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Successions secondaires Introduction Modifications Agriculture itinérante Brûlis et écobuage Exploitation forestière Érosion Conclusion Régénération Facteurs mésologiques Facteurs biotiques Régénération des espèces et ses facteurs en Afrique Conclusion Caractéristiques des forêts secondaires Forêt dense humide Forêt dense sèche Forêts de montagne Quelques caractères généraux des espèces secondaires en Afrique Espèces secondaires et forêts secondaires Stades de la succession Caractères généraux Rythme Stade terminal Exemples africains Zaïre Nigeria Afrique occidentale Formations pantropicales Mangroves Conifères Bambous Forêts de montagne Conclusions Les recherches nécessaires et les priorités Bibliographie sélective Introduction A titre d'introduction à ce chapitre, consacré à l'écosystème forestier modifié, il semble particulièrement opportun de citer un paragraphe de l'ouvrage de Richards, The tropical rain forest (1952, 1972) : « De nombreux types de formations secondaires dérivés de la forêt tropicale humide ont été dé¬ crits; mais ils ont rarement été étudiés de près et très peu d'observations systématiques ont été faites sur les successions dont ils constituent les stades. Cela est d'autant plus regret¬ table qu'il n'est pas d'autre aspect de l'écologie de la forêt tropicale humide qui offre plus d'intérêt ou dont l'étude soit plus riche en résultats d'une grande importance sur le plan théorique. D'après les observations partielles dont on dis¬ pose, il est évident que ces successions secondaires et inflé¬ chies sont complexes et varient considérablement d'un lieu à un autre selon les différences du milieu et de son évolution antérieure. Seules des observations quantitatives métho¬ diques poursuivies pendant de longues années permettront d'avoir une connaissance détaillée des phénomènes. Ces ob¬ servations aideront à combler les lacunes les plus graves dans nos connaissances actuelles de la pluviisylve. » Ces considérations qui traduisent l'état des connaissances ac¬ quises, les lacunes qui subsistent et l'action à entreprendre pour remédier à cette situation sont encore valables. Elles sont d'autre part confirmées par Whitmore (Tropical rain forests ofthe Far East, 1975) : « Les progrès accomplis dans la connaissance générale des successions secondaires au cours des deux décennies qui ont suivi la publication du livre de Richards ont été bien minces. Il y a eu plusieurs études de détail supplémentaires, mais il existe encore des lacunes considérables dans la compréhension des phénomènes. » Plusieurs auteurs ont considéré la forêt dense semper¬ virente comme une communauté stable, mais une telle affir¬ mation demande à être explicitée. Lorsque les écologistes évoquent une telle stabilité, ils n'envisagent pas du tout une situation statique, mais plutôt celle d'une communauté qui, sur une superficie assez grande, est en permanence le siège de réajustements en vue de maintenir sa structure d'en¬ semble, sa composition et son fonctionnement. S'il était, par exemple, possible à un écologiste d'observer la même région à des intervalles de cinquante ans durant les cinq cents der¬ nières années, il aurait le sentiment d'avoir affaire à la même communauté. Cela signifie qu'en raison de ses pro¬ priétés de résilience la communauté peut réagir à de faibles modifications induites par le climat et les activités de la faune sans qu'il y ait une transformation profonde de sa

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Successions secondaires

Introduction

ModificationsAgriculture itinéranteBrûlis et écobuageExploitation forestièreÉrosionConclusion

RégénérationFacteurs mésologiquesFacteurs biotiquesRégénération des espèces et ses facteurs en AfriqueConclusion

Caractéristiques des forêts secondairesForêt dense humideForêt dense sècheForêts de montagneQuelques caractères généraux des espèces secondairesen AfriqueEspèces secondaires et forêts secondaires

Stades de la successionCaractères générauxRythmeStade terminalExemples africains

ZaïreNigeriaAfrique occidentale

Formations pantropicalesMangrovesConifèresBambousForêts de montagne

Conclusions

Les recherches nécessaires et les priorités

Bibliographie sélective

IntroductionA titre d'introduction à ce chapitre, consacré à l'écosystèmeforestier modifié, il semble particulièrement opportun deciter un paragraphe de l'ouvrage de Richards, The tropicalrainforest (1952, 1972) : « De nombreux types de formationssecondaires dérivés de la forêt tropicale humide ont été dé¬

crits; mais ils ont rarement été étudiés de près et très peud'observations systématiques ontété faites sur les successionsdont ils constituent les stades. Cela est d'autant plus regret¬table qu'il n'est pas d'autre aspect de l'écologie de la forêttropicale humide qui offre plus d'intérêt ou dont l'étude soitplus riche en résultats d'une grande importance sur le planthéorique. D'après les observations partielles dont on dis¬pose, il est évident que ces successions secondaires et inflé¬chies sont complexes et varient considérablement d'un lieuà un autre selon les différences du milieu et de son évolutionantérieure. Seules des observations quantitatives métho¬diques poursuivies pendant de longues années permettrontd'avoir une connaissance détaillée des phénomènes. Ces ob¬servations aideront à combler les lacunes les plus gravesdans nos connaissances actuelles de la pluviisylve. » Cesconsidérations qui traduisent l'état des connaissances ac¬

quises, les lacunes qui subsistent et l'action à entreprendrepour remédier à cette situation sont encore valables. Ellessont d'autre part confirmées par Whitmore (Tropical rainforests ofthe Far East, 1975) : « Les progrès accomplis dansla connaissance générale des successions secondaires aucours des deux décennies qui ont suivi la publication du livrede Richards ont été bien minces. Il y a eu plusieurs études dedétail supplémentaires, mais il existe encore des lacunesconsidérables dans la compréhension des phénomènes. »

Plusieurs auteurs ont considéré la forêt dense semper¬virente comme une communauté stable, mais une telle affir¬mation demande à être explicitée. Lorsque les écologistesévoquent une telle stabilité, ils n'envisagent pas du tout unesituation statique, mais plutôt celle d'une communauté qui,sur une superficie assez grande, est en permanence le siègede réajustements en vue de maintenir sa structure d'en¬semble, sa composition et son fonctionnement. S'il était, parexemple, possible à un écologiste d'observer la même régionà des intervalles de cinquante ans durant les cinq cents der¬nières années, il aurait le sentiment d'avoir affaire à lamême communauté. Cela signifie qu'en raison de ses pro¬priétés de résilience la communauté peut réagir à de faiblesmodifications induites par le climat et les activités de lafaune sans qu'il y ait une transformation profonde de sa

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composition spécifique ou de sa structure. Pour cela, lacommunauté doit se trouver très près d'un état d'équilibredynamique à l'égard duquel les modifications enregistréesdurant la période d'observation à l'échelle historique sont sifaibles qu'elles n'affectent pas la nature essentielle de cettecommunauté. La zone considérée doit être assez grande pourtenir compte de toutes les modifications induites localementpar l'agriculture itinérante, le vent (chablis créés par lescyclones), les glissements de terrain, la foudre, certainesactivités d'êtres vivants, etc. Le système se maintient à l'inté¬rieur des limites imposées par ces diverses modifications et ilpeut être considéré comme une entité biologique qui estdemeurée semblable pendant très longtemps, bien que surplusieurs millénaires il ait pu être profondément modifié(voir chapitre 3). La stabilité du système repose sur deuxconditions, à savoir que les forces agissant sur ce système nedépassent pas un certain seuil et que les conditions méso¬logiques soient elles-mêmes relativement constantes. Unefaible perturbation peut, dans certains cas, conduire à unemodification progressive de l'équilibre dynamique. Cette re¬

lative stabilité n'a donc rien à voir (en amplitude, en échelleou en durée) avec les changements considérables dontl'homme est responsable de nos jours, lorsque la commu¬nauté forestière a été entièrement détruite et remplacée parune autre forme d'utilisation des terres, ou lorsque ces chan¬gements sont allés au-delà de la capacité de régénérationet de résistance du système, avec pour conséquence directe larupture de l'équilibre dynamique.

Tout système apparemment stable (dans lequel la floreet la faune représentent un climax climatique) est donc sou¬mis à une condition préalable, à savoir qu'il ne soit pas, pourl'essentiel, perturbé, ou que les perturbations soient mi¬neures, comme par exemple la mort ou la chute de quelquesgrands arbres isolés. Des perturbations plus importantes dusystème provoqueront d'autres changements qui conduirontalors à une succession qui finira ou non par reconstituer unsystème analogue au système originel. Ces successions sonten général appelées secondaires et englobent les forêts résul¬tant de modifications importantes et répétées.

Ce chapitre traite des forêts secondaires et des per¬turbations qui sont à l'origine des successions. Bien queportant sur l'Afrique, il se réfère, pour la description desphénomènes, à des généralités exposées par Richards(1952. 1972) et des publications récentes par Webb et al.(1972), Gômez-Pempa et al. (1974) et par Golley et al.(1975).

La superficie des pluviisylves . appauvries et secon¬daires augmente rapidement en Afrique comme ailleurs àla suite des activités de l'homme dans les régions tropi¬cales. Si les tendances actuelles continuent, ces forêtsreprésenteront dans quelques décennies le principal typede forêt de la zone tropicale. Les questions suivantesintéressent au premier chef les aménagistes du territoire :

En premier lieu, comment reconnaît-on les successions 7

Forment-elles un continuum tel qu'une biocénose donnéepeut être placée dans la séquence même si on ne disposepas d'une série d'observations sur une longue période ?

En second lieu, quels sont les rythmes de changement desparamètres structurels et fonctionnels ? En troisième lieu,

dans quelle mesure ces rythmes sont-ils influencés parl'environnement et par les perturbations ? Et enfin,existe-t-il plusieurs stades auxquels aboutit la remontéebiologique ?

Deux méthodes principales peuvent être utiliséespour observer les successions. Dans la première, un sitepeut être observé de manière continue et l'on aboutit àune description des changements intervenus sur une par¬celle après une perturbation importante. Dans le secondcas, on peut examiner en même temps un certain nombrede parcelles d'âge différent et connu, et, en supposant queles conditions écologiques initiales étaient semblablessur toutes ces parcelles, l'évolution peut être interprétéecomme révélatrice du processus de modification. Les deuxméthodes ont leurs inconvénients. La première exige unelongue durée ; on dispose de données plus nombreusessur les premiers stades de la remontée biologique et trèspeu sur les derniers. Dans la seconde, il est difficile d'obte¬nir des données sûres sur des successions dont l'âge estsupérieur à 30 ans.

II est indispensable d'utiliser les deux méthodes pouranalyser la série complète d'une succession dans toute forêttropicale. Cependant, les conditions initiales ont des inci¬dences très importantes dans les premiers stades ; elles peu¬vent être observées directement et elles peuvent être moinsimportantes lors des derniers stades de la succession, dontl'âge doit être déduit en faisant appel aux archives ou à lamémoire des hommes.

On devrait s'intéresser aux espèces, mais si l'on voulaitsuivre et interpréter leur évolution, la tâche serait trop ambi¬tieuse et, dans de nombreux cas, impossible. Le problèmeconsiste à définir de plus grandes entités qui rendront plusfacile la description comparée des changements de la végé¬tation dans des types de forêts distincts au plan géogra¬phique et floristique. Certains écologistes (par exemple,Jones, 1 955, 1 956) ont classé les espèces en groupes en fonc¬tion de diverses caractéristiques biologiques, par exemple enespèces d'ombre et de lumière. D'autres (Richards, 1952;Ross, 1954; Budowski, 1965) ont utilisé des propriétéscomme la longévité, la vitesse de croissance, la densité dubois, les mécanismes de dissémination (chorologie), la régu¬larité de la fructification, la production de graines, la varia¬bilité des graines, et la fréquence de la présence dans diversstades de la sère. Enfin, Webb, Tracey et Williams (1972) ontutilisé le concept de couvert forestier ou de canopée : ca¬

nopée pionnière, canopée secondaire initiale, canopée se¬

condaire tardive ou ancienne, canopée climacique.

Les plus grandes modifications de l'écosystème forestiertropical sont, de loin, celles qui sont provoquées parl'homme. L'importance de ces modifications «varielargement entre les trois grandes zones forestières du mondetropical : les forêts américaines sont relativement per¬turbées alors qu'en Asie, et surtout en Afrique, les change¬ments et la destruction provoqués par l'homme défri¬chage, abattage et brûlis sont spectaculaires » (FAO,

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200 Description, fonctionnement et évolution des écosystèmes forestiers tropicaux

1958) ; et cela est confirmé par les recherches récentes. EnAfrique, les effets de l'activité humaine sur la végétationnaturelle ont été plus graves et leur durée plus grandequ'en Amazonie ou dans de vastes superficies des pluvii¬sylves indo-malaises. L'Afrique occidentale tropicale adepuis longtemps une population d'agriculteurs relative¬ment importante qui ont imprimé leur marque jusquedans les zones les plus reculées. Même dans les profon¬deurs de la forêt « primaire » on trouve souvent les tracesd'une ancienne occupation humaine (fragments de pote¬rie et charbon de bois, voir chapitre 19).

Les perturbations, lorsqu'elles ne sont pas provoquéespar le feu, commencent le plus souvent par la création detrouées ou de clairières dans la canopée supérieure. De trèspetites clairières (dont il est question au chapitre 8) ne cons¬tituent pas de perturbations au sens où on les entend ici ;

elles font en effet partie de la régénération naturelle normalede la forêt primaire, même si la chute d'un grand arbrevivant risque de créerun châbl is de taille appréciable (Lebrunet Gilbert, 1954; Baur, 1962). Les dimensions de la clairièreont une influence décisive sur l'évolution ultérieure. Richards(1952) cite certaines observations faites par Kramer dansune forêt humide de hauts plateaux à Java : « Dans desclairières artificielles d'une superficie inférieure à 10 ares, larégénération actuelle des espèces dominantes de la forêtprimaire se poursuit et leur croissance est bonne. Mais si lasuperficie des clairières est de 20 à 30 ares, la régénérationest complètement inhibée par la croissance exubérante desespèces secondaires. »

L'influence des types de sol et des conditions éda¬phiques sur la végétation et sur les stades jeunes de lasuccession est un sujet très controversé ; certains auteursestiment que l'état nutritionnel de la végétation n'est pasdirectement lié aux conditions nutritives du sol (voirGolley et al, 1975). Toutefois, le type de sol et les condi¬tions édaphiques jouent un rôle dans l'installation desgerminations et des jeunes plants ainsi que dans les pre¬miers stades de la succession, et cela pourrait expliquer lesuccès du système taungya en Asie du Sud-Est où il existedes forêts non seulement sur des sols pauvres (ferralsols),mais aussi sur des sols à tendance agricole certaine (cam-bisols, acrisols et nitosols). Mais en Afrique les sols sonten général peu fertiles et les forêts ont surtout subsistésur des sols pauvres (ferralsols) et l'utilisation du systèmetaungya pour restaurer la couverture forestière a été contes¬tée.

Agriculture itinérante

La plupart des types d'agriculture primitive pratiquée surdes terres forestières se rattachent à l'agriculture itinéranteou essartage; ils sont décrits en détail dans les chapitres 19et 20. La modification de la forêt se fait en trois phases :

abattage de tous les arbres d'une parcelle ou de la plupartd'entre eux, brûlis et culture d'une ou plusieurs plantes. Lesol est rapidement épuisé, l'exploitation est abandonnée etune nouvelle parcelle est défrichée. La succession secondairecommence alors à se dérouler sur la parcelle abandonnée.

La mise en place de plantations peut souvent présen¬ter une évolution analogue. « Dans la plupart des paystropicaux, il existe sur de vastes superficies des plantationsabandonnées sur lesquelles se déroulent les divers stadesdes successions secondaires » (Richards, 1952).

Brûlis et écobuage

Outre son rôle dans l'agriculture itinérante, le feu est éga¬

lement largement utilisé pour restaurer les pâturages et pourla chasse. D'autres incendies sont dus à des feux de campsabandonnés, et d'autres encore sont allumés sans raisonapparente. Ainsi, le feu est considéré comme un facteur bio¬tique bien qu'un petit nombre1 d'incendies puisse être attri¬bué à des causes naturelles.

On estime en général que la pluviisylve sempervirenteest relativement résistante aux incendies. Il existe toutefoisdes exceptions (par exemple en Guyana) et des incendieslocalisés peuvent se produire pendant les périodes de séche¬

resse ou lorsqu'il existe des formations végétales semi-xérophiles. Lorsque la saison sèche dépasse trois à quatremois, les incendies deviennent de plus en plus fréquents. Lapluviisylve modifiée est aussi plus sensible à l'action du feu;en effet, lorsque, à la suite des modifications, les graminéesenvahissent le terrain, elles brûlent plus facilement et l'onassiste à une évolution (incendies suivis d'une nouvelle inva¬sion de graminées) qui aboutit à une savanisation de la forêt.Batchelder (1967) donne des précisions sur les pratiques del'écobuage et sur les types d'incendies dans les trois princi¬pales zones tropicales, et il résume l'évolution de la manièresuivante : « L'utilisation du feu par l'homme dans le mondetropical a cessé de se dérouler dans le cadre du climax éco¬

logique, où il existe une relation stable et harmonieuse avecl'environnement. L'impact de la civilisation occidentale amis en route un processus qui a abouti à des changementsrapides dans l'environnement et détruit l'ancien équilibreentre l'homme et la nature (Watters, 1960). Ainsi, les carac¬tères particuliers des relations entre l'homme, la terre et lefeu peuvent être considérés dans une région quelconquecomme les étapes placées le long d'un continuum de chan¬gement. A une extrémité on trouve les zones qui sont encoretrès proches du climax écologique, dans lesquelles l'érosiondu sol et la dégradation des forêts ou des pâturages sontrelativement faibles. Les hauts plateaux de Nouvelle-Guinéeet les pluviisylves situées à l'intérieur du bassin de l'Amazonesont représentatifs de ce stade. Presque à mi-chemin, se

trouvent des zones en déséquilibre écologique dans lesquellesla croissance démographique, les changements dans les sys¬

tèmes de valeur, l'érosion du sol ainsi que la dégradation des

forêts et des pâturages ont créé une situation critique. Lapénurie de denrées alimentaires dans les régions rurales aprovoqué une sous-alimentation générale, accéléré la dégra¬dation des terres et l'exode rural. De nombreuses régionsd'Afrique et d'Amérique latine tropicales sont représenta-

1 . Dans les pays où l'on enregistre le nombre des incendies, moinsde 2 % du nombre total de ceux-ci sont attribués à des phéno¬mènes naturels (Batchelder, 1967).

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Successions secondaires 201

tives de ce stade. A l'autre extrémité, au stade de la remontéeécologique, se trouvent les zones dans lesquelles l'applicationdes connaissances scientifiques et des techniques a eu pourrésultat l'utilisation du feu comme un moyen d'aménage¬ment des forêts et des pâturages. Sont représentatives decette étape du continuum les régions d'Afrique orientale etaustrale, certaines parties de l'Inde, de la Birmanie, de laThaïlande et de l'Australie où le brûlis contrôlé est utilisé(avec des précautions adéquates pour éviter la propagationde l'incendie) et en appliquant un plan d'écobuage testéchaque année. » L'auteur ajoute : « Il semble que l'écobuageet ses conséquences aient diminué d'intensité en Océanie ainsique dans certaines parties de l'Asie du Sud et de l'Asie duSud-Est, notamment en Inde. Dans ce pays, les populationsagricoles sont devenues sédentaires alors que les paysanspratiquant l'agriculture itinérante représentent des minoritéssituées dans des régions reculées. Par contre, l'utilisation dufeu comme pratique culturale augmente dans la plupart despays d'Afrique et dans certaines régions de l'Amérique latinetropicale et subtropicale. Le taux d'accroissement démo¬graphique est élevé, en particulier au sein de la populationrurale et de nouvelles terres à défricher sont recherchées. 11

est évident que dans la majeure partie du monde tropical,les conséquences de l'écobuage sur l'environnement naturelet agricole s'aggravent à un rythme accéléré. »

Les incendies qui se produisent au début de la saisonsèche ont généralement des conséquences moins graves alorsque ceux intervenant vers la fin de cette saison entraînent unerégression plus marquée (par exemple, Freson et al, 1974).

Exploitation forestière

La modification de la forêt par l'exploitation présentedeux aspects : ouverture de la canopée et conséquencessur la végétation subsistante et sur le sol. L'exploitationsélective (écrémage), limitée à une ou à quelques espècesd'arbres ayant un diamètre minimal, peut aboutir à laformation de quelques clairières par hectare relativementrestreintes. Une telle exploitation fera disparaître certainesespèces et les arbres de certaines dimensions, mais d'unpoint de vue écologique elle n'entraîne pas une modifi¬cation majeure du système. L'autre forme extrême d'exploi¬tation consiste à faire disparaître complètement la végé¬tation ligneuse et entre les deux on trouve tous les degrésd'intensité d'exploitation forestière. L'abattage de grandsarbres endommage les autres arbres de taille plus faible.Baur (1962) cite un exemple, au Nigeria, où l'abattage de6 arbres (40 m3) par hectare a endommagé 32 % des autresarbres. Le matériel lourd de débardage provoque beau¬coup de dégâts chez les arbres et les jeunes plants ainsique le tassement du sol (voir chapitre 20). L'applicationde méthodes techniquement perfectionnées pour l'exploi¬tation des forêts tropicales a des conséquences potentielle¬ment catastrophiques parce qu'elles sont irréversibles.Dans de nombreux cas, les opérations de coupe rasepeuvent être suffisamment importantes pour provoquerl'extinction d'au moins certaines espèces de la forêt ori¬ginelle.

Érosion

L'érosion est importante là où la couverture forestièrea été détruite, par exemple par la culture itinérante, etlorsque le terrain est en pente. « Lorsque la pente du solest forte certains auteurs notent que le processus com¬mence avec une pente de 3 % un type d'érosion super¬ficielle grave se développe : disparition des horizons éda¬

phiques de surface, envasement des vallées, perte de lafertilité du sol et savanisation. Même en l'absence d'unnouveau cycle de culture, l'érosion reprend après chaqueincendie annuel des graminées. Le bassin subit des inon¬dations. Outre le ravinement et les glissements de terrainspectaculaires (surtout dans les sols légers) l'érosion peutaller jusqu'à mettre à nu les lithosols, les dalles rocheuseset de concrétions. Le site est perdu pour l'agriculture et ilsera certainement abandonné aux forestiers qui essaierontde le restaurer (Donis, 1965)». Tricart et Cailleux (1965)citent un cas de dégradation et d'érosion des sols faisantsuite à la disparition de la couverture forestière, et ilsmentionnent les formes particulières que prend cetteérosion à Madagascar : les lavakas.

Conclusion

L'intervention de l'homme en tant qu'agent de modificationet donc de changement est multiforme. A une petite échelleles forêts sont disséquées par les routes, les clairières et leshabitations. Les animaux sont chassés et les mécanismes dedissémination des graines peuvent être modifiés. Même lesactivités récréatives paraissant les plus inoffensives accrois¬sent le piétinement et le tassement du sol. A grande échelle,l'homme exploite la forêt pour le bois d' et il l'aménagede plusieurs manières pour assurer une régénération adé¬quate naturelle ou artificielle des espèces commer¬ciales et, dans les cas extrêmes, il pratique une coupe rase desforêts. Il est parfois difficile de faire une différence netteentre les modifications provoquées par l'homme et cellesprovoquées par les phénomènes naturels (incendies, allumésou non par l'homme; inondations naturelles ou résultant dela construction de barrages, etc.), mais on a de bonnes rai¬sons de considérer à part les changements naturels et ceuxd'origine anthropique. Tout d'abord les zones forestièresqui peuvent être défrichées par l'homme sont beaucoup plusétendues que celles qui le sont par des phénomènes naturels.En second lieu, les modifications provoquées par l'hommese traduisent en général par la disparition de la quasi-totalitéde la végétation. Cela a évidemment pour conséquence unappauvrissement majeur du système en éléments nutritifs.Enfin, la régénération naturelle de la zone défrichée est sou¬vent empêchée pendant des périodes d'une durée variableaprès le premier défrichage.

Étant donné l'insuffisance d'informations systéma¬tiques sur les causes et la nature des modifications d'origineanthropique dans diverses zones écologiques, il est de touteévidence nécessaire d'établir dans tout projet de dévelop¬pement important une unité de recherche opérationnellechargée d'analyser les causes et de suivre les changementsinduits.

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202 Description, fonctionnement et évolution des écosystèmes forestiers tropicaux

Régénération

Facteurs mésologiques

Les facteurs mésologiques sont très importants dans la maî¬trise de l'orientation de la régénération. « L'enlèvement dela couverture forestière modifie immédiatement les condi¬tions d'éclairement au sol qui passe de la quasi-obscurité àla pleine lumière. L'amplitude thermique augmente consi¬dérablement et l'humidité moyenne minimale de l'air devienttrès faible. On passe d'un ensemble complexe de micro¬climats caractéristique de la pluviisylve à des conditions trèsproches du climat général de la localité. L'exposition ausoleil et à la pluie modifie très rapidement les propriétés dusol. Lorsque la pente est suffisante, l'érosion décape leshorizons superficiels ou leurs fractions plus fines. L'augmen¬tation de la température du sol provoque une disparitionrapide de l'humus (Richards, 1952). » Cet auteur mentionnela perte d'azote et d'autres éléments nutritifs et il insiste surl'importance du facteur temps : « Si rien n'empêche la suc¬

cession secondaire de commencer aussitôt après le défriche¬ment, l'érosion du sol a peu de chances de se manifester etun couvert végétal fermé se forme en quelques semaines; leprocessus d'appauvrissement du sol cesse avant qu'il n'ailletrop loin et le sol, de même que le microclimat, tendent àrevenir à leur condition originelle. Si, en revanche, le défri¬chage est suivi d'une longue période de culture, surtout si laplante cultivée ne recouvre pas suffisamment le sol, la longueexposition au soleil, jointe à l'exportation des éléments nutri¬tifs par la récolte, aboutissent à des changements si profondsdans la structure et dans la teneur en humus et en élémentsfertilisants du sol que le temps nécessaire au rétablissementde l'équilibre entre le sol et la végétation, même s'il n'y a pasd'érosion importante, devient beaucoup plus grand. Oncomprend donc facilement l'importance de la durée de lapériode de culture et de la disparition de l'humus dans ladétermination du cours de la succession ultérieure et dutemps qu'elle prendra. » Le temps est un facteur de sélectiondans l'évolution (Gômez-Pompa et al, 191A) mais il est engénéral difficile « de connaître l'histoire d'une zone déter¬minée afin de se faire une idée de la succession après diffé¬rents traitements » (Whitmore, 1975). Si l'on considère lestade terminal ou peut-être les différents stades terminauxde la restauration, le facteur temps peut sembler moinsimportant : « Ce n'est pas le moment où apparaissent lesstades des types biologiques qui est significatif mais l'ordremême dans lequel ils apparaissent (Golley étal, 1975). » Cesauteurs, comme bien d'autres, font également observer queles conséquences des conditions initiales sur la successionsont très importantes dans les premiers stades et elles le sontmoins dans les stades ultérieurs.

Le feu a une double incidence sur la régénération :

directement en carbonisant les graines, les germinations etles arbres et indirectement par son action sur le sol. Cettedernière est souvent superficielle et de courte durée même siles températures à la surface atteignent des valeurs élevées;elle réduit la quantité de matière organique, modifie la tex¬ture du sol, facilite l'érosion (Schnell, 1971) et ralentit lafixation de l'azote. « On constate souvent une dégradation

de la structure due en partie à la dislocation des agrégats dusol qui se traduit par une obturation des pores (Budowski,1966). »

De nombreuses graines et la plupart des plantulessont détruites et les arbres endommagés par le feu, maisles organes qui se trouvent à quelques centimètres, ou plus,au-dessous de la surface du sol, ne seront généralementpas affectés. Il existe de grandes différences dans la tolé¬rance au feu selon les espèces ; ainsi le feu est un facteur desélection qui induit une simplification de la compositionfloristique et une complication du mode de succession.Dans les forêts tropicales humides caducifoliées le feupeut être utile pour arrêter le processus normal de la suc¬

cession et maintenir la végétation à un stade de la sèreplus rentable au plan économique. Il ne fait pas de douteque dans le passé le brûlis annuel ou quasi annuel, ainsique d'autres perturbations (pâture et culture itinérante),ont fait proliférer des espèces agressives pyrorésistantestelles que le teck (Tectona grandis) et le sai (Shorea robusta).Les incendies pourraient stimuler la germination desgraines de certaines espèces secondaires. Vasquez-Yanes(1974) l'a démontré pour Ochroma lagopus et il a soulignél'importance de la lumière et de la température pour lagermination d'espèces secondaires (parmi le genre Piperil exites des espèces photoblastiques, dont la dormancedes graines est contrôlée par l'alternance de périodes d'expo¬sition au rayonnement rouge et rouge lointain ; il existed'autres espèces, notamment certaines Légumineuses etHeliocarpus, dont la dormance des graines est tégumen-taire et qui peut être levée par des températures élevéesou par la scarification).

Des incendies répétés vont souvent infléchir la succes¬sion et conduire à un pyroclimax graminéen. La plupartdes savanes ne sont pas un climax climatique mais essen¬

tiellement le résultat d'incendies répétés, souvent annuels(Budowski, 1966; Schnell, 1971).

Facteurs biotiques

La présence de diaspores détermine la composition des pre¬mières biocénoses de la succession. Le rôle joué parfois parles rejets, qui montrent plus de vigueur que les plantules, estsouligné par Webb étal. (1972). Les grands défrichements deforêts ont favorisé l'immigration d'espèces appartenant àdes communautés moins hygrophiles (Lebrun et Gilbert,1954). Les années où la période sèche est exceptionnellementplus longue ont peut-être une importance écologique consi¬dérable (Schulz, 1960).

Guevara et Gômez-Pompa (1972) ont signalé quecertaines forêts primaires de Veracruz (Mexique) conte¬naient de 200 à 900 grainés/m2 correspondant à un nombred'espèces compris entre 1 3 et 26 ; ils ont examiné la pré¬

sence de graines dans des échantillons de sols couvertspar une végétation primaire ou secondaire et ils ont misen évidence la prédominance des graines des espècessecondaires Ageratum conyzoides, Bidens pilosa, Cliba-dium arboreum, Eupatorium sp., Heliocarpus sp., Irosinecelosia, Phytolaca decandra et Robinsella mirandae. Ilsont également démontré que la dormance de ces graines

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Successions secondaires 203

jouait un rôle important dans la succession. Ces résultatssont comparables à ceux obtenus en Afrique par Keay(1960) au Nigeria. En étudiant les graines contenues dansles sols forestiers cet auteur est arrivé à la conclusion qu'ily avait très peu d'espèces importantes sur le plan forestier,tandis qu'en revanche les graines de Musanga, espècesecondaire, prédominaient.

La régénération est également commandée par desinteractions biotiques. Anaya et Rovalo (1975) ont montréque la compétition entre végétaux pouvait être contrôlée pardes substances secondaires produites par certaines espècesde Piper et de Croton qui inhibent la germination et la crois¬sance d'autres espèces. Les divers aspects de l'allélochimieet de l'allélopathie sont présentés aux chapitres 8 et 20.

L'étude des germinations des plantules est de la plusgrande importance. Liew et Wong (1973) ont démontré quele défrichement avait de graves conséquences sur la densité,la mortalité et la croissance des jeunes plants de Diptéro¬carpacées dans les forêts vierges et exploitées de Sadak(Malaisie) où les espèces de cette famille peuvent être consi¬dérées comme des espèces primaires; dans certains cas, onconstatait la disparition de 98 % des jeunes plants.

La restauration peut être également réalisée grâce à desdrageons, à la formation de taillis ou par d'autres moyens demultiplication végétative. Chaque méthode dépend en partiede l'importance et du type de perturbation ainsi que de lanature de la biocénose. Del Amo et Gômez-Pompa (dansGômez-Pompa et al, 1 97A) ont observé que de jeunes arbres,à l'intérieur de la forêt, conservaient une dormance méristé¬matique qui peut durer très longtemps; on utilise cette fa¬culté pour l'aménagement et l'amélioration des forêts à Dip¬térocarpacées. On a également démontré (Janzen, 1970) queles prédateurs exerçaient une influence sur la répartition desespèces et cette action pouvait être modifiée par l'interven¬tion de l'homme. Vâzquez-Yanes (1974) a montré que laprésence de certaines espèces était liée à la dissémination desgraines par les chauves-souris et les oiseaux (voir chapitre 7).

Régénération des espèces et ses facteurs en Afrique

Les considérations précédentes visent à faire le point desconnaissances acquises sur les problèmes de régénérationsur un plan mondial. Dans ce cadre, les problèmes spéci¬fiques à l'Afrique et à sa forêt dense méritent d'être indé¬pendamment soulignés car ils sont nombreux, complexes,peu connus et mal résolus.

Le grand nombre des espèces composant la forêtdense tropicale africaine entraîne en effet une variabilitéquasi infinie de sa composition et induit des difficultésinouïes quant à l'étude synthétique de sa dynamique. Aussidoit-on avouer que l'on ignore encore la plupart des règlesqui guident sa régénération en place. Il faudrait y consacrerdes recherches de très longue durée, celle de la vie desarbres des parcelles étudiées, pour se faire une opinionsur les lois de cette dynamique.

On sait cependant, d'observation, que rares sont lesespèces qui se régénèrent sous « leur propre ombrage »et qu'en général cette régénération a surtout lieu dans lestrouées créées soit naturellement par la mort et la chute

d'un arbre, soit artificiellement par l'homme. Malgré touton a observé :

Que dans les forêts où l'Homme n'est pas intervenu depuisdes décennies'ou des siècles, la proportion des espècesà graines lourdes augmente lentement (Myristicacées,Sapotacées, Irvingiacées), ce qui semblerait indiquerque sous les grands arbres de ces espèces naissent etvégètent un nombre suffisant de brins de semis pourque, lorsque l'arbre géniteur meurt, un ou plusieursde ses «enfants préexistants» profite de la lumièrecréée par sa chute pour prendre sa place : c'est le casdes forêts de l'Afrique centrale à très faible densitéde population où le Pycnanthus kombo (Myristicacée)s'est installé presque partout en « peuplements lâches »,et plus spécialement du Gabon où une autre Myristi¬cacée, le Scyphocephalium ochocoa représente unifor¬mément l'espèce la plus abondante ;

Que dans les forêts où l'Homme intervient, on assiste àun enrichissement plus ou moins long en essences delumière à graines légères qui semblent profiter destrouées créées par l'homme pour se disperser en créantsouvent de véritables taches de semis (Aucoumea,Terminalia, Triplochiton, etc.) lorsque les débrousse-ments humains sont suffisamment importants ensuperficie. Ce dernier cas est celui des plantationsvivrières où les espèces à graines légères trouventdes conditions très favorables d'installation, ce qui afait dire par exemple à Aubréville que «l'okouméétait le fils du manioc » ; les nombreux inventairesforestiers réalisés récemment en Afrique démontrentd'une façon pertinente la corrélation entre la fré¬quence de ces essences et la densité de la population(Cameroun, Congo, Gabon, République Centra¬fricaine).

Donc il semble que dans la majorité des cas, la régénéra¬tion permanente de la forêt dense s'opère essentiellementdans des trouées de lumière naturelles ou provoquées.Parmi les facteurs qui la régissent on peut essentiellementretenir :

La puissance de fructification des espèces. On sait mainte¬nant que les quantités de graines fournies en moyennepar une espèce varient grandement d'une année àl'autre (l'okoumé a en moyenne une mauvaise fructi¬fication tous les trois ans) ; que certaines espècesproduisent de grandes quantités de graines « vaines »(= infertiles) tel le Triplochiton ; que certaines deces graines sont très attaquées par des parasites ourecherchées par les animaux etc. Donc les chancesde régénération d'une espèce donnée sont condition¬nées par la quantité et la qualité moyenne de sa fruc¬tification. On peut citer à ce titre l'exemple du Tri¬plochiton dont la fructification ne se produit valable¬ment qu'une fois tous les trois ou quatre ans (Came¬roun, Côte-d'Ivoire et Nigeria), ce qui explique par¬faitement qu'il ne se rencontre en forêt naturelle quepar taches très distinctes car, pour se régénérer, il adû profiter de la conjonction exceptionnelle d'unebonne année de fructification et de débroussements

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204 Description, fonctionnement et évolution des écosystèmes forestiers tropicaux

suffisants provenant de plantations vivrières afri¬caines ;

La durée du pouvoir germinatif des graines. Les graines decertaines espèces ont un pouvoir germinatif fugace(okoumé), d'autres plus long (Terminalia) ;

La quantité d'eau disponible dans le sol. Si des graines àpouvoir germinatif fugace tombent sur un sol sec,elles n'ont que très peu de chances de germer : onpeut expliquer ainsi que la limite nord de l'aire del'okoumé coïncide avec l'Equateur climatique, car,enfant de l'hémisphère sud, il fructifie en décembre-février, période de grande saison sèche dans l'hémi¬sphère nord où il n'aurait pas pu pénétrer du fait dudéficit momentané du sol en eau.

Ni la richesse du sol, ni la quantité de lumière disponiblene semblent intervenir au niveau de la germination.La quantité de lumière disponible intervient par contre

au niveau de la croissance du jeune plant. Ce dernierpeut ne jamais dépasser le stade de plantule s'il nedispose pas de la quantité de lumière que requiertsa physiologie ;

La protection du plant contre les plantes adventices. Elleest très importante car la concurrence de ces der¬nières dans le sol ou dans l'air peut être suffisantepour déformer, rabougrir ou détruire le plant. En casde régénération provoquée (naturelle ou artificielle),il faut donc « entretenir » les jeunes plantationsen les dégageant des espèces concurrentes.

Conclusion

Certains facteurs agissant sur la régénération des forêtspeuvent être facilement modifiés par l'action de l'homme.D'autres expériences devront être entreprises pour obtenirune connaissance précise et générale du processus de régé¬nération et pour pouvoir influer sur lui grâce à des manipu¬lations. Une controverse subsiste sur la probabilité et laprévision du processus de régénération. Certains auteurs(Kellman, 1970; Gômez-Pompa étal., 1974) considèrent quela régénération ne se fait pas au hasard et qu'elle est prévi¬sible alors que d'autres (Webb, Tracey et Williams, 1972)estiment que la répartition des espèces dans le premier stadede la régénération peut être modifiée par des facteurs méso¬logiques mais qu'elle est essentiellement du domaine de laprobabilité. Cette question sera examinée dans la sectionconcernant les stades de la succession (voir aussi chapitres 8

et 21).Une autre question importante qui mérite d'être étudiée

est celle qui concerne les répercussions des modifications ap¬portées à l'environnement sur la richesse spécifique, puisquedes genres tels qu'Euphorbia ont 2 000 espèces, Solanum1 700 et Piper de 2 000 à 3 000. La suppression des barrièresde reproduction et d'obstacles écologiques entre des popu¬lations isolées a facilité les échanges génétiques libres entrecelles-ci (Gômez-Pompa et al, 191A).

L'expérience africaine montre que les facteurs quiont une action déterminante sont nombreux et qu'il faut,pour qu'une régénération soit acquise, l'existence d'une

convergence de plusieurs facteurs favorables. Ceci expliqueque la régénération naturelle d'une espèce, ni aidée, niprovoquée par l'homme, est capricieuse et aléatoire. Leslois de la concurrence pied à pied, d'une espèce à l'autreou entre plusieurs pieds de la même espèce sont extrême¬ment mal connues et achèvent de compliquer un problèmedéjà fort embrouillé. Ceci peut laisser supposer que, surgrande surface, la proportion des différentes espèces peutrester assez constante dans une forêt en équilibre, maisque par contre, au niveau de quelques ares, la formationdoit être en perpétuelle évolution du fait des conditionsétroites imposées par la régénération : beaucoup d'espècesne se régénèrent pas sous elles-mêmes.

Ceci peut faire comprendre que certains forestierspréfèrent adopter des méthodes de régénération artifi¬cielle qui, si elles sont plus coûteuses, concentrent le maxi¬mum de conditions favorables.

Caractéristiques des forêts secondaires

Il faut reconnaître, sur un plan mondial, que les biocénosessecondaires sont extrêmement variées dans les pluviisylves.Mais on peut choisir à titre d'exemple pour les caractériserune «forêt secondaire typique, c'est-à-dire les premiersstades de la sère que l'on trouve dans des zones qui ontété cultivées ou exploitées pour le bois d' mais quin'ont pas été ensuite pâturées ou brûlées... en ce sens laforêt secondaire a des caractéristiques nettes et, en règlegénérale, elle est facile à reconnaître» (Richards, 1952).Leurs caractéristiques générales sont les suivantes : faiblesdimensions moyennes des arbres (bien que de grandsarbres du peuplement originel puissent subsister çà et là),structure souvent régulière et uniforme des stades trèsjeunes, et, au contraire, structure très irregulière des stadesun peu plus âgés avec de nombreuses lianes. Du point devue floristique, la forêt secondaire est beaucoup pluspauvre en espèces que la forêt primaire, et l'on y trouvepeu d'épiphytes (Lebrun et Gilbert, 1954).

« Il est difficile, voire impossible de distinguer une forêtsecondaire âgée d'une forêt vierge non modifiée; cela paraîtnormal dans la mesure où la forêt secondaire est constituéepar les stades d'une succession qui se termine par le réta¬blissement du climax climatique. Les climax biotiques résul¬tant de successions infléchies peuvent ressembler beaucoupà d'autres climax climatiques mais pas à la pluviisylve dontils proviennent (Richards, 1952). » Dans certains cas, lefaible nombre d'arbres de petite taille par rapport aux grandsarbres d'une espèce donnée peut s'expliquer par le fait quela forêt est une ancienne communauté secondaire.

Les arbres constituant les premiers stades de la succes¬sion ont un certain nombre de propriétés communes quidiffèrent de celles des arbres prédominants de la forêt pri¬maire. Les arbres de la forêt secondaire typique sont hélio¬philes et ils exigent au moins 75 % de la pleine lumière dujour. La plupart ne peuvent se régénérer sous leur propreombrage. Leur croissance est rapide : de 1 à 4 m/an dehauteur et de 2 à 4 cm/an de diamètre. Leur floraison est

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Successions secondaires 205

précoce et la dissémination de leurs diaspores est efficace, engénéral par le vent ou les animaux (anémochorie ou zoo-chorie). Leur longévité est faible, ils atteignent rapidementleurs dimensions maximales et meurent souvent vers 15 ans;ils ne dépassent 25 à 30 ans que dans des cas exceptionnels.Il s'agit souvent d'espèces grégaires, leur bois est léger,tendre et ne se conserve pas longtemps (Richards, 1952;Lebrun et Gilbert, 1954; CTFT, 1974). Il existe égalementune faune secondaire (prédateurs, pollinisateurs et agents dedissémination). La figure ci-après, extraite de la publicationde Gômez-Pompa et Vâzquez-Yanes (1974), illustre le cyclebiologique d'espèces secondaires typiques d'Amérique tro¬picale. Hopkins, Webb et Williams (1975, non publié) décri¬vent quant à eux les caractéristiques des types de couvertforestier (canopée pionnière, secondaire jeune, secondaireâgée et évoluée).

Il semble que les espèces secondaires aient des préfé¬rences plus marquées que les espèces primaires en ce quiconcerne les sols (Richards, 1952; CTFT, 1974). Kellman(1969) pense que les espèces secondaires recyclent davantageles éléments nutritifs que les espèces primaires et que cer¬

taines plantes (Tréma orientalis et Melastoma polyanthum)rechargent cn phosphore et en potassium les horizons super¬ficiels du sol. Cela explique également la croissance de ces

plantes sur des sols pauvres. Nye et Greenland (1960, voirchapitre 20) ont enregistré les modifications des teneurs enéléments nutritifs au fur et à mesure que la succession se

développe. L'accumulation d'éléments nutritifs est associéedans une grande mesure à un accroissement de l'humus pro¬venant de la litière. L'intensité d'augmentation de l'humusdépend du niveau maximal des caractéristiques de l'humusdu système évolué et de la mesure dans laquelle le sol se

trouve au-dessous de ce niveau. Ces auteurs pensent égale¬

ment que le rapport C/N ne change pas sensiblement pendantla succession et ils estiment que l'accroissement de l'azoteest essentiellement dû à la fixation non symbiotique. L'aug¬mentation des teneurs en P, K, Ca, était également étroite¬ment liée à la végétation, bien que la quantité totale de ces

éléments soit beaucoup plus grande dans la végétation quedans le sol.

La formation de la biomasse végétale et par conséquentla réserve d'éléments nutritifs peuvent être rapides. Danscertains cas, la couverture et la surface foliaires sont en 6 ans -

environ identiques à celles d'une forêt évoluée (Golley et al,1975). Ainsi, bien que l'occupation initiale d'un site par unesérie déterminée d'espèces semble se faire au hasard, ou êtreextrêmement variable, et bien que la restauration complètede l'écosystème exige des centaines d'années, cette restau¬ration se déroule suivant une séquence répétitive et prévisibledes types biologiques et les caractéristiques fonctionnelles del'écosystème se reconstituent assez rapidement (Golley et al,1975). Le stade de la forêt secondaire peut être « le point oùla biomasse et la production sont maximales dans la sère dela forêt tropicale » (Kira et Shidei, 1967, voir chapitre 10).Jordan (1971, voir chapitre 10) a montré qu'à Porto Ricol'accroissement annuel de biomasse était plus grand dans lavégétation secondaire que dans la végétation primaire.

Les similitudes entre les forêts secondaires jeunes desdifférentes régions tropicales sont frappantes. « Il est

remarquable de constater les homologies, non seulementphysionomiques mais aussi floristiques, qui existent entreles formations secondaires jeunes des divers territoirestropicaux. Certains genres y sont communs, avec un aspectcomparable et un rôle semblable dans les paysages : Tréma(Afrique, Amérique, Asie), Vismia (Afrique, Amérique),Scleria grimpants (Afrique, Amérique), Mussaenda (Afri¬que, Asie), Leea (Afrique, Asie), etc. Les Cecropia jouentdans la végétation secondaire jeune de l'Amérique humide,le même rôle que Musanga cecroploldes dans celle d'Afri¬que ; le port et l'aspect sont les mêmes ; Musanga etCecropia ont, les uns et les autres, leur origine dans certainsgroupements ripicoles héliophiles, où ils vivent naturel¬lement (Schnell, 1971) ». Il existe cependant plusieursexceptions à cette règle ; certaines sont exposées dans lasection suivante consacrée à des exemples de successions.

Une étude spécifique à l'Afrique fait ressortir lesconnaissances particulières suivantes concernant ce Conti¬nent.

Forêt dense humide

L'évolution provoquée par l'homme peut se traduire dedeux façons : la formation de forêts secondaires ou par¬fois l'élimination de la forêt dense humide au profit desformations de savane.

Le déplacement de la forêt dense humide en vue del'établissement de cultures vivrières entraîne la disparitionde la plupart des grands arbres et du sous étage, qui sontcoupés et brûlés en saison sèche ; seuls restent en placequelques arbres trop gros ou trop durs pour être abattus.Cependant les dégâts se limitent aux terrains défrichéscar la forêt dense humide ne brûle pas.

Après 2 ou 3 ans, quelquefois un peu plus selon letype de culture, le terrain est abandonné et au cours desannées qui suivent, la forêt se reconstitue : recrû secon¬daire, forêt secondaire jeune puis, quelques dizainesd'années plus tard, forêt secondaire âgée qui aura la phy¬sionomie de la forêt initiale avec une composition pla-nistique différente. Les essences de lumière sont caracté¬ristiques de la forêt secondaire :

Le Parasolier (Musanga cecropioides) pour les jeunesforêts secondaires.

Triplochiton scleroxylon, Terminalia superba, Pycnanthusangolensis pour les forêts secondaires âgées semi-décidues et même sempervirentes, car c'est à la faveurde défrichements que ces essences peuvent s'y intro¬duire.

Il existe en Afrique de vastes zones forestières dont l'ori¬gine est sans doute secondaire ; c'est le cas de la forêtlittorale du Gabon à Aucoumea klaineana et Sacoglottlsgabonensis dont la richesse relative en okoumé est liée àla présence autrefois de nombreuses populations d'agri¬culteurs qui ont aujourd'hui disparu (Aubréville).

Ce serait peut-être aussi le cas au Cameroun de laforêt à Lophira alata (azobé) et Sacoglottls gabonensis,riche en azobé qui pourrait remonter à des défrichementseffectués au xvme siècle (R. Letouzey).

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206 Description, fonctionnement et évolution des écosystèmes forestiers tropicaux

Végétation secondaire Végétation primaire

Fréquemment anémochoreou endozoochore

MDissémination

U| Fructification |

Fréquemment barochoreou zinzoochore

Moindre spécificitédes pollinisateurs

Saison de floraison souventprolongée ou continue

trinisa

U

Pollinisation

Floraison

fr

Plus grande spécificitédes pollinisateurs

Saison de floraison courteet bien définie

Précoce -* Maturité sexuelle <- Tardive

HéliophileFaible longévité

Compétition surtoutpour la lumière

U| Plante adulte j

trSélection et développement

U

Héliophile ou sciaphileGrande longévité

Compétition pour des

ressources inconnues

Courte période de croissance,se poursuit jusqu'à la maturité

Compétition pour la

lumière et l'espace

HéliophileRapidement indépendante desréserves de la graine

Sélection et développement j Prédation

Provoquée par des facteurs micro -climatiques tels que thermopériode,lumière ou écobuage;n'exige pas une forte humidité

Petite, produite en grand nombre,

dormance prolongée,viabilité étendue,dissémination sur une longuedistance

Y Plante jeune ]

tritdév

U| Plantule J

yminati

MGraine

II"

Longue période de croissanceparfois interrompue pendant uncertain temps

SciaphileLongtemps dépendante desréserves de la graine

GerminationImmédiate ou induite par des

facteurs biotiques comme la

scarification; exige une forte humidité

Volumineuse,produite en faible nombre,dormance brève ou inexistante,viabilité réduite,dissémination sur courte distance

Cycles biologiques des espèces végétales. Chaque étape peut être isolée et l'on peut prévoir une série de projets de recherche quicontribueront à la compréhension de l'ensemble (Gômez-Pompa et Vazquez-Yanes, 1974).

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Successions secondaires 207

Souvent, la forêt dense humide ne peut se reconstituer.C'est le cas des défrichements qui sont effectués en limitede la savane. Là en effet les herbes de savane brûlent et lesfeux de brousse empêchent la forêt dense de se reconsti¬tuer, d'autant qu'il s'agit de forêts souvent en équilibrefragile.

La forêt défrichée laisse alors la place à une savane àPennisetum purpureum qui brûlera assez régulièrementet dans laquelle s'installent les essences de savane adaptéesau feu.

D'autre part, le système de cultures itinérantes, pourpermettre une reconstitution de la forêt, suppose unelongue période de jachère forestière qui souvent n'estmaintenant plus possible car la population s'accroît ;

elle est maintenant fixée et ne veut pas de terrains deculture trop éloignés du village et il existe de plus desagglomérations importantes.

Dans ce cas le terrain s'épuise et après une série derotations culturales trop rapides laisse la place à uneassez pauvre savane à Imperata cylindrica.

On peut penser que jusqu'au xvn* siècle la surface,sinon la composition floristique de la forêt dense humiden'a pas été sensiblement modifiée par des habitants peunombreux vivant en symbiose avec le milieu naturel.

Au cours du xvne siècle, du xvme et dans certainesrégions du xixe siècle seulement, l'augmentation impor¬tante de la population à l'intérieur de la zone forestière,par l'arrivée en particulier de peuples de savanes, a amenéune modification de la composition de la forêt densehumide mais aussi une réduction considérable de lasurface qu'elle couvre.

Cette régression continue ; une étude effectuée par lecentre technique forestier tropical à l'occasion de l'inven¬taire de la forêt dense de la Côte-d'Ivoire en 1966 a montré,en se basant sur une interprétation statistique de photo¬graphies aériennes prises d'une part entre 1954 et 1957,d'autre part en 1966, qu'en 10 ans, 2 800 000 ha de forêtdense, sur une surface de 9 799 000 ha, étaient passés del'état boisé à l'état de cultures, jachères ou recrû secondaire.

Ceci est dû essentiellement à l'extension du réseauroutier en particulier pour les besoins de l'exploitationforestière. Cette extension permet en effet une pénétrationfacile des massifs forestiers par les cultivateurs qui yinstallent leurs cultures sur défrichements.

On peut admettre avec Aubréville que la forêt densea dû couvrir, sous réserve de certaines conditions de sol,au moins toute l'aire correspondant au climat guinéenforestier pour laquelle elle constitue un climax.

Forêt dense sèche

La forêt dense sèche est, elle aussi, défrichée par l'hommepour l'établissement de ses cultures. Le terrain abandonnédonne alors une savane boisée issue de rejets de souche etde drageons, colonisée par des espèces xérophiles venuesde régions plus sèches et surtout, si les feux de broussese répètent, par des espèces adaptées au feu.

D'autre part, dans les forêts denses sèches, sans qu'ily ait défrichement, le feu se propage assez facilement dans

le sous-bois en saison sèche ; il suit des couloirs mais se

trouve assez vite arrêté dans des zones plus vertes de sortequ'un seul passage du feu ne peut incendier des surfacestrès élevées. Mais si le feu se répète d'année en année, lesgraminées s'installent ; désormais le terrain sera chaqueannée parcouru par le feu et le processus de savanisationest entamé. Si ce processus se limite à la disparition dusous-bois, il peut donner des forêts claires.

Ainsi, si le défrichement est normalement nécessairepour détruire une forêt dense humide en équilibre avec lemilieu, le feu seul suffit pour transformer les forêts sèchesdenses en savanes boisées.

Il est ainsi probable que la régression de la forêtdense sèche est très antérieure à celle de la forêt densehumide. La forêt sèche dense avec son sous-bois serré etenchevêtré est un obstacle à la circulation, on y marchedifficilement, mais ce sous-bois en saison sèche brûlefacilement et il est probable que l'homme, dès qu'il adisposé du feu, l'a incendié pour chasser, dégager lesabords de son campement, se déplacer à la recherche denouveaux territoires.

Ceci peut expliquer selon Aubréville comment unepopulation peu nombreuse a transformé en savanes laplus grande partie de l'Afrique sèche et demi-sèche quiétait couverte de forêts denses sèches ou claires ; tel est lecas des forêts de Casamance et de vastes étendues fores¬tières de République Centrafricaine (Dekoa, Bakouma,Ippy, Rafaï, Lamio) recouvertes autrefois de forêts densessèches ou dominaient les Albizia, en savanes ouvertesplus herbeuses que forestières.

Ces formations constituaient réellement des positionspionnières pour la forêt dense, des «forêts-limites»particulièrement vulnérables du fait d'une pluviométrieà peine suffisante d'une saison sèche longue (4 à 5 mois)et accusée et d'une présence humaine forte dans les savanesenvironnantes.

Forêts de montagne

Les forêts d'altitude sont dans les pays tropicaux, beau¬coup plus encore que les forêts de plaine, exposées à ladestruction par les feux ou par les défrichements suivisdu feu. De nombreux facteurs rendent en effet les forêtssensibles à l'incendie : humidité absolue moins grande del'air, vents violents parfois secs, forte sécheresse et échauf-fement de la surface du sol pendant les périodes d'insolation,xérophilie fréquente des formations situées sur les pentes.

Leur destruction est d'autant plus grave que sur lespentes le sol dénudé est entraîné par les pluies. Elles sontremplacées par des savanes.

Il est probable, selon Aubréville, que beaucoup dehautes terres actuellement couvertes de savanes parfoisarborées ou arbustives (hauts plateaux du Katanga)avaient pour climax une végétation forestière.

Quelques caractères généraux des espèces secondaires enAfrique

Lorsque l'homme supprime par abattage ou incinérationtout ou partie des espèces constituant un écosystème fores-

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208 Description; fonctionnement et évolution des écosystèmes forestiers tropicaux

tier de forêt dense, des espèces forestières s'installentgénéralement dans les trouées d'abattage : on les qualified*« espèces forestières secondaires ». Elles sont en généralcomplètement différentes des espèces abattues et vontconstituer un nouvel écosystème forestier qui, s'il n'estpas à nouveau mutilé par l'Homme, peut évoluer avec letemps vers une formation relativement voisine de l'éco¬système initial.

On peut caractériser ainsi les espèces forestières secon¬daires :

Elles sont héliophiles. Les espèces forestières secondairesne peuvent pousser qu'en pleine lumière, en pleindécouvert dans des niveaux d'éclairement relatifcompris entre 75 et 100. Si par accident, ou en limitedes trouées de lumière où elles se sont installées, ellesviennent à être surcimées, leur croissance s'arrêtetrès vite, leur cime se déforme et elles peuvent dis¬paraître complètement ;

Elles sont de croissance rapide, sinon très rapide. Cettecroissance se situe en hauteur entre 1 et 4 mètres/anet en diamètre entre 2 cm et 4 cm/an. Leur houppierest souvent très fourni, de sorte qu'on les qualifieà juste titre d'« envahissantes » car elles éliminentou gênent considérablement les autres espèces quitentent de s'installer. A ce titre, elles constituent trèsgénéralement une gêne importante dans les plantationsd'espèces de grand intérêt économique et, lors desopérations d'entretien, il faut les supprimer soit àla machette, soit par empoisonnement, soit par arra¬chage ;

Elles sont de faible longévité. Sur le plan biologique,c'est un peu une conséquence de leur grande rapiditéde croissance, les deux caractères étant généralementantagonistes. Ce caractère relève certainement ausside la concurrence qu'elles se font entre elles dans lesol et pour la lumière. Quelle qu'en soit la raison, lavie de ces espèces s'arrête généralement vers la 15e

année, et ne semble dépasser que très exceptionnelle¬ment 25 ou 30 ans dans les meilleures conditions ;

Elles sont sélectives par rapport au sol. Les inventairesqui ont pu être faits dans les « brousses secondaires »montrent qu'en dehors de rares ubiquistes (Trémaguineense), la plupart de ces espèces secondaires sontliées à certaines natures de sol, ce choix devant relevertant de leur structure que de leur composition chimi¬que. C'est ainsi que Alchornea semble préférer lessols sableux, Musanga et peut-être Harungana lessols argileux ; de toutes façons, sur sols sableux,la vigueur du recrû formé par ces espèces est plusfaible que sur sols silico-argileux ou argileux. Mais ilest certain que nous avons encore beaucoup à appren¬dre en ce qui concerne les relations sol-végétation.

La légèreté et la faible dureté de leur bois relèvent de leurrapidité de croissance et de leur faible longévité car leurbois n'a pas le temps de se duraminiser. C'est parmi ces

espèces que l'on trouve les bois présentant les plus faiblesdensités parmi toutes les espèces forestières mondiales :

0,1 à 0,2/0,3.

Sur le plan économique, ces caractères technologiquesles écartent des emplois où le bois doit présenter de bonnesrésistances mécaniques ; elles peuvent être utilisées tou¬tefois en sciages et déroulages de caisserie, pour certainsemplois spéciaux où la légèreté prime tout (containersd'aviation, modèles réduits d'aviation, etc.). Mais leuravenir réside surtout dans leurs emplois possibles en pâte àpapier et panneaux légers ; du fait de leur installationnaturelle derrière des abattages forestiers elles devraientprésenter de l'intérêt pour des usines de pâte qui utili¬seraient d'abord la forêt préexistante, puis ces espèces dontl'installation n'impliquerait aucun frais financier. Desétudes et recherches sont envisagées dans ce domaine(Gabon, Côte-d'Ivoire).

Mais un de leurs avantages primordiaux reste leurpouvoir colonisateur qui leur permet de protéger immé¬diatement le sol après les abattages réalisés par l'homme.Elles constituent de ce fait un chaînon dans la chaîneécologique qui, dans de bonnes conditions et si l'hommelaisse faire la nature, permet de reconstituer un nouvelécosystème forestier dont la structure (sinon la composi¬tion botanique) redeviendra très voisine de celle de l'éco¬système forestier initial ; grâce à elles, la forêt dense peutsuccéder à nouveau à la forêt dense et réétablir l'équilibreécologique initial au sens large du terme.

Un cas très intéressant sur le plan économique estcelui des abattages forestiers prévus par l'exploitationde la forêt dense à des fins papetières : il s'agit de savoiren effet s'ils seront suivis de l'installation de formationssecondaires à composition floristique assez constantedont les composantes auraient une valeur papetière inté¬ressante, car dans l'affirmative, il ne serait plus nécessaired'envisager des plantations après la coupe de la forêtpréexistante. Des essais sont prévus à ce titre au Gabon,en Côte-d'Ivoire et au Cameroun.

En conclusion, l'insuffisance de nos connaissancesporte essentiellement sur :

Les relations sol/végétation concernant les espèces secon¬daires ;

Les règles de la substitution à une forêt dense abattue« à blanc » d'une brousse d'espèces secondaires surle plan de la composition floristique et de la valeurtechnologique de cette dernière.

Espèces secondaires et forêts secondaires

On mêle trop souvent, du fait d'une terminologie confuse« espèces secondaires » et « forêts secondaires » ; onconfond ainsi espèces et formations.

Les espèces secondaires sont celles qui s'installentspontanément dans les défrichements d'une forêt natu¬relle, qu'elle soit primaire ou secondaire.

Les formations secondaires sont des biotopes fores¬tiers constitués par des espèces secondaires colonisatricesde places vides, mais aussi par des espèces héliophilesde grands arbres (Terminalia, Triplochiton, Aucoumea,etc.) qui s'installent progressivement au milieu des pre¬mières colonisatrices, souvent caractéristiques des forêtscaducifoliées et qui par leur présence amorcent le gradient

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Successions secondaires 209

de reconstitution de la forêt : les forêts d'azobé (Lophiraalata) de I'Ouest-Cameroun sont des forêts secondaires,alors que l'azobé n'est pas une essence forestière secon¬daire.

Stades de la succession

La succession présente en général dans les pluviisylves descaractéristiques semblables dans les trois régions tropicaleshumides du monde et, à moins d'être infléchie par le pâturageou par l'écobuage et la culture répétés, elle tend à reconsti¬tuer le climax climatique à travers une série de biocénoses :

plantes herbacées, buissons, arbres de petite taille à crois¬sance rapide et à faible longévité, grands arbres caractéris¬tiques de la forêt secondaire généralement héliophiles et àcroissance rapide et enfin les espèces de la forêt primaire. EnAmérique le stade de la forêt secondaire est souvent dominépar des espèces de Cecropia; en Afrique et en Malaisie parMusanga cecropioides et par des espèces de Macaranga res¬pectivement qui sont toutes à croissance rapide avec unedissémination efficace des graines, ce qui facilite leur éta¬blissement temporaire. Les espèces de Tréma se rencontrenten Afrique et en Malaisie. Si elles ne sont pas modifiées parle feu, le pâturage ou le défrichement, les forêts secondairessont progressivement envahies par des espèces de la forêtprimaire, et elles évoluent vers le climax climatique, proba¬blement sur une très longue période (FAO, 1958). Le stadedes plantes herbacées et des Graminées peut ne pas dépasserquelques semaines ou quelques mois.

La culture et l'écobuage répétés, ainsi que d'autres fac¬teurs, « modifient le cours de la succession en donnant àcertaines espèces l'avantage sur d'autres. Ces pratiques abou¬tissent souvent au remplacement de la forêt par une prairiequi simule un climax édaphique ou climatique » (Richards,1952); ou parfois à un type de végétation buissonneuse avecarbres dispersés de taille moyenne, comme c'est le cas sur degrandes superficies en Afrique. D'ailleurs, au sujet de laquestion relative à la limite savane-forêt, la plupart desauteurs sont d'accord pour estimer que les savanes sont engénéral d'origine anthropique (Budowski, 1965; Schnell,1971).

Dans les forêts humides caducifoliées, la successionévolue souvent vers des types semi-caducifoliés, où les es¬

pèces caducifoliées héliophiles sont progressivement élimi¬nées par les espèces sempervirentes dont l'ombre les empêchede se développer. Cette tendance est accélérée par les mesuresde protection contre le feu alors que les incendies annuels laralentissent (FAO, 1958).

Caractères généraux

Budowski (1965) a établi une liste des caractères générauxde la séquence des types biologiques, en vue de son utilisationdans l'aménagement du territoire. Le tableau 1 résume lesnombreuses observations de cet auteur sur les stades de lasuccession dans les biocénoses forestières tropicales. Plu¬sieurs points méritent d'être soulignés. Premièrement, lenombre d'espèces par unité de surface augmente générale

ment au fur et à mesure que la succession avance. Nonseulement un groupe d'espèces en remplace un autre, maisle nombre d'espèces et la répartition des individus au sein decelles-ci varient. Deuxièmement, la biomasse végétale aug¬mente ainsi que la réserve d'éléments nutritifs, la couvertureet la surface foliaires. Dans des peuplements secondaires dePanama, ces éléments présentent au bout de six ans les va¬leurs caractéristiques d'une forêt évoluée (Golley et al,1975). Ainsi les intensités de la photosynthèse et de la trans¬piration de l'écosystème retrouvent rapidement leur niveauinitial. D'autre part, les conditions microclimatiques sontrapidement reconstituées; Ross (1954) a constaté que dansune forêt secondaire de 14 ans les conditions mésologiquesau niveau du sol ressemblaient beaucoup à celles d'une forêtévoluée. En résumé, si la réoccupation initiale d'un site parun ensemble d'espèces peut sembler due au hasard ou extrê¬mement variable et si la restauration intégrale de l'éco¬système peut exiger des centaines d'années, cette remontéebiologique épouse une succession répétitive et prévisiblede types biologiques, de sorte que les caractéristiques fonc¬tionnelles essentielles de l'écosystème sont assez rapidementreconstituées.

Tableau 1. Caractères généraux de la succession forestière dansles régions tropicales de basse altitude (d'après Budowski, 1965)

Compositionfloristique

StratesTroncs de grand

diamètreSous-boisForme des houppiers

Age des arbresGrainesRégénération

des essencesdominantes

Croissance(diamètreet hauteur)

Longévitédes espècesdominantes

Dimensionet formedes feuilles

Dureté et densitédu bois

Lianes

Épiphytes

Stade pionnier

Un petit nombred'espèces largementrépanduesPeu nombreusesAucun

DenseUniforme, vert trèspâleIdentiquePetitesInexistante

Rapide

Faible

En grande partiemacrophylles

Tendre, léger

Quelques espèces,nombreux individus,la plupart herbacées

Quelques espèces

Stades ultérieurs

Espècesnombreuses

PlusieursPrésents

Moins denseVariée,vert foncéDifférentGrossesFréquente

Lente

Grande

Surtoutmicrophylles

Dur, lourd

Nombreusesespèces,peu d'individus,grandeset ligneusesNombreusesespèces

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210 Description, fonctionnement et évolution des écosystèmes forestiers tropicaux

Rythme

Peu d'études ont été faites en Afrique sur le rythme dessuccessions. Il conviendrait d'effectuer des recherches enutilisant plusieurs parcelles, avec une description détailléedes conditions mésologiques. En dehors de l'Afrique, àMindanao (Philippines), Kellman (1970) a étudié desparcelles d'âge identique dans des conditions de milieudifférentes, et des parcelles d'âge distinct situées dans desconditions mésologiques identiques. Les résultats decertaines de ses observations sont résumés au tableau 2qui montre nettement les variations entre parcelles dumême âge. S'il existe une tendance générale à l'accroisse¬ment de la biomasse et du nombre d'espèces, l'amplitudede la variation entre les différentes parcelles peut être del'ordre de 5. Snedaker (1970) a réalisé une étude analogueau lac Izabel (Guatemala). La variation des valeurs de labiomasse (tableau 3) selon les parcelles est également trèsgrande. Ces deux études montrent que, lorsque l'échan¬tillonnage est adéquat, les biocénoses de la sère semblentdevenir plus proches les unes des autres. On ne disposepas d'un nombre d'échantillons suffisant pour déterminerle rythme des modifications dans la composition desespèces, la biomasse, la production ou les réserves denutriments dans les successions forestières tropicales.En se basant sur les études faites sur la production et labiomasse des écosystèmes forestiers du Pacifique occi¬dental, Kira et Shidei (1967, voir chapitre 10) suggèrentla forme des courbes relatives à la vitesse probable dessuccessions des forêts tropicales. Il existe une périodeinitiale d'accroissement rapide de la biomasse et de laproduction qui atteignent un niveau maximal dans lesdernières phases de la sère, pour ensuite diminuer Iégère-

Tableau 2. Biomasse épigée et nombre d'espèces végétales dansdes parcelles de végétation secondaire à Mindanao, Philippines(d'après Kellman, 1970)

Tableau 3. Variation de la biomasse au cours de la successionvégétale au lac Izabel, Guatemala (d'après Snedaker, 1970)

Age (années)Biomasse (poidsde matière fraîcheen kg/ha x IO-"}

Nombre d'espècesvégétales

1,01,02,53,06,57,07,07,0

19,019,019,019,021,023,027,027,0Maturité

31233927

119117

8327

136116103

8113484

419370

11205

481044521667746265061

61

559323817885

Age (années)

0,831

23

45

678

910

Nombrede parcelles

1017167

1616161644

32

Moyenne

9 4158 327

1419922 8202690836 66644 66946 65865 82372 40353 303

Biomasse (kg/ha)

Écart

4 430- 14 1403 870- 15 6905 600- 27 5609 480- 46 240

12 920- 48 18012 210- 84 42014 730- 70 16014 400- 96 83029 070- 97 93026090-114 24010 000-210 320

ment jusqu'au stade de la maturité. Le stade le plus carac¬téristique de la forêt secondaire est probablement celuioù la biomasse et la production sont maximales. En admet¬tant que la courbe de Kira et Shidei représente de manièresatisfaisante la vitesse ou le rythme de la succession dansles forêts tropicales et, connaissant les caractéristiquesde la forêt évoluée, on peut prévoir la vitesse moyenne dela succession. Ces considérations théoriques permettraientde procéder à des observations des faits dans des peu¬plements réels, qui exigeraient des sondages dans desforêts d'âge différent, un choix correct des placeaux dansune zone forestière assez grande pour pouvoir disposer dezones non modifiées et de parcelles protégées de façonpermanente et pouvant être manipulées expérimentale¬ment. Il serait extrêmement utile de procéder à des sériesd'expériences de ce genre dans des régions et des milieuxdifférents. En procédant ainsi on pourrait faire des prévi¬sions sur l'évolution de la succession dans le cas de diverstypes de modifications et calculer les coûts pour l'environ¬nement et l'économie résultant d'erreurs commises dansl'aménagement du territoire.

Stade terminal

Richards (1952) et Cousens (1965) contestent l'existenced'un état stable de maturité dans la forêt tropicale humide.Ils estiment que la forêt naturelle se compose toujours d'unemosaïque de stades d'âge différent dans lesquels on trouveen proportions variables les éléments jeunes, intermédiaireset âgés de la sère. Cette notion d'un équilibre dynamique dela forêt tropicale est probablement plus proche de la réalitéque la notion antérieure de biocénoses forestières clima¬ciques. Ces successions aboutissent à des résultats qui sontfonction de l'évolution antérieure et de la disponibilité desêtres vivants ainsi que des conditions mésologiques.

Lorsque les perturbations sont très étendues et conti¬nues, la succession peut être retardée et infléchie vers unebiocénose qui peut supporter ces conditions. La forêtde pins de la Cordillère centrale de Luzon, est un exemple

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Successions secondaires 211

de pyroclimax dans le domaine normal d'une forêt tro¬picale feuillue. Il est extrêmement important de faire desprévisions exactes quant aux stades terminaux de la suc¬

cession afin que les paysages ne soient pas traités à pos¬teriori mais que les perturbations soient contrôlées de telle.;orte que même si des erreurs d'aménagement sont com¬mises, la restauration pourra reconstituer l'écosystèmeantérieur (voir chapitre 8).

Exemples africains

Un certain nombre d'exemples de succession faisantsuite à une transformation de la forêt peuvent être présen¬tés pour l'Afrique et pour des formations pantropicales.

Zaïre

Après défrichement et un cycle cultural court, la successionse déroule selon le schéma caractéristique suivant : plantesnitratophiles (rudérales) ubiquistes postculturales, phasepréforestière, forêt secondaire jeune, forêt secondaire âgée,reconstitution de la forêt originelle, chaque phase étant pluslongue que celle qui la précède. Or seules les régions prati¬quement inhabitées sont encore recouvertes par la forêtprimaire; partout ailleurs les essarteurs s'attaquent auxformations secondaires mélangées aux reliques de la forêtprimaire. Il en résulte une structure extrêmement intriquée.

A la fin d'un cycle cultural ou après le passage desfeux, la zone est occupée par une association nitratophile àCaloncoba welwitschii et Tréma orientalis (lorsqu'une savanesecondaire est protégée du feu, ce ne sont pas les arbustespyrorésistants et xérophiles de la savane, mais ceux appar¬tenant à cette association qui occupent le terrain). A cettephase succède bientôt une formation secondaire jeune àMusanga cecropioides qui atteint son développement optimalau bout de huit à dix ans lorsque le stade antérieur a prati¬quement disparu. Musanga atteintune hauteur de 1 5 à 20 m ;

c'est une essence de lumière stricte, qui renouvelle sonfeuillage à un rythme rapide et contribue activement à lareconstitution de l'humus du sol; son houppier en forme deparapluie laisse passer suffisamment de lumière pour leshéliophytes facultatifs et d'autres essences de la forêt secon¬daire qui traversent la canopée ; on assiste alors au déclin dela formation à Musanga. Les stades suivants sont dominéspar des héliophytes moins stricts, à croissance assez rapide,qui atteignent une hauteur de 35 m, tandis que le sous-boisde la phase à Musanga persiste pendant longtemps. Lesespèces de la forêt secondaire âgée qui se multiplient pro¬gressivement représentent le stade aboutissant à une recons¬titution du type initial de forêt; la plupart de ces espècessont caducifoliées.

Dans certaines régions du Zaïre, l'abattage incontrôléd'arbres pour la fabrication du charbon de bois a pris aucours des dernières années des proportions considérables.

Nigeria

Dans la réserve forestière d'Omo (autrefois Shasha), desobservations ont été faites dans des parcelles non cultivées

pendant cinq ans et demi, quatorze ans et demi et dix-septans et demi. Les premiers (mais éphémères) envahisseurssont les adventices des terres cultivées. Le stade suivantcorrespond à des espèces caractéristiques de la forêt secon¬daire : Musanga cecropioides, Tréma guineense, Vernoniaconferta, V. frondosa et Fagara macrophylla. Ces essencesont une taille suffisante pour supplanter les adventices;elles acquièrent une place dominante et la conservent pen¬dant quinze à vingt ans. Quelle est l'espèce qui devientdominante la première 7 C'est, dans une certaine mesure, unequestion de chance, mais la présence dans la zone ou auvoisinage de celle-ci de diaspores au moment opportunjoue également un rôle. Le facteur chance peut devenir moinsimportant et le facteur concurrence au contraire plus déter¬minant lorsqu'une biocénose fermée s'est constituée.

Partout Musanga cecropioides devient dominant aubout de trois ans. II ne semble pas croître sur un sol dénudé,mais il exige un couvert végétal. L'espèce subdominante estMacaranga barteri. Musanga ne se régénère pas à sonpropre ombrage et il meurt de vieillesse à quinze ou vingtans. A ce stade, d'autres espèces ont atteint une hauteurde 20 à 25 m (espèces d'Albizia, Anthocleista, Diospyros,Discoglypremna , Funtumia, Sarcocephalus, etc.); sont éga¬

lement présents de jeunes arbres appartenant aux espècesdominantes de la pluviisylve. La tendance vers le rétablis¬sement du climax est évidente mais la jeune forêt proche dece climax contient encore une forte proportion d'espècesde lumière. Il est probable que se produiront d'autres modi¬fications de longue durée jusqu'à ce qu'un état plus stablesoit atteint.

Afrique occidentale

Plusieurs espèces qui sont normalement présentes dans laforêt primaire et qui possèdent une plasticité écologiqueassez grande peuvent participer aux premiers stades de lasuccession (par exemple Heisteria parvifolia, certains Ficus,Palisota hirsuta), ainsi que des espèces héliophiles appar¬tenant aux genres Pycnanthus, Triplochiton et Terminalia.Mais la formation secondaire basse est surtout caractériséepar la présence de plusieurs arbustes qui, normalement,n'appartiennent pas à la forêt primaire de la région. Certainsfont partie des biocénoses ripicoles (par exemple, Alchorneacordifolia, Macaranga, Musanga cecropioides, Costus), d'au¬tres à des formations édaphiques relativement basses etsèches telles que celles situées sur les crêtes rocheuses (parexemple Holarrhena, Newbouldia). Au niveau des ecotonesforêt-savane, des espèces savanicoles (par exemple Pilio¬stigma thonningii, Parkia biglobosa) peuvent participer aupeuplement ou même devenir dominantes. Les espèceshéliophiles de la forêt semi-caducifoliée peuvent s'installerdans les éclaircies de la pluviisylve et certaines d'entre ellesont une grande longévité et donnent de grands arbres, parexemple Triplochiton scleroxylon en Côte-d'Ivoire.

Les successions se poursuivent sans doute pendant dessiècles. De grands individus de Ceiba pentandra, âgés de80 à 100 ans, qui se trouvent sur l'emplacement d'anciensvillages indiquent que cette forêt est encore loin de sonclimax. De telles successions sont généralement interrom-

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212 Description, fonctionnement et évolution des écosystèmes forestiers tropicaux

pues lorsque les essarteurs s'attaquent aux jeunes stades dela forêt secondaire. Il en résulte souvent des biocénosesarbustives denses, avec des arbres épars, moyens ou petits,et souvent de grands palmiers à huile (Elaeis guineensis)épargnés lors du défrichement. Si l'intervention humainecesse, la succession reprendra vers la reconstitution de laforêt; dans le cas contraire, l'évolution régressive pourraaboutir à une savane. Le feu est un facteur prédominant decette évolution, et des successions régressives se déroulerontplus facilement dans les forêts semi-caducifoliées que dansles véritables pluviisylves. Le caractère anthropique de l'éco-tone forêt-savane est confirmé par son apparition tranchée,la présence de vestiges de forêt dense dans la savane, le mé¬lange d'îlots de forêt et de savane dans certaines régions,ainsi que par la présence dans la savane de grands arbresau tronc droit appartenant à la forêt dense.

Formations pantropicales

Mangroves

Les espèces de la mangrove fructifient abondammentchaque année mais la fermeture du couvert- empêche lasurvie des plants de l'espèce désirée. L'éclaircie de la cano¬pée est donc bénéfique. En général l'abattage des arbresretarde les premiers stades de la succession, ou accélèreles derniers, ou encore augmente la proportion des espècesdu sous-bois dans le climax. Toute tentative pour accélérerla succession en abattant les espèces pionnières d'Avi¬cennia se traduit par une régénération abondante et laformation d'un taillis. Dans les zones moins humidesl'abattage favorise la prolifération de Bruguiera gym-norhiza dans les forêts à Rhizophora, et dans les zones lesmoins humides la coupe est presque invariablement suiviepar un fourré dense de fougères du genre Acrostichumqui marque la fin de la succession de la mangrove. Dans laforêt climacique humide à Rhizophora, la régénération esten général assez satisfaisante, mais même dans ce cas lacoupe augmente sans aucun doute la proportion de Bru¬guiera parvifiora, qui est une espèce du sous-bois.

Conifères

Très peu de recherches ont été effectuées sur la successiondes forêts de conifères ; elle évolue en général vers laforêt d'essences feuillues mélangées. C'est seulementlorsque les conditions sont défavorables aux feuillus(fertilité et humidité du sol faibles, acidité élevée) queles conifères tropicaux forment des peuplements purs.Dans les sites plus chauds, plus humides et plus fertiles,la concurrence favorise les feuillus. Toutefois des feux répé¬tés permettent aux conifères de prendre le dessus. En outre,de nombreuses espèces tropicales de conifères peuventcroître de façon satisfaisante dans une gamme étendue declimats et de sols, et la présence aléatoire de biotopesouverts et de graines en quantité suffisante a donné lieuà de nombreuses répartitions curieuses. Ces forêts peuventêtre menacées par le pâturage, les feux étendus et lesinsectes ravageurs.

Bambous

La coupe rase, les feux et le pâturage constituent les prin¬cipales modifications des forêts de bambous. La coupe rasetend à diminuer la production de nouveaux chaumes. Lesfeux peuvent être très intenses, en particulier après la flo¬raison grégaire, et ils détruisent les germinations; le pâtu¬rage (Inde), combiné ou non avec le feu, peut aller jusqu'àfaire disparaître le bambou sur de vastes superficies. Contrai¬rement à ce qui se produit dans le cas des feux, les germina¬tions survivent à un pâturage intensif à l'intérieur des touffesde bambous morts et, le hasard aidant, ils pourront contri¬buer à la régénération.

Les bambous sont en général très grégaires. Ainsi enInde, Melocanna bambusoldes et Dendrocalamus strictusconstituent quelquefois la formation secondaire entière surdes friches abandonnées; ils peuvent subsister longtempscomme subclimax, car les feux ne détruisent pas les rhizomessouterrains. En l'absence d'écobuage, les arbres de la forêtoriginelle peuvent se réinstaller progressivement.

Forêts de montagne

En Afrique orientale l'action destructrice de l'homme se

fait sentir jusqu'à 2 000 m et les feux peuvent se propagerjusqu'à 4 000 m. En Afrique en général, à des altitudesmoyennes, la forêt est remplacée par des prairies dont lesespèces proviennent de la savane voisine. Au Cameroun,les prairies altimontaines au-dessus de 2 000 m sont brû¬lées ; il semble qu'on puisse imputer à ces feux la régres¬sion des lisières forestières. Il existe en Afrique occiden¬tale de nombreux exemples de forêts de moyenne altitudedétruites par les feux.

Conclusions

Si les perturbations provoquées par les phénomènes natu¬rels et les animaux de la forêt sont parfois localementimportantes, elles n'ont cependant qu'une incidencemineure. Le feu qui engendre des modifications profondesde ces écosystèmes forestiers est essentiellement un facteurbiotique. L'érosion du sol provoque des pertes qui nepeuvent être compensées que sur une longue période ; elleest presque toujours due à l'intervention humaine. Celle-ciest donc à l'origine des transformations les plus profondeset aux conséquences les plus graves. Dans les régions fores¬tières peu peuplées comme en Amazonie et dans certainesparties de la Nouvelle-Guinée, les modifications ont étéfaibles, et de vastes superficies de forêt primaire existentencore. Mais lorsque les populations humaines sont plusdenses, les modifications ont concerné à la fois l'étendue,la composition et le caractère des forêts. Elles sont considé¬rables en Afrique où, par endroits, la forêt climacique adisparu complètement ou n'est plus représentée que pardes reliques. Des situations semblables existent dans denombreuses autres régions tropicales.

L'écotone forêt-savane est en général d'origine anthro¬pique, encore que certaines savanes soient très anciennes.

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Successions secondaires 213

En l'absence de feu, la forêt envahit généralement la savane,qui est le plus souvent un pyroclimax.

Les perturbations de la forêt primaire conduisent àdes successions secondaires qui, en dépit de variantes mul¬tiples, se déroulent suivant un schéma assez semblable dansdifférentes régions. Les jeunes stades de la succession pré¬sentent en effet une analogie considérable du point de vuephysionomique et floristique. Les arbres caractéristiques dela forêt secondaire ont un certain nombre de propriétéscommunes. Si elle n'est pas modifiée, la forêt secondairesera progressivement envahie par les espèces arborées clima¬ciques. Cependant, cette évolution durera de nombreusesannées et, très souvent, la succession sera interrompueà un stade jeune ou intermédiaire. Lorsque la perturba¬tion cesse, la succession recommence. Des modificationsrépétées, telles que les feux, conduisent souvent à une suc¬cession régressive dont les résultats sont des prairies, desformations arbustives ou des forêts claires. Les transfor¬mations induites par la sylviculture modifient également,ou bouleversent complètement, l'écosystème (par exemple,dans le cas des plantations forestières à des fins industrielles).

Les connaissances des événements se déroulant aprèsla modification de l'écosystème forestier tropical humidedemeurent lacunaires. Le transfert de l'expérience d'unerégion à l'autre est délicat, à moins qu'on ne connaisseexactement les conditions dans lesquelles cette expériencea été acquise; en outre, le transfert d'une génération à lasuivante n'est pas facile. La condition préalable à la mani¬pulation et à l'exploitation forestière de l'écosystème estune meilleure connaissance des causes et des effets des modi¬fications provoquées par l'homme.

Une excellente revue de la littérature sur les forêtset sur des questions qui leur sont associées a été préparéepar Hemmings (1974). Elle se réfère à de nombreux ouvra¬ges introductifs aussi bien qu'à des publications spéciali¬sées dans différents domaines d'étude, y compris la gestionet l'écologie des forêts.

Les recherches nécessaireset les priorités

Les recherches relatives aux forêts tropicales humides de¬

vraient porter sur les domaines suivants :

Étude des modifications de nature faunistique, floris¬tique et structurale qui accompagnent les perturbationsprovoquées par l'homme dans les forêts tropicales humidespeu ou pas manipulées. Ces recherches permettront d'élu¬cider les points suivants : où et sous quelle forme se trouventles diaspores dans les éclaircies opérées dans la canopée(graines dans le sol, dont la dormance a été levée, grainesintroduites après la création des clairières, germinationset jeunes plants présents sur le terrain avant la création desclairières); effet sur l'environnement des dimensions et dutype de clairière; conditions de la survie ou de la disparitiondes espèces colonisatrices importantes et développementultérieur du recrû dans les clairières.

Étude des changements de nature faunistique, floris¬tique et structurale qui se produisent dans la végétationsecondaire sur des sites précédemment occupés par desforêts tropicales humides, et notamment : effet de la durée,de la taille, de la composition floristique et faunistique origi¬nelles et de l'utilisation antérieure des terres sur le processusde succession; effet de la composition de la végétation anté¬rieure et de la végétation adjacente sur le sens, la vitesseet la nature de la succession; effet spécifique .de la compo¬sition floristique et de la structure des différentes phasesde la succession sur les derniers stades; influence des typesde sol et des conditions édaphiques sur l'installation et laconstitution des successions initiales; productivité des diversstades de la sère par rapport à celle de la forêt évoluée.

Ces études pourraient se faire sous forme d'une ana¬lyse de l'écosystème grâce à une série d'expériences ennombre suffisant et soigneusement conçues, dans des zonesd'étude permanentes, surveillées et protégées, afin de mettreen évidence les rythmes de la succession dans le cas d'opé¬rations variées, l'accumulation des éléments nutritifs essen¬

tiels et les relations entre le sol, les micro-organismes, lesplantes et les animaux.

Étude autécologique et écophysiologique des principalesespèces. Ces travaux permettraient de comprendre le rôlede chaque espèce à l'intérieur de l'écosystème et d'identifierles caractères spécifiques qui conditionnent leur réussite dansla régénération. Ces recherches pourraient concerner laphénologie de la floraison et de la fructification, les moyens,l'efficacité et la sûreté des mécanismes de dissémination, lesconditions requises pour la germination et la croissanceinitiale, la durée de vie et la capacité germinative des grainesdans diverses conditions, le degré de sciaphilie à différentsstades de la croissance et dans les cas d'intervention d'autresfacteurs limitants, la durée pendant laquelle les espècespeuvent se maintenir et reprendre une croissance active dansdes conditions d'éclairement accru, ainsi que les vitessesde croissance dans des conditions mésologiques particulières.

Recherches sur les groupes d'organismes ou sur deséléments de l'écosystème dans la mesure où ils sont liés à lasuccession. Ces groupes pourraient être des consomma¬teurs ou des décomposeurs, des mycorrhizes, des reptiles,des prédateurs de graines, etc. Une certaine priorité devraitêtre accordée à ces derniers. Le rôle de ces organismes dansla succession devrait être élucidé afin de pouvoir établirdes modèles relatifs aux interactions dans l'ensemble dusystème.

D'autres études spécifiques pourraient être entreprisessur : les facteurs physiques influant sur le microclimat aucours de la succession, les cycles biogéochimiques pendantet après la modification, le rôle des conifères tropicaux, leurrégression ou leur expansion en fonction de l'abattage, desfeux et du pâturage, Fécotone forêt-savane dans des par¬celles protégées des feux et du pâturage, etc.

Enfin, des études devraient être entreprises sur lesmoyens et les méthodes de manipulation de la remontéebiologique. Si le processus peut être accéléré en introduisantdes organismes ou des éléments nutritifs essentiels ou partoute autre intervention, les conséquences négatives d'une

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214 Description, fonctionnement et évolution des écosystèmes forestiers tropicaux

modification du milieu pourraient être réduites (voir cha¬pitre 20).

Ce type de recherche est essentiellement autécologiqueet il pourrait faciliter l'aménagement de certaines forêts.Si des informations suffisantes étaient recueillies sur desespèces particulières, les caractères de la forêt, considéréecomme un ensemble, pourraient être synthétisés, mais celapeut ne pas être vrai pour les forêts tropicales complexesoù les propriétés globales ne peuvent être déduites d'évé¬nements isolés. C'est ainsi que Hopkins, Webb et Williams(1975, non publié) partent de l'hypothèse qu'une forêt tro¬picale complexe est un système stochastique et non déter¬miné dont la régénération est comparable au processusd'autocicatrisation d'un organisme vivant. Les propriétésgénérales du système stochastique ne peuvent être déduitesd'une étude détaillée des propriétés de quelques élémentsconstitutifs. On peut mesurer de nombreux éléments de lastructure, de la croissance et des cycles biologiques de cer

taines essences forestières; toutefois, ce ne sont pas lesvaleurs elles-mêmes mais leur répartition ainsi que les para¬mètres qui contrôlent cette répartition qu'il est nécessairede connaître. Hopkins, Webb et Williams proposent derassembler des données sur les répartitions dans le tempset dans l'espace qui sont les plus utiles dans l'immédiat,c'est-à-dire celles de la floraison, de la viabilité des graineset des ouvertures de la canopée de diverses dimensions. Dansce genre de recherches, l'identification des essences n'estpas nécessaire; cette opération n'aurait en effet qu'un inté¬rêt : savoir quelles sont les espèces qui se trouvent à la limitedes distributions et, partant, dans une situation particuliè¬rement favorable ou défavorable au point de vue de larégénération. Une fois ces distributions connues, il serapeut-être possible de simuler sur ordinateur le processus derégénération et, par voie de conséquence, de rechercher lesconditions limites dans lesquelles le système devient ins¬table et, finalement, cesse de fonctionner.

Bibliographie sélective

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