schiltz baudelet ii. vérité ii

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  • 1. La vrit Une srie dessais en regards croiss entre Mathias Schiltz, thologienet Bernard Baudelet, professeur des universits II. Vrit de la foi chrtienne en Dieu- Bernard BaudeletJe ne doute pas de votre foi en Dieu. Je sais quelle est enracine dans une mditation approfondie des textesfondateurs de la Bible, par les tmoignages des saints et des autres qui ont gout aux dlices de cet merveillementdtre aim par Dieu, un Dieu personnel. Je vous ai dcouvert en paix. Je naurais jamais accept dchanger enregards croiss avec vous si javais craint de pouvoir vous branler dans vos convictions. Ceci nous permettra depouvoir mettre en lumire nos divergences en toute authenticit sans risquer de dstabiliser lautre et de le fairesouffrir, mme en toute amiti dans le respect de nos chemins de vie. Ami(e)s lectrices et lecteurs, il ny aura pas depugilat, ni vainqueur, ni vaincu, mais deux personnes dont lamiti a grandi au fur et mesure de nos changes. Etpuis, vous pourrez le noter, de nombreuses convergences se sont faites jour, dcouvrir au fil de cette srie dessaissur la vrit.- Mathias SchiltzCher Bernard, merci de rassurer nos lecteurs. Je ne puis, quant moi, que confirmer latmosphre destime etdouverture rciproques qui a caractris nos changes depuis les journes de rflexion et de silence partag quenous avons vcues ensemble lAbbaye de Clervaux en octobre 2012. Et il est pertinemment vrai que notre amitina fait que grandir depuis lors, dans le respect mutuel de nos diffrences. une poque o lon naime que tropopposer les certitudes des sciences aux incertitudes ou conjectures de la foi, je voudrais en outre rendre hommageau scientifique de haut rang que vous tes de ne pas avoir voulu nous prsenter une vrit des sciences coule enacier.En guise dintroduction votre essai sur la "Vrit en sciences", jai fait tat de mon scepticisme par rapport larigueur de lexprimentation scientifique. Vous ne mavez pas convaincu du contraire. Il reste cependant quelexprience est indispensable dans toute recherche et dans toute approche de la vrit.On dit dAngelo Giuseppe Roncalli, le futur Pape Jean XXIII, que tout jeune professeur au sminaire de Bergamo, ilaurait, en 1907, au comble de la crise antimoderniste, mis en exergue dun discours acadmique le clbre dicton deFrancis Bacon : Tout savoir provient de lexprience. Nous imaginons facilement la mfiance et la suspicion dontRoncalli devint par la suite lobjet au Saint-Office, successeur de la "Sainte Inquisition".Mais quen est-il de laffirmation de Bacon par rapport la foi, la connaissance de Dieu ? lire le dernier ouvragede feu le Cardinal Julien Ries (1920 - 2013) 1 Les Origines des Religions (Cerf 2012)2 on est tent dadmettre quemme dans le domaine religieux lexprience est capitale. Cest partir de son vcu, aux prises avec les questionsfondamentales de la mort, de la survie, de lau-del que lhomme sest peu peu forg des ides du religieux, idesmultiformes et plurielles, tributaires de lenvironnement vital et culturel, culminant lpoque de linvention delcriture dans lmergence progressive des grandes religions mondiales.Tout chat chaud que je sois en ce qui concerne lexprimentation scientifique (voir ma question initiale lessai I.Vrit en sciences), je dois donc avouer que lexprience a galement sa place, et quelle place, dans la qute et laconnaissance de Dieu. Cela vaut plus particulirement pour la religion juive (et, partant, pour la foi chrtienne) qui a1Le Cardinal Ries est dcd le 23 fvrier 2013.2 Cf. Marc Jeck, Sur les traces dune prise de conscience religieuse dans les socits prhistoriques. Un travail kalidoscopique. Lecardinal Julien Ries consacre sa nouvelle publication une fois de plus lhomo religiosus, in : Die Warte, 25 octobre 2012, N 29|2379. Signalons galement la remarquable exposition DIEU(X), Modes demploi, au Petit Palais Paris du 25 octobre 2012 au 3fvrier 2013.

2. nous navons qu lire le Livre de lExode son fondement dans lexprience historique dun Dieu librateur, Dieufidle travers lHistoire, Dieu de lAlliance irrversible, Dieu qui se rvle tre lUnique. Cette rvlationsaccompagne pour Mose qui la reoit dun merveillement blouissant, voire fulgurant dont le buisson ardent est lesigne. Il en sera de mme pour tous ceux qui, aprs lui, seront touchs par Dieu : Saul qui, sur le chemin de Damas,est soudainement envelopp dune lumire venue du ciel dont lclat la bloui au point de laveugler (Act 9,3.8) ;Blaise Pascal qui dans la nuit du 23 novembre 1654 sexclama : Feu. Certitude. Certitude. Sentiment. Joie. Paix ;pour Paul Claudel, cest aux vpres de Nol 1886 Notre-Dame de Paris un ravissement intrieur instantan : En uninstant mon cur fut touch et je crus. Philosophiquement parlant, toutes ces expriences ont le caractre dunefascination de lvidence, voire dun effleurement divin 3 qui peut prendre des formes varies allant dubouleversement radical la flambe furtive.- Bernard BaudeletDans lessai VI "Chemin spirituel dun alter-croyant", Je reviendrai sur cette illumination de Paul Claudel. En effet, entant que scientifique et avec beaucoup dautres bien plus clbres que moi, jai vcu des moments inattendus, forts,merveillants o jaillissaient de mon inconscient de sublimes illuminations qui mont ouvert la voie des thoriesscientifiques innovatrices, ensuite explicites consciemment. Jai connu comme Paul Claudel, non pas la grce d"uneffleurement divin", mais la conviction que Dieu nest pas avec la puissance de lclair qui zbre un ciel dorage. Jeme souviens du jour, de lheure approximative, javais 27 ans, et mme du lieu. Cest Tananarive que le mur de mafoi sest effondr pour dgager linfini dun ciel dt. De ces mystres, je proposerai ultrieurement uneinterprtation fonde sur les neurosciences 4. Alors comment, selon vous bien cher ami, parvenir une foi sereine enDieu qui engage toute une vie5 ?- Mathias SchiltzJe vous concde que dautres illuminations fascinantes sont possibles. Jen ai vcues plus dune fois quand desvidences dordre intellectuel ont envahi mon esprit, encore que je croie pouvoir discerner entre les unes et lesautres une diffrence difficile expliquer, tant elle est peut-tre tnue. Mais comment, partir dune telleexprience, si marquante soit-elle, parvenir cette foi qui commandera ds lors toute ma vie ? Ici lexprience seulene peut suffire. Comme en science, lexprience ne peut avoir le dernier mot. Le dernier mot appartient la Parole.Le Dieu dont le visage merge travers lexprience vitale de loppression-libration du peuple dIsral, est un Dieuqui parle. Dans lvnement du buisson ardent (Exode 3,1-15) qui est lvnement fondateur de la foi juive et,partant, de la foi chrtienne, Dieu parle Mose, il lui rvle son nom. Mystrieux, certes, et ds lors ineffable pourun Juif, ce nom est nanmoins pour le croyant, de la part de Dieu, garantie de proximit bienveillante, de protectionsalvatrice voire damour gracieux. Je suis l et serai l, je suis avec toi et serai avec toi, quoi quil arrive . Le Dieu de laParole devient le Dieu de la Promesse. Et il concrtise cette promesse dans lAlliance quil propose et conclut avecson Peuple, une Alliance qui comporte indissociablement des exigences thiques et des devoirs lgard duprochain.Lexprience a donc besoin dtre claire par la Parole. Parole directe de celui qui se manifeste, comme cest le casdans les rvlations premires, dans lexprience de Mose ou de Saul de Tarse par exemple ; et si jappartiens aucommun des mortels parmi les croyants, parole transmise par des tmoins, prophtes ou aptres, auxquels je puisfaire confiance : Scio, cui credidi Je sais en qui jai mis ma foi (2 Tm 1,12). Telle est la structure de la foi, de la foichrtienne en tout cas. Encore quil faille propos de cette mdiation toujours se rappeler la conclusion de larencontre de Jsus avec la femme samaritaine. Ses concitoyens lui disent : Ce nest plus seulement cause de tesdires que nous croyons ; nous lavons entendu nous-mmes et nous savons quil est vraiment le Sauveur du monde (Jn3Cf. Anselme de Canterbury, Proslogion seu alloquium de Dei existentia.4Jinvite ceux qui seraient impatients de lire larticle que jai publi dans la Warte le 7 juin 2012, sous le titre Eurka jai trouv.5 En rponse une question pose par Mathias Schiltz propos du Pari de Pascal, je tenterai de montrer la fin de lessai VI,comment la conviction acquise Madagascar, a impos mon chemin de vie sans Dieu, ni toute autre perspective aprs ma mort. 3. 4,42). lcoute de la parole transmise fait cho et correspond une voix intrieure. Tout prs de toi est la parole,dans ta bouche et dans ton cur (Rm 10,8 ; Dt 30,14). Cette voix intrieure nest autre que la voix de la conscience,cette instance suprme laquelle Henry Newman porta, loccasion de son lvation la dignit cardinalice, unpremier toast avant de lever son verre la sant du pape. Cest ce niveau, la profondeur du nud le plus intimede mon tre, en ce que la tradition biblique appelle le "cur", que se forme lacte de foi.Matre Eckhart dit de cette voix intrieure : La Parole se trouve enfouie dans lme de sorte quon ne le sait pas et nelentend pas, tant quon ne lui prte pas coute dans la profondeur ; auparavant elle nest pas entendue ; aucontraire, toutes les voix et tous les sons doivent tre limins et il faut un apaisement cristallin, un silence parfait.La voix intrieure qui rsonne en moi, confirme ce que jentends de la bouche des tmoins en me disant : cest vrai,cest bon, cest beau, cest cohrent. Ici, ce sont les quatre qualits transcendantales de ltre ou de la science deltre (lontologie) qui interviennent : le vrai, le bon, le beau et lun. Par le fait mme, la Parole devient Logos : raison,rationalit. Le pape mrite Benot XVI ne sest pas lass, dans la foule de lencyclique Fides et ratio de sonprdcesseur, de rappeler la compatibilit entre foi et raison. La raison ne peut, certes, pas prouver la vrit de lafoi. Mais, passe au crible de la raison, de la rationalit, la foi chrtienne savre tre un rationabile obsequium (unculte logique, raisonnable, appropri la raison) 6.- Bernard BaudeletPermettez-moi de vous faire part de ce que je nai pas trouv dans cette encyclique une compatibilit relle entre foiet raison car dune part la raison est philosophique et ne concerne pas toutes les philosophies qui auraient pu gneret dautre part la raison nest pas scientifique et heureusement car on sait bien quil a t souvent malais pour lacatholicit de se frotter aux sciences. Comme nous en sommes convenus amicalement, nos divergences ne serontjamais conflictuelles car elles sont pour vous et pour moi, exprimes en authenticit dans le cadre de nos vritsforcment pas toujours compatibles.- Mathias SchiltzJe pense quil faut sentendre sur le terme "compatibilit". Peut-tre faudrait-il dire quil ny a pas dincompatibilit,cest dire pas de contradiction entre la science et la foi, condition quaucune des deux nempite sur le terrain delautre.Cela dit, le terme Logos nous oriente encore dans une autre direction. Au contact avec la pense grecque, les livressapientaux du Premier Testament, rdigs du reste partiellement en langue grecque, ont labor unepersonnification du Logos ou de la Sagesse qui en fait une personne, une hypostase distingue mais toute proche dela divinit (cf. surtout Proverbes 8,22-31).On peut considrer cette volution comme un prlude lointain (voire providentiel) en direction de la foi chrtienneau Logos substantiel de Dieu qui sexprime dans le prologue de lptre aux Hbreux (1,1-3) : Aprs avoir, bien desreprises et de bien des manires, parl autrefois aux pres dans les prophtes, Dieu, en la priode finale o noussommes, nous a parl nous en un Fils quil a tabli hritier de tout, par qui il a aussi cr les mondes. Ce Fils estresplendissement de sa gloire et expression de son tre et il porte lunivers par la puissance de sa parole . Le prologuede lvangile de Jean (Jn 1,1-18) prolongera ce fil de pense en prcisant que ce Fils nest autre que le Verbe (leLogos) fait chair qui est venu en ce monde. Et il ajoute que tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui (Jn1,3). En dautres termes : Tout a t cr par lui et en lui. Cela tablit entre lui en qui tait la vie, lumire deshommes (Jn 1,4) et moi une espce de parent voire de connaturalit qui me permet de reconnatre sa voix au plusintime de moi-mme. Lvangile de Jean lui-mme explicite cet tat de choses dans la parabole du berger (Jn 10,1-18). Les brebis coutent sa voix , il les appelle chacune par son nom, et il les emmne dehors. Lorsquil les a toutesfait sortir, il marche leur tte et elles le suivent parce quelles connaissent sa voix.Mais nous rejoignons galement saint Augustin qui dit : Tu nous as faits pour toi, et notre cur est inquiet jusqu cequil repose en toi (Confessions I,1,1) ou encore Tu tais en moi plus profondment que mon trfonds le plus intimeet plus haut que les sommits de mon me (Confessions III,6,11).6Cf. Romains 12,1 Traduction cumnique de la Bible, note j : culte conforme la nature de Dieu et de lhomme. 4. Tout ce cheminement retrace luvre de la grce. Mais quelle est la part de lhomme ? La foi est grce, don gratuit,offre et proposition7 ; elle nest pas coercition dterministe. Lhomme doit rpondre cette proposition, il doitlaccueillir par une adhsion qui est bien plus quun "tenir pour vrai". Ladhsion de la foi est un lan de tout ltrevers Dieu, lengagement du plus profond de soi. Un auteur contemporain sen explique par une comparaison en cestermes : Le fianc qui dit la fiance quil croit en elle ce sont des mots lourds de sens ne dit pas : je constate tonexistence et tes qualits ; je crois que tu es ceci ou cela ; je crois les renseignements quon ma donns sur toi ; jecrois toutes les vrits qui te concernent. Il dit exactement ceci : je te donne ma foi ; je mengage fond vis--vis detoi, tu seras dsormais le centre de ma vie ; je me dcentre afin que dsormais le centre de mon existence ne soitplus moi, mais toi ; je te confie par un acte de donation de moi-mme le soin de mon bonheur ; tu es digne dtreaime et je taime, je veux dpendre de toi. Aimer, cest consentir dpendre de lamour. Le vieux mot franais"fiance", qui est tomb en dsutude, a survcu dans "confiance" et dans "fianc". La confiance est la "fiance"rciproque o amour, foi et joie ne font quun 8.Le croyant, comme le fianc authentique, met tout sur une carte. Il sagit, tout simplement, daller la rencontre delInvisible, voire de se lancer dans ses bras.Cela implique une option, un choix fondamental de lexistence. Es muss doch mehr als alles geben9, il faut quil y aitplus que tout ce que nous pouvons voir et toucher. Cest exactement loption que le croyant doit prendre. Une telleoption ne va pas de soi. Elle nest rien de moins quun retournement complet de mes habitudes de pense, uneconversion de tout mon tre. Convertissez-vous et croyez, telle est la premire prdication de Jsus (Mc 1, 15): La foine va jamais sans conversion. Elle nous demande de lcher nos certitudes et nos scurits premires pour nouslancer dans les bras de celui qui seul peut assurer laccomplissement plnier de notre existence. Et cet lan est, nenous leurrons pas, un saut par-dessus un immense abme, un peu comme le saut de lartiste qui, sous le chapiteaudu cirque, lche sa barre en plein vol pour se jeter vers son partenaire. Cest un saut, pour lequel jai besoin de toutemon nergie et de toute ma confiance. Cest un saut dune telle envergure que je ne pourrai jamais le raliser demes propres forces. Cest Dieu, mon partenaire, qui mattire vers lui et me donne la force et le courage de me lancer.La foi est toujours la fois grce de Dieu et dcision de lhomme.Mais cette dcision nest pas un saut dans le vide. Elle est un choix responsable, dont je peux galement rptons-le rpondre devant ma raison 10. Elle est un acte de confiance raisonnable pour lequel jai de bons arguments,mme si je ne peux pas dmontrer ma foi11, - qui ds lors ne serait dailleurs plus la foi.Lartiste du cirque qui lche sa barre, sait vers qui il se jette. Il a confiance que son partenaire est capable de le saisirau vol et de le tenir. Il en va de mme de la foi. Nous avons de bonnes raisons de croire que Dieu nous saisit et noustient. Parce quil nous la dit et promis dans sa Parole. Parce quil y a en nous une voix intrieure qui confirme cette7 Voir ce sujet le rapport toujours actuel prsent par Monseigneur Claude Dagens, vque dAngoulme, lassembleplnire des vques de France en fvrier 1994 : Proposer la foi dans la socit actuelle.8Franois Varillon, Joie de croire, joie de vivre. Paris 19812, 134.9Es muss doch mehr als alles geben. Nachdenken ber Gott (Titre dun livre de Dorothee Slle publi Hambourg en 1992). Soyez toujours prts justifier votre esprance devant ceux qui vous en demandent compte. Mais que ce soit toujours avec10douceur et respect (1 Pi 3,15-16).11Cest ce que jai compris ds le dbut de mes tudes de thologie, non pas dans un cours savant, mais la lecture dun roman(Ernst Wiechert, Das einfache Leben La vie simple, 1939), dans lequel un pasteur dit un homme en recherche de Dieu quil nepeut lui taler Dieu ou la foi sur la table. 5. Parole. Parce quune foule innombrable dhommes et de femmes - une nue de tmoins, comme le dit la lettre auxHbreux (12,1) - a fait avant nous lexprience que la foi porte. Comme leau porte le nageur!Mais allez expliquer cela celui qui hsite et tremblote au bord de la piscine. Seul celui qui risque de se jeter leauet de nager peut faire lexprience que leau porte. Il en va de mme de la foi.Et la confiance est, tt ou tard, rcompense par la contemplation. Pour le mystique, la foi se rapproche de la vision.La coule du temps aboutit au silence de linstant. Cest lui qui est lespace de lauthentique exprience de Dieu. Letemps du silence devient plnitude du temps. Nous sommes combls par ce que lvangile annonce : libration,dcharge, gurison, encouragement, capacit. Et dans cette plnitude, cest lEsprit de Dieu qui parle en nous :Abba, Pre (Rm 8,15 ; Gal 4,7).- Bernard BaudeletAvec le philosophe Andr Comte-Sponville 12, je me mfie des croyances qui correspondent mes dsirs. En effet, quipourrait la lgre refuser dtre combl par sa foi en Dieu ? Comment rsister cet merveillement que vouspromettez. Je reconnais quil est tentant de se jeter leau devant la perspective de devoir gravir son chemin de viesans le secours de Dieu et daccueillir la mort avec ses souffrances sans esprance dternit, sans oublier dvoquerla mort inadmissible dun enfant, de son enfant. Un ami prtre me disait que lors de la crmonie denterrementdevant un petit cercueil Je ferme ma gueule ! Malgr le doute invitable devant labsence de certitude maisuniquement des convictions, faut-il comme le jsuite Joseph Moingt 13 dclarer Croire quand mme ? Pour desraisons, les miennes, que je nai pas lintention de dvelopper dans cette srie dessais sur la vrit, jai acquis laconviction que Dieu nest pas 14. Alors, jaurais pu me jeter leau comme vous le suggrez en faisant le Pari de Pascal propos duquel nous reviendrons dans lessai VI de cette srie. Jaurais pu mtourdir par le pouvoir, largent, lesexe, lalcool afin de bien rigoler Jai dcid daffronter mon chemin de vie avec srnit, sans ternit en Dieu, nicycle des renaissances suivant des spiritualits de lExtrme-Orient. En effet, jai horreur de faire semblant. Cechemin nest pas tragique mais peut devenir un chemin de paix et de joie intrieure. Et puis, noubliez pas quil estdes futurs sans ternit dans dautres traditions spirituelles, non-dualistes comme celles de lOccident. Sansappartenir ces traditions, je peux tmoigner quelles permettent des chemins de vie en plnitude. Enfin, je suisconvaincu de votre cohrence car, n dans un cadre catholique, votre cerveau ainsi engramm a trouv desrsonnances positives. Ainsi, nous sommes faits tels que cest une preuve de ramer contre-courant comme je lailonguement vcu, sans prtendre quil est facile de demeurer dans le mme sillon.Enfin, jaimerais vous interpeller sur le mysticisme. Je viens de relire 15 des sermons, des confrences et des crits deMaurice Zundel (1897-1975), un prtre catholique suisse considr comme un mystique. Je suis frapp quil exprimeses convictions, fondes sur son Amour en partage avec le Dieu de sa foi, comme des vrits tant il les exprime avecforce. Jai plusieurs fois eu limpression que ses visions allaient bien au-del des crits vangliques. Que faut-il enpenser ? Devrait-on inciter ses lecteurs faire preuve de discernement ? Les vrits des mystiques sont-ellesuniversellement vraies ?- Mathias Schiltz Lesprit de lathisme publi en 2006 par Andr Comte-Sponville aux ditions Albin Michel.12 Croire quand mme publi par Joseph Moingt en 2010 aux ditions Temps Prsent.1314 Dans un prochain essai, VI. "Chemin spirituel dun alter-croyant", je justifierai cette dcision. Lhumble prsence, publi aux ditions du Jubil Sarment en 2008. Ce livre regroupe des indits de Maurice Zundel, recueillis et15comments par Marc Donz. 6. L vous me posez une question bien embarrassante du fait que le terme "mystique" est assez quivoque. Dans unepremire approche, nous pouvons dire que cest lexprience dune communion-prsence avec linconnu, lesurnaturel, Dieu. Cette exprience peut correspondre un dsir profond dunion avec Dieu et saccompagne souventdune sorte dillumination qui ouvre au regard intrieur une nouvelle vision de soi, de Dieu, des autres et du monde.Ces illuminations mystiques peuvent engendrer en celui qui en est le bnficiaire des convictions trs fortes. Mais, priori, celles-ci nont pas vocation tre riges en vrits universelles. Elles peuvent, certes, tre partages, maiselles doivent toujours tre examines et vrifies laune des critures et de la Tradition. On ne doit donc pashsiter inciter les lecteurs dcrits mystiques faire preuve de discernement. Dailleurs lglise catholique refusesystmatiquement dans ses procs de canonisation et de batification de tenir compte de tout ce qui serait"mystique".- Bernard BaudeletA la lecture de votre rponse, a jailli en moi Que Dieu soit lou ! Il aurait t plus heureux dexprimer Je menrjouis ! Lhumour entre nous nest pas interdit.- Mathias SchiltzSrement pas. Mais je voudrais ajouter que, finalement, pour le croyant chrtien la mystique consisteessentiellement dans lassimilation au Christ, dans la relation vitale, la symbiose avec lui, de faon pouvoirdire avec saint Paul : Je vis, mais ce nest plus moi, cest le Christ qui vit en moi (Ga 2,20). Cest dans ce sens quedans ses "tweets" le Pape Franois invite sans cesse sortir de soi et entrer dans la logique de Dieu. 7. L vous me posez une question bien embarrassante du fait que le terme "mystique" est assez quivoque. Dans unepremire approche, nous pouvons dire que cest lexprience dune communion-prsence avec linconnu, lesurnaturel, Dieu. Cette exprience peut correspondre un dsir profond dunion avec Dieu et saccompagne souventdune sorte dillumination qui ouvre au regard intrieur une nouvelle vision de soi, de Dieu, des autres et du monde.Ces illuminations mystiques peuvent engendrer en celui qui en est le bnficiaire des convictions trs fortes. Mais, priori, celles-ci nont pas vocation tre riges en vrits universelles. Elles peuvent, certes, tre partages, maiselles doivent toujours tre examines et vrifies laune des critures et de la Tradition. On ne doit donc pashsiter inciter les lecteurs dcrits mystiques faire preuve de discernement. Dailleurs lglise catholique refusesystmatiquement dans ses procs de canonisation et de batification de tenir compte de tout ce qui serait"mystique".- Bernard BaudeletA la lecture de votre rponse, a jailli en moi Que Dieu soit lou ! Il aurait t plus heureux dexprimer Je menrjouis ! Lhumour entre nous nest pas interdit.- Mathias SchiltzSrement pas. Mais je voudrais ajouter que, finalement, pour le croyant chrtien la mystique consisteessentiellement dans lassimilation au Christ, dans la relation vitale, la symbiose avec lui, de faon pouvoirdire avec saint Paul : Je vis, mais ce nest plus moi, cest le Christ qui vit en moi (Ga 2,20). Cest dans ce sens quedans ses "tweets" le Pape Franois invite sans cesse sortir de soi et entrer dans la logique de Dieu.