours consacré à la gestion des universités, et pourquoi ne pas le

proposer à ceux qui sont déjà en poste ? Ce cours, confié à une femme ayant des responsabi-

lités de gestion, pourrait devenir l’occasion de dissiper les préjugés et d’inciter à l’engagement.

. .

EN GUISE DE CONCLUSION...

L’expérience acquise au sein de différentes universités me permet de dire que les fonctions de

gestion représentent un impératif catégorique aux yeux de ceux - et de celles - qui estiment que

celle-ci doit développer son rôle social de fanon cohérente. Si le conseil scientifique apporte

nombre d’occasions gratifiantes de promouvoir des initiatives (colloques, publications, accueil

de chercheurs étrangers. . .), il est, dans l’université, nombre de services où les femmes peu-

vent apporter un regard particulier, voire obtenir des résultats estimables. Pour avoir connu ceux

de la formation continue, des relations internationales, de la vie étudiante, je dirai quelques mots

de ces secteurs, à titre d’exemples.

Tout d’abord, la formation continue, qui fut longtemps considérée comme le refuge de

ceux qui, parce qu’ils ne sont pas de ”vrais” chercheurs, se vouent à des activités parallèles,

moins cotées mais plus rémunératrices... De fait, elle exige de s’adapter à un public différent des

étudiants frais émoulus du lycée et pleins d’une ardeur intellectuelle d’allure gratuite. Les adultes

qui viennent suivre des cours à l’université font preuve, pour la plupart, d’autant de ténacité et

d’intérêt, mais leurs expériences professionnelles antérieures, leurs motivations, leurs espoirs

de promotion les rendent exigeants, voire méfiants à l’égard de la parole professorale.

L’obscurité ne fait pas recette avec eux... et c’est une belle aide pour celui ou celle qui doit

d’abord transmettre un savoir ! Aujourd’hui, la formation continue, reconnue comme mission uni-

versitaire à part entière, intéresse même les meilleurs. Mais ce fut un double combat que de la

promouvoir en tant

27 Voir note 14.

103

que femme, avec le souci, là aussi, d’attirer des auditrices et d’ouvrir la voie à d’autres

formatrices...

Le secteur des relations internationales, gratifiant par les rencontres et les voyages qu’il

favorise, fut plutôt ressenti comme une récompense accordée par l’ensemble des professeurs

que comme un choix motivé. En s’y consacrant, beaucoup de responsables féminines ont mon-

tré qu’elles savaient éviter d’en faire un prétexte au célèbre tourisme universitaire, qu’elles se

défiaient également des conventions, dont la signature, occasion de grandes festivités, de

déplacements et de pompes, n’est guère suivie d’effets durables sur les échanges de profes-

seurs et d’étudiants, et qu’elles pouvaient, au contraire, privilégier, avec pragmatisme et sérieux,

une dynamique de réseaux dont les résultats tissent aujourd’hui le meilleur, en particulier, de

l’Europe universitaire.

Quant aux instances chargées de la vie étudiante, elles ont permis aux étudiants de

mesurer leurs devoirs et leurs droits, et aux universités de progresser avec eux dans l’accueil,

hébergement, la prise en charge matérielle des repas et de l’environnement ; les femmes qui se

dévouent à cette charge semblent apporter une générosité, un talent d’écouté, une attention au

résultat des démarches entreprises, et en recueillent les fruits par l’estime que leur porte la col-

lectivité universitaire, étudiants inclus. Plusieurs de ces femmes exercent aujourd’hui de hautes

fonctions, élues ou nommées. Elles pourraient faire école...

Ces pistes - il en est, bien sûr, d’autres encore - exigent une volonté individuelle de la

part des femmes concernées, et collective, tenant du dessein politique national. Ici, pays déve-

loppés et pays en voie de développement sont, à l’évidence, logés à la même enseigne....

Puisse cette contribution, qui parle d’un avenir à inventer, favoriser la solidarité et l’élan.

104

INDE

LE ROLE DES FEMMES DANS LA GESTION

DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EN INDE

Suma Chitnis

Introduction

L’objectif de cet article, tel qu’il est indiqué dans la demande de contributions, est, tout d’abord,

d’analyser la participation des femmes universitaires et administratrices dans la gestion des ins-

titutions d’enseignement supérieur dans le pays et, si possible, la région de l’auteur. D’identifier

ensuite les facteurs ayant contribué à la force et à la faiblesse de la participation des femmes,

en vue de proposer des formations 8 court et long terme et d’autres stratégies pour l’encoura-

ger et la renforcer. Il est encore spécifié que la contribution de chaque auteur fait partie d’une

étude multinationale, dont le but est de situer la question du rôle des femmes dans la gestion de

l’enseignement supérieur par rapport aux problèmes et tendances majeurs de l’enseignement

supérieur dans le contexte national ou régional de l’auteur. Enfin, il est demandé de suggérer

comment les femmes, par le biais d’une participation active, peuvent contribuer de façon spéci-

fique à l’amélioration de la qualité et de la pertinence de l’enseignement supérieur dans leur

pays. Cet article tentera de satisfaire à ces demandes, en s’appuyant sur la situation indienne.

L’enseignement supérieur en Inde - le système

L’Inde possède un système d’enseignement supérieur de grande envergure. Selon les dernières

données disponibles, le pays compte 196 institutions ”de niveau universitaire”, qui accueillent

environ 4,3 millions d’étudiants’. Le système repose fondamentalement sur des universités d’af-

filiation et d’enseignement dont les structures ont été héritées de l’époque coloniale. Trente ins-

titutions ont toutefois été créées depuis l’indépendance, parmi lesquelles les universités d’agri-

culture et une série d’établissements aux structures originales, tels que les instituts de

technologie, les instituts de gestion, les écoles de médecine, mis en place comme

1 Les statistiques citées dans cet article sont issues des sources suivantes :

(i) The Annual Reports and Handbook de l’Université Grants Commission

(ii) The Annual Reports and Handbook de l’Association of Indian Universities

(iii) The Commonwealth Universities’ Yearbook

(iv) Moonis Raza, Higher Education in India - Retrospect and Prospect, Association of /ndian

Universities, New Delhi, 1 991 .

105

centres d’excellence et ”assimilables” aux universités. Enfin, il existe plusieurs organismes char-

gés d’orienter, de contrôler et, d’une manière générale, d’assurer le bon fonctionnement des uni-

versités et établissements similaires. On peut citer parmi eux l’Université Grants Commission

(UGC) créée en 1956, et le Ail India Council of Technical Education (AICTE), fondé en 1945.

L’ensemble de ces institutions, universités, universités assimilées, instituts de recherche, et des

organismes comme l’UGC et l’AICTE formeront le cadre de notre discours, lorsque nous parle-

rons de la participation des femmes à la gestion de l’enseignement supérieur en Inde.

L’importance et la diversification structurelle de l’enseignement supérieur en Inde sont des phé-

nomènes postérieurs à l’indépendance. Les trois premières universités d’éducation européenne

du pays furent fondées en 1857 à Bombay, Calcutta et Madras. Près d’un siècle plus tard,

lorsque le pays accéda à l’indépendance et lança son premier plan quinquennal (1951 ), il n’y

avait que 28 universités. Aujourd’hui, leur nombre s’élève à 146, sans compter les autres insti-

tutions citées.

Dans l’organisation hiérarchique de l’enseignement supérieur, la fonction la plus élevée est celle

de chancelier dans les universités, et de ”visiter” dans les instituts de technologie et

quelques-uns des établissements assimilables aux universités. Le gouverneur de l’état et le

Président de l’Inde occupent respectivement ces fonctions. Viennent ensuite, à l’université, les

vice-chanceliers, qui dirigent les établissements tant du point du vue administratif que pédago-

gique. Dans les instituts de technologie et les autres établissements assimilables aux universi-

tés, cette fonction revient aux directeurs. Les universités les plus importantes ont un vice-chan-

celier adjoint, qui assiste le vice-chancelier. Au niveau administratif, on trouve ensuite dans les

universités comme dans les établissements assimilables aux universités le greffier (Registrar) et

le responsable financier, puis le greffier adjoint (Deputy Registrar), le sous-greffier (Assistant

Registrar), etc. Pour les questions d’enseignement, la hiérarchie dirigeante se compose des

doyens, des chefs de faculté, des directeurs de département ainsi que des principaux des col-

lèges affiliés et instituts universitaires.

La représentation féminine

L’une des principales constatations que nous pouvons faire à l’issue de notre recherche d’infor-

mations sur la représentation féminine dans les fonctions ci-dessus citées est qu’il n’existe pra-

tiquement pas de données sur la répartition par sexe dans les différents postes académiques et

administratifs du système. Et ceci, alors que des organismes comme l’Université Grants

Commission et l’Association of Indian Universities publient des statistiques variées sur l’ensei-

gnement supérieur en Inde. Il y à là une insuffisance grave, particulièrement par rapport à

l’engagement national visant à améliorer la participation des femmes dans le développement.

C’est pourquoi la première tâche pour accroître leur participation dans l’enseignement universi-

taire et la gestion de l’enseignement supérieur devrait être de dresser systématiquement un état

de leur représentation dans les différentes fonctions académiques et administratives.

106

Les quelques données qui ont pu être rassemblées révèlent que les femmes ont prati-quement occupé tous les postes existant dans la hiérarchie, à l’exception de celui de ”visitor”2.Il n’y à jamais eu de ”visiter” femme pour la simple raison que le pays n’a pas encore eu dePrésident femme. Mais en tant que gouverneurs d’Etat, des femmes ont été chanceliers d’uni-versité. Entre 1981 et 1986, l’University Grants Commission a été dirigée par une femme. Lesstatistiques issues du dernier annuaire de l’Association of Indian Universities indiquent qu’au-jourd’hui neuf (5,77%) des 165 établissements ”de niveau universitaire”, qui constituent cetteassociation, ont des vice-chanceliers femmes. Sur les 598 cadres supérieurs de ces universités,c’est-à-dire les greffiers, les responsables financiers, les bibliothécaires, les doyens, les direc-teurs des oeuvres sociales pour étudiants, etc., 21 (3,6%) sont des femmes. Parmi les 4.446directeurs de département et principaux de collèges constitutifs, on trouve 436 femmes(10,82%). Nous ne disposons pas d’informations sur les collèges affiliés du pays.

Bien que les femmes aient occupé pratiquement tous les postes de gestion de l’ensei-gnement supérieur, leur représentation est extrêmement faible. Il est important de souligner quemême les collèges féminins du pays, qui accueillent uniquement des étudiantes, n’ont pas tou-jours un principal femme. Il y à environ 800 collèges féminins en Inde. S’il convient de noter queles universités dirigées par des vice-chanceliers de sexe féminin englobent toute la gamme desinstitutions (c’est-à-dire les universités traditionnelles, les universités d’agriculture et les établis-sements ”assimilables” aux universités), elles ne représentent pas, de façon satisfaisante, l’en-semble des disciplines. Sur les neuf universités dirigées par des femmes, l’une est spécialiséedans les sciences sociales et les professions sociales, une autre dans l’éducation musicale etune troisième dans l’économie ménagère. Ces trois domaines d’études sont largement limitésaux femmes. Ni les cinq prestigieux instituts de technologie du pays ni les deux nouvelles écolesde médecine de très haut niveau n’ont encore eu de femmes à leur tête. De même, cinq desneuf universités dirigées par des femmes sont exclusivement réservées aux femmes ; quatreseulement sont mixtes. Trois des neuf universités sont situées à Bombay et quatre dans larégion au sud de Bombay. On n’en trouve que deux dans le nord de l’Inde. Ainsi, non seulementla représentation féminine dans la gestion de l’enseignement supérieur en Inde est-elle trèsfaible, mais elle est, de plus, déséquilibrée en termes de répartition par disciplines et de situa-tion géographique.

La tradition contre le travail rémunéré des femmes

Il n’est guère étonnant que les femmes soient faiblement représentées dans le management del’enseignement supérieur. Comme ailleurs dans le monde, la place de la femme en Inde à tra-ditionnellement été le foyer. On considère que c’est à l’homme de subvenir aux besoins de lafamille. Le travail rémunéré des femmes se

2 Le Premier ministre est le chef du gouvernement de l’Inde. Indira Gandhi fut Premier ministre. Mais

le Président est le chef nominal du pays et, de ce fait, chef de quelques-unes des institutions centrales et

nationales.

107

heurte à de gros préjugés. S’y ajoutent la ségrégation des femmes et les tabous auxquelles sontsoumises leurs tentatives de sortir du foyer. Pour les femmes des classes moyennes et supé-rieures, ces tabous ont été particulièrement puissants...

Les femmes exclues de l’éducation

Les traditions, qui interdisaient aux femmes de travailler, étaient encore renforcées par leurexclusion de l’éducation formelle. On sait que dans la société hindoue le droit à l’éducation étaittraditionnellement défini par la caste. Chaque groupe de castes pouvait seulement avoir l’accèsà l’éducation qui correspondait à son statut et à l’activité qu’il lui était permis de mener. La trans-gression des lois de caste dans le domaine éducatif était considérée comme sacrilège et entraî-nait de sévères sanctions. L’exclusion des femmes de l’éducation avait un caractère plus profa-ne et moins catégorique. Mais elle a été constante et remonte à loin. Au début de la périodevédique (2000-1500 av. J.-C.), le pays avait certes quelques savantes. Mais, par la suite, l’ac-cès des femmes à l’éducation se rétrécit tant et si bien que, vers 200 av. J.-C., Manu le législa-teur les assimilait aux castes des intouchables et les déclarait inaptes aux études. Desrecherches féministes révèlent maintenant que ceci n’empêcha pas quelques familles brah-manes érudites et certaines puissantes familles Kshatriya, notamment des familles royales, decompter des savantes parmi elles. Mais il ne s’agissait que de rares exceptions et l’accès desfemmes à l’éducation formelle demeura très limité. Au moment où les Britanniques devinrent lesdirigeants du pays, les femmes étaient non seulement exclues de l’éducation mais étaient aussiles victimes de pratiques oppressives, telles le satî, l’infanticide, le mariage précoce et l’inter-diction de remariage pour les veuves. Afin de bien comprendre la situation actuelle desIndiennes en matière d’éducation et d’emploi, il est nécessaire de connaître ces traditions, leurévolution sous la domination britannique et leur influence dans l’Inde indépendante3.

Une évolution constante

Ce sont les missionnaires chrétiens qui, les premiers, tentèrent de donner une instruc-tion aux femmes indiennes. Pour commencer, ils s’intéressèrent aux femmes converties auchristianisme. Mais, désireux de convertir la caste supérieure des Hindous, et convaincus quele meilleur moyen pour y parvenir était d’exposer les femmes des castes supérieures à l’éduca-tion européenne, ils ne négligèrent aucun effort pour favoriser leur instruction. Ce fut un échec,du moins dans un premier temps. Au cours des années 1820-1830, les missionnaires trouvèrentun appui auprès d’alliés inattendus. Certains Indiens, qui avaient fait leurs études en Occident,commencèrent à comprendre qu’ils pénétreraient plus facilement à l’intérieur du cercle fermé dela société britannique si leurs épouses parlaient l’anglais et acquerraient des manières euro-péennes. Ils demandèrent alors aux

3 Suma Chitnis : ”India”, in International llandbook of Women’s Education, sous la dir. de Gail Nelly,Greenwood Press, New York, 1989.

108

missionnaires de leur donner des leçons particulières. Petit à petit, des Européennes laïques

profitèrent de l’occasion ainsi créée pour s’engager comme gouvernantes ou institutrices. Et

c’est ainsi que la pratique des cours particuliers ou en petits groupes féminins - qui sera connue

sous le nom d’école ”zenana” - s’insinua dans une culture qui, pendant des siècles, avaient refu-

sé aux femmes une éducation formelle .

Cependant, c’est le mouvement pour les réformes sociales du XlXe siècle qui ouvrit véri-

tablement la brèche dans les traditions s’opposant à l’éducation féminine. Ce mouvement, qui

gagna du terrain dans les années 1840, fut marqué par deux initiatives majeures. D’abord, une

action organisée pour obtenir une législation contre le satî , le mariage précoce, l’infanticide des

filles et l’interdiction du remariage des veuves ; ensuite, une campagne résolue et durable en

faveur de l’éducation féminine . La campagne reposait sur la conviction que seule l’instruction

pourrait faire évoluer des traditions solidement enracinées, qui liaient les femmes à de telles pra-

tiques. Sans doute les efforts des réformateurs sociaux se concentrèrent sur les castes et les

classes supérieures et moyennes des villes, et se limitèrent pratiquement aux anciennes pro-

vinces britanniques du Bengale, de Bombay et de Madras. Mais la progression de l’instruction

féminine dans cette partie de la population indienne fut significative.

L’entrée des femmes dans les activités à vocation sociale

Vers la fin du XlXe siècle, les réformateurs sociaux prirent de nouvelles initiatives pour donner

aux veuves et autres femmes marginalisées l’instruction qui leur permettrait de subvenir à leurs

propres besoins et de devenir autonomes et indépendantes. Ils poursuivirent leur tâche en dépit

d’une forte opposition4. Les métiers d’infirmière et d’institutrice, considérés comme des activités

à vocation sociale, furent parmi les très rares que la société jugea, à contrecoeur, acceptables

pour les femmes. Comme des centres de soins pour femmes et des écoles de filles étaient en

train de se créer, les infirmières et les institutrices étaient fort recherchées. Les femmes souhai-

tant travailler trouvaient facilement à s’employer. Néanmoins, dans les années 1930-1940, on

estimait encore que les femmes ayant une formation secondaire ou universitaire ne devraient

pas s’abaisser à travailler, à moins que les circonstances ne les y obligent. Les femmes les plus

aisées étaient

4 L’un des phares du mouvement en faveur des femmes marginalisées au XlXe siècle fut Maharshi l<arve.

à une époque où les veuves n’avaient pas le droit de se remarier et étaient durement opprimées, Maharshi Karve

épousa une veuve et créa un foyer d’accueil pour les femmes maltraitées par leur famille. Bien qu’à la fin du XlXe

siècle les filles de familles cultivées et progressistes des classes supérieures et moyennes pouvaient accéder à

l’éducation, Karve fut le premier dont l’action visa à orienter l’enseignement secondaire de telle manière qu’il

rende les femmes économiquement indépendantes. En 1916, il fonda une université pour les femmes. Connue

sous le nom de ”The Wo m e n ’s National University”, elle fut renommée plus tard ”Shrimati Nathibai Damodar

Thackersey Wo m e n ’s University”. C’est aujourd’hui l’une des principales universités du pays, qui dispense un

enseignement universitaire et postuniversitaire dans des disciplines variées.

109

censées mener une vie sociale active et faire du bénévolat. Quelques femmes devinrent avo-

cates, médecins ou enseignantes à l’école ou à l’université, non pas par nécessité mais pour se

réaliser... Ce n’était là que d’audacieuses exceptions à la règle, d’autant plus que ces femmes

rejetaient généralement le mariage afin de satisfaire leurs aspirations...

Au début du XXe siècle, quand Gandhi attira les femmes dans le mouvement pour la liberté, il

affirma résolument que leur instruction était vitale pour le succès du mouvement comme pour le

développement du pays en tant que nation forte, après la conquête de la liberté. L’éducation

féminine occupait une place importante dans le programme du parti du Congrès, qui précisait

les tâches que le pays aurait à accomplir après l’accession à l’indépendance. Mais, étrange-

ment, le soutien qu’apporta Gandhi à l’instruction féminine ne suffit pas à favoriser le dévelop-

pement du travail rémunéré des femmes. L’attitude de la société à cet égard n’évolua guère jus-

qu’aux années 1940. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la pénurie de main-d’oeuvre asso-

ciée à une hausse sans précédent du coût de la vie força les classes moyennes de villes comme

Bombay et Calcutta à accepter que leurs femmes instruites travaillent. Ceci amena un profond

changement dans la vision citadine de l’emploi féminin. Celui-ci n’était plus considéré comme

une situation regrettable. Lentement mais sûrement il allait être jugé comme une activité salu-

taire pour ”compléter le revenu familial”.

L’égalité garantie par la Constitution

Après l’indépendance, l’éducation et l’emploi des femmes allaient connaître un nouvel

élan. La Constitution de l’Inde indépendante souligna leur égalité en tant que citoyennes. Les

plans et programmes officiels, au niveau des Etats comme du gouvernement central, mirent l’ac-

cent sur leur éducation. Avec l’augmentation révolutionnaire des espérances et niveaux de vie,

un nombre croissant de femmes instruites souhaitaient travailler. Elles trouvèrent aisément à

s’employer en raison de l’accroissement des opportunités professionnelles. entre-temps, le prin-

cipe du droit des femmes au travail et les emplois eux-mêmes bénéficièrent du soutien massif

du mouvement féministe, qui s’était renforcé durant la Décennie internationale des femmes

(1975-1985). à partir de la période du Sixième plan, les documents officiels commencèrent à

évoquer la possibilité de donner le pouvoir d’agir aux femmes et leur droit à l’égalité de l’emploi

avec les hommes.

Aujourd’hui en Inde, on trouve des femmes dans toutes les sphères d’activités et à tous les

niveaux. Bien que la plupart des femmes éduquées travaillant à l’extérieur continuent d’accor-

der la priorité à leurs responsabilités d’épouse et de mère de famille et souscrivent à l’idée que

leur carrière doit s’adapter à ces responsabilités, les femmes résolues, uniquement axées sur

leur carrière, ne sont plus de rares exceptions. Mais dans l’hétérogénéité stupéfiante de la vie

indienne, des lueurs de modernité cohabitent avec la plus totale orthodoxie et des traditions à

différents stades d’évolution. La situation des femmes dans la gestion de l’enseignement supé-

rieur doit être vue dans le contexte de cette réalité.

110

La référence actuelle des femmes dans la profession universitaire

Comme nous l’avons déjà dit, l’enseignement et le métier d’infirmière furent les premières pro-fessions auxquelles les femmes des classes et castes moyennes et supérieures eurent le droitd’accéder dans la société indienne. Préférence était accordée à l’enseignement, peut-être parceque celui-ci véhiculait le respect particulier que la société indienne à traditionnellement voué auxactivités liées au savoir et à l’enseignement. Lorsque les femmes commencèrent à enseigner àl’université, leur statut était beaucoup plus élevé que celui des maîtres d’école. Aujourd’hui, bienque les femmes aient l’accès à presque toutes les professions, aux affaires et à d’autres sec-teurs prestigieux et lucratifs, nombre d’entre elles préfèrent l’enseignement à l’université. La plu-part des postes afférents à la gestion de l’enseignement supérieur étant attribués à des univer-sitaires, qui se font remarquer en tant que chercheurs, érudits et professeurs, il est important decomprendre cette préférence et d’examiner comment les femmes entrant dans le milieu univer-sitaire s’y comportent.

Les données disponibles sur ce sujet montrent que certains lettrés et chercheurs choi-sissent l’enseignement parce qu’ils pensent que c’est le seul secteur où leurs aspirations pour-ront être comblées. Ces mêmes données indiquent aussi que de nombreuses femmes choisis-sent cette profession pour la simple raison qu’elle s’adapte mieux que toute autre à leurs res-ponsabilités familiales. Les longues vacances dans les écoles et collèges leur permettent de rat-traper le retard accumulé dans les tâches domestiques. Il est en outre très utile d’avoir lesmêmes heures de travail et les mêmes vacances que les enfants. Mais ce n’est pas tout. Dansle processus complexe du passage de la tradition à la modernité que vit l’Inde, les hommesdélaissent l’enseignement au profit d’emplois de prestige et plus lucratifs. Ils semblent toutefoisdésirer que leur épouse se lance dans cette profession et donne ainsi à la famille ce statut par-ticulier que continue de générer l’engagement dans l’enseignement5.

Dans cette situation, les enseignantes universitaires sont, en début de carrière, biensinon mieux qualifiées que leurs collègues masculins. Mais très peu sont en mesure de faire dela recherche, d’écrire, de passer des doctorats et plus ou d’acquérir d’autres qualifications uni-versitaires nécessaires pour accéder à des postes de décideur. Lorsque ces femmes doivent,simultanément, assumer le fardeau des responsabilités maternelles et domestiques, il leur estdifficile voire parfois impossible de faire l’investissement supplémentaire qu’exige une carrière.Et même celles qui acquièrent de nouvelles qualifications hésitent parfois à quitter un posted’enseignement ou de recherche purs pour une fonction comportant des responsabilités admi-nistratives - parce que ces dernières demandent encore plus de temps. Les postes purementadministratifs ou de gestion sont encore moins populaires, car ce sont souvent des postes ”sansvacances”, donc incompatibles avec les responsabilités familiales. Le problème fondamentalsemble donc être que la majorité des enseignantes à l’université considèrent leur rôle de femmeactive gagnant leur vie

5 Suma Chitnis, The Teacher Rode in the Collège System, thèse de doctorat - Mimeo, Tata Institute ofSocial Sciences, Bombay, 1992.

111

moins important dans la famille que celui de l’homme, et manquent donc de motivation pour

avancer dans leur carrière.

Bien sûr, tout ceci évolue rapidement. Comme nous l’avons déjà dit, de nombreuses femmes

accordent maintenant autant de valeur à leur carrière qu’à leur foyer et certaines jugent même

leur carrière plus importante. Ce changement est visible, particulièrement dans une ville comme

Bombay, mais la forme de son impact reste floue. En attendant, on observe que l’avancement

des femmes, qui tentent de progresser, est souvent freiné par leur manque d’empressement et

d’habileté à faire pression et à manoeuvrer, conditions de plus en plus indispensables pour qui

veut parvenir à de hautes fonctions dans la gestion de l’enseignement supérieur.

L’acceptation à l’intérieur du système et l’image qu’ont les femmes managers d

‘elles-mêmes

D’après ce qui précède, il est clair que de nombreux facteurs limitent l’accès des femmes

aux postes de management de l’enseignement supérieur. Mais l’expérience personnelle de l’au-

teur et des collègues qu’elle a interrogés montre qu’une fois parvenues à ces postes les femmes

sont généralement bien acceptées par les étudiants, le corps enseignant, les autres administra-

teurs et les autorités. Ce fait est corroboré par les maigres données disponibles.

Deux institutions, le National Institute of Educational and Public Administration (NIEPA)et la SNDT Women’s University de Bombay, qui organisent régulièrement des stages pour lesdécideurs femmes de l’enseignement supérieur, ont rassemblé une série d’informations pourorienter la conception et l’administration de ces stages. Les données, recueillies par le NIEPAau sujet des principaux de 300 des 800 collèges féminins, indiquent que les principaux de sexeféminin agissent avec autant d’assurance que leurs homologues masculins. L’étude, qui évalueleur confiance en elles-mêmes sur la base de douze thèmes concernant leur travail, montre queles femmes obtiennent une moyenne de 30,32 points - les hommes 30,22 points - sur une échel-le de notes allant de 16 à 36. Le détail des données révèle quelques variations mineures, quisont intéressantes (voir appendice 1)6.

La même étude demande aux principaux femmes de souligner les problèmes qui seposent à elles et d’indiquer quels sont leurs besoins de formation. à une large majorité, hommeset femmes ont cité les mêmes types de problèmes. En fait, de nombreuses personnes interro-gées ont affirmé que les difficultés rencontrées par les administrateurs hommes ou femmesétaient identiques. Certaines femmes ont néanmoins évoqué des problèmes qui, selon elles,étaient liés à leur sexe. L’un des plus fréquemment avancés est la mobilité. Nombre de princi-paux femmes estiment qu’il leur est moins facile qu’aux hommes de se rendre dans les bureauxgouvernementaux, d’aller à Delhi ou même dans la capitale de l’Etat pour régler des

6 Jaya Indiresan : Trainmg Needs of Principals of Women’s Colleges In Indla, NIEPA,

New Delhi 1990.

112

questions administratives. Elles considèrent aussi qu’elles se déplacent moins et ne peuventmener une vie sociale aussi active que leurs collègues masculins et sont donc moins informéesqu’eux sur des sujets qui leur sont utiles. Plusieurs des femmes interrogées trouvent difficile, entant que femme, d’exercer leur autorité sur leurs subordonnés masculins, surtout si ce sont desphallocrates. En même temps, elles ont du mal à se faire obéir de leurs collaboratrices, qui atten-dent d’elles plus de sympathie, de compréhension et d’indulgence. Plusieurs personnes ont évo-qué la corruption et les pressions politiques auxquelles elles doivent faire face. Elles estimentqu’il est plus difficile pour une femme que pour un homme de résister à ces pressions et de lescombattre, car ceux qui les exercent n’hésitent pas à se livrer à la diffamation. à tout ceci s’ajou-tent évidemment les difficultés que rencontrent les femmes pour trouver un équilibre entre leursresponsabilités de principal de collège et leur vie familiale.

La même étude à également demandé aux principaux de préciser la nature exacte de leursbesoins de formation. Le tableau ci-dessous montre quelles sont les priorités des principauxhommes et femmes par rapport aux neuf thèmes proposés dans le questionnaire.

Tableau 1

Note et classement des besoins de formationobtenus pour chaque thème proposé

(voir appendice 11 pour les détails)

113

Les neuf thèmes de ce tableau (décrits dans l’appendice 11) forment un cadre qui peut s’appli-quer à n’importe quel pays. Afin de lui donner un contenu substantiel approprié à l’Inde, il estnécessaire d’examiner certains problèmes auxquels sont actuellement confrontés les gestion-naires de l’enseignement supérieur en Inde.

Des effectifs énormes

L’un des problèmes fondamentaux est que la croissance des universités a été trop rapide et tropimportante. Ceci crée de graves difficultés de gestion à tous les niveaux. L’exemple del’Université de Bombay, l’une des plus anciennes du pays, nous permettra de donner un aperçude la situation. En 1950-51, l’Université de Bombay avait seulement 23 collèges affiliés, quiaccueillaient 22.608 étudiants au total. Aujourd’hui, elle compte 214 collèges et plus de2.222.713 étudiants. Et ceci, bien que la juridiction de l’Université, qui jadis s’étendait jusqu’àl’ancienne province du Sind dans le Pendjab et à certaines parties de ce qui forme maintenantl’Etat de Karnataka, ne soit plus aujourd’hui qu’une fraction de ce qu’elle était avant 1950-51. Lepersonnel chargé de superviser et de contrôler le travail de ces 214 collèges et de faire passerles examens n’a pas augmenté en proportion. Sa structure d’organisation n’a pas changé nonplus pour lui permettre de faire face à cette tâche gigantesque qu’est la gestion de 214 collègesaffiliés...

Les collèges rencontrent eux aussi des difficultés pour gérer les effectifs. Les installa-

tions, dont on tire le maximum pour accueillir un nombre d’étudiants plusieurs fois supérieur à

celui pour lequel elles avaient été mises en place à l’origine, sont scandaleusement inadaptées.

Il y à pénurie de salles de cours, d’ouvrages de bibliothèque, de salles des professeurs et de

locaux où les étudiants peuvent s’attarder entre deux cours. Dans les salles de classe, le

nombre d’étudiants est passé de 10 à 20 pour les petits cours ; dans les cours importants, qui,

auparavant, étaient suivis par 60 à 70 étudiants, on s’entasse parfois à 150 maintenant.

Pratiquement rien n’a encore été fait pour que cette situation ne nuise pas à la qualité de l’en-

seignement. Celui-ci continue à être dispensé dans des cours magistraux. Cette méthode à tou-

jours été critiquée comme encourageant un apprentissage passif. Naguère, lorsque les étu-

diants étaient moins nombreux par classe, les enseignants pouvaient générer des interactions

et des discussions, maintenir un contact personnel avec leurs étudiants et suivre leurs progrès.

Ce qui est impossible aujourd’hui. De même, l’évaluation continue de se faire annuellement par

des examens écrits. Jadis, quand ils avaient un nombre limité de copies à corriger, les exami-

nateurs pouvaient les lire d’un bout à l’autre avec la plus grande attention. Aujourd’hui ils ne sont

plus en mesure de le faire, forcés qu’ils sont de corriger toujours plus de copies. Les cours

magistraux et les examens annuels sont devenus de pure routine. Les instituts de technologie

et les autres établissements de très haut niveau déjà cités ont introduit d’autres méthodes d’en-

seignement et d’évaluation plus créatives et efficaces. Mais ils peuvent le faire parce qu’ils dis-

posent de fonds tellement supérieurs et qu’ils accueillent moins d’étudiants. Aujourd’hui, les

gestionnaires des universités indiennes ont besoin d ‘une aide d ‘urgence pour trouver

les moyens d ‘organiser l’enseignement et /’évaluation pour de gros effectifs d’une

manière plus efficace et effective qu’ils ne peuvent le faire actuellement.

114

Favoriser un enseignement qui corresponde aux besoins du pays

Autre problème majeur que rencontrent les universités : dispenser un enseignement qui soit axé

sur l’emploi et orienté de manière plus adéquate sur le développement. Ce problème se pose

avec une acuité particulière dans les filières classiques des lettres, de commerce et des

sciences, où sont inscrits 71% environ des étudiants à l’université, et qui produisent la plus gran-

de partie des chômeurs diplômés de l’université du pays. Mais ce problème touche aussi de plus

en plus les disciplines professionnelles, comme l’ingénierie, la médecine, le droit et la pharma-

cie. En effet, leurs diplômés sont aujourd’hui formés uniquement pour la pratique ou l’emploi

urbains. Paradoxalement, leurs qualifications, qui leur permettraient de trouver facilement du tra-

vail à l’étranger, dans des pays développés, ne les préparent pas à répondre aux besoins de

l’Inde des petites villes et de l’Inde rurale. C’est une situation regrettable tant pour leur propre

carrière que pour leur pays.

Autre problème, lié au précédent : les universités n’ont pas véritablement réussi à faire

connaître aux étudiants la culture indigène, l’art, l’artisanat, la philosophie, l’histoire du pays.

Mais ce qui est pire encore, c’est qu’elles n’ont pas su sensibiliser correctement les étudiants

aux réalités de la vie indienne, à des problèmes tels que la démographie, la pauvreté, l’anal-

phabétisme, le chômage... Les cours de sociologie, d’économie et de sciences politiques res-

tent fondamentalement livresques, ne traitent pas des réalités actuelles et, de ce fait, ne par-

viennent pas à donner aux étudiants les moyens de contribuer, avec créativité et efficacité, au

développement du pays.

L’Université Grants Commission (UGC), le gouvernement central et celui des Etats ainsi

que tous les organismes responsables de la gestion de l’enseignement supérieur ont tenté de

montrer le chemin, en mettant en place des cours appropriés et en familiarisant les étudiants

avec les réalités actuelles, les traditions et la culture. Dans ce but, des plans ont été élaborés

pour ”restructurer” les cours et inclure des composantes ”appliquées” dans les programmes,

parmi lesquels le National Social Service (NSS), l’enseignement des questions démogra-

phiques, l’éducation des adultes et l’alphabétisation parascolaire. Toutes les universités du pays

ont participé à ces programmes. Mais les résultats ont été peu concluants. Cela s’explique en

partie par le fait que les programmes sont conçus et gérés au niveau central et n’ont pas la spon-

tanéité, la flexibilité et l’autonomie qui, comme l’expérience de certains projets de développe-

ment l’a démontré, sont absolument nécessaires pour qu’il y ait contact avec les réalités de la

vie indienne.

Plusieurs autres raisons expliquent cet échec. L’une des plus évidentes est que les cours

existants ainsi que le manière dont ils sont dispensés sont par trop rigides. Bien qu’ils partici-

pent à des sessions d’orientation et à d’autres stratégies visant à faciliter le changement, le

corps enseignant réagit lentement et les administrateurs acceptent mal les modifications de bud-

gets, d’emplois du temps, etc. que cela entraîne.

115

”Indianiser” un implant européen

Fondamentalement, les causes profondes de ces insuffisances sont liées aux circonstances

dans lesquelles le système universitaire fonctionnant aujourd’hui en Inde fut créé par les

Britanniques au milieu du XlXe siècle, lorsqu’ils fondèrent les trois premières universités à

Bombay, Calcutta et Madras. Conçu avec l’objectif spécifique d’apporter la culture européenne

à une élite indienne, le système ne maintint aucun lien avec le savoir ou le savoir-faire indigènes.

Bien que l’Inde eût une tradition séculaire de [‘enseignement, les universités créées par les

Britanniques étaient empreintes de la pensée, des conceptions, des usages et expériences de

l’Occident. Parce qu’elles avaient été conçues pour accueillir une élite et que leur seule fonction

était de produire la main-d’oeuvre limitée nécessaire à l’administration et au commerce britan-

niques en Inde, ces universités ne firent aucun effort pour répondre aux besoins et s’intéresser

à la vie de la grande masse du peuple indien. C’étaient des implants européens, qui ne prirent

jamais réellement racine dans le sol indien. Les leaders nationalistes, en particulier Gandhi,

Nehru et Tagore, ont toujours critiqué la distance culturelle qui sépare les Indiens formés à l’uni-

versité des masses. Mais l’ampleur de cette différence, et ses implications pour le pays, n’ont

jamais été vraiment reconnues. Il est aujourd’hui évident que c’est parce qu’eux-mêmes ont fait

leurs études dans un système étranger aux réalités indiennes que les responsables de l’élabo-

ration des cours et des programmes dans les universités indiennes n’ont pas réussi à être à la

hauteur de la tâche.

Parallèlement, la rigidité des règlements et des conditions relatifs au recrutement du

corps enseignant ou à l’organisation des programmes, qui font fonctionner les universités, rend

quasiment impossible toute collaboration avec des personnes, qui sont en contact avec la réa-

lité indienne ou qui possèdent un savoir-faire et des connaissances traditionnels. Ainsi, il y à eu

depuis l’indépendance un renouveau remarquable - une véritable renaissance - des beaux arts

et des arts du spectacle, de l’artisanat, du yoga et de la médecine. Dans la plupart des cas, le

développement de ces activités, y compris les quelques cours dont elles ont fait l’objet, s’est

effectué à l’extérieur de l’université. La nécessité de les faire entrer à l’université est certes

reconnue, mais la mise en oeuvre s’avère difficile. Malgré des années de formation par la pra-

tique ou même un dur apprentissage auprès de maîtres réputés, les artistes, les artisans et les

lettrés traditionnels, qui sont à l’avant-garde de cette renaissance, ne possèdent pas les qualifi-

cations formelles, qui sont exigées pour enseigner à l’université. Les conditions requises en

matière de diplômes peuvent ne pas être respectées, s’il est prouvé que leur talent est ”excep-

tionnel”. Mais il est difficile de prouver qu’un talent est exceptionnel. De plus, les mécanismes

sont longs et laborieux. Il faut également amener ces érudits à travailler dans le cadre des

horaires propres aux universités, et à dispenser leur enseignement conformément aux

méthodes et aux unités requises par chaque établissement. Il faut donner aux gestionnaires

de l’enseignement supérieur les moyens de surmonter ces contraintes pour bénéficier de

l’épanouissement des arts, de l’artisanat et du savoir-faire de l’après-indépendance, et de

l’expérience acquise dans des projets de développement, afin de contribuer à la concep-

tion de programmes, qui donneront aux étudiants des connaissances réellement prisées

sur te marché, et des compétences liées aux besoins et au développement du pays.

116

La gestion financière

La gestion financière est un autre défi majeur que doivent relever les gestionnaires de l’ensei-

gnement supérieur à tous les niveaux. Les universités centrales et les nouveaux établissements

de haut niveau créés comme centres d’excellence sont dotés de ressources importantes. Mais

la masse des universités à dû tirer le maximum de ses installations pour accueillir un nombre

croissant d’étudiants. Les conséquences sont alarmantes et tristes. Cela va du mauvais entre-

tien des bâtiments et des installations -mobilier, tableaux noirs-, à l’incapacité de fournir le maté-

riel indispensable -équipements de laboratoire, bibliothèques, supports pédagogiques-, ou

même de recruter du personnel... Actuellement, plus de 88% des dépenses pour l’enseignement

supérieur sont supportés par les Etats et le gouvernement central. C’est une forte augmentation

par rapport au 52% alloués par le gouvernement britannique au moment où le pays se libérait

de la domination coloniale. à partir du début de la période du Huitième plan, les Etats et le gou-

vernement central ont fermement déclaré que leur engagement financier ne pouvait plus être

augmenté, car d’autres demandes pour le développement plus urgentes devaient être satis-

faites.

Dans ces circonstances, il est impératif que les établissements d’enseignement supé-

rieur rationalisent leur budget, fassent des économies, investissent prudemment les fonds dis-

ponibles et génèrent leurs propres revenus. La dépendance financière croissante vis-à-vis de

l’état, combinée à une pratique établie de déficit budgétaire, à donné naissance à une culture

où les établissements ne prennent pas ces obligations au sérieux. L’insuffisance des compé-

tences et l’apathie générales dans ce domaine sont encore aggravées par le fait que l’Etat, en

tant que financier principal, exerce un contrôle strict. La réglementation relative à l’allocation et

au paiement des fonds, ainsi que les directives définissant les limites dans lesquelles les droits

de scolarité ou autres peuvent être fixés, sont si rigides qu’elles paralysent les initiatives de ceux

qui administrent et gèrent les universités et collèges. Il serait donc très utile d ‘accroître leurs

compétences dans les différents aspects de la gestion financière et ce, de la préparation

des budgets à la génération de fonds Il est particulièrement nécessaire de donner aux

gestionnaires de l’éducation les moyens de trouver leur chemin à travers te labyrinthe

des procédures bureaucratiques, des lois, des règlements, des conditions et des dÈfini-

tions qui régissent l’allocation et te paiement des subventions gouvernementales.

Faire face à la syndicalisation et aux litiges

Les gestionnaires de l’enseignement supérieur doivent encore affronter les problèmes découlant

d’une syndicalisation accrue du personnel administratif, du corps enseignant et des étudiants, et

de la tendance croissante à mettre en litige et porter devant les tribunaux des questions d’ordre

administratif. En soi, ni la syndicalisation ni le recours à la justice pour réparer un tort ne sont

condamnables. Ces institutions sont en réalité vitales pour le fonctionnement des universités

dans une société démocratique. Mais les vice-chanceliers et les greffiers des universités comme

les principaux des collèges ne sont guère formés pour manier le code du

117

travail complexe régissant leurs établissements, ni pour traiter tous les litiges auxquels ils doi-

vent sans cesse faire face. De plus, en raison de la politisation actuelle de l’enseignement supé-

rieur, les questions relatives à l’enseignement ou à l’administration sont quasiment monopoli-

sées par des intérêts politiques.

La politisation

A l’instar de quelques autres problèmes affectant aujourd’hui les universités indiennes, celui de

leur politisation à aussi en partie pour origine leur structure, héritée de l’ère coloniale. Cette

structure avait été conçue pour restreindre l’autonomie des universités et permettre au gouver-

nement de les contrôler. Par exemple, les universités sont créées par une loi. Le gouverneur de

l’état où elles se trouvent est leur chancelier. Des personnes nommées par le gouvernement siè-

gent dans toutes les instances importantes, comme le Conseil d’université, le Conseil acadé-

mique, le Conseil exécutif et les comités de sélection du personnel enseignant et administratif.

Dans un système démocratique de gouvernement, tel qu’il fonctionne aujourd’hui en

Inde, les responsables nommés par le gouvernement sont presque toujours des personnes inté-

ressées et politiquement influentes. Non seulement elles ont tendance à utiliser les étudiants, le

corps enseignant et même les locaux universitaires à des fins politiques, mais aussi à profiter

des réunions des instances universitaires, où elles siègent, comme autant d’arènes pour régler

leurs différends politiques et servir leurs intérêts personnels. Les questions pédagogiques et

administratives sont détournées et déformées dans ce but.

Le problème des relations entre le gouvernement et les politiciens

Alors que la politisation à l’intérieur des différentes instances universitaires est déjà difficile à

gérer, les managers de l’enseignement supérieur à tous les niveaux rencontrent des problèmes

plus frustrants encore, ceux qui découlent des relations entre le gouvernement et les politiciens.

Cette question peut être illustrée par le problème des effectifs, déjà abordé dans cet article.

Peu après la création de l’Université Grants Commission en 1956, son premier Président

avait préconisé une réduction du nombre des admissions. Par la suite, à partir du Troisième plan

quinquennal, chaque commission et chaque comité, nommés par le gouvernement de l’Inde

pour examiner l’enseignement supérieur, avaient sans exception recommandé la limitation

urgente de la croissance. Pourtant, ni le gouvernement central ni celui des Etats n’ont suivi ce

conseil, arguant qu’une telle limitation serait contraire à l’engagement national visant à assurer

l’égalité des chances dans le domaine éducatif. Cependant, les personnes qui savent comment

fonctionne l’enseignement supérieur en Inde conviendront que cet argument cache deux raisons

politiques, expliquant pourquoi le gouvernement refuse de stopper la croissance de l’éducation.

118

D’abord, une grande partie des étudiants qui s’inscrivent à l’université le font parce qu’ils

ne trouvent pas de travail après la fin de leurs études secondaires. En donnant à ces diplômés

la possibilité de poursuivre des études supérieures, le gouvernement maintient la frustration due

au chômage dans des limites gérables. Ensuite, comme les hommes politiques se sont rendus

compte que le moyen le plus facile de plaire à leur électorat était de construire des collèges dans

leur circonscription, ils exercent des pressions continues sur le gouvernement pour en obtenir

l’autorisation. Il est difficile voire souvent impossible aux ministres de repousser ces demandes.

En principe, les universités sont autonomes et peuvent refuser l’affiliation à de nouveaux col-

lèges. Mais, dépendantes de l’Etat, elles sont incapables de résister aux pressions ministérielles

en faveur de ces affiliations. En dernière analyse, il faut donner aux gestionnaires de l’en -

seignement supérieur le pouvoir de combattre cette situation

La réalisation des rêves nationalistes

La gestion de l’enseignement supérieur en Inde peut ainsi être considérée idéalement comme

l’unique chance de réaliser le rêve nationaliste de faire de l’éducation l’instrument du dévelop-

pement social, économique et politique. Mais, en réalité, c’est un défi complexe que de mainte-

nir et d’adapter aux besoins du pays un système qui s’est développé d’une manière phénomé-

nale et beaucoup trop rapidement ; de satisfaire des demandes et des espérances explosives ;

de fonctionner avec des ressources insuffisantes ; d’allier et d’équilibrer le désir d’excellence et

d’une éducation de niveau international avec un engagement fortement politisé et dénaturé en

faveur de l’égalité des chances dans l’enseignement ; de contenir et de combattre les pressions

politiques de l’extérieur et la politisation à l’intérieur, qui accablent le système ; et, par ce biais,

adapter les programmes universitaires aux besoins économiques et aux nécessités du dévelop-

pement - des programmes qui, comme nous l’avons déjà souligné, n’ont jamais été jusqu’à

maintenant vraiment inspirés par la culture locale ou les besoins de la population. Il faut donner

aux décideurs de l’enseignement supérieur en Inde les moyens d’assumer cette tâche complexe

Les questions finales

Nous nous sommes concentrés jusqu’à présent sur la description de l’enseignement supérieur

en Inde et sur la manière dont, généralement, les programmes de formation peuvent aider les

gestionnaires de l’enseignement supérieur à travailler efficacement. Ii nous faut maintenant

aborder les trois questions finales qui sont au coeur de cet article : Les gestionnaires de sexe

féminin de l’enseignement supérieur ont-elles besoin de quelque chose de plus, ou de différent,

par rapport à leurs collègues masculins ? Comment leur participation peut-elle être accrue et

améliorée ? Apportent-elles une contribution spécifique en tant que gestionnaires ?

119

L’identification continue des besoins de formation des gestionnaires femmes

Nous avons déjà proposé des réponses à la première de ces trois questions essentielles lorsque

nous avons évoqué les contraintes qui pèsent sur les gestionnaires de l’enseignement supérieur

en Inde. En ce qui concerne les femmes, le tableau 1 à montré de quelle manière et dans quels

domaines leurs besoins sont différents de ceux des hommes. Cette différence est légère, mais

elle devrait être prise en compte lors de la définition des points à soulever dans chaque cours

de formation. Il est également nécessaire de comprendre que le caractère substantiel de la dif-

férence entre les besoins de formation des hommes et ceux des femmes est susceptible d’évo-

luer de temps en temps et peut varier d’une région à l’autre de l’Inde. Les concepteurs de pro-

grammes de formation devraient être sensibles à ce fait et vérifier les besoins spécifiques des

femmes participant à chaque programme.

La nécessité de connaître les différences régionales

Il est également important que les cours de formation tiennent compte des différences régio-

nales, en ce qui concerne les attitudes vis-à-vis des femmes qui travaillent et leur situation dans

le monde du travail. Celles-ci sont profondément enracinées dans l’histoire et le génie culturel

de chacun. Bien que cette question n’ait pas encore été systématiquement étudiée, il est évi-

dent que l’attitude relativement plus positive à l’égard du travail féminin observée à Bombay, en

particulier, et dans le sud de l’Inde, en général, peut s’expliquer par plusieurs facteurs : certains

éléments de la culture dravidenne ; la tradition Kerala du matriarcat ; le fait que deux des trois

premières universités furent fondées par les Britanniques dans le sud de l’Inde (Bombay et

Madras). Par ailleurs, au XlXe siècle, le mouvement pour les réformes sociales en faveur des

femmes avait des bases solides dans les anciennes provinces de Bombay et de Madras. C’est

dans la cité de Poona, voisine de Bombay, que Mahatma Phule et Maharshi Karve - intrépides

personnalités du XlXe siècle qui luttèrent vaillamment pour la cause de l’instruction des femmes

commencèrent leur mission ; c’est également à Poona, et plus tard à Bombay, que Maharshi

Karve fonda courageusement la SNDT Women ‘s University il y à plus de 75 ans maintenant.

Bombay, et la région l’entourant, fut le territoire d’où oeuvra Gandhi et où le mouvement natio-

naliste bénéficia de solides assises. Bombay, enfin, est l’une des métropoles les plus cosmopo-

lites de l’Inde et qui, depuis près de deux siècles, joue le rôle de porte de l’Inde.

Pour comprendre ce qui favorise la participation des femmes à la gestion de l’en-

seignement, il serait nécessaire d’étudier systématiquement ces explications spéculatives.

Mais, déjà, nous pouvons répéter qu’il y à au moins deux points distincts dans l’organisa-

tion de la formation des gestionnaires féminines de l’enseignement supérieur pour les-

quels la différence entre le Sud et le Nord et l’avance de Bombay doivent être prises en

compte. Il faut, d’abord, promouvoir Sa prise de conscience. Ensuite, il est nécessaire de

mettre en place, spécifiquement en Inde du Nord, des programmes et des activités de for-

mation pour les gestionnaires femmes de l’enseignement supérieur. Enfin, il serait utile de

décrire historiquement, d’analyser et de discuter ces différences entre le Nord et le Sud

120

dans des cours de formation. L’expérience personnelle de l’auteur en matière de stages de for-

mation pour les gestionnaires femmes prouve que de tels débats aident à illustrer les contraintes

qui pèsent et ont pesé sur les femmes, ainsi que les voies grâce auxquelles elles ont progressé

et peuvent continuer d’évoluer.

La nécessité de stimuler les ambitions des enseignantes universitaires

Lors de la conception de programmes de formation pour les femmes, il est également important

de prendre en compte les faits suivants, dont nous avons déjà parlé : la plupart des femmes qui

entrent dans renseignement universitaire sont hautement qualifiées mais ne sont guère animées

par un esprit de compétition ; beaucoup d’entre elles choisissent cette profession, de préféren-

ce à des activités plus lucratives et parfois plus prestigieuses, parce que, fondamentalement,

l’enseignement s’adapte plus facilement que toute autre profession à leurs responsabilités fami-

liales. C’est pourquoi elles tendent à accorder une importance secondaire à leur carrière. Si l’on

veut donc améliorer la participation des femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur, il

faut introduire dans les programmes de formation des éléments, qui accroissent nettement leurs

aspirations, stimulent leurs ambitions, et les encouragent à repenser et réviser leur appréciation

personnelle sur la place secondaire qu’elles accordent à leurs rôle et responsabilités profes-

sionnels, par rapport à leur rôle de mère de famille. Il est en fait nécessaire d’élargir cette prise

de conscience à leurs collègues, supérieurs et subordonnés, de sexe masculin.

La contribution spécifique des femmes en tant que gestionnaires d’universités et de col-

lèges féminins

Nous allons enfin répondre à la question : les femmes peuvent-elles apporter une contribution

spécifique à la gestion de l’enseignement supérieur en Inde ?

Il existe cinq universités et 851 collèges de femmes, qui accueillent exclusivement des

étudiantes. On recense encore 200 établissements d’enseignement ménager, 46 écoles d’as-

sistance sociale, 32 écoles d’infirmiers et plusieurs instituts pédagogiques fréquentés essentiel-

lement par des femmes. Toutes les universités de femmes et la plupart des collèges féminins du

pays sont dirigés par des femmes. C’est le cas pour plusieurs écoles d’enseignement ménager,

d’assistance sociale, d’infirmières et de collèges d’enseignement. Les femmes gérant ces insti-

tutions ont la possibilité d’influencer l’avenir de plusieurs milliers de jeunes filles. à une époque

où le pays s’est expressément engagé à utiliser l’éducation comme un instrument donnant aux

femmes le pouvoir d’agir, il y à vraiment là une contribution spécifique à fournir.

Les établissements réservés aux femmes souscrivent à la notion que les

femmes doivent être séparées des hommes. On aurait cru cette notion démodée.

Mais le fait que le nombre de collèges féminins soit passé de 609 en 1980-81 à 851

en 1991 montre bien que plusieurs couches de la société indienne hésitent encore à

envoyer leurs filles dans des institutions mixtes. Ainsi l’orthodoxie

121

prédomine-t-elle, alors que la Constitution du pays garantit l’égalité aux femmes, reconnaît qu’un

refus séculaire de leur accorder des chances égales en à fait ”le parent pauvre” de la société, et

soutient un engagement national pour les faire avancer. Le défi est donc d’utiliser ces établis-

sements comme des centres où des efforts concentrés seront fournis pour atteindre cet objec-

tif. Les différentes dimensions de leurs faiblesses doivent être identifiées et des stratégies doi-

vent être conçues pour leur donner le pouvoir d’agir, par rapport à chacune de ces dimensions.

Des cours de formation doivent apporter aux gestionnaires féminines les compétences néces-

saires pour être à la hauteur de ces responsabilités.

Si l’on veut donner aux femmes le pouvoir d’agir, il est primordial de les rendre plus indé-

pendantes sur le plan économique. Pour ce faire, il faut s’assurer que les diplômes qu’elles

acquièrent leur apportent des connaissances véritablement prisées dans le monde du travail.

Dans les établissements professionnels, comme les écoles d’infirmières et d’assistantes

sociales, où la formation est déjà orientée vers l’emploi, l’objectif est, pour une grande part,

d’améliorer l’enseignement, de le moderniser et de le réviser sans cesse, afin qu’il ne soit pas

dépassé par les progrès des connaissances et des techniques et qu’il corresponde aux ten-

dances du marché. La tâche s’avère bien plus difficile dans les collèges de lettres et de com-

merce, où, jusqu’à présent, l’enseignement se limite souvent à l’apport d’une large éducation

générale, qui n’est pas vraiment axée sur l’emploi. En réalité, ces institutions manquent même

de rigueur dans le sens où elles ne développent pas les compétences des étudiants dans les

matières qu’ils ont choisies. Comme plus de 75% des étudiantes de l’enseignement supérieur

sont inscrites dans ces disciplines, il est urgent de prendre au moins deux mesures importantes

les concernant. D’abord, les cours existants doivent être résolument améliorés et mieux ciblés,

en vue de les rendre plus rigoureux, axés sur l’emploi et mieux adaptés dans leur conception

aux besoins du développement. Ensuite, il faut introduire une série de formations nouvelles,

visant à aider les femmes à devenir chefs d’Entreprise, leur permettant de créer elles-mêmes

des sociétés de services et des commerces, de pratiquer ou d’enseigner les danses tradition-

nelles, la musique, le yoga, de travailler comme professionnelles ou bénévoles dans des sec-

teurs liés au développement, tels que le contrôle des naissances, la santé, l’alimentation, le

logement, l’eau, et les économies d’énergie. Dans ce but, les collèges de lettres et de commer-

ce devront s’inspirer des cours dispensés dans les instituts polytechniques, les universités

d’agriculture et dans toute la gamme des collèges professionnels. Il leur faudra également aller,

au-delà du système universitaire, vers les institutions et les personnes expertes dans les arts et

métiers indigènes pour atteindre les connaissances et le savoir-faire.

Que la tâche de mieux adapter l’enseignement à l’emploi et au développement soit

entreprise par rapport aux disciplines professionnelles ou aux domaines plus génériques des

lettres, sciences et commerce, il faudra retenir deux objectifs importants pour la progression du

statut des femmes. D’abord, fournir un effort conscient pour garantir aux femmes l’accès aux

professions et aux fonctions dont elles ont été généralement exclues, en raison de concepts ou

plutôt de préjugés traditionnels sur ce qui convient ou non pour les femmes. En réalité, il faudra

essayer d’aider les femmes à aller aussi loin qu’elles en sont capables. Ensuite, il

122

conviendra de suivre avec attention, à tous les niveaux de l’emploi, y compris les plus bas, l’ap-

parition de nouvelles possibilités d’emploi. De même, l’éducation des femmes devra rester

flexible afin que ces dernières puissent être formées convenablement pour des créneaux don-

nés. Il sera particulièrement important de surveiller les mises à l’écart dues aux changements

technologiques et autres progrès, et de donner aux femmes les moyens d’accéder le moment

venu à des voies alternatives d’emploi.

On pourra demander pourquoi tout cela est proposé comme contribution ”spécifique” des

femmes. Cette proposition se fonde sur l’observation que, jusqu’à présent, les femmes l’ont

mieux fait que les hommes -pas en raison d’une quelconque supériorité innée, mais parce que

pendant des décennies de domination coloniale, alors que les hommes indiens éduqués s’éloi-

gnaient de la culture indigène, les femmes, elles, en restaient un peu plus proches, probable-

ment parce que les sphères où elles fonctionnaient les maintenaient en contact avec la tradition.

De même, les femmes qui gèrent des institutions accueillant un grand nombre de jeunes

filles sont particulièrement bien placées pour contribuer à l’évolution sociale et politique de leurs

étudiantes. Elles peuvent le faire en les informant des droits légaux dont bénéficient les femmes

grâce aux dispositions favorables de la Constitution. Elles peuvent aussi les renseigner sur les

possibilités d’enseignement et d’emploi, les différents systèmes d’aide et de soutien offerts par

le gouvernement central, les Etats et des organismes bénévoles. Elles peuvent encore élaborer

des programmes pour sensibiliser les étudiantes à la discrimination sexuelle, élever leurs aspi-

rations, et modifier l’image qu’elles ont d’elles-mêmes ceci afin de leur permettre de se consi-

dérer comme des êtres indépendants, des femmes réussissant leur carrière, des artistes, des

écrivains, des citoyennes responsables, en sus de leur vie d’épouse et de mère de famille.

Surtout, elles peuvent utiliser les structures en place, comme le National Social Service, pour

impliquer les étudiantes de façon significative dans les organismes communautaires ruraux et

urbains, afin qu’elles augmentent leurs connaissances et leur conscience des réalités sociales,

politiques et économiques et, en même temps, pour les engager au service de la société.

L’enseignement parauniversitaire et l’éducation continue

Outre l’aide qu’elles apportent pour promouvoir l’avenir des jeunes filles inscrites dans les éta-

blissements qu’elles dirigent, les administratrices de l’enseignement supérieur peuvent tirer parti

de leur fonction et des facilités à leur disposition pour élargir l’accès des femmes à l’enseigne-

ment supérieur. Bien que le nombre des étudiantes soit passé de 748.525 en 198Q-81 à envi-

ron 1.367.495 aujourd’hui, elles ne représentent tout de même que 32% des effectifs de l’en-

seignement supérieur.

L’un des moyens les plus simples par lequel les gestionnaires femmes peuvent

contribuer à améliorer cette situation est de mettre en place des programmes de pro-

motion incitant les jeunes filles en fin d’études secondaires à

123

s’inscrire à l’université. Ces programmes ne doivent pas seulement encourager les filles à entrer

à l’université ou dans une école polytechnique, mais également persuader les parents de leur

fournir l’appui dont elles ont besoin.

L’accès des filles à l’enseignement supérieur étant souvent limité du fait de l’absence de

collèges et d’universités dans les zones rurales ou les villes dans lesquelles elles vivent, il est

nécessaire d’accroître et d’améliorer les facilités d’hébergement pour les étudiantes.

L’Université Grants Commission en est très consciente et subventionne généreusement les

foyers pour jeunes filles. Mais les fonds alloués ne sont pas entièrement utilisés, car il existe des

différences considérables dans la manière de gérer ces foyers. Des stages de formation pour

les administratrices de l’enseignement supérieur pourraient combler un important besoin, en

donnant aux femmes les moyens de créer et gérer des foyers pour étudiantes. Par ailleurs,

compte tenu du fait qu’un grand nombre de filles doivent interrompre leurs études ou renoncer

tout simplement à l’enseignement supérieur par suite d’un mariage précoce, de la maternité ou

parce qu’elles résident dans un endroit éloigné de tout établissement d’enseignement supérieur,

les gestionnaires femmes pourraient faire une contribution de valeur en mettant en place des

programmes d’éducation continue, des cours par correspondance ou des programmes d’auto-

apprentissage pour les femmes.

Tout ceci exige un sens aigu de ce que sont une éducation pertinente, une approche

dynamique, ouverte et non conventionnelle du savoir et des compétences, et une capacité d’uti-

liser tout cela de manière créative. Des stages de formation doivent aider les administratrices à

développer cette approche ouverte et à stimuler leur créativité.

Les femmes gérant des établissements féminins sont certes les mieux placées pour

mettre en oeuvre ce qui a été suggéré jusqu’à présent, mais les femmes occupant des postes

de management dans des institutions mixtes peuvent aussi faire des contributions importantes

dans ce sens. En réalité, elles peuvent faire une contribution spécifique en rendant les étudiants

de sexe masculin conscients de l’inégalité entre les sexes et en les sensibilisant à son injustice.

Parallèlement, elles peuvent favoriser l’introduction dans les établissements mixtes de pro-

grammes portant par exemple sur la nutrition, la fabrication des textiles et des vêtements et la

préparation des aliments, autant de matières qui sont presque exclusivement réservées aux col-

lèges d’économie ménagère ou aux écoles polytechniques destinées aux femmes.

L’administration et la promotion des études relatives aux femmes

Les administratrices de l’enseignement supérieur en Inde sont aussi particulièrement bien placées pour

apporter une contribution majeure au développement des études sur les femmes. L’ e n s e i g n e m e n t

supérieur en Inde est extraordinairement bien pourvu dans ce domaine. Voilà dix ans déjà que

l’Université Grants Commission subventionne des programmes spéciaux sur l’étude de la condition

féminine dans une trentaine d’universités et autres établissements d ‘enseignement supérieur.

124

L’action de la Commission a été renforcée par l’aide que différents ministères et des organismes

internationaux comme la Fondation Ford et l’IDRC (Canada) ont octroyée à ces programmes.

Malheureusement, les résultats ne sont pas proportionnés à l’investissement fourni. Des dis-

cussions avec des membres d’un Comité d’étude de la Commission, qui rédige actuellement son

rapport sur la question, révèlent que les programmes ne sont pas suffisamment contrôlés et diri-

gés. En revanche, là où les programmes d’études sur les femmes ont réussi, ils ont produit des

résultats de recherche et des interprétations analytiques dont la valeur dépasse largement des

considérations sur l’égalité des sexes. Ils ont par exemple modifié quelques-uns des concepts

vieux comme le monde que l’on utilise en économie et démographie. Ils ont aussi permis aux

professeurs et aux étudiants de toucher à la réalité, d’une manière que les cours et programmes

de style traditionnel permettent rarement.

L’intérêt et le désir de développer les études relatives aux femmes existent, mais il ne fait

aucun doute que les gestionnaires féminines de l’enseignement supérieur en Inde doivent en

assurer la direction et l’orientation requises pour faire progresser ces études dans le pays. Des

stages de formation doivent les aider à assumer ces responsabilités. Dans ce contexte, il est

important de reconnaître qu’il ne suffit pas de promouvoir les études sur la condition féminine

uniquement au sein des départements des sciences sociales et sciences humaines, Comme

c’est dit cas actuellement. Des recherches féministes ont révélé des faits surprenants concer-

nant les femmes et la nutrition, les femmes et la santé, les femmes par rapport au logement, les

femmes et leurs rapports avec l’environnement, etc. Les analyses conceptuelles, la recherche

empirique et les écrits sur ces questions montrent clairement que la dimension sexuelle ne doit

pas être seulement reconnue mais aussi sérieusement traitée dans des disciplines telles que la

médecine, les études d’infirmière, l’architecture, les sciences de l’ingénieur, la gestion et les

sciences de l’environnement. C’est pourquoi des formations doivent donner aux managers fémi-

nines de l’enseignement supérieur les moyens de développer les études relatives aux femmes

dans les différents secteurs où elles travaillent.

Conclusion

Nous avons fait la liste de quelques-uns des moyens grâce auxquels les gestionnaires femmes

de l’enseignement supérieur peuvent apporter leur contribution spécifique à l’enrichissement de

l’enseignement supérieur dans le pays. Nous avons également tenté de montrer comment leur

participation pourrait être renforcée et rendue plus effective. Mais il serait simpliste de dire que

les managers de l’enseignement supérieur, hommes ou femmes, peuvent faire grand chose

aujourd’hui en Inde si les tentatives pour améliorer leurs compétences ne sont pas accompa-

gnées de quelques changements structurels fondamentaux dans le système et d’un effort

concerté pour stopper la politisation qui domine celui-ci. Il convient donc de conclure cet article

en recommandant fermement que les formations dispensées aux gestionnaires féminines les

sensibilisent quant à leurs responsabilités dans ce domaine et les guident sur la manière de for-

mer un front uni, ceci afin d’entraîner les changements structurels nécessaires et de réduire l’in-

tervention politique.

125

126

Appendice I (b)

Répartition des notes de confiance en soi :femmes, hommes et total

Appendice II

1. Les ”Questions clés de l’enseignement supérieur” englobent : le contexte national, les poli-

tiques et programmes d’action, l’éducation des femmes, l’éducation, l’emploi et la création

d’Entreprise chez les femmes ; le rôle et l’identité des administratrices et comment leur donner

le pouvoir d’agir ; le rôle des femmes dans le développement national, les sciences et la tech-

nologie pour les femmes...

2. La ”Planification institutionnelle” englobe : Les objectifs de l’institution et la planification de

perspective ; relier les plans institutionnels avec les plans de développement à l’échelon des

Etats, de la région et de la nation ; la projection des profits et les bases de données pour la pla-

nification ; les plans à court et long terme pour l’institution ; la planification au niveau des dépar-

tements ; la planification des programmes et des activités ; la réalisation des plans et le ”feed

back” .

3. L”Administration” englobe : Très bonnes connaissances des lois, règlements et statut ; les

procédures fondamentales d’achat, le traitement des demandes des départements, la vérifica-

tion des stocks, etc. ; les pouvoirs statutaires de fonctionnement des différents comités, la ges-

tion des terres/propriétés/biens immobiliers, la gestion des réserves et des approvisionnements ;

l’utilisation de l’informatique .

4. La ”Gestion financière” englobe : Budget, financement et comptabilité, la mobilisa-

tion des ressources, les subventions, etc. ; les comités financiers, les

127

procédures, les pouvoirs, la gestion des comptes, la préparation des états financiers, le contrô-

le des retraites, les impôts, les fonds de prévoyance, le cash flow, les portefeuilles et analyses.

5. La ”Gestion du personnel” englobe : Les procédures de recrutement, de promotion et de

transfert, l’établissement des conditions de travail, le suivi des dossiers personnels, les orga-

nismes de service, les évaluations de performance, le perfectionnement du personnel et les

oeuvres sociales, le traitement des dynamiques de pression et obligations.

6. La ”Gestion pédagogique” englobe : La planification des programmes, la planification de l’en-

seignement, l’introduction de nouveaux cours et méthodes d’enseignement, la gestion des

bibliothèques, les emplois du temps, l’évaluation.

7. La ”Gestion des étudiants” englobe : Les admissions, les admissibilités, les migrations, l’équi-

valence des transferts, la discipline, l’orientation universitaire et les entretiens individuels, l’orien-

tation professionnelle, l’enrichissement des programmes, les cours hors programmes, la gestion

des foyers universitaires, la représentation estudiantine, les syndicats d’étudiants, les bourses,

les prêts, l’identification des besoins des étudiants, l’organisation de programmes de soutien

pour les étudiants de faible niveau.

8. Le ”Rôle d’interface” englobe : Faire participer étudiants et enseignants à l’identification des

besoins de la communauté et au développement de celle-ci, l’établissement de liens avec les

organismes locaux et les agences bénévoles, l’interaction avec l’Université Grants Commission

et les universités des Etats, l’exploitation des services offerts par d’autres organismes universi-

taires, tels les Academic Staff Collèges et les Collège Development Councils ; l’utilisation des

matériels provenant de sources internationales comme UNESCO et le PNUD.

9. Le ”Développement personnel” englobe : La gestion du changement, l’exercice de l’autorité

et de la prise de décisions, l’égalité, l’identité et l’image de soi, les techniques de communica-

tion et les relations avec autrui, l’interface entre les activités familiales et professionnelles, la

gestion du temps et du stress, la délégation de l’autorité, la formation d’une équipe.

Référence

Chitnis, Suma. ”Women’s Studies in India”, in Women’s Higher Education in

Comparative Perspective, sous la dir. de Gail Kelly et Sheila Slaughter, Kluwer Academic

Publishers, Boston, 1990.

128

INDONESIE

LA PLACE DES FEMMES INDONESIENNES DANS LA GESTION DEL’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Mariana Setiadarma

Si je ne pense à mol ; qui le fera ?

Si je ne pense qu’à moi, qui suis-je ?

Si ce n’est pas aujourd’hui, quand ?

Talmud de Babylone

Introduction

L’année 1978 à marqué une étape décisive dans le mouvement d’émancipation des femmes

indonésiennes. Cette année-là, le statut constitutionnel et les droits sociaux des femmes ont été

explicitement stipulés dans les Directives nationales pour le développement. Pour la première

fois, le gouvernement à souligné le rôle de la femme dans le développement de la nation en

créant un secrétariat d’Etat à la promotion du rôle de la femme. En 1983, ce poste a été reclas-

sé en ministère d ‘ Etat.

La philosophie de l’état, ou Pancasila, et la Constitution reconnaissent l’égalité de la

condition et des droits des femmes en tant que créatures du Dieu tout-puissant. La loi met les

hommes et les femmes sur un pied d’égalité en ce qui concerne leurs droits, leurs devoirs et

leurs chances.

Le rôle de la femme indonésienne s’est précisé lentement au cours de l’histoire. Sur le

plan politique, quelques femmes indonésiennes des siècles précédents sont devenues reines et

ont régné. Au IVe siècle, par exemple, Tribuana Tungga Dewi et Suhita ont gouverné l’empire

Majapahit, l’un des empires les plus respectés de l’archipel. Pendant la période coloniale hol-

landaise, à la fin du XlXe siècle et au début du XXe, certaines femmes indonésiennes ont rejoint

les forces armées pour lutter aux côtés des hommes contre la puissance coloniale. Parmi ces

femmes remarquables, on peut citer Martha Christina Tiahahu, Cut Nyak Dien et Cut Meutia.

Le défi que veulent relever aujourd’hui les femmes indonésiennes est tout à fait différent.

Elles se battent davantage sur le terrain culturel et celui de la vie

129

quotidienne et moins sur celui de la politique. Elles aspirent plutôt à élever leur niveau de vie et

à faire des études supérieures.

Parmi ces femmes remarquables qui ont cherché à améliorer le sort de leurs compagnes

par l’éducation se trouvaient Kartini, de Jepara (centre de Java) (18791904), Nyai Ahmad

Dahlan, de Yjogyakarta (centre de Java), Maria Walanda Maramis, du nord des Célèbes

(1872-1924), Dewi Sartika, du centre de Java (1884-1947) et Rasuna Said de l’ouest de

Sumatra (1910-1965).

Possibilités d’emploi

D’après les données du Bureau central de statistiques (BPS), l’Indonésie comptait en 1990

179.400.000 habitants dont 89.500.000 hommes (49,89%) et 89.900.000 femmes (50,11 %).

Selon les projections pour l’année 2005, la proportion de femmes (51,10%), soit 111.680.000,

sera encore supérieure à celle des hommes (49,90%), soit 111.508.000. Il est généralement

admis que le nombre des femmes diminuera lentement par la suite.

Tableau 1

Composition de la population

Le fait qu’il y ait plus de femmes que d’hommes ne signifie cependant pas que la population acti-

ve soit constituée en majorité par des femmes. Mais, selon le Bureau national de statistiques,

les projections en ce qui concerne la composition de la population active par sexe indiquent que

la proportion des femmes augmentera (voir tableau 2).

130

Tableau 2

Projection de la population active féminine et masculine

Source : (Jakarta : BPS, 1990 )

En 1988, la population active comptait 28.450.000 femmes, soit près de la moitié dunombre d’hommes. Le nombre des femmes actives devrait passer à 41.900.000 en 1993 et à46.230.000 en 1998. Ces chiffres comparatifs ont été calculés en supposant que la populationactive totale représentera 56,62% de la population totale (pourcentage moyen de 1985 à 1989 ;voir tableau 3). Il est clair que le pourcentage des femmes actives augmentera d’année enannée, même si leur nombre est encore inférieur à celui des hommes.

Tableau 3

Proportion de la population active

Source : (Jakarta : BPS, 1990 )

En ce qui concerne la proportion des femmes dans la population active, il ne suffit pasd’étudier des chiffres ; il faut aussi examiner l’aspect qualitatif de cette participation. if ressort dutableau 4 que la majorité des femmes actives se situe encore parmi les travailleurs manuels.Toutefois, leur proportion diminue dans ce secteur alors qu’elle augmente plus que celle deshommes dans le secteur des cadres, professions libérales et qualifiés.

131

Tableau 4

Pourcentage de la population active par type de travail

et par sexe, 1971-1980, et 1985

Source : Analisa Situasi Wanita Indonesia, 1988

Participation à l’éducation

Les limites aux possibilités dans le domaine de l’emploi peuvent être de type horizontal (type

d’emploi) ou vertical (possibilité de gravir les échelons jusqu’au sommet). il en résulte, en ce qui

concerne le niveau de participation à l’éducation, des conséquences importantes qui paraissent

évidentes quand on compare les niveaux d’éducation des hommes et des femmes (voir tableau

5).

132

Tableau 5

Participation des femmes à l’éducation

Source : Statistiques de l’éducation : enquête sur la situation socio-économique de lanation, 1989.

Il ressort du tableau 5 que les femmes qui font des études sont moins nombreuses queles hommes à tous les niveaux. La proportion de femmes par rapport aux hommes diminue àmesure que le niveau de l’éducation augmente. Les mariages précoces des jeunes filles (avant20 ans), surtout dans les villages, explique la baisse croissante de la participation des femmesà l’éducation après l’école primaire. De plus, avant d’atteindre l’âge de 20 ans, nombreuses sontles jeunes femmes qui doivent travailler pour subvenir aux besoins de leur famille.

Le faible niveau d’éducation des femmes au-delà du niveau primaire, en particulier dansles domaines de la science et de la technologie, limite considérablement leurs chances de trou-ver un emploi. il limite aussi leur efficacité en tant que mères et éducatrices. Sans connais-sances suffisantes en science et en technologie, elles ont du mal à comprendre les besoins etles problèmes de leurs enfants scolarisés et ne peuvent les aider correctement. En tout cas, nosconcitoyens ne progresseront pas s’ils ne possèdent pas de meilleures connaissances scienti-fiques et technologiques.

Le rôle des femmes en tant qu’éducatrices

Les femmes sont par nature des éducatrices. Habituellement, leur rôle estd’éduquer leurs enfants. Tout commence dès la conception. Le développement et l’in-telligence ultérieurs du foetus sont largement influencés par la mère. Le célèbre psy-chanalyste Carl Gustav Jüng pensait que toute la vie psychique et la santé d’un

133

individu dépendaient de sa relation avec sa mère. Les relations mère/enfant sont plus détermi-nantes que les relations père/enfant. L’attitude mentale de la mère joue un rôle capital. Jüngattachait une importance particulière au symbole de la mère. Selon lui, la phase initiale du déve-loppement de l’individu est liée à son attachement à sa mère. La mère accompagne son enfanttout au long de ses études. Habituellement, c’est elle qui est derrière le succès de son enfant etqui le conduit à poursuivre ses études. La relation fondamentale entre la mère et l’enfant favori-se les progrès et le développement mental de ce dernier et contribue à son bonheur.

Le rôle d’éducatrice des femmes ne se limite pas à la vie familiale. Un certain nombred’entre elles sont devenues professeurs dans l’enseignement supérieur. Le tableau 6 montrequ’on en compte 13.640 (soit 22,8%) sur un total de 59.684 enseignants à temps plein ou àmi-temps dans les établissements publics. Dans les établissements privés, les femmes sontencore moins nombreuses : 14.898, soit 18,3%, sur un total de 81.410. Ces chiffres indiquentque sur un total de 141.094 enseignants dans l’enseignement supérieur, 28.538 (20,2%) seule-ment sont des femmes .

Tableau 6

Nombre d’établissements d’enseignement supérieur et effectifs de leurs enseignants enIndonésie

U* = Université E* = Ecole H* = Hommes

I* = Institut A* = Academie F* = Femmes

Données tirées du Bureau central de statistiques (1989) et de l’Annuaire des établisse-ments privés d’enseignement supérieur (1990).

Le tableau 6 indique les effectifs des enseignants à plein temps ou à temps partiel dansles établissements publics ou privés d’enseignement supérieur, sans tenir compte du fait queces personnels peuvent enseigner dans deux ou plusieurs

134

établissements. Il donne une idée du niveau de participation des hommes et des femmes dansl’enseignement supérieur.

Le tableau 7 montre que dans les établissements tant privés que publics le pourcentagedes femmes qui enseignent à plein temps est plus élevé que celui des femmes qui enseignentà temps partiel. Les femmes peuvent travailler à temps partiel dans deux ou plusieurs établis-sements mais il leur est difficile d’enseigner à plein temps dans un endroit et à temps partieldans un autre puisqu’elles doivent aussi s’occuper de leurs enfants. Habituellement, les tâchesdomestiques passent avant le travail professionnel pour les femmes indonésiennes. Si ellesenseignent, c’est souvent pour compléter le revenu familial plutôt que par intérêt pour le travailou pour prouver leurs capacités.

Tableau 7

Effectifs du personnel enseignant à plein temps ou à temps partiel

dans les établissements d’enseignement supérieur publics et privés

Source : Bureau central de statistique, 1989

Il ressort des tableaux 6 et 7 que le pourcentage des femmes qui enseignent est très

inférieur à celui des hommes et que la proportion de femmes baisse à mesure que le niveau

d’enseignement augmente. Ainsi, au tableau 8, il apparaît que le pourcentage de femmes dimi-

nue au niveau supérieur. Il est de 36,4% dans les écoles primaires, de 24% dans les collèges

et seulement de 18,4% dans les lycées.

135

Tableau 8

Effectifs des enseignants hommes et femmes

en fonction du niveau d’enseignement

Source : Institut de recherche et développement, Ministère de l’éducation et de la cultu-re,1990

Les femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur

En ce qui concerne le rôle des femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur, le ableau9 fait apparaître une situation analogue. Très peu de femmes occupent des postes de président.Dans les 212 universités privées, 4 femmes seulement sont présidentes (1,9%).

Tableau 9

Les femmes aux échelons supérieurs de la gestion des établissements privés

d’enseignement supérieur

H* = HommesF* = Femmes

Source : Répertoire des établissements privés d’enseignement supérieur, 1990

Il ressort de l’analyse précédente que les femmes ne sont, quantitativement, que peureprésentées encore dans la gestion des établissements d’enseignement

136

supérieur. Très peu de femmes en effet occupent des postes importants, en étant par exemple

doyennes d’une faculté ou présidentes d’une université. Celles qui ont réussi à obtenir ces

postes les doivent à leurs qualités d’éducatrices.

Plusieurs facteurs empêchent la promotion des femmes dans l’enseignement supérieur.

Outre les facteurs socioculturels mentionnés au paragraphe 6, le fait que peu de femmes sui-

vent des études supérieures est l’un des principaux obstacles à leur présence dans la gestion

de ces établissements. Comme nous l’avons vu au tableau 5, les femmes sont moins nom-

breuses aux niveaux d’éducation les plus élevés. Aux niveaux primaire et secondaire, leur par-

ticipation se compare encore favorablement à celle des hommes. En revanche, elle est beau-

coup plus faible dans l’enseignement supérieur. Un niveau d’éducation insuffisant est l’un des

principaux obstacles à la carrière des femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur.

Obstacles à la promotion des femmes dans la gestion

En Indonésie, les femmes doivent encore surmonter bien des obstacles pour réussir. D’une

manière générale, les hommes sont considérés comme supérieurs. Dans la vie de tous les

jours, ce qu’on attend secrètement des uns et des autres n’est pas du tout la même chose.

Les garçons sont censés être agressifs et indépendants et appelés à devenir soutiens

de famille. En revanche, on attend des filles qu’elles soient raffinées, sensibles et douces et

qu’elles aient d’autres qualités similaires considérées comme féminines. il est généralement

admis que le rôle des hommes est de pourvoir aux nécessités de la vie et donc de travailler à

l’extérieur, tandis que celui des femmes est de rester au foyer et de se dévouer à leur mari et à

leurs enfants.

De ce fait, les hommes ont souvent beaucoup plus de possibilités que les femmes. Ainsi,

les couples préfèrent avoir des garçons plutôt que des filles. Dans certains groupes ethniques,

la naissance d’un garçon donne lieu à des réjouissances familiales particulières. Seuls les gar-

çons transmettent l’appartenance à la tribu. Dans la société patriarcale indonésienne, les

femmes apparaissent comme quantité négligeable. L’homme est habituellement le chef de famil-

le, il détient le pouvoir et le destin de la famille est entre ses mains.

Ces idées sont à l’évidence sexistes. Elles montrent que la dignité humaine est traitée

différemment selon les sexes. Selon Syarifah Sabaroeku, qui à étudié le rôle des femmes dans

les universités indonésiennes, le sexe qui détient le pouvoir est considéré comme la norme,

l’autre étant considéré comme passif, inférieur et soumis. Dans une société patriarcale à ten-

dance sexiste, le sexe féminin est soumis, le sexe masculin supérieur et dominant. Dans cette

position, les femmes deviennent des cibles éventuelles de la puissance ou de la violence

sexuelle du sexe opposé.

Autre élément qui - tout à fait inconsciemment - a ffaiblit la position des femmes : le

système de demande en mariage qui existe dans certaines régions

137

rurales. il semble que l’homme ”achète” la femme qu’il veut épouser. Le choix du partenaire lui

revient.

Un autre obstacle à la promotion des femmes tient aux femmes elles-mêmes. Ces fac-

teurs intrinsèques sont décrits dans The Psychology of Women de Judith Bardwick qui consta-

te que ”la réticence des femmes constitue l’ultime obstacle”.

La discrimination sexuelle sur le lieu de travail est un fait. Cependant, l’une des princi-

pales raisons de la faible productivité des femmes est souvent leur propre réticence à se per-

fectionner sur le plan professionnel.

Peut-être enfin l’obstacle ”interne” le plus décisif à l’épanouissement de la femme est-il

ce que Colette Dowling appelle ”le complexe de Cendrillon”, forme de dépendance psycholo-

gique par laquelle la femme veut être prise en charge et protégée par quelqu’un d’autre. Cette

attitude est sans doute le dernier et le plus difficile défi à relever pour les femmes d’aujourd’hui.

Dowling voit dans cette dépendance une sorte de faisceau contraignant d’attitudes et de

craintes. C’est une attitude qui peut être fatale dans la mesure où la femme n’a pas assez de

courage pour donner libre cours à sa créativité et vivre ses propres rêves.

Pour la romancière française Simone de Beauvoir, la femme n’adopte une attitude de

soumission que pour éviter les tensions propres à toute volonté d’authenticité. il n’est donc pas

surprenant que les femmes aient été considérées comme le ”deuxième sexe”.

Dans ces conditions, il est difficile pour les femmes de progresser parce qu’elles ne

rêvent même pas de se réaliser, incapables qu’elles sont de surmonter l’anxiété que cause la

volonté de s’épanouir pleinement. On peut en conclure que les femmes elles-mêmes contribuent

à la situation qui fait obstacle à leur propre épanouissement. Si nous examinons le nombre des

femmes indonésiennes qui ont accepté de progresser par rapport aux hommes, nous consta-

tons que tout dépend en définitive de leur volonté. C’est manifestement leur plus grand problè-

me.

Limites à la participation des femmes à la gestion de l’enseignement supérieur

Les femmes indonésiennes se trouvent confrontées à trois types d’obstacles qui limitent leur

entrée dans le monde du travail, leur choix de l’emploi et leur plan de carrière. Dans un article

intitulé ”Les femmes de demain” (Kompas, 11 janvier 1991), Edy Pryono explique que les obs-

tacles que rencontrent les femmes ne viennent pas de la loi mais des règles sociales qui ont ten-

dance à placer les femmes à des postes secondaires. Les limites imposées aux femmes sont

donc de réels défis dans la mesure où elles sont fondées sur les préjugés et la discrimination. à

long terme, ces attitudes ont été renforcées par l’attitude de soumission des femmes

elles-mêmes. Elles empêchent les femmes de s’affirmer et expliquent pourquoi les femmes n’ont

guère réussi à accéder aux postes de décision dans des organisations professionnelles ou des

institutions publiques.

138

Il ressort des données nationales que les femmes ne participent pratiquement pas aux

prises de décision. Selon les dernières informations du ministère d’Etat pour la promotion du rôle

de la femme, 59 femmes seulement (7,5%) étaient, en 1985, membres de la Chambre des dépu-

tés et 42 (9,1 %) membres de la Chambre des représentants. Ces chiffres sont très bas étant

donné que cette année-là les femmes représentaient 50,3% de la population. Il n’y a aujourd’hui

que deux femmes ministres sur 38 membres du gouvernement. Les femmes qui détiennent des

postes clés dans des organisations nationales sont au nombre de 846, ce qui représente 5, 5 %

Les données ci-dessus montrent que le nombre des femmes qui occupent des postes de

décision est peu élevé. Il en est de même dans la gestion de l’enseignement supérieur. Les

chiffres du tableau 9 ne portent que sur l’année 1990. Toutefois, selon des statistiques récentes

du Ministère de l’éducation et de la culture concernant l’année 1992, il n’y avait pas plus de 44

femmes présidentes dans les 914 établissements d’enseignement supérieur privés, y compris

les académies, (ce qui représente 4,8%), et seulement 4 dans les 212 universités privées

(1,9%). Dans les 49 établissements publics d’enseignement supérieur, il n’y en a qu’une .

Comme nous l’avons indiqué au paragraphe 6, les obstacles et les limites à la participa-

tion des femmes à la gestion de l’enseignement supérieur sont dûs à plusieurs facteurs, entre

autres le faible niveau d’éducation des femmes, les conditions socioculturelles, des facteurs

familiaux et d’autres facteurs propres aux femmes elles-mêmes.

Conditions de la participation des femmes à la gestion de l’enseignement supérieur

Les obstacles et les limites à la participation des femmes à la gestion de l’enseignement supé-

rieur tiennent à des facteurs intrinsèques et extrinsèques. Les premiers sont, entre autres : a) la

formation aux postes de direction, notamment grâce à des bourses, b) les facteurs sociocultu-

rels et les situations familiales, et c) les associations féminines.

1. Facteurs intrinsèques

a) Aptitudes et compétences en matière de gestion

Dans le contexte social que nous venons de décrire, toute femme qui veut participer ou

participe déjà à la gestion de l’enseignement supérieur doit remplir plusieurs conditions préa-

lables : être capable de diriger, c’est à dire être ferme et ouverte à la discussion, et avoir des

compétences de gestionnaire supérieures à la moyenne .

Ces deux qualités ne peuvent s’acquérir que par l’expérience professionnelle.

L’expérience seule montre si un individu peut devenir un bon administrateur.

139

Devenir un bon administrateur dans le secteur de l’éducation exige une longue expérience de la

gestion et de l’administration.

Certaines qualités typiquement féminines peuvent être des atouts. Dans des situations

difficiles, les femmes savent souvent minimiser les tensions, prendre du temps avant de passer

aux décisions, examiner consciencieusement les problèmes dans leurs moindres détails.

b) Niveau d’éducation

L’aptitude ou la compétence naturelles d’une femme candidate à un poste d’administra-

tion ne seront pas exploitées si elle ne possède pas un certain niveau de formation supérieure.

A chaque échelon gravi doit correspondre un niveau d’éducation plus élevé. C’est l’un des pro-

blèmes les plus difficiles pour la femme indonésienne qui veut occuper un poste de direction,

notamment dans l’enseignement supérieur. Le tableau 5 montre que le pourcentage des

femmes dans l’enseignement supérieur est encore nettement inférieur à celui des hommes.

Mais une condition préalable très importante pour accéder à ces postes est d’avoir fait des

études supérieures.

La responsabilité de cette situation n’incombe pas seulement aux femmes mais à la

société tout entière et à chaque famille indonésienne. La société, en général, et les parents, en

particulier, doivent veiller à ce que les filles tout autant que les garçons aient, de droit, l’accès à

l’enseignement supérieur.

2. Facteurs extrinsèques

a) Formation aux postes de direction dans la gestion de l’enseignement supérieur

L’un des facteurs extérieurs les plus déterminants pour les femmes qui veulent occuper

des postes de direction dans l’enseignement supérieur réside dans la volonté politique de l’uni-

versité ou de l’établissement d’enseignement supérieur de mettre en oeuvre un bon plan de per-

fectionnement et une formation en cours d’emploi à tous les échelons de la carrière.

D’une part, les établissements d’enseignement supérieur devraient avoir la volonté poli-

tique d’offrir des possibilités et d’assurer une formation aux postes de direction pour les femmes

qui font preuve d’aptitudes de gestionnaires. Cette formation devrait commencer par un proces-

sus de sélection destiné à montrer si elle est déterminée à être une bonne directrice et gestion-

naire.

D’autre part, la candidate (administratrice en puissance) doit avoir le courage d’accepter

les occasions qui se présentent.

140

b) Facteurs socioculturels et situations familiales

Les compétences d’une femme et son droit d’exercer une profession sont contestés par

la société en général et par la famille en particulier. La famille, c’est à dire l’époux et les enfants,

doivent l’aider à progresser. Le mari doit être capable d’accepter que sa femme progresse pour

trouver sa propre identité et prendre sa part des charges familiales, notamment sur le plan finan-

cier, qui sont normalement dévolues au mari. Dans ces conditions, la femme qui veut poursuivre

une carrière dans l’administration de l’enseignement supérieur se trouve confrontée à un terrible

défi si, comme la plupart des femmes rurales, elle s’est mariée jeune. Ce point mérite d’être sou-

ligné car de nombreuses jeunes femmes se retrouvent directement plongées dans l’éducation

des enfants après leur mariage.

La résistance de la société à la promotion des femmes ne peut être prise à la légère. Le

changement de mentalité résultera d’un long processus qui doit commencer dans la famille. En

tant que mères, les femmes doivent montrer à leurs enfants les aspects positifs de l’égalité des

hommes et des femmes, d’une manière concrète, conformément au proverbe ”charité com-

mence par soi-même”. Espérons que les générations à venir saisiront le message.

c) Les associations féminines

L’individualisme menace aujourd’hui la société indonésienne, en particulier dans les

villes. Nous devons retrouver le sens de la fraternité, en indonésien le gotong-royong (travailler

ensemble dans le même esprit). L’individualisme empêche les femmes d’exercer une influence

dans une société patriarcale. Le gotong-royong repose sur la culture indigène et, dans la mesu-

re où il est fort, il permettra aux femmes de venir à bout des limites et des défis mentionnés plus

hauts.

Le gotong-royong qui est encore très fort dans les régions rurales doit animer les asso-

ciations féminines. A travers ces groupes, les femmes peuvent parler d’une seule voix et mieux

défendre leurs intérêts.

Les groupes féministes peuvent se constituer en fonction des catégories ou des origines

auxquelles les femmes appartiennent. Les groupes catégoriels sont fondés sur la profession, les

autres sur le lieu de résidence ou d’origine.

L’initiative de ces regroupements revient aux femmes elles-mêmes. Il existe en outre des

fédérations au niveau national. Ces organisations et fédérations doivent permettre aux femmes

d’accéder plus facilement à des postes de décision.

On peut conclure de ce qui précède que l’accès des femmes à des postes élevés dans

l’enseignement supérieur est un processus lent et difficile, qu’il soit envisagé sur le plan indivi-

duel ou collectif. Il s’agit d’une évolution et non d’une révolution. Néanmoins, compte tenu des

rapides progrès des communications et des télécommunications, ce processus pourrait être plus

rapide qu’on ne l’imagine.

141

Conclusion

On peut dire, en conclusion, que la situation des femmes indonésiennes en ce qui concerne

leur rôle et leur participation à des postes clés dans l’enseignement supérieur n’est pas diffé-

rente de ce qui se passe dans les autres professions. Leur faible participation est due à des

limites et des obstacles intrinsèques et extrinsèques .

Pour surmonter ces limites et ces obstacles et permettre aux femmes de participerdavantage à la gestion de l’enseignement supérieur, il faut donner leur chance à celles qui ontle désir et la capacité de se développer. Les femmes elles-mêmes doivent être prêtes à suivreune formation stricte et bien planifiée. C’est le seul moyen pour les femmes indonésiennes dese hisser à des postes de cadre de l’enseignement supérieur.

Comparée aux anciennes générations, la nouvelle génération de femmes indonésiennesest plus présente dans l’éducation. Ce progrès est dû aux femmes elles-mêmes qui sont stimu-lées par des femmes remarquables comme Kartini, symbole de l’émancipation desIndonésiennes.

Le processus de développement a renforcé le rôle des femmes dans la société. Ellessont devenues des gestionnaires hautement qualifiées et ont des postes importants dans lesétablissements d’enseignement. Mais ce processus entraîne des problèmes particuliers. Uneprofession, telle que celle d’enseignante, de professeur ou de directrice d’un établissement d’en-seignement, demande du temps et de l’attention. La femme se voit parfois obligée de choisirentre sa famille et son métier. En tant que mère professionnelle (qu’éducatrice naturelle), elledonne la priorité à son mari et à ses enfants sur son travail.

Face à ces problèmes, une femme doit faire preuve de sagesse. Elle n’est pas mariéeavec sa profession mais avec son mari ; c’est aussi une mère. Voilà pourquoi les femmes indo-nésiennes en général et les éducatrices ou directrices d’établissement supérieur en particulierdoivent non pas chercher à se comparer aux hommes mais trouver leur propre place dans lasociété.

Bibliographie

Bardwick, Judith. Psychology of Women. A Study of Bio-cultural Conflicts. Harper & Row, New

York, 1971.

Biro Pusat Statistik. Indikator Sosial Wanita Indonesia (Social Indicator of Indonesian Women).

Biro Pusat Statistik, Djakarta, 1988.

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Experience. Kowani, Djakarta, 1 980.

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Dowling,Colette. The Cinderella Complex: Women’s Hidden Tear of Independence. Summit,

New York, 1981.

Jüng, C.G. ”Anima et Animus” in Two Essays on Analytical Psychology : Collected Works of

C.G. Jüng. Bollingen Foundation/Pantheon Books, New York, 1953.

Mukmin, Hidayat. Beberapa Aspek Perjuangan Wanita di Indonesia : Suatu Pendekatan

Deskripif-comparatif (Some Aspects of Women’s Struggle in Indonesia : A Descriptive

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Teather, David C.B. Staff Development in Higher Education. Kogan Page, Londres, 1979.

Tjokrowinoto, Moelyoto, Prof. Dr. et. al. Analisa Situasi Wanita Indonesia (Analysis of the

Indonesian Women’s Situation). Kantor Menteri Negara Urusan Peranan Wanita,

Djakarta, 1988.

Walsh, Mary Roth. The Psychology of Women. Ongoing Debates. Yale University Press, New

Haven, Londres, 1987.

143

MALAISIE

LES FEMMES DANS LA GESTION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

EN MALAISIE

Asmah Haji Omar

Introduction

L’enseignement supérieur, auquel nous ferons référence dans cet article, signifie enseignement

universitaire. La Malaisie possède aujourd’hui sept universités pour une population d’environ

18,5 millions d’habitants. Une huitième université ouvrira ses portes en 1993.

L’établissement le plus ancien est l’Université de Malaisie (University of Malaya), qui

était, à l’origine, une branche de l’Université de Malaisie de Singapour mais qui devint, en 1962,

une université à part entière. La deuxième université érigée sur le sol malais fut la National uni-

versity of Malaysia (Universiti Kebangsaan Malaysia), fondée en 1970. Les autres universités

furent ensuite successivement créées. Six des universités sont soutenues financièrement par le

gouvernement et régies par le Universities and Colleges Act de 1974, qui donne les directives

de gestion et d’administration des universités. La septième université est la International Islamic

Université financée par la Malaisie et divers pays islamiques. Cet établissement a été fondé

sous sa propre charte et n’est pas lié à l’Universities and Colleges Act de 1974.

Toutes les universités sont naturellement mixtes. On observe dans la plupart d’entre

elles un bon équilibre entre les sexes, parmi les étudiants comme parmi le personnel acadé-

mique et administratif. Dans le premier groupe, il semble que les femmes aient tendance à se

concentrer dans certains départements. Cet état de choses n’est pas le fait d’une discrimination

à l’encontre de l’un ou l’autre des sexes, mais il traduit une convergence d’intérêts des hommes

ou des femmes pour des disciplines de leur choix. Ainsi, au cours de l’année universitaire

1990-91, la faculté d’éducation de l’Université de Malaisie a-t-elle accueilli 102 femmes sur un

total de 111 étudiants. La même année et dans le même établissement, la faculté des sciences

de l’ingénieur comptait 655 hommes pour 102 femmes.

* Je remercie les bureaux des greffiers (Registrars) de l’Université de Malaisie, de l’Universiti

Kebangsaan Malaysia et de l’Universiti Pertanian Malaysia pour les informations fournies sur

leur établissement que j’ai utilisées dans cet article.

145

Le tableau se présente de façon presque identique pour le corps enseignant. En1991-92 par exemple, le département de géologie de l’Université de Malaisie, employant 15enseignants à plein temps, ne comprenait que deux femmes. Au Centre des langues, où sontenseignées 18 langues du monde entier et qui offre des cours postuniversitaires d’études lin-guistiques, il y à seulement 44 hommes sur un total de 147 personnes.

La gestion universitaire

La gestion universitaire englobe : la gestion des ressources humaines et des services générauxainsi que les finances et les questions académiques. La gestion financière ainsi que celle desservices généraux et des ressources humaines placent l’université sur le même plan que lesautres entreprises ; c’est la gestion académique qui la distingue de ces sociétés.

Au sens propre du mot, la gestion académique signifie la gestion des cours obligatoiresproposés et de la recherche poursuivie ainsi que le développement des compétences. De cepoint de vue, la gestion académique empiète sur la gestion financière et la gestion du person-nel, car le bon fonctionnement des affaires académiques dépend d’une situation financière saineainsi que de ressources importantes en personnel qualifié et compétent.

On attend des gestionnaires académiques qu’ils aient une vision de l’orientation queprennent leurs départements, en termes de progression du savoir et de pertinence des pro-grammes par rapport aux besoins communautaires. Ainsi ils doivent être capables de diriger leurpersonnel.

Tout ceci tend à montrer que l’on n’exige pas seulement des gestionnaires académiquesqu’ils soient aptes à gérer un département, une faculté ou une institution du même type, maisaussi qu’ils incarnent l’expérience et la réussite universitaires de haut niveau. Sinon, ils rencon-treront des difficultés pour se faire respecter de leurs subordonnés et manqueront de confiancepour assurer la direction de l’enseignement, comme on l’attend d’eux. lis doivent être aussi suf-fisamment clairvoyants pour être capables de prévoir les développements futurs. Cela ne serapas chose facile s’ils n’ont pas les compétences nécessaires.

Les femmes dans la gestion des services généraux, du personnel et des finances

Au cours des années, on à recruté dans les différentes universités de Malaisie un nombre crois-sant de femmes au poste de sous-greffier (assistant registrar). On constate aussi une augmen-tation du nombre d’assistants financiers de sexe féminin. Elles font partie des cadres de maîtri-se.

Plusieurs universités emploient aujourd’hui des greffiers adjoints (deputyregistrars) et des trésoriers adjoints (deputy bursars) de sexe féminin. Ce sont descadres moyens. à l’heure actuelle, l’Université de Malaisie (UM) semble avoir plus

146

de sous-greffiers de sexe féminin que de sexe masculin. Par conséquent, il est fort probable que

dans l’avenir les femmes y seront plus nombreuses que les hommes à occuper des postes de

greffiers adjoints. Cette tendance pourrait s’étendre à d’autres universités.

Les statistiques suivantes montrent qu’au cours des dernières années, l’UM à compté

moins d’hommes que de femmes dans ce secteur :

En revanche, il semble que la Universiti Kebangsaan Malaysia (UKM) et la UniversitiPertanian Malaysia (UPM) emploient moins de femmes que d’hommes dans des postes de ges-tionnaire, encore que le recrutement des femmes paraisse avoir augmenté au cours desannées. Cette augmentation semble toutefois être compensée par un accroissement égal dunombre d’hommes recrutés. Par exemple, I’UKM avait en 1986 21 administratrices et 48 admi-nistrateurs. En 1992, il y avait 23 femmes pour 50 hommes. La même année, l’UPM comptait14 administratrices pour 63 administrateurs.

Comparées à l’UM, l’UKM et l’UPM sont de ”jeunes” universités, et il faudra un certaintemps avant que le nombre de femmes et d’hommes dans les postes de gestion ne s’y équilibre.De plus, l’UPM était à l’origine un collège d’agriculture formant des techniciens et des spécia-listes de terrain et n’accueillant que des hommes. Ce n’est que lorsque le collège fut promu aurang d’université que des étudiantes y furent admises - et avec elles des administratrices.

La tendance qui se dessine à l’UM, avec un nombre plus élevé de femmes qued’hommes dans les postes d’administrateurs universitaires, ne traduit pas une discrimination àl’égard des hommes ou une préférence pour les femmes de la part des autorités, auxquelles aété confiée la responsabilité de les recruter. En réalité, il semble que les candidatures fémininesaux postes de sous-greffier soient plus nombreuses. Ceci mène à une plus grande augmenta-tion du nombre des femmes au fur et à mesure qu’elles gravissent les échelons. Le tableauci-dessous montre l’embauche des administrateurs à l’UM entre 1965 et 1992, selon le sexe.

147

Si les statistiques de l’Université de Malaisie peuvent être considérées comme un indi-cateur de tendances futures, alors la gestion des universités en Malaisie ne sera peut-être plusà l’avenir dominée par les hommes. L’équilibre s’instaurera dans la répartition des sexes et,dans certains cas, il y aura plus de femmes que d’hommes. La raison principale en est l’univer-sité elle-même, qui n’est pas aussi attrayante en termes de mobilité verticale et horizontale dupersonnel que le sont la fonction publique et le secteur privé.

L’université est un système clos, qui n’offre pas de débouchés professionnels hors del’enceinte du campus universitaire. Ceci signifie que, lorsqu’une personne est embauchéecomme sous-greffier ou assistant financier, elle le restera jusqu’à ce qu’elle prenne sa retraite.Son seul espoir est de gravir les échelons hiérarchiques .

Si la mobilité verticale est limitée à l’ intérieur de l’ université à laquelle cette personneest attachée, il en va de même pour la mobilité horizontale. En d’autres termes, si elle souhaiteêtre transférée dans un autre lieu de travail, même sans promotion, par exemple dans une autreuniversité ou un autre institut de recherche du pays, elle ne pourra pas bénéficier d’un quel-conque système de mutation automatique, qui n’existe pas. Elle doit demander à être libérée deses obligations par son employeur actuel, avant d’occuper le poste que lui propose l’éventuelemployeur. Si le nouveau poste se trouve dans une autre université, un service gouvernemen-tal ou un organisme de droit public, elle peut obtenir sa mutation sans trop de difficultÈs et sesétats de service seront transmis au nouveau lieu de travail. Mais si elle s’oriente vers le secteurdes affaires ou l’entreprise privée, la mutation peut ne pas s’effectuer facilement. Le plus sou-vent, la personne concernée doit démissionner de l’université ou prendre une retraite anticipéeavant d’occuper son nouvel emploi.

La fonction publique malaise est un système plus ouvert que l’université. Elle permetd’abord la mobilité horizontale, parce qu’un fonctionnaire peut être muté d’un ministère à unautre et enrichir ainsi son expérience. La mobilité horizontale s’accompagne de la mobilité ver-ticale, qui ouvre la voie à des perspectives d’avancement plus larges qu’à l’université.

On peut dire que les gestionnaires féminines de l’université sont un grouperelativement peu intéressé par la mobilité horizontale. Ce qu’elles recherchent, c’est

148

un lieu de travail stable voire permanent. Les transferts représentent pour elles une grosse

source d’inquiétude, surtout si elles sont mariées et ont des enfants d’âge scolaire. Chez les

Malais, l’usage veut que la femme suive son mari. Le mari n’a pas de problèmes lorsqu’il est

muté dans une autre ville puisque son épouse l’accompagne. Mais l’inverse est encore rare

dans la pratique.

Les perspectives de carrière des gestionnaires féminines de l’université

Les sous-greffiers sont recrutés parmi ceux qui viennent d’obtenir leur licence (Bachelor’s

degree) et qui entrent directement au service de l’université. ifs ne bénéficient d’aucune forma-

tion préalable et se sentent en général perdus à leurs débuts. fis sont simplement formés sur le

tas par leurs aînés, suivent, de temps en temps, des stages en cours d’emploi de courte durée

et sont autorisés à participer à des séminaires sur le sujet.

Le sous-greffier peut aussi avoir l’ambition de gravir les échelons et de devenir greffier

adjoint et, peut-être, greffier. Cependant, les greffiers adjoints et les sous-greffiers interrogés ne

semblent guère animés par l’ambition ardente de devenir greffier.

Les raisons en sont multiples. D’abord, on à conscience qu’il n’existe qu’un seul poste

de greffier dans chaque université. La concurrence est grande et les femmes ont toujours eu le

sentiment que les hommes sont à ce jeu la catégorie la plus favorisée. Cette opinion est enra-

cinée dans la plupart des cultures orientales. Comme le dit une femme greffier adjoint principal

de l’Université de Malaisie : ”Nous l’avons accepté comme un fait.”

Autre raison, c’est que le système clos de l’université convient bien aux femmes, surtout

aux femmes mariées, comme nous l’avons dit plus haut. Il y à peu de chances de mutation d’une

université à l’autre, ce qui peut signifier d’une région du pays à une autre - une possibilité inhé-

rente à la fonction publique. La promesse de permanence du lieu de travail donne à la femme

un sentiment de stabilité. à ceci s’ajoute un sentiment de stabilité en ce qui concerne la gestion

du foyer et l’éducation des enfants.

Jusqu’à présent, une seule femme a été nommée au poste de greffier. Elle a été recru-

tée en 1991 à la Universiti Sains Malaysia de Penang.

Les candidatures au poste de greffier font suite à une annonce interne. Le candidat rete-

nu répond aux spécifications indiquées dans cette annonce. il est possible que, dans l’avenir, le

nombre croissant de greffiers adjoints de sexe féminin entraîne une augmentation du nombre de

postulantes aux postes de greffier dans les différentes universités de Malaisie.

149

Les gestionnaires femmes dans la filière académique

D’une manière générale, on peut dire que l’élément culturel joue un rôle actif, mais pas le plus

important, dans le manque d’ambition des femmes à s’élever jusqu’au sommet de la hiérarchie.

Il est en effet impossible d’affirmer que les femmes malaises, chinoises ou indiennes de Malaisie

n’ont pas l’ambition d’occuper les plus hauts postes dans leur profession, tout simplement parce

que c’est dans leur culture que de vivre à l’ombre des hommes. L’image projetée par les uni-

versitaires semble montrer que la culture n’a jamais constitué un obstacle à leurs efforts pour

atteindre leur objectif final d’arriver au sommet. Ceci peut être prouvé par l’augmentation du

nombre des professeurs adjoints (associate professors) de sexe féminin au cours des dernières

années, comme on peut le voir ci-dessous.

Université de Malaisie

La baisse du nombre de professeurs et professeurs adjoints en 1990-91 est due à des

départs à la retraite et à des démissions.

Universiti Kebangsaan Malaysia

150

Universiti Pertanian Malaysia

Dans les différentes universités, le nombre de professeurs de sexe féminin est encoretrès faible, comparé à celui des hommes. L’histoire en est la cause. Dans les débuts de l’ensei-gnement universitaire en Malaisie, très peu de femmes étaient inscrites à l’université et, parconséquent, à l’origine, très peu avaient les qualifications nécessaires pour devenir des chargésde cours (lecturers). La situation a, depuis, évolué et de plus en plus de femmes participent à lavie universitaire.

Aux niveaux des professeurs et professeurs adjoints, la proportion d’hommes et defemmes est appelée à changer avec le temps car, comme l’indiquent les chiffres concernant lespostes de chargés de cours dans les différentes universités, les femmes rattrapent les hommes.L’augmentation des enseignantes pourrait également entraîner à l’avenir un accroissement dunombre de femmes remplissant les fonctions de doyen, directeur, chef de département et pré-sident de division. Nous avons là les gestionnaires académiques.

Jusqu’à une certaine mesure, on peut dire que l’attitude des dirigeants de l’universitéenvers les femmes à permis à un nombre croissant d’entre elles d’occuper des postes de cadrede maîtrise et de cadre moyen, c’est-à-dire d’être président, chef de département, doyen etdirecteur. Autrement dit, la plupart des universités malaises semblent avoir une attitude positivequant à la présence de femmes dans de tels postes. Celles-ci y sont nommées en dépit del’existence de collègues masculins, même dans les départements où les hommes sont ennombre supérieur. Tout ceci tend à montrer que l’on reconnaît à ces femmes les aptitudes et lacapacité de gérer aux niveaux ci-dessus mentionnés.

En 1982, le sénat de l’Université de Malaisie comptait parmi ses membres 10 femmes(8% environ) pour 1 2 6 h o m m e s . A u j o u r d ’ h u i , e l l e s s o n t 3 4 ( 1 9 , 3 % e n v i r o n )sur un t o t a l de 178 m e m b r e s . Le c o n s e i l d ’ u n i v e r s i t é et le d i r e c t o i r eo n t t o u j o u r s e u d e s f e m m e s p a r m i l e u r s m e m b r e s , r e p r é s e n t a n t d i v e r so r g a n e s , b i en que l eu r n o m b r e n ’ a i t j a m a i s é g a l é ce lu i des h o m m e s .L e s f o n c t i o n s d e p r é s i d e n t d u c o n s e i l d ’ a d m i n i s t r a t i o n d e l ’ h ô p i t a l u n i -v e r s i t a i r e de l ’ U n i v e r s i t é de M a l a i s i e on t é té r e m p l i e s , d e p u i s neu fa n s , p a r d e u x f e m m e s s u c c e s s i v e m e n t . E n 1 9 9 2 , p o u r l a p r e m i è r e f o i sdans l ’ h i s t o i r e de l ’ U n i v e r s i t é de M a l a i s i e , le s é n a t à é lu une femme

151

comme l’un de ses deux représentants au conseil d’université. Les membres du sénat, répé-tons-le, sont en majorité des hommes.

Le choix de femmes comme gestionnaires académiques se fonde généralement sur leurancienneté au sein du département ou de la faculté. Lorsqu’elles sont nommées pour la pre-mière fois, l’expérience leur fait peut-être défaut, mais cette insuffisance est compensée pard’autres qualités comme l’ancienneté dans la maison, la convivialité et la capacité d’assumerune lourde charge de travail.

Habituellement, les gestionnaires académiques ne reçoivent pas de formation à la ges-tion préalablement à leur entrée en fonction. ils exercent leurs responsabilités en tâtonnant.Pour gérer leur département, leur faculté ou leur centre, ils prennent conseil auprès des greffierset des trésoriers.

La plupart des universités organisent de temps en temps des formations à la gestionacadémique internes. S’ils ont de la chance, les administrateurs pourront participer, au cours deleur mandat de deux ans, à un séminaire ou à un atelier sur un aspect particulier de cette ges-tion, soit au niveau local soit dans des institutions à l’étranger. Ceux qui sont renouvelés dansleurs fonctions par mandats successifs de deux ans peuvent ainsi accumuler de l’expérience etaméliorer leurs compétences avant de commencer un nouveau mandat. Ce sont ces personnesqui se révèlent, en définitive, comme d’excellents gestionnaires.

La sélection des gestionnaires de l’université

La nomination de femmes aux postes de sous-greffier et d’assistant financier ne semble pasfaire l’objet de préjugés de la part des autorités compétentes, qui sont notamment les conseilsde sélection et le conseil d’université. il en va de même pour la désignation des doyens, desdirecteurs, des chefs de département et des présidents par le vice-chancelier.

La situation est toutefois différente en ce qui concerne les postes de direction. Jusqu’àprésent, aucune femme n’a rempli les fonctions de vice-chancelier. La plus haute fonction qu’aitpu atteindre une femme est celle de vice-chancelier adjoint. Pour être précis, seule l’Universitéde Malaisie à réussi à nommer une femme à ce poste, qui ne l’a d’ailleurs occupé que dedécembre 1983 à novembre 1986.

Cet état de choses n’est pas dû au fait qu’il n’existe pas de femmes capables d’assumerde telles fonctions. Il ne dépend généralement ni de la communauté universitaire ni de la direc-tion, comme nous allons le voir maintenant.

Le vice-chancelier est nommé par le cabinet du Premier ministre sur la recom-mandation du ministre de l’éducation. Il/elle est choisi(e) parmi des professeurs oudes fonctionnaires en exercice ou à la retraite. On observe que ce choix est dicté parun certain nombre de considérations. Les qualités recherchées sont l’envergure descandidats en tant qu’universitaires, leurs aptitudes à la gestion et

152

leur capacité à diriger. Autre condition requise, celle d’être sensible à l’idéologie et aux aspira-tions du gouvernement en place et de les soutenir.

Les vice-chanceliers adjoints sont nommés par le ministre de l’éducation sur la recom-mandation du vice-chancelier. Ils sont choisis dans le personnel en exercice. Cependant, on àconstaté récemment à plusieurs reprises que des vice-chanceliers adjoints étaient recrutésparmi des professeurs ou des fonctionnaires retraités. Les critères de sélection des candidatssont semblables à ceux déterminant le choix des vice-chanceliers.

Comme le vice-chancelier, le vice-chancelier adjoint peut ne pas avoir une formation degestionnaire. Cela s’applique sans l’ombre d’un doute à ceux qui ont gravi les échelons par lavoie académique. S’ils ont quelques connaissances en la matière, c’est grâce à l’expérienceacquise dans des postes de cadre de maîtrise ou de cadre moyen afférents à la gestion acadé-mique. Dans les postes de direction, eux aussi doivent avancer à tâtons et ils peuvent s’estimerheureux s’ils sont aidés par des greffiers ou des trésoriers expérimentés.

Les vice-chanceliers et vice-chanceliers adjoints venant de la fonction publique ou dusecteur privé jouissent d’un avantage par rapport à leurs collègues issus du milieu universitai-re : leur expérience de la gestion. Mais, en revanche, ils peuvent être désavantagés par le faitqu’ils n’ont peut-être pas assez l’expérience du monde universitaire pour pouvoir pratiquer un”leadership” de type universitaire.

La pratique d’affecter des gestionnaires du secteur privé et des fonctionnaires auxpostes de vice-chancelier et même de vice-chancelier adjoint pourrait à long terme privé lesfemmes de toute possibilité de parvenir au sommet, car il y à très peu de gestionnaires fémi-nines dans les entreprises privées du pays. Les statistiques montrent que les femmes ne repré-sentent que 8,3% des personnels administratifs, d’encadrement et de direction du pays (GenderStatistics in Malaysia 1992). Mais si l’usage de nommer des gestionnaires du secteur privé etdes fonctionnaires de haut niveau à la tête des universités s’appliquait à l’extrême, les hommesà leur tour risqueraient de se voir ôter toute chance d’accéder aux postes de direction universi-taires. La conclusion logique est que les plus hauts postes de management auxquels les uni-versitaires des deux sexes pourront aspirer seront ceux de doyens de faculté et de directeursde centre.

L’orientation que nous venons de décrire à provoqué un débat public dans lesmédias sur l’opportunité de confier à des universitaires la direction de leur propre ins-titution. Un article publié le 27 juillet 1992 dans l’un des plus importants journauxmalais, Utusan Malaysia, semble blâmer les universitaires eux-mêmes qui, selon l’au-teur de l’article, sont plus préoccupés de leur étroit domaine de spécialisation que del’univers plus large de la gestion. Cependant, la conclusion de l’article est des plusc l a i r e s : elle fait remarquer que les universités, actuellement dirigées par des fonc-tionnaires et des spécialistes du secteur privé, ne paraissent pas fonctionner avec untaux d’efficacité supérieur à celui des institutions conduites par des universitaires. Laraison en est la suivante : bien que ces gestionnaires soient qualifiés dans le domai-ne de la gestion elle-même, il leur manque une expérience

153

professionnelle d’universitaire et, comme nous l’avons dit plus haut, ils ne sont pas aptes à assu-

rer le ”leadership” universitaire que l’on attend d’eux.

En simplifiant à l’extrême, on pourrait dire que si peu de femmes occupent les échelons

supérieurs de la direction, c’est principalement parce que de tels postes sont rares. Ceux qui

existent sont réservés aux hommes issus du milieu universitaire ou promus de l’extérieur : telle

semble être la règle non écrite. Cette règle ou attitude paraît s’accorder avec la toile de fond de

la domination masculine dans la société. Puisque ceux qui sont habilités à nommer les

vice-chanceliers et les vice-chanceliers adjoints sont des hommes, le soupçon semble se confir-

mer.

Pourquoi ne songe-t-on pas aux femmes pour les postes de vice-chancelier ou

vice-chancelier adjoint ? La raison n’en à jamais été donnée. On peut simplement supposer que

les préjugés contre la présence des femmes dans des fonctions de très haut niveau n’ont pas

encore disparu. De tels préjugés n’appartiennent pas seulement à la constitution psycho-cultu-

relle des hommes malais. fis existent probablement chez les hommes du monde entier. D’une

manière générale, les hommes malais conservent peut-être une image stéréotypée de la

femme, selon laquelle celle-ci est trop émotive et subjective, donc incapable d’être une gestion-

naire de haut niveau. Dans le même temps, les femmes elles-mêmes ne manifestent aucune

inquiétude apparente face à l’exclusion de leur sexe des postes de vice-chancelier, vice-chan-

celier adjoint ou greffier, alors que, parallèlement, elles reconnaissent volontiers qu’il existe des

candidates aptes à remplir ces fonctions. il se peut que les femmes elles aussi ne se soient pas

encore affranchies de l’idée que les postes importants doivent revenir aux hommes uniquement.

Ceci est peut-être lié à l’acceptation de la supériorité masculine qui, comme nous l’avons dit, est

culturellement enracinée en elles.

Le manque d’expérience des femmes dans le domaine de la gestion ne peut servir d’ex-

cuse, car les hommes ne possèdent pas plus d’expérience en la matière lorsqu’ils débutent dans

des échelons supérieurs. Bref, les femmes ont autant d’expérience que les hommes.

De même, le niveau académique ne peut justifier la non nomination de femmes à des

postes de haut niveau, de vice-chancelier adjoint ou de vice-chancelier. Les universités malaises

comptent autant de femmes que d’hommes possédant les qualifications et les compétences

nécessaires pour ces postes. De plus, il y à dans le milieu universitaire des femmes aptes à

assurer un ”leadership” pouvant faire de l’université un centre d’excellence. Et on trouve autant

de femmes que d’hommes capables de résister à la rigueur et au stress, qui accompagnent

généralement des responsabilités lourdes et de haut niveau.

La sélection des vice-chanceliers est devenu un sujet de préoccupation majeur

parmi les universitaires qui, le plus souvent, ignorent le candidat choisi jusqu’à ce

qu’ils lisent dans la presse l’annonce publiée par le Ministère de l’éducation à cet

e ffet. Des associations d’enseignants universitaires demandent de temps en temps

au gouvernement de former un comité de recherche de candidatures pour la sélection

des vice-chanceliers. Ces demandes ne se sont toujours

154

pas concrétisées. Un tel comité est censé connaître un large vivier de candidats et peut pré-

senter une liste de candidats compétents pour le poste. Et parmi eux il peut y avoir des femmes.

Les femmes gestionnaires dans les autres secteurs d’activités, pour comparaison

La croyance en la supériorité masculine, conditionnée par la culture, fit surface au milieu des

années 1980, au moment où une femme allait être nommée juge à la Cour suprême. Certaines

branches de la société manifestèrent une résistance à sa nomination. La raison et le bon sens

surent surmonter cette opposition, et la Malaisie put nommer son premier juge de sexe féminin.

Une deuxième femme juge fut ensuite nommée en 1991.

Un autre progrès fut accompli en 1991, lorsqu’une femme, directeur général de l’éduca-

tion - la première femme dans l’histoire du pays à occuper un poste de directeur général à un

niveau ministériel - fut chargée de la direction du Ministère de l’éducation. Ce ministère, comme

d’autres ministères, employait de nombreuses femmes à des postes de cadre de maîtrise et de

cadre moyen, mais pas de décideur. Seules une ou deux femmes ont occupé jusqu’à présent

dans la fonction publique malaise un poste de directeur général adjoint. Une ou deux femmes

seulement ont été directeur général à des niveaux légèrement plus bas, comme aux Archives

nationales et à la Bibliothèque nationale, et, il y à quelques années, au Conseil d’administration

du Centre national de planning familial. (Les trois derniers organismes sont des divisions de

ministères spécifiques). Au début de 1992, un autre progrès fut accompli, avec la nomination

d’une femme au poste de secrétaire général au Ministère de la justice. C’est aussi la première

femme à avoir jamais été nommée à ce poste dans un ministère.

A l’heure actuelle, la Malaisie compte deux ministres siégeant au Cabinet et deux

ministres adjoints de sexe féminin. En fait, des ministres femmes ont fait partie du Cabinet

depuis 1964. à cette époque, aucune femme n’occupait un poste de décideur au niveau des

ministères ou à l’Université de Malaisie, la seule université qui existait alors. Ceci prouve qu’il

est plus facile pour une femme de devenir ministre siégeant au Cabinet que vice-chancelier

d’une université ou encore directeur général d’un ministère.

En politique, les femmes jouissent du soutien des membres de leur parti, en particulier

de celui des femmes. En outre, leurs électeurs (dans le cas où elles sont députés au Parlement)

peuvent former des groupes de pression pour les propulser vers le haut. S’ils veulent continuer

à bénéficier du soutien des femmes en faveur du parti, les dirigeants du parti au pouvoir sont

dans l’obligation de nommer des femmes ministres et ministres adjoints. C’est un avantage

qu’ont les femmes faisant de la politique par rapport à leurs consoeurs universitaires ou fonc-

tionnaires.

On pourrait dire que le nombre de ministres et de ministres adjoints de sexe

féminin est encore très faible. il n’empêche que des femmes ont été nommées à ces

postes sans interruption depuis 1964. C’est-à-dire que durant toute cette

155

période sans exception, il y à eu au moins un ministre femme ou/et un ministre adjoint femme.

Par contre, aucune autre femme dans tout le pays n’a été nommée vice-chancelier adjoint

depuis 1986, après que l’unique femme titulaire de ce poste eut achevé son mandat de trois ans.

Il ressort de ce qui précède que la situation de convergence des femmes vers les postes

de cadre de maîtrise et de cadre moyen dans la hiérarchie du management n’est pas une carac-

téristique exclusive de l’université. On la retrouve aussi dans la fonction publique. Elle s’étend

même aux programmes gérés par les ministères, comme le prouvent les travaux de Fatimah

Daud sur la participation féminine au développement communautaire (Fatimah Daud, 1992) .

L’absence de réseaux de pression parmi les femmes universitaires

Dans les milieux politiques comme dans les milieux universitaires, il existe des lobbies

qui ont leurs propres réseaux. Les premiers ont un atout maître pour faire pression : leur sou-

tien au parti et, finalement, leur vote.

En ce qui concerne la communauté universitaire, les réseaux masculins se manifestent,

si tant est qu’ils le fassent, par la contestation voire l’obstruction à la nomination d’une femme

aux postes de vice-chancelier ou de vice-chancelier adjoint. Mais d’autre part, il n’existe pas de

réseaux féminins pour contrer les réseaux masculins. il est donc clair que les femmes sont dis-

posées à combattre, par le biais d’organisations féminines, des injustices sociales telles que les

salaires inférieurs ou la discrimination pour l’obtention d’un emploi. Mais elles n’ont pas montré

qu’elles étaient prêtes et déterminées à lutter pour que leur sexe accède à des fonctions de lea-

der, en particulier dans le cadre universitaire.

Comparées aux hommes, les femmes n’ont pas encore accepté l’idée d’utiliser des

réseaux dans le but de parvenir au sommet. Ce qui ne signifie pas qu’elles ne soient pas

capables de s’en servir. En Malaisie, ce n’est un secret pour personne que les femmes les utili-

sent au profit de leur conjoint et de leurs parents masculins. La raison en est simple : elles sont

disposées à mener une telle activité quand elles en bénéficient directement.

L’université est un lieu où se rassemblent des gens aux opinions diverses, y compris

celles se rapportant aux femmes. il a été prouvé que les hommes, dans de nombreux cas, et les

femmes, dans peu de cas, sont parvenus à faire connaître leur point de vue aux autorités déte-

nant le pouvoir de nommer les candidats aux différents postes. Et ces autorités n’ont pas à

répondre de leur décision de ne pas nommer une femme devant des électeurs ou une circons-

cription. De même, elles n’ont pas à se justifier devant les étudiants ou le personnel universitai-

re si elles ne désignent pas une femme à un poste de direction, même s’il existe des femmes

plus compétentes que leurs homologues masculins pour remplir ces fonctions.

156

Les gestionnaires femmes et Vision 2020

Nous avons vu qu’il n’existe apparemment aucune prévention contre le fait d’employer des

femmes dans la gestion de l’enseignement supérieur, aussi longtemps du moins qu’elles restent

cantonnées dans des postes de cadres de maîtrise et de cadres moyens. On semble cependant

éviter de nommer des femmes à des postes de direction, quand on n’y répugne pas tout sim-

plement. Nous en avons déjà indiqué les raisons.

Le refus de nommer une femme à un poste de direction, même si elle est disponible,

indique que la réalité n’a pas sa place dans de telles considérations. Ce rejet de la réalité s’ac-

compagne généralement d’une rationalisation, dont le but est de justifier la décision prise. Et de

telles justifications peuvent se révéler injustes pour les femmes ; elles sabotent la vérité et ris-

quent d’avoir un effet de désintégration plutôt que d’intégration sur la société et la nation. Ceci

augure plutôt mal des progrès du pays. Dans le contexte malais, le rejet de la réalité ne corres-

pond pas à la vision qu’a le Premier ministre de l’avenir de la Malaisie.

En février 1991, le Premier ministre de Malaisie, Dato’Seri Dr. Mahathir, à lancé une

idéologie que l’on connaît maintenant sous le nom de Vision 2020 (Mahatir bin Mohamad,

Malaysia : The Way Forward [Vision 2020). Elle vise à faire de la Malaisie un pays industrialisé

d’ici l’année 2020.

Selon Vision 2020, la Malaisie doit se développer dans tous les domaines économiques,

politiques, sociaux, spirituels, psychologiques et culturels. Pour réaliser les objectifs définis, le

Premier ministre souligne que ”la plus importante ressource d’une nation doit être le talent, les

compétences, la créativité et la volonté de son peuple”. Et il ajoute :

”Nous ne pouvons qu’aspirer aux normes les plus élevées au regard des compétences

de notre peuple, de son profond attachement au savoir-faire, à l’amélioration de la

connaissance et à l’évolution personnelle, de ses aptitudes linguistiques, de son com-

portement et sa discipline professionnels, de ses capacités de gestion, de sa motivation

de réussite, de son attitude tendant à l’excellence et à la stimulation de l’esprit d’entre-

prise.”

Ces normes élevées ne peuvent être atteintes si les capacités, la compétence, les apti-

tudes et la motivation des femmes sont ignorées et gaspillées. Dans l’esprit de Vision 2020, un

changement doit intervenir dans l’attitude envers les femmes et leur habilité à exercer les plus

hautes fonctions dans la hiérarchie universitaire. La pratique de réserver ces postes de haut

niveau aux hommes, tout simplement parce que ce sont des hommes qui doivent occuper de

tels postes, risque de mener au choix de personnes qui ne sont pas à la hauteur et qui surpas-

sent leurs collègues féminines simplement par le fait d’une propriété naturelle qui veut qu’ils

appartiennent au sexe masculin.

157

La nomination d’une femme au poste de vice-chancelier adjoint de l’Université deMalaisie dans les années 1980 a été rendue possible par l’attitude du vice-chancelier et duministre de l’éducation de l’époque envers les femmes. Cette attitude positive peut aussi êtrereconnue aux hautes autorités, qui ont permis la désignation de femmes aux postes de juges,de directeur général de l’éducation et de secrétaire général du Ministère de la justice. Ceci prou-ve que tous les hommes ne nient pas l’aptitude des femmes à gérer et à diriger. Accorder unejuste reconnaissance à une ressource précieuse - les femmes - est une condition indispensableà la réalisation des objectifs de Vision 2020.

Bibliographie

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Universiti Utara Malaysia Calendar, 1989-90.

158

NIGERIA

LES FEMMES DANS LA GESTION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

LE CONTEXTE NIGERIAN

Grace Alele Williams

Introduction

L’éducation des femmes n’a jamais été facile dans aucune région du monde. Les accès sont si

limités qu’ils semblent quasi infranchissables. Dans les familles pauvres, ce sont les femmes qui

pâtissent le plus de l’inégalité en matière d’éducation. Garçons et filles ne jouissent pas de droits

égaux. Dans certaines cultures, donner une instruction aux filles est même tabou parce que

celles-ci doivent rester disponibles pour être mariées très jeunes à des prétendants âgés mais

riches. L’argent de la dot versée à la belle-famille sert à l’éducation des fils, puisque ce sont eux

qui gardent et transmettent le nom. Cette pratique retarde l’accès des femmes à l’éducation, au

bénéfice de leurs frères, quand elle ne le nie pas complètement. Les statistiques de UNESCO

sur la population mondiale établies en 1988 indiquent que 63% des analphabètes sont des

femmes. Ceci souligne encore l’ampleur de la discrimination qui frappe l’éducation féminine.

Cette pratique malheureuse à fait que les femmes sont restées loin derrière les hommes

dans le domaine de l’éducation et de toutes les possibilités qui lui sont liées. Lorsque les parents

en avaient les moyens, ils encourageaient uniquement leurs filles à suivre un enseignement pro-

fessionnel pour devenir infirmières, enseignantes, travailler dans la restauration, par exemple,

ce qui les planait juste au-dessus des tâches domestiques ou, dans le meilleur des cas, leur per-

mettait d’atteindre un niveau de cadre moyen avant l’âge de la retraite.

Mais au cours de la première décennie de ce siècle, une poignée de femmes

comprit que les femmes éclairées devaient réexaminer leurs objectifs et aspirations

si elles voulaient viser des postes de haut niveau. Il est indéniable que le moyen le

plus rapide et le plus sûr pour y accéder, dans n’importe quel secteur d’activité, y

compris dans un établissement d’enseignement supérieur, est un niveau d’études

élevé. Plus le niveau est élevé et plus grandes sont les chances d’obtenir et d’occu-

per un poste de cadre supérieur. Par rapport aux hommes, seul un faible pourcenta-

ge de nos femmes ont acquis le niveau d’études nécessaire à l’obtention de tels

postes dans des institutions d’enseignement supérieur ou d’autres domaines de l’ac-

tivité humaine. Mais même les quelques femmes, qui ont le bagage requis, rencon-

trent des difficultés liées à leur identité sexuelle. Il fallait bien s’attendre à ce que les

hommes, se considérant comme des êtres supérieurs sur les plans intellectuel, men-

tal et physique, ne soient pas disposés à transmettre sur un plateau

159

d’argent à cette nouvelle race de femmes un droit ”inné”. C’est pourquoi ils ont élevé toutessortes de barrières pour empêcher autant que possible les femmes d’entrer dans le club trèsfermé du management de haut niveau. La plupart des femmes, confrontées à des parents sansinstruction, une mauvaise orientation professionnelle, un mariage et des maternités précoces,l’ignorance, la pauvreté, la discrimination sexuelle, ne peuvent suivre les études qui les prépa-reraient à des carrières de direction. Les quelques femmes qui, malgré les handicaps cités,reçoivent tout de même un enseignement approprié, doivent surmonter une nouvelle séried’obstacles sur le chemin menant au sommet.

Enquête sur l’Université de Bénin au Nigeria

Les universités, au faîte des établissements éducatifs, ont pour mission de fournir à la fonctionpublique, aux organismes du secteur privé et aux entreprises commerciales des professionnelsqualifiés. Elles contribuent ainsi pour une part non négligeable à la croissance économique et àla restructuration politique d’une nation. Dans la plupart des pays, la main-d’oeuvre de hautniveau est souvent formée à l’origine au sein des universités.

Cependant, l’enseignement universitaire à toujours favorisé les hommes. à l’université,les femmes sont moins nombreuses que les hommes à remplir des fonctions académiques etadministratives, ce qui explique pourquoi les postes de décideur sont en définitive si rarementoccupés par des femmes. Cette tendance commence à préoccuper fortement nombre d’entreelles, qui militent pour que l’on donne aux femmes la possibilité de contribuer de façon signifi-cative au développement et de faire partie des organes de décision.

Le problème du nombre restreint de femmes dans des postes de décideur et de cadresupérieur à fait l’objet d’un programme, lancé lors d’une conférence à Toronto en 1985 parl’Agence canadienne pour le développement international (ACDI) et dont le but était d’examinerles différents facteurs contribuant à ce problème. Des ateliers de suivi locaux furent organisés àBombay lande) en 1986 et 1988 par l’ACDI et l’Association des Universités du Commonwealth(ACU) pour former des dirigeantes potentielles à la gestion universitaire. Des universitésd’Afrique orientale et australe y étaient représentées. Afin d’avoir un aperçu de la situation enAfrique de l’Ouest, l’enquête ci-dessous a été réalisée. Elle porte sur l’Université de Bénin auNigeria.

L’ensemble des cadres féminins, universitaires et administratrices, de l’Université deBénin à Bénin City (Nigeria) a été le sujet de cette enquête. Des questionnaires ont été établiset les informations fournies spontanément par ces femmes ont mis en évidence les contraintespesant sur l’éducation féminine au Nigeria, les problèmes qu’ont les femmes pour obtenir despostes administratifs et universitaires, le type de compétences dont elles ont besoin pour êtrede bonnes administratrices, les difficultés rencontrées par les femmes occupant des postesadministratifs, et les différentes compétences dont les femmes ont besoin pour être motivées àpostuler des postes administratifs.

160

Tableau I

Répartition par sexe du personnel universitaire

et administratif de l’Université de Bénin en 1992

Les statistiques montrent que le personnel d’encadrement de l’université compte 1 228personnes. Par ailleurs, une analyse de la composition du corps enseignant indique que les 59professeurs titulaires de l’Université sont tous des hommes. Parmi les 35 professeurs associés(Associate Professors), on trouve 31 hommes et 4 femmes. Cependant, le vice-chancelier estune femme.

247 cadres femmes (universitaires et non universitaires) ont été interrogées et 217d’entre elles ont répondu aux questionnaires, qui ont été analysés. Leurs réponses sont don-nées dans les tableaux 11 à Xl.

Tableau II

Les facteurs ayant des effets négatifs

sur l’accès des femmes à l’éducation au Nigeria

161

Tableau III

Les facteurs empêchant les femmes de réussir dans des postes professionnels

et universitaires de haut niveau

Tableau IV

Ce que signifie être une femme réussissant dans une fonction de management

162

Tableau V

Comment concilier féminité et réussite professionnelle ?

La grande majorité des femmes interrogées (188 sur 217) à reconnu qu’il était difficile

pour une femme de concilier féminité et carrière professionnelle. il est donc important pour une

femme de bien établir ses priorités. La plupart des femmes ont estimé que la féminité ne devait

pas être sacrifiée à la réussite professionnelle, et inversement.

Tableau V

Les qualités/compétences que doit développer une femme

pour être jugée apte à un poste administratif

163

Tableau VII

Les compétences que doit acquérir la femme dans l’exercice de sa fonction

Tableau VIII

Ce dont ont besoin les femmes pour accéder à des postes de haut niveau

164

Tableau IX

Les qualités/besoins nécessaires aux femmes aspirant à un rôle de ”leadership”

Tableau X

Les critères d’identification des femmes clés pour des postes clés

165

Tableau Xl

Comment bénéficier de l’aide d’autres femmes ?

L’enquête à montré que de nombreux facteurs influent de fanon négative sur l’accès desfemmes à l’éducation au Nigeria.

Il est d’autre part apparu que la plupart des femmes ayant l’accès à l’éducation ne peu-vent réussir dans des postes professionnels et universitaires de haut niveau en raison de leursmaternités, de l’éducation des enfants, de la discrimination des homologues masculins et del’image négative qu’elles ont elles-mêmes. Bien que peu de femmes aient parlé d’harcèlementsexuel, ce problème doit être abordé par les autorités de chaque institution.

En ce qui concerne les compétences nécessaires aux femmes pour accéder à despostes de management ainsi que pour concilier féminité et réussite professionnelle, la majoritédes femmes à estimé qu’il était important d’avoir une bonne formation universitaire et de tra-vailler plus si nécessaire. L’éducation permanente et l’interaction avec des modèles à émulerfavorisent également le statut et la position des femmes.

La compétence et l’accomplissement des tâches, en tant que base pour l’établissementde relations de travail avec les hommes, qu’ils soient des supérieurs ou des subordonnés, doi-vent être étudiées d’une manière appropriée. L’instauration de bons rapports entre collèguesféminines et homologues masculins devrait ouvrir la voie à un avancement plus aisé.

Quelques leçons à l’adresse des administratrices de l’enseignement supérieur

Il ressort de ce qui précède qu’à tous les niveaux la femme est confrontée à des problèmes spé-cifiques auxquels elle doit s’attaquer avec toute son énergie si elle veut parvenir au sommet.Pour faire carrière, elle doit remplir des conditions beaucoup plus difficiles que celles de ses col-lègues masculins. Un homme pourvu d’un bon bagage universitaire, de savoir-faire et d’expé-rience est en bonne voie

166

pour accéder au plus haut niveau. Quant à la femme, en sus des conditions déjà citées, elle doit

développer sa confiance en elle-même et son agilité intellectuelle et montrer qu’elle est prête à

affronter les problèmes. Assumer le double rôle et les responsabilités de mère de famille et de

femme faisant carrière est à la fois décourageant et astreignant. Aussi dur que cela puisse

paraître, la femme qui commence une carrière de manager et décide d’avoir des enfants aura à

faire face à une situation pratiquement impossible à gérer sans la compréhension et l’appui de

son mari. Les femmes, qui n’ont pu remplir ces deux missions à la fois, ont dû soit abandonner

leur carrière soit, parfois, leur foyer, pour pouvoir mener une vie conforme à leurs aspirations.

Le savoir-faire technique et administratif ainsi que les compétences d’une femme occu-

pant un poste de haut niveau doivent nécessairement dépasser ceux de l’homme. En effet, elle

doit non seulement prouver qu’elle est plus compétente que la moyenne des hommes, mais

aussi entretenir d’excellentes relations avec les autres afin de gagner et conserver le respect de

ses pairs et de ses subordonnés. Elle peut le faire efficacement en ayant une vie sociale aussi

active que possible et en s’engageant dans des associations féminines. Par ce biais, elle pour-

ra acquérir d’autres connaissances et compétences et faire de nouvelles expériences, qui met-

tront à jour ou amélioreront celles qu’elle possède déjà.

Après avoir rempli toutes les conditions requises par un poste de direction, la femme réa-

lise qu’à ce niveau de responsabilités il lui faut coordonner et diriger l’activité d’autres per-

sonnes, ce qui nécessite une aptitude à faire confiance, à dépendre des autres et à déléguer

son autorité, en particulier à ses confrères et subordonnés. Ceci signifie être capable de les

motiver en instaurant un climat suffisamment ouvert pour qu’ils puissent y travailler à l’aise et

progresser. De plus, la femme doit être disponible pour ses collaborateurs de façon à ce qu’ils

se sentent libres de l’approcher pour lui demander aide, conseil ou appui. Elle coordonne en

outre le travail de ses pairs et subordonnés dans différents départements et veille à ce que les

tâches accomplies correspondent aussi précisément que possible aux objectifs fixés par les

autorités de l’institution.

C’est principalement de cette mission bien plus vaste qu’elle sera tenue responsable.

Sachant qu’elle n’a pas obtenu son poste aisément, il lui faut être ferme, honnête, compétente,

responsable, beaucoup travailler et entretenir de bonne relations avec l’ensemble du personnel.

De même, elle doit se montrer assurée tout en étant sympathique et maternelle ; elle doit être

équilibrée, sûre d’elle-même et dévouée. Un dirigeant masculin n’a pas forcément besoin de

posséder toutes ces qualités. Il reste que le rôle de la femme occupant un poste de gestion et

de direction n’est pas facilement accepté par la communauté.

L’expérience acquise à ce niveau de supervision permet à la femme d’élargir son savoir-f a i r e ,

ses connaissances et ses compétences, la préparant ainsi pour un rôle de décideur plus large et moins

précis. On sait que la formation dans l’exercice d’une fonction, par l’expérience, développe l’aisance

sociale d’une femme et lui permet de devenir un dirigeant plus compétent, mieux accepté, car elle est

alors capable d’exercer une influence, de négocier plus adroitement et d’acquérir plus

167

d’assurance. Certaines expériences positives, voire même négatives, favorisent les facultés

cognitives de la femme, par exemple son aptitude à identifier et analyser des problèmes et à

prendre les décisions qui s’imposent.

A chaque étape ou niveau, la femme doit être consciente qu’en tant que femme elle doit

fournir deux fois plus de travail que ses collègues masculins et faire face à des oppositions et

critiques plus fortes. Car elle doit, en effet, tenir compte de l’opinion stéréotypée véhiculée par

les hommes qui présume qu’une femme, en but à des pressions, des critiques ou des blâmes,

réagit avec émotion, ne se contrôle plus et éclate en sanglots en public. Une femme manager

devrait donc être consciente de ce stéréotype et faire en sorte de maîtriser constamment ses

émotions, afin que dans n’importe quelle situation elle soit parfaitement détendue et ne se lais-

se dominer et guider que par son jugement, son initiative, sa persévérance, sa détermination,

son intégrité et sa prévoyance. Les femmes, plus que les hommes, sont naturellement dotées

de ces qualités. Mais pour les faire valoir, il faut qu’elles soient convenablement développées,

nourries et appliquées. La femme devrait exprimer son hostilité avec tact et ne pas se laisser

abattre par l’échec s’il se présente, car l’échec fait partie de ces nouvelles expériences aux-

quelles on doit s’attendre à ce niveau de responsabilités. Sa tâche se trouvera facilitée si elle

comprend qu’il est parfois nécessaire de prendre des décisions impopulaires, surtout si elles

sont bénéfiques à l’institution.

La prise de décisions et leur application sont des aspects de la gestion qui soulèvent

facilement la critique en raison de l’ampleur de leur impact. C’est pourquoi l’identification et

l’analyse des problèmes et les techniques de résolution des problèmes doivent être étudiées et

revues jour après jour. Dans un établissement d’enseignement supérieur, une gestionnaire com-

pétente se distingue du reste de ses collègues par son empressement à résoudre les problèmes

au fur et à mesure qu’ils se posent et sa capacité à prévoir où ils pourraient surgir dans l’avenir.

Cet aspect du management, toujours complexe quelle que soit l’activité, l’est encore plus dans

l’enseignement supérieur où les étudiants se trouvent à un stade de post-formation ; une étude

attentive des traditions de l’institution ne peut donc qu’être utile. Les décisions prises à des

niveaux inférieurs sont plus nettes et souvent moins ambigu‘s dans leur contenu. Dans les ins-

titutions de l’enseignement supérieur, le processus de décision et de mise en oeuvre est la loco-

motive de toutes les fonctions de management. Le gestionnaire, qui à gravi les échelons un à

un, doit avoir logiquement acquis suffisamment d’expériences, de connaissances et de compé-

tences pour assumer ses responsabilités sans difficultés une fois arrivé au sommet. Mais la

situation n’est pas aussi simple pour une femme qui doit faire face aux problèmes liés à son

sexe. Etre active socialement, assister régulièrement à des séminaires, conférences ou ateliers

peut aider à résoudre quelques petits problèmes. La gestionnaire devrait aussi rechercher le

soutien, l’aide et le conseil d’autres femmes, qui peuvent s’avérer très utiles dans les périodes

de crise. Etre membre d’une association féminine dynamique permet d’avoir l’accès à une sour-

ce d’informations, de conseils et de soutien précieux pour une femme gérant un établissement

à dominante masculine, avec des pairs et des subordonnés prêts, à tout instant, à lui contester

le droit d’être là où elle se trouve.

168

Conclusion

J’ai essayé dans cet article de souligner les besoins, les difficultés et les écueils rencontrés par

une femme qui, en dépit de maints obstacles, à réussi à parvenir au sommet. Mais cet article ne

serait pas complet si je n’y ajoutais quelques expériences personnelles, qui ont servi de réfé-

rences à ce texte. L’acquisition du savoir-faire et ma progression n’ont pas été des processus

faciles mais un travail acharné et la volonté de réussir m’ont permis de vaincre les difficultés. De

même, les capacités et le degré de compétence requis à ce niveau ont été acquis au prix de

gros efforts. Plus difficile encore fut d’établir de bonnes relations de travail avec mes pairs et

subordonnés. Mes collègues masculins reconnaissaient soit qu’il existe des femmes hautement

qualifiées, mais ils n’étaient pas prêts à apporter, en cas de besoin, l’appui, l’aide et les conseils

que l’on attendait d’eux.

Ma détermination à réussir dans un domaine exclusivement masculin a été un facteur

clé, bien qu’en premier lieu j’ai dû rivaliser avec les hommes à l’intérieur d’un système qu’ils

comprenaient mieux que moi, où ils se sentaient nettement plus à l’aise et qu’ils connaissaient

mieux. à un tel niveau, les processus de supervision et de décision, le choix des politiques, la

direction du personnel reposent en général sur l’aptitude à faire confiance, à dépendre pour une

large mesure des autres et à déléguer son autorité. Personnellement, j’ai dû procéder à une

étude et une évaluation soigneuses des comportements, ceux de mes confrères comme ceux

de mes subordonnés. Si l’on fait confiance et si l’on délègue son autorité à des personnes qui

ne le méritent pas, c’est tout le système qui, invariablement, courra à l’échec. Le travail de pla-

nification de l’administration quotidienne de l’institution mobilisait une équipe extrêmement

importante, que j’avais moi-même sélectionnée avec la plus grande attention. La planification

comprenait un large éventail de décisions, y compris la clarification et la détermination de

méthodes et procédures spécifiques, applicables dans l’administration quotidienne des affaires.

Pour cette raison, l’équipe chargée de ces tâches devait être évaluée convenablement, ce qui

fut pour moi une entreprise des plus complexes. De plus, il fallait donner des directives, motiver

le personnel, coordonner les relations personnelles ordinaires avec les pairs et subordonnés.

Certains dirigeants ne savent pas déléguer des responsabilités réelles à leurs collaborateurs.

C’est là que j’ai rencontré mes premières difficultés en tant que vice-chancelier. Mais, grâce à

ma formation d’origine et l’expérience acquise au cours de nombreuses années de gestion des

ressources humaines, j’ai été capable d’évaluer, de choisir et de déléguer mon autorité à mon

équipe d’administrateurs et de professeurs .

Les styles de management sont variés. Certains, qui font merveille chez les uns, ne

réussissent pas forcément aux autres. Personnellement, j’ai eu de la peine à trouver celui qui

me convenait le mieux. Après avoir essayé un certain nombre de méthodes, j’ai choisi la plus

efficace, la plus axée sur les résultats. Je suis heureuse de dire que, depuis sept ans, elle fonc-

tionne de façon très satisfaisante.

169

PEROU

LE ROLE DES FEMMES

DANS L’ADMINISTRATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR AU PEROU

Gladys Buzzio Zamora, RSCJ

Introduction

Pays sous-développé d’Amérique latine, le Pérou traverse l’une des périodes les plus agitées et

les plus critiques de sa longue histoire. C’est ce qui explique que les nouvelles en provenance

de ce pays soient aujourd’hui si dramatiques. La présente étude nous à permis - même si tel

n’était pas notre but à l’origine- de repérer certains des facteurs ayant contribué sans doute à la

situation conflictuelle qui règne actuellement dans le pays. Nous les examinerons à la lumière

de l’évolution qui s’est produite en ce qui concerne l’accès des femmes à l’éducation, d’abord,

puis à son administration.

Pour l’heure, la participation des femmes à l’administration de l’enseignement supérieur

se résume dans notre pays à un très petit nombre de cas isolés, dans lesquels on peut voir des

victoires individuelles, sans aucun doute méritoire ou, mieux encore, les premiers fruits d’une

longue et tardive maturation d’un processus commencé tardivement.

Au Pérou, l’administration de l’enseignement supérieur est traditionnellement confiée à

des hommes. Lorsque femmes et hommes auront également l’accès à ce type de responsabili-

tés, des siècles de discrimination absurde et injuste prendront fin. Douées des mêmes capaci-

tés que les hommes, les femmes doivent bénéficier de manière concrète, et pas seulement en

théorie - de chances égales et de droits identiques .

En outre, d’un point de vue pratique, l’accès des femmes péruviennes aux postes de

direction ou d’administration des établissements d’enseignement supérieur se révélera béné-

fique non seulement pour ces institutions, mais aussi pour le pays tout entier, et permettra d’évi-

ter les conséquences néfastes des deux erreurs qui sont commises aujourd’hui :

- la première, que nous appellerons l’erreur A, consiste, lorsqu’on à le choix entre deux

postulants de sexe différent et possédant les mêmes titres universitaires et les mêmes compé-

tences en matière de gestion, à toujours préférer le candidat parce que c’est un homme - en

écartant la candidate - parce que c’est une femme. La fréquence avec laquelle cette erreur se

répète montre qu’il n’y à toujours pas d’égalité des chances et cette injustice alimente et attise

le malaise et le mécontentement d’un nombre croissant de femmes dans notre société.

171

-la seconde, que nous appellerons l’erreur B. consiste, lorsqu’une femme possède mani-festement des titres et des compétences administratives supérieurs à celles d’un collègue dusexe masculin, à lui barrer l’accès aux fonctions de directrice de l’établissement pour la seule etunique raison qu’elle est une femme, en privant du même coup l’établissement et le pays dubénéfice de ses talents.

Nul ne propose bien évidemment, pour mettre un terme à des siècles de discrimination,de nommer des femmes à la tête d’établissements d’enseignement supérieur quels que soientleurs titres et leur compétence de gestionnaire, simplement parce que ce sont des femmes. Ceque l’on réclame, c’est, s’agissant de la première erreur, que l’égalité des chances devienne uneréalité effective et, s’agissant de la seconde, que les femmes dont les qualifications élevées sontreconnues puissent mettre au service de leur établissement - et de la société tout entière - lescompétences de tout premier ordre qui font si cruellement défaut.

Rôle des femmes dans la société péruvienne : rappel historique

Il semble bien que durant des millénaires, et jusqu’à la chute de l’empire inca, les différentsgroupes sociaux vivant sur l’actuel territoire du Pérou étaient largement dominés par leshommes. Dans l’empire inca, on le sait, les amautas (maîtres) étaient chargés d’éduquer les filsde l’élite. Un petit groupe privilégié de jeunes filles - les acllas - était initié à l’art du tissage et dela préparation des mets et boissons consommés à la Cour impériale et lors des cérémonies reli-gieuses. Cette formation n’était dispensée qu’à 0,1 % à peine de la population féminine.

Après la conquête espagnole, à l’époque coloniale, il faudra attendre 1 726 pour que lesautorités manifestent un quelconque souci de promouvoir l’éducation des femmes. En d’autrestermes, deux cents ans s’étaient écoulés, durant lesquels les femmes avaient été totalementabandonnées à leur sort et tenues à l’écart du système éducatif. Cette situation ne fut remise enquestion qu’en 1726 lorsque l’idée fut lancée que les femmes devraient jouer de nouveaux rôlesdans la société coloniale. L’idée fit son chemin, mais avec une extrême lenteur.

C’est en 1822 seulement que, pour la première fois au Pérou, les Libertadores SanMartin et Bolivar proposèrent de scolariser les filles au même titre que les garçons. Les pre-mières écoles de filles ouvrirent leurs portes en 1825 à Cuzco et Lima.

En 1840, seuls quelques rares établissements accueillaient des filles, et ils ne comp-taient que peu d’élèves. Les principaux obstacles identifiés à l’époque étaient : a) le manqued’enseignants et b) le peu d’empressement des parents à envoyer leurs filles à l’école.

En 1855, la Réglementation générale de l’enseignement public reconnut pourla première fois de façon explicite le droit des femmes à l’éducation et leur droitd’avoir l’accès à l’enseignement secondaire, droits qui étaient jusque là l’apanagedes garçons. Notons que deux grandes figures féminines jouèrent un rôle de

172

premier plan dans cette double conquête : Teresa Gonzales de Fanning et Elvira Garc’a y

Garc’a.

La création, en 1876, de la première Ecole normale combla un vide qui se faisait sentir

depuis longtemps déjà. On confia à des religieuses de la Congrégation du Sacré-Coeur le soin

de mettre sur pied et de diriger cet établissement. La Congrégation avait été invitée au Pérou

par le Président Manuel Prado, qui espérait ainsi perpétuer dans son propre pays l’excellente

tradition pédagogique dont ses propres soeurs avaient bénéficié en France, et dont il avait pu

apprécier les mérites. Le premier groupe de religieuses était conduit par mère Purroy.

En 1901, la loi organique sur l’éducation reconnut le droit des femmes d’être admises à

l’université. Quelques années plus tard (en 1908), les Péruviennes étaient autorisées à postuler

grades et titres universitaires.

Il convient toutefois de préciser que toutes ces avancées avaient été conçues et mises

en oeuvre au bénéfice des filles et jeunes filles de la classe sociale dominante, c’est-à-dire de

la classe aisée. Moins de 10% de la population féminine du Pérou eut réellement l’accès à l’en-

seignement primaire, secondaire ou supérieur. Par conséquent, dans la pratique, plus de 90%

des Péruviennes ne tirèrent aucun profit de ces mesures.

Pour tenter de corriger, ne fût-ce que partiellement, cette grave discrimination, les auto-

rités péruviennes rendirent en 1905 l’enseignement primaire obligatoire pour les gardons âgés

de 6 à 14 ans et les filles âgées de 6 à 12 ans. Toutefois, comme nombre d’autres dispositions

prises par le gouvernement, cette mesure ”obligatoire” demeura lettre morte, parce que la socié-

té péruvienne était dans l’incapacité absolue de l’appliquer : il n’y avait pas assez d’écoles et,

dans bien des cas, là même où il y en avait, des milliers et des milliers de familles n’avaient pas

les moyens d’y envoyer leurs enfants, garçons ou filles.

C’est la raison pour laquelle en 1933, soit à peine trois décennies plus tard, on procla-

ma la gratuité de l’enseignement primaire. Malgré cela, plusieurs dizaines d’années après son

adoption, cette disposition n’apparaît que comme une pieuse déclaration d’intention. Ses objec-

tifs ne sont toujours pas atteints à ce jour, si l’on en juge par l’état de précarité déplorable et pro-

prement désastreux de milliers de salles de classe à travers le pays : manque de bureaux et de

tableaux noirs, absence de toiture et de sanitaires, enseignants ne gagnant, dans leur immen-

se majorité, que l’équivalent d’une centaine de dollars par mois.

Il est vrai, certes, qu’à compter des années 30 les enfants des deux sexes ont été mas-

sivement scolarisés. Après des siècles d’une discrimination profonde et généralisée à l’encontre

des femmes, il aura donc fallu attendre 1 933 pour que l’égalité des chances en matière d’édu-

cation commence à devenir une réalité au Pérou .

Pourtant, cette égalité n’a été, de l’aveu général, qu’apparente. Parmi les gar-

dons et les filles qui avaient pour la première fois l’accès à l’éducation, certains

173

étaient issus de familles où l’on avait fréquenté l’école et l’université depuis 10 à 15 générations,

tandis que d’autres venaient de familles où l’on était analphabète depuis tout aussi longtemps ;

ces enfants ne pouvaient espérer obtenir les mêmes résultats. D’autant que si les premiers pou-

vaient compter obtenir presque à coup sûr un emploi stable dans le secteur le plus avancé de

l’économie productive, les seconds, et parmi eux notamment les filles, étaient destinés à secon-

der leurs parents pour les travaux de la ferme dans la branche la moins évoluée de l’agriculture

- et donc condamnés à retomber dans l’illétrisme faute d’utiliser les aptitudes acquises à l’école

en matière de lecture et d’écriture.

La situation présente

Il n’est donc guère surprenant que les statistiques fassent apparaître l’évolution suivan-

te entre 1940 et 1981 pour les personnes âgées de cinq ans et plus :

Malgré une baisse considérable du taux d’analphabétisme, on constate que le pourcen-tage de femmes dans la population analphabète à augmenté.

C’est ce que confirment les chiffres suivants qui concernent les personnes âgées de 15ans et plus :

On voit que, dans ce groupe d’âge, quatre fois plus de filles que de gardons ont été vic-

times en 1991 des préjugés limitant l’accès à l’éducation.

Mais il faut tenir compte aussi de l’extrême hétérogénéité de la population du Pérou.

174

Tout d’abord, les écarts en matière de revenus sont considérables entre les différentssecteurs de la société.

Quand on sait, à cet égard, qu’il est difficile d’avoir l’accès à l’éducation dans les zonesandines du Pérou et que les familles paysannes ne perçoivent pas quel est l’avantage de faireinstruire leurs enfants, il est difficile de ne voir qu’une simple coïncidence dans le fait que lapopulation analphabète appartienne dans sa totalité aux fractions les plus pauvres de la socié-té, c’est-à-dire la paysannerie et les migrants arrivés de fraîche date dans les centres urbains,ou dans le fait que l’accès à l’enseignement primaire, secondaire et supérieur soit un droit garan-ti à tous les enfants, sans exception, des couches à revenu élevé.

On ne peut pas davantage considérer comme purement fortuit le fait que, dans un payspluriethnique comme le Pérou, l’analphabétisme frappe exclusivement certains groupes eth-niques - Indiens des Andes, Noirs ou Indiens d’Amazonie alors que tous les descendants d’im-migrants européens, récents ou établis de longue date, ont pleinement accès aux différentsniveaux d’enseignement.

Ces deux situations déplorables sont malheureusement une conséquence de la tendan-ce, inconsciente ou délibérée, du gouvernement péruvien à concentrer l’essentiel de ses inves-tissements éducatifs dans les villes au détriment des zones rurales .

Ce n’est pas le fait du hasard non plus si sur 100 femmes analphabètes en 1961, 24vivaient en milieu urbain et 76 en milieu rural, ni si la population féminine de Cotabambas, loca-lité andine située à plus de 3.000 m au-dessus du niveau de la mer dans le départementd’Apur’mac et ne possédant qu’une économie paysanne primitive, comptait 77% d’analphabètes(taux le plus élevé du pays), alors que celle de Lima, le centre urbain le plus développé duPérou, n’en comptait que 8% (taux le plus bas du pays).

Les statistiques de 1991 font état de 36,6% d’analphabètes dans le départementd’Apur’mac (qui conserve donc le taux le plus élevé) et de moins de 2% à Lima-Callao (où cetaux reste par conséquent le plus bas du pays).

Notons de ce point de vue que, comme il apparaît de plus en plus clairement que leschances d’obtenir un emploi (avec tout ce que cela implique pour l’avenir d’un individu) dépen-dent du niveau d’instruction, et que l’instruction (entre autres avantages) ne peut s’acquérirqu’en milieu urbain, on à assisté au cours des dernières décennies à un afflux massif de la popu-lation rurale du Pérou dans les villes :

Année Population Population

rurale % urbaine %

1940 65 35

1985 35 65

1990 30 70

175

Nous l’avons vu, le gouvernement péruvien à de tout temps favorisé les villes au détri-ment des zones rurales. En outre, dans le même temps, le littoral à toujours été privilégié parrapport à la Sierra andine. De ce fait, le plus fort pourcentage de femmes analphabètes corres-pond aux régions andines rurales (Cotabambas, Apur’mac), et le taux d’alphabétisation le plusélevé aux zones côtières urbanisées (Lima).

Accès à l’enseignement primaire et secondaire

Les jeunes Péruviennes sont parvenues à bénéficier de l’égalité d’accès à l’enseignement pri-maire au cours des 160 dernières années comme en témoignent les chiffres globaux ci-après :

Effectifs de l'enseignement primaire

Année Garçons Filles

% %

1830 100 --

1940 60 40

1990 50 ( * ) 50 ( * )

( * ) Estimations

Historiquement parlant, l’intégration massive des filles dans l’enseignement secondaireà débuté avec près d’une génération de décalage :

Effectifs de l'enseignement secondaire

Année Garçons Filles

% %

1830 100 --

1940 64 36

1961 59 41

1972 57 43

1981 54 46

1990 50 ( * ) 50 ( * )

( * ) Estimations

Accès à l’enseignement supérieur et aux universités

Les chiffres ci-après montrent que l’intégration des femmes péruviennes dans l’enseignementsupérieur et universitaire s’est produite une génération après leur intégration dans l’enseigne-ment secondaire :

176

Effectifs de l'enseignement supérieur

Année Hommes Femmes

% %

1940 82 18

1961 65 35

1972 63 37

1981 58 42

Il est hautement significatif que le taux de 40% d’effectifs féminins ait été successive-ment atteint dans le primaire, dans le secondaire et dans l’enseignement supérieur avec chaquefois un décalage d’une génération, comme le montre le tableau récapitulatif ci-après :

Effectifs féminins

Niveau Année Femmes

d'enseignement %

Primaire 1940 40

Secondaire 1961 41

Supérieur 1981 42

Cela prouve, entre autres choses, la valeur considérable que l’éducation avait acquiseaux yeux de celles qui avaient enfin obtenu d’y avoir accès. il est clair que les femmes quiavaient fait des études primaires dans les années 40 furent les premières à inciter leurs filles àpoursuivre les leurs dans le secondaire, et que celles qui avaient fréquenté un établissementsecondaire dans les années 60 encouragèrent leurs filles à acquérir une formation supérieure.Tout cela, nous l’avons vu, à coïncidé avec un exode rural vers les villes.

L’explosion des effectifs dans l’enseignement

On à donc assisté pour de multiples raisons à un accroissement fulgurant du nombre d’inscritsà chacun des niveaux de l’éducation. Les chiffres reproduits ci-après témoignent avec éloquen-ce de ce phénomène. Entre 1940 et 1981, on à enregistré, en pourcentages, les taux de crois-sance suivants :

Population du Pérou 288

Enseignement primaire 418

Enseignement secondiaire 1889

Enseignement supérieur 3174

177

Population globale et nombre d'élève et d'étudiants ( en millier )

Année Population Elèves du Elèves du Etudiants dedu Pérou primaire secondaire supérieur

1940 5,060 1,830 178 311961 10,420 3,685 664 1311972 14,122 5,801 1,674 3361981 17,762 7,654 3,3654 984

Au Pérou comme dans beaucoup d’autres pays, l’immense majorité des élèves et desétudiants sont inscrits dans des établissements publics. En 1991, on relevait les pourcentagessuivants :

Niveau d'enseignement Effectifs de l'enseignement public%

Préprimaire 82Primaire 88Secondaire 86Supérieur ( non universitaire ) 57Universités 66

On est par conséquent fondé à comparer l’évolution des effectifs de l’enseignementpublic et celle des crédits alloués à l’éducation par le gouvernement péruvien .

- Entre 1981 et 1990, les effectifs des écoles et des universités publiques ont augmentéde 46% :

Année Effectifs ( en millier )

1981 4,8141990 6,735

- Or, de source officielle, les dépenses de l’Etat consacrées, per capita, à l’éducation ont,durant cette même période diminué de 31 %. L’unité monétaire utilisée dans le tableau ci-aprèsest le sol péruvien à sa valeur de 1990 :

Année Dépenses de l'Etatconsacrées à l'éducation( sole per capita )

1981 74,81990 51,3

178

Autrement dit, alors même que la demande d’enseignement public de la population péru-

vienne augmentait massivement (objectif tacite de la nation), les autorités du Pérou ont, contre

toute attente, alloué à l’éducation une part sans cesse décroissante de leurs ressources (objec-

tif tacite du gouvernement). Force est donc de dresser un double constat dramatique :

1.- Non seulement les dispositions expresses de la Constitution du Pérou concernant le

caractère obligatoire et gratuit de l’éducation demeurent lettre morte, mais il faudra faire preuve

à l’avenir d’une détermination beaucoup plus grande pour en assurer l’application.

2.- Les objectifs de la société péruvienne ne coïncident pas avec ceux de son gouver-

nement. Les mesures prises par le second n’ont pas tenu compte des intérêts et des aspirations

de la première. Ce ”divorce”, manifeste dans ce domaine comme dans d’autres, à suscité un

profond mécontentement et discrédité sans cesse davantage ceux qui tiennent les rênes du

pouvoir.

Voilà, à n’en pas douter, qui explique en grande partie les terribles conflits qui déchirent

aujourd’hui le pays.

Etant donné que la croissance économique du pays n’a pas progressé au même rythme

que la demande d’éducation et que le gouvernement péruvien n’a pas alloué de crédits suffi-

sants à l’éducation, l’augmentation brutale des effectifs des écoles et des universités s’est tra-

duite par une dégradation croissante de la qualité des services éducatifs offerts à la grande

majorité des élèves et des étudiants.

A présent qu’est atteint l’objectif quantitatif de l’égalité d’accès à l’éducation de toutes les

couches sociales du pays, le nouvel objectif dans ce domaine (objectif encore purement impli-

cite) doit être, à l’évidence, de relever sensiblement le niveau de l’enseignement en termes qua-

litatifs au cours des prochaines décennies. Il faudra à cette fin : améliorer les infrastructures édu-

catives, fournir aux établissements des matériels didactiques plus nombreux et de meilleure

qualité, moderniser les méthodes pédagogiques, améliorer le contenu des cours, adapter les

programmes aux besoins particuliers de chaque région compte tenu de l’extrême diversité géo-

graphique du pays et de l’évolution de son niveau de développement économique, etc.

Enseignement supérieur et universitaire

Jusqu’ici, on ne peut mettre en doute que l’éducation soit devenue depuis cinq décennies l’un

des principaux objectifs de la population féminine du Pérou - sinon le plus important à ses yeux.

Cet objectif suppose que les femmes atteignent dans leurs études des niveaux d’excellence de

plus en plus élevés. On peut donc raisonnablement s’attendre dans les années qui viennent à

un accroissement de la demande d’enseignement universitaire et supérieur en général.

179

L’accroissement des effectifs féminins de l’enseignement primaire, secondaire et supé-rieur donnait, on l’a vu, des raisons de penser que l’on observerait une tendance identique auniveau de l’enseignement universitaire. Or, tel n’a pas été le cas :

Accroissement des effectifs féminins

Femmes faisant des Femmes étudiant à

études avancées l’université

Année milliers % milliers %1972 90 73 33 27 1981 327 79 88 21

Au lieu d’augmenter, comme les données historiques le laissaient augurer, le pourcen-tage de femmes inscrites à l’université à diminué.

Cela s’explique sans doute par la crise profonde que traverse l’économie péruviennedepuis la deuxième moitié des années 1970. En effet, la baisse très nette du produit intérieurbrut (PIB) a empêché les diplômés de l’université d’obtenir des emplois et des niveaux de rému-nération conformes à leur attente et aux efforts qu’ils avaient consentis durant leurs études,cependant que la chute de leurs revenus mettait des milliers de familles dans l’impossibilité depayer les frais des études universitaires de leurs enfants.

Dans de telles conditions, les préjugés ancestraux refont surface : chaque fois qu’unefamille doit, par manque de ressources, décider de n’envoyer qu’une partie de ses enfants àl’école, le choix se porte presque invariablement sur les garçons. Les mêmes critères jouentlorsqu’il s’agit de savoir qui du fils ou de la fille ira à l’université. Dans les circonstances pré-sentes, dispositions et aptitudes n’entrent donc pratiquement pas en ligne de compte, car desmilliers de jeunes femmes doivent renoncer à s’inscrire à l’université.

”Vocations féminines”

On comprend mieux alors l’accroissement démesuré du nombre de femmes s’orientant :

a) vers des carrières courtes (1 à 3 ans)b) vers des métiers ”féminins” (secrétaire, infirmière, enseignante d’école maternelle,

etc.).

C’est ainsi que des centaines de nouveaux centres de formation supérieuresont apparues depuis une dizaine d’années. Vu les maigres ressources que le

180

gouvernement péruvien à consacré ces derniers temps à l’éducation, ces nouveaux centres sontle fruit d’initiatives et d’investissements privés. On voit mal comment il pourrait en être autre-ment. Malheureusement, comme l’Etat n’a guère les moyens d’exercer un contrôle efficace, lamajorité de ces centres de formation supérieure laissent beaucoup à désirer sur le plan de leuréquipement et de leur fonctionnement, comme sur celui du contenu des cours et du niveau deformation professionnelle proposé.

Pour le reste, notons que derrière l’actuelle (mais temporaire) prédominance des ”voca-tions féminines” pour des carrières courtes dont on parle tant, se dissimule le triomphe dumachisme toujours à l’oeuvre dans la société péruvienne.

Le nouveau profil éducatif de la femme péruvienne

Le véritable raz-de-marée qui s’est produit lorsque la population à eu massivement l’accès àl’éducation à radicalement modifié le profil éducatif de la femme péruvienne. Le Pérou qui comp-tait près de 70% de femmes analphabètes dans les années 40 est devenu en l’espace de quatredécennies un pays dont 77% de la population féminine à fait au moins des études primaires.

Profil éducatif de la population féminine (%)

Année Sans Etudes Etudes Etudesinstructuion primaire secondaire supérieur

1940 69,27 28,00 2,52 0,211961 55,78 36,59 6,54 1,091972 38,39 46,66 12,76 2,191981 22,02 51,18 21,10 5,70

Le changement est éloquent. Qui plus est, il nous permet de mieux comprendre certainsdes traits les plus caractéristiques de la société péruvienne contemporaine. Cependant, letableau ci-après nous sera d’un plus grand secours encore pour tirer les leçons de cette situa-tion :

Taux d’accroissement du nombre d’élèves et d’étudiants au Pérou (1940-1981)

Niveau d'enseignement Garçons Filles

Primaire 3,54 5,17

Secondaire 16,09 23,64

Supérieur 23,58 75,15

181

S’il est vrai que les Péruviens ont bénéficié dans leur grande majorité d’une scolarisation

massive durant les cinq dernières décennies, il est tout à fait clair que les femmes en ont profi-

té dans des proportions nettement plus élevées, en particulier dans l’enseignement supérieur

(universités comprises).

Il serait par conséquent erroné de conclure au vu de ces chiffres que l’accès à l’éduca-

tion a été un cadeau spontané de la société péruvienne à la population féminine - cadeau qui

aurait probablement risqué d’être mal compris et mal apprécié, comme l’a sans doute pensé

plus d’un machiste dans les années 30 et 40. Il ne fut rien de tel. L’accroissement brutal de la

demande d’éducation chez les femmes montre clairement que l’accès à l’éducation était, de

toute évidence, l’une des plus chères aspirations des Péruviennes - une aspiration dont, durant

des dizaines et des dizaines d’années, voire des siècle, il n’avait été absurdement tenu aucun

compte. Et cette aspiration, les femmes du Pérou se sont empressées de la réaliser sans perdre

un instant, sans hésiter une seconde, aussitôt que la chance leur en fut offerte.

Aussi l’ascension vertigineuse de ces femmes péruviennes qui accèdent depuis peu aux

plus hauts niveaux de l’éducation expliquent-elles certaines de leurs victoires les plus écla-

tantes :

1) Elles se sont résolument fait une place sur le marché de l’emploi, et ont ainsi large-

ment contribué, avec leurs revenus personnels, à faire vivre leur famille.

2)Leur participation substantielle au budget familial explique qu’au moment où le pays

connaît une grave crise économique, la situation sociale soit moins explosive qu’on aurait pu le

craindre.

3) Très nombreuses sont les femmes, dignes des plus vifs éloges, qui sont devenues

financièrement indépendantes, soit parce que leur mari les avait quittées, soit parce qu’il ne trou-

vait pas de travail, et qui subviennent toutes seules aux besoins de leur famille.

4)Les femmes péruviennes ont joué un rôle moteur incontesté dans des mouvements

tels que les Comedores Populares (soupes populaires de quartier) ou le programme Vaso de

Leche (petit déjeuner servi à l’école) qui atténuent sensiblement l’un des problèmes les plus

pressants en ces temps de crise.

5) Des femmes jouent également un rôle de premier plan dans les grands centres

urbains. Il y à peu, un lâche attentat terroriste à élevé l’une des plus remarquables animatrices

de quartier de Lima, Mar’a Elena Moyano, au rang de martyre issue du peuple et morte pour lui.

6)Pour la première fois dans toute l’histoire du Pérou, trois femmes ont siégé en qualité

de ministre au sein du gouvernement au cours des cinq dernières années : llda Urizar, comme

ministre de la Santé, et Mercedes Cabanillas et Gloria Helfer, comme ministres de l’éducation.

182

7)J’irais même jusqu’à penser que c’est à ces mêmes causes qu’il faut attribuer le suc-cès apparemment inexplicable de l’équipe féminine de volley-ball péruvienne, dont la renomméeà fait le tour du monde. Le volley-ball féminin est en effet depuis une vingtaine d’années le seulsport populaire apprécié des masses péruviennes. Il est donc fort possible que le soudain etvigoureux essor de ce sport féminin, qui est de surcroît un sport d’équipe, s’explique par l’accèsnon moins soudain, vigoureux et collectif des femmes péruviennes à l’éducation.

L’accès à l’administration de l’enseignement supérieur

Il est clair à présent qu’un certain nombre de conditions devront se trouver réunies pour que l’ac-cession des femmes péruviennes à des postes d’administratrices dans l’enseignement supérieurne se limite plus à un cas unique - qui n’en est pas moins méritoire - mais devienne un phéno-mène de société.

L’une d’elles, la première de toutes, s’est déjà réalisée. On l’a vu, les Péruviennes sontd’ores et déjà, dans leur quasi-totalité, intégrées dans le système éducatif .

Mais cela n’a pas suffi. Pour prétendre assumer des fonctions d’administratrices dansl’enseignement supérieur, il est indispensable que les femmes aient fait des études supérieures.Or, cette condition est en passe de se réaliser elle aussi au Pérou, où l’on voit s’affirmer en effetune tendance croissante dans ce sens.

Mais il était également nécessaire que des centaines et des milliers de femmes soientnommées professeur dans des universités ou autres établissements d’enseignement supérieur.C’est à cette seule condition que leur nombre pouvait atteindre un certain seuil critique et consti-tuer un ”vivier” où seraient recrutées les futures administratrices. Voici les chiffres (malheureu-sement approximatifs) concernant les femmes professeurs à l’université au cours des deux der-nières décennies :

Femmes enseignant dans une université

Année Nombres ( en millier ) %

1970 1 14

1979 2 17

1984 3 19

Aussi lents soient-ils (par comparaison avec les chiffres, cités précédemment, des autresniveaux d’enseignement), les progrès sont incontestables.

Il faut toutefois préciser que la nomination de femmes à des postes d’ensei-gnantes dans les universités du Pérou est un phénomène social extrêmement récent.De fait, il ne pouvait se produire qu’à partir du moment où les femmes

183

seraient présentes en grand nombre dans les universités, c’est-à-dire au moins deux généra-

tions après la scolarisation massive des filles dans l’enseignement primaire. Il est donc survenu

en dernier ; en d’autres termes, c’est de tous les acquis celui qui aura demandé le plus de temps.

Du fait de ce caractère récent et tardif, les progrès demeurent lents. Mais il faut s’at-

tendre à des taux d’accroissement élevés, lorsque deux générations au moins se seront succé-

dé. Le processus sera alors entré dans sa phase de maturité et aura acquis le même dynamis-

me que celui qu’on à pu observer précédemment lors de l’intégration des femmes dans l’ensei-

gnement primaire, secondaire et supérieur. Rien ne permet d’en douter.

Ce jour-là, le Pérou comptera un nombre considérable et sans cesse croissant de

femmes capables de prendre part à l’administration de l’enseignement supérieur.

Tout ce que l’on peut dire pour l’heure, c’est que sur les 700 personnes environ qui ont

occupé le poste de recteur dans une université mixte (ouverte aux étudiants des deux sexes) du

pays, une seule femme à jusqu’ici accédé à ces hautes fonctions : Mme llse Wisowsky, nom-

mée Recteur de l’Université de Lima dans les années 80.

Il convient toutefois de noter que cette première et louable ”conquête” à eu pour cadre

un établissement relativement récent : la première université privée fondée au Pérou par des

universitaires également connus et respectés pour leurs activités dans le monde des affaires.

Elle était éminemment prévisible dans un établissement qui, dès le premier jour de son existen-

ce, à cultivé l’enthousiasme, le modernisme et le libéralisme le plus éclairé.

Le règlement de l’UNIFE - Universidad femenina del Sagrado Coraz—n (”Université

féminine du Sacré Coeur”) - première université du Pérou pour jeunes filles fondée le 24

décembre 1962 par la Congrégation du Sacré-Coeur, stipule que le poste de Recteur échoit obli-

gatoirement à une soeur de la Congrégation titulaire d’un doctorat en éducation. Quatre reli-

gieuses ont jusqu’ici assumé ces fonctions.

Les universités historiques et traditionnelles qui datent de plusieurs siècles, comme l’uni-

versité San Marcos de Lima ou les universités de Cuzco, Trujillo ou Arequipa, n’ont jamais été

dirigées par une femme. Il en est de même de la presque centenaire Université catholique de

Lima, ou de celles qui ont été créées au début du siècle pour former des ingénieurs du génie

civil et des agronomes, ou encore de la trentaine d’universités, publiques ou privées, qui ont

ouvert leurs portes au Pérou durant les trois dernières décennies.

On peut cependant prévoir qu’un nombre croissant de femmes seront nommées à un

poste de recteur au cours des dix années à venir ; et cette tendance devrait s’accentuer au cours

des premières décennies du XXle siècle.

184

Les obstacles à surmonter

Toutefois, loin d’attendre passivement que cela se produise, nous devons nous attaquer à tousles obstacles qui risquent de freiner cette évolution ou d’en retarder la confirmation.

Les actions que l’on peut entreprendre à cet égard ne manquent pas. Nous en mentionneronsdeux :

1)Il faut éliminer le machisme implicite des textes de loi relatifs aux universités. Ainsi lors-qu’il est fait allusion dans l’actuelle Loi du Pérou sur les universités (loi 23733 de décembre1983) aux membres du corps enseignant, les titres mentionnés sont tous au masculin : ”recteur,”vice-recteurs”, ”doyens”, ”directeurs”, ”professeurs”, ”professeurs ordinaires”, (”principaux”,”associés” ou ”auxiliaires”), ”professeurs extraordinaires” (”émérites”, ”honoraires”, ”chargés derecherche” ou ”invités”), ”professeurs sous contrat”, ”répétiteurs”, etc. L’absence totale desformes féminines de ces mots est une manifestation insidieuse du machisme que l’on à corrigéedans la législation de nombreux pays. Il faut également le faire au Pérou, non pas tant pour desraisons de forme que pour les conséquences et l’impact considérables qu’aurait un tel change-ment.

Il conviendrait en outre que la loi précise sans équivoque que femmes et hommes peu-vent également prétendre accéder à tous les échelons de la hiérarchie universitaire dès lorsqu’elles ou ils réunissent les conditions requises sur le plan juridique et sur le plan des titres uni-versitaires.

De plus, aussi ironique et paradoxal que cela puisse paraître, il nous faudra exiger quele bureau officiel de statistiques révise ses tableaux relatifs au secteur de l’éducation, en décom-posant en rubriques distinctes - femmes et hommes, zones urbaines et zones rurales - les don-nées concernant élèves et enseignants. L’Annuaire de statistiques sociales pour 1 991 ” publiépar l’Institut de statistique et de traitement des données du Pérou ne le fait pas.

Quand on sait que l’accès des femmes à l’éducation est un phénomène récent, on sedoit d’en connaître et surveiller l’évolution, mais cela n’est possible que si l’on dispose des don-nées pertinentes.

2)Il est une autre tâche qui, bien que nécessairement de beaucoup plus longue haleine,est étroitement liée à la première et doit être menée de front.

En effet, au Pérou comme dans d’autres pays, le machisme qui prévaut dans la sociétéa, par le jeu de diverses connotations idéologiques, fermement ancré dans les esprits l’idée quedes traits de caractère (perçus comme positifs) tels que l’indépendance”, l’agressivité”, l’autori-té”, la ”force”, le ”courage”, etc., étaient autant d’attributs intrinsèques et exclusifs de la gentmasculine. Etant donné qu’il est par ailleurs tacitement convenu que pour être à la tête d’uneinstitution, il faut posséder précisément ces attributs, l’idée fausse selon laquelle la direction des

185

institutions doit demeurer une prérogative masculine apparaît à beaucoup comme une vérité

première.

C’est là, sans aucun doute, l’une des barrières idéologiques qu’on ne parviendra à lever

qu’au prix d’efforts acharnés et d’un travail long et difficile.

Quelques stratégies possibles

Au vu de l’analyse qui précède, et en sus des domaines d’action déjà mentionnés, nous vou-

drions évoquer à grands traits un petit nombre de stratégies susceptibles d’être utilisées au

Pérou, et peut-être aussi, dans certaines circonstances, ailleurs.

Actions de portée générale

1)Lancer et propager dans toutes les couches de la société et auprès de tous les services gou-

vernementaux l’idée que les ressources investies dans l’éducation par la société et par l’Etat

constituent une base solide pour construire l’avenir du pays et une indispensable garantie du

progrès et de développement.

A cet égard, il convient de presser l’Etat et les autorités régionales et locales d’accorder,

à tous les niveaux, la priorité à l’éducation dans leurs budgets (en affectant effectivement à ce

secteur les pourcentages les plus élevés). Toutefois, pour des raisons de cohérence et d’effica-

cité, il faudra privilégier l’enseignement préprimaire et primaire durant au moins les deux pro-

chaines décennies. Une fois que les écoles primaires seront correctement équipées (eu égard

aux impératifs du XXle siècle), les efforts devront se reporter sur l’enseignement secondaire, et

ainsi de suite. Ce sera, assurément, un processus long et coûteux. Mais n’oublions pas qu’il

s’agit de tenter de remédier en l’espace de quelques décennies à peine à des siècles de négli-

gence et de discrimination.

2)Réclamer avec force que les programmes de tous les niveaux et de toutes les formes

d’éducation soient adaptés à la situation concrète du pays, aux particularités de ses différentes

régions naturelles et à ses besoins spécifiques en matière de développement.

3)Encourager énergiquement la mise en place d’un système dans lequel les collectivités

locales (les municipalités) exerceraient un contrôle effectif sur les écoles relevant de leur com-

pétence, et d’abord sur les écoles maternelles et primaires, en laissant au Ministère de l’éduca-

tion la responsabilité d’édicter les règles générales et de répartir les crédits de l’Etat. En se

démocratisant ces dernières décennies, en dépit de la crise générale, les collectivités locales

ont apporté la preuve indubitable qu’il était possible d’utiliser de façon plus rationnelle et plus

logique les maigres ressources dont dispose chaque district. Nous sommes en droit d’attendre

que, fortes de l’expérience accumulée et mues par un attachement croissant à cette cause capi-

tale, elles s’acquittent de même de leur importante mission dans le domaine de l’éducation.

186

4)Afin de saper les fondements même du machisme absurde et dépassé qui sévit enco-re au Pérou, il importe en outre de promouvoir vigoureusement la mixité dans l’enseignementpublic et privé.

5)Il conviendrait de créer, à l’intention des enseignants des deux sexes, des centres, desprogrammes et/ou des séminaires de formation préparant spécifiquement à D’administration etla gestion de l’éducation” (dans l’enseignement préprimaire, primaire, secondaire, supérieur etuniversitaire).

6)Les lois qui régissent aujourd’hui le fonctionnement des universités péruviennes stipu-lent que les postes de responsabilité les plus élevés ne peuvent être occupés que par des ensei-gnants parvenus aux plus hauts échelons de leur profession. Le règlement interne de certainesuniversités, telle l’UNIFE, limite de surcroît l’accès à ces postes aux seuls membres d’une insti-tution donnée.

De telles limitations devraient être l’objet d’une analyse rigoureuse et approfondie. Ilserait bon d’étudier la possibilité de confier la fonction suprême au sein de la hiérarchie univer-sitaire (rectorat, présidence ou autre) à une personne organiquement étrangère à l’institution ouà l’université, mais qui aurait néanmoins avec elle des affinités très étroites et réelles sur le planspirituel, et dont la nomination pourrait être source d’innombrables et précieux enrichissements.On pourrait alors réserver le poste de vice-recteur, ou son équivalent, à un membre de la hié-rarchie de cette université ou institution.

Il faut bien voir que, même si ces actions de portée générale ne visent pas directementà améliorer la situation des femmes, en étant bénéfiques à la société tout entière, elles servirontdu même coup cet objectif.

Actions spécifiques

1) Mettre en relief et faire connaître, en particulier auprès du public féminin, et plus précisémentencore auprès des enseignantes des universités et d’autres établissements d’enseignementsupérieur, des exemples de femmes ayant démocratiquement accédé au poste de recteur ou dedirectrice de telles institutions. Ces exemples doivent servir de modèle, de stimulant, et susciterune saine émulation parmi toutes les enseignantes et toutes les étudiantes attirées par l’ensei-gnement. On contribuerait ainsi à accroître le volume et la qualité du vivier d’enseignantescapables d’assumer les fonctions de directrice ou d’administratrice dans l’enseignement supé-rieur.

2)Renforcer les liens de collégialité et de solidarité entre femmes occupant différentespositions au sein de la direction ou de l’administration des établissements d’enseignement supé-rieur ou des universités. Ce serait pour elles toutes un moyen d’enrichir leurs connaissances etleur expérience grâce à un échange permanent et systématique d’idées. Différents mécanismes(associations, séminaires, conférences) devront être expressément mis en place en vue de faci-liter un tel échange.

187

3)Encourager clairement et explicitement les enseignants à améliorer leurs qualifications

professionnelles dans les domaines de l’administration et de la gestion, au sein de leur propre

établissement ou dans un autre établissement spécialisé dans l’enseignement de ces disci-

plines.

4)Organiser des séminaires visant à inciter les enseignantes du primaire et du secon-

daire à améliorer leurs compétences dans les domaines susmentionnés.

5)Encourager les services de relations publiques des établissements d’enseignement

supérieur et des universités à recruter, par le biais de séminaires ou de conférences, toutes les

femmes qui, à quelque titre, jouent un rôle de premier plan au sein de la communauté.

Quelques réflexions pour conclure

Nous l’avons montré dans les pages qui précèdent, les femmes péruviennes poursuivent réso-

lument et inébranlablement leur conquête d’un avenir qui soit meilleur et plus prometteur pour

elles-mêmes, pour leur famille et pour leur pays. Dans bien des cas, elles le font sans doute sans

même y penser et même si cela n’est pas indispensable, il serait certainement préférable qu’un

nombre aussi grand que possible d’entre elles prennent conscience de cette précieuse mission

et de la formidable responsabilité qu’elle représente.

Depuis des siècles, quoique limitées à la sphère domestique, les femmes du Pérou

jouent leur rôle de femmes et de mères avec dignité et dévouement ; demain, dans un avenir

tout proche, elles se montreront capables d’apporter à la société une contribution insoupçonnée

et inestimable sous l’impulsion d’un processus auquel elles ont elles-mêmes insufflé un dyna-

misme extraordinaire. Rien ni personne ne les arrêtera. Loin de constituer une menace, cet élan

est une formidable promesse d’enrichissement, pour elles comme pour leur pays.

La société péruvienne doit mobiliser toutes ses forces pour accompagner les femmes

sur le nouveau chemin qu’elles se sont tracé dans la vie : un chemin placé sous le signe du

dévouement, de l’érudition et de l’audace. Le voeux de l’Université féminine du Sacré-Coeur est

de former des femmes qui puissent jouer un rôle de ”phare”, de ”moteur”.

Nous voulons des femmes qui aspirent à être épanouies, plus accomplies, affirmées,

des femmes qui entendent assigner à leur existence un but essentiel et une direction claire, et

réaliser pleinement leur féminité.

De telles femmes aideront mieux encore le Pérou à résoudre ses problèmes politiques,

culturels, sociaux et économiques.

188

UNIVERSITE DU PACIFIQUE SUD

LES FEMMES ET LA GESTION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

DANS LE PACIFIQUE SUD : LE CAS DE L’UNIVERSITE DU PACIFIQUE SUD

Konai H. Thaman & Sarojini Pillay

Introduction

L’Université du Pacifique-Sud (The University of the South Pacifie - USP) a été fondée par une

charte en 1968 pour satisfaire les besoins d’enseignement supérieur de onze des petits Etats

insulaires de la région : les îles Cook, Fidji, Kiribati, Nauru, Niue, les îles Salomon, les Samoa

occidentales, Tokelau, Tonga, Tuvalu et Vanuatu. En 1991, la République des îles Marshall rejoi-

gnait l’USP, devenant ainsi son douzième Etat membre. La région que couvre l’USP est donc

formée d’Etats insulaires appartenant aux trois principales zones culturelles des îles du

Pacifique, à savoir la Mélanésie, la Micronésie et la Polynésie. Dès à présent, nous tenons a

signaler que nous sommes conscientes, alors que nous allons parler des femmes par rapport à

leur rôle dans le gestion de cette université, de l’existence de certains facteurs qui rendent le

sujet plus complexe, comme les questions raciales et ethniques. Dans cette partie du monde,

celles-ci occupent une place prépondérante. Le problème de l’égalité entre les sexes est consi-

déré habituellement comme quelque chose n’intéressant qu’une poignée de féministes et d’uni-

versitaires, ce qui n’est guère surprenant dans des sociétés en général patriarcales.

La situation actuelle

Aujourd’hui, les femmes sont incontestablement sous-représentées dans les postes clés de haut

niveau de l’USP. Quand l’université commença à fonctionner, il n’y avait que quelques femmes

parmi le personnel : toutes occupaient des postes d’enseignement, aucune un poste adminis-

tratif. Cependant, en 1981, on comptait un nombre plus élevé de femmes dans des emplois non

académiques. Sur un total de 258 postes académiques ou de rang comparable, 40 étaient occu-

pés par des femmes. Dix ans plus tard, il y avait 79 femmes sur un total de 295 personnes. La

majorité de ces femmes toutefois avait un rang de chargé de cours (Lecturer) ou comparable.

Actuellement, au sein du corps enseignant, le poste le plus élevé occupé par une femme est

celui de maître de conférences (Reader). il n’y a pas de femmes professeurs.

Il est intéressant de noter que même si les chiffres indiquent une légère aug-

mentation du nombre des femmes dans des postes académiques et de rang compa-

rable, très peu de femmes occupent des postes clés de haut niveau. Par

189

exemple, il n’y à pas une seule femme parmi les chefs de faculté ou les directeurs d’institut (iln’y a eu qu’une seule femme directeur d’institut dans l’histoire de l’université), et en dehors dudépartement d’économie ménagère, aucune femme n’a été chef de département. Les femmesréussissent mieux dans les services d’enseignement parauniversitaire et à la bibliothèque :actuellement le chef de l’enseignement parauniversitaire et trois directeurs de centre sont desfemmes ; la bibliothèque est dirigée par une femme, qui s’est entourée de cadres supérieurspour la plupart de sexe féminin. Les femmes managers ne sont peut-être pas seulement desmodèles à émuler ; elles ont aussi une attitude plus positive quant à l’emploi de femmes dansleur section.

En termes de gestion universitaire, la situation à l’USP peut apparaître favorable com-parée à d’autres universités d’Australasie, puisque le greffier (Registrar) et le pro-vice-chance-lier, chargé des questions de personnel, sont des femmes (et les auteurs de cet article). Cettesituation est toutefois susceptible de changer à la fin de l’année, quand le pro-vice-chancelieraura achevé son mandat. Les seuls autres postes de haut niveau actuellement occupés par desfemmes sont ceux de directeur des services d’enseignement parauniversitaire, de bibliothécai-re et de chef des laboratoires.

En dépit du fait que deux très hauts postes de cette université soient occupés par desfemmes, nous estimons que les femmes sont encore extrêmement sous-représentées dans desdomaines clés du processus de décision, comme par exemple au sénat et au conseil de l’uni-versité. Le conseil, l’organe de direction de l’établissement, à plus de 40 membres, dont deuxseulement sont des femmes ; et il n’y à jamais eu plus d’une ou deux femmes au cours d’un desmandats du conseil. Il en va de même au sénat, le groupe le plus important en matière de déci-sions académiques, où les femmes sont réellement sous-représentées.

Les facteurs qui contribuent éventuellement à cette situation

On peut dire que la situation existant à l’USP est due à une combinaison de facteurs, parmi les-quels : l’absence, dans la région, d’un vivier suffisamment important de femmes ayant les qua-lifications appropriées ; les attitudes de la société envers les femmes et ce qu’elles sont suppo-sées faire ; l’attitude des femmes vis-à-vis d’elles-mêmes et de leur rôle en tant que gestion-naires ; le manque de directives claires pour concevoir des politiques et des stratégies visant àpréparer et assurer la participation des femmes dans la gestion de l’université.

L’accès à l’éducation formelle

La situation actuelle en matière d’accès des fil les et des femmes à l’éducation for-melle est variée et diffère selon les pays. Bien que les législations nationales rendentl’école obligatoire pour les garçons comme pour les filles, ces dernières sont, dans lapratique, encore sous-représentées notamment dans les pays mélanésiens et parti-culièrement dans l’enseignement secondaire. En Polynésie, les filles

190

sont bien représentées dans le cycle secondaire et, dans certains pays comme le Tonga, elles

ont de meilleurs résultats que les garçons aux examens de fin d’études secondaires. Cependant,

elles sont trois fois moins nombreuses à l’université. C’est pourquoi on peut dire qu’il existe tou-

jours, dans le Pacifique Sud, une disparité entre filles et garçons en ce qui concerne les possi-

bilités d’accès à l’enseignement supérieur. La sous-représentation des femmes parmi le per-

sonnel enseignant de l’USP provient donc largement du fait qu’il y à une quarantaine d’années

encore, on n’encourageait pas les filles à poursuivre leurs études au-delà du cycle secondaire .

Les raisons pour lesquelles on accordait la préférence aux garçons pour l’enseignement

postscolaire sont bien connues. Les garçons allaient avoir une famille à leur charge, alors que

les filles, qui finiraient par être épouse et mère, n’avaient pas besoin d’étudier très longtemps.

Elles ne représentaient pas un bon investissement en termes d’enseignement supérieur, car

plus tard elles se marieraient et quitteraient leur emploi (pour élever leurs enfants). De plus, on

considérait souvent, surtout parmi les hommes, que des filles trop instruites risquaient de ne pas

devenir de bonnes femmes d’intérieur, dans le sens où elles pourraient avoir une vision négati-

ve des travaux domestiques et auraient plus tendance à désobéir à leur mari, créant ainsi des

foyers ”instables”.

Heureusement, ce point de vue n’était pas partagé par tout le monde. Certaines familles,

qui n’avaient pas de garçons ou dont les filles étaient les aînées des enfants, encourageaient

celles-ci à étudier et leur donnaient la possibilité de poursuivre leurs études secondaires aussi

longtemps qu’elles le pouvaient, et même d’entrer à l’université. L’opinion générale était que, de

cette façon, les filles seraient en mesure de trouver du travail, d’aider leurs parents sur le plan

financier et de contribuer à l’éducation de leurs frères et soeurs cadets. Nous savons de par

notre propre expérience que de tels cas ont existé.

Outre les attitudes de la société et des parents vis-à-vis de l’éducation scolaire des filles

dans les années 1950 et 1960, les filières ouvertes aux filles ne les motivaient guère à choisir

d’autres métiers que ceux, traditionnels, d’enseignante et d’infirmière. Les écoles exclusivement

féminines, bien que proposant des matières scientifiques et commerciales, continuaient à privi-

légier les domaines de connaissances et de compétences préparant les filles à leur rôle futur

d’épouse et de mère, ou de secrétaire d’un chef de sexe masculin. En fait, il y eut très peu

d’écoles secondaires mixtes dans notre région avant 1970. Dans celles qui existaient, la diffé-

renciation du programme scolaire était manifeste. Si elles avaient le choix, les filles optaient

presque toujours pour les lettres et les arts ménagers, si ces derniers étaient enseignés, et les

garçons pour les sciences, le commerce et la technologie .

Jusque dans les années 1980, dans de nombreux établissements d’enseigne-

ment secondaire de la région, les mathématiques et les matières connexes, comme

les sciences physiques et la comptabilité, étaient considérées par beaucoup comme

des sujets masculins et n’étaient enseignées qu’aux garçons, parce que jugées trop

d i fficiles pour les fil les, ou de peu de valeur pour elles. On estimait souvent que la

191

chimie était dangereuse pour les filles et, si elles voulaient vraiment étudier une matière scienti-

fique, on les poussait à choisir la biologie. C’est principalement en raison de ces préjugés que

la réussite des filles dans les disciplines scientifiques et mathématiques était limitée. Et ceci

explique pour une large part leur absence de l’enseignement scientifique universitaire.

Aujourd’hui, les matières scientifiques sont ouvertes aux filles comme aux garçons, mais le

nombre de filles s’inscrivant dans ces domaines au niveau universitaire est encore faible. Cela

signifie que les femmes resteront à la traîne dans des professions exigeant des connaissances

scientifiques, telles la médecine, à moins que des efforts concertés ne soient menés pour encou-

rager les filles à choisir au niveau scolaire des matières non traditionnelles .

En termes de participation féminine à l’enseignement supérieur, il y à donc sous-repré-

sentation. Avant que cette université régionale ne fût fondée en 1968, il fallait se rendre

outre-mer, principalement en Nouvelle-Zélande et en Australie, pour suivre des études supé-

rieures. De nombreux parents n’avaient pas les moyens d’engager de tels frais et c’est pourquoi

les bourses d’Etat devinrent le véhicule principal de la poursuite des études des garçons et des

filles. Comme nous l’avons déjà dit, les garçons étaient favorisés. Ainsi, à Tonga, au début des

années 1960, les garçons qui avaient réussi le Tonga Higher Leaving Certificate (quatrième

année ou classe X) bénéficiaient de bourses pour étudier la médecine à l’Ecole de médecine

centrale des îles Fidji. En revanche, les filles, qui avait réussi le School Certificate néo-zélandais

(niveau cinquième année), étaient envoyées à l’Ecole normale d’Ardmore en Nouvelle-Zélande.

Ce n’est qu’en 1969 qu’une fille de Tonga reçut une bourse de médecine - peut-être parce qu’el-

le était ”Dux of Tonga High School” (la meilleure élève de toutes les écoles secondaires de

Tonga) et qu’il était difficile, de ce fait, de l’oublier ! Une telle situation pouvait exister alors que,

dès 1875, la Constitution du Tonga avait rendu l’instruction primaire gratuite et obligatoire pour

les garçons et pour les filles.

Nombre de parents n’étaient pas partisans de l’idée d’envoyer leurs filles outre-mer, crai-

gnant pour leur sécurité et leur réputation. C’est pourquoi la création de l’USP, du moins pour

les parents fidjiens, ouvrit la possibilité pour certaines filles d’accéder plus facilement à l’ensei-

gnement supérieur. Les statistiques montrent cependant que les femmes ont toujours été

sous-représentées à I ‘ USP . En 1980, 36% seulement des étudiants à plein temps de l’univer-

sité étaient des femmes. Qui plus est, sur les 200 étudiants préparant un diplôme,45 seulement

étaient de sexe féminin, dont 30 se destinant à l’enseignement secondaire. Dix ans plus tard, en

1990, on constatait peu de changements. La proportion totale d’étudiantes avait augmenté de

2% et atteignait donc 38%. Mais le taux de femmes préparant un diplôme n’avait pas bougé.

Les résultats obtenus par les étudiantes de l’USP sont intéressants. Ainsi, en

1980, un tiers environ des diplômés était-il féminin. Quelques femmes ont été parti-

culièrement distinguées : vingt d’entre elles ont reçu des médailles d’or au cours des

dix dernières années et, en 1986, les trois médailles d’or furent décernées à des

femmes. il s’avère donc que, lorsqu’on leur en donne la possibilité, les

192

femmes réussissent aussi bien sinon mieux que les hommes dans l’enseignement supérieur.

L’attitude des femmes envers elles-mêmes

L’une des raisons de la représentation insuffisante des femmes dans des postes de haut niveau

à l’université est peut-être leur propre attitude. C’est particulièrement le cas pour le personnel

régional - les citoyennes des Etats insulaires du Pacifique-, ainsi que pour quelques collabora-

trices expatriées. Nombre de ces femmes tendent à minimiser leurs propres connaissances et

capacités, car attirer l’attention sur ses réussites antérieures est souvent considéré comme de

la vantardise et est donc socialement inacceptable. Ceci peut signifier que de nombreuses

femmes qualifiées pour postuler à l’USP ne le font pas. De même, parmi celles qui y travaillent

déjà, très peu demandent une promotion et/ou présentent leur candidature à un poste adminis-

tratif de haut niveau. Il semble donc que la voie la plus commune de promotion pour ces femmes

soit celle de la nomination, décidée par leurs chefs de département ou de section respectifs.

Les attitudes des autres

Les attitudes conscientes ou inconscientes des collègues masculins contribuent peut-être aussi

à la sous-représentation féminine dans les postes de management de haut niveau. Nous avons

par nous-mêmes constaté que certains collègues masculins tendent à traiter leurs homologues

féminines avec condescendance lorsqu’il s’agit de problèmes liés au travail, à l’éducation conti-

nue et à la formation. Souvent, l’idée d’avoir une femme dans un comité ne repose pas tant sur

la conviction qu’elle est la personne la plus compétente pour ce travail que sur la nécessité de

favoriser la participation féminine. Une collègue, qui avait fait une demande de bourse à l’USP,

s’était entendu dire par son chef de section qu’elle n’avait pas besoin d’un doctorat de 3e cycle

pour effectuer son travail de façon satisfaisante. Un tel raisonnement aurait été inacceptable

pour un homme.

Le manque de stratégies de formation

Enfin, si peu de femmes occupent des postes de management à l’université, c’est qu’il n’existe

aucune politique visant spécifiquement à préparer les femmes à assumer de telles tâches. La

charte de l’université exclut toute forme de discrimination en raison du sexe, de l’appartenance

ethnique et de la religion, l’hypothèse étant que tous les individus sont traités sur un pied d’éga-

lité et que toute personne, entrant au service de l’université, à les mêmes chances que les autres

pour y faire carrière. Ce qui n’est, bien sûr, pas le cas dans la pratique. Le fait déjà qu’il y ait trois

fois moins d’étudiantes que d’étudiants préparant un diplôme de premier cycle signifie que moins

de femmes postuleront des emplois exigeant un niveau d’études postscolaire. Une fois qu’elles

seront recrutées, d’autres facteurs pourraient militer contre leur avancement.

193

Les femmes gestionnaires : quelques remarques personnelles

Avant de présenter quelques suggestions liées à notre situation particulière à l’USP, nous aime-

rions faire partager nos propres expériences dans l’espoir que ces informations puissent servir

à formuler des stratégies visant à promouvoir et améliorer la situation des femmes dans la ges-

tion des institutions de l’enseignement supérieur.

Nous avons constaté qu’il n’existe pas à l’USP de barrières formelles empêchant d’in-

clure les femmes et de leur donner des responsabilités dans des domaines variés au sein de

l’université, y compris dans le processus général de décision. Cependant, si des barrières exis-

tent, c’est surtout dans l’esprit de quelques hommes, et de quelques femmes aussi. il semble

qu’il y ait chez eux une certaine répugnance à accepter une femme dans des fonctions d’auto-

rité. Nous avons ainsi observé quelques cas, où des collègues masculins de rang supérieur

exerçaient une supervision et un contrôle excessifs sur des femmes occupant des postes de

cadre moyen.

A plusieurs reprises, nous avons vu des cadres moyens femmes accepter certaines

tâches, afin de prouver qu’elles étaient aptes à les remplir de manière satisfaisante. Cette ten-

dance à toujours vouloir prouver de quoi nous sommes capables s’explique peut-être par le fait

que nous sentons que de nombreux universitaires de haut niveau ne considèrent pas encore les

femmes comme des candidates sérieuses pour occuper certaines fonctions, particulièrement

des postes universitaires de rang supérieur. Nous avons en privé recueilli quelques témoignages

de soutien sur la nécessité d’avoir des gestionnaires et des chefs de département de sexe fémi-

nin. Mais nous savons bien que très peu de personnes sont disposées à exprimer ceci publi-

quement. Par exemple, dans un ou deux cas, lorsque des femmes se sont trouvées en tête de

la liste des candidats sélectionnés pour un poste universitaire, des commentaires tels que :

”nous avons déjà trop de femmes dans cette section”, ont été faits. Nous n’avons jamais enten-

du quiconque se plaindre de la prédominance masculine dans un département ou une section.

Nos rapports avec nos supérieurs ont été parfois difficiles, surtout s’il s’agissait

d’hommes âgés. Dans la plupart de nos sociétés, l’âge et l’ancienneté doivent être respectés et,

dans certains cas, lorsque nous avons perçu un certain degré de désaccord, nous avons eu ten-

dance à nous conformer aux demandes de nos supérieurs, en raison de leur âge. D’une maniè-

re générale, il est peut-être plus facile à un homme de défier l’autorité.

Nous estimons que nous avons une raison légitime de nous trouver là où nous sommes

maintenant et ne ressentons pas le besoin de chercher à être reconnues et à nous affirmer dans

notre contribution respective à l’administration universitaire... bien que parfois nous rencontrions

des collègues, qui ne peuvent s’empêcher de nous féliciter pour une tâche bien menée, comme

s’ils ne s’attendaient pas tout à fait à ce que nous réussissions ou que nous fassions aussi bien

qu’eux.

194

En général, nous n’avons pas eu de difficultés dans nos relations avec nos supérieurs,

nos collègues ou nos subordonnés. Cependant, il n’a pas toujours été facile d’exercer notre

autorité sur certains collègues masculins et féminins, pour lesquels un non ne semble pas être

une réponse. Dans un ou deux cas, des aînés (en âge et en rang universitaire) ont tenté de nous

persuader de changer d’avis, présumant bien sûr que nous avions été mal conseillées. La plu-

part du temps, nous avons pu régler les problèmes de manière amicale, bien que nous estimions

que nos collègues, surtout de sexe masculin, n’auraient pas jugé correct de mettre en doute nos

décisions si nous étions des hommes.

Nous pensons que la ”culture” de la gestion universitaire est formée de la culture collec-

tive des personnes occupant des postes de gestionnaires au sein de l’université. C’est pourquoi

les attitudes à l’égard des femmes se lançant dans la gestion seront celles des gestionnaires de

rang supérieur, dont la plupart sont des hommes. Bien entendu, ces attitudes sont influencées

par les structures sociales et les cultures d’où viennent ces personnes. Nous connaissons par-

faitement la nature de ces attitudes et, pour leur faire face, nous avons conçu nos propres stra-

tégies, appropriées à la situation, en particulier des stratégies non menaçantes. Par exemple,

dans nos rapports avec des insulaires du Pacifique, notamment avec des hommes âgés, l’ap-

proche agressive ou conflictuelle est exclue, car elle mènerait certainement à l’échec. Nous

sommes conscientes de la nécessité d’être sensibles aux attitudes et sentiments des autres,

tout comme nous attendons des autres qu’ils soient sensibles aux nôtres. L’expérience nous à

montré que les stratégies, qui ne sont pas menaçantes, semblent mieux réussir dans un milieu

caractérisé par une multiplicité des cultures et des origines sociales.

Quelques suggestions

Nous estimons que les filles doivent être, aux niveaux secondaire et universitaire, plus énergi-

quement orientées vers des disciplines non traditionnelles, telles que les sciences, la comptabi-

lité, l’économie et la gestion. Des progrès ont déjà été faits dans ce domaine dans quelques éta-

blissements, notamment dans les îles Fidji et Tonga. Mais nous savons que beaucoup de pro-

fesseurs continuent à traiter garçons et filles de façon différente en matière d’orientation profes-

sionnelle, du fait de leur propre éducation et de leurs tendances culturelles. Très peu de

recherches ont été menées sur ce sujet, bien que les quelques filles dont nous savons qu’elles

réussissent bien en sciences à l’université ont été soutenues plus par leur famille que par leur

milieu scolaire. Ces familles ont peut-être été mieux informées que d’autres et c’est pourquoi il

y à sans doute nécessité d’une plus grande instruction publique des parents, afin qu’ils soutien-

nent plus fortement l’éducation de leurs filles.

En termes de perfectionnement du personnel, l’USP à déjà un très important programme de

formation, destiné à faire progresser le personnel régional en l’aidant à améliorer ses connaissances

et compétences. Ceci s’effectue principalement par l’octroi de bourses postuniversitaires. L’ u n i v e r s i t é

apporte son soutien au personnel (régional et expatrié) pour qu’il entreprenne des études à temps

partiel au sein de l’université ou dans d’autres institutions postscolaires de la région. Au cours des

195

dix dernières années, une quinzaine de femmes ont été envoyées à l’étranger pour se perfec-tionner. Parmi les tentatives plus récentes pour motiver les enseignantes universitaires à pour-suivre des études outre-mer, on peut citer l’attribution d’allocations pour les enfants. Celasignifiait que les femmes membres du personnel, qui désiraient faire une demande de boursepour des cours de perfectionnement à l’étranger, savaient que si elles l’obtenaient, ellesauraient la possibilité d’amener leur famille avec elles. De plus, le Staff DevelopmentCommittee, qui accorde les bourses pour l’outre-mer, à eu conscience de la nécessité d’oeu-vrer pour l’équilibre entre les sexes au moment de l’attribution des bourses. Ainsi, en 1991,trois des sept bénéficiaires d’un congé de formation étaient des femmes ; en 1992, trois dessix personnes agréées pour suivre une formation en 1993, étaient des femmes.

Conseiller le personnel est une autre stratégie possible. il est important que les jeunesfemmes parmi le personnel universitaire et administratif soient encouragées par leurs chefs dedépartement et leurs supérieurs à faire tout leur possible pour améliorer leur statut universitai-re, en faisant plus de recherche, en participant à des conférences et, de façon générale, par lareconnaissance de leur contribution spécifique à leur section. Pour ce dernier domaine, nousn’avons pas à l’esprit ces travaux dont sont toujours chargées les femmes et qui, à nos yeux entout cas, semblent nécessiter des compétences éducatives et sociales, telles que les entretiensd’orientation ou le club universitaire. Nombre de tâches ingrates sont assignées au personnelféminin simplement parce que le sentiment général dans un département ou une section est queles femmes sont les meilleures pour s’occuper des problèmes des étudiants ou fournir la nour-riture pour une soirée.

Nous pensons qu’hormis une poignée de femmes très assurées, expatriées pour la plu-part, la majorité de nos collègues féminines doivent être encouragées à accepter des postes àresponsabilités, auxquels, bien que compétentes, elles ne se présenteront pas spontanément,à moins qu’on les y engage. Nous suggérons que les décideurs des institutions aient l’obligationde prendre des mesures pour soutenir les gestionnaires féminines et assurer leur avancement.Par ce biais, on pourrait contribuer à surmonter la situation fréquente où des femmes ne sontpas nommées à un poste ou n’ont pas d’avancement du fait principalement d’une perceptionnégative de leur sexe.

Des ateliers et des séminaires de gestion pour les femmes représentent uneautre possibilité. Dans certains pays, cette méthode a été relativement populairepour préparer les femmes à occuper des postes de gestion et de direction, et nousen avons nous-mêmes bénéficié à une ou deux reprises, grâce à des bourses étran-gères en général. Ainsi avons-nous toutes deux participé à un atelier ou séminairevisant spécifiquement à l ’amélioration des compétences en matière de gestion del’enseignement supérieur. L’une des fonctions les plus importantes de telles ren-contres est liée à la diffusion des informations que l’on estime utiles aux partici-pantes dans les domaines de leur choix. Une autre fonction se rapporte à l’établis-sement de réseaux destinés à renforcer la capacité des administratrices à jouer leurrôle dans leurs postes respectifs. Ce sont là des mécanismes utiles pour amélioreret accroître les connaissances et compétences relatives à la gestion, et

196

bien d’autres sont nécessaires. Cependant, comme nous l’avons constaté, de nombreuses

femmes quittent souvent ces ateliers avec l’idée que pour participer à la gestion ou occuper un

poste de direction, elles doivent être plus assurées et agressives - autrement dit, les femmes

doivent ressembler aux hommes.

Nous croyons qu’il faut revoir les critères permettant de juger de la capacité à gérer et à

diriger. Lorsqu’on aborde le problème du rôle des femmes dans la gestion de l’enseignement

supérieur, nous avons l’impression de nous taper la tête contre les murs. Dans le monde entier,

la gestion universitaire a été et restera le domaine des hommes, à moins que l’optique féminine

soit infusée dans la structure et les mécanismes de la vie universitaire. En d’autres termes, il ne

s’agit pas de modeler la femme afin qu’elle s’adapte à la structure universitaire (qui est déter-

minée par les hommes), mais de changer cette structure pour qu’elle s’accommode plus préci-

sément à la nature, aux intérêts et aux besoins des femmes.

Pour commencer, les décideurs de l’université doivent reconnaître qu’il existe ni un seul

type d’expérience sociale ni un mode unique d’interprétation ; qu’il est nécessaire que l’optique

et les expériences féminines fassent partie de ce que l’on entend généralement par vie intellec-

tuelle et sociale de l’université. Cela veut dire que les femmes doivent être bien représentées au

sénat et au conseil de l’université. De plus, il est vital qu’elles soient présentes dans des orga-

nismes s’occupant d’oeuvres sociales pour étudiants. On pourra ainsi traiter avec efficacité des

problèmes tels que la création de garderies d’enfants. Si les femmes sont sous-représentées

dans ces instances de décision, des efforts doivent être faits pour remédier à cette situation.

Ensuite, il faut que les organismes apprécient à leur juste valeur les qualités, qui sem-

blent plus caractéristiques des femmes que des hommes. il est quelque peu regrettable que

nombre de femmes croient encore que pour être de bonnes gestionnaires, elles doivent res-

sembler aux hommes et ”les battre sur leur propre terrain”. Personnellement, il nous a été par-

fois difficile de gérer le conflit créé par la toute-puissante accusation d’égoïsme, cette accusa-

tion accablant si souvent les femmes qui ont choisi de faire carrière. On nous qualifie souvent

d’égoïstes, de non conformistes voire de rebelles. Quelques-unes parmi nous se sont soumises

aux attentes de la société et s’efforcent consciemment non seulement de réussir dans leur pro-

fession mais aussi de bien administrer leur foyer ; autrement dit, beaucoup d’entre nous finis-

sent par ne plus savoir où donner de la tête, ce qui se traduit en général par une vie stressan-

te. D’autres ont soit sacrifié leur carrière pour être de meilleures épouses et mères soit sacrifié

leur maison et leur famille pour poursuivre leur carrière.

Cette notion de sacrifice individuel à peut-être été l’éthique qui à troublé la lutte de nom-

breuses femmes pour accéder à des postes de décideur dans différents organismes -universi-

tés ou entreprises privées. Cette éthique est au centre des préoccupations féminines pour les

relations humaines et se reflète dans leurs activités à vocation sociale et éducative. Ceci

contraste avec l’éthique de la réussite individuelle, qui semble plus caractéristique de la plupart

des hommes ; une éthique ancrée dans les notions d’égalité, de respect et de fair play.

197

Nous pensons que les différents organismes, y compris les universités, doivent recon-naître et comprendre l’importance des relations humaines sur le lieu de travail. Cette compré-hension, les gestionnaires femmes sont plus à même de l’introduire, car elle est la source deleur force morale. Nous suggérons donc que ces deux éthiques, le sacrifice individuel et la res-ponsabilité, devraient former la base d’une gestion et d’une direction saines de l’enseignementsupérieur.

Depuis trop longtemps, seules des voix masculines se sont fait entendre dans les uni-versités ; seules leurs théories, fondées sur leurs expériences, ont été reconnues et étudiées.Nous devons maintenant faire en sorte que plus de femmes viennent à l’université, y occupentdes postes et rejoignent les hommes dans la gestion des institutions. Il faut que les voix desfemmes, même silencieuses, soient entendues. Un nombre plus élevé de personnes doitentendre parler d’éthique sociale, du lien entre responsabilités et relations humaines. C’estlorsque ce lien est rompu qu’apparaissent généralement agression et violence (voir C. Gilligan,p. 1 73) .

Nous devons donc chercher à créer des styles de gestion et de direction, qui favorisentles perspectives féminines : responsabilité plutôt que séparation ; conscience sociale plutôt quedroits individuels ; équité plutôt qu’égalité ; attention aux besoins d’autrui plutôt qu’impartialité ;compassion pour les autres plutôt que respect manifesté par les autres. à nos yeux, voici legenre de perspectives qui doivent être nourries et encouragées parmi les gestionnaires et lesdirigeants des institutions de l’enseignement supérieur, si l’on veut que les femmes trouvent leurplace légitime au sein de cet important domaine de la vie sociale et intellectuelle.

Référence

C. Gilligan, In a Different Voice, Harvard University Press, Cambridge, 1982.

198

UNIVERSITE DES WEST INDIES

PERFECTIONNEMENT DES PERSONNELS ET EGALITE DES SEXES

DANS LES UNIVERSITES DES CARAIBES DU COMMONWEALTH :

EXPERIENCE DE L’UNIVERSITE DES WEST INDIES

Gwendoline Williams et Claudia Harvey

Introduction

A l’invitation du Secrétariat du Commonwealth, les auteurs ont convenu de souligner les efforts

que fournit l’Université des West Indies pour encourager la promotion des femmes universitaires,

enseignantes et administratrices, dans les Caraïbes du Commonwealth. Et ceci, au moment

même où des études sur les rapports entre les sexes, particulièrement axées sur les femmes, y

sont développées en tant que domaine d’études à part entière.

Dans cet article, nous décrirons brièvement certains des événements qui se sont pro-

duits, en distinguant l’une des expériences majeures de perfectionnement des personnels sur-

venue au milieu de l’année 1990, et qui à consolidé en partie les initiatives en matière de poli-

tiques et de programmes alors en cours. L’expérience prit la forme d’un atelier régional sur ”Les

gestionnaires féminines de l’enseignement supérieur”, organisé par l’Association des universi-

tés du Commonwealth (ACU), en liaison avec l’Université des West Indies et d’autres orga-

nismes, dont UNESCO. Nous évoquerons le contexte dans lequel fut planifié l’atelier, ainsi que

ses objectifs et les résultats perçus. Enfin, nous dirons comment le perfectionnement des per-

sonnels peut promouvoir une approche non sexiste pour l’évolution de carrière et la gestion des

ressources humaines en général dans les universités des Caraïbes.

Cependant, bien que l’atelier de l’ACU ait accueilli des participantes de l’Université des

West Indies et de l’Université de Guyana, l’autre université des Caraïbes du Commonwealth, il

ne nous fut pas possible d’utiliser directement les expériences concrètes de cette dernière uni-

versité dans notre étude sur les questions d’égalité des sexes dans la direction et l’administra-

tion de l’université : cet article à donc ses limites.

Le contexte de l’atelier

(a) Le problème de la représentation

Depuis plus d’une décennie, les femmes universitaires et administratrices des

universités des West Indies et de Guyana disent à leur communauté universitaire

199

respective que le sous-développement et la mauvaise utilisation de leurs compétences font obs-

tacle à leur carrière et, par conséquent, au développement global des deux institutions.

L’argument central est que l’égalité des opportunités de carrière entre hommes et femmes doit

faire partie intégrante de toute stratégie en faveur d’un développement à long terme dans l’en-

seignement supérieur. L’un des principaux moyens pour y parvenir est le perfectionnement du

personnel et la valorisation des carrières fondés sur une politique de gestion des ressources

humaines, qui prenne formellement en compte les besoins et aspirations des professionnelles.

L’Université des West Indies a, pour sa part, réagi positivement, ayant fait siennes les

conclusions d’une étude institutionnelle menée par l’Agence canadienne pour le développement

international (ACDI) en 1988, qui comprenait une évaluation des ressources en personnel de

l’établissement, en particulier celles de la communauté académique. Dans son rapport, l’ACDI

constatait que l’Université des West Indies était victime d’un ”exode des cerveaux”, avec le

départ de quelques-uns de ses universitaires de valeur pour des postes lucratifs à l’étranger.

Parallèlement, comme dans d’autres organismes des Caraïbes, les femmes avaient du mal à

s’élever dans la hiérarchie et donc à accroître leur représentation dans les échelons supérieurs

de la direction de l’université. Le rapport partageait la conclusion à laquelle était parvenue

Joycelin Massiah, qui dirigeait le ”Women in the Caribbean Project”/WICP (Projet Les femmes

dans les Caraïbes), basé à l’Université, à savoir que ”les preuves abondent sur l’incapacité des

femmes à exploiter des dispositions structurelles apparemment favorables, mais dominées par

les hommes, afin d’accroître leurs compétences pour fonctionner plus efficacement dans leur

société” (p.164).

Il est significatif que des débats aient eu lieu sur les formes par lesquelles se manifeste

l’inégalité des sexes, alors que les statistiques montrent clairement que, comparativement, le

taux d’accès des femmes à l’enseignement supérieur ainsi que le nombre de femmes débutant

dans des postes de techniciennes et de gestionnaires sur le marché du travail ont augmenté.

Preuves en sont les chiffres des admissions à l’université, qui indiquent qu’entre 1962-63 et

1985-86, par exemple, le pourcentage d’inscriptions féminines est passé de 32,9% à 52,9%. Un

tableau tout aussi favorable de l’amélioration de la participation des femmes au monde du tra-

vail a été dressé dans Male/Female Mobility in the Labour Market (Mobilité masculine/féminine

dans le marché du travail) de Derek Gordon (1987) . Cependant, les femmes rencontrent un cer-

tain nombre d’obstacles structurels et organisationnels quand elles cherchent à accéder à des

postes de management de haut niveau, la voie principale de promotion professionnelle (Williams

et Hewitt, 1987).

Il est paradoxal que l’université, partie vitale du secteur éducatif censée jouer un rôle

proactif en vue d’atteindre l’objectif de l’égalité entre les hommes et les femmes dans la socié-

té, connaît elle-même un problème aigu d’inégalité entre les sexes, en ce qui concerne la repré-

sentation globale des femmes dans l’enseignement et l’administration, particulièrement dans les

postes de direction. Le tableau 1 ci-dessous montre la répartition des femmes enseignantes par

rapport à l’ensemble du personnel et par rapport au nombre total de femmes.

200

Tableau 1

Personnel académique à temps plein de l’Université des West Indies,

pourcentages de femmes par faculté (1986)

Faculté % de tout le % de toute les femmes

personnel de l'Université

Agriculture 7,1 2,0Lettres et Etudes de

culture générale 30,4 18,7Education 48,4 20,7Sciences de l'ingénieur 5,6 2,7Droit 33,3 4,0Médecine- Enseignement préparatoire 9,5 1,3- Etudes de médecine 31,9 24,7Sciences Naturelles 12,1 10,0Sciences Sociales 22,6 16,0Total 22,9 100N = 654 150

A l’exception de la Faculté d’éducation, les femmes forment environ un cinquième ducorps enseignant dans toutes les facultés. En éducation, elles représentent un peu moins de50% du personnel. L’une des conséquences majeures de cette situation est que le vivier desfemmes susceptibles d’accéder aux échelons supérieurs de l’Université est très réduit. Il n’estdonc guère étonnant qu’elles soient sous-représentées à la direction de l’Université, en dépit duchoix d’une politique de libre d’accès.

Ces pourcentages, qui reflètent en termes quantitatifs la répartition des femmes au seindu personnel de l’Université des West Indies, ne révèlent pas en eux-mêmes la véritable posi-tion des femmes dans la structure professionnelle de l’institution. Ainsi, même à la Facultéd’éducation, où la répartititon est nettement plus favorable et qui s’est encore améliorée aucours des cinq dernières années, un seul des trois campus a-t-il une femme ayant été capablede devenir chef de département ou doyen de faculté1. Et ceci, bien qu’il s’agisse de fonctionsélectives. Comme nous l’avons déjà dit, cela pourrait être attribué au fait qu’accédant

1 La différence entre le nombre disproportionné d’enseignantes dans les cycles primaires et secon-

daires du système éducatif des Caraïbes et leur représentation relativement faible dans l’administration

et la gestion scolaires au niveau des ministères est similaire à celle existant à l’ Université .

201

relativement tard à des emplois universitaires, les femmes prennent plus de temps pour devenirtitulaire de leur poste, condition requise pour être éligible à un poste administratif à la faculté. Deplus, il y à ce sentiment qu’à l’université les femmes ne sont guère disposées à soutenir des col-lègues féminines, qui seraient pourtant éligibles et désireraient participer à l’administration de lafaculté. On peut espérer que cette attitude évoluera, mais cela prendra du temps.

Le tableau 2 montre la répartition des femmes par rang académique, en pourcentages.Leur taux de représentation dans les échelons académiques supérieurs est particulièrementsignificatif.

Tableau 2

Personnel académique à temps plein par rang et par campusau 1er novembre 1986 - Poucentages de femmes

Campus Prof. Maître Chargé Assist. Totalde conf. de cours N %

MONAEnseignement 9,7 19,8 38,0 42,9 295 29,5Administration 12,5 63,2 63,0 100 77 59,7

(N = 4)

ST-AUGUSTINEnseignement 0,0 47,1 62,0 50 252 15,1

(N = 4)

Administration 25 47,1 64,3 100 51 56,9(N = 2)

CAVE HILLEnseignement 0,0 16,1 30,9 1/2 107 23,4Administration 1/3 11,1 60,0 0/1 23 34,8

UNIVERSITEEnseignement 4,3 15,1 30,6 46,2 654 22,9Administration 20,0 46,7 63,1 85,7 151 55,0

Total 7,1 20,5 36,8 60,0 805 28,9

Source : Rapport de l’ACDI, p. 83.

Les chiffres montrent qu’on ne trouve que 4,3% de femmes professeurs parmiles 22,9% d’enseignantes de l’université. La représentation féminine est nettementmeilleure dans l’administration puisqu’elle atteint 55% du personnel. Toutefois, lesfemmes y occupent pour la plupart des postes de cadre moyen,

202

principalement à la bibliothèque, auprès du greffier ou à l’économat. Alors qu’elles ne représen-

tent que 20% du personnel administratif de niveau professoral, on trouve une parité plus gran-

de aux niveaux des maîtres de conférences et des chargés de cours, avec respectivement 46,7

et 63,1 %. La participation féminine dans les rangs administratifs sur les différents campus ne

présente pas de différences marquantes, à l’exception du campus de Cave Hill, où le pourcen-

tage de maîtres de conférences est très bas (11,1 %), et de celui de Mona qui, avec ses 62,3%

est nettement au-dessus de la moyenne (rapport de l’ACDI, p. 83).

(b.) La réponse de l’Université

La question de la représentation féminine dans la vie académique et administrative de

l’Université des West Indies fut attaquée de front en 1983 quand, principalement par le biais

d’initiatives de l’Université Women in Development Unit (WAND) et du Women in the Caribbean

Project (WICP) à l’lnstitute of Social and Economy Research (ISER) - un projet de recherche

interdisciplinaire de grande envergure sur les femmes dans les Caraïbes- des groupes d’études

sur la condition féminine furent créés sur chacun des trois campus de l’Université. Il est impor-

tant de rappeler brièvement 18 contribution de la WAND, en tant que précurseur du Projet WICP

et, plus tard, des groupes d’études, pour signaler à l’Université l’importance de l’analyse des

rapports entre les sexes pour traiter les préoccupations spécifiques des femmes dans le déve-

loppement des Caraïbes.

Le rapport de l’ACDI faisait référence à un rapport d’évaluation sur la WAND rédigé par

Yudelman (1987, pp. 87-88), qui notait que cette Unité avait oeuvre avec une grande efficacité

dans le sens où elle avait : (i) favorisé une prise de conscience accrue dans la région sur les

questions et problèmes féminins ; (ii) établi des liens inter-institutions et des réseaux de com-

munication, particulièrement entre des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux ;

(iii) poursuivi le renforcement des organisations féminines par des activités de perfectionnement

des cadres, qui comprenaient des formations au développement des ressources humaines et à

l’organisation communautaire de base ; (iv) encouragé la participation de la communauté à la

recherche ; (v) développé des projets et réuni des fonds. Comme elle opérait de l’intérieur même

de l’université, la WAND fut en mesure de démontrer que la question des rapports entre les

sexes, et plus précisément les préoccupations des femmes, étaient des thèmes d’intérêt public

légitimes qui, s’ils étaient ignorés, bouleverseraient toutes les tentatives d’optimisation de l’utili-

sation des ressoudes humaines de la région, entre autres celles de l’Université des West Indies

.

Le programme d’activités des groupes d’études sur la condition féminine était

coordonné par un Comité d’organisation de l’Université, dont le secrétariat siégeait

sur le campus de Mona à la Jamaïque, et qui comptait également parmi ses membres

les coordonnatrices de chacun des groupes de campus ainsi que le chef du secréta-

riat. Par la suite, les groupes allaient bénéficier d’un soutien technique et administra-

tif considérable de la part de l’institut des études sociales de La Haye, avec un finan-

cement du gouvernement des Pays-Bas. Les liens inter- i n s t i t u t i o n s

203

furent noués au cours d’un projet triennal de coopération entre l’Université des West Indies et

l’Institut dans les domaines de l’élaboration des programmes d’enseignement, de la recherche

et de la documentation, et du perfectionnement des personnels. Un soutien financier et d’autres

types d’aide furent également fournis par des organismes tels que la Fondation Ford, UNESCO

et l’Association des universités du Commonwealth.

L’instauration de groupes d’études sur la condition féminine sur les campus, précédés

depuis 1978 par la Women and Development Unit (WAND), basée à l’Université, ainsi que l’exé-

cution du Projet Université des West Indies/lnstitut des études sociales entre 1979 et 1982, indi-

quaient clairement que l’Université était préparée à s’attaquer à l’inégalité entre les sexes exis-

tante par un programme de développement institutionnel. Celui-ci se concentrait sur : le perfec-

tionnement des personnels, avec un intérêt particulier pour sa formation ; le développement des

études sur la condition féminine en tant que domaine à part entière d’études et d’enseignement,

dirigé par des enseignants de niveau professoral ; l’établissement de liens extérieurs avec des

organismes non gouvernementaux et d’autres organisations féminines ; une représentation for-

melle des intérêts féminins dans les principales instances de décision académiques et adminis-

tratives de l’université. En 1988, toutefois, l’université avait encore un long chemin à parcourir

pour institutionnaliser les études sur les rapports entre les sexes et faire avancer la cause des

femmes à l’intérieur comme à l’extérieur de l’institution. Le rapport de l’ACDI concluait :

”L’analyse du rôle des sexes dans la société, en tant que partie intégrante de

l’analyse plus large du contexte social, est capitale pour une meilleure compré-

hension des dynamiques du développement social et économique dans les

Caraïbes. Les efforts de l’Université des West Indies pour dispenser un

enseignement, faire de la recherche et travailler en dehors de l’institution

sur les questions ayant trait à la condition féminine devraient être active-

ment encouragés et soutenus de l’intérieur de l’Université et à l’extérieur...

Il est évident que l’Université des West Indies doit encore s’améliorer en ce

qui concerne le niveau global de participation des femmes à l’enseigne-

ment et leur promotion aux échelons supérieurs de l’enseignement et de

l’administration.” [souligné par les auteurs de l’article] (p. 88).

La preuve que l’Université ait pris très au sérieux le ”feedback” sur son rôle dans les

questions des femmes et du développement à l’intérieur comme à l’extérieur de ses murs se

reflète dans les politiques sans équivoque concernant les études sur les femmes et le dévelop-

pement, inscrites dans son Plan de développement à long terme (1990-2000). à ce propos, le

Plan à identifié quatre objectifs majeurs :

(i) L’institutionnalisation à l’Université d’études sur les rapports entre les sexes ;

204

(ii) Le maintien et la gestion d’un programme de recherche à long terme sur

les rapports entre les sexes dans le développement des Caraïbes ;

(iii) L’accroissement du nombre de programmes dans le cadre des études sur

les rapports entre les sexes, y compris des cours non sanctionnés par des

diplômes ;

(iv) L’expansion et le renforcement des activités parauniversitaires afin que

les études sur les rapports entre les sexes puissent influencer positivement la

politique gouvernementale et le développement institutionnel dans la société.

(Université des West Indies, Plan de développement central de l’université,

1990-2000, p . 5, paragraphe 130. )

Sur la manière dont ces objectifs devaient être atteints, le Plan indiquait :

”Les objectifs doivent être réalisés par un ensemble de mesures institutionnelles

et d’investissement de fonds. Pour l’Université, les groupes d’études sur la condi-

tion féminine et le développement existants devraient se transformer en un

Centre pour les études sur les rapports entre les sexes, organisé sur une base

inter-campus et fonctionnant selon des structures de communication, de prise de

décision et de responsabilité clairement définies à l’intérieur du système univer-

sitaire... [Le Plan] propose que l’Université accorde à chaque campus du per-

sonnel de soutien supplémentaire ainsi qu’une aide infrastructurelle adéquate...

Les coûts sont estimés à 0,6 million de dollars U.S.”

(Le Plan de développement, p. 5, paragraphes 16 et 17).

Les obstacles à l’égalité entre hommes et femmes

A l’évidence, il existe un consensus croissant sur la nécessité de l’égalité entre les sexes en inté-grant les femmes dans les filières académiques et administratives normales de l’Université.Dans ce contexte, l’égalité entre les sexes se définit comme suit : (i) accès comparable desfemmes aux opportunités professionnelles dans toutes les disciplines et tous les échelons admi-nistratifs ; (ii) soutien à des performances de travail effectives ; (iii) accroissement des perspec-tives de mobilité professionnelle par la formation et le perfectionnement ; (iv) évaluation et pro-motion non sexistes par le système ; (v) comparabilité des récompenses.

Si nous examinons les questions relatives à ces facteurs, nous constatons que les diff é r e n t smoyens pour parvenir à l’égalité se heurtent à de nombreux problèmes. La plupart d’entre eux sontde nature stratégique ou systémique dans le sens où ils exigent, par exemple, des changementsdans les politiques du personnel de l’Université. D’autres problèmes sont d’ordre organisationnel ouliés aux fluctuations de la mise en oeuvre des politiques. Ainsi avons-nous déjà évoqué les

205

facteurs subjectifs pouvant gêner les femmes dans leurs tentatives de se faire élire à des postes

administratifs, même dans les cas où il n’existe pas de barrières structurelles visibles à leur par-

ticipation - par exemple des conditions formelles de candidature à la faculté. Dans cette situa-

tion, les facteurs contraignants sont par nature liés à l’organisation et aux comportements

humains.

Un certain nombre de questions doit être examiné quand on cherche à redresser la

situation à l’intérieur du système de mobilité professionnelle à l’université, censé reposer sur le

mérite, et dans d’autres organisations similaires de la société. Par exemple, d’un point de vue

structurez la réalité est que les statistiques concernant l’inscription des femmes au premier cycle

universitaire de l’Université des West Indies, toutes disciplines confondues, n’ont augmenté de

façon significative - de 1 sur 3 à 1 sur 2 dans plusieurs domaines - qu’au cours des 20 dernières

années. Si l’on suppose que seul un faible pourcentage des diplômées cherche à faire carrière

dans l’enseignement universitaire - puisqu’il ne s’agit pas là d’un choix professionnel tradition-

nel -, le vivier des femmes universitaires devrait rester réduit pendant un certain temps encore.

La politique visant à favoriser les Antillais en matière de recrutement du personnel, bien que tout

à fait acceptable dans le principe, limiterait encore plus le recrutement et la sélection.

En outre, comme elles débutent relativement tard, les femmes universitaires sont moins

nombreuses à être en mesure de concourir pour une promotion dans la hiérarchie ; et, d’autre

part, leur rôle multiple au sein de la famille, du foyer et de la communauté accentue en général

la pression qu’elles subissent pour assumer leurs responsabilités d’épouse et de mère et satis-

faire en même temps aux exigences de l’enseignement, de la recherche et des activités

externes.

Très souvent, les femmes ne peuvent tout simplement pas manoeuvrer comme le font

les hommes pour avoir une liste impressionnante de publications, participer activement aux

comités universitaires (ce qui entraîne généralement des déplacements entre les campus des

différentes îles), et pour maintenir les réseaux informels qui ont traditionnellement créé ce que

l’on appelle communément à l’Université le ”old boys’ club” (le club des anciens élèves). Parfois

aussi les femmes trouvent inconvenant de se lancer dans de telles manoeuvres, rejetant ainsi

l’emploi de cette stratégie pour progresser. Ce qui n’est pas toujours clair, c’est si elles sont

contre la notion de réseau, en tant que méthode de mobilisation de groupe, ou contre la maniè-

re dont le réseau est utilisé par leurs collègues masculins. Les faits semblent cependant confir-

mer cette dernière hypothèse.

En ce qui concerne les administrateurs en fonction, des stratégies devront être conçues

afin de mettre un terme à la pratique qui fait que les femmes restent concentrées dans des

postes administratifs de niveau cadre moyen dans les centres névralgiques de l’Université,

comme le bureau du greffier ou l’économat. L’une des approches consisterait à établir des plans

de carrière clairs accordant moins d’importance à la recherche académique. Des possibilités

pour un perfectionnement professionnel avancé et des méthodes d’évaluation des perfor-

mances appropriées devront être créées.

206

Sur la nécessité d’éliminer les obstacles structurels et organisationnels à une concur-

rence loyale en matière de promotion, les recommandations contenues dans le rapport de

l’ACDI étaient particulièrement significatives. Elles exprimaient entre autres le besoin de modi-

fier les politiques du personnel existantes afin de prendre en compte les facteurs facilitant ou

entravant l’entrée et l’évolution des femmes à l’intérieur du système professionnel de

l’Université. Elles soulignaient également l’importance du perfectionnement des personnels par

l’augmentation du nombre de bourses et autres formes de soutien, afin que l’accroissement

actuel de l’accès des étudiantes aux diplômes supérieurs et de la formation avancée pour les

femmes déjà en fonction puisse être maintenu.

Le perfectionnement des personnels et l’expérience jamaïquaine de l’Association des

universités du Commonwealth (ACU)

Juillet 1990 marqua une étape significative dans le développement des groupes d’études sur la

condition féminine dans tous les campus de l’Université. Des membres de ces groupes furent

invitées à participer à un atelier de formation régional sur ”Les femmes dans l’administration uni-

versitaire”. Y compris donc des universitaires et des administratrices de l’Université de Guyana,

l’autre université des Caraïbes du Commonwealth.

Contrairement aux deux ateliers régionaux de l’ACU qui allaient suivre en 1991 et 1992,

pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe et pour l’Afrique de l’Ouest, aucune étude d’évalua-

tion des besoins ne fut entreprise. En lieu et place, chaque groupe de campus fit, fin 1989-début

1990, son propre bilan informel de la position des professionnelles à l’université, et identifia

quelques-uns des problèmes clés qui, à ses yeux, devaient être étudiés au cours de l’atelier.

Ceci tint compte des progrès déjà réalisés par le biais du projet Université des West Indies/

Institut des études sociales et de la planification pour le développement à long terme faite par

l’Université. Pour ce qui concerne le projet, des séminaires interdisciplinaires ou consacrés à

une seule discipline furent organisés avec succès dans toute l’université dans les domaines des

sciences humaines et sociales, de l’agriculture et du droit. De plus, on proposa des cours dans

le cadre d’études sur la condition féminine et on enrichit le matériel bibliographique ; des

bourses furent attribuées au personnel pour des diplômes avancés et des projets de recherche

à court terme ; et, dans une moindre mesure, il y eut quelques activités externes.

Les résultats des discussions de groupe furent transmis aux organisateurs de l’atelier. Les pré-

occupations les plus régulièrement exprimées concernaient les stratégies que les femmes devraient

adopter pour gravir les échelons du système universitaire, et le savoir-faire spécifique nécessaire à un

manager efficace tant dans les domaines académique qu’administratif. Sur le campus de St-A u g u s t i n ,

les travaux furent intenses. Après s’être livrées à une longue introspection, les membres du groupe

arrivèrent à peu près aux mêmes conclusions que celles exprimées dans le rapport de l’ACDI : La

s o u s-représentation des femmes dans les hautes instances de décision de l’Université était fortement

liée à l’accès limité des femmes à l’emploi universitaire dans le temps et à l’absence de possibilités de

207

perfectionnement. En cherchant les causes de ce problème, l’analyse alla au-delà des explica-tions structurelles et organisationnelles pour inclure des facteurs subjectifs, tels que la mauvai-se image de soi et le manque d’assurance. Par exemple, l’atelier s’est demandé pourquoi lesfemmes ne montraient pas plus énergiquement qu’elles étaient capables d’assumer les plushautes responsabilités de direction et de décision à l’Université. Quelques-unes des raisonsprincipales avancées pour expliquer ce manque d’assurance étaient :

(i) L’assurance féminine est souvent interprétée à tort par les collègues mas-culins comme une manifestation d’agressivité inacceptable et se heurte, de cefait, à une résistance.

(ii) Les femmes universitaires n’ont pas appris comment fonctionne le systè-me universitaire, en ce qui concerne : la structure des rôles et des responsabili-tés ; le système des relations, y compris les réseaux sociaux informels ; lessources des aides financières ou autres qui peuvent favoriser l’avancement pro-fessionnel.

(iii) Un système de réseau social sous-développé empêche les femmes de semobiliser en tant que groupe pour élaborer un plan collectif de survie et de crois-sance au sein de la communauté universitaire.

(iv) Les femmes sont vues sous l’image mythique et bien ancrée de ”gestion-naires du foyer” dans l’administration universitaire, étant les plus qualifiées poury occuper des postes de cadre moyen, puisqu’elles sont censées avoir le sensdu détail, être endurantes, persévérantes, peu rebutées par la monotonie etcapables d’économiser et de se débrouiller pour faire le meilleur usage de res-sources limitées.

(v) Un appui involontaire au stéréotype se dégage des réponses ambiva-lentes de certaines de ces professionnelles, qui semblent avoir accepté sansréserve les responsabilités et le statut imposés des fonctions de cadre moyen, etqui répugnent souvent à influencer la politique de l’Université et à négocier aubénéfice de leurs propres intérêts professionnels quand elles en ont la possibili-té.

(vi) Les stéréotypes véhiculés par les femmes par rapport à leur image pro-fessionnelle, leurs styles de management et aux moyens de faire face au stresset aux tensions du travail quotidien. Par exemple, les femmes greffiers (Registrar)ou sous-greffiers (Assistant Registrar) sont parfois perçues comme des femmes”fortes” ou même ”matriarcales” et ces termes sont souvent employés de façonpéjorative ou accompagnés d’un sentiment de respect mêlé de crainte.

La conclusion générale des discussions fut que la faible représentation desfemmes dans les échelons supérieurs, académiques ou administratifs, de l’Universitéétait due jusqu’à présent et pour une large part à un mélange de facteurs institution-nels et psychosociaux qui sont, en résumé : l’accès à l’éducation et à

208

l’emploi limité ; l’existence de stéréotypes relatifs à l’activité des femmes, renforcés par unesocialisation primaire et continue ; et l’incapacité de manoeuvrer pour s’élever dans un systèmeprofessionnel sous dominance masculine. La recommandation générale de changement futexprimée en ces termes :

”Le rôle limité des femmes à l’université est révélateur de la sous-optimisation du vivierdes ressources humaines ou du potentiel humain dont l’institution et la société dans sonensemble ont besoin dans leur élan de développement global. La situation exige, entreautres options, une dynamique pour l’évolution professionnelle à l’Université qui soit sen-sible à la question de l’égalité des sexes.”

Compte tenu de ce qui précède, le groupe vit dans l’atelier une occasion de continuer àfaire pression en faveur de l’égalité entre hommes et femmes, en identifiant les femmes de talentdans toutes les sphères de la vie universitaire et en les soutenant par le biais de systèmesviables de recrutement, de sélection, d’évaluation et de récompense. Le groupe estima qu’il étaittout aussi vital de sensibiliser les femmes au rôle qu’elles peuvent jouer pour favoriser leurpropre promotion.

Le programme de l’atelier

Comme nous l’avons déjà indiqué, cet atelier de l’ACU fut un événement notable dans la vie destrois groupes d’études sur la condition féminine de l’Université. il se déroula à un moment où laprise de conscience s’était fortement accrue quant à la nécessité d’une stratégie globale pourpromouvoir à l’Université un avancement professionnel non sexiste. Dans ce but, les travauxpréparatoires avaient déjà été effectués, car le problème de l’inégalité sexuelle avait été identi-fié et analysé, et des politiques avaient été préconisées. Tout aussi importants furent les progrèsconsidérables réalisés dans : la création d’études sur les rapports entre les sexes, axées sur lesexe féminin, comme domaine d’études à part entière ; le perfectionnement des personnelsdans les domaines techniques ; les activités externes ; la création d’un esprit d’équipe au seinde chaque groupe. Le moment était donc venu pour les groupes de se livrer à une petite intros-pection, en prêtant une attention particulière aux aspects de la mise en oeuvre du changementles plus liés au comportement humain.

Il fut reconnu que les stratégies visant à amener des changements structurels et organi-sationnels, bien que très importantes, ne pourraient produire à elles seules le type de résultatsescompté. Pour promouvoir la cause des femmes à l’université, il faut établir un juste équilibreentre problèmes institutionnels et problèmes de comportement humain. Une très grande atten-tion avait été accordée aux premiers, comme le prouvait largement un récent audit de gestionformel du projet Université des West Indies/lnstitut des études sociales, dont la réalisation étaitl’une des conditions de la poursuite du projet.

Lors de la planification de l’atelier, le besoin d’équilibre fut reconnu mais,comme mentionné ci-dessus, en raison de l’importance traditionnelle accordée aux

209

aspects les plus institutionnels et systémiques du changement, il fallait prêter une attentionaccrue aux questions plus liées au comportement humain. En conséquence, cinq des sixmodules programmés furent consacrés à l’épanouissement de l’individu par rapport au groupeet, plus largement, à la communauté universitaire. Le sixième explora le système universitaireen profondeur, en tant que cadre dans lequel les aspirations professionnelles peuvent être réa-lisées et où l’épanouissement individuel est recherché. Les objectifs globaux de l’atelier étaientde : (i) créer un environnement dans lequel les participantes pourraient étudier leurs expériencesindividuelles et collectives au sein de l’université ; (ii) trouver les moyens appropriés pour gravirles échelons du système ; (iii) garantir une institutionnalisation réussie des études sur la condi-tion féminine entrant dans le cursus universitaire. C’est peut-être l’avertissement de l’une desanimatrices de l’atelier aux participantes, qui résume le mieux l’intention générale de ces ses-sions :

”Les femmes compétentes apportent au management de nombreuses et inesti-mables qualités. Mais pour être égales, ou le devenir, elles doivent se sentirégales. Nous devons travailler à améliorer ”ce sens du moi”... Plus notre imagede nous-mêmes sera positive, plus grandes seront nos chances de réussite... Lecourage de progresser provient de la confiance et de l’encouragement, et laconfiance provient d’un état de préparation. (C’est pourquoi il est nécessaire) desuivre les changements et les évolutions dans votre profession et de rechercherla formation appropriée que vous estimez nécessaire pour affûter vos capacités...Obstinez-vous à réaliser les buts et objectifs que vous vous êtes fixé etgardez-les à un niveau réaliste... Oubliez les contraintes et concentrez-vous surles occasions (Redhead, pp. 1 -2, 1990) .

Les idées maîtresses énoncées ci-dessus se reflétaient dans les termes de I ‘atelier :

Les idées maîtresses énoncées ci-dessus se reflétaient dans les thèmes de

1. Le développement individuel et professionnel du personnel universitaire féminindans le contexte des Caraïbes.

2. Le système universitaire : son environnement interne et externe, les implica-tions pour la gestion et, plus spécifiquement, pour l’évolution professionnelle non sexis-te.

3. Les compétences en gestion, en particulier celles liées à la gestion du chan-gement dans un cadre universitaire.

4. Les techniques de communication et notamment le savoir-faire en matière denégociations, de réseaux et d’esprit d’équipe.

5. La gestion du stress : gérer le temps, faire face à la discrimination, résoudreles conflits.

210

6. Planification de l’action personnelle et, plus particulièrement, de la promotion

professionnelle.

Les résultats de l’atelier

Les participantes à l’atelier n’ont pas tari d’éloges sur cette expérience de deux

semaines. Elles l’ont en général trouvée extrêmement gratifiante, surtout dans les domaines du

développement personnel, de la planification de l’action pour l’avenir et des compétences géné-

rales en gestion. Lors de la session informelle d’analyse des résultats, qui complétait l’évalua-

tion écrite formelle, plusieurs femmes ont exprimé leur gratitude envers l’atelier, qui les avait

éclairées sur la nature multiforme de la tâche consistant à travailler pour la reconnaissance et

la participation pleine et entière des femmes en tant que professionnelles de l’université.

Elles ont par exemple réalisé que les politiques préconisées dans le Plan de dévelop-

pement à long terme représentait une étape vitale pour faire avancer le processus de change-

ment ; mais que la manière dont elles se prépareraient personnellement à profiter des chances

supplémentaires qu’offrirait une mise en application réussie avait également son importance.

Elles ont aussi compris qu’elles devaient s’unir pour faire face aux diverses formes de résistan-

ce, qui se manifesterait immanquablement lorsque l’équilibre des forces changerait dans le sens

d’une plus grande représentation des talents et capacités des femmes travaillant déjà à l’uni-

versité, et d’une augmentation de leur nombre total par un accès plus large .

L’un des autres domaines de réussite de l’atelier fut l’occasion ainsi créée de former des

liens et un esprit d’équipe parmi des participantes qui, jusque là, ne se connaissaient pas puis-

qu’elles travaillaient dans des campus ou facultés différents. Comme elles l’ont constaté, ceci

établissait une base pour tisser un réseau fonctionnel, une stratégie nécessaire pour canaliser

les informations sur tous les aspects de la vie universitaire et les questions qui influent sur

l’avancement professionnel et les études sur la condition féminine, en tant que domaine de tra-

vail académique. En outre, un tel réseau est apparu comme un filet de sécurité apportant un cer-

tain soutien socio-affectif et atténuant ainsi le sentiment d’isolement que l’universitaire ressent

souvent dans la communauté universitaire.

Autre aspect positif de l’atelier, la découverte d’un certain nombre de straté-gies pouvant aider à améliorer les rapports entre femmes et hommes sur les campus.En effet, après réflexion, les participantes ont estimé qu’en s’attaquant à la réparti-tion des pouvoirs, détenus en majorité par les hommes, il s’agissait de changer labase des relations entre les deux groupes pour les rendre plus équitables. Ceci s’op-posait directement à l’idée d’une lutte pour obtenir le mince avantage d’une domina-tion féminine, en remplacement de celle des hommes. Le but était de modifier les rap-ports sociaux entre les sexes afin d’abattre les barrières systémiques et sociopsy-chologiques à la promotion des femmes dans l’enseignement ainsi que dans la hié-rarchie administrative de l’université.

211

Enfin, l’un des résultats les plus encourageants de l’atelier fut la décision prise sur lecampus de St-Augustin de refaire un atelier pour les femmes qui n’avaient pu assister au pre-mier. Ceci servit à renforcer le processus croissant de prise de conscience mis en branle et àstimuler les énergies pour relever le défi du changement. Les conséquence furent un approfon-dissement du savoir-faire et des compétences, la résolution prise par la direction du grouped’obtenir le changement ainsi que l’arrivée de nouveaux membres dans le groupe. Tout cecidémontra aux autorités universitaires que l’institutionnalisation des études sur la condition fémi-nine et l’amélioration des perspectives de carrière chez les femmes de l’université n’étaient plusoptionnelles mais des impératifs indiscutables.

Conclusion

Cet article vient à l’appui d’une tentative consciente de traiter le problème de l’égalité entre lessexes dans les pratiques de l’emploi de l’une des deux universités des Caraïbes duCommonwealth, en ce qui concerne son personnel académique et administratif. Les faits sug-gèrent que les femmes sont sous-représentées à l’Université des West Indies à tous les éche-lons de l’enseignement et de l’administration, à l’exception des postes administratifs de cadremoyen et, sur le campus de St-Augustin seulement, des postes d’enseignement de niveau dechargé de cours.

Les causes de cette sous-représentation peuvent être attribuées à un certain nombre defacteurs, qui sont : l’accès traditionnellement limité, bien qu’en augmentation, à l’éducationpost-secondaire ; les barrières structurelles dans le système des nominations formel de l’uni-versité ; l’inaccessibilité aux réseaux informels de l’université et parfois leur refus, qui sont desmoyens acceptables pour mobiliser le soutien aux activités académiques ou autres ; la concur-rence entre les responsabilités professionnelles et familiales ; les perceptions mythiques sur lerôle des femmes chez les universitaires des deux sexes et les perceptions intériorisées sur ”lesrôles féminins acceptés”, qui affaiblissent les efforts des femmes pour s’affirmer.`

Le Projet Université des West Indies/lnstitut des études sociales doit parcourir un trèslong chemin pour créer un climat favorable à une acceptation institutionnelle des études sur lacondition féminine, en tant que domaine d’études respecté, et pour que les femmes jouissent àl’intérieur du système de la même estime que leurs collègues masculins. L’atelier de formation,organisé postérieurement à la Jamaïque par l’Association des universités du Commonwealth(ACU), et les activités de suivi menées par les groupes sur leur campus respectif ont cherché -et les réponses des participantes indiquent un taux de réussite élevé à traiter ces problèmesdans cinq principaux domaines identifiés.

(i) Accès comparable aux possibilités offertes dans toutes les disciplines et tousles niveaux de l’administration

Pour traiter cette question, l’atelier à fait prendre conscience aux participantesqu’elles représentaient une source de pouvoir dans l’environnement universitaire

212

et la société et que, de ce fait, elles devaient prendre une position stratégique au sein de l’ad-

ministration universitaire, afin de pouvoir servir leurs intérêts collectifs et individuels. En se posi-

tionnent de la sorte, elles pourraient par exemple devenir de meilleures avocates du dévelop-

pement des études sur la condition féminine à l’université et, plus généralement, du développe-

ment global de l’institution.

En ce qui concerne directement leur avancement professionnel, les femmes ont été

confortées dans l’opinion que leur promotion à l’Université était tout aussi légitime que celle de

leurs collègues masculins. Et qu’il fallait supprimer les obstacles subjectifs et organisationnels

existant au sein du système dans son ensemble et dans leur propre situation. Les participantes

ont jugé que l’accent mis sur la valeur personnelle et sur les femmes sources de pouvoir et d’in-

fluente à l’université comme dans la société constituait l’un des résultats les plus importants de

l’atelier.

(ii) Le soutien à des performances professionnelles effectives

En réfléchissant aux facteurs individuels, relationnels et à d’autres facteurs interactifs facilitant

ou gênant la mobilité ascendante, les participantes ont pris conscience que de nombreux pro-

blèmes n’étaient pas simplement liés à l’individu mais touchaient également les femmes en tant

que groupe et étaient donc systémiques par nature. C’est pourquoi elles ont réaffirmé leur enga-

gagement à poursuivre la formation de groupes féminins sur leur campus respectif et, par le

biais de programmes d’activités variés, de créer des réseaux de soutien au développement indi-

viduel. Ainsi, en acceptant des hommes parmi ses membres, le groupe disposait d’une repré-

sentation mixte pour discuter des stratégies visant à la performance professionnelle. De même,

un programme de soutien entre collègues fut établi, qui à eu le potentiel d’aider les jeunes ensei-

gnantes et administratrices à satisfaire les conditions requises pour améliorer les performances

professionnelles. On insista, par exemple, sur la nécessité pour l’Université d’accroître le temps

de mise en disponibilité consacré à des travaux de recherche et à d’autres formes de perfec-

tionnement professionnel. il fut reconnu que l’Université était en mesure de répondre positive-

ment à ces demandes compte tenu des activités institutionnelles relatives aux études sur la

condition féminine, qui étaient déjà en cours. La nomination d’un professeur d’études sur la

condition féminine fut largement jugée comme une preuve du sérieux des intentions de

l’Université.

(iii) L’évolution de carrière favorisée par la formation et le développement

Les femmes ont estimé que la création de groupes de soutien, accueillant des collègues mas-

culins qui regardent avec bienveillance la question de l’égalité entre les sexes, ainsi qu’un plus

grand engagement dans les activités de l’Université menées dans les différents centres de pou-

voir, étaient très utiles pour l’évolution de carrière à l’intérieur du système. En outre, l’atelier aida

les participantes à atténuer leur fréquente réticence à s’affirmer sur leur lieu de travail et dans la

communauté universitaire en général. il fut admis que l’information constituait une

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ressource capitale pour prendre de l’assurance. Les femmes reconnurent encore plus nettement

le rôle important qu’avaient joué leurs groupes de campus en tant que défenseurs, centres

d’échange d’informations et sponsors pour les possibilités de formation et de développement

existantes ainsi que pour l’augmentation de telles possibilités.

(iv) Evaluation et promotion équitables pour les femmes

Ce problème pourrait se révéler le plus difficile à surmonter car il est au coeur des obstacles

structurels et organisationnels à la mobilité ascendante. il convient de noter que le système pose

également des problèmes aux hommes car il fonctionne selon des principes de gestion du per-

sonnel, qui sont de plus en plus contestés au fur et à mesure que l’Université examine ses objec-

tifs et buts stratégiques ainsi que les systèmes de fonctionnement qui existent actuellement2.

L’atelier à aidé les femmes à aborder la question de façon plus directe et à se pronon-

cer pour un engagement accru dans les différentes instances concernées. Par exemple, parce

que les femmes commencent souvent tardivement à s’élever dans la hiérarchie universitaire,

leur âge peut souvent aussi être utilisé comme une barrière ; ou bien elles risquent d’être vues

comme étant ”à la traîne” par rapport à leurs collègues masculins. Les femmes sensibilisées à

ces questions - résultat des discussions menées lors de l’atelier - ont été capables d’engager

avec plus de confiance la communauté universitaire en général dans des débats plus intenses

et mieux informés.

(v) Comparabilité des récompenses

Souvent dans les milieux universitaires, le prestige accompagnant la mobilité ascendante, par

exemple une titularisation ou l’obtention d’une chaire, représente lui-même la récompense. Les

encouragements financiers sont limités et la progression intellectuelle et académique est consi-

dérée comme une fin en soi. C’est pourquoi les facteurs cités dans le paragraphe (iv) pourraient

fortement affecter les questions relatives à la comparabilité des récompenses. Là encore il faut

que les enseignants avertis des deux sexes plaident avec insistance en faveur de l’instauration

de l’égalité dans ce domaine. L’un des résultats les plus marquants de l’atelier fut la prise de

conscience capitale suivante : si l’on défavorise l’un des groupes travaillant à l’université, c’est

tout le vivier des ressources humaines qui, en définitive, est dévalué et diminué.

2 Depuis quelque temps, l’Université envisage sérieusement de revoir son système d’évaluation du

personnel en vue d’établir une parité entre les différents critères de performance professionnelle, par

exemple la recherche, l’enseignement, les activités externes et la participation à l’administration de

l’Université.

214

En aidant les femmes à s’interroger profondément pour comprendre les facteurs liés à

l’inégalité des sexes à l’Université des West Indies - un processus déjà bien en cours grâce aux

travaux de la WAND, au Projet WICP, au Projet Université des West Indies/lnstitut des études

sociales et à l’introduction de certains résultats dans le Plan de développement à long terme de

l’Université -, l’atelier de l’ACU à fourni un cadre et un état d’esprit pour l’étude continue des

questions structurelles, organisationnelles et de comportement humain, qui sont à la base d’une

telle inégalité. En outre, cette session de formation à aidé les participantes à acquérir un peu du

savoir-faire nécessaire à une telle analyse et à la conception de mesures permettant un plai-

doyer effectif.

Qui plus est, en se concentrant sur l’égalité plutôt que sur la domination, les femmes se

sont engagées dans un processus proactif et positif visant non seulement à l’évolution person-

nelle et collective mais, ce qui est tout aussi important, à la consolidation institutionnelle de

l’Université dans son ensemble. Les questions du rapport entre les sexes n’ont pas été disso-

ciées des thèmes liés au développement de l’université, de la société et de la région. Le déve-

loppement et la gestion des ressources humaines ont été au coeur même des débats générés

par l’atelier. L’affirmation des valeurs humaines à constitué l’essentiel du discours.

Compte tenu de la nature persistante et enracinée de quelques-uns des problèmes sou-

levés, l’atelier a été perçu comme un petit pas sur la voie du changement. Il fallut le replacer

dans le contexte des activités antérieures et des actions de suivi qui continuent maintenant

d’une manière encore plus énergique. Ces actions de suivi ont été : des nouveaux ateliers ; la

mise en oeuvre d’un programme de recherche avec le financement nécessaire ; des nouveaux

modules et cours de premier cycle et postuniversitaires ; la participation à des conférences et à

d’autres événements externes ; des possibilités de congés d’études et les démarches en vue de

créer une unité spécialisée pour les Etudes sur la condition féminine. Au coeur de la stratégie

pour l’institutionnalisation de ces études se trouvaient l’égalité en matière d’opportunités d’em-

ploi et de promotion pour les femmes et le développement global de la femme, universitaire ou

administratrice, en un être humain bien équilibré sur les plans personnel et professionnel.

Références

Association des Universités du Commonwealth. "Session Plan for ACU Workshop3, Mimeo,

juillet 1990.

Redhead, C. "Address to ACU/CIDA/UWI Training Workshop on Management Development for

Women at the Close of Module 2", Mimeo, juillet 1990.

Loubser, J.J.; Ali, Z.; Bourne, C. Report on Institutional Review of the University of the West

Indies, Association canadienne de développement international ( ACDI ), février 1988

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Université des West Indies. The University Centre Development Plan, 1990-2000 1990.

Williams, G. ”Women in the Administration of the University of the West Indies”, Mimeo, février1989.

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