scenes hongroises d'avant-garde · 2020. 8. 30. · revue pariée sous le haut patronage de m....

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Revue pariée SOUS LE HAUT PATRONAGE DE M. ÀRPÀD GÔNCZ, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE HONGRIE. SCENES HONGROISES D'AVANT-GARDE (SURRÉALISMES ET AUTRES AVANT-GARDES EN HONGRIE) PARIS, 13 MAI -1 JUIN 1992 TIBOR DERY : "REVEILLEZ-VOUS" (1929) LECTURE À PLUSIEURS VOIX D'APRÈS LE RÉCIT SURREAUSTE DE TIBOR DÉRY- CRÉATION MONDIALE. LA PETITE SALLE, VENDREDI 15 MAI À 21 H. ^ H | ÀRPÀD GÔNCZ : "COMÉDIE PESSIMISTE" (1990) LECTURE-SPECTACLE DE LA DERNIÈRE PIÈCE D'ÀRPÀD GÔNCZ - CRÉATION MONDIALE. LA PETITE SALLE, SAMEDI 16 MAI À 21 H. LE SURRÉALISME, SA PRÉSENCE ET SON INFLUENCE EN HONGRIE RENCONTRESDÉBATS AUTOUR DE LA PRÉSENTATION D'OEUVRES LITTÉRAIRES ET PLASTIQUES. LA PETITE SALLE, VENDREDI 15 MAIÀ 18 H ET SAMEDI 16 MAI À 15 H. V ^^H LE THÉÂTRE D'ARPÀD GÔNCZ : I AVANT-GARDE ET POLITIQUE DANS LE THÉÂTRE HONGROIS RENCONTRE-DÉBAT AUTOUR DE L'OEUVRE D'ARPÀD GÔNCZ ET D'AUTRES DRAMATURGES HONGROIS. LA PETITE SALLE, SAMEDI 16 MAI À17 H. ^^H HHENDRE NEMES, PEINTRE SURRÉALISTE HONGROIS ET EUROPÉEN (1909 -1985) PRÉSENTATION DE L'OEUVRE DU PEINTRE : TABLEAUX, DOCUMENTS, CATALOGUES. PREMIÈRE EXPOSITION EN FRANCE (OEUVRES PRÊTÉES PAR LE MUSÉE DE PÉCS, HONGRIE) EXPOSITION AU PETIT FOYER - 1S MAI -1 JUIN 1992 VERNISSAGE VENDREDI 15 MAI À 17 H. M Centre Georges Pompidou

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  • Revue pariée SOUS LE HAUT PATRONAGE DE M. ÀRPÀD GÔNCZ,

    PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE HONGRIE.

    SCENES HONGROISES D'AVANT-GARDE (SURRÉALISMES ET AUTRES AVANT-GARDES EN HONGRIE)

    PARIS, 13 MAI - 1 JUIN 1992

    TIBOR DERY : "REVEILLEZ-VOUS" (1929) LECTURE À PLUSIEURS VOIX D'APRÈS LE RÉCIT SURREAUSTE DE TIBOR DÉRY- CRÉATION MONDIALE.

    LA PETITE SALLE, VENDREDI 15 MAI À 21 H.

    ^ H | ÀRPÀD GÔNCZ : "COMÉDIE PESSIMISTE" (1990) LECTURE-SPECTACLE DE LA DERNIÈRE PIÈCE D'ÀRPÀD GÔNCZ - CRÉATION MONDIALE.

    LA PETITE SALLE, SAMEDI 16 MAI À 21 H.

    LE SURRÉALISME, SA PRÉSENCE ET SON INFLUENCE EN HONGRIE RENCONTRESDÉBATS AUTOUR DE LA PRÉSENTATION D'ŒUVRES LITTÉRAIRES ET PLASTIQUES.

    LA PETITE SALLE, VENDREDI 15 MAIÀ 18 H ET SAMEDI 16 MAI À 15 H.

    V ^ ^ H LE THÉÂTRE D'ARPÀD GÔNCZ : I AVANT-GARDE ET POLITIQUE DANS LE THÉÂTRE HONGROIS

    RENCONTRE-DÉBAT AUTOUR DE L'ŒUVRE D'ARPÀD GÔNCZ ET D'AUTRES DRAMATURGES HONGROIS. LA PETITE SALLE, SAMEDI 16 MAI À17 H.

    ^ ^ H HHENDRE NEMES, PEINTRE SURRÉALISTE HONGROIS ET EUROPÉEN (1909 -1985)

    PRÉSENTATION DE L'ŒUVRE DU PEINTRE : TABLEAUX, DOCUMENTS, CATALOGUES. PREMIÈRE EXPOSITION EN FRANCE (ŒUVRES PRÊTÉES PAR LE MUSÉE DE PÉCS, HONGRIE)

    EXPOSITION AU PETIT FOYER - 1S MAI -1 JUIN 1992 VERNISSAGE VENDREDI 15 MAI À 17 H.

    M Centre Georges Pompidou

  • EXPOSITION, RENCONTRES-DÉBATS ET LECTURES-SPECTACLES ORGANISÉS

    DANS LE CADRE DE LA REVUE PARLÉE DU CENTRE GEORGES POMPIDOU

    (DIRECTEUR : BLAISE GAUTIER)

    PAR L'ASSOCIATION SCÈNES HONGROISES D'AVANT-GARDE (PARIS)

    ET PAR LA FONDATION BALASSA POUR LES AVANT-GARDES EN HONGRIE (BUDAPEST)

    SOUS LA DIRECTION DE GEORGES BAAL

    MESDAMES EDIT GERELYES ETJUDITH KARAFIÀTH ET MESSIEURS GÉRARD NAURET

    ET GEORGES TVERDOTA ONT APPORTÉ LEUR AIDE À L'ORGANISATION

    NOUS REMERCIONS PARTICULIEREMENT MESDAMES MARIA TOTH ET MARIA PASZTERNÀK

    EXPOSITION :

    CHOIX DE TABLEAUX ET MISE EN PLACE : GEORGES BAAL

    REPRÉSENTANT DU MUSÉE DE PECS : FERENC ROMVÀRY

    "RÉVEILLEZ-VOUS" ET LA "COMÉDIE PESSIMISTE" SERONT PRÉSENTÉES PAR LES COMÉDIENS :

    CLAUDE BUCHWALD, MARTINE DEMARET, JADE DUVÏQUET, ALAIN GARENNE, LUIS MARQUES,

    CLAUDE MERLIN, GÉRARD NAURET, CHRISTIAN RUGRAFF ET GEORGES BAAL.

    NOUS ATTENDONS LA PARTICIPATION AUX RENCONTRES-DÉBATS DE :

    G. ANDRASI, G. ANGYALOSI, L. BEKE, E. ERDÔDY, L. FERENCZI, E. GERELYES, J. KARAFIÀTH,

    O. MEZEI, G. PATAKI, B. POMOGATS, F. SIK, Z. TORDAI, A. VAJDA, I. VARGA ET DE H. BEHAR,

    J. P. FAYE, F. FEJTÔ, G. KASSAI, G. LONDEIX, R MOURIER-CASILE, K PASSUTH,

    J. PIERRE, G. RAILLARD, G. SEBBAG, C. SCHUMACHER, R. TEMKINE, G. TVERDOTA, J. VOVELLE.

    PROJECTIONS : SÀNDOR KARDOS. ARCHIVES HORUSZ.

    AFFICHES, MAQUETTES : VALÉRIE MARGAILLAN

    TRADUCTION DES TEXTES HONGROIS : GEORGES BAAL

    PLAQUETTE CONÇUE ET RÉALISÉE PAR GEORGES BAAL

    E N COORDINATION AVEC CES MANIFESTATIONS AURA LIEU UN COLLOQUE SCIENTIFIQUE :

    SURRÉALISME, MODERNITÉS ET POST-MODERNITÉ EN HONGRIE

    ORGANISÉ AVEC LE CONCOURS DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

    ET DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES DE HONGRIE

    À PARIS, LUNDI 18 ET MARDI 19 MAI 1992 DE 10 À 13 ET DE 15 À 18 HRS

    IMSECO - CNRS - 9, RUE MICHELET, 75006 PARIS

    Atraal - théâtre - B.P. 37 - 94160 Saint-Mandé - France

  • SOUS LE HAUT PATRONAGE DE M. ARPÀD GÔNCZ, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE HONGRIE

    SOUS LE HAUT PATRONAGE DE M. ALAIN POHER,

    PRÉSIDENT DU SÉNAT,

    DE

    M. BERTALAN ANDRÀSFALVY MINISTRE DE LA CULTURE ET DE L'EDUCATION DE HONGRIE,

    ET DE

    M. PIERRE JOXE MINISTRE DE LA DÉFENSE

    ANCIEN PRÉSIDENT DES AMITIÉS FRANCO-HONGROISES

    COMITE D'HONNEUR

    M. Ferenc Kulin, Président de la Commission des Affaires culturelles, Assemblée Nationale de Hongrie,

    M. Maurice Schumann, de l'Académie, M. Hubert Martin, Président du Groupe d'Amitié franco-hongroise du Sénat,

    M. J-M. Belorgey, Président de la Commission des Affaires culturelles de l'Assemblée Nationale, M. René Drouin, Président du Groupe d'Amitié franco-hongroise de l'Assemblée nationale,

    M. Otto Habsbourg, député européen.

    COMITE SCIENTIFIQUE ET ARTISTIQUE :

    MM. G. Baal, H. Béhar, M. Ferro, C. Karnoouh, G. Kassaî et D. Mesguich (France) et M. F. Bodri, Mme J. Karafiàth, MM. B. Pomogàts, Z. Tordai et G. Tverdota (Hongrie).

    AVEC LE CONCOURS DE : l'Association "Scènes hongroises d'Avant-Garde", la Fondation Balassa, le Musée de Pècs,

    le Ministère de l'Education et de la Culture de Hongrie, l'Académie des Sciences de Hongrie, les Ministères de la Culture

    et de la Recherche, le Centre National de la Recherche Scientifique, les Services culturels de l'Ambassade de France,

    l'Institut Français de Budapest et l'Association Française d'Action Artistique.

  • Depuis le début du XXe siècle, les courants artistiques hongrois ont,

    à plusieurs moments cruciaux, rencontré et rejoint

    les grands mouvements européens d'avant-garde.

    La Revue Parlée présente en mai trois artistes hongrois,

    aussi différents entre eux par leurs œuvres que par leur vie.

    Endre NEMES reste toute sa vie peintre surréaliste, pendant que, fuyant le fascisme, il

    parcourt toute l'Europe de Prague à Stockholm.

    TiborDERY, écrivain, poète, auteur dramatique, adhère, au début des années vingt, aux

    mouvements hongrois et européens d'avant-garde et crée, avec une rapidité fulgurante,

    une œuvre poétique et dramatique marquée par l'expressionisme, dada et surtout le sur-

    réalisme, avant de se convertir au roman et au réalisme.

    Aïpàd GONCZ, enfin, que l'histoire mène de la prison, en 1956, à la Présidence de la République, en 1990, et dont les pièces de théâtre sont une douloureuse révision de l'his-toire contemporaine de la Hongrie où le réalisme le plus cru devient lui-même surréel.

    Certes, la culture hongroise n 'a jamais été ignorée en France, mais, en raison de son iso-

    lement linguistique et des longues périodes sombres de son histoire, elle est restée long-

    temps et injustement méconnue.

    Toutefois, on ne s'y intéressera pas pour des raisons de mode, d'actualité, d'opportunité

    et d'exotisme. La question se pose donc: quels sont les courants et les époques, les

    écoles et les créateurs dont l'œuvre est la plus apte à contribuer aujourd'hui à la vie litté-

    raire et artistique française? Trois périodes organiquement liées semblent s'imposer: la

    fin du dernier siècle qui voit la naissance de la modernité suivre de près l'apothéose du

    classicisme national, le début de notre siècle avec ses avant-gardes en contact étroit avec

    les grands courants européens, et, bien sûr, la création contemporaine en train de

    retrouver un champ de liberté et d'originalité.

    Cette présentation s'articule donc autour de ces trois périodes et intègre, dans une

    approche interdisciplinaire et interculturelle, poésie, littérature, arts plastiques, autour

    de deux points forts : le théâtre et la peinture de Nemes.

    G.B.

  • THÉÂTRE HONGROIS AU CENTRE POMPIDOU C'est la troisième série de manifestations

    que la Revue Parlée consacre au théâtre hongrois.

    En 1984, dans le cadre d 'une Quinzaine de Théâtre Hongrois, Georges Baal et rAtraal-Théâtre ont présenté, en lecture-spectacle, pour la première fois en France, le plus grand classique du théâtre hongrois, la pièce philosophique d'Imre Madàch : "La Tragé-die de l 'Homme" (traduction de Jean Rousselot) avec, entre autres, Valérie Dréville, Aurelien Recoing, André Lacombe, les acteurs de rAtraal-Théâtre et le musicien Frank Royon Le Mée.

    Ils ont lu, en première française, la pièce surréaliste de Tibor Déry : "Le Bébé Géant" (traduction et adaptation de Georges Baal, avec Micheline Uzan, Gérard Nauret, etc.).

    En 1987, lors des 1ères Journées sur lej^vants-Gardes en Hongrie, à l'occasion du cente-naire de Lajos Kassàk, rAtraal-Théâtre a présenté, en première mondiale, "Que Prenez Vous au Petit Déjeuner ?" , de Tibor Déry, et un ensemble de lectures d'écrivains et de poètes hongrois, de Kassàk à Hatàr et à Szentkuthy, avec la participation d 'une vingtaine d'acteurs, parmi lesquels Alain Cuny et Richard Fontana.

    Ces manifestations ont été produites par rAtraal-Théâtre, la conception et la direction d 'ac^Ers étaient assurés par Georges Baal.

    ^ ^ H L'ATRAAL-THÉÂTRE ^ ^ H L'Atraal-Théâtre, fondé par Georges Baal en 1974, a créé des spectacles sur des textes de Lautréamont, Antonin Artaud, Beckett et des poètes surréalistes, ainsi que des pièces de danse-théâtre. Il a tourné en France, aux Etats-Unis, en Suisse, en Espagne, en Italie, en Hongr ie . . . et a j o u é certains de ses spectacles plus de cent fois. Parallèlement, il a déployé une activité de formation d'acteurs et de recherche en théâtrothérapie, a parti-cipé à de nombreux festivals et colloques, organisé des ateliers et publié, entre autres, un numéro spécial sur Artaud pour la revue Textuerre.

    Depuis 1984, l'Atraal-théâtre s'intéresse à la littérature et le théâtre hongrois qu'il a pré-sentés à travers des lectures-spectacles, souvent en création mondiale, au Centre Georges Pompidou et ailleurs (La Tragédie de l 'Homme, des pièces de T. Déry). Il a édité en français "le Bébé géant" de T. Déry. L'Atraal-théâtre a fait quatre tournées et dirigé une dizaine d'ateliers en Hongrie.

  • ^ ^ ^ H LES COMÉDIENS ^ ^ ^ H

    Tous les comédiens ont déjà participé aux lectures-spectacles de théâtre hongrois présentées par Georges Baal au Centre Georges Pompidou en 1984 et 1987.

    Georges Baal, metteur en scène, comédien et chercheur au CNRS, après avoir travaillé en Hongrie et à Paris, a fondé en 1974 rAtraal-théâtre. II a adapté et mis en scène des textes de Beckett, Lautréamont et Artaud, et a joué, dans plusieurs pays, un spectacle solo consacré à Artaud. Il est également le traducteur et l'adaptateur de plusieurs pièces hongroises. Par ailleurs, il enseigne la théâtrothérapie à l'Université Paris 5 et à l'étran-ger et publie régulièrement dans des revues spécialisées.

    Claude Buchwald a joué avec le théâtre du Campagnol, les Athevains et sous la direction de A. Astruc, C. Merlin. Elle a tenu de nombreux rôles au cinéma et à la télévision et elle enseigne à l'Université Paris 8.

    Martine Demaret est comédienne et chanteuse. Elle a joué Molière, de Sade, Brecht et son propre o n e - w m a n show, chanté Satie, du jazz et de la chanson française, a tourné dans des émissions de télévision.

    Jade Duviquet a travaillé au théâtre avec, entre autres, M. M. Georges, J. F. Philippe, J. Savary, G. de Kernabon dans des pièces et créations de Pirandello, Vitrac, Queneau, S. Ganzl et Y Plevnes.

    Alain Garenne, Gérard Nauret et Christian Rugraff sont tous les trois membres fonda-teurs de l'Atraal-théâtre et ont joué dans tous les spectacles de la compagnie, dans les mises en scènes de Georges Baal (Lautréamont, Beckett, Artaud...) Chacun d'eux a créé également son spectacle solo. Ils participent tous les trois aux recherches et aux activités pédagogiques du groupe.

    Luis Marques, après une formation chez R. Cordier, T. Balachova et Véra Gregh, a joué, depuis 1984, au cinéma dans Hors la loi et Parole de Flic, au théâtre le Moine de Lewis et dans de nombreux rôles de télévision. Il a fait récemment des expériences de théâtre rural en Côte d'Ivoire.

    Claude Merlin faisait partie du théâtre du Soleil et du Campagnol, il a joué avec T. Kantor, J. M. Serreau, B. Bayen, C. Dasté et Ph. Adrien ainsi qu 'à la télévision et au cinéma. II a mis en scène des pièces de Tchéchov et de Pessao et il enseigne à l'Université Paris 8.

  • • SCENES HONGROISES D'AVANT-GARDE I ^ ^ ^ H PRÉSENTATION DU PROJET I Les grands chamboulements politiques, récroulement du rideau de fer et d'autres Murs, les transformations économiques, sociales et culturelles des pays de l'Est suscitent actuelle-ment une vague d'intérêt considérable pour les arts et littératures de ces pays. Certes, la culture hongroise n'a jamais été entièrement ignorée en France, mais, question d'isole-ment linguistique et conséquence de longues périodes sombres de l'histoire, elle est restée longtemps et injustement méconnue.

    Toutefois, on ne s'intéressera pas à la culture hongroise pour des raisons de mode, d'actua-lité, d'opportunité ou d'exotisme. La question se pose donc : quels sont, en Hongrie, les courants et les époques, les écoles et les créateurs dont l'oeuvre est la plus apte à contri-buer, aujourd'hui, à la vie littéraire et artistique française ? A notre avis, trois périodes organiquement liées s 'imposent : la fin du dernier siècle qui voit la naissance de la modernité suivre de près l'apothéose du classissisme national, le début de notre siècle avec ses avant-gardes en contact étroit avec les grands courants européens, et, bien sûr, la création contemporaine en train de retrouver un champ de liberté et d'originalité.

    Il est utile peut-être de rappeler que, par sa position géographique et son histoire, la vie culturelle de la Hongrie s'inscrit, selon l 'époque, dans celle de la Monarchie, de l'Euro-pe Centrale, voisine des Balkans, et des "pays de l'Est" socialistes. Elle se trouve des rami-fications, engage des dialogues le long du Danube et par-dessus les Carpathes.

    A plusieurs moments important du 20e siècle, les courants artistiques hongrois ont pu ren-contrer et rejoindre les grandsmouvements européens d'avant-garde. Il en était ainsi non seulement pour la peinture et la musique où les idées et les oeuvres circulent avec une facili-té relative, mais aussi, malgré la barrière linguistique, pour la littérature et le théâtre. La Revue parlée présente trois artistes hongrois, de trois générations successives et aussi dif-férents entre eux dans leurs oeuvres que par le parcours de leur vie : l'écrivain-poète Tïbor Déry, le peintre surréaliste Endre Nemes et l'auteur dramatique Arpàd Gôncz. A eux trois, ils symbolisent l'apport des artistes hongrois de divers courants à la culture européenne.

    Tibor Déry, écrivain, poète, auteur dramatique, adhère, au début des années vingt, aux mouvements hongrois et européens d'avant-garde et créé, entre 1920 et 1930, avec une rapidité fulgurante, une oeuvre poétique et dramatique marquée par l'expressionnisme, dada et surtout le surréalisme, avant de se convertir au roman et au réalisme (qui devien-dra "socialiste"... ). Endre Nemes, peintre surréaliste toute sa vie, dont l'oeuvre prend for-me à la veille de la dernière guerre et qui, fuyant le fascisme, parcourt toute l'Europe. Arpàd Gôncz, enfin, que l'histoire mène de la prison, en 1956, à la Présidence de la République, en 1990, et dont les pièces de théâtre, datées des années 70 et 80, sont une douloureuse révision de l'histoire contemporaine de la Hongrie où le réalisme le plus cru devient lui-même surréel.

    Certes, ni Déry, ni Nemes, ni Gôncz ne représentent le surréalisme (ni aucun autre "isme" ) à son état pur, certes, les oeuvres présentées ici montrent l'originalité de chacun d'eux, au croisement de plusieurs chemins, soumis aux forces historiques autant qu 'à l'influence des écoles européennes, certes ils seraient - et Gôncz sans doute plus que les autres - étonnés de se retrouver voisins, mais à eux trois ils représentent trois points cul-minants de l'art du 20e siècle en Hongrie et incarnent trois destins typiques, façonnés par les convulsions de l'histoire en Europe centrale.

    Georges Baal

  • £

    "REVÇILLEZ-VOUS" I I RECIT SURREALISTE DE TIBORDERY

    La vie de T i b o r D é r y (1894-1977) , contemporain, à trois ou quatre ans près, de Breton et d 'Aragon, n 'est pas sans rappeler, par son appartenance, dans sa jeunesse, aux mouvements d'avant-gar-de, puis sa conversion au roman réaliste, par ses r appor t s étroits mais orageux avec le Parti Communiste, celle d'Ara-gon. Très jeune , au début de sa carrière, il adhère à l ' important groupe d'avant-garde hongrois qui se constitue d'abord à Budapest puis, en émigration, à Vienne, autour de Lajos Kassàk, et qui devient

    l 'ac t ivisme h o n g r o i s avec ses revues célèbres. En 1924, Déry vient à Paris pour deux ans. Il y rencontre les avant-gardes pa r i s i ennes et le j e u n e su r r éa l i sme . Soupault se souvenait encore de lui.

    Dans les années vingt, Déry est fortement inf luencé par l ' express ionnisme alle-mand, dada et, enfin, le surréalisme fran-çais. Il est aussi en contact étroit avec les t e n d a n c e s de Kassàk à syn thé t i s e r l'ensemble des mouvements européens

    • • •

    beaumoneRectangle

    beaumonephoto

  • d'avant-garde, au-delà des querelles de c h a p e l l e et de c locher . A pa r t i r des années trente, il se convertit au réalisme (et même, plus tard et non sans quelques conflits avec l'idéologie du parti, au réa-l isme soc ia l i s te ) et éc r i t p l u s i e u r s r o m a n s - f leuves , des nouve l l e s , des pièces. Communiste depuis la première guerre, il entretient avec le Parti des rela-tions tumultueuses et, après en avoir été l'écrivain consacré, gloire du pays socia-liste, il rejoint les jeunes intellectuels de la Révolution de 1956, ce qui lui vaut d 'ê t re empr isonné après le re tour des chars sovié t iques puis c o n d a m n é au silence avant de devenir, dans les der-nières années de sa vie, avec le poète Illyès, l ' u n e des g r a n d e s a u t o r i t é s morales de la vie culturelle hongroise.

    C'est après son séjour à Paris, en Italie et à son retour en Hongrie que Déry écrit, avec une rapidité et une fertilité surpre-nantes, dans une exaltation et jubilation évidentes, tout au plaisir de jouer avec t ou t ce q u e les exp re s s ion i s t e s , les dadaïstes et les surréalistes venaient de découvrir, les meilleures oeuvres de sa période d'avant-garde : des poèmes (Les Animaux des Nuages) trois pièces de théâtre et, en 1929, un récit s u r r é a l ^ H le poème en pros]™ Réveillez-vous !

    Réveillez-vous ! est une histoire - si l'on peut parler d'histoire surréaliste : un par-cours, u n voyage ini t iat ique du j e u n e hérosffi^nis, dans des pays merve^Eux, à travers des paysages de montagne et de mer, en lutte avec les é léments et les hommes, proie de l'amour, des rêves, des cauchemars et de la haine, ordonnateur et v ic t ime de m é t a m o r p h o s e s . . . sur-réelles, aimé et délaissé de son amoureu-se, Mousse. Le monde que Déry crée est un m o n d e sauvage, cruel , dramat ique voire tragique où chacun est à son tour bourreau et victime, où le temps, l'espa-ce, la vie même cessent d'obéir aux lois de la logique. Monde parcouru par des animaux extraordinaires, survolé par des villages qui ont lâché leurs amarres. Déry écr i t en p o è t e , mais il p a r a i t sous l'influence des images. Plus qu 'un récit, son texte semble sortir tout droit des meilleurs tableaux surréalistes, s'y retrou-

    vent Dali et Max Ernst et, pourquoi pas, le monde de Nemes. En filigrane, com-me toujours chez Déry, a p p a r S s e n t aus-si, revues, éclatées et reas®>ciées, recom-posées, les grandes questions morales, éthiques, politiques et philosophiques de l'époque et du pays, et la figure caracté-ristique des contes hongrois, le voyageur : é t range étranger, révélateur de la vie, catalyseur des amours.

    C'est sans dou te la p remiè re fois que "Réveillez-vous !" est adapté à la lecture théâtrale. Il sera lu à plusieurs voix.

    Déry est, parmi les trois artistes présentés ici, le seul déjà connu en France. Il est publ ié au Seuil et chez Albin Michel (romans, nouvelles), et en 1984 et 1987 la Revue parlée a présenté, en lecture-spectacle, deux de ses pièces surréalistes : "Le Bébé géant" et "Que prenez-vous au petit déjeuner ?"

    Georges Baal

    beaumoneillustration

  • LA COMÉDIE PESSIMISTE D'ARPÀD GÔNCZ

    Né en 1922, Arpàd Gôncz appartient à la génération des intellectuels hongrois qui a peut-être le plus souffert des convul-sions de l 'histoire. Résistant contre les Al lemands à la fin de la g u e r r e , puis opposé au fas^Kme comme au stalinisme, il passe la plus grande partie de sa vie condamné au silence. Après des études de droit , après avoir fait cent métiers p o u r vivre ou surv ivre ( j ou rna l i s t e , ouvrier métallurgiste...), il devient ingé-nieur agronome. En 1956, sa participa-tion à la Révolution lui vaut une condam-nation à perpétui té et six ans d'empri-sonnement sous le régime de Kàdàr (sa vie croise ainsi celle de Déry, son aine de trente ans). Ce n'est qu 'en 1965, à tren-te-trois ans, que sa carrière d'écrivain c o m m e n c e , et enco re , p e n d a n t long-temps, il ne vit que de son travail de tra-ducteur littéraire : Faulkner, Hemingway, G o l d i n g , les a u t e u r s c lass iques e t contemporains anglais, américains, japo-nais. Son oeuvre personnelle (un roman, des nouvelles, six pièces) n 'est éditée qu 'à partir de 1974. Gôncz n'est pas un écrivain prolifique : les circonstances lui ont rarement permis d'écrire...

    publique de son pays. D'abord à la tête de la Ligue des Droits de l 'Homme, il préside ensuite, quand elle devient indé-pendan te , l 'Union des Ecrivains hon-grois. C'est là que la vie politique l'appel-le : en 1990, il est élu Président de la République. Occupation qui ne lui laisse-ra sans doute pas le loisir d'écrire...

    Gôncz est l'auteur de six pièces dont plu-sieurs créées à Budapest, depuis 1976, et certaines jouées à l 'étranger (en douze pays, déjà). Son oeuvre ne sera peut-être pas considérée comme de T avant-garde" : ce qu'il a à dire porte sur la réalité du pré-sent et du passé récent de la Hongrie et des Hongrois, qu'il en parle à travers des parallèle^ffistoriques, les mythes grecs ou directement au préseffl!. Dans ses pièces Gôncz se plonge, alternativement, dans le monde des mythes grecs qui refont surfa-ce dans n o t r e pe t i t m o n d e é t r i q u é d'aujourd'hui, dans l'hisBjre : la Réfor-me et ce qu'elle demande de courage et de sacrifice, « t r e présent enfin. Il veut contourner les censures, transgresser les interdits, et l'allusion, l'allégorie histo-riques le servent autant que l 'échappée dans l ' i r r ée l . Son bu t , avoué , est de "répondre aux questions qui talonnent sa génération". Ce besoin impératif de dire ce qui, pendant les dernières décades, devait être tu, explique sans doute son style particulier où presque chaque phra-se, d 'abord précise, incisive, lisse, s'effi-loche et reste souvent inachevée pour céder la place au non-dit, au sous-enten-du, à I'entre-mots. Il est vrai que, par la force des choses, lire entre les lignes est devenu à l'Est un sport national...

    Placer Gôncz au voisinage des surréa-listes n'est cependant pas tout à fait arbi-traire, arbitraire. Il y a d'abord l'influen-ce profonde, libératrice du surréalisme sur l 'écriture qui a profondément mar-qué la deuxième moitié de notre siècle et d o n t on trouve pa r tou t les traces, les effets, les relents.

    Après le silence, la prison et encore le silence, Gôncz apparait tard dans la vie • • •

    beaumonephoto

  • Les techniques, les secrets de fabrication des avant-gardes servent souvent, sous les dictatures, à véhiculer une pensée poli-t i q u e qu i e s p è r e ainsi é c h a p p e r à la répression. Sa dernière pièce, La Comé-die pessimiste, publiée en 1990, n'est pas sans rappeler un certain goût, une certai-ne couleur, u n ry thme, u n e ambiance qui évoquent le surréalisme pour mieux faire parler le réel.

    Mais, avant tout, elle décrit la réalité, réa-lité telle q u e Gôncz et son pays l 'ont vécue et qui devient surréelle à force de déformer, travestir sans cesse son propre passé, de faire régner une logique faus-sée à la base, de créer un "mentir-vrai" où même le mensonge m e n t

    La Comédie pessimiste est, bien sûr, une t ragédie . Si Ton y rit , c 'est l 'effet de confrontations surréelles, de rencontres surréalistes. C'est aussi pour avoir dépassé les limites de la tragédie, à force de trahi-sons, de lâchetés, de compromis. On ne peu t q u ' e n r i re - mais peut-on en rire vraiment ? Pessimiste ? Peut être pas -mais l 'opt imisme n 'es t que pour plus tard, q u a n d les nouvelles généra t ions s e r o n t gué r i e s du passé p o u r l 'avoir regardé en face, digéré, sublimé.

    La Comédie pessimiste est donc la tragé-die de son héroïne, Iza, qui n'y prononce que trois mots mais reste au centre de la pièce. Femme vieillissante, restée seule, vivant sa solitude après avoir été victime de toutes les vicissitudes de l'histoire : la guerre , la Gestapo, le stalinisme et ses procès , la d u r e nécessité de survivre, d 'é lever seule sa fille dans l ' absurde monde de la dictature.

    Autour d'Iza se retrouvent, se réunissent, se côtoient ou se croisent tous ceux qui ont joué un rôle dans sa vie : ses parents, fossiles d 'un monde disparu à jamais et qui ne comprennent pas ce qui leur arri-ve ; son mari, communiste emprisonné comme traître, battu à mort puis "réhabi-l i té" ; ceux qui l 'ont dénoncé, condam-né puis réhabilité avec la même lâcheté ; son deux ième mari , ex-ami et compa-

    gnon de détention du premier, qui l'a remplacé à la maison avant de partir, en 1956, s'enrichir en Australie ; des jeunes révolutionnaires et des vieux apparat-chiks ; Eva, enfin, sa fille qui s'en est sor-tie, elle, en perdant à jamais le pouvoir d'aimer, d 'ê t re aimée, Eva qui ne s'est jamais remise de n'avoir pas connu son père, Eva la révoltée, un peu Antigone, un peu Electre... Comme souvent chez Gôncz qui, dans d'autres pièces, évoque Médée et Perséphone, la femme est le point focal de la tragédie, seule lueur d ' u n avenir incer ta in . Eva, endurc ie , intransigeante, accusatrice mais profon-dément déchirée par sa révolte même, petite fille en sanglots qui poursuit avec le dernier désesnHr sa quête, même pas d'amour mais de pouvoir aimer. L'occupation permanen te , et combien symbolique, d'Iza, tout le long de la piè-ce, est de recoller patiemment, méticu-leusement les pièces brisées de l 'urne qui contenait les cendres de son mari. Pen-dant que le passé défile devant ses yeux, elle en r econs t i tue ainsi le puzzle et remet à leur place les éclats de vérité. Elle enter re ainsi une nouvelle fois et, espérons, définitivement, tous les morts : hommes morts, idées mortes. Les voies de l'avenir ne s'ouvriront qu'au-delà de la pièce, quand les cendres du mari mort au ron t re t rouvé leur place, q u a n d on aura fini de compter les grandes et les pe t i tes t rah i sons , les c o m p r o m i s , les peurs et les lâchetés.

    La pièce se passe dans un espace flottant, irréel, peut-être dans un rêve ou dans les p e n s é e s p e r d u e s d ' I za : r e n c o n t r e s impossibles, imaginaires, où les morts croisent les absents, le passé s 'emmêle avec le présent et les vivants sont aussi fantomatiques que les morts. Espace pré-cis, situations douloureusement précises mais qui se t r o u b l e n t , " sau ten t" , se broui l lent comme des vieux films mal projetés. La réalité elle-même ne s'inscrit plus dans ses contours, elle se redessine dans les rencontres, fantomatiques des revenants et des survivants.

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  • Gôncz écrivain n 'a que faire du réalisme socialiste si longtemps infligé. Il est par-fois, lui auss i , sous l ' i n f l u e n c e de l'expressionnisme et évoque par sa der-nière pièce Karol Capek (celui de "La Mère" ). Et le surréalisme ? Est-ce sa fau-te si la réal i té h is tor ique ne lui laisse qu 'une alternative : soit s'enfermer dans la tour d'ivoire des j eux formels en espé-rant sans agir des lendemains qui chan-tent ou qui déchantent mais laissent au moins dans la vie une place aux chan-sons, soit habiller d 'oripeaux la nudité d ' u n e r é a l i t é de l ' i nd i c ib l e , se faire [maquillage et montrer enfin la "beauté convulsive" rédemptrice d 'un passé des rolus laids. Gôncz, le politicien, appelle D'écriture pour dire que son optimisme ne naîtra que de la sublimation d 'un pes-simisme fondamental étayé par une abso-l u e honnêteté dans le faire face.

    Comment reconnaître le hongrois "ano-nyme" d e ma généra t ion , âgé comme moi de plus de soixante ans ? Essayons de dessiner son por t ra i t - robot c o m m e la police le ferait pour un criminel selon les descriptions quelques fois concordantes quelques fois divergeantes des témoins oculaires. Ce hongrois devait au diable six ans de sa vie, perdus sans trace, qui lui ont laissé ces deux plis profonds au coin de la bouche. Ceci, s'il avait la chan-ce qu 'on n'ait pas enseveli son cadavre en grattant la terre gelée d'Ukraine mais qu ' i l ait pu m a r c h e r à p ied , avec ses godasses aux semelles minces, les orteils gelés , au mil ieu des combats pe rma-nents, quelques douze cents lieux, sans être fait prisonnier, et qu'il ait pu rentrer chez lui, à la maison, et que s'il avait eu f e m m e e t e n f a n t s , ils l ' a t t e n d a i e n t , vivants. S4ils l 'attendaient...

    A peine quatre ans plus tard, on lui a pris sa terre, sa maison, nationalisé son ate-lier, on l'a chassé de son appartement, on l'a déporté, il a fui son village, et ou

    Ce n'est pas l'ironie du sort mais une cer-taine logique des pays de l'Est qui fait qu'avant de devenir le premier Président d 'un pays démocratique, Gôncz a donné dans une de ses pièces une esquisse mor-dante du Président dictateur. Avec lui à Budapest, Havel à Prague, auteurs si dif-férents mais qui ont fait le saut acroba-tique de la prison à la plus haute fonc-tion de l'état, on verra si l 'exercice de l'écriture dans la clandestinité, le samiz-dat et l 'opposition protège bien, mieux que n ' importe quelle idéologie, contre les tentations du pouvoir.

    La Comédie Pessimiste sera présentée, sous forme de lecture-spectacle, en créa-tion mondiale, pour le 70e anniversaire d'Arpàd Gôncz.

    Georges Baal

    bien il a renié sa foi, ses idées politiques, sa patrie, ou bien il s'est trouvé en camp de travail, en prison, et s'il a retrouvé sa liberté, il n'avait plus qu 'à tout recom-mencer à zéro, en dorlotant son "âme" dans une émigration intér ieure. Et de nouveaux cinq-six années sont passées. Si rien de plus grave ne lui est arrivé, pas même la captivité, il lui restait la misère, la pr ison, le r ecommencemen t . Entre t emps , s'il n 'avai t pas c o m p l è t e m e n t capitulé, il avait appris qu'il fallait mentir comme respirer - par auto-défense. Jus-qu'à la mort de Staline. Alors - lentement - l'obscurité commença à se dissiper, et en 1956 le peuple s'est levé, la révolution a éclaté. Dans l'âme du hongrois anony-me, elle est devenue inséparable du sou-venir de 1848, quand ses arrière grand-pè r e s o n t g a g n é , face aux a r m e s de l 'empereur d'Autriche, l ' indépendance de leur patrie, ont jeté les bases de la pre-mière républ ique hongroise démocra-tique.

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    LE HONGROIS "ANONYME"

  • A l'époque, c'était l 'armée russe du tzar qui l'avait écrasée, tout comme l 'armée rouge de Khrouchtchev écrasera la secon-de en 1956. Après cela, le hongrois ano-nyme, - s'il n 'é ta i t pas tombé dans les combats comme des dizaines de milliers des s iens, s'il ne s 'é tai t pas réfugié à l 'étranger comme les deux cent mille, si on ne l'avait ni emprisonné, ni interné feomme les huit mille, si on ne l'avait pas pendu comme les quatre cents - il s'est de nouveau retiré dans l 'émigration intér-ieure et il s'est tu par auto-défense. Ou bien, faute d'avenir, il s'est adonné à la boisson, il s'est suicidé, il a eu un infarc-tus, il s 'est usé : il est m o r t avant son temps. A la fin des années 70, l'obscurité de nouveau a commencé à se lever. La majorité n ' en a pas cru ses yeux, mais quelques uns des anonymes se sont mis à faire du samizdat, acceptant les perquisi-tions, les coups de mat raque . Le long combat, sans sang versé mais amer, diffici-le, a commencé ; il n 'a pris fin qu'avec la dernière élection, espérons-nBs, et défi-nitivement, voulons-nous croire, avec la victoire de la l iber té e t n o n pas de la misère. Le hongrois anonyme porte sur son visage les traces de ce combat aussi, comme un signe particulier de reconnais-sance. On le reconnaît facilement

    Cette image me va-t-elle aussi ? Ma mère est h o n g r o i s e - sa ville n a t a l e est aujourd'hui en Roumanie. Mon père est h o n g r o i s - son l ieu d e na i s sance est aujourd'hui en Yougoslavie. Le père de ma femme est hongrois - il est né dans ce qui est devenu la Tchécoslovaquie. Ils sont tous des réfugiés. Pour moi c'était déjà plus facile - j ' en savais trop de ce qui est inhumain pour ne pas reconnaître, déjà é tud ian t ( j 'étudiais le d ro i t ) , où é t a i t m a p l a c e . Les p a r e n t s de m o n meilleur ami sont partis en wagon à bes-tiaux plombé vers Auschwitz, lui-même, le seul saint que j ' a i rencontré de ma vie -partai t au travail obligatoire. La mort l'attendait, il aurait pu s'échapper mais il ne l'a pas fait : il a accepté le sort de ses camarades et j u squ ' à la mort il n ' a eu que de bonnes paroles, même pour ses assassins. Moi, n o n . J e ne suis pas u n sa in t : on m ' a a p p e l é à l ' a r m é e , j ' a i

    déser té . J ' a i pris les a rmes con t re les nazis, j ' a i été blessé - et cela a immédiate-ment désigné ma place dans la nouvelle démocratie naissante de l'après-guerre. Celle qui n ' a pas vécu quatre anniver-saires - Staline et la guerre froide l 'ont étouffée dans sa tendre enfance. Et avec elle, mon avenir aussi, comme, semblait-il, l'avenir de tant d'autres hongrois ano-nymes. Celui qui a r isqué u n e fois sa peau pour la démocratie est suspect : il pourrait la risquer une nouvelle fois. Mes études ont été interrompues par la Révo-lut ion. Encore u n e fois, j ' a i eu de la chance : de nouveau j ' é t a i s témoin de trop d'atrocités pour ne pas chercher, avec mes amis, après l'écrasement de la RévojKion, une issue politique, un com-promis de bon sens, un modus vivendi avec l 'Union soviétique, p o u r que les huit terrijpes années ne se répètent pas ;

    llfotre tentative a échoué. C'est là qu'arri-vaient mes six années à moi - celles que j e croyais devoir au diable. Dans un procès secret, à huit clos, par un procédé accélé-r é , sans pouvoi r faire appe l , on m ' a condamné à la prison à vie pour complot et haute trahison, en compagnie d'Istvàn Bibo - le deu%jjme héros politique de 56, avec le premier ministre communiste et martyr Imre Nagy. C'est en prison que j ' a i appris l 'anglais et, au jourd 'hui , j e sens que pour cela aussi j e devais me lais-ser enfermer... J 'ai vécu vingt ans de la t raduction d'écrivains américains. Les Etats-Unis l 'ont récompensé par le prix Wheathand.

    Après quelques articles techmques, me voilà devenu écrivain. J'avais 52 ans quand j ' a i vu ma première oeuvre imprimée.

    Arpàd Gôncz Budapest, 1991

    Préface aux "Copeaux"

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  • ECRIVAIN ET POLITICIEN

    La guerre avait déjà commencé quand j ' a i terminé le lycée, et j 'é tais encore étu-d ian t (en d ro i t ) q u a n d la H o n g r i e a rejoint les belligérants. J 'a i commencé ma vie d'écrivain et celle de politicien à v ingt t ro i s a n s . Ce qu i p r é c é d a i t -quelques poèmes, des rêves littéraires et ma pa r t i c ipa t ion dans la lut te a rmée contre le nazisme - prenai t ses racines dans mes sent iments et mes émotions mais ne se p r é s e n t a i t ni c o m m e u n e action concertée de politicien ni comme une mise à répreuve du talent en forma-tion d'un j eune homme. La fin de la guerre a fait miroiter l'espoir de retrouver l ' indépendance nationale si attendue et de construire enfin, à partir des r u i n e s , m ê m e au pr ix de g rands sacrifices, une démocratie. Il s'est avéré cependant assez rapidement que sous la libération se cachait l 'occupation sovié-tique, et la guerre froide a entraîné la prise de pouvoir effective par les commu-nistes. Les quatre années intermédiaires, commencées pleines d'espoir et qui pro-met ta ien t , au débu t , u n e démocra t i e pol i t ique , se sont avérées des années d ' a m è r e s lut tes d ' a r r iè re -garde . Moi-même, j'essayais de fructifier mon capital moral, acquis dans la résistance contre les allemands, en militant au Parti Indé-pendant des Petits Propriétaires, le parti le plus fort de l'après-guerre et qui repré-sentait encore l 'opposition bourgeoise d ' en t re -deux-guer res . Mes rêves litté-raires antérieurs ont été noyés dans la rédaction d 'un journal pour la jeunesse que j ' a i entreprise j e u n e et sans expé-rience.

    La pr ise de pouvoir communis te m ' a bien sûr immédia tement et définitive-ment dessoûlé de tout rêve politique ou l i t t é r a i r e . N o n s e u l e m e n t le c h a m p d'action politique se fermait devant les gens de mon acabit mais le travail deve-nait introuvable : il me fallût un an pour pouvoir me faire e m b a u c h e r c o m m e manoeuvre, et encore contre les règle-ments . L 'écr i ture , dans mon cas, était hors de question - ce que j ' a i écrit, je l'ai fait sous des noms d 'emprunt, en nègre.

    Mais non seulement il m'é ta i t impos-sible, dans la prat ique, de publier des oeuvres littéraires - j e n 'en avais guère envie : l 'écriture, puisqu'il fallait écrire sous la dictée du Parti Communiste, reve-nait à la prosti tution de l'esprit. Pour moi qui n'ai jamais vécu de ma plume, il ne s'agissait pas d 'une question de sur-vie. En fin de compte, j ' eus de la chance, comme écrivain autant que comme poli-ticien : j ' a i réussi à me r ééduque r en ouvrier métallurgiste, j ' a i travaillé à l'usi-ne dans la soudure autogène et la grosse c h a u d r o n n e r i e . Plus tard, j e me suis converti à l 'agriculture, où j ' a i recom-mencé de nouveau comme ouvrier avant de travailler, jusqu'en 1956, comme tech-nicien et enfin comme ingénieur agrono-me spécialisé dans la conservation des sols et dans l'organisation des exploita-tions. A l 'époque j'avais même presque terminé l'Ecole d'Agriculture.

    1956 m'a d 'un seul coup replongé dans le courant de la politique, mais désor-mais en possession de connaissances sociales plus approfondies.

    Le soulèvement hongrois a échoué -j'ai encore par t ic ipé dans ses luttes poli-t iques d ' a r r i è r e -ga rde . Pour cela, j e devais être condamné, pour complot et trahison de la patrie, au cours d 'un pro-cès secret et accéléré, à la prison à vie. J'y passais six ans pendant lesquels j ' a i eu l'opportunité d'apprendre l'anglais et de travailler, pendant trois ans, comme tra-ducteur. Encore une fois, j ' a i eu de la chance : j e dois à la prison la base de mon futur gagne-pain : la connaissance d ' u n e l a n g u e , et, dans u n e c e r t a i n e mesure, mes savoirs historiques et poli-tiques, puisque j ' a i traduit exclusivement des textes — mémoires de la deuxième guerre, études de nature politique- qui m'auraient été inaccessibles à l'extérieur.

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  • Une fois libéré, j ' a i essayé de me recaser dans mon métier précédent, l'agricultu-re, mais aucun lieu de travail ne voulait de moi, et il ne me restait que le dernier salut de tous les intellectuels ayant passé par la prison : la vie de traducteur. Ce qui, avec le temps, m'a ouvert la voie vers l'écriture.

    J'avais cinquante deux ans quand - après cinq ans d'attente - mon premier livre a été publié. Ce premier roman a été plus tard traduit en plusieurs langues. Le livre est l 'histoire d ' un procès d 'hérét iques dans la Hongr i e du quinz ième siècle, mais il est plutôt la somme de mes expé-riences de prison qu 'un vrai roman histo-r ique. Ceci -bien que personne ne l'ai jamais écrit- a été r e c o n n u non seule-ment par mes lecteurs mais également par le "commissariat de la littérature ".

    Cependant, j e continuais de gagner ma vie par la traduction littéraire. L'écriture prenait le temps volé sur la traduction. Vu les a léas de la p u b l i c a t i o n et les longues attentes, j e n'aurais pas pu vivre de mes écrits. Il n'était pas facile non plus de se faire une idée de l'effet qu'exer-çaient mes oeuvres -la critique était peu expansive et, quand elle était de bonne foi, elle taisait, dans mon propre intérêt, l 'essentiel . Les tirages é ta ient faibles. L'influence de mes écrits s'est répandue comme un courant souterrain qui ne sur-gissait q u e par-ci par-là. Ceux qui me reconnaissaient étaient également très pudiques —ils ne voulaient faire du tort ni à eux-mêmes ni à moi. Chacun de mes écrits fût conçu en sachant d'avance que leur sa ignante actual i té pou r ra i t ê t re p é r i m é e avant m ê m e q u ' i l n ' a r r i ve devant le lecteur ou le spectateur.

    L 'auteur , affamé, à la frontière ent re in t e rd ic t ion et to lé rance , ne pouvai t espérer qu 'une chose : que son oeuvre, éditée en peu d'exemplaires, lue par un petit cercle de connaisseurs, étranglée par le silence, puisse représen te r u n e vraie valeur et résister au temps.

    Elu Président de l 'Union des Ecrivains b i e n q u ' é t a n t u n " o u t s i d e r " c o n n u d'avantage comme traducteur de littéra-

    ture anglophone que comme auteur dra-matique, membre émérite de l'opposi-tion démocratique, mais connu dans son p r o p r e pays seu lement par u n cercle étroit , moi-même j e suis incapable de dire ce qui a joué le rôle principal dans cet te élection : mes écrits, m o n passé politique ou ma personnalité encore à peine connue. L'intérêt momentané de l 'Union des Ecrivains lui a dicté de se tenir en dehors des luttes politiques quo-t i d i e n n e s , les devoirs du p r é s i d e n t étaient non pas politiques mais au-dessus de la politique. Ceci a demandé que j e renonce au rôle que j ' a i joué jusque là dans l'opposition démocratique.

    Ma désignation au poste de Président de la République, d ' abord par le mouve-ment libéral issu de l'opposition démo-cratique puis par mon parti et, enfin, par l'Union des Démocrates Libres, si elle ne m'a pas tout-à-fait surprise, était due uni-q u e m e n t au fait q u e mes a ines qu i , depuis 1941, relégués à l 'arrière-plan pol i t ique, on t j o u é u n rôle d i r igeant dans toutes les initiatives démocratiques, n 'on t pas vécu jusqu 'aux changements qu'ils auraient dû si justement représen-ter et incarner. Il restait -moi, avec les trois époques de ma vie teintées de poli-tique, mon travail d'écrivain et, derrière moi, l'autorité gagnée comme président de l'Union des Ecrivains.

    Si l 'on me demandait donc, aujourd'hui, si j e suis écrivain ou politicien, j e répon-drais : écrivain et politicien, sans pouvoir séparer les deux.

    Avril 1992 Arpàd Gôncz

    Texte écrit pour la création de la Comédie pessimiste

  • • ENDRE NEMES : ^^M • UN GRAND PEINTRE SURRÉALISTE • "Endre NEMES est né en Hongrie, dans un petit village près de Pécs, en 1909. Dans les années trente, il vit à Prague, où il peint une série d'intérieurs mystérieux habités par des écorchés, des mannequins à la De Chirico et imprégnés de l'atmosphère magique de la vieille Prague dans laquelle est née la légende du précurseur de ces êtres artificiels - le Golem. Au début de la guerre, il s'enfuit en Suède, où il peint encore pendant un cer-tain temps ses intérieurs métaphysiques historisants avant de se consacrer à l'abstraction lyrique. Il renoue avec son passé surréaliste vers les années soixantes, dans des tableaux et collages ayant pour thème les métamorphoses poétiques et ironiques d'un univers technologique."

    Dictionnaire général du surréalisme - Presses Universitaires de France

    beaumonephoto

  • Endre NEMES est hon-gro is p a r sa l a n g u e maternelle, par son lieu de n a i s s a n c e , p a r ses racines et son at tache-ment à la Hongr ie où, c e p e n d a n t , il a p e u vécu. Né en 1909, il tra-verse la première guerre en Slovaquie, puis étu-die à Budapest, à Vien-n e , à Bra t i s lava e t à Prague où il passe cinq ans à l 'Académie des Beaux-arts. Après avoir été cri t ique et caricaturiste, il se consacre à la peinture. En 1933, il fait un voyage d ' é t u d e s à Par i s . Ses a n n é e s d'apprentissage l 'amènent à rejoindre le groupe surréaliste de Prague. Mais, en 1938, il est obligé de fuir le fascisme et s'installe d 'abord en Finlande, puis, à par-tir de 1940, en Suède où il vit et travaille jusqu'à sa mort, en 1985. A Stockholm, il fait partie du groupe surréaliste Minotau-re, et ainsi le hongrois Nemes, marqué par le surréalisme tchèque, apporte une impulsion décisive au mouvement surréa-liste suédois. L 'Europe des avant-gardes précède bien l 'Europe politique !

    En S u è d e , N e m e s a c q u i e r t , d a n s les années 50, une réputation internationale. II expose d'abord en Scandinavie puis en Europe, au Canada, aux Etats-Unis, gagne un prix au Japon. Il voyage en Amérique, au Japon, en Chine. En même temps, il déploie une intense activité pédagogique.

    Passionné dès ses débu ts par les tech-niques, utilisant la tempera, fabriquant souvent lui-même ses couleurs, Nemes s 'épanouit dans les formats et les sup-ports les plus divers : dessins, aquarelles, col lages , hu i l e s d e g r a n d f o r m a t et , après-guerre, des oeuvres monumentales et l ' e x p é r i m e n t a t i o n de t e c h n i q u e s variées : émail, marbre, fresque, tapisse-rie, t issage, souvent en co l labora t ion étroite avec des architectes, ainsi que des décors et des costumes pour un ballet de Tudor, etc. Nemes n'oublie pas qu'il est

    aussi artisan, et artisan méticuleux, scrupuleux et inventif.

    L 'œuvre de Nemes prend son élan à Prague, me l t i ng po t à cet te époque des avant-gardes e u r o p é e n n e s , sous l ' influence des grands aines de l'impressionnis-me , de Cézanne , des expressionnistes, et de

    ses prédécesseurs immédiats, cubistes et abstraits. L' influence la plus forte est cependant celle du surréalisme.

    Si en Hongrie, en 1984, on était encore obligé de placer Nemes sous l'égide d'un réalisme socialiste qui est cependant loin d e lui , si les c r i t i ques l ' o n t souven t méconnu ou mal situé, pour nous il n'y a aucun doute : Nemes est un peintre sur-réaliste, et des plus grands. Il est aussi unique : on aimerait bien le voir comparé à Ernst et à Dali, à Magritte et à Tinguely, mais on ne risque pas de le confondre avec eux. Cependant , il est aussi jus te d 'évoquer comme lui-même et ses cri-tiques l 'ont fait, la pe in tu re métaphy-sique, l'influence de la Renaissance, du gothique et du baroque, l 'expres^nnis-me, le cubisme et le symbolisme, et cer-tains de ses tableaux viennet s'inscrire d a n s la m o u v a n c e de l ' abs t r ac t ion lyrique. Tant de références pourraient faire craindre que Nemes ait manqué de pe r sonna l i t é . Tout au con t ra i re , son oeuvre entière suit un fil conducteur et montre une homogénéité, une cohésion exemplaire. Mais, comme tous les vrais peintres de sa génération, celle qui suc-cède aux grands innovateurs du tournant du siècle, Nemes est prêt à profiter des leçons de toutes les écoles qui le précé-dent, reste très attentif à tout ce qui se fait en Europe en son temps, ouvert aux influences les plus variées, sans jamais se r e n i e r . Il a i m e aussi e x p é r i m e n t e r , découvrir, se remettre en question.

    ENDRE NEMES. . .

    Endre Nemes -1958 - atelier, Stockholm

    beaumonephoto

  • Une des constantes du travail de Nemes est son extrême attention au détail, à la réalisa-tion technique impeccable.. En ceci, il reste classique, et d'ailleurs les allusions, les cita-tions, les détails élaborés de ses tableaux font souvent pense r aux anciens des grandes époques d'Italie et de Flandre. Plus peut- être que beaucoup de créateurs de sa génération, Nemes croit au savoir-faire, au travail perfectionniste.

    L'univers de Nemes, nous nous répétons, est un univers surréaliste. Dans ses com-positions s'élabore un monde né d'asso-ciations les p lus i na t t endues , de ren-contres contre nature, de confrontations dramat iques . Plusieurs grands thèmes parcourent cette oeuvre. Il y a les corps,

    souvent hybrides, mi-homme, mi-auto-mate, où les peaux, les chairs, la mysté-rieuse anatomie des entrailles s'oppose d ramat iquement à la mécanique , aux armures, aux boulons et aux vis. Et ces corps s 'ouvrent, laissent entrevoir des plans cachés où Ton voit les secrets de l'inconscient ou les échappées d 'un au-delà métaphysique, où l 'on devine des rêves et des cauchemars. Mais parfois, ce sont les motifs gais, ceux de l'imagerie populaire, ceux des contes, ceux des ani-maux poétiques de Chagall (encore une référence !) qui apparaissent : châteaux enchantés, cavalier sur son cheval blanc, oiseau fabuleux (certaines de ces images pourraient illustrer les textes surréalistes deDéry). • • •

    beaumoneillustration

  • L'appel à la poésie , l ' é lément lyrique marquen t p ro fondémen t Nemes, dans ses figures h u m a i n e s , clowns et voya-geurs , dans ses paysages romant iques éclatés, dans son animalier surnaturel.

    Avec le temps (et sensible, sans doute , aux malheurs et aux tourments du mon-de qui l 'entoure) , l'oeuvre de Nemes se laisse envahir par la civilisation moderne, le monde de la mécanique, du métal et du câble, des robots et des usines. Monde qu'il ressent dans sa chair, qui le blesse, lui fait peur, comme en témoignent des titres d e tableaux : "Idylle menacée" , "Idylle effrayante" , "Cauchemar". Les machines y j o u e n t un rôle impor tant , non pas par leur fonc t ionnement (les machines inuti les mais en mouvement pe rpé tue l d e Tinguely) mais par leur dureté, leur consistance compacte, leurs formes et contours , leur lourd impact psychologique.

    Nemes donne champ libre aux images des rêves, à l ' invent ion, à la fantaisie, aux visions. II n'exclut pas, pour autant, la pen-sée : la métaphysique est omniprésente, le lyrisme éclatant, ses idées philosophiques, psychologiques, sociales se tissent dans l'imagerie. Et la tension dramatique est omniprésente. Nous sommes loin de tout esthétisme, de tou te tentat ion de l 'art pour l'art, de la tour d'ivoire.

    Nemes est avant tout surréaliste. Cela n'est ni une recette, ni un label de fabrication. Cela est à la fois mode et école, air du temps et air de famille, mais aussi une tech-nique, une morale, une psychologie, une phi losophie. Le surréal isme de Nemes montre ses signes extérieurs de richesse et garde ses richesses intérieures cachées.

    Là où Chirico casse ses colonnes et visages classiques, là où Dali oppose à la solidité du réel la fluidité d 'un surréel qui ramol-lit et fait fondre les objets, là où Magritte traque le secret de l'image la plus modes-te d 'un chapeau, d 'une pipe, et cherche la mer derr ière le mur, l'oiseau dans le roc, Nemes laisse éclater u n e richesse immense où, à travers le corps central, s 'entrechoquent les milliers d'éclats d 'une réalité à retrouver, à recomposer.

    Nemes, vivant sur tout des commandes d'oeuvres monumentales et de son tra-vail de pédagogue, a relativement peu vendu dans sa vie, il préférait réunir et conse rve r son oeuvre qu i se t rouve , actuellement, dans des musées de Tché-coslovaquie, d'Israël, de Yougoslavie et des pays Scandinaves.

    En 1984 s'est ouvert le Musée Endre Nemes de Pécs, situé dans un magnifique bâtiment historique, exposant une fabu-leuse collection de 250 oeuvres couvrant 50 ans de travail (1932-1982). L'ensemble que le Centre Georges Pompidou présente vient de ce musée. Le choix que nous don-nons à voir ici est restreint, limité par l'espace disponible. Il était guidé par un désir d'unité, à travers les quarante ans en t re le premier (1941) et le dern ier (1980) tab leau p r é s e n t é . Nous nous sommes c o n c e n t r é s sur ce qu i nous s e m b l e le p lus for t chez N e m e s , en excluant ses expériences dans les direc-tions de l'expressionnisme, du cubisme ou de l'abstraction. Les six tableaux de grand format choisis sont complétés par q u e l q u e s pe t i t s fo rmats : col lages e t aquarelles, aussi importants pour lui que ses ouevres monumentales.

    Nemes n 'a jamais été exposé en France. Voici un vide à combler. Nous espérons, bien sûr, que le Petit foyer servira de trem-plin pour la grande exposition rétrospective que Nemes mérite (pourquoi pas pour le dixième anniversaire de sa m o r t ? ) . Au moins, qu'il respire, en attendant, l'air même qu 'ont respiré, il y a peu, André Breton et Max Ernst

    Georges Baal

  • ENDRE NEMES ET SON MUSEE A PECS

    Les tableaux présentés ici appartiennent tous au musée consacré dans son entier à Endre Nemes, fondé à Pècs, au Sud de la Hongrie, en 1983.

    Nemes a vécu la majeure partie de sa vie en Scandinavie, avant tout en Suède. Son oeuvre est cependant typiquement d'Euro-pe Centrale, profondément marquée par le destin de cette région du monde.

    les frontières et, du même coup boule-versent la vie des familles. Iglo devient une ville slovaque et les Nemes se dépla-cent de nouveau : ils sont "rapatriés". Nemes fait ses é tudes secondaires en Hongrie. Il n 'a pas dix-neuf ans quand son frère (devenu connu sous le nom de Louis Nagel , f o n d a t e u r des Edi t ions Nagel à Genève et à Paris) édite, en hon-grois, son recueil de poèmes.

    Nemes est né en 1909 à Pécsvàrad, petite ville de la Hongrie méridionale au passé millénaire qui a joué un rôle historique à l'époque de la fondation de l'état magyar. Son p è r e est f onc t ionna i r e de l 'é tat . Quand Nemes a cinq ans, sa famille s'ins-talle au Nord du pays, à Iglo. Mais la chute de la monarchie austro-hongroise, la paix imposée à la fin de la guerre redessinent

    Après q u e l q u e s semes t res à V ienne , Nemes termine ses études à l'Ecole des Beaux-arts de Prague où son maître est Willy Nowak. Il assure sa subsistance matérielle en faisant des caricatures pour la presse. Il est aussi critique d'art dans des journaux de langue hongroise édités en Tchécoslovaquie.

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  • Les événements de 1938 l'obligent à émi-grer de nouveau. La Finlande est le seul pays qui accepte des hongrois sans visa. Mais en 1940, elle aussi l 'expulse, six jours avant l'occupation allemande. Grâce à l'appui d'artistes amis, il trouve asile en Norvège . Les a l l emands avancent , et devant l 'écroulement militaire de la Nor-vège, Nemes se réfugie en Suède où il est d'abord interné avant que ne lui soit déli-vré un permis de séjour. Après la guerre, en 1948, il acquiert la nationalité suédoise et y passe le reste de sa vie, jusqu'à sa mort en 1985.

    C'est là qu'il organise en 1941 sa première exposit ion individuel le . Avec d 'au t res artistes réfugiés, il fonde le groupe des artistes apatrides en Suède.

    En 1947, il devient directeur de l'école de pe in ture et de dessin du Musée de Gôteborg qui devient, sous sa direction, u n e i m p o r t a n t e Ecole des Beaux-arts. Entre temps, son activité créatrice s'épa-nouit sur plusieurs plans. Outre de nom-breux tableaux, collages, dessins et litho-graphies, il réalise des décors et des cos-tumes pour l 'Opéra Royal, il exécute des m o n u m e n t s m é m o r i a u x , des é m a u x muraux, il dessine des tapisseries, des gobe-lins. .. Il expose souvent à Stockholm, mais aussi à travers l'Europe et l'Amérique.

    En 1970, il par t ic ipe à l 'exposit ion de Budapest consacrée aux artistes d'origine hongroise vivant à l'étranger. Sa première exposition individuelle en Hongrie a lieu au Musée des Beaux-arts de Budapest, en 1973. A partir de cette date, on commence à le reconnaître dans son pays d'origine.

    Après plus d 'un demi-siècle d'absence il visite, en 1978, sa ville natale. Bien qu'il vécut la plus grande partie de sa vie loin de la H o n g r i e , ses l iens avec sa t e r re natale et sa langue maternelle, qui n 'ont pas faibli, l 'ont poussé à r enoue r avec son pays.

    Au milieu des années 70, lors d 'un de ses voyages d ' exp lo ra t ion , u n r app roche -ment et un dialogue particuliers s'établis-sent entre Nemes et le Musée de Pècs. A l ' initiative de ce dern ie r , u n e g r a n d e

    expos i t ion r é t rospec t ive voit le j o u r d'abord à Budapest puis à Pècs.

    Nemes répond à l'initiative de Pècs par la confiance qu'il témoigne pour son musée. La province de Baranya et la ville de Pècs libèrent et restaurent un bâtiment histo-rique, la "Maison du Chanoine" , située dans la célèbre **rue des musées" de la ville. Nemes estime les conditions réunies et fait don, pour la création de son musée, de plus de 250 œuvres : tableaux, aquarelles, gouaches, collages, dessins, esquisses et graphiques, un ensemble représentatif de c inquante ans d'activité artistique. "Le but de ma donation est - écrit-il - que mon œuvre devienne la propriété d 'une communauté qui témoigne, pour la pré-sentation de plusieurs artistes de renom-mée européenne, de l'estime et de l'intérêt qu'el le por te à l 'art contemporain". La "rue des musées" abri te ainsi, dans le voisinage du musée Nemes, des musées consacrés à l'oeuvre du grand T. Csontvàry Kosztka, de Vasarely né à Pècs, d'Amérigo Tôt et de E. Schaar, à côté d'un musée d'art moderne et des expositions temporelles.

    Enfin, une salle commémorative Nemes-Nagel, installée à Pécsvàrad, apporte la preuve définitive de l 'attachement fidèle que Nemes porte à son pays natal.

    Ferenc Romvàry (Préface au catalogue Endre Nemes)

  • TABLEAUX ET COLLAGES DE NEMES «

    PRÉSENTÉS AU CENTRE GEORGES POMPIDOU

    LA REVUE PARLÉE • PETIT FOYER • 13 MAI-IER JUIN 1992

    TROIS AMIS, 1944 (8)

    DEVANT LA TAPISSERIE, 1944 (9) I

    RÊVE DE 23 DÉCEMBRE, 1968-70 (40) I I

    À L'OMBRE DE LA CHAISE ÉLECTRIQUE, 1979 (64)

    I DANS L'ATTENTE DU PRINTEMPS, 1979 (62)

    PRIS PAR LE HOCHET, 1977 (59) I

    ESQUISSE POUR L'ARCHITECTE BAROQUE, 1941 (5)

    I DEVANT LE CHEVALET, 1943 (7) I

    CENT MÉLODIES CÉLÈBRES, 1980 (251)

    ILS VONT ET ILS VIENNENT, 1980 (247)

    B RENCONTRE À L'ESCALIER, 1982 (253)

    H L'HÉRITAGE DE LA RENAISSANCE, 1982 (252) g

    CONFÉRENCE MÉDICALE, 1970 (225)

    (Entre parenthèses, les numéros du catalogue hongrois du Musée de Pècs)

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