schelling - philosophie de la nature

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5/22/2018 Schelling-PhilosophiedeLaNature-slidepdf.com http://slidepdf.com/reader/full/schelling-philosophie-de-la-nature 1/52 Schelling - Philosophie de la nature  Auguste Théodore Hilaire, baron Barchou de Penhoen Publication: 1833 Source : Livres & Ebooks

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  • Schelling - Philosophie de lanature

    Auguste Thodore Hilaire, baronBarchou de Penhoen

    Publication: 1833Source : Livres & Ebooks

  • ILes pages suivantes sont consacres la philoso-phie de la nature de M. de Schelling. Je dsirerais quele lecteur pt y trouver quelques-uns des points devue principaux, des rsultats essentiels de cette phi-losophie ; mais je ne me suis rien propos au-delde ce but, je me hte de le dclarer. Le tableau com-plet dun systme aussi vaste que celui dont nous al-lons nous occuper, naurait pu entrer dans le cadrertrci o je dois menfermer en ce moment. Dunautre ct, une trop lgitime dfiance de mes propresforces maurait sans doute empch dessayer de tra-cer ce tableau sur des dimensions plus considrables,et par cela mme mieux en rapport avec limportancede son sujet.

    Toutefois, si je dois me borner pour aujourdhui la seule analyse de quelques parties dtaches decette philosophie clbre, je mefforcerai du moins

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  • de montrer le lien qui unit entre elles ces parties di-verses ; je mefforcerai de faire ressortir, de mettre enrelief lide dominante, lide fondamentale du sys-tme entier ; je ferai en sorte enfin de rsumer, en ter-minant, ce systme en une espce de formule gn-rale, et de le montrer ainsi tout entier dans son l-ment gnrateur, nayant pu le suivre dans ses dve-loppemens extrieurs. Il ne serait donc pas impos-sible que la petite exposition qui va suivre pt suffire,malgr sa brivet, donner au lecteur une ide quine ft pas dpourvue de toute justesse, de lensembledes spculations philosophiques de M. de Schelling.

    Aucune rflexion trangre ne se mlera dabordau simple expos des doctrines de ce philosophe.Je ninterviendrai par aucune discussion. Ce sera,pour ainsi dire, lui-mme qui parlera. Je voudrais dumoins, pour parler plus exactement, que cela pttre. Je me bornerai donc, je le redis encore, rp-ter brivement ce que jai cru lui entendre raconterdans son noble et potique langage.

    DU DUALISME.

    La clef de vote et le fondement du systme entier,cest le dualisme.

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  • Deux principes contraires sont en lutte.

    Ils se font quilibre des conditions diverses. Ils secombinent de faons diffrentes.

    Les points de lespace o ils se font quilibre sontpartout en opposition symtrique les uns lgarddes autres. Il en est de mme des combinaisons dif-frentes, qui sont la manifestation de leur lutte.

    Voil lunique cause de linfinie multitude de ph-nomnes qui se montrent sur la surface de la terre ;voil la raison premire et dernire de la ralit elle-mme.

    DE LTHER.

    Avant la cration, lespace ntait pas vide. Le nantntait pas seul exister.

    Une matire dune tnuit, dune subtilit extrme,lther stendait comme un ocan sans rivage dansles espaces infinis.

    Cest dans le sein de cette mer thre, qu la pa-role de Dieu sont ns les mondes.

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  • DE LA MATIRE.

    Au son tout-puissant de cette parole cratrice, lamatire sortant du nant entra dans les domaines dela cration o elle venait dtre appele.

    Les molcules matrielles durent alors se mouvoiren tous sens, dans toutes les directions.

    Elles obirent en ce moment une force dexpan-sion ; mais elles ne pouvaient continuer dobir ind-finiment cette force unique, car si cela et t, la co-hsion et la continuit de parties nauraient t nullepart. Les molcules matrielles se seraient perduesdans limmensit sans limites. La matire naurait pasexist.

    Pour que la matire existt, il a donc fallu quuneseconde force entrt en opposition avec cette pre-mire force ; et, afin que cette opposition ft possible,il a fallu, de plus, que cette seconde force ft elle-mme une force de contraction.

    Chacune des molcules matrielles, soumise ds-lors laction de ces forces opposes, a d sarrter aupoint de lespace o lquilibre stablissait entre ces

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  • forces. Toutes les molcules ont fini par remplir ainsides lieux dtermins de lespace. Le lien, la cohsion,la continuit se sont tablies entre parties diverses ;en un mot la matire a paru.

    En mme temps, par suite de causes qui nous sontdemeures inconnues, ce na t qu des conditionsdiffrentes que lquilibre sest tabli entre toutes lesmolcules matrielles. Cest un lien diffrent qui auni les parties diverses. Cest des degrs diffrensque la cohsion et la continuit ont exist entre cesparties. De l les formes diffrentes revtues par lamatire. De l les proprits distinctes manifestespar la matire.

    DU MOUVEMENT.

    A tout mouvement en ligne courbe (2) concourentncessairement deux forces analogues celles quenous venons de voir agir.

    De ces forces, lune loigne le corps en mouvementdun centre donn, lautre lattire au contraire vers cecentre.

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  • Dans un corps qui se meut, il se fait ainsi un effortperptuel, par lequel le corps tend sloigner dunpoint donn de lespace ; mais cet effort est sans cesseannul. On peut encore dire que ce corps commencesans cesse dcrire une ligne droite, mais que cetteligne est sans cesse brise.

    On a sans doute reconnu dans ces deux forces, lesforces dimpulsion et dattraction qui dterminent lemouvement des plantes.

    Suspendez un instant dans le monde la force dat-traction, les plantes schappant par la tangente deleurs orbites, iront se perdre au sein de linfini. Sus-pendez au contraire la force dimpulsion, et bienttse prcipitant la fois vers un centre commun, lesplantes iront se briser, se dissoudre en une masseinerte, un informe chaos. Mais une main toute puis-sante sait maintenir lquilibre entre ces forces oppo-ses. Depuis lorigine des ges, les plantes nont ja-mais cess de dcrire dans les cieux dharmonieusesvolutions, et il en sera de mme, sans doute, jusqula consommation des temps.

    DES COMBINAISONS CHIMIQUES.

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  • Lquilibre des forces constitutives de la matiresexprime extrieurement par la permanence de lamatire dans le mme tat.

    Mais il sen faut de beaucoup que cette perma-nence dtat soit perptuelle dans la matire. Plu-sieurs causes concourent, au contraire, faire passerla matire par diverses sortes de modifications. Entreces causes, les plus remarquables, sont les affinitschimiques.

    Deux matires doues daffinits chimiques lgard lune de lautre se trouvent-elles en contact ?

    De nouvelles proprits se, dveloppent aussittchez toutes deux.

    Ces proprits nexistaient pas dans linstant qui aprcd le contact des deux matires. Elles nexiste-ront pas dans celui qui suivra.

    Ces proprits nouvelles ne sont rellement quau-tant de manifestations extrieures, defforts cachs,de vacillations invisibles, au moyen desquelles lesforces opposes cherchent se mettre en quilibresous dautres conditions que celles o elles ltaient

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  • prcdemment. Et, en effet, un moment arrive o cetquilibre nouveau est trouv, o le conflit que nousvenons de dcrire a cess pour faire place au repos.

    Toutefois, il a suffi du peu dinstans qua dur ceconflit pour que les forces opposes, dans les ef-forts quelles ont faits pour se combattre, aient fran-chi les limites au dedans desquelles elles taient pri-mitivement enfermes. Elles se sont emprisonnesdans de nouvelles limites en mme temps quellesse trouvent combines sous de nouvelles conditionsdquilibre. En dautres termes, des deux matiresmises en contact, il sest form une matire nouvelle,et cette matire est revtue de formes, doue de pro-prits diffrentes, des formes et des proprits ; desdeux matires dont elle a t forme.

    Il se passe donc dans le lieu dune combinaisonchimique, dans cette sphre dun infiniment petitrayon, prcisment ce qui se passe en grand, sur degigantesques proportions, dans la sphre immensede la cration.

    DES FORCES PRIMITIVES DE LA NATURE.

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  • On donne ce nom, dans la philosophie de la na-ture, aux quatre fluides lectrique, magntique, calo-rique et lumineux.

    Le fluide lectrique se dcompose, comme tout lemonde le sait, en fluide lectrique positif, et fluidelectrique ngatif.

    Ces deux fluides napparaissent jamais isols lunde lautre. Ils sveillent rciproquement. Ils dispa-raissent simultanment.

    Le mme phnomne nest pas moins visible dansle fluide magntique : il ne se manifeste nousquaprs stre partag entre le ple positif et le plengatif de laimant.

    Mais M. de Schelling pense, en outre, que le mmemode de composition se retrouve aussi dans lesfluides calorique et lumineux. Il les admet formsde mme de deux lmens intgrans, non-seulementdistincts, mais opposs.

    Le fluide calorique se trouve ainsi compos dunfluide calorique ngatif (3) et dun fluide caloriquepositif.

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  • De mme, le fluide lumineux, dun fluide lumineuxpositif, et dun fluide lumineux ngatif.

    La consquence tirer immdiatement de lhy-pothse de cette similitude, dans la composition deces deux derniers fluides, avec celle des deux pre-miers, cest sans doute quils doivent leur ressemblerde mme par le mode de leurs manifestations ext-rieures, par les phnomnes quils produisent cestaussi ce quadmet M. de Schelling.

    Les phnomnes produits par le calorique et la lu-mire lui semblent le rsultat dune action et duneraction entre des principes contraires, tout aussibien que ceux de llectrisation et de la magntisa-tion des corps.

    A ce point de vue, lchauffement dun corps est leproduit dun conflit qui se passe entre une certainequantit de calorique engage dans la constitution dece corps, et la calorique extrieur qui fait effort pourpntrer dans ce corps.

    Un conflit analogue produit la transparence descorps, la clart dont ils brillent leur exposition la lumire, les couleurs varies sous lesquelles ils se

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  • montrent. Dans ce cas, le conflit doit avoir lieu entreun fluide lumineux, partie intgrante du corps, etun fluide lumineux qui agirait de mme lextrieurpour pntrer dans ce corps, comme nous venons dedire que faisait le calorique. Partout identique lui-mme, ce conflit aurait lieu partout au sein de cir-constances diverses : cest ce qui produirait soit leplus ou moins de clart des corps, soit leurs degrsdivers de transparence, soit encore leurs couleurs va-ries.

    Ces deux grands phnomnes de lchauffementet de la transparence ou de lillumination des corpsseraient ainsi les produits dun procd de la naturetout--fait inverse de celui auquel on lattribue dor-dinaire ; car les corps schaufferaient ou bien sclai-reraient alors, non pas en raison de la quantit de ca-lorique ou de lumire quils recevraient du dehors, laquelle ils souvriraient, pour ainsi dire, mais tout aucontraire en raison de la quantit de calorique ou delumire quils repousseraient.

    Les corps sembleraient, en un mot, schauffer ousclairer, au moyen dun ressort qui se dvelopperaiten eux, sous une pression extrieure.

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  • Une exprience bien simple suffit dmontrer ladualit des lmens intgrans de la lumire.

    Placez un morceau de bois dans leau une pro-fondeur de quelques pouces : au moyen dune len-tille, rassemblez ensuite les rayons du soleil sur lemorceau de bois. Au bout de peu dinstans, et pen-dant que leau ne donnera pourtant aucun signedchauffement, vous verrez le bois se noircir, secharboniser peu peu.

    Il est donc bien vident que la partie de la lumirequi agit sur le corps transparent, nest pas celle quiagit sur le corps opaque, pour lchauffer. Cette ex-prience prouve en outre que cette partie de la lu-mire nest autre que du calorique contenu dans lefluide lumineux. Beaucoup dautres expriences, silen tait besoin, confirmeraient dailleurs le mmefait.

    Dexpriences en expriences, danalogies en ana-logies, M. de Schelling va ensuite bien au-del de cedernier fait. Il arrive reconnatre dans les quatrefluides la prsence dune mme base, toujours iden-tique elle-mme, mais en mme temps toujours va-rie dans ses manifestations extrieures.

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  • Cette diversit de manifestation tiendrait alors,comme on la peut-tre dj pressenti, aux diff-rentes faons dont cette base se combinerait avec unautre principe, un principe contraire.

    Ds ce premier coup-doeil jet sur le monde ex-trieur, ou du moins sur les parties de ce monde ex-trieur les plus subtiles, les plus dlies, les plus spi-ritualises, pour ainsi dire, nous nous trouvons doncramens lhypothse, dj indique, dune identitprimitive entre toutes les matires cres. On peutencore se reprsenter toutes les matires existantes,comme ayant commenc par tre en dissolutiondans un mme milieu, o elles se seraient mutuel-lement mlanges, rciproquement pntres. Cetteseconde hypothse, cette seconde manire denvisa-ger les choses aurait de plus lavantage de nous ai-der concevoir comment les matires les plus di-verses ont conserv des moyens dagir les unes surles autres, sans que nous puissions nous expliquer leplus souvent quels sont ces moyens.

    DE LATMOSPHERE.

    Personne nignore que la chimie moderne a d-compos lair atmosphrique en deux gaz.

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  • Lun de ces gaz est loxigne, lautre lazote.

    Elle leur reconnat plusieurs proprits distinctes.

    Elle leur en reconnat mme dabsolumentcontraires par rapport la vie animale, que lazotedtruit et que loxigne alimente.

    En tout cela, la chimie nouvelle semble avoir tinspire de lesprit de la philosophie de la nature.

    Mais celle-ci ne sen tient pas la dernire opposi-tion que jai signale entre les deux gaz.

    Elle voit entre eux un grand nombre doppositionsanalogues ; Elle multiplie, pour ainsi dire, linfini cesoppositions ;

    Elle voit enfin dans loxigne et lazote les enve-loppes visibles, les formes apparentes de deux prin-cipes contraires en conflit dans toute ltendue delatmosphre.

    L, comme ailleurs, le conflit est permanent ; maisl, comme ailleurs, il se passe aussi des conditionsvariables dinstant instant.

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  • Ces variations dans les conditions du conflit sontle rsultat dautres variations dans les proportions odoivent se trouver lgard lun de lautre les deux gazqui se mlangent au sein de latmosphre.

    Or, ces dernires variations sont les causes directesou indirectes des phnomnes dont latmosphre estle thtre

    Elles sont dabord, selon la philosophie de lanature, les causes directes des variations qui sur-viennent dans la pesanteur de lair atmosphrique ;ce qui donnerait une nouvelle base la science de lamtorologie, assez incertaine jusqu prsent dansson principe.

    Mais la philosophie de la nature considre en outreces variations dans les proportions des gaz, commeles causes indirectes de beaucoup de phnomnes,o, daprs les mmes doctrines, il ne faut voir quau-tant de moyens employs par la nature pour rtablirlquilibre, momentanment troubl, que doivent sefaire les deux gaz.

    A ce point de vue la vgtation des plantes et larespiration des animaux seraient, par exemple, des

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  • moyens constamment mis en uvre par la naturepour obtenir le mme rsultat. Par la vgtation, lanature se proposerait de fournir la consommationdoxigne que font les animaux ; car la vgtation estune production constante doxigne. Par la respira-tion des animaux, elle se proposerait au contraire unrsultat oppos, cest--dire, de fournir la consom-mation dazote des plantes ; car on sait que les ani-maux dgagent lazote de lair atmosphrique quilsrespirent. Les diverses combinaisons de matires oentrent loxigne et lazote, se feraient de mme unquilibre analogue.

    Ce ne sont l, toutefois, que les moyens ordi-naires et permanens mis en uvre par la nature. Maislorsque, par suite de causes qui nous demeurent in-connues, ils deviennent insuffisans pour maintenircet quilibre de proportions auquel elle ne cesse detendre, elle a recours alors, comme dautres moyensplus efficaces, la pluie, aux vents, aux orages. A lap-proche de ces grandes variations atmosphriques, lestres anims, par le malaise indicible, par les inex-plicables angoisses qui se manifestent surtout par lagrande difficult quils ont respirer, paraissent an-noncer, en effet, par autant de signes certains, quilsest opr une diminution momentane de la por-

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  • tion respirable de lair atmosphrique ; dun autrect, peine lorage est-il pass, que leur respirationdevient libre et facile : tout trahit en eux un bien-trevident ; tout indique que la diminution dair respi-rable dont ils ont souffert quelques instans a t r-pare.

    Ce peu de mots suffirait dj indiquer, sansdoute, le rang lev que la philosophie de la natureassigne latmosphre terrestre dans lensemble deschoses cres.

    Mais il faut encore ajouter cela, que cette philoso-phie considre en outre latmosphre comme conte-nant lesquisse, ou, pour parler philosophiquement,le schma de toute cration. Cest en effet dans lat-mosphre que nous pouvons saisir, pour la premirefois, sous forme visible et palpable, le conflit desprincipes contraires. Jusque-l, cest--dire dans lesquatre fluides dont nous avons parl, ils ne sont ma-nifests que par certains phnomnes, mais sont de-meurs eux-mmes invisibles.

    Bacon semble donc avoir t inspir dune vue an-ticipe de la philosophie de M. de Schelling, quandil a nonc le vu de voir les explorateurs de la

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  • nature soccuper de ltude des phnomnes atmo-sphriques, de prfrence celle de tous les autresphnomnes.

    On conoit facilement dailleurs quil nexiste pasde systme de physique o latmosphre ne doive oc-cuper une place importante. En contact par ses som-mits avec les espaces incommensurables, avec lepur ther qui remplit ces espaces, elle enveloppe laterre entire. Elle est le milieu o se meuvent et res-pirent les tres anims. Elle est le vhicule du son,lorgane, pour ainsi dire, de la vision, laliment de lavie. Elle est le thtre des phnomnes naturels quifrappent le plus vivement notre imagination. Elle estle lieu o la nature voque tour tour, habile magi-cienne ! les rians enchantemens dun jour dt, oules sombres terreurs dun ouragan dhiver.

    DE LORGANISME.

    Supposons lanimal anim, vivant ;

    Ds-lors, et par le fait mme de son existence, unecertaine quantit de matire phlogistique se dve-loppe au dedans de lui.

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  • En mme temps il sassimile par la respiration unecertaine quantit de lair atmosphrique quil respire.

    Dans la plante le contraire a lieu.

    La plante dveloppe en soi, par le fait mme de lavitalit, une certaine quantit de matire antiphlogis-tique ; en mme temps cest lazote de lair atmosph-rique quelle sassimile par la respiration. Dans lesdeux cas, le mcanisme organique est donc le mme.

    Cest toujours le mme mouvement de va et vientqui se trouve avoir lieu.

    Cest toujours un mme balancement que se fontdeux matires opposes.

    Dans les deux cas, ces matires semblent peser,pour ainsi dire, aux extrmits dun mme levier.Seulement ces deux matires changent de place, al-ternent de ct, selon que cest dans lorganisme ani-mal ou dans lorganisme vgtal que sengrne ce le-vier.

    Or, les oscillations de ce levier sont rgulires ouirrgulires.

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  • Elles sont rgulires lorsque la quantit de matirequi se dveloppe au dedans de la plante ou de lani-mal est gale la quantit de matires que sassimilepar la respiration la plante ou lanimal.

    Dans le cas contraire, ces oscillations deviennentirrgulires.

    Alors lun des poids pesant aux extrmits du levierlemporte sur lautre.

    Dans lanimal, la chose arrive an moment o loxi-gne respir lemporte sur la matire phlogistique sedveloppant dans le corps de lanimal.

    Lquilibre serait alors dtruit, si la nature navisait de nouveaux moyens de le rtablir.

    Mais alors lanimal prouve la faim .

    Il mange, et les alimens dont il se nourrit, four-nissent au dveloppement phlogistique qui se fait enlui ; la balance penche mme ds-lors en faveur de cenouvel lment.

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  • Mais lanimal prouve la soif :

    Il boit ; or leau, ou les autres boissons rafrachis-santes dont il tanche sa soif, sont autant de matiresantiphlogistiques qui contrebalancent le surcrot dematire phlogistique quil a rcemment dvelopp.

    Dans la plante, des rsultats analogues ont lieu pardes moyens analogues aussi. On sait, toutefois, quela plante na pas, comme lanimal, la conscience desmouvemens organiques auxquels elle obit.

    Tel est le mouvement essentiel, principal de toutmcanisme organique.

    Parmi les faits qui confirment cette thorie, ilnest peut-tre pas hors de propos den citer deux,qui lui prtent un appui direct, bien que cette cita-tion sloigne quelque peu de la sphre de gnra-lit ou jai voulu me tenir jusqu prsent. On saitque la quantit dair vital consomme par les ani-maux nest nullement en raison de leur masse, mais,au contraire, de la rapidit de leurs mouvemens, delnergie de leur vie organique, cest--dire, daprsce qui prcde, en raison de lintensit du dvelop-pement phlogistique qui sopre en eux. Les oiseaux,

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  • par exemple, dont les mouvemens sont continuelset frquens, les oiseaux qui, dans le mme temps,vivent plus, vivent davantage que les autres animaux,sont ceux qui une plus grande quantit dair vitalest ncessaire. Dun autre ct, la quantit dalimensdont un animal a besoin pour se nourrir, nest nulle-ment, non plus, en raison de sa masse, mais de sa res-piration plus ou moins frquente. Le chameau, parexemple, a besoin de moins de nourriture que le che-val, quoiquil soit plus gros, parce quen raison de lalenteur de sa respiration, il consomme moins dair vi-tal que le cheval.

    xxxxxxxxxx (1) La seconde partie de ce travail aurapour objet la philosophie de lhistoire. (2) Tout mou-vement en ligne droite peut se ramener un mouve-ment en ligne courbe au moyen de la considrationde linfini. Nous avons donc pu nous borner ne par-ler que de cette seconde sorte de mouvement. (3) M.de Schelling appelle phlogistique cet lment nga-tif du calorique. Il prend ce mot dans une acceptionun peu diffrente de celle que lui donnaient les an-ciens chimistes ; mais il est superflu dinsister sur cepoint, car il suffit, pour ce que nous avons dire, dele considrer dans son rapport dopposition avec lecalorique positif. Cette remarque sapplique encore

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  • ce qui sera dit plus bas, propos de lorganisme, oitil nous suffira alors de voir dans le phlogistique unematire oppose loxigne.

    === II ===

    Le mcanisme que nous venons de dcrire se d-veloppe au dedans de certaines limites, dans le rayondune certaine sphre dactivit.

    Cette sphre est ce quon appelle lorganisme, lor-ganisation.

    Mais ce nest pas partout aux mmes conditionsque les principes contraires se font quilibre, que secombinent les matires quils mettent en jeu.

    Les diverses sortes de combinaisons de ces ma-tires donnent naissance aux divers organes quiconstituent une organisation complte, de telle sortequon peut regarder ces organes comme autant desphres de moindres rayons, inscrites dans une autresphre de rayon plus considrable.

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  • Dun autre ct, les combinaisons diverses desdeux principes contraires doivent se poser ncessai-rement en opposition symtrique les unes lgarddes autres ; nous lavons dj dit. Les organes quientrent dans une organisation complte doiventdonc se rpter, se rflchir mutuellement.

    En envisageant le mme fait sous un autre pointde vue, on peut dire encore que la plante et lanimal, chacun des degrs du dveloppement organiquepar lesquels ils passent, doivent rsumer tous les de-grs de ce dveloppement par lesquels ils ont pr-cdemment pass. Ainsi fait la plante, par exemple ;car peine est-elle parvenue sa maturit, quellepousse un bouton : or ce bouton est dj toute uneplante, qui, pour ntre encore quun germe, nen estpas moins parfaitement semblable la plante com-pltement dveloppe, dont ce bouton a t le pro-duit.

    Du reste, il ne suffit pas de ces oppositions secon-daires, renfermes dans les limites dun mme orga-nisme, pour satisfaire toutes les exigences de la loidu dualisme. Cette loi veut que tout ce qui existe aitson oppos. Cette loi veut, par consquent, qu lor-ganisme tout entier corresponde un autre organisme,

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  • qui en soit la rptition exacte en mme temps quelopposition symtrique. Cest ce qui donne lieu ladistinction des sexes dans la nature organise.

    === III ===

    Il faut voir dans la dualit des sexes une des innom-brables formes que revtent les principes contrairespour se faire opposition.

    Les individus se lient les uns aux autres dans lasuite des temps par la naissance et la reproduction. Ilnest donc pas un seul des tres organiss qui, danschacune des espces qui couvrent la surface de laterre, ne se rattache tous ceux qui lont prcd, tous ceux qui le suivront. On peut se reprsenter cha-cune de ces espces comme une chane dont les an-neaux se droulent dans la srie des temps, en mmetemps que sa trame stend dans lespace. Puis, enoutre, il faut aussi, en raison de la diffrence dessexes, se reprsenter chacun des anneaux de cettechane comme double, cest--dire comme form dedeux anneaux, qui se rattachent tous deux, par lehaut et le bas, aux mmes anneaux, mais dont cha-

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  • cun est la rptition symtriquement exacte de celuiqui lui est oppos.

    === IV ===

    Outre cette opposition des sexes, il sen trouve en-core une autre non moins remarquable dans la na-ture organise. Celle-ci a lieu entre le rgne vgtal etle rgne animal. Le vgtal, avons-nous dit, sassimilelazote de lair atmosphrique quil respire, puis il ex-hale loxigne ; lanimal fait tout le contraire.

    Or, cette opposition radicale nest, pour la philo-sophie de la nature, quune sorte de germe dont ellefait sortir une multitude dautres oppositions, et detelle sorte, quelle arrive nous faire apercevoir danstout ce qui est organe, ou fonction dans la plante,le contraire dun autre organe, dune autre fonctiondans lanimal ; elle opre de mme ensuite pour lani-mal lgard de la plante. Ces oppositions sont as-sez analogues celles que le grand Haller exprimaitdune faon pittoresque, en disant que la plante avaitson estomac dans ses racines, et lanimal, ses racinesdans son estomac.

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  • Il serait, en tout cas, superflu de nous arrter lasignaler au grand nombre. Il suffit de dire quau pointde vue de la philosophie de M. de Schelling, la grandesphre de la nature organise se divise comme endeux hmisphres : lhmisphre vgtal et lhmi-sphre animal ; quen consquence, tous les pointsde lun ou de lautre de ces deux hmisphres setrouvent ncessairement avoir des points analogueset correspondans dans lhmisphre oppos.

    OBSERVATION.

    Il y a dj quelque temps que jentretiens meslecteurs dorganisme et dorganisation ; cependantje nai point encore parl de la vie. Il est possibleque quelques-uns en prouvent, une sorte dtonne-ment, mais cela dnoterait peut-tre, en eux, quelqueproccupation des doctrines de la philosophie sen-sualiste : or, cest dun point de vue tout autre que laphilosophie de la nature considre la vie.

    La philosophie matrialiste regarde la vie commele produit de lorganisation : la philosophie de la na-

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  • ture voit, au contraire, dans lorganisation, le produit,le rsultat de la vie.

    Bien loin de considrer la vie comme un produitdes choses, ce sont les choses quelle considre engnral comme un produit de la vie. Jacobi sembleavoir rsum les doctrines de M. de Schelling, sur cepoint, dans le peu de mots qui suivent : Je ne sacherien de plus absurde, dit-il, que de voir dans la vie leproduit des choses ; ce sont bien plutt les choses quisont un produit de la vie, dont elles ne sont en dfini-tive que des expressions, des manifestations varies.Lessence des choses, dit aussi en propres termes M.de Schelling, ce qui, dans les choses, nest pas unesimple ou passagre apparition, cest la vie : lacci-dentel est le mode de la manifestation extrieure dela vie.

    En un mot, dans les doctrines de la philosophie dela nature, la matire ne vit pas : la matire est vivifie.Mais, dans ce cas, et daprs ces doctrines, quel peuttre ce principe vivifiant ? Quest-ce que la vie ?

    DE LA VIE.

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  • De tous les phnomnes qui clatent sur la surfacedu globe, la vie est sans aucun doute le plus mer-veilleux. La vie est comme le rsum, et, pour ainsidire, la couronne de la multitude des autres phno-mnes. Elle ne saurait donc chapper aux lois du dua-lisme, ou bien de quel droit ce dualisme sappellerait-il universel ?

    Mais il nen est pas ainsi. Loin de l ! Dans la vie semanifeste dune clatante manire cette loi de dua-lisme dont nous avons fait jusqu prsent de fr-quentes applications.

    La vie, comme tous les autres phnomnes de lanature, sera donc aussi le rsultat dune action etdune raction de principes contraires.

    Elle se montrera comme une combinaison n-cessairement variable de ces principes toujours lesmmes ;

    Elle natra de leur contact, elle jaillira, pour ainsidire, de leur choc.

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  • Il sagit par consquent de dterminer seulementquels sont ces principes, dont le contact et les com-binaisons diverses produisent la vie.

    Or, une observation bien simple suffit pour nous lervler.

    La vie dans son principe, dans son essence, dansce qui la constitue, est ncessairement une. Elle estidentique elle-mme chez tous les tres anims. Enmme temps elle clate pourtant partout sous formesdiffrentes.

    De l rsulte que des deux principes quiconcourent produire la vie, lun est un, iden-tique lui-mme ; lautre, divers, multiple, partoutdiffrent de lui-mme.

    On peut encore dire que lun est positif, lautre n-gatif. - On sait quil ny a quune manire dtre unechose, et quil y a mille manires de ne pas tre cettechose.

    Dun autre ct, les formes diverses sous lesquellesse montre la vie, ne sont autres que les diversesconditions organiques, au milieu desquelles elle agit.

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  • Cette diversit des conditions organiques repr-sente donc la multiplicit du principe ngatif.

    Donc aussi le principe ngatif se trouve dans lor-ganisme, ou, pour parler plus exactement, nest autreque lorganisme mme.

    Mais alors le principe positif doit tre en dehors delorganisme.

    Or, ce principe positif de la vie, qui constitue lavie, est, vrai dire, la vie elle-mme. Lautre nest, aucontraire, quune limitation, quune ngation dunecertaine quantit de vie ; la vie est donc aussi en de-hors de ltre anim.

    La vie nappartient donc pas exclusivement, etcomme leur proprit, aux tres en qui elle se mani-feste. La vie remplit lespace o elle spanche danstous les sens, dans toutes les directions. Elle est entout et partout. Il ne nous est pas donn, la vrit,de lapercevoir dans cette sublime puret de son es-sence. Elle ne saurait se montrer nous quau moyenseulement de sa rencontre avec un autre principe,qui, la limitant en sens divers, lui impose une forme,sous laquelle elle nous devient visible et palpable.

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  • Cest ainsi que la rose du matin chappe nos yeuxau milieu de latmosphre quelle remplit, mais quenous lapercevons au fond du calice de la fleur qui larecueillie.

    De mme encore, au fond de toutes les intelli-gences, il existe un principe partout un, partout iden-tique, linfini, labsolu. Mais ce principe ne se montre nous que combin avec un autre principe, le fini,le relatif. De l viennent tout la fois lidentit et ladiversit des intelligences individuelles.

    Dans cette dernire sorte dopposition, il sagitsans doute encore des mmes choses considresdun point de vue diffrent... Nanmoins ce nest pasle moment dinsister sur cette observation.

    DE LA POLARIT.

    Magntisez en lchauffant une pierre de turma-line. Le fluide magntique se scindant comme endeux autres fluides, lun ngatif, lautre positif, se por-tera deux points extrmes de la pierre. Electrisez-la ; le fluide lectrique se scindant de la mme faon,

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  • se portera de mme aussi aux deux extrmits de lapierre.

    On appelle ces points extrmes les ples de la tur-maline. On appelle en mme temps polarit de la tur-maline, la proprit qua cette pierre de manifester desemblables ples.

    Llectricit positive occupera le mme ple quele magntisme ngatif ; rciproquement, le magn-tisme positif occupera le mme que llectricit n-gative.

    A chacun des ples de la turmaline, il existe doncaussi une sorte de polarit.

    A chacun de ces ples, entre le magntisme po-sitif et llectricit ngative, ou bien entre llectri-cit positive et le magntisme ngatif, il existe doncune polarit analogue celle qui se trouve dans lapierre elle-mme, entre le magntisme positif et n-gatif, entre llectricit positive et ngative. Je veuxdire que llectricit positive appelle invitablementle magntisme ngatif, ou bien le magntisme posi-tif, llectricit ngative.

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  • Lorsque la turmaline se refroidit par degr, on voitles ples changer successivement de place. Le plepositif du magntisme en devient le ple ngatif ; lamme chose a lieu pour llectricit ; un autre de-gr de refroidissement les ples reprendront leurspremires places, pour les changer encore plus tard.Mais, pendant tout ce temps, les fluides diffrens nencontinueront pas moins faire clater entre eux, chacun des ples quils occupent, lopposition djsignale.

    Brisez-vous la turmaline en deux, en trois, enquatre, en un nombre quelconque de morceaux, cha-cun de ces morceaux continuera manifester lesmmes phnomnes de polarit que la pierre entire.On la rduirait en une sorte de poussire impalpable,quil en serait de mme de chacun des grains de cettepoussire. Cest ainsi que les moindres fragmens dunmiroir bris continuent de rflchir la mme imageque rflchissait le miroir, quand il tait entier.

    Do viennent ces proprits singulires de la tur-maline ? A quelle cause est-elle redevable ?

    Cette cause consiste, suivant toute probabilit,dans une sorte dhtrognit primitive que rec-

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  • lerait la turmaline ; car on conoit que la chaleur,nagissant pas dune manire uniforme, sar toutela pierre, en raison de cette htrognit, puisseveiller ; ici Llectricit positive, l llectricit nga-tive ; ici le magntisme ngatif, l le magntisme po-sitif. Mais rien ne soppose ce que nous imaginionsla turmaline divise en deux parties par rapport cette htrognit, et de telle sorte que lune de cesparties de turmaline, ou pour mieux dire, de ces tur-malines despce nouvelle, reclt la proprit de laturmaline qui la rend propre manifester le magn-tisme positif et llectricit ngative ; que lautre par-tie de la turmaline, ou bien que cette autre turmalinedespce nouvelle que nous avons imagine, recltau contraire les proprits inverses de la turmaline,cest--dire, celle qui la rend propre manifester lemagntisme ngatif, et llectricit positive.

    La polarit qui existait prcdemment dans uneseule pierre, se trouvera de la sorte exister en deuxpierres spares : en mme temps, rien ne sera pour-tant chang, dans les phnomnes quelle mani-festait. Aux deux turmalines despce nouvelle, quenous avons mises en regard lune de lautre, on peutsubstituer deux autres corps quelconques ; aucunchangement nen rsultera dans les phnomnes de

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  • la polarit, que nous venons de dcrire, si nous sup-posons ces corps dous des mmes proprits queceux quils remplacent par rapport la polarit ma-gntique ou lectrique. A cette dernire condition, onpeut remplacer de mme chacun de ces corps, pardeux, par trois, par un nombre quelconque dautrescorps, sans que rien ne soit chang, non plus dansles phnomnes. Lun de ces systmes de corps re-prsentera ce qui se passe lun ou lautre des plesde la turmaline ; lautre ce qui se passe au ple op-pos. On peut multiplier par la pense le nombre decorps qui entre dans les deux systmes de corps, detelle sorte quils finissent par comprendre tous ceuxqui existent dans le monde entier ; de telle sorte enfinque les deux systmes de corps, embrassant le sys-tme mme de lunivers, finissent par se confondreavec ce systme. Alors encore, ce sera toujours lesphnomnes de la polarit magntique et de la po-larit lectrique qui se manifesteront tels quils ontt dcrits. Dun autre ct, comme nous avons djeu loccasion den faire la remarque, ces deux fluidesnont pas un mode de manifestation qui leur appar-tienne en propre ; ils partagent celui que nous venonsdobserver, avec le calorique, le fluide lumineux, avectoutes les forces primitives de la nature ; il se pas-sera par consquent dans les deux systmes de corps

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  • que nous avons imagins, cest--dire dans lunivers,une multitude dautres phnomnes de polarit, ana-logues ceux de la polarit lectrique et magntique.

    Il se manifestera un nombre infini de polarits ana-logues celle de la turmaline, mais qui en serontnanmoins distinctes.

    Entre la turmaline et lunivers, il existe doncune sorte de correspondance vraiment merveilleuse.Cette pierre est comme un symbole, un abrgde lunivers. Lagrandissez-vous par la pense demanire ce quelle remplisse lespace ; luniversvous apparat : par la pense, amoindrissez-vous,au contraire, lunivers ; lamoindrissez-vous de tellesorte quil en vienne tenir dans les troites limitesqui renferment cette pierre, vous retrouverez la tur-maline. Dans lun et lautre cas, on verra se repro-duire les mmes phnomnes, on verra dominer lesmmes lois il ny aura de chang que les seules pro-portions des choses.

    DUNE FORMULE GNRALE DU SYSTME.

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  • Admettons dans lespace deux principescontraires.

    Admettons quen vertu dune force intrieure quileur soit propre, ces deux principes se meuvent libre-ment dans lespace.

    Admettons de plus, pour fixer nos ides, pour sa-voir en quelque sorte o les prendre au sein de lim-mensit, quils ne se meuvent que le long dune seuleligne, dune ligne droite.

    Par la mme raison, au lieu dessayer dabordde nous en saisir dans toute leur abstraction,reprsentons-nous-les au contraire sous la forme desforces vives de la mcanique, en ayant soin, toutefois,den spiritualiser, pour ainsi dire, la notion, autantque possible, de la purger, autant quil est en nous,de ses lmens matriels.

    Admettons, enfin, que ces deux principes semeuvent en sens contraire.

    Un moment viendra o ils se rencontreront unpoint donn de la ligne.

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  • L un conflit stablira entre eux.

    De plus, un autre moment viendra o sur un autrepoint ce conflit deviendra dfinitif, cest--dire quelquilibre se trouvera tabli entre les efforts oppossdes principes contraires.

    Les conditions de cet quilibre seront ncessaire-ment variables, car elles dpendront de lnergie aveclaquelle les deux principes agiront et ragiront luncontre lautre, et de bien dautres circonstances en-core quil est inutile de raconter.

    Dun autre ct, la position du point de la ligne oitse passera le conflit dfinitif sera sujette varier.

    Si la force motrice est gale dans les deux principesau moment o ils se rencontrent, au point o ils seheurtent, cest ce point mme que le conflit devien-dra dfinitif entre eux, que lquilibre stablira entreleurs efforts contraires.

    Si la force motrice est ingale dans les deux prin-cipes, le conflit ne deviendra dfinitif que sur unautre point que celui de rencontre.

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  • Ce sera en-de de ce point, par rapport au prin-cipe dont la force est la moins considrable ; au-del,par rapport celui o elle lest le plus.

    Le point dquilibre avancera ainsi, ou reculera lelong de la ligne, suivant les accroissemens ou les di-minutions qui surviendront dans lnergie motricedes principes contraires.

    Mais on peut supposer ces accroissemens et ces di-minutions de forces motrices, comme se succdantavec rgularit et avec galit dans les deux prin-cipes ; je veux dire que si lon admet que lun des deuxprincipes se trouve tre infrieur au principe oppos,de tant de degrs, par exemple, en nergie motrice,on peut admettre quil lemportera ncessairementet infailliblement, en nergie motrice, de ce mmenombre de degrs dans linstant qui suivra. Il ny arien l-dedans qui soit contradictoire avec la donnepremire.

    Dans ce cas, le point de conflit ne cessera davan-cer ou de reculer symtriquement sur la ligne. En cemontent, en-de dun point de conflit prcdent parrapport la force qui vient de faiblir, il se trouvera au-del de ce mme point dans linstant qui suivra, et

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  • dans les deux cas, une gale distance dun mmepoint. Sur toute la ligne il se trouvera, par cons-quent, un certain nombre de points de conflit, tou-jours placs deux par deux, une gale distance dunmme point ; toujours se rptant, se rflchissantsymtriquement les uns les autres.

    Les accroissemens dnergie motrice des deuxprincipes peuvent se faire au moyen dun nombre in-fini de degrs daccroissement, et de mme les di-minutions dnergie, au moyen dun nombre infinide degrs de dcroissement dnergie. Il en rsul-tera, daprs tout ce que nous venons de dire, que lenombre des points de conflit, se trouvant sur la ligne,devra tre aussi illimit, infini.

    Mais il est une chose dj indique, sur laquelle lemoment est venu dinsister. Nous avons admis quele mouvement des principes contraires, dans le d-ploiement de leur activit, se faisait en ligne droite :or, ctait l une pure hypothse dont le seul objettait de nous rendre plus facile, de nous reprsenterce qui devait avoir lieu leur rencontre ; il nen est pasainsi, il nen peut tre ainsi dans la ralit. Au lieu dese mouvoir le long dune seule ligne droite, les prin-cipes opposs se meuvent sans doute au contraire

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  • dans tous les sens, rayonnent dans toutes les direc-tions, et, en mme temps sur chacune des lignesde cette innombrable multitude de lignes quils par-courent, ont ncessairement lieu tous les phno-mnes que nous venons dobserver sur une seule.

    Au sein de limmensit tout entire, il ne sauraitdonc se trouver un seul point de lespace qui ne soitle lieu dun conflit entre les principes contraires. Il nesaurait en exister un seul qui ne soit en rapport dop-position symtrique avec quelque autre point de les-pace.

    Il faut bien que cela soit ainsi, car si nous suppo-sons que chacun des conflits des principes contrairesait pour expression une des choses quelconques delunivers ; si nous supposons que chacun des rap-ports dopposition quont entre eux ces conflits di-vers, se trouve tre exprim, dune manire visiblepour nous, par les rapports que ces choses ont, entreelles dans lespace et dans le temps, on reconnatra,dans le dualisme que je viens de dcrire, la loi g-nrale de lunivers ; on reconnatra dans les diversescombinaisons de ce dualisme tout un ordre de chosesinvisibles et caches, dont lunivers est une visible,une clatante manifestations.

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  • Toutefois, je me hte den faire la remarque, je neme suis propos de ne contempler que sous un seulpoint de vue cet ordre de choses invisibles.

    Cest dans ce dessein que je me suis born neconsidrer lopposition des principes contraires quesous un seul rapport, celui o ils se feraient oppo-sition, la faon de deux forces agissant et ragis-sant lune contre lautre ; mais ce rapport dopposi-tion, bien loin dtre le seul qui existe entre les prin-cipes opposs, nest au contraire que le plus Visible,le plus saisissable, de tous ces rapports diffrens ; carnous ne saurions imaginer un seul rapport dopposi-tion possible, qui ne se trouvt pas rellement existerentre les principes contraires.

    A vrai dire, il nexiste pas un seul fait, une seulechose, une seule ide ; il nexiste pas pour nous, soitdans le monde moral, soit dans le monde physique,un seul point, o ne se passe une opposition ana-logue celle que nous avons dcrite. Si je me suis at-tach de prfrence celle-ci pour la raconter, cestuniquement parce que, plus facile saisir que lesautres, elle en tait comme un symbole visible.

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  • Il serait mme de toute impossibilit que sur unpoint quelconque de la connaissance humaine, cetteopposition constante net point lieu ; car cest elle-mme qui constitue la connaissance humaine.

    Le lecteur en sera peut-tre convaincu par le peude lignes qui vont suivre, sil consent slever avecmoi de quelques degrs de plus dans la sphre delabstraction philosophique.

    AUTRE POINT DE VUE DU DUALISME.

    La connaissance est lexpression dun rapportentre deux termes.

    Elle est un lien entre ces deux termes.

    Lun de ces termes est la reprsentation dans lin-telligence dun objet en dehors de lintelligence.

    Lautre est la chose mme dont celui-ci est la repr-sentation. De ces deux termes, le premier se rattache lintelligence humaine, puisque cest l quil existe ;cest un produit de moi.

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  • Le second se rattache de mme la chose en de-hors du moi, cest--dire au monde, la nature.

    On peut encore appeler subjectif, lensemble desreprsentations des choses. On peut de mme appe-ler objectif lensemble des choses reprsentes.

    On pourrait donc dire aussi de la connaissanceen gnral, quelle est lexpression de lensemble despoints de contact qui se trouvent entre le moi et lemonde, lintelligence et la nature, le subjectif et lob-jectif.

    Par cela mme que la connaissance tablit un lienentre les deux termes du rapport, elle les fond, les ab-sorbe, pour ainsi dire, en une sorte didentit.

    Mais pour analyser la connaissance, il est videntquil faut la dcomposer en ses lmens intgrans.

    Il faut rompre le lien des deux termes du rapport, ilfaut briser lidentit o ils se confondent.

    Cela fait, il sagit dexaminer dabord en lui-mmelun ou lautre de ces deux termes.

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  • Il sagit ensuite dexaminer aussi, de dterminerrigoureusement comment ce terme se rattache lautre terme ; quelles sont les conditions sous lem-pire desquelles il va se confondre avec cet autreterme.

    Cette analyse est susceptible dtre tente de deuxmanires diffrentes.

    On peut examiner sparment, ou bien cette por-tion de la connaissance qui est fournie par le moi quenous avons appel le subjectif ;

    Ou bien on peut faire linverse, cest--dire exami-ner dabord lautre terme du rapport, la portion de laconnaissance fournie par le monde extrieur, lobjec-tif.

    Mais en mme temps, il ne suffit pas dexaminersparment lun ou lautre de ces termes du rapport,il faut examiner aussi comment ce terme se rattache lautre.

    Quand on part du moi, il faut donc aller du moi la nature ; quand on part de la nature, il faut aller dela nature au moi.

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  • Or, en raison de ce lien qui se trouve tre tablientre les deux termes du rapport, en raison de leuridentit primitive, il faudra faire retrouver, pour ainsidire, celui do lon part dans celui o lon arrive.

    Il arrive de l que les sciences dont le, point de d-part est dans lobservation de la nature, ont pour butde gnraliser de plus en plus les rapports quellesont saisis entre les choses. Elles font de plus abstrac-tion des choses et des phnomnes, elles tendent neplus voir dans la nature que des lois gnrales ; puis tablir ensuite lidentit de ces lois et de celles de lin-telligence ; leur marche tend de la sorte spiritualiserla nature entire. Les sciences dont le point de dpartest dans le moi, suivent une marche inverse, tendentau contraire de cas en cas, danalogie en analogie, leslois de lintelligence humaine. On voit quelles se pro-posent de soumettre lempire de ces lois luniversa-lit des choses et des phnomnes ; quelles visent aller crire les lois de lintelligence dans limmensitmme.

    CONCLUSION.

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  • La philosophie, science des sciences, dont le butdoit tre surtout de crer un lien entre toutes lessciences, ne pourrait donc se dispenser dembrasserles deux termes du rapport de la connaissance hu-maine. Elle manquerait essentiellement sa missionen senfermant exclusivement dans lun ou lautre.

    Il faut donc que tout systme de philosophie com-mence par lanalyse de ce rapport lui-mme ; quilpntre jusque dans lessence mme de la connais-sance, quil ne nglige aucune des conditions quirendent la connaissance possible. Cest cette hau-teur dabstraction que le philosophe devra se faireune hypothse gnrale, au moyen de laquelle il ten-tera de sexpliquer les faits primitifs et fondamen-taux, une sorte de formule gnrale, en un mot, quilnaura plus qu vrifier dans les sphres diverses dela connaissance humaine.

    Dans toutes ces applications, la formule devra res-ter identique elle-mme. Cest ainsi quune qua-tion demeure toujours la mme, bien quon puisseremplacer, par des valeurs particulires et dtermi-nes, les valeurs gnrales et absolues, sur lesquelleselle a t tablie.

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  • Et cest rellement de la sorte qua procd lephilosophe clbre dont nous nous occupons. M.de Schelling a commenc par se faire aussi unesorte, dhypothse fondamentale, de formule gn-rale, pour se rendre compte des faits primordiauxde la connaissance humaine, cest--dire du moi, dumonde et des rapports du monde et du moi ; puis ila ensuite appliqu cette sorte dhypothse ou de for-mule diverses branches dtudes.

    La philosophie de la nature a t lune de ces appli-cations, ou si on laime mieux, lune des transforma-tions de la formule gnrale.

    Cette philosophie, comme on pourrait peut-tre lesupposer dabord, si lon voulait sen faire une notion,en se plaant au point de vue du sensualisme, nestnullement une science dobservation : sa manire deprocder nest pas de conclure des faits particuliersaux faits gnraux ; de slever de lobservation desphnomnes aux lois qui rgissent ces phnomnes,aux thories qui les expliquent. Son point de dpartest tout au contraire celui que nous venons dindi-quer, cest--dire, une hypothse primitive, fonda-mentale quelle pose priori ; puis dont elle va cher-cher ensuite la vrification dans le domaine de la na-

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  • ture, au moyen de lobservation. Imaginez une desides de Platon, tombant du royaume intelligible, etsincarnant par degrs au sein de la ralit terrestre :telle est sa marche.

    Pour donner au lecteur quelque notion de cettephilosophie, je devais donc, avant tout, mattacher lui faire connatre lhypothse priori dont ellefait son point de dpart. Je devais mattacher luifaire entrevoir, travers ses diverses transformations,lide dont cette philosophie semble poursuivre lesincarnations successives. Une autre raison devait, enoutre, me dterminer agir, comme je lai fait : ctaitde rendre plus manifeste le vritable rang quoccu-pait la philosophie de la nature dans lensemble desspculations philosophiques de M. de Schelling.

    M. de Schelling na jamais, en effet, dveloppdune manire trs complte ou du moins trs d-taille cette portion de sa philosophie, qu dfautdune expression plus propre rendre ma pense, jaiappele sa formule gnrale. A peine lui a-t-il consa-cr, il y a dj de longues annes, quelques pagesdun recueil priodique devenu fort rare. Il nen a pasnon plus fait un usage trs vari en dehors de la phi-losophie de la nature, tandis quil a vou cette der-

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  • nire dimportans et de nombreux travaux. Il est ar-riv de l que cette face de son systme a pu paratre beaucoup de gens comprendre le systme entier ;que cette partie du tout a sembl le tout lui-mme.Peut-tre ntait-il pas tout--fait inutile dessayer defaire apercevoir au lecteur que la porte des ides deM. de Schelling allait au-del de la philosophie de lanature, o staient toutefois presque exclusivementrenferms ses travaux. Cest pour cela que jai misune sorte dinsistance importune dailleurs, je ne sau-rais me le dissimuler, lui faire apercevoir derrirecette philosophie de la nature, une autre philosophieplus gnrale, dordre plus relev que cette dernire,dont cette philosophie de la nature ntait elle-mmequune sorte de traduction en langage plus vulgaire.

    Esquisses de la philosophie de lhistoire

    tome 2 1833 manquant

    BARCHOU DE PENHOEN.

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