sa pins en milieu mé diterrané en asp e cts i s

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La santé d’une essence peut être appréciée, globalement, par la base systématique que constitue le réseau européen (notation annuelle de l’état des houppiers de vingt arbres sur un maillage de 16 km par 16 km.). Les sapins en milieu méditerranéen n’y étant que faiblement représentés, il est préférable de s’appuyer sur les signalements de terrain effectué par le réseau de correspondants-observateurs du Département de la Santé des Forêts. Les principaux dégâts constatés cor- respondent le plus souvent à l’action d’agents biotiques (insectes, champi- gnons), qui sont présentés en fonction des organes attaqués, classés du bas vers le haut. Rappelons, au préalable, que la résistance d’une espèce ou provenance donnée de sapin à la plupart des rava- geurs et pathogènes est d’abord déter- minée par son adéquation stationnelle et, le cas échéant, par la qualité des plants et de leur mise en place. L ’a r m ill a ir e de s r é s i neux (A r m ill a ri a o s toyae) Ce champignon se localise au niveau du collet et des racines : les fructifica- tions automnales libèrent des spores qui, en germant, développent un myce- lium tout d’abord indifférencié qui peut ensuite soit devenir sous-cortical (en lames) et entraîner le dépérissement de l’arbre (envahissement des tissus conducteurs, pourriture des racines) soit être à l’origine de cordons souterrains, organes de conservation et de dissémi- nation. Celle-ci semble cependant s’effectuer préférentiellement par contacts racinaires entre arbres contami- nés et arbres sains. Les mortalités se présentent donc fré- quemment en taches circulaires. Ce champignon peut coloniser des arbres sains mais son développement est facilité par un état sanitaire déficient (effet d’un stress hydrique par exemple). 136 L e s s ap i n s en m ili eu méd i te rr anéen , a s pect s phyto s an i ta ir e s pa r S e r ge NO R MAND * * Chef de l’Echelon Sud-Est Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, Direction de l’Espace Rural et de la Forêt, Département de la Santé des Forêts. BP 95, 84143 Montfavet cedex Photo 1 : Galeries larvaires du pissode Photo S. Normand t. XIX, n° 2, mai 1998

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Page 1: sa pins en milieu mé diterrané en asp e cts i s

La santé d’une essence peut êtreappréciée, globalement, par la basesystématique que constitue le réseaueuropéen (notation annuelle de l’étatdes houppiers de vingt arbres sur unmaillage de 16 km par 16 km.).

Les sapins en milieu méditerranéenn’y étant que faiblement représentés, ilest préférable de s’appuyer sur lessignalements de terrain effectué par leréseau de correspondants-observateursdu Département de la Santé des Forêts.

Les principaux dégâts constatés cor-respondent le plus souvent à l’actiond’agents biotiques (insectes, champi-gnons), qui sont présentés en fonctiondes organes attaqués, classés du basvers le haut.

Rappelons, au préalable, que larésistance d’une espèce ou provenancedonnée de sapin à la plupart des rava-geurs et pathogènes est d’abord déter-minée par son adéquation stationnelleet, le cas échéant, par la qualité desplants et de leur mise en place.

L’ arm ill a ire d e s r é sin e ux(A rm ill a ri a ost o y a e )

Ce champignon se localise au niveaudu collet et des racines : les fructifica-

tions automnales libèrent des sporesqui, en germant, développent un myce-lium tout d’abord indifférencié qui peutensuite soit devenir sous-cortical (enlames) et entraîner le dépérissement del’arbre (envahissement des tissusconducteurs, pourriture des racines) soitêtre à l’origine de cordons souterrains,organes de conservation et de dissémi-nation. Celle-ci semble cependant

s’effectuer préférentiellement parcontacts racinaires entre arbres contami-nés et arbres sains.

Les mortalités se présentent donc fré-quemment en taches circulaires.

Ce champignon peut coloniser desarbres sains mais son développementest facilité par un état sanitaire déficient(effet d’un stress hydrique parexemple).

136

Le s s a p ins e n m ili e u m é d it e rr a n é e n , a sp e c ts

p hytos a n it a ire s

p a r Se rg e N ORM A ND*

* Chef de l’Echelon Sud-EstMinistère de l’Agriculture et de laPêche, Direction de l’Espace Rural etde la Forêt, Département de la Santédes Forêts.BP 95, 84143 Montfavet cedex

Photo 1 : Galeries larvaires du pissodePhoto S. Normand

t. XIX, n° 2, mai 1998

Page 2: sa pins en milieu mé diterrané en asp e cts i s

A d a p t a t i o n d e s s a p i n s a u m i l i e u

L’hylo b e(Hylo b ius a b i e tis)

Ce charançon affecte la plupart desessences résineuses en plantation. Ilprovoque la mort du plant par ses mor-sures de nutrition corticales. Les reboi-sements qui suivent une coupe rase depins ou d’épicéa ou qui s’en trouventproches sont les plus exposés (émer-gence des adultes immatures qui se sontdéveloppés sous l’écorce des souches).Les dégâts peuvent compromettre l’ave-nir de la plantation.

Si la station ne favorise pas un déve-loppement rapide de la végétationconcurrente, le respect d’un délai dedeux ans entre la coupe à blanc et laplantation permet de réduire sensible-ment le risque d’attaque. De plus, lestraitements insecticides (en pépinière ouà la plantation) sont efficaces, d’un coûtmodéré et peu nocifs pour l’environne-ment (trois spécialités commercialeshomologuées à ce jour).

Les inse c t es« so us-c orti c a ux »

Ils provoquent le dépérissement desarbres par la destruction des vaisseauxconducteurs. Les principales famillesconcernées sont celles des scolytes etdes charançons (Curculionidae) :

- pour ces derniers, le pissode dusapin (Pissodes piceae) forme, en été,des cavités corticales dans lesquelles ilpond : l’impact sur l’arbre est donc dûaux seules larves, qui rayonnent à partirdu site de ponte, en creusant des gale-ries sous-corticales durant l’été etl’automne (hivernations sous-corticalesous forme larvaire ou nymphale, sou-terraine pour les adultes de l’année pré-cédente),

- le scolyte le plus dommageable estle curvidenté (Pityokteines curvidens)dont la galerie de ponte est caractéris-tique (double accolade transversale). Lecycle biologique comporte deuxpériodes d’envol des adultes (avril etseptembre).

Ces deux ravageurs envahissent plusparticulièrement les arbres affaiblis, oudépérissants et les chablis, mais ils peu-vent coloniser des sujets sains en cas depullulation.

Actuellement, la seule possibilité de

contrôle des niveaux de population deces « sous-corticaux » repose sur larapidité d’exploitation des arbres, le

transport des bois devant être effectuéavant le départ des insectes adultes.

Photo 3 : Impact du gui sur un sapin adultePhoto S. N.

Photo 2 : Dégâts de Curvidenté - galeries maternelles et larvairesPhoto S. N.

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Le c h a u dronou d org e dus a p in (M e l a m psore ll ac a ryo p hyll a c e a rum)

Le chaudron est provoqué par unchampignon de la famille des rouilles(Urédinales) : l’infestation se traduitpar la formation d’un balai de sorcièreresponsable de la dissémination ;lorsqu’il se trouve près du tronc, ilévolue en chaudron, forme non conta-

minante mais qui fragilise la tige etentraîne le déclassement du bois.

Le g u iL’installation du gui (Viscum album

ssp. abietis) est favorisée par l’affaiblis-sement de l’arbre (facteurs stationnels etclimatiques, sénescence) : une faiblecroissance de l’hôte permet la réussitede la germination (pénétration corticale)et le développement ultérieur de ce« parasite », qui a besoin de lumière, estfavorisé par la défoliation du houppier.Le nombre et la position des boules de

gui détermineront la gravité de l’impactsur la vitalité (perte de croissance, dépé-rissement) et sur la qualité du bois.

Le s c h e rm è sCe sont des insectes « piqueurs-

suceurs », de taille millimétrique, quiprélèvent la sève élaborée ; de plus, lesenzymes digestives simultanémentinjectées ont un effet phytotoxique. Ilssont repérables par les sécrétionsblanches, d’aspect cotonneux, qui lesrecouvrent.

Le chermès du tronc (Dreyfusiapiceae) affecte les arbres de plus de 25ans ; l’affaiblissement est rarement suivide mortalité mais la perte de croissancepeut s’accompagner de déformations(perte de valeur technologique).

Le chermès des rameaux (Dreyfusianüsslini) entraîne des dégâts sur de plusjeunes arbres : les aiguilles se vrillent,les rameaux prennent un aspecttumoral ; les attaques répétées provo-quent le dessèchement des aiguilles puisdes rameaux : un faible couvert forestierfavorise le développement des popula-tions et l’aggravation de l’impact (dépé-rissement de la cime, mortalité).

La tord e used e s p o uss e s( C h oristo n e ur am urin a n a )

Sous sa forme larvaire, elle évide lesbourgeons et consomme les aiguilles del’année; la cime des arbres adultes (plusde quatre-vingt années) est préférentiel-lement affectée et prend un aspect tabu-laire après des attaques répétées. En casde phase épidémique un traitement parvoie aérienne avec les produits homolo-gués à base de Bacillus thuringiensispeut être envisageable.

La ro u ill e d e sa i g u ill e s(Pu c c in i a stru m e p ilo b ii)

Elle « boucle » son cycle de dévelop-pement avec un changement d’hôte(germination sur l’épilobe) ; son impact(sur jeunes sapins) est spectaculaire

Photo 4 : Dessèchement de cime dû au chermès des rameauxPhoto S. N.

Photo 5 : Hylobe effectuant son repas de maturationPhoto S. N.

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A d a p t a t i o n d e s s a p i n s a u m i l i e u

(fructifications blanches allongées etabondantes) mais l’affaiblissement del’arbre est négligeable.

La sensibilité des arbres à ces diffé-rents agents varie, comme nousl’avons signalé, en fontion de l’âgedes sujets atteints. En schématisant, onpeut associer à chaque stade de déve-loppement un cortège de ravageurs etpathogénes différent :• jeunes plants : hylobe, chermès

des rameaux, rouille des aiguilles,• perchis, jeune futaie : chermès du

tronc,• futaie adulte : tordeuse des

pousses, scolytes, dorge.Le gui, l’armillaire, peuvent, par

contre, affecter les sapins à tout âge enfonction de conditions particulières(climat, station, vecteurs).

Les agents biotiques les plus fré-quemment signalés dans la zone médi-terranéenne française sont, par ordredécroissant (selon les surfaces affec-tées) :• le pissode,• la rouille foliaire,

• le chermès des rameaux et le cur-videnté,• l’armillaire et la tordeuse des

pousses,• le chermès du tronc.Ces sept agents représentent soixante-

dix pour cent des observations phytosa-nitaires sur sapin pectiné et sur sapinsméditerranéens, en milieu méditerra-néen (fraction de la base de données dudépartement de la santé des forêts,représentant environ deux cents obser-vations).

La tordeuse des pousses, très poly-phage, n’a été signalée que sur le sapinpectiné.

Il en est de même pour le gui, quin’est pas pris en compte dans ce clas-sement ; il devrait prochainement fairel’objet d’une enquête spécifique duDSF afin de mieux apprécier son évo-lution et son impact.

Ce passage en revue des principauxproblèmes phytosanitaires des sapinsen milieu méditerranéen peut inquiéterles reboiseurs ; leur fréquence et leurimpact restent cependant globalement

faibles.L’attention des correspondants-

observateurs du DSF a été orientéeen 1997 vers le chermès des rameauxen raison de l’augmentation dunombre de signalements, correspon-dant à une extension sur la totalité del’étage montagnard, habituellement« épargné » par ce ravageur.

Cette évolution peut être rapprochéedes interrogations actuelles sur leschangements climatiques.

Compte-tenu des incertitudes sur cepoint, il paraît sage de favoriser la bio-diversité forestière, en particulier parl’utilisation de sapins méditerranéens,sans se limiter du reste à la seule zoneméditerranéenne ; dans la perspectived’un changement global, l’hybridationpossible entre sapins pourrait êtreconsidérée comme une sécurité et nonplus comme un risque…

S. N .

Résumé

La résistance d’une espèce ou provenancedonnée de sapin à la plupart des rava-geurs et pathogènes est essentiellementdéterminée par son adéquation station-nelle et, le cas échéant, par la qualité desplants et de leur mise en place.En milieu méditerranéen, les principauxagents biotiques susceptibles d’affecter lasanté des sapins sont abordés en fonctionde l’organe attaqué, soit « de bas enhaut » :- Hylobe et Armillaire au niveau du colletet des racines,- Chermès du tronc, Pissode, scolytes,Dorge et Gui sur tronc et rameaux,- Chermès des rameaux, Tordeuses despousses pour les aiguilles et pousses.Caractéristiques biologiques principales,gravité des dommages (actualité et risquepotentiel), techniques de soins et de pré-vention possibles sont exposées pour cha-cun de ces agents.Une synthèse de cette sélection est présen-tée sur la base de la période de sensibilité(jeunesse, maturité, sénescence).

Summary

The resistance to most diseases and preda-tors of a given fir species or provenance islargely determined by the suitability of theplant to its location and, where relevant,the quality of the seedlings and the plan-ting process.In a Mediterranean environment, the prin-ciple biotic factors likely to affect thehealth of fir trees are considered in rela-tion to the part of the plant attacked ; frombottom to top :- pine weevil and armillaria fungus, atground level and on the roots- pine gall louse,weevil, bark beetle (scoly-tid), misletoe and canker (blister), on thetrunk and branches- pine louse, leaf rollers, on the needlesand shoots.The main biological characteristics, thegravity of damage they cause (in fact andpotential), possible methods of care andprevention are presented for each of theabove pests.A synthesis concerning these agents is pre-sented, based on their periods of sensitivity(when young, mature, aged).

Resumo

A resistência duma espécie ou duma dadaproveniência do abeto à maior parte dasepidemias e patogenias, é essencialmentedeterminada pela sua adaptação à esta-ção, e, se assim acontecer, pela qualidadedas plantas e da sua plantação.Em meio mediterrânico, os principaisagentes bióticos susceptíveis de afectar asaúde dos abetos são abordados em funçãodo orgão do sentido « de baixo paracima ».Gorgulho e armilária ao nível do colo edas raízes, insectos que procovam galhasno tronco, pissode, escolitídeos, cancro evisco.Insecto que provoca galhas nos troncos,torcedora dos rebentos e agulhas, sãoexplicada para cada um destes agentes, ascaracteristicas biológicas principais, agravidade dos seus prejuízos (actual erisco potencial), as técnicas de tratamentoe de prevenções possíveis.É apresentada uma síntese desta selecçãona base de período de sensibilidade.

t. XIX, n° 2, mai 1998139