saint exupery, histoires d'une vie

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Texte Alain Vircondelet Avant-propos Martine Martinez Fructuoso Archives Consuelo de Saint Exupéry Antoine de Saint Exupéry Histoires d’une vie Flammarion

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Découvrir quelques pages intérieures de "Saint Exupery, histoires d'une vie" aux éditions Flammarion.

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Page 1: Saint Exupery, histoires d'une vie

Texte Alain Vircondelet Avant-propos Martine Martinez Fructuoso

Archives Consuelo de Saint Exupéry

Antoine de Saint ExupéryHistoires d’une vie

Flammarion

Il rêvait d’être simple jardinier mais il pratiqua tellement de disciplines, d’arts et de métiers que sa vie ressemble à ces poupées russes qui chacune, de la plusgrande à la plus petite, cache mille et un secrets.Antoine de Saint Exupéry vécut ainsi plusieurs destinées aussi brillantes les unesque les autres dont témoigne cet ouvrage abondamment illustré de documents, pour beaucoup inédits, appartenant aux archives de Consuelo de Saint Exupéry.

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couverture :

en haut, à gauche : Antoine de Saint Exupéry en mission, probablement en Sardaigne.

en haut, au centre : Détail d’une carte d’Amérique du Sud annotée et utilisée par Antoine de Saint Exupéry pour ses vols.

en haut, à droite : L’avion, déjà figure centrale des premiers textes d’Antoine de Saint Exupéry.

au centre : Télégramme de Consuelo à Antoine datant du 28 juin 1944, soit un mois avant sa disparition.

en bas, à gauche : Antoine de Saint Exupéry en Sardaigne, en 1943.© Fondation John Phillips

en bas, au centre : Lettre de Consuelo à Antoine de Saint Exupéry qui écrit alors Vol de nuit. Il hésite encore à lui donner pour titre Nuit lourde,emprunté à une expression poétique de Consuelo utilisée dans cette lettre.

en bas, à droite : Antoine et Consuelo de Saint Exupéry.

4e de couverture :

en haut, à gauche : Antoine à Saint-Maurice de Remens, vers 1907.

en haut, à droite : Portrait officiel de la fratrie.

en bas, à gauche : À Saint-Maurice, la fin de l’enfance.

en bas à droite : Le service militaire à Strasbourg en 1922. Antoine de Saint Exupéry appartient au 2e régiment d’aviation de chasse.

© Sauf mention contraire, tous les documents proviennent du Fonds Succession Consuelo de Saint Exupéry.

Martine Martinez Fructuoso est l’épouse de JoséMartinez Fructuoso, le secrétaire de Consuelo deSaint Exupéry pendant vingt ans, puis son légataireuniversel après la mort de celle-ci en 1979. Ils s’atta-chent depuis lors à faire vivre son héritage et samémoire. Elle a cosigné la biographie consacrée àConsuelo, Une mariée vêtue de noir, publiée en 2010(éditions du Rocher).

Universitaire et écrivain, Alain Vircondelet estaussi le biographe reconnu de grandes figures dela littérature et de la spiritualité, parmi lesquellesAntoine de Saint Exupéry, Albert Camus, Margue-rite Duras, Françoise Sagan, Balthus, Séraphine deSenlis, Blaise Pascal, Arthur Rimbaud, Jean PaulII, Charles de Foucauld…

Il est considéré aujourd’hui comme un des plusgrands spécialistes de Saint Exupéry, auquel il aconsacré de nombreux ouvrages.

Du même auteur

Antoine de Saint-Exupéry,

Julliard, 1994

Saint Exupéry, vérité et légendes, Éditions du Chêne, 2000

Préface aux Mémoires de la rose de Consuelo de Saint Exupéry, Plon, 2000

Préface aux Lettres du dimanche de Consuelo de Saint Exupéry, Plon, 2001

Antoine et Consuelo de Saint Exupéry, un amour de légende,

Les Arènes/France Info, 2005

La Véritable Histoire du Petit Prince,

Flammarion, 2008

C’étaient Antoine et Consuelo de Saint-Exupéry,

Fayard, 2009 (prix Paris-Match)

Dans les pas de Saint-Exupéry,

L’Œuvre, 2011-:HSMASB=WZ]]VZ:Prix France : 35 €

ISBN : 978-2-0812-5881-5

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ntoine arrive au collège de la villa Saint-Jean en novembre 1915,quelques semaines après la rentrée. Il en partira à la fin de l’année sco-laire 1917. L’établissement est dirigé par des frères marianistes. Il yrègne une stricte mais bienveillante discipline qui n’a rien à voir aveccelle du collège Sainte-Croix du Mans. Au contraire, bien qu’il soit loinde la paix douce et maternelle de Saint-Maurice mais proche encoredes siens, puisque François son cadet y est lui aussi pensionnaire, lavilla Saint-Jean constitue un lieu rassurant et fécond pour Antoine. Ilne s’y ennuie pas, apprécie la vie un peu rude de ce canton suisse sichargé d’histoire. L’enseignement prodigué est souple et respectueuxdes élèves. Outre les disciplines obligatoires, on y pratique beaucoupde sport. Antoine, qui n’aime guère les sports collectifs, découvre tou-tefois avec un certain bonheur le patinage sur la Sarrine, le petit fleuvequi coule à Fribourg, le ski sur raquettes et la luge ; l’ambiance quelquepeu rurale qui y règne (on dort dans des dortoirs, par exemple, res-semblant à des chalets) donne l’impression d’être non pas vraimenten vacances mais dans un lieu apaisant. Antoine, qui travaille toujoursmoyennement, se signale cependant par de bonnes rédactions et sesessais en littérature s’affirment : il écrit de petits poèmes, dont un rap-pelle ce baptême de l’air qui l’a tant marqué. Il y rédige même unepetite opérette, Le Parapluie, qu’il adresse à son professeur de pianode Lyon.Quelque chose de Saint-Maurice semble flotter à la villa Saint-Jean.Une même parenté de climat et de couleurs, comme si, des fameuxsapins noirs du parc de l’enfance à « la villa blanche sous les pins » qu’ildécrit dans Courrier Sud, il n’y avait qu’un pas. Mais Antoine esthabité par le sentiment constant de l’exil et de la solitude que révèlentces airs sombres et graves qu’il adopte quelquefois et surtout cetteimpression de ne jamais pouvoir « rejoindre» les siens, de ne jamaisêtre dans cette communion spirituelle à laquelle il aspire et qu’il nepeut réaliser. Et puis il y a la guerre. Antoine, qui apprend l’allemandà Fribourg, n’est guère sensible à cette langue, comme il ne le serajamais aux autres langues, préférant le français à tout, par une sorte depatriotisme intuitif et une volonté d’appartenance. Quand il s’ennuie,ce qui arrive fréquemment, il gribouille de petites caricatures et chargele Kaiser, sa cible préférée, de ses sarcasmes et de ses moqueries.

En pension à Fribourg

Mais le sentiment d’être abandonné subsiste toujours. Les deux seuleslettres aujourd’hui publiées écrites à Fribourg font état de cette inquié-tude : « Je vous attends impatiemment », écrit-il à sa mère qui, au granddésespoir d’Antoine, retarde sa venue. Quelque chose de funestehabite ces années-là : la guerre, la solitude, l’absence de la mère, lamaladie de François atteint de rhumatisme articulaire le plongent dansune forme de dépression qui sera toujours son état latent. L’ombreportée de son soleil intérieur projette en lui des lueurs inquiétantesqu’il a peine à dissimuler. La religion l’assiste en ces temps-là ; il pra-tique assidûment, poussé par les pères marianistes d’abord. La ViergeMarie, la vocation de ces pères, est quotidiennement célébrée.Antoine en gardera une certaine piété mariale jusqu’à sa mort, allantmême à Lourdes avec sa femme, Consuelo, en 1940, pour se plongerdans la piscine miraculeuse. Il fait pour la Pentecôte 1917 une dernièreretraite en Suisse, près de Lucerne, au bord du lac. Une photographietémoigne de ce séjour : on le voit avec deux autres garçons pension-naires, juché sur un porche de pierre, avec en contrebas le lac. Antoinea dix-sept ans. Sa jeunesse est déjà assombrie de drames et d’inquié-tudes intérieures. Comment échapper à l’usure du temps ? Commentrejoindre la clarté des vertes années? Il mesure cette cruauté dutemps, comprenant que nul ne peut revenir en arrière. Il en fera unmythe, peut-être même une fiction.

Antoine, vers 1917.

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aint Exupéry sera donc de l’aventure pionnière. Mais très tôt il com-prend que ce n’est pas une simple histoire d’avions et de défis. À peineintègre-t-il l’Aéropostale qu’il en mesure le projet, grandiose, dange-reux et immense : celui qui consistera à ouvrir des lignes nouvellespour toujours repousser plus loin l’inconnu de la Terre et rassemblerune fraternité d’hommes par-delà les continents. L’histoire aventu-reuse suppose des esprits forts, entraînés intellectuellement etphysiquement – il ajoutera « spirituellement ». Car ce que SaintExupéry apporte à l’aviation, c’est sa dimension symbolique. Se tenirseul dans le cockpit d’un avion dont on ne connaît pas la fiabilité, c’estprendre le risque de mourir. L’aviation touche à l’essentiel : à la vie eninstallant des comptoirs un peu partout dans le monde, en mêmetemps qu’à la mort, toujours imprévisible et que guettent, chaque jour,les mécaniciens et le poste de commandement de Toulouse.Saint Exupéry entre dans l’Aéropostale comme on entre en religion,fort d’une expérience encore jeune mais invincible, acquise depuisl’enfance, fortifiant sa volonté de se surpasser, de trouver d’autresrepères. De (re)trouver le père aussi ? Avec ses ailes et sa capacité àréaliser le vieux rêve d’Icare, l’avion met son pilote au rang des angeset des héros des contes de fées. Il défie les orages, traverse d’épaisnuages, va à l’aveugle quelquefois, risque de s’abîmer en mer ou deheurter de ses ailes les parois d’une montagne ; traversant des terri-toires inconnus, il frôle l’inconnu, il est au plus près du lieu où Dieu setient, comme le prétend sa religion. Ange, archange, dragon ailé maisbienveillant, l’homme, durant les longues heures de solitude et desilence, seul avec lui-même, a tout le temps de méditer, de se retrouveravec l’essentiel, de côtoyer des mondes où sont accrochées les étoiles.Elles deviennent justement ses points de rencontre, ses alliées dansl’immense et sombre nuit. Comment alors ne pas se rapprocher des choses spirituelles ? Il s’ennourrit et en féconde son écriture. Citadelle en sera le chef-d’œuvre etl’accomplissement. Il vole donc dans cette nudité du pilote forçant lanuit. En bas, il a laissé toute sa nouvelle famille, le chef, les pilotes, lesmécaniciens, les « rampants », les secrétaires ; il sait qu’ils le suivent etattendent son arrivée dont ils seront aussitôt prévenus par radio. Il saitaussi que, quelquefois, le radio annonce qu’un pilote n’est pas arrivé.L’heure est sombre et grave. Il sait encore que c’est la loi du pilote, queson devoir est de continuer, de ne pas s’alourdir de ce deuil, d’accep-ter. L’enjeu est autre, lumineux et ardent. Il rejoint la longue danseheureuse des hommes divers que les peintres de la modernité pein-dront dans les mêmes années 1920 : ronde fraternelle, ronde deshommes.

Un lien entre les hommes :l’Aéropostale

Ci-dessus : Photographie dédicacée par lecommandant Weiss à Antoine de SaintExupéry, en date de juin 1929 à l’occasiondes 5000 kilomètres de vol qu’il a déjàparcourus. Ci-contre : Dîner d’adieu du pilote PaulVachet, ami d’Antoine de Saint Exupéry,le 29 octobre 1929.

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l rencontre cette jeune femme mariée pour la première fois en 1929,chez Louise de Vilmorin. Elle a vingt et un ans, lui vingt-neuf. Deuxannées plus tard, il est marié à Consuelo; le couple, entre séparationset réconciliations, ne parvient pas à trouver l’équilibre auquel Antoinesouhaite accéder, n’envisageant le plus souvent la vie conjugale qu’enfonction de lui-même. La brûlante Consuelo ne l’entend pas de cetteoreille et apparaît moins docile qu’Antoine le voudrait. Aussi s’est-ilhabitué à une vie de bohème, libre et souvent célibataire, grâce àlaquelle il échappe aux contraintes de la vie de couple… La liaison quiva naître vers 1935 entre la richissime Hélène de Voguë – appelée sur-tout Nelly – et Antoine aura une influence majeure sur sa vie. Nelly nepourra toutefois modifier les choix profonds d’Antoine, pas plusqu’elle lui permettra d’apaiser son angoisse ; son œuvre échapperacomplètement à son contrôle et sa présence restera relativementtenace dans l’existence de l’écrivain. De 1935 à 1944, malgré la rup-ture qu’il a provoquée à New York, elle restera une de ses interlocu-trices les plus à l’écoute et les plus sûres. À elle, une de ses dernièreslettres et celles où il s’exprime sur l’avenir du monde et sur le sens àdonner à la vie. À elle, ses confidences sur sa dépression, et à elle aussi,avant la guerre, les demandes d’aide financière. D’elle, il reçoit lescadeaux les plus luxueux (nécessaires de toilette, malles et valises degrand prix), et jusqu’à l’achat d’un avion Simoun, selon un de ses bio-graphes. C’est que les Voguë possèdent les sucreries Saint-Louis et desomptueuses propriétés. Hélène est elle-même issue d’une famille d’in-dustriels de l’est de la France, et prendra d’ailleurs pendant la guerrela direction du conseil d’administration de l’entreprise familiale,Cérabati. Élégante, grande et blonde, cultivée et très introduite dansles milieux artistiques et surtout littéraires, elle passe aussi pour avoirun tempérament autoritaire, voire viril. Leur liaison, moins forte quecelle qu’Antoine vit avec Consuelo, trouve certainement son accordsur un registre plus cérébral, sinon intellectuel. Il aime s’entreteniravec elle de Blaise Pascal, des grands classiques français, de théolo-gie, d’histoire de France et des écrivains contemporains comme AndréGide, dont elle est l’amie. Le fait d’être mariée et mère de familleoblige à une certaine discrétion et Antoine ne répugne pas à vivre cetteliaison dans le secret. Il apprécie surtout qu’elle ne soit pas jalouse deses frasques. Nelly, riche, discrète et influente, rassemble donc beau-coup d’atouts qu’Antoine mesure. De plus, elle porte à son œuvre unevéritable admiration et entend apporter à son amant aide et relationsnécessaires afin qu’il soit encore plus connu et reconnu. C’est pour-quoi elle restera toujours à son écoute, malgré les problèmes que pour-ront poser à Antoine l’entourage de Nelly et ses opinions politiques –qui évolueront, comme pour beaucoup, à la fin de la guerre.

Une égérie, Hélène de Voguë Comprend-il que Nelly, avec sa fortune et ses relations, peut être com-promettante pour lui ? Leur excursion, si l’on peut dire, en Allemagne,à bord d’un avion qu’Antoine pilote, en 1937, a heureusement tournécourt et s’est terminée en fiasco dans la cour d’un lycée qui se révèleêtre un camp des Jeunesses hitlériennes. Jamais Consuelo —qui avaitbeaucoup de bon sens— n’aurait participé à une telle expédition ; etl’aurait-elle apprise, elle aurait immédiatement déconseillé à Antoinede partir… Mais Consuelo n’est pas Nelly, dont les relations politiquessont encore ambigües. À partir des années difficiles d’Antoine, vers1935, Consuelo retrouvera Nelly sur sa route, et réciproquement…Comme pour mettre les choses au clair, Antoine, peu de temps avantsa mort, avait écrit à Nelly que jamais il ne quitterait Consuelo et quecette décision ne varierait pas. Elles croiseront longtemps le fer, nonpas directement, évitant de se rencontrer, mais par personnes inter-posées. Sommée par télégramme de rejoindre Antoine aux États-Unisen 1941, Consuelo apprendra au cours de son séjour que Nelly y arésidé à plusieurs reprises. Jusqu’aux derniers moments de sa vie,Saint Exupéry enverra à Nelly des lettres d’une grande force. Celles-ciont abandonné le registre amoureux, car, revenu à Consuelo, il arompu avec Nelly, supportant mal le désir qu’elle avait de tout organi-ser, d’ordonner le monde, de gérer sa vie. Quand elle a semblé s’op-poser à sa volonté de partir à la guerre, il a décidé de rompre. Sajustification est claire : pour sa propre satisfaction, elle exige qu’il soitmoins grand qu’il ne l’est… C’est néanmoins à elle qu’il adresse, le 30 juillet, cette lettre dans laquelle il évoque la « qualité de la subs-tance » à quoi il reconnaît l’incarnation de Dieu dans l’homme. Aprèssa mort, Nelly continuera à exalter sa mémoire : elle aide à la créationdes Amis de Saint Exupéry, intervient dans l’édition de Citadelle etdes Écrits de guerre, collabore avec Pierre Quesnel, en charge de l’édi-tion critique des Notes de guerre, dans l’édition de la Pléiade (éditionqu’Albert Camus, alors éditeur chez Gallimard, condamne commeétant médiocre, en mettant nommément en cause Nelly de Voguë), etpromeut, toujours dans l’ombre, le nom de Saint Exupéry. Ce goût de la discrétion et du secret, elle le poussera jusqu’à publierchez Gallimard la première biographie consacrée à l’écrivain-pilotesous un pseudonyme masculin : Pierre Chevrier. L’ouvrage fait encoreaujourd’hui référence, mais, au-delà de l’apparente impersonnalité dustyle, des frémissements d’âme, des détails perçus par celle qui l’a tantadmiré, trahissent leur histoire mouvementée et secrète… Et avec uneconstance appliquée, elle s’est employée à évacuer Consuelo, ne l’évo-quant en une ligne que pour mieux la dénier.

Antoine de Saint Exupéry en gare de Parisavec Yvonne de Lestrange et la comtesseHélène de Voguë (au centre).

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(1914 – 1944)

L’ami :

le rêve solidaire

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aint Exupéry eut-il réellement la vocation militaire? S’il était d’usage,dans une famille aristocratique aussi prestigieuse que la sienne, de don-ner un de ses enfants à l’armée, la nature indépendante, bohème etimprévisible du jeune Antoine l’a tôt dissuadé d’envisager une carrièremilitaire. Ses études pour le moins aléatoires ne l’ont pas mené non plusà s’engager spontanément dans cette voie ; seul son désir de voler,confirmé lors de son baptême de l’air, l’a conduit à la carrière que l’onsait. Son entrée dans l’Aéropostale en fut l’occasion, que lui accorda en1926 Beppo de Massimi. Sans but militaire, la Société, dirigée de main defer à Montaudran par Didier Daurat, le révéla à son désir profond, à cetteexigence intérieure qui trouvait soudain son accord dans le fait de voler.En vol, solitude monacale du pilote, au sol, fraternité retrouvée, et sur-tout communion absolue avec les éléments cosmiques : tout cela lui fitendosser ce rôle d’ange et de veilleur qu’il accepta comme un sacerdoce.Frustré de n’avoir pu combattre dans les derniers mois de la PremièreGuerre mondiale, il se retrouva mobilisé en 1939 avec le grade de capi-taine, dans une situation où pouvaient à la fois se manifester son expérience de pilote civil et ce patriotisme affectif qui fut le sien, conçucomme un désir profond de protéger sa nation, sa terre natale, sa civili-sation. Son engagement final en 1943, obtenu de haute lutte lorsqu’il résidait à New York, est à considérer comme un acte désespéré pouréchapper à la culpabilité intérieure qui l’animait en exil, mais aussicomme le prix et le don du sang offert en sacrifice à la patrie. Peu de sesamis écrivains ou artistes se livrèrent avec une telle violence et une telledétermination dans le combat, converti ainsi en aventure mystique.

Antoine de Saint Exupéry durant sonservice militaire, en 1922.

Double page précédente : Le pilote-officierAntoine de Saint Exupéry monte dans sonavion pour effectuer une mission depuisla base d’Alghero, en Sardaigne.

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Texte Alain Vircondelet Avant-propos Martine Martinez Fructuoso

Archives Consuelo de Saint Exupéry

Antoine de Saint ExupéryHistoires d’une vie

Flammarion

Il rêvait d’être simple jardinier mais il pratiqua tellement de disciplines, d’arts et de métiers que sa vie ressemble à ces poupées russes qui chacune, de la plusgrande à la plus petite, cache mille et un secrets.Antoine de Saint Exupéry vécut ainsi plusieurs destinées aussi brillantes les unesque les autres dont témoigne cet ouvrage abondamment illustré de documents, pour beaucoup inédits, appartenant aux archives de Consuelo de Saint Exupéry.

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en haut, à gauche : Antoine de Saint Exupéry en mission, probablement en Sardaigne.

en haut, au centre : Détail d’une carte d’Amérique du Sud annotée et utilisée par Antoine de Saint Exupéry pour ses vols.

en haut, à droite : L’avion, déjà figure centrale des premiers textes d’Antoine de Saint Exupéry.

au centre : Télégramme de Consuelo à Antoine datant du 28 juin 1944, soit un mois avant sa disparition.

en bas, à gauche : Antoine de Saint Exupéry en Sardaigne, en 1943.© Fondation John Phillips

en bas, au centre : Lettre de Consuelo à Antoine de Saint Exupéry qui écrit alors Vol de nuit. Il hésite encore à lui donner pour titre Nuit lourde,emprunté à une expression poétique de Consuelo utilisée dans cette lettre.

en bas, à droite : Antoine et Consuelo de Saint Exupéry.

4e de couverture :

en haut, à gauche : Antoine à Saint-Maurice de Remens, vers 1907.

en haut, à droite : Portrait officiel de la fratrie.

en bas, à gauche : À Saint-Maurice, la fin de l’enfance.

en bas à droite : Le service militaire à Strasbourg en 1922. Antoine de Saint Exupéry appartient au 2e régiment d’aviation de chasse.

© Sauf mention contraire, tous les documents proviennent du Fonds Succession Consuelo de Saint Exupéry.

Martine Martinez Fructuoso est l’épouse de JoséMartinez Fructuoso, le secrétaire de Consuelo deSaint Exupéry pendant vingt ans, puis son légataireuniversel après la mort de celle-ci en 1979. Ils s’atta-chent depuis lors à faire vivre son héritage et samémoire. Elle a cosigné la biographie consacrée àConsuelo, Une mariée vêtue de noir, publiée en 2010(éditions du Rocher).

Universitaire et écrivain, Alain Vircondelet estaussi le biographe reconnu de grandes figures dela littérature et de la spiritualité, parmi lesquellesAntoine de Saint Exupéry, Albert Camus, Margue-rite Duras, Françoise Sagan, Balthus, Séraphine deSenlis, Blaise Pascal, Arthur Rimbaud, Jean PaulII, Charles de Foucauld…

Il est considéré aujourd’hui comme un des plusgrands spécialistes de Saint Exupéry, auquel il aconsacré de nombreux ouvrages.

Du même auteur

Antoine de Saint-Exupéry,

Julliard, 1994

Saint Exupéry, vérité et légendes, Éditions du Chêne, 2000

Préface aux Mémoires de la rose de Consuelo de Saint Exupéry, Plon, 2000

Préface aux Lettres du dimanche de Consuelo de Saint Exupéry, Plon, 2001

Antoine et Consuelo de Saint Exupéry, un amour de légende,

Les Arènes/France Info, 2005

La Véritable Histoire du Petit Prince,

Flammarion, 2008

C’étaient Antoine et Consuelo de Saint-Exupéry,

Fayard, 2009 (prix Paris-Match)

Dans les pas de Saint-Exupéry,

L’Œuvre, 2011-:HSMASB=WZ]]VZ:Prix France : 35 €

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