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S.CALLENS MACRODYNAMIQUE 1 : La Croissance Année universitaire 2003-2004

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S.CALLENS

MACRODYNAMIQUE 1 : La Croissance

Année universitaire 2003-2004

Illustration de la page de titre : Luca Signorelli, Les Bienheureux (détail), fresque, Cathédrale d’Orvieto

Université d’ArtoisLicence de sciences économiques : Macrodynamique 1

SOMMAIRE

Introduction générale : Comprendre la prospérité

1/ Le Modèle à épargne exogène (Solow)

2/ Politique d'épargne et modèle de Ramsey

3/ Croissance endogène et aspects multisectoriels

4/ Aspects intergénérationnels (générations imbriquées, développement durable)

Conclusion : L’algèbre du progrès

Appendice : Introduction à Mathematica 5

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INTRODUCTION : Comprendre la prospérité Plan :

1/ Les grandes évolutions du monde2/ La richesse aujourd’hui3/ Les facteurs de la croissance économique4/ Présentation du sommaire

1/ Les grandes évolutions du monde

Un expert de l’OCDE a collecté des données sur un millénaire, de l’an 1000 à l’an 2000 (Maddison, l’économie mondiale : une perspective millénaire, OCDE, 2001).

Les régions relativement les plus riches en l’an 1000 étaient l’Asie (de loin) et l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. L’Inde, la Chine, et la Perse étaient les trois plus grandes entités économiques de l’époque.

% du PIB mondial

Europe Russie Amérique du Nord et Australie

Amérique latine et centrale

Asie Afrique

An 1000 10,9 2,4 0,7 3,9 70,3 11,8An 1700 25,4 4,4 0,2 1,7 61,7 6,6An 2000 22,6 3,4 25,1 8,7 37,2 3,1

Figure 1 : Parts du PIB mondial

L’Asie représentait 78 % de la population mondiale, avec un niveau de vie d’environ 500 euros/an par habitant, le plus élevé de l’époque, mais seulement de 15 % plus élevé que les régions les plus pauvres comme

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l’Europe alors en voie de féodalisation. La répartition de la richesse est très proche de celle de la population, puisqu’à peu près tout le monde est très pauvre.

L’Asie représente aujourd’hui 59,5 % de la population mondiale. La révolution industrielle a transformé les cartes : la richesse ne se mesure plus à l’aune de la population. Le monde connaît aujourd’hui trois grands pôles de richesses : la façade Pacifique de l’Asie (Chine de l’Est, Japon, …) , l’Amérique du Nord et l’Europe.

Figure 2 : PIB par tête, Chine et Europe Occidentale entre 400 et 2000

Deux événements principaux affectent sur très longue période la courbe de la croissance :

1/ le point de démarrage, qui est constitué par la néolithisation. La néolithisation est le passage d’une société de chasseurs-cueilleurs à une société d’agriculteurs. Ce passage est réalisé pour la première fois au Proche Orient, il y a environ 11000 ans. La néolithisation diffuse à la vitesse moyenne d’un kilomètre par an : les points de démarrage de la

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Chine et de l’Europe Occidentale ne doivent pas être très éloignés. La culture du riz apparaît en Chine il y a environ 7000 ans. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs ne font pas de stocks et vivent au jour le jour à partir des ressources de l’environnement. Elles se régulent en maintenant une faible densité humaine (moins d’un habitant au kilomètre carré – ce qui fait que cet habitant peut disposer d’abondantes ressources).

2/ La modernisation. L’émergence économique de l’Europe Occidentale commence par l’Angleterre vers 1820, puis se propage à l’Europe Continentale (France,1860), et d’autre pays (Chine, 1980). Les sociétés traditionnelles agricoles se caractérisent par de faibles masses monétaires, de très faibles taux de croissance en longue période, et un impact important sur l’environnement, puisqu’elles se basent sur une transformation volontaire de l’environnement à partir d’une tabula rasa d’un défrichement massif.

Chasseurs-cueilleurs Société agricole traditionnelle

Société moderne

Exemple : Inuits (ou Eskimoos), ce sont des chasseurs de phoques

Exemple : Sames (ou Lapons), ce sont des éleveurs de rennes

Exemple : Suédois moderne

Pas de croissance, car pas d’accumulation

Société routinière dans un temps cyclique, de

l’accumulation (par exemple de grands

troupeaux de rennes) mais très peu de

croissance

Croissance

Connaissance du terrain de chasse-pêche-cueillette, un capital humain spécifique

dont la transmission est faite avec soin : espacement des naissances pour améliorer

l’éducation des enfants

« effet Poil de Carotte », manque de soin dans

l’éducation des enfants, dévalorisation du capital

humain (guerre, travail des enfants)

Scolarisation de tous, montée de l’immatériel aussi bien pour les ménages que

pour la production

Une société d’échanges avec un peu de

production artisanale

Une société de production (agricole), avec des tendances à

l’autarcie, une réduction drastique des

échanges

Echanges et productions diversifiées

S’est diffusé très lentement à partir d’un foyer originel

africain (peut-être – 200 000 ans avant le présent)

S’est diffusé à une vitesse d’un kilomètre par an à

partir d’un foyer initial au Proche-Orient (environ –

11000 ans avant le présent)

Se diffuse très rapidement à partir d’un foyer européen (Angleterre, 1820 : date du

premier décollage significatif du taux de croissance)

Fig. 3 : Croissance et trois états de la société

Sociétés

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modernes

Sociétés Agricoles traditionnelles

Chasseurs-Cueilleurs

Croissance

Figure 4 : Schéma de la croissance en très longue périodeSur la planète, toutes les situations peuvent se trouver : il existe

toujours des sociétés de chasseurs-cueilleurs (dans les zones glaciaires – inuits -, dans les forêts primaires – pygmées en Afrique, indiens d’Amazonie -, dans les zones semi-désertiques – aborigènes d’Australie, Bochimans du Kalahari). Des pays où coexistent des sociétés agricoles traditionnelles et une société modernisée (par exemple, le contraste entre la Chine de l’intérieur –plutôt traditionnelle- et la Chine orientale – en voie de modernisation rapide). Des pays qui connaissent d’intenses défrichement et une situation de Front Pionnier (par exemple, en Amazonie), où d’autres qui sont au contraire dans une phase de progression de la forêt (c’est le cas de la France, depuis 1780).

L’Europe a réussi à doubler le revenu par tête vers 1700, et était la seule partie du monde a connaître cette évolution aussi marquée. La situation en l’an 2000 est celle de région très prospères, qui peuvent avoir jusqu’à vingt fois de revenu médian supérieur au revenu médian des plus pauvres. Mais les plus pauvres de 2000 sont en équivalent monétaires, environ deux fois plus riches que les européens des années 1700. Maddison date seulement de 1820, l’inscription dans les résultats statistiques de la Révolution Industrielle. Il y a trois siècles, la France a connu encore deux périodes de famine, dans les hivers 1693 et 1709.

PIB mondial parHabitant en euro 2000 par an

Europe Russie Amérique du Nord et Australie

Amérique latine et centrale

Asie Afrique

An 1000 440 440 440 440 500 460An 1700 900 670 520 580 630 440An 2000 20 000 4 280 29 000 6 400 4100 1500

Figure 5 : PIB mondial par habitant

Les cités-phares de l’économie pendant les trois derniers siècles, du dix-huitième au vingtième siècles, sont des ports permettant d’accéder à l’Océan Atlantique. Ce n’était pas le cas les siècles précédents où les grands centres d’échanges se situaient en Mer de Chine, ou en Méditerranée. Schématiquement, le dix-huitième siècle reste celui d’Amsterdam, dont l’étoile va pâlir dans la seconde moitié du dix-huitième au profit de Londres. Londres elle-même sera supplantée au vingtième

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Néolithisation : généralisation du travail

Modernisation : généralisation de l’école

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siècle par New York. Les grandes universités pour la pensée économique sont écossaises au dix-huitième siècle. Adam Smith enseignait à Edinburgh. Oxford et Cambridge en Angleterre jouent un rôle de référence. Le plus connu de ces économistes anglais du dix-neuvième siècle de Cambridge est Alfred Marshall. Depuis la création des prix Nobel d’économie en 1969, l’Université de Chicago est celle qui a reçu le plus grand nombre de prix.

Villes phares de l’économie

Grandes Universités pour la

pensée économique

Dix-huitième siècle Amsterdam, puis Londres

Ecosse : Edinburgh

Dix-neuvième siècle Londres Angleterre : Oxford, Cambridge

Vingtième siècle New-York Etats-Unis : ChicagoFigure 6 : Villes phares

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1/ La richesse aujourd’hui

La courbe de la distribution de la richesse en 1960 possédait une ou deux « bosses » (que l’on appelle des « modes » en statistique, là où les caractéristiques sont plus fréquentes). Dans les années 1980 et 1990, on peut distinguer trois ou quatre « bosses » sur la courbe.

Prenons l’image d’une course cycliste. Les « bosses » de la courbe correspondent aux pelotons comprenant le plus grand nombre de coureurs. En 1960, on distingue clairement deux pelotons : le plus gros peloton est celui de pays dit du « Tiers-Monde ». A une certaine distance du pays leader, les Etats-Unis, se trouve un peloton moins volumineux, celui des pays industrialisés. Ils appartiennent au « club » des pays dit « riches », l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement économiques), créé en 1961 par les pays de l’Amérique du Nord, de l’Europe de l’Ouest et Méditerranéenne, plus l’Australie, la Nouvelle-Zélande. Le Japon rejoint l’OCDE en 1964.

Figure 7 : Distributions mondiales de la Richesse des Nations (1960 et 1988)(Richesse exprimée en pourcentage du logarithme du PIB par tête du pays le plus riche de l’année

de référence)

La situation récente est plus complexe. On peut distinguer quatre pelotons de pays d’importance à peu près comparable si l’on raisonne en nombre de pays. Pour continuer l’image de la course cycliste, ce serait une situation d’étape de montagne avec deux cols à franchir, le premier col se situant vers 1500/2000 euros de revenu annuel moyen par tête, le

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second vers 15000/2000 euros environ. Un premier groupe de pays se situe avant la barre des 1500/2000 euros, ce sont des pays des rives de l’océan Indien et le l’Afrique subsaharienne. Un deuxième groupe vient de franchir ce premier cap, qui est celui de la transition démographique et du premier décollage économique.

Autour de la seconde difficulté, celle des 15000/20000 euros, on peut aussi distinguer deux groupes. Un premier groupe avant cette seconde transition, et un groupe leaders des pays les plus riches. Il s’agit de petits pays européens, comme la Suisse et la Norvège, et d’un seul grand pays, les Etats-Unis.

Une autre façon de retrouver ces quatre groupes de pays est de partir d’une donnée telle que la durée moyenne de vie. A partir d’un raisonnement simple, sur l’allongement de la durée de vie, quatre groupes de pays peuvent être distingués. La richesse suit une dilatation du cycle de vie. Les théories économiques du cycle de vie étudient les profils d'accumulation des personnes au cours de leur vie, et les conséquences de ces rythmes de constitution d'épargne. Le modèle de base considéré par F. Modigliani, est celui d'un salarié qui part à la retraite, accumulant dans ses années de travail, puis consommant son capital lors de la retraite. Cela donne une courbe en "chapeau pointu".

Figure 8 : la constitution de l'épargne selon la théorie du cycle de vie de Modigliani

James Tobin raffine le modèle de base en ajoutant la prise en considération du patrimoine négatif. Ils se situent en début de cycle de vie. L'endettement peut-être individuel, par le recours au crédit bancaire. Les coûts scolaires étant socialisés, le plus souvent, il est public.

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Figure 9 : Théorie du cycle de vie avec prise en compte du patrimoine négatif

L'ensemble des pays de la planète peut prendre place dans un schéma général de dilatation des cycles de vie, selon l'espérance de vie moyenne du pays.4 classes peuvent être proposées :

1 - Les pays à vie brève; 2 - Les pays en transition; 3 - Les pays à vie longue;4 - Les pays à vie très longue.

Plus la vie s'allonge, plus la taille des ménages se raccourcit: on a d'autant moins d'enfant à mesure que l'espérance de vie augmente. Ce phénomène a été expliqué dès le début du dix-neuvième siècle par le mathématicien belge Quetelet. Les morts appellent les vivants, une très forte mortalité génère des attitudes d'agrandissement volontaire des familles. Au contraire, là où la pression létale ( la plus ou moins grande présence de la Mort ) est moins forte, ce sont des ménages de petite taille qui constituent le modèle familial. Cela se lit directement dans les statistiques internationales.

Les libertés publiques sont en relation inverse de la taille des ménages, à l'exception notable de la Chine (inexistence de libertés publiques, mais une politique de régulation des naissances).

En résumé, les indicateurs moyens pour chaque groupe de pays sont les suivants:

Cycle de vie

espérance de

vie(1987)

taux moyen de croissanc

e

% investissement/PIB

% exportation/

PIB

IDH* 1990

nombre de

libertés publiques (sur 40)

indice de

fécondité

VIE BREVE entre 30 et 55ans

0,7 19 24 0,41 6,8 5,2

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EN TRANSITI

ON

environ 63 ans

1 23 28 0,64 12,3 3,6

VIE LONGUE

70 ans 1,3 21 28 0,86 23,4 2,2

VIE TRES LONGUE

75 ans 2,8 26 53 0,93 34,5 1,5

* IDH : indice synthétique de Développement Humain, utilisé par l’ONU

Figure 10 : principaux indicateurs économiques selon la dilatation du cycle de vie

Le développement diminue les risques politiques. Il nécessite sans doute une volonté politique, mais il semble que le lien entre démocratisation et développement soit lâche. Bien que des blocages de développement bien plus sévères se produisent avec des dictatures (Birmanie) ou des bureaucraties (Cuba), il existe des exemples de blocages politiques du développement par les urnes: le péronisme en Argentine, a fait que l'Argentine qui comptait parmi les pays les plus développés au début de ce siècle, a vu sa situation se dégrader dans une économie de rente d'état. Le populisme argentin est basé sur des groupes de pression catégoriels -au départ, les grands ruraux- qui transfèrent des excédents sociaux à leur profit. Cela a généré une phase d'hyperinflation puis une crise d'investissement productif.

L'Argentine est un exemple de récession d'un pays à cycle de vie longue. Les pays en récession avec une longue période de croissance négative appartiennent principalement au premier groupe (vie brève) et troisième groupe (vie longue). Les problèmes des pays du premier groupe sont d'un autre ordre de groupe que ceux du troisième: ce sont des insuffisances alimentaires et des troubles civils, situations bien plus graves que l'assoupissement économique argentin.

On distingue parfois la croissance extensive de la croissance intensive. La croissance extensive, c'est lorsque la croissance économique accompagne de façon comparable la croissance démographique, c'est-à-dire lorsque la croissance du PIB par habitant est faible, proche d'une valeur nulle. Le second groupe de pays (en transition), est le plus proche de cette situation de croissance extensive. Au contraire, dans le dernier groupe (vie très longue), la croissance est intensive: aucun des pays ne connaît de récession de longue période. La croissance est soutenue sans connaître des taux très élevés. En résumé:

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Figure11 : Croissance extensive et intensive

La croissance extensive est la plus marquée là où le taux moyen de croissance économique se resserre autour de la valeur nulle . Sur ce graphique , ce phénomène est le plus apparent autour d'un indice de fécondité d'environ 3,3.

La croissance intensive se lit dans la partie inférieure de ce graphique, après une valeur de rupture d'environ 1,7: les effectifs de la population humaine sont stables, de même que la croissance économique moyenne.

Les pays à vie très longue ont une population stabilisée, car l'indice de fécondité y est le moins élevé ( 1,7 comme valeur de rupture entre les groupes de pays à vie très longue, et les pays à vie longue ). Schématiquement, les situations types sont donc:

VIE BREVE EN TRANSITION VIE LONGUE VIE TRES LONGUEGros risques d'instabilités de premier ordre (dictature,guerre civile, famine)

Croissance extensive

Risque d'instabilité de second ordre, type "assoupissement" argentin

croissance intensive

Figure 12 : Situations-types selon la dilatation du cycle de vie

Détaillons maintenant les quatre groupes de pays.

a) premier groupe: les pays à vie brève.

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Dans le modèle de Tobin, la vie brève donne une somme A+B qui peut-être négative ou positive.

Figure 13 : Epargne en cycle de vie brève

La part des jeunes dans la population influence négativement le taux d'épargne. Ici, le phénomène est d'ampleur maximale: le risque d'endettement est très grand - ou de non financement de la scolarité.Parmi ce groupe, se trouvent les pays africains (sauf Tunisie, Afrique du Sud et quelques petits pays), l'ensemble Afghanistan, Pakistan, Bangladesh, auquel on peut rajouter une partie de l'Inde (qui est un ensemble aujourd'hui composite). Par rapport à la croissance économique, il y existe des dynamiques négatives (l'Algérie, Nigeria: cela s'explique par la dégradation des termes de l'échange pour les pays à rente pétrolière), des phénomènes de désertification, de déscolarisation (Sahel,Togo). Quelques pays ont cependant une croissance positive (Maroc, Bangladesh, Pakistan). Les risques sociaux et politiques sont toujours de première grandeur et oblitèrent tout pronostic.

"Ce n'est qu'avec la diminution de la mortalité et l'allongement de la durée de vie que le temps prend une dimension économique" (Denis Kessler, André Masson, Cycles de vie et génération, 1985, p.148). Dans un cycle de vie court, le statut d'orphelin est le cas courant : en moyenne, le premier parent décède pendant l'adolescence. Les solidarités ne peuvent s'organiser que dans une même génération: solidarité entre cousins, frères et sœurs.

Cette solidarité horizontale chaleureuse génère des formes particulières de collecte d'épargne comme les tontines africaines. Mais généralement la solidarité intragénérationnelle épuise toute épargne: le salarié subvient aux besoins d'une large fratrie, ou d'une communauté villageoise. Cette solidarité très forte alimente une agriculture de subsistance et une économie informelle de survie urbaine, mais se déploie dans un horizon trop court pour l'épargne et l'investissement.

La dynamique économique mondiale peut faire que l'investissement nécessaire à un emploi viable ait tendance à croître: ce qui met d'autant plus en difficulté les régions du monde, prisonnières d'une économie de survie, rurale ou urbaine. Les écarts se creusent pour ces pays dont l'endettement est inscrit dans l'horizon court de la vie.

b) Les pays en transition.

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Ce sont les pays d'Asie du Sud (Malaisie, Philippines, Indonésie, une courte partie de l'Inde) et un premier groupe de pays d'Amérique centrale et latine. La Turquie appartient également à ce groupe.Le solde A+B devient positif: il reste toutefois nécessairement inférieur à A+B+C, C étant une quantité positive.

Figure 14 : Epargne en cycle de vie en transition

Les pays en transition se caractérisent par un effort d'investissement. Le taux d'investissement est supérieur à celui du premier et du troisième groupe. Une régulation des naissances commence à se mettre en place et freine l'indice de fécondité; cependant l'expansion démographique reste forte et partage les bénéfices de la croissance.

Les démographes parlent de transition démographique: la mortalité baisse, mais une régulation des naissances tarde à se mettre en place, de sorte que l'expansion de la population est forte. Cette présentation présente deux inconvénients:- Un côté "Docteur Pangloss", devant l'explosion démographique, elle ne serait que transitoire, et tout se remet en ordre automatiquement dans une "happy-end", avec l'abandon progressif des organisations patriarcales ou polygamiques.- Il laisse croire que cette transition est obtenue par l'effet de la médecine curative, qui fait baisser la mortalité. De fait, l'histoire des progrès économiques fulgurants est souvent liée à une "révolution hygiénique", une médecine préventive. Un des aspects semble-t-il déterminant de cette "révolution hygiénique" est l'utilisation des moyens contraceptifs modernes.

Ainsi, Corée et Japon opèrent leur transition démographique vers 1950 grâce au préservatif masculin, la Chine vers 1970 par le stérilet, l'Indonésie, par la pilule contraceptive. Lors de l'indépendance de l'Indonésie, le leader nationaliste indépendantiste Sukarto était populationniste. Son successeur, en 1968, le général Sukarto lance un planning familial et favorise la diffusion de la pilule contraceptive. Et le décollage économique de l'Indonésie est bien associable uniquement à cette seconde politique. Cependant les 3/4 des politiques de planification

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familiale ont été initiés dans ces années 1960/1970: c'est-à-dire que l'effort a été peu poursuivi ensuite.

La transition démographique est un modèle descriptif qui explique pourquoi la chute de mortalité entraîne une forte croissance de la population; il masque la première leçon du développement, la première maîtrise de risque, obtenue par une politique volontaire de régulation des naissances.

c) Les pays à vie longue Dans ce groupe de grands pays avec des infrastructures suffisantes en matière de santé et d'éducation, les niveaux de développement économique sont très inégaux (Brésil, Argentine, Chili, Chine, Thaïlande, Taïwan, Israël; pays européens (sauf 9 plus avancés)).

C'est une zone de possibles accidents politiques, tel l'exemple du péronisme argentin, avec formation d'une économie distributive de rentes. Mais c'est aussi, là où les taux de croissance parmi les plus importants sont constatés, par exemple Taïwan.

d) Les pays à vie très longue: type Danemark, Suisse ou Japon.La retraite y est tardive (67 ans au Danemark), en corrélation avec

une espérance de vie très grande. Ce sont des petits pays très urbanisés, denses. L'importance de l'épargne fait de ces petits pays (en surfaces au sol) des acteurs majeurs du financement de l'économie mondiale. La croissance démographique est maîtrisée, ce qui évite un gonflement de la zone "A"; l'âge avancé de la retraite évite une trop grande redistribution vers les personnes âgées.

Ce sont aussi des pays plutôt égalitaires: une distribution très inégalitaire des revenus altère de deux manières les capacités d'épargne (par exemple, au Brésil):- par une élite très fortunée, très consommatrice qui provoque une hausse tendancielle des prix (quand ce n'est pas de l'hyper- inflation), et une baisse de son épargne.- une grande partie de la population qui reste en-deçà de la situation de se créer une capacité positive importante d'épargne.

3/ Les facteurs de la croissance économique

Je reprend brièvement les conclusions de travaux récents sur les facteurs de la croissance économique. On pourra en trouver un exposé plus complet dans R.J.Barro, Les Facteurs de la Croissance économique (Paris : Economica, 2000). Il s’agit de résultats empiriques obtenus à partir de grandes bases de données internationales et de séries longues qui portent sur le dix-neuvième et le vingtième siècles. C’est vers 1830 que se créent les premiers instituts modernes de statistiques en Angleterre et dans quelques autres pays. Avant cette date, en particulier pour le dix-huitième siècle, on ne dispose que de données fragmentaires. Nous

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suivrons à peu près l’ordre d’exposition de Barro.

- L’influence du niveau initial de richesseCe facteur joue un rôle négatif. Si les autres variables explicatives

restaient constantes, les économies des différents tendent toutes à se rapprocher à une vitesse lente : il faudrait environ un siècle pour cela. Ce phénomène est appelé la convergence. En pratique, c’est-à-dire que les autres variables sont bien variables et non pas arbitrairement constantes, comme on l’a vu précédemment, cela n’a qu’un effet partiel. Il n’existe que des phénomènes partiels de regroupement de pays selon des niveaux différents de richesse.

- L’influence du niveau de formationLe taux de scolarisation primaire féminine est peut être le meilleur

prédicteur de l’indice du développement. Les pays qui ont réalisé une scolarisation de l’ensemble de la population sont par exemple les pays asiatiques à croissance rapide. Les pays d’Amérique Latine ne résorbent que lentement l’analphabétisme féminin et connaissent des taux de croissance plus faible. Les plus mauvais résultats sont obtenus par des pays qui excluent le genre féminin de la vie économique.

Le comparatif Inde/Chine indique l’importance de cette scolarisation primaire des filles et des garçons. L’Inde possède un enseignement supérieur de qualité, mais aussi un statut dégradé pour les filles dans de nombreuses régions. Alors que la Chine est handicapée par un système politique et administratif encore plus défavorable que celui de l’Inde, ses performances en terme de croissance économique sont meilleures.

Pour l’éducation supérieure, Barro indique l’impact positif du nombre d’étudiants relativement âgés, hommes de plus de 25 ans. Ce sont des personnes qui se destinent à la recherche, ou des personnes ayant déjà des responsabilités professionnelles à la recherche d’un perfectionnement.

- L’influence du taux de féconditéUne baisse du taux de natalité augmente le taux de croissance. En

effet, explique Barro, « si la population augmente, une partie de l’investissement est utilisé pour fournir du facteur capital aux nouveaux travailleurs plutôt que pour augmenter la quantité de capital par travailleur. Des ressources supérieures doivent de plus être affectées à l’éducation des enfants ». Dans certaines régions de l’Inde, la surabondance de main d’œuvre est l’unique raison de l’absence d’investissement. Trouvant toujours des bras à très bas prix, les techniques et les machines ne se modifient pas depuis des décennies, voire des siècles.

- L’influence de la consommation publique (hors éducation)Les dépenses liées à l’administration ont une incidence nettement

négative. Ce sont des dépenses qui n’améliorent guère la productivité, et une administration inefficace et pléthorique est un lourd handicap pour la croissance.

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- L’influence du respect de la loi (absence de corruption, garantie des propriétés, …)

Ce facteur est favorable. La croissance suppose l’investissement, qui lui-même repose sur l’absence d’une possibilité de confiscation politique, en particulier. Les régimes de dictature prédatrice sont ceux qui enregistrent les plus mauvais résultats économiques.

- L’influence de la démocratieBarro dresse enfin un bilan des interactions entre le développement

économique et le développement de la démocratie. La discussion doit tenir compte de phénomènes assez complexes, comme les « bons » résultats économiques de régimes autoritaires telles que la Chine.

A partir d’un comparatif Inde/Chine, Amartya Sen, un récent prix Nobel d’économie (1998), indique que la démocratie est surtout importante dans les moments difficiles. Ainsi, l’Inde s’est sortie plus rapidement des famines que la Chine, qui a connu encore au début des années 1960, une grande famine qui a fait trente millions de morts. Devant un afflux de richesses, se pose le problème d’une bonne gestion de ce pactole – et il y a des exemples de mauvaise gestion aussi bien de démocraties que de régimes autoritaires. L’expression utilisée par les économistes consiste à évoquer le « syndrome hollandais », la dissipation rapide dans les années 1970 de la richesse obtenue à la suite de la découverte de grands gisements de gaz par les Pays-Bas. Rétrospectivement, ce « syndrome hollandais » peut tout aussi bien être invoqué pour expliquer des épisodes bien connus de l’histoire économique mettant en cause des régimes autoritaires, comme la gestion des richesses en provenance d’Amérique par l’Espagne des seizième et dix-septième siècles.

Pour Barro, « des accroissements du niveau de vie tendent à engendrer un accroissement progressif de la démocratie. A l’opposé, les démocraties qui se sont érigées sans développement économique antérieur, se révèlent fragiles ».

Cette dernière discussion prend de l’importance lorsque l’on considère le dernier quart du vingtième siècle. Quelques croquis facilement interprétables autour de grands indicateurs indiquent surtout une rupture autour de l’année 1975. 1975 est l’année du maximum du nombre de dictatures dans le monde. La chute du dernier empire colonial européen, avec la Révolution des Oeillets au Portugal se fait au moment du renversement de tendance. A partir de 1975, les indicateurs statistiques indiquent qu’il y a plus de démocraties qui se créent que de dictatures. Dans la période antérieure à 1975, c’étaient les dictatures qui l’emportaient.

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Figure 15 : 1975 est l’année la plus basse pour la démocratie(source : Barro, R. J., Les facteurs de la croissance économique, Economica, 2000)

Figure 16 : évolution du nombre de régimes autoritaires dans le Monde

Il ne faut pas surestimer cette montée des libertés publiques (les résultats de ce mouvement font que l’on peut considérer que seulement 20 % de la population mondiale n’a pas à subir de problèmes graves d’absence de libertés). Cependant cette démocratisation accélérée caractérise mieux les temps présents qu’une explication technologique (ce serait par exemple l’ère de l’ordinateur et d’Internet, mais des inventions tout aussi importantes comme l’avion ou la radio avaient eu lieu dans la première moitié du vingtième siècle) ou une explication en termes de baisses de l’intermédiation et de promotion des marchés (il y a diminution de l’importance relative des banques centrales devant les autres flux financiers, mais le ratio finance intermédiée/ non intermédiée reste stable - seules les formes d’intermédiation changent).

C’est une porte ouverte que j’enfonce : la chute du mur de Berlin bien sur ne modifie pas beaucoup la structure de la matrice des échanges internationaux - par contre cela joue beaucoup sur les indicateurs statistiques de liberté publique.

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4/ Présentation du sommaire

Schématiquement, la théorie de la croissance s’est développée en deux moments : 1/ pendant les Trente Glorieuses, avec des préoccupations keynésiennes, voire planificatrices. C’et le moment des théories du Développement , stimulées par le succès du Big Push du plan Marshall en Europe Occidentale. La contribution de référence est celle de Solow, dans un article paru en 1956 sous le titre « A Contribution to the Theory of Economic Growth ».Des considérations multisectorielles ont été développées depuis le modèle exposé par Von Neumann : une coordination des secteurs industriels est la tâche des économies semi-planifiées telles que ceux de la France et de bon nombre d’autres pays de l’époque. Ces considérations multisectorielles n’intègrent pas le secteur de la recherche-développement : le Progrès reste produit de façon exogène par rapport aux modèles utilisés.2/ dans une période toute récente, avec l’apparition des modèles de la croissance endogène, suite à des articles pionniers de Romer (1986) et Lucas (1988). Le taux endogène est celui du progrès technique, et l’attention va être portée sur des aspects de capital humain, de concurrence imparfaite et de politique de recherche qui vont générer de façon endogène le progrès technique.Une nouvelle notion est introduite en 1987, celle de développement durable : il s’agit de satisfaire les besoins de la génération présente sans altérer la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Cette nouvelle notion amène à prendre en compte des horizons temporels de très long terme, horizons complètement négligés dans la période précédente.

Le plan suivi part du modèle de Solow : il est à épargne exogène (le taux d’épargne est fixé de façon discrétionnaire par le modélisateur), à Progrès exogène, et avec l’hypothèse d’une totale substituabilité des facteurs (si du jour au lendemain, il n’y a plus une goutte de pétrole, cela n’a aucune incidence sur la croissance, toutes les techniques de remplacement à coût équivalent sont supposées disponibles – on parle de conception « très faible » du développement durable pour le modèle de Solow, alors qu’une conception « forte » va introduire des actifs irremplaçables) . Un deuxième chapitre va s’intéresser aux politiques de l’épargne pour lever la première limitation du modèle de Solow (l’épargne exogène). Puis, il s’agira d’introduire aux approches multisectorielles (chapitre 3) et intergénérationnelles (chapitre 4).Les chapitres 2, 3 et 4 lèvent chacune des restrictions du modèle de Solow ( épargne exogène pour le chapitre 2, un seul secteur et progrès exogène pour le chapitre 3, substituabilité parfaite pour le chapitre 4).

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Chapitre 1 : Le modèle à épargne exogène (Solow) Plan :

Introduction : postulats standards du modèle de Solow1/ Dynamique du modèle de Solow2/ Rôle de l’épargne dans le modèle de Solow3/ Tests empiriques du modèle de Solow

Annexe mathématique (partie 1): les EDO (équations différentielles ordinaires) du premier ordre

Introduction : postulats standards du modèle de Solow

A/ Définitions des variables

Le modèle de Solow fait intervenir quatre variables :La production YLe capital physique KLe travail LLes connaissances, ou l'efficacité du travail, A.

À tout instant l'économie dispose l'incertain montant de capital, travail, de connaissances. Ces facteurs se combinent.

Y(t) = F (K(t), A(t).L(t)) équation (1)

On interprète les connaissances à travers le multiplicateur de la productivité du travail. AL est le travail effectif .

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A est appelé le progrès technique qui augmente la quantité de travail effectif, il est dit neutre au sens de Harrod. Si on forme K/Y, le ratio du capital à la production, celui-ci est constant

On trouve parfois Y= A.F( K, L) , un progrès qui affecte une fonction combinée de capital et de travail. Le progrès est alors dit neutre au sens de Hicks.

B/ Postulats sur la fonction de production Les deux facteurs de production, le capital et le travail effectif sont

supposés avoir des rendements d'échelle constants.

F( c.K, c.AL) = c. F( K, AL) pour tout c positif équation(2)

Par exemple, si on double la quantité de capital et de travail effectif, on obtient un doublement de la fonction de production.

Un autre postulat implicite est qu'aucun autre facteur n'intervienne, en particulier les dotations en ressources naturelles. Mais ces choix standards s'expliquent parce que cela correspond à peu près aux réalités empiriques dans un cas général.

Si on pose c =1/AL dans l’équation (2), on obtient :

F( K /AL, 1) = (1/AL) F( K, AL) = Y/AL équation (3)

On pose k = K/AL. k est le montant de capital par unité de travail effectif. y = Y/AL est la production par unité de travail effectif. L'équation (3) devient l'équation (4) : y = f(k) Cette équation (4) s'appelle la formulation intensive de la fonction de production. Les quatre postulats suivant sont faits sur f par :

1. f (0) = 0 2. f’(k) est strictement positif. f’ (.) est le produit marginal du capital.3. f’’(k) est strictement négatif. 4. f(.) vérifie les conditions d'Inada :- la limite de f’(k) quand k tend vers 0 est l’infini,- la limite de f’(k) quand k tend l’infin est 0.

Les conditions d’Inada signifient que le produit marginal du capital devient très élevé quand le stock de capital est très bas, et très bas quand le stock de capital est très élevé.

f(k)

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k

Figure 17 : conditions d’Inada

Par exemple, des fonctions qui vérifient les conditions d’Inada sont celles de Cobb-Douglas :

F( K, AL) = Kα ( AL) (1-α) 0 < α < 1 équation(5) L’équation (5) écrite sous forme intensive donne f(k) = kα

C/ Evolution des facteurs de production Les niveaux initiaux du capital, du travail et des connaissances sont

supposés fixés Le travail et les connaissances croissent à taux constants :

Ĺ(t) = ðL/ðt = n.L(t) équation (6)

Á(t) = ðA/ðt = g.A(t) équation (7)

La production est répartie entre la consommation et l'investissement. La part consacrée à l'investissement, s, est exogène.

Chaque unité de production investie donne naissance à une nouvelle unité de capital. Le capital existant se déprécie au taux  :

s. Y(t) - . K(t) = K’(t) = ðK/ðt équation(8)

On suppose n + g + strictement positif :n + g + > 0inégalité(9).

Dynamique du modèle de Solow

A/ L'équation différentielle fondamentale de Solow

En partant de l’équation(7), on la divise par AL. On fait alors apparaître, après quelques calculs, cette équation sous forme intensive :

k’ = s.f(k) – (n + g + )k équation (10)

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Cette équation ne dépend que de k. Il s’agit de l’équation différentielle fondamentale du modèle de Solow. Elle n’est pas linéaire.

Les évolutions des deux facteurs de production, le travail et les connaissances est exogène. Dès lors, l'évolution de l'économie est gouvernée par le troisième facteur, le capital. L’ équation (10) se dit littéralement :

la variation du stock de capital par unité de travail effectif est égale à la différence entre deux termes. Le premier terme s.f(k) est égal à l'investissement courant par unité de travail effectif, puisque c'est la production par unité de travail effectif multiplié par la fraction de production qui est investi, s. Le second terme, (n + g + )k s’interprète comme le volume d'investissement qui permet de maintenir k à son niveau actuel, ce qui s'appelle l’investissement de point mort. Équation (10) :

La « vitesse » d’accumulation du capital est égale àl'investissement brut - l'investissement de point mort

L'investissement courant et l'investissement de point mort sont égaux au point k = 0, car f(0) = 0 par hypothèse. En k = 0, f’(k) est très élevé et s.f(k) une pente supérieure à (n + g + )k . Ceci résulte d’une des conditions d'Inada, la limite infinie de f’(k) lorsque k tend vers 0.Pour k peu élevé, l'investissement courant est supérieur à celui du point mort.

Comme f’(k) tend vers zéro quand k tend vers l'infini (deuxième condition d'Inada), il existe un point où l'investissement courant devient inférieur à l'investissement de point mort. Ce point correspond à l'intersection de s.f(k) et de la droite d’équation (n + g + )k . Ce point est unique pour k strictement positif car f’’(k) < 0 .On note k* la valeur de k qui égalise les deux formes d’investissement.

F(k)

f(k) fonction de production

Consommation(n + g +

)k s.f(k) investissement brut, ou courant

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k* k

Figure 18 : Le modèle de Solow

B/ L'état régulier

L'état régulier est la situation les diverses quantités croissent à taux constant. Dans le modèle de Solow cela correspond à l'équation k’ = 0 (vitesses d'accumulation nulle du capital).

k * est constant. Donc y = f(k*) et c* = (1 – s). f(k*) le sont aussi à l’état régulier.

La constance des valeurs intensives donne une croissance des variables en niveau .

y = Y/AL = constante. Si on a qu’une croissance de la population, la croissance par tête est

constante. La croissance en niveau doit croître en plus du taux de croissance de la population. Le stock de capital est égal à ALk. Il croit au taux n + g . Les rendements d'échelle sont constants et Y croît aussi au taux n + g.Le capital par tête K/L et la production par tête Y/L augmente au taux de g.

Ainsi le modèle de Solow aboutit à la conclusion que le économies convergent vers un sentier de croissance équilibrée, c'est-à-dire une situation où chaque variable du modèle croît à un taux constant, quelle que soit la condition initiale. Sur le sentier de croissance équilibrée, le taux de croissance de la production par tête est uniquement déterminée par le taux de croissance du progrès technique.

Le sentier de croissance équilibrée du modèle de Solow est compatible avec plusieurs des faits stylisés de la croissance décrit par Kaldor. Dans la plupart des pays industriels, les taux de croissance du travail, du capital, et de la production sont approximativement constants depuis un siècle, et les taux de croissance de la production et du capital à peu près égaux, le ratio du capital production à peu près constant, vu ce qui précède. Ce taux de croissance de la production est supérieure au taux de croissance du travail, donc le produit et le capital par tête augmentent. Cette situation est celle où il existe de la croissance intensive, c'est-à-dire de la croissance qui ne résulte pas uniquement de l'expansion de la population. Toutes ces caractéristiques sont aussi celles du modèle de Solow.

C/ Dynamique transitoire : étude par le diagramme de phase

Le diagramme de phases (voir l’annexe mathématique de ce chapitre) est possible pour des équations différentielles ordinaires pas trop

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compliquées, à une ou deux variables, linéaires ou non. Il exprime, dans le cas d'une seule variables la « vitesse » k’ en fonction de k, la hauteur de la variable. Pour une équation différentielles ordinaire linéaire, on obtient une droite. Pour l’équation de Solow qui n’est pas linéaire, on retrouve une courbe. Lorsque k est inférieur à k*, l'investissement brut est supérieur à l’investissement de point mort. k’ est positif, donc k augmente. si k est supérieur à k* , k’ est négatif. Si k est égal à k*, k’ est égal à zéro. Quelle que soit sa valeur initiale, k converge vers k* .

k’

k*k

Figure 19 : Diagramme de phase du modèle de Solow

2/ Rôle de l'épargne dans le modèle de Solow

À l'état régulier, le niveau des variables dépend du taux d’épargne, pas le taux de croissance. Une situation de décollage économique correspond à un fort taux d’épargne ou d'investissement, que suit une variation du taux de croissance : situation dont ne rend pas compte l'état régulier du modèle de Solow. C'est seulement en dynamique transitoire que le taux de croissance est une fonction croissante du taux d’épargne. L'épargne agit positivement sur la croissance transitoire en déterminant un niveau de croissance plus élevée à l'état régulier. Dans le modèle de Solow, plus on épargne, plus cela repousse l'état régulier et plus on croît.

Pour détailler cette réflexion, on va considérer une augmentation définitive de s sur une économie de Solow.

A/ Impact sur la production

F(k)

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f(k)

(n + g + )k

s1.f(k)

s0.f(k)

k0* k1* k

Figure 20 : Impact d’une croissance de l’épargne dans le modèle de Solow

Si s1 est plus grand que s0, k1* est plus grand que k0* . Ceci modifie donc l’état régulier.

B/ Dynamique de transitionDans le modèle de Solow, le taux de croissance redevient égal à g.

Une augmentation permanente des taux d’épargne produit une augmentation temporaire du taux de croissance. comme k augmente, à son nouveau niveau, plus élevé, il demande plus de dépenses supplémentaires pour être entretenu.

Dans le modèle de Solow, une variation du taux d’épargne exerce un effet de niveau, mais non un effet de croissance. Seuls les variations du taux de croissance du progrès technique agissent sur les taux de croissance (fig. 21a et b).

ss1

s0

t0 t

figure 21a : Une variation définitive du taux d’épargne…

g

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g

t0 t

figure 21b : … donne une variation temporaire de la croissance dans le modèle de Solow.

C/ Impact sur la consommation Soit C0 = 1 – s0 et C1 = 1 – s1.On retrouve une nouvelle consommation, soit c*, consommation par unité travail effectif à l'état régulier.

C HAUSSE de la consommation

C0 iso-consommation

BAISSE de la consommationC1

t0 t

figure 22 : Consommation après une variation définitive du taux d’épargne

c* = C1*/AL = f(k1*) – s.f(k1*)A l’état régulier , s. f(k1*) = (n + g + ) k1*, d’où :

c* = f(k1*) - (n + g + ) k1* équation (11)

Si on calcule ðc*/ðs , il vient, sachant que k1* dépend de s :

ðc*/ðs = (f ’(k1*) - (n + g + )). ðk1*/ðs

L’augmentation de s accroît k1*, donc ðk1*/ðs est strictement positif. Le signe de ðc*/ðs est le même que le signe de la quantité (f ’(k1*) - (n + g + )).

A long terme, la consommation augmente ou diminue suivant que f

’(k1*), le produit marginal du capital, est plus ou moins élevé que n + g + .

Si f ’(k1*) est égal à n + g + , cela signifie que la consommation est inchangée malgré le changement permanent de l’épargne. Cette valeur de k1 qui correspond à l’iso-consommation est connue sous le nom de règle d'or du stock de capital. La construction graphique de cette valeur de k1 est obtenue à partir de la remarque que si f ’(k1*) est égal à n + g + , cela signifie sur le graphique que la courbe de la fonction de production possède une tangente parallèle à la droite de l’investissement

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de point mort. Le « kor » du modèle de Solow s’obtient donc en traçant cette parallèle et en prenant le point en abscisse qui y correspond.

F(k)

f(k)

(n + g + )k

s1.f(k) : BAISSE de la consommation

Iso-consommation

HAUSSE de la consommation

k1* kor k1* k

Figure 23 : Impacts d’une croissance de l’épargne sur la consommation

3/ Tests empiriques

Le modèle de Solow est testable avec des valeurs numériques. On appelle calibrage opération qui consiste à rechercher des valeurs numériques qui semblent pertinentes vis-à-vis des données empiriques. Le succès du modèle de Solow résulte qu'il est en quelque sorte le plus petit modèle calibrable. Des modèles plus « rustiques » donnent des valeurs aberrantes par rapport aux données empiriques. Le modèle de Solow fait trois prédictions importantes : sur le niveau des variables à l'état régulier, sur le taux de croissance en dynamique transitoire, et sur le taux de croissance d'état régulier.

A/ Les variables à l'état régulier Le test réalisé par Mankiw, Romer et Weil en 1992 donne comme résultat : - un résultat favorable au modèle de Solow pour les valeurs de s, n, g qui déterminent le niveau de richesse des nations,

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- une sous-estimation du rôle de l'épargne pour la richesse dans l'état régulier. Ceci constitue la critique numéro un du modèle de Solow.

B/ Le taux de croissance transitoire En utilisant une fonction de Cobb-Douglas, on trouve un taux β de convergence conditionnelle qui vaut à peu près 2 %. Pour avoir ce 2%, il faut calibrer le modèle de Solow avec une valeur de α de 0,75 . Mais ce coefficient a une valeur empirique bien connue de 0,3 environ.Donc, en résumé, avec le modèle Solow la convergence est trop rapide et la période de dynamique transitoire bien trop courte. Cela constitue la critique n° 2 du modèle de Solow.

C/ Prédiction du taux de croissance d'état régulier Ce taux est égal à g + n, le taux de croissance est égal au taux de

progrès technique plus le taux de croissance de population employée. Malheureusement, on connaît bien la quantité (n + g), et la valeur

de n, m&is pas de façon directe g. La prédiction de g par le modèle de Solow est non testable.

Ceci constitue le point de départ de la critique n° 3 du modèle de Solow : l’absence de détermination du « progrès ».

Ces trois critiques font partie du cahier des charges des modèles de croissance endogène : ils devront essayer de pallier à ces problèmes du modèle d’épargne, exogène, à savoir une sous- estimation du rôle de l’épargne, une convergence trop rapide, et une absence d'explication du progrès.

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Annexe mathématique (partie 1) :Les équations différentielles ordinaire de premier ordre

Une équation différentielle est une équation qui contient des dérivées de variables. S'il n'y a qu'une variable, elle est appelée équation différentielle ordinaire (acronyme : EDO). L’ordre de l'équations différentielles ordinaire et celui de la dérivée la plus élevée. Lorsque l'équation à une forme fonctionnelle linéaire, l’ équations différentielle ordinaire est dite linéaire, dans le cas contraire elle est dite non linéaire.

La plupart des équations différentielles ordinaires contiennent des dérivées par rapport au temps t. Le point au-dessus de la variables indique la dérivée par rapport au temps.

Exemple : ÿ1 = dy(t)/dt.

Soit x(t), une fonction connue du temps.

a1.ÿ(t) + a2.y(t) + x(t)= 0 équation(a1)

L’équation(a1) est une équation différentielle linéaire de premier ordre à coefficients constants, ici a1 et a2.

Si x(t) = a3, avec a3 une constante, l'équation est dite autonome. Elle dépend seulement du temps à travers y(t).

Si x(t) = 0, l'équation est dite homogène.

a1.ÿ(t) + a2(t).y(t) + x(t)= 0 équation(a2)

L’ équation(a2) est un exemple est une équation différentielle linéaire de premier ordre à coefficients variables.

Log[ÿ(t)] + 1/y(t)= 0 équation(a3)

L’ équation(a3) est un exemple d’équation différentielle ordinaire non linéaire de premier ordre.

Les équations différentielles ordinaires autonomes peuvent faire l'objet d'une résolution graphique. Pour certaines équations différentielles ordinaires, une méthode de résolution analytique est connue. Dans tous les cas, il existe des algorithmes de résolution numérique comme la commande « NDSolve » du logiciel Mathematica.

1 Dans les polices de caractères, cet y « double point » est le plus proche de l’ « y pointé » usuel du calcul différentiel.

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Résolution graphique d'une équation différentielle ordinaire autonome de premier ordre.

Construction du diagramme de phase

Soit ÿ(t) – f(y(t))= 0 équation(a4)

L’ équation(a4) est une équation différentielle ordinaire autonome.Pour résoudre graphiquement (a4), on trace f en fonction de y. L'axe

des abscisses indique la valeur de y, l’axe des ordonnées celle de f(.) et de ÿ .

Puisque ÿ est la dérivée par rapport au temps, les valeurs positives de ÿ correspondent a des valeurs croissante de y . Pour traduire cela, on porte des petites flèches vers l’Est pour y croissant (et respectivement vers l'ouest pour de la décroissance de y ), lorsque f(.) est au-dessus de l'axe des abscisses (et respectivement vers l'Est pour f(.) en dessous).

Les flèches révèlent le sens de déplacement de y au cours du temps et fournissent une solution qualitative de l'équation différentielle.

y*

Figure 24 : stabilité

y*

Figure 25 : instabilité

Les équations différentielles sont parfois exprimées sous la forme d'une différence entre deux fonctions, f(.) – g(.) . On peut tracer les graphes de f(.) et de g(.). Lorsque f(.) est au dessus de g(.), ÿ(t) est positif . L’ état régulier est donné par l’intersection des deux courbes.

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Si la dynamique de l'équation l’éloigne de l’état régulier, l’équation différentielle ordinaire est dite instable (respectivement stable dans le cas contraire).

Résolution analytique

La solution de certains équation est presque immédiate. Dans certains cas favorable, l'équation est intégrable. Par exemple, ÿ(t)= a donne y(t) = b + a.t où b est une constante arbitraire.

Cas des équations différentielles ordinaires à coefficients constants

ÿ(t) + a. y(t)+ x(t) = 0 équation(a5)

On l'étudie suivant les quatre étapes suivantes :

Première étape : ÿ(t) + a. y(t)= - x(t) Deuxième étape   : on multiplie par eat et on intègre à gauche :

eat(ÿ(t) + a. y(t))dt = - eat.x(t)dtil vient :

eat.y(t) + b0 = - eat.x(t)dt équation(a6)

Troisième étape   : On intègre le membre de droite. On obtient une expression Int(t) dont la forme dépend de celle de x(t) :

- eat.x(t)dt = Int(t)+ b1 équation(a7)

Quatrième étape   : on multiplie (a6) et (a7) par e-at pour obtenir y(t) :

y(t) = - e-at.Int(t)+ b. e-at équation(a8)

L'équation (a8) est la solution générale de l'équation différentielle ordinaire de départ (a5). Pour obtenir une solution exacte il faut déterminer la constant d'intégration b. Pour cela nous devons connaître une valeur de y(t) en un point du temps au moins. Cette condition aux bornes est nécessaire pour avoir une solution unique de l'équation de départ (a5).

Cas des équations différentielles ordinaires à coefficients variables

ÿ(t) + a(t). y(t)+ x(t) = 0 équation(a9)

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On utilise un procédé similaire avec un opérateur eI, où I est l’intégrale de 0 à t de a(z)dz. Le membre de gauche devient la dérivée de y(t). eI .La solution générale devient :

y(t) = - e-I.Int(t)+ b. e-I équation(a10)

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CHAPITRE 2 : Politique d’épargne et modèle de Ramsey

Plan :Introduction : l’épargne, est-ce si important ?1/ Modèle de Ramsey : comportements des ménages et des

entreprises2/ Dynamique du modèle de RamseyConclusion

Annexe mathématique (partie 2): Optimisation dans IRn

Annexe mathématique (partie 3) : Systèmes d’équations différentielles linéaires ordinaires

Introduction : L’ épargne, est-ce si important ?

Par rapport à l’épargne, on peut noter les différences qui existent ente les trois types principaux de sociétés humaines.

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Figure 26 : Une économie à un seul bien : un éleveur et ses rennes en Laponie

La caractéristique principale d’une transition vers la société moderne est l’existence d’un régime régulier d’épargne financière.

Chasseurs-Cueilleurs Société Agricole Traditionnelle

Société moderne

- une épargne de la nature

- pas d’épargne financière, pas de stocks physiques

- un investissement dans les enfants

- une économie de « potlatch » : la

consommation n’est jamais différée.

- un aménagement de la nature

- une accumulation de biens physiques

(grands troupeaux, voir figure 26)

- un faible investissement dans les

enfants qui sont considérés comme de la main d’œuvre pour les

travaux agricoles.

- une épargne régulière- la thésaurisation est négligeable- un fort investissement dans les enfants.

Figure 27 : Conceptions de l’épargne

Pourquoi épargne-t-on ?Pourquoi épargne-t-on ? S'il s'agit d'acquérir un bien ou de préserver

un niveau de vie dans le futur, cette épargne pour le logement ou la retraite peut être considéré comme une simple consommation différée dans le temps. S'il s'agit de faire face à des aléas de la vie non couverts par des assurances, il s'agit alors d'une épargne faite pour un motif de précaution. Le vocable "précaution" avait un statut théorique dans la théorie de l'épargne, antérieurement à l'apparition d'un "principe de précaution". Knight et Keynes ont, au début de ce siècle, opposé les situations avec des risques quantifiables et l'incertitude proprement dite. Cette dichotomie conceptuelle se retrouve dans les oppositions entre assurance et épargne et entre prévention et précaution. Le risque quantifiable se traduit en assurances et mesures de prévention, le difficilement quantifiable, par de l'épargne et de la précaution. La chaîne

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des trois notions d'incertitude, d'épargne et de précaution est ainsi bien établie dans les sciences économiques depuis lors.

Mais, le principe de précaution et le développement durable ne sont jamais que des invites à l'épargne de la nature. Ils considèrent des actifs naturels - un volume d'atmosphère, une forêt, un marécage... et des actions concrètes de protection de ces milieux - et non plus seulement des actifs financiers. De plus, le lien conceptuel entre le principe de précaution et l'incertitude est simple, puisque le principe fait justement correspondre précaution et incertitude. La chaîne entre précaution, incertitude et épargne est ainsi maintenue.

Dans les années 1950, la théorie de l'épargne avait été annexée à celle de la consommation. L'épargne n'est alors qu'une consommation différée. Même l'économie de l'environnement est restée en grande partie tributaire de cet état des approches théoriques. Les travaux sur l’épargne de précaution amènent à remettre en cause cet état de fait, en consolidant les liens théoriques et empiriques avec la théorie de l'épargne (§1), ce qui doit conduire à reconsidérer les théories du développement et de la croissance (§2).

§1/ La précaution, clef de la compréhension de l'épargneDans quelle mesure est-il réaliste de considérer que les agents ont

un comportement de précaution ? Cette interrogation est commune à des travaux sur l'effet de serre (Gollier, Jullien, Treich, 1997) et à des travaux récents en théorie de l'épargne (Arrondel, Masson, 1996). Cette théorie va associer précaution et risque non-assurable. Pour faire face aux chocs de la vie qui ne peuvent faire l'objet d'une assurance, les ménages vont se constituer une épargne-tampon. On peut explorer des situations historiques, ou travailler sur des cycles de vie tout à fait différents de celui de l'épargnant de la classe moyenne qui lisse son revenu le long de son cycle de vie. Une façon de mesurer l'incidence de ce motif de précaution est de comparer les comportements d'épargne de deux échantillons, un groupe soumis à un aléa non assurable, et l'autre non. Des différences significatives ont depuis longtemps été repérées selon ce procédé. Mais ce fait attirait peu l'attention, alors que le standard théorique de ces années 50 était celui d'un épargnant de la classe moyenne qui ajuste par de l'épargne sa quantité de consommation le long de son cycle de vie.

Le motif de précaution, cette conséquence de la prise en compte des aléas non assurables de la vie, est sans doute déterminant chez les moins de 50 ans. Aussi, s'il fallait tracer très sommairement le portrait théorique contemporain de l'épargnant moyen, son comportement d'épargne s'explique plutôt par des motifs de précaution et d'achat de biens durables avant 50 ans, l'épargne pour la retraite prenant le relais ensuite pour les deux décennies suivantes (Carroll, Samwick, 1998). Des raisonnements analytiques et des évaluations économétriques convergent vers des valeurs importantes (de l'ordre de la moitié) de la part de la précaution dans le total de l'épargne accumulée.

Le débat sur le motif de précaution aux États-Unis insiste sur la baisse du taux d'épargne lors de l'apparition des assurances sociales. Cependant, les conclusions d'un comparatif États-Unis/Japon donne

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comme principale explication de la faiblesse relative de l'épargne américaine le type japonais de relation entre les générations (Hayashi, 1997). L'épargne de la famille japonaise s'explique en particulier par la cohabitation des générations liée au coût très élevé des logements. Le contraste entre les États-Unis et le Japon met en relief l'importance des comportements de précaution dans la société japonaise. Les contrôles empiriques confirment les audaces théoriques : nous avons avec la précaution une détermination majeure de l'épargne, déclinable de multiples façons. À long terme, l'effet de précaution peut être supérieur à l'effet richesse, fait même remarquer Christian Gollier : cela nous amène à reconsidérer la question du développement.

§2/ Épargne de la nature et épargne authentiqueDans le champ théorique, la précaution témoigne d'un renversement

des approches du développement économique. Les théories de la croissance sont restées focalisées sur la maximisation de la consommation et la saturation de la planète par l'homme et les espèces domestiques. Au contraire, développement durable et principe de précaution sont l'épargne de la nature, mais une épargne raisonnée conçue à partir de l'impossibilité d'une conception limitée à la maximisation de cette épargne.

L'ouvrage de Lorraine Daston et Katharine Park (1997) correspond à un renversement de l'historiographie des sciences naturelles. Les historiographies du désenchantement - nous aurions perdu notre émerveillement devant la nature - ou de la rationalisation - une science enfin rationnelle se substitue à des savoirs merveilleux - se basent sur l'hypothèse d'une disparition des Merveilles, la surnature incluse ou à la périphérie de la nature. Or, les "Merveilles" subsistent de façon récurrente et protéiforme. La permanence d'une curiosité profane domine les discours rationalisateurs des théologiens de l'ordre naturel. Nous sommes dans un univers plein de "surprises", comme le caractérisent les chimistes qui ont soupçonné le "trou" de la couche d'ozone. Et ce monde plein de surprises, des bonnes et des mauvaises, justifie la précaution (Callens, 1998).

Le schéma d'un ordre naturel perturbé par l'intervention humaine est encore présent parfois chez certains économistes du vingtième siècle, comme Hayek. Ce schéma se trouve sans doute dans certains courants de préservation de la nature, comme ceux qui présidaient à la création des grands parcs américains où "à la différence du jardin anglais, qui est le simulacre de la nature, le parc américain se devait d'être la Nature elle-même", avec une suppression radicale des jardiniers de la nature (Weiss, 1998). Le fondateur des premiers parcs américains disait détester tous les jardiniers, ceux qui interviennent et dénaturent un pays sauvage et authentique. Cette exécration du jardinier ne participe cependant en rien de l'émergence de la notion de durabilité.L'abandon du concept de succession menant au climax, de retour automatique à l'équilibre d'optimum est présenté comme l'acte fondateur du concept de soutenabilité dans l'ouvrage de référence de Naveh et Lieberman (1994). Le temps n'est plus le grand réparateur de la nature. L'homme reçoit une nouvelle conception de sa responsabilité, dans cette

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perte de la "Happy End" du schéma conceptuel de la dynamique naturelle de succession menant à l'optimum biologique. Cette même césure épistémologique produit l'inquiétude qui est à la base de la notion de durabilité. Si les habitants de la Bretagne disparaissaient, la nature bretonne reviendrait à la forêt primitive de grands chênes, mais il est bien plus intéressant d'avoir une variété de biotopes issue de l'impact des activités de l'homme, sous condition de la durabilité de ces milieux anthropisés. Le développement durable n'est pas la nostalgie de Brocéliande. Nous n'exécrons plus les jardiniers. Nous leur demandons d'être prudents, de bons gestionnaires des risques, et scrupuleux lors de l'inscription de leurs actions dans les dynamiques naturelles.

Les notions de développement durable et le comportement de précaution vis-à-vis de l'environnement s'inscrivent dans un abandon d'un calcul strictement biologique de conservation de la nature. Elles s'articulent plus sur une notion composite, celle d'épargne réelle, que la seule notion d'épargne de la nature. Avec l'hypothèse simplificatrice de substituabilité complète des actifs financiers aux actifs naturels, Pearce définit l'épargne réelle comme l'épargne financière diminuée de la dévalorisation du capital naturel (Pearce, 1999). La notion d'épargne réelle n'est alors qu'un agrégat corrigé dans le cadre d'une modélisation de soutenabilité faible.

L'épargne réelle (« genuine savings ») peut être défini comme le résultat des comportements de précaution, ce qui revient en particulier à retrancher dans l'expression de Pearce l'épargne financière de la part relative à l'épargne logement et l'épargne retraite. Des études récentes soulignent le rôle de la volonté des agents dans le "développement", c'est-à-dire l'amélioration des libertés et des conditions de vie. Le choix des ménages de restreindre les naissances et d'épargner, repose bien plus sur leur courage que sur une diffusion de l'innovation, modèle appliqué aux moyens contraceptifs (Mc Laren,1996). L'histoire du Japon au vingtième siècle peut illustrer ce propos : dans les années 1920, une orientation populiste des dirigeants japonais fait renoncer à une politique de contrôle des naissances et conduit à l'impérialisme japonais des années 30. L'après 1945 se caractérise au contraire par l'importance des comportements de précaution et de l'épargne réelle. L'accroissement des libertés de réaliser ses projets, pour reprendre la définition de Sen du "développement" (Sen, 1999), repose bien sur l'épargne réelle.

L’épargne, est-ce si important ? L’époque Keynésienne avait fortement dévalorisé l’épargne privée, Keynes avait été jusqu’ à évoquer « l’euthanasie des rentiers ». L’accent est alors mis sur la consommation, et le modèle de Ramsey est un modèle de consommation optimale. On va se placer dans un horizon de temps infini , et on va chercher à avoir « tout juste ce qu’il faut » d’épargne , en privilégiant la consommation. S’il y a trop – ou pas assez – d’épargne, on parlera d’inefficience dynamique.

Le modèle de Ramsey constitue une introduction aux horizons longs, palliant une des insuffisantes du modèle de Solow, caractérisé par un horizon assez rapproché et une dynamique transitionnelle assez rapide.

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1/ Modèle de Ramsey : comportements des ménages et des entreprises

Ramsey est un économiste disparu prématurément à l’âge de vingt-quatre ans ; il a laissé le premier modèle à horizon infini en 1928.

A/ PostulatsUn grand nombre d'entreprises identiques ont pour fonction

production Y = F (K,AL) . A est fixé par l'entreprise et croit au taux exogène g : À = g. A . Les entreprises maximisent le profit qui revient au ménage. Les ménages sont propriétaires des entreprises. Une situation de marché concurrentiel pour la production d'un bien existe. On reste dans un modèle uni-sectoriel.

H représente le nombre de ménages qui croissent au taux n. K(0) représente la dotation initiale de chaque ménage en capital. On suppose, pour simplifier, que δ, le taux de dépréciation est nul. Chaque ménage reçoit des revenus de son capital et de son travail. Ce revenu est divisé entre la consommation et l’épargne, de façon à maximiser son utilité définie sur sa durée infinie de vie.

Dans la mythologie grecque, l'ambroisie était la nourriture des dieux immortels : c'est un peu la situation ici. Il y a des ménages qui ont une durée individuelle de vie infinie et qui ne produisent est ne consomme qu'un seul bien comme l'ambroisie de la mythologie grecque.

C(t) représente la consommation individuelle. u(.) est une fonction d'utilité instantanée indiquant l'utilité des

individus.L(t) est la population totale : donc L(t)/H donne le nombre moyen de

personnes composant le ménage. On simplifiera en considérant un ménage identique, comme on a pris des entreprises identiques. ρ représente un taux de préférence pour le présent : plus ρ est élevé , plus les ménages préfèrent la consommation présente par rapport à la consommation future. La fonction d'utilité des ménages est : U = t=0

∞ e-

ρt.u(C(t)).L(t)/H dt Équation(1)

La durée de vie infinie fait que U est une intégrale définie de t=0 à t= ∞.

La fonction d'utilité instantanée individuelle peut s'écrire : u(C(t)) = C(t)(1- θ) /(1- θ) Equation(2)

Avec θ = - C. u’’(C)/u’(C ) un coefficient d’aversion au risque qui détermine également la disposition des ménages à différer leur consommation dans le temps. Plus θ est petit, plus le ménage est disposé à voir sa consommation varier dans le temps.

Prenons un exemple. Les chasseurs cueilleurs ne différent pas leur consommation, et présente une grande tolérance au risque ( la tolérance au risque se définit comme l’inverse de l’aversion au risque). Ils

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s’accommodent d’une forte volatilité de leur consommation, une alternance de bombance (quand la chasse est bonne) et de période de disette quand la chasse est mauvaise. Pour ces chasseurs-cueilleurs, θ est très peu élevé, tandis que ρ est très élevé.

La condition ρ – n – (1 – θ) g > 0 (inégalité(3)) garantit que l’utilité inter temporelle soit finie. C(t)(1- θ) croît en fonction de C si θ < 1, décroît dans le cas inverse. Dans le cas θ 1, la formule (2) tend vers une limite qui est la fonction Log C (utilité logarithmique).

B/ comportement des entreprises Le produit marginal de chaque facteur détermine sa rémunération.

Le capital reçoit son produit marginal comme rémunération. Comme pour dans le cas du modèle de Solow, ce produit est égal à ∂F( K, AL)/∂K = f’(k(t)) = r(t) , le revenu du capital ou encore le taux d'intérêt.

Le calcul du produit marginal du travail donne : ∂F( K, AL)/∂AL = w(t) = f(k(t)) - k(t).f’(k(t)) où w(t) est le salaire par unité de travail effectif.

C/ Comportement des ménages Nous devons écrire la contrainte budgétaire d'un ménage

représentatif, écrire qu'il ne peut consommer et épargner que ce qu'il a gagné.

r n’est pas fixé, il est endogène : on définit donc une « moyenne » d’intérêt, R(t) :

R(t) = z=0t r(z)dz

La valeur d’une unité fabriquée au temps t vaut e-R(t) unités du bien au temps zéro. Le revenu que le ménage retire du travail est A(t).w(t).L(t)/H, car A(t).w(t) représente le revenu salarial d’un individu. Ses dépenses sont égales à C(t).L(t)/H. Il vient si l’on écrit que le ménage consomme au plus ses revenus (équation(5)):

t=0∞ e-R(t).C(t).L(t)/H dt ≤ t=0

∞ e-R(t).A(t).w(t).L(t)/H dt

Le passage à l'expression sous forme intensive ne présente pas de difficultés. c(t) est la consommation par unité de travail effectif : C(t) = A(t).c(t) . il vient (équation (6)) :

t=0∞ e-R(t).c(t).e(n+g)t dt ≤ k(0) + t=0

∞ e-R(t).w(t).e(n+g)t dt

Modulo les effets des intérêts composés de croissance notée E(t) on a une contrainte budgétaire (équation(7)):

t=0∞ E(t).c(t).dt ≤ k(0) + t=0

∞ E(t).w(t).dt

Il est souvent difficile de calculer les équations (6) ou (7).

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L'écriture de ces intégrales peut s'exprimer sous la forme d'une limite, avec une variable auxiliaire σ. Il vient (inégalité (8)):

La Lim e-R(σ).K(σ)/H quand σ tend vers l’infini doit être positive La valeur actuelle du capital possédé par le ménage ne peut jamais être négatif lorsqu'on tend vers l'infini. K(σ) est proportionnel à k(σ).e(n+g)σ , donc la contrainte (8) peut s'écrire sous forme intensive (inégalité (9)) :

La Lim e-R(σ). k(σ).e(n+g)σ quand σ tend vers l’infini doit être positive C(t)= A(t).c(t) permet de récrire les formules (1) et (2) sous une formulation intensive. Pour (2), il vient (équation (10)) :

u(c(t)) = A(0)(1- θ).e(1- θ)gt c(t)(1- θ)/(1- θ)

De même on trouve pour (1) :U = A(0)(1- θ).L(0)/H t=0

∞ e-Dt c(t)(1- θ)/(1- θ)dt équation

(11)Avec D = ρ – n – (1 – θ) g > 0 (inégalité(3)) .

Le problème du ménage consiste à choisir le sentier c(t) qui maximise son utilité intertemporelle, en respectant la contrainte budgétaire. On pose B = A(0)(1- θ).L(0)/H

La fonction objectif s’écrit U= B t=0∞ e-Dt c(t)(1- θ)/(1- θ)dt

équation (12)On peut prendre l'équation (7) sous forme d’égalité pour former un programme du type : maximisation de l’utilité intertemporelle sous une contrainte égalité. Le programme du modèle de Ramsey s’écrit :Max U sous contrainte t=0

∞ E(t).c(t).dt = k(0) + t=0

∞ E(t).w(t).dt

On forme le lagrangien. La condition de premier ordre (gradient du Lagrangien = 0) se simplifie en (équation(13)), où λ est le multiplicateur de Lagrange:

B.e-Dt c(t)- θ = λ. e-R(t). e(n+g)t

d'où (équation(14)):ċ(t)/c(t)= (r(t)- ρ – θg)/ θ = (r(t)– n – g – D)/ θ

C(t)= A(t).c(t) : la croissance consommation est égale à la somme des taux de croissance de c et de A.

Dans l'équation (14), plus θ est faible, plus le niveau de consommation réagit fortement à la différence entre le taux d’intérêt réel et le taux de préférence pour le présent. Dans l'équation (14), la consommation par tête augmente en (r(t)- ρ)/θ , c’est-à-dire, si le

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taux l'intérêt est supérieur au taux de préférence pour le présent, et diminue dans le cas inverse.

2/ Dynamique du modèle de Ramsey

Les évolutions de c et de k résument la dynamique.

Dynamique de c, la consommation par unité de travail effectif

r(t) = f’(k(t))donc, ċ(t)/c(t)= (f’(k(t))- ρ – θg)/ θ équation (15)

Si f’(k(t))est égal à (ρ + θg), ċ(t)= 0. Désignons par k*, ce niveau de k dans ce cas. f’est positif décroissant car f’’ est négatif par hypothèse . Si k > k*, f’(k(t))est inférieur à (ρ + θg),donc ċ(t) est négatif. Si k < k*, alors ċ(t)>0 et c augmente.On retrouve le résultat donné dans le modèle de Solow: hausse de consommation si k st plus petit que k * (Cf la figure 23 dans le chapitre 1).Le barème est la droite ċ(t)= 0.

c ċ(t)= 0

k* k

Figure 28 : dynamique de la consommation dans le modèle de Ramsey

Dynamique de k

k’ est égal à l'investissement brut moins l'investissement de point mort, avec la seule différence par rapport au modèle de Solow que ce dernier vaut ici (n + g)k. L'investissement brut est égal à la production moins la consommation : f(k)-c . D'où (équation (16)) :

k’(t) = f(k(t)) – c(t) - (n + g)k(t)

La consommation augmente en k jusque kor , donné par f’(k(t)) = n + g, et baisse après.

c

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k’(t)=0

kor k

Figure 29 : dynamique du stock de capital dans le modèle de Ramsey Lorsque k atteint une valeur assez élevée, l'investissement de point mort dépasse la production et k’ devient négatif pour toute valeur de c . Ce qui permet de donner l'orientation de la figure 29.

Diagramme de phase

c

E état régulier

k’(t)=0

k* kor k

Figure 30 : diagramme de phase du modèle de Ramsey

kor se situe à droite de k*, car kor > k*. En effet, ρ – n – (1 – θ) g > 0 (inégalité(3)) par hypothèse, d’où ρ + θg > n + g .

Or, f ’ (k*) = ρ + θg, f ‘(kor) = n + g, et f ‘’ < 0 : d’où un kor > k*.

Le sentier-selle du modèle de Ramsey signifie que pour toute valeur initiale de k , il n’existe qu’un seul niveau initial de consommation compatible.

Ce sentier celle représente, dans le modèle de Ramsey, un optimum de Pareto. Il n'est pas possible de l'améliorer.

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Une fois qu'elle a convergé vers le point E, L'économie est identique à celle de Solow. Le capital, la production, et la consommation par unité travail effectif sont constants. Le taux d’épargne est donc aussi constant, (y – c )/ y . Le stock de capital total, la production la consommation totale augmente au taux n + g . Le capital par tête, la production par tête, la consommation par tête croissent au taux g.

Les résultats de Solow ne sont pas conditionnés par le choix de l'épargne exogène . Un modèle à épargne endogène, comme le modèle de Ramsey, est indique dans ses conclusions principales : la croissance de l'efficacité du travail demeure la seule source de croissance prolongée.

Choisir une consommation constante (choix qui est celui du modèle de Solow) avait amené à mettre en avant la valeur de stock de capital correspondant à l’iso-consommation, kor . Ce que conteste le modèle de Ramsey, c’est cette valeur. Ce kor ne joue plus aucun rôle dès que l’on abandonne l’hypothèse de Solow d’une consommation constante . Cette valeur est donc remis en cause par le modèle de Ramsey qui propose un nouveau k*, appelé parfois valeur du stock de capital de la règle d'or modifiée.

Conclusion 

Le modèle de Ramsey apparaît comme une généralisation du modèle de Solow. Il n'apporte pas de véritable réponse aux trois critiques principales portées au modèle de Solow.

Il faut prendre par exemple un α égal à 0,75 ,comme dans le modèle de Solow avec une fonction de Cobb-Douglas, pour la version de Cobb-Douglas du modèle de Ramsey pour retrouver des valeurs réalistes pour les autres variables.

Il faut donc avoir recours à d'autres approches que ces modèles de croissance exogène pour élargir la notion de capital et essayer de répondre aux autres questions formulées à partir des insuffisances de ces premières approches « exogènes ». Ces nouvelles approches dites « endogènes » font l’objet du chapitre 3.

En pratique, la politique de l’épargne a beaucoup d'implications centralisées. Ne serait-ce que par les politiques fiscales.

On peut partir par exemple d’un consommateur qui vit deux périodes (cette approche sera présentée plus en détail dans le chapitre 4), une période où il travaille, et une période où il est à la retraite. Ces modèles dit de cycle de vie ont été introduits par Modigliani. Au plus simple : soit r un taux d’intérêt, w le revenu obtenu dans la première période, c la consommation dans la première période, c’ , la consommation pendant la retraite.

L’agent maximise une fonction d’utilité U(c, c’) sous une contrainte de budget égale à c + c’ = w(1+r).

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Supposons deux taxes : l’une , t, sur le revenu, l’autre , s , sur l’intérêt ou l’épargne.La contrainte budgétaire devient c + c’ = w(1-t) (1+ r (1-s))La taxe t sur le revenu réduit la richesse totale, sans modifier le partage entre les consommations en première et seconde périodes. Il s’agit d’un effet revenu.La taxe s sur l’épargne modifie les choix entre le présent et le futur. Les effets sont ambigus :

- il y a un effet de substitution, la taxation de l’épargne incite à accroître la consommation présente et réduire l’épargne.

- Mais il y a aussi un effet revenu, il y a une incitation à augmenter l’épargne.

La taxation de l’épargne peut soit augmenter l’épargne si l’effet revenu domine, soit la réduire dans le cas où c’est l’effet de substitution. Dans la réalité, pour des architectures fiscales à peu près équivalentes, on peut tout aussi bien avoir un comportement « Cigale » qu’un comportement « Fourmi », selon que l’un ou l’autre des deux effets l’emporte.

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Annexe mathématique (partie 2) :Optimisation dans IRn

1/ Extrema de fonction de plusieurs variables

Considérant le problème de recherche de minima. Soit f ( x1, x2, … xn) une fonction définie sur une certaine région D de IRn . Il s'agit de trouver les points de D pour lesquels f a atteint sa valeur minimale.

Conditions de minimum global

Le fait qu'il y ait un minimum global en a peut s’écrire : f (x) ≥ f (a) pour tout x appartenant à D. Il est seulement local si c'est pour tout x appartenant à un domaine restreint à un voisinage du point a.

On définit le gradient de la fonction f pour exprimer la condition d’existence de points critiques. Le gradient est le vecteur colonnes des dérivées partielles premières.

Le Hessien de f au point a est une matrice composée des valeurs des dérivées partielles secondes prises au point a. â

La condition pour avoir un extrema au point a s’écrit :

Grad(f(a)) = 0

Cette condition est aussi appelée l’équation d’Euler. Ce n’est qu’une condition nécessaire pour avoir un extrêmement relatif en a.

Les points a d’un ensemble A qui vérifient tous l’équation d’Euler, c’est-à-dire pour lesquels le gradient de f est nul, sont dit les points critiques. Ils fournissent seulement des candidats à l'extremum.

La condition est nécessaire, mais pas suffisante. Pour discuter la nature des points critiques il faut utiliser la matrice des dérivées partielles de second ordre (le Hessien, notée matrice H).

Théorème La condition suffisante pour avoir un minimum local en a est :

1. Grad(f(a)) = 02. La matrice H(a) est définie positive.

La deuxième condition est l’équivalent pour une fonction de plusieurs variables de la condition f ‘’ (a) > 0 pour une fonction d’une seule variable. Cette condition assure que la courbe se trouve toute entière au-dessus du point a.

Lemme

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H est positif si seulement si le déterminant de H et les mineures principales de H sont positifs.

Définition Les mineures principales d’une matrice sont la suite constituées par les déterminants de taille p avec p variant de 1 à n, en commençant par le coefficient du coin supérieur gauche de la matrice. Théorème La condition suffisante pour avoir un maximu local en a est :

3. Grad(f(a)) = 04. La forme quadratique ht.H(a).h est négative.

LemmeLa forme quadratique ht.H(a).h est négative si et seulement si (-1)n .detH > 0 et la suite des mineures principales est de signes alternés en commençant par un signe négatif.

2/ Extrema sous contrainte égalité

Nous allons considérer le problème suivant :- minimiser f(X) une fonction-objectif alors que X, un vecteur

( x1, x2, …,xn), satisfait les contraintes exprimées sous forme d’équation de la forme gj(X) = bj

Les bj sont des constantes et j est un indice qui varie de 1 à m avec m < n. On fait l’hypothèse que toutes les fonctions f et g j sont deux fois continûment différentiables, c’est-à-dire que toutes les dérivées premières et secondes existent et sont continues.

Condition nécessaire Pour qu’un point a minimise une fonction f(X) soumises aux contraintes g j avec j variant de 1 à m et m plus petit strictement que n , il est nécessaire qu’il existe m multiplicateurs de Lagrange (λ1, λ2, …, λm) , tels que :

Grad ( f + ∑j λj gj ) = 0Cette condition nécessaire vaut aussi pour un maximum.

Ecriture canoniquePlutôt que d'écrire gj(X) = bj , il est préférable d’écrire Gj(X) = gj(X) - bj = 0.On appelle Lagrangien, l'expression :

L = f(X) + ∑j λj Gj(X) j variant de 1 à m

La condition nécessaire s'écrit simplement : Grad L = 0 .

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Annexe mathématique (partie 3) :Les systèmes d’équations différentielles ordinaires

linéaires de premier ordre

L’ équation différentielle ordinaire linéaire d'ordre 1 est de la forme :

ÿ1(t) = a11.y1(t)+ … +a1n.yn(t)+ x1(t)…ÿn(t) = an1.y1(t)+ … +ann.yn(t)+ xn(t)

En notation matricielle, cela s’écrit : Y ‘ (t) = A. Y(t) + X(t).

La méthode du diagramme de phase ne peut être utilisé que pour les systèmes de taille 2x2 et seulement de le cas des équations différentielles ordinaires autonomes possédant un état régulier . Pour les autres cas, il faut donc avoir recours aux autres procédés, qui sont les procédés analytiques ou numériques.

A/ Diagramme de phase

Cas X(t) = 0 et matrice A diagonale, les équations différentielles ordinaires homogènes

Il reste :

ÿ1(t) = a11.y1(t)ÿ2(t) = a22.y2(t)

Si a11 et a22 sont strictement positifs

On procède en quatre étapes.Première étape   : on trace le barème ÿ1(t) = 0. ici, l’axe vertical.Deuxième étape   : à droite du barème ÿ1(t) est positif ; à gauche,

ÿ1(t) est négatif .

y2

y1

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Figure 31a : le barème pour ÿ1

Troisième étape   : même raisonnement pour ÿ2 .

y2

y1

Figure 31b : le barème pour ÿ1

Quatrième étape   : on regroupe les deux figures précédentes. L’état régulier est à l’intersection des barèmes.

y2

Ey1

Figure 31c : le diagramme de phase, obtenu à partir des figures 31a et 31b

Dans ce cas (valeurs positives dans les coefficients de la matrice diagonale), le système est instable.

Si a11 et a22 sont strictement négatifs

y2

Ey1

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Figure 32 : le diagramme de phase pour des coefficients négatifs

Dans ce cas (valeurs négatives dans les coefficients de la matrice diagonale), le système est stable.

Si a11 et a22 sont de signes opposés (ici a11 < 0)

y2 bras instable

E bras stabley1

Figure 33 : le diagramme de phase pour des coefficients de signes opposés

Dans ce cas, on obtient une stabilité le long d’un sentier-selle.

B/ Solutions analytiques des systèmes linéaires homogènes

Soit Y ‘ (t) = A. Y(t) . Soit V, matrice des vecteurs propres, tel que V -1.A.V = D, D matrice diagonale des valeurs propres. On introduit la matrice Z(t) = V-1. Y(t) D’où Z ‘(t) = V-1. Y ’(t) = V-1. A. Y(t) = V-1. A. V. V-1. Y(t) = D.Z(t)On trouve donc , dans le cas d’une matrice 2x2 :

ż1(t) = α1.z1(t)ż2(t) = α2.z2(t)

Ce qui s'intègre en z1(t) =b1eα1t Les conditions aux bornes permettent de déterminer les constantes arbitraires b1 et b2.Si B est le vecteur des bi, et si E la matrice des eαit

Il vient  Z(t) = E. B et Y(t) = V. E. B

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CHAPITRE 3 : Croissance endogène et aspects multisectoriels Plan :

Introduction : vers la croissance endogène 1/ La croissance endogène : une revue de modèles2/ Un modèle de croissance basé sur la R&D (Romer)3/ Un modèle simplifié de développement (Jones)

Introduction : Vers la croissance endogène

La naissance de théorie de la croissance endogène a eu lieu lors de la présentation d'un article par Paul Romer en 1986. Cet article était intitulé « la croissance fondée sur les rendements croissants liés à la spécialisation » . Ce modèle de Romer formalise une idée ancienne qui remonte à Allyn Young, idée d'après laquelle la croissance serait soutenue par la spécialisation accrue du travail dans un nombre croissant d'activité. À mesure que l'économie croît, l'extension du marché permet d'amortir les coûts fixes de production d'un grand nombre de biens intermédiaires. Ceux-ci augmentent à leur tour les produits marginaux du travail et du capital, ce qui permet la croissance.

Romer postule que la croissance de A est directement liée à celle de K et, bien que la croissance de A dépende de celle de K, les agents qui accumulent du capital ne reçoivent pas de rémunération pour leur contribution à l'accumulation de A.

Romer postule l'existence d'un continuum de biens intermédiaires. Chaque bien intermédiaire est produit par monopole. Ce modèle est un Recherche et Développement

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modèle dit de concurrence imparfaite : les firmes font de la Recherche -Développement dans l'espoir d'une rente de monopole.

Allyn Young, économiste américain, avait écrit en 1928, « Increasing Returns and Economic Progress ». Cet article est considéré comme fondateur des analyses de croissance endogène. Ou tout au moins d'une partie d'entre elles.

Le travail de Young est réalisée à partir de la théorie la spécialisation d'Adam Smith. Chez Smith, le célèbre exposé de sa théorie de la spécialisation disait qu'il vaut mieux que le boulanger ne fasse que du pain, et le cordonnier réparer les chaussures plutôt que le boulanger répare aussi ses chaussures lui-même et que le cordonnier fasse aussi son pain. Il existe un jeu à somme positive élémentaire qui associe spécialisation et croissance.

Young traite successivement deux aspects de la théorie de la spécialisation. 1/ La division du travail comprise comme une décomposition en des « processus plus simples dont certains peuvent être mécanisés ». Il insiste sur l'avantage que représente une grande taille de marché, ce qui favorise cette décomposition et cette mécanisation à grande échelle de la production.

Pour Young, toute avancée importante dans l’organisation de la production altère les conditions de l’activité industrielle et amorce ailleurs dans la structure industrielle des réponses qui exercent à leur tour un effet déstabilisant.

2/ De la spécialisation croissante,de l'accroissement de la diversification des produits intermédiaires et des branches productives, vient completer le premier aspect.

Cette croissance est issue de spécialisation et ne nécessite, selon Young, ni croissance de la population, ni invention nouvelle. Cette économie à rendements croissants est toute endogène.

1/ La croissance endogène : revue de modèles

La structure de base des modèles de croissance endogène par rapport au modèles précédents diffère surtout pas la fonction production, et le nombre de secteurs pris en considération. Cependant certains des modèles de croissance endogène restent à un seul secteur. Les modèles un secteur servent, comme le modèle AK, à indiquer les conséquences d’une absence de décroissance des rendements du capital . Il existe des modèles à deux fonctions de production, par exemple celui de Lucas ou celui de Rebello, une fonction de production pour le capital humain et une pour le capital physique. Les modèles de Romer et néo-schumpetériens sont le plus souvent multisectoriels.

A/ La structure de base des modèles de croissance endogène

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Les modèles de croissance endogène ont tous la même structure de base, en termes d'équilibre général. Comme précédemment, les ménages détiennent les actifs de l’économie et fournissent le travail. Les entreprises louent capital et travail. Il existe des marchés de biens, du travail, et des actifs financiers. Les modèles de croissance ne se différencient entre eux que par le nombre secteur pris en compte et les spécificités de la fonction production. Le comportement des consommateurs est le même que celui détaillé lors de la présentation du modèle de Ramsey, avec une fonction d'utilité instantanée u(C(t)) = C(t)(1- θ) /(1- θ), θ étant le même paramètre indiquant l’aversion du consommateur à la volatilité de la consommation.

B/ Croissance endogène et définition élargie du capitalCes modèles à 1 secteur ont une valeur « pédagogique », ils servent

à introduire aux modèles plus sophistiqués.

- le modèle AK Le modèle AK est le plus simple qui puisse s’écrire : Y = AK A est une constante positive qui reflète le niveau de la technologie ;

K agrège le plus souvent plusieurs formes de capital, particulièrement du capital immatériel.

Sous forme intensive, le modèle AK s’écrit y = A.k . La production par tête s'exprime en fonction du capital par tête.

On interprète K, le capital comme regroupant tous les patrimoines, le capital humain, le savoir, voire les infrastructures publiques. Ceci pour « gonfler » la valeur du paramètre α, valeur trop faible dans le modèle de Solow.

Si on fait l'équation « investissement brut - investissement de point mort » pour le modèle AK , cela donne :

k’/k = s.f(k)/k – (n + g + δ) = s.A - (n + g + δ)

Dans le modèle AK, le taux de croissance du modèle à pour coefficient, s , le taux d’épargne :

g = s.A - k’/k – n - δ

L'histoire des modèles AK débute avec les premiers modèles de développement au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale. Ce sont des modèles qui confortaient les stratégies de développement basées sur des gros plans d’apports financiers extérieurs, un « Big Push » qui devait entraîner le décollage économique des pays plus pauvres.

- Les modèles à deux secteurs (modèle de Lucas) Le modèle de Lucas est présenté en 1988. Ce modèle à deux

secteurs établit une distinction entre capital physique et capital humain, produits chacun de façons différentes. L'éducation utilise de façon intensive le capital humain comme facteur de production

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Pour le modèle de Lucas de 1988, on suppose que le capital humain est le seul facteur de production du secteur de l'éducation.

On a introduit donc deux fonctions de production. La première pour la production physique :

Y = A.K α .(uH)(1- α )

Y désigne la production du bien : α désigne la part du capital physique dans la production, H est le capital humain ; u est la part du capital humain dans la production. A est un paramètre technologique, lié à la production de biens physiques. D'autre part on a :

Y = C + IK + IH

qui est la contrainte de ressources entre la production et consommation plus l’investissement. IK représente l’ investissement brut en capital physique et IH l’ investissement brut en capital humain. IK = K’ + δ.K , IH = H’ + δ.H et :

IH = B(1-u).H

où B est un facteur technologique liée à la productivité de l’éducation.

Dans le modèle de Lucas, à l'état régulier, on trouve u, K/H, C/K avec des valeurs constantes. Le taux de croissance est :

g* = 1/θ .(B – δ – ρ)

on trouve aussi le u*, une taille optimale du secteur éducatif.

C/ Progrès technique et croissance endogène Selon les calculs de Robert Solow, le progrès technique (exogène dans son modèle) représenterait la plus grande part de la croissance. Les modèles de croissance endogène cherchent donc à rendre endogène le progrès technique. Deux voies de modélisation sont empruntées pour cela. La première considère que le progrès technique se présente sous la forme de l'augmentation de la variété de bien des services. Des innovations fondamentales apportent des branches nouvelles. Les modèles développés sont ceux de Romer (détaillé plus loin) et de Grossman et Helpman (1991). La seconde approche est complémentaire de la précédente : elle considère que le progrès technique se présente sous la forme d'amélioration de la qualité des produits existants. Dans un tel processus, où les produits de meilleure qualité se substituent aux anciens, on parle de « destruction créatrice » et de modèle néo-schumpéterien. En effet, c’est Schumpeter qui a introduit cette image pour la substitution de produits. Les modèles néo-schumpéteriens ont été particulièrement

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développés par P. Aghion et P.Howitt dans un ouvrage récent sur la croissance endogène (2000).

-L'élargissement de la gamme des produits (Grossman et Helpman)

On ont fait l'hypothèse inverse de l’approche néo-schumpéterienne : les innovations sont dites « conséquentes », elles viennent ajouter des nouveaux produits aux biens et services existants sans rendre obsolètes ceux-ci. Elle utilise une fonction de production de la forme :

pour la firme i Yi = A.Li(1-α) ∑j=1,N (Xij)α

Li désigne le facteur travail ici. Xi. désigne le les biens intermédiaires : il y en a en tout N. Le progrès technique prend la forme de l'augmentation de N, le nombre de biens intermédiaires. En simplifiant, par la supposition qu'il a une même quantité X de biens intermédiaires qui est utilisée, il vient :

Yi = A.(NLi)(1-α) (NX)α = A.N.Li(1-α) Xα

Après résolution du modèle, il vient pour toutes les firmes :

Yi = L.N.A1/(1-α).α2/(1-α)

Pour L fixé, Y croît au même taux que N. On a une croissance qui ne dépend que de l’élargissement de la gamme des produits.

-L'amélioration de la qualité des produits (modèle néo-schumpétérien)

Dans le modèle de Grossman et Helpman, les biens ne sont ni des substituts ni des compléments entre eux. Rappellons cette notion de substitut : l'ampoule à filament a remplacé la bougie, l'ampoule basse consommation remplace l'ampoule à filament. Pour ce qui est des compléments : la douille est le complément de l'ampoule.

Les modèles néo-schumpétériens s’ intéressent au cas des biens substituts « pur s». Le cas des biens compléments est approché par d'autres modèles dont un aperçu sera donné en conclusion de ce polycopié.

Le modèle néo-schumpétérien s’occupe de substitution telles que celles de la montre à quartz par rapport à la montre à remontoir mécanique : en trois ans de temps, les producteurs de montres mécaniques ont été tous remplacés par des producteurs de montre à quartz. Ici, la découverte des biens de qualité supérieure exclut donc complètement les biens de qualité inférieure. Les producteurs du bien final utilisent donc N variétés de facteurs intermédiaires avec N fixé. Chaque type bien s'inscrit sur une échelle de qualité et seul le bien de qualité maximale est produit. La qualité nouvelle dépend de la recherche. Cette dernière rapporte une rente de monopole de durée aléatoire, et non perpétuelle. On se place dans un cadre de concurrence imparfaite où les rentes créées ne sont pas définitivement acquises.

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Le modèle d'Aghion et Howitt indique qu’en l’absence d’intervention publique, la croissance optimale n'est pas obtenue. Les firmes peuvent faire trop ou pas assez de recherche et développement.

Dans les modèles néo-schumpétériens, on part le plus souvent d'un modèle de « course au brevet ». Cette situation n'est pas parétienne : en effet, seul le vainqueur de la course gagne le gros lot, tandis que les autres firmes ne gagnent rien. Donc elles essuient des pertes conséquentes, ce qui exclu une situation Pareto-optimale.

Dans ces modèles, si le « laisser-faire » apporte de la concurrence sur le marché du bien final, il dissipe très rapidement la rente de monopole de l'innovateur. On aura un taux de croissance excessif parce que les rentes liées à l'innovation sont sans cesse détournées par apparition de nouveaux produits. Les innovateurs sont les perdants de cet emballement de l’économie.

Le modèle néo-schumpétérien repose sur des hypothèses assez arbitraires visant à trouver un état régulier de croissance équilibrée. Ces hypothèses sont très restrictives et ne se justifient pas plus que dans le modèle de Solow.

Empiriquement les situations sont très diverses selon les branches. Le brevet est utilisé pour le secteur de la pharmacie. Le secteur de la chimie organique emploie le secret de fabrication et un brevet de produit fini. Dans le secteur informatique, on utilise principalement le marketing et on joue sur l'avance technologique. Dans le secteur de la construction aéronautique, et plus généralement dans les secteurs des biens d’équipement, on jouera sur l'avance technologique et les gains organisationnels à la production. Les pratiques empiriques sont plus variées que les modélisations actuellement disponibles.

2/ Un modèle de croissance basé sur la R&D (Romer)

Proposons un rapide cadrage empirique. La recherche-développement est plus mal répartie sur la planète que la richesse. Les États-Unis ont représenté au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale jusqu'à 80 % de la recherche-développement mondiale. Ils ont conservé cette position de leader à hauteur environ de 50 %. La part de la richesse des États-Unis vis-à-vis du reste du monde est inférieure. C'est donc bien que la recherche et développement est plus mal répartie , ou répartie de façon plus inégalitaire que la richesse.

L'intérêt d'un modèle à base de recherche-développement est donc de permettre d'expliquer les caractéristiques originales des États-Unis par rapport au reste du monde. En effet, les États-Unis ont très peu d’épargne domestique - le taux est seulement de l’ordre de 1 % aujourd’hui - . La croissance aux États-Unis s'explique donc difficilement par la seule prise en considération de l'épargne.

Élément de base du modèle de Romer

Recherche et Développement

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Le modèle de Romer peut être considéré comme un modèle à au moins trois secteurs : le secteur du bien final, celui du bien intermédiaire et celui de la Recherche et développement. Considérons les secteurs du bien final et de la Recherche-Développement.

On note LY : la part du travail consacrée à la production LA : la part du travail consacré à la recherche -développement D'où , pour la production matérielle : Y = Kα (A LY )(1-α)

Comme pour Solow, on prend, avec L = LA + LY , L’ = n.L . Puis K’ = s.Y –δ.K .

La seule différence par rapport au modèle de Solow est que la croissance de A est endogène. A(t) correspond au stock de connaissance quis ont été accumulés jusqu'à l'instant t. Dans la version la plus simple du modèle de Romer, Ả, l'accroissement du stock de connaissance est proportionnel au nombre de chercheurs LA selon une fonction Z, taux de découverte de nouvelles connaissances :

À = Z . LA

Cette fonction Z peut dépendre de A, le niveau de connaissances :

Z(A) = X. AФ

X et Ф sont des constantes dans cette équation.Si Ф > 0 : cela signifie que la productivité de la recherche croît avec le stock de connaissances.Si Ф = 0 : cela signifie que la tendance à découvrir les idées les plus intéressantes tout de suite compense exactement le fait que les idées connues facilitent la découverte des idées nouvelles. Nous avons donc une productivité de la connaissance indépendante du stock. Si Ф < 0 : dans ce cas, les connaissances nouvelles sont de plus en plus difficiles à mettre au point. On postule que Ф ≠ 1, parce que la quantité (1- Ф) apparaît au dénominateur des expressions du modèle de Romer. Le cas Ф = 1 est un cas particulier à traiter à part. Cela donne une diffusion exponentielle de la connaissance, À = γ . A avec γ = X. LA .

On introduit un coefficient accessoire λ compris entre 0 et 1, pour tenir compte du phénomène courant de duplication, c'est-à-dire le fait que deux équipes de chercheurs obtiennent le même résultat à peu près simultanément.

À = X. AФ . LAλ

Cette équation(1) est la fonction de production de connaissances du modèle de Romer.

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La croissance dans le modèle de Romer Avec un raisonnement similaire au modèle de Solow, on trouve le

long d'un sentier de croissance équilibrée, un taux de croissance À /A égal à celui de la production par tête, et du capital par tête. D’où :

Equation(1) => À/A = (X. AФ . LAλ )/A = X. LAλ/A1-Ф équation (2)

L’équation(2) est égale à une constante à l’état régulier. Si on prend la dérivée logarithmique de l’équation(2), il vient :

λ ĽA / LA – (1- Ф ) À/A équation(3)

Le long du sentier de croissance équilibrée, le taux de croissance du nombre de chercheurs ne peut être qu’ égal à celui de la population : ĽA / LA = n.

Si on appelle g la quantité (constante à l’état régulier) À/A , il vient, à partir de l’équation (3) :

g = n. λ/(1- Ф) équation (4)

Dans le modèle de Romer, la croissance dépend de celle de la population (en particulier , celle des chercheurs), du taux de duplication. Le comportement à partir de la productivité de la recherche est marquée par une diminution de la croissance si celle-ci diminue, et par une accélération si celle-ci se rapproche de la valeur 1.

Les valeurs de croissance de long terme (par exemple, 1,8 % pour les Etats-Unis ) donne une valeur numérique de Ф < 0 : ce qui correspond au cas où les connaissances sont de plus en plus difficiles à mettre au point.

3/ Un modèle simplifié de développement (Jones)

Ce modèle de développement est basé sur celui de Romer. On raffine le modèle de Romer en introduisant des différences dans la qualification de la main-d’œuvre et des possibilités de transferts technologiques.

La capacité des différents pays à utiliser les biens intermédiaires est endogène au modèle.

Éléments de base du modèle de JonesOn part de la production d'un bien homogène, Y , à l’aide du travail , L, et d'un éventail de biens intermédiaires xj. Le nombre de ces biens xj est limité par le niveau qualification de la main-d’œuvre, H. La fonction de production devient :

Y = L(1-α)0H(xj)α dj équation (5)

Plus la main-d’œuvre est qualifiée, plus on suppose que le nombre H de biens intermédiaires augmente. On se place dans un petit pays ouvert; on suppose qu'il utilise des biens intermédiaires en provenance du reste du monde.

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On procède aux simplifications suivantes : une unité du capital brut domestique permet d’obtenir une unité de biens intermédiaires à l'extérieur du pays . D’où :

K(t) = 0Hxj

dj équation (6)

Ainsi la quantité totale de biens intermédiaires est égale à la quantité totale de capital disponible. On se réfère ensuite à une situation « représentative » X , de sorte que xj = X pour tout j. Il vient :

0H(xj)α dj = 0

H Xα dj = H.Xα équation (7)

L’équation (6) amène, une fois élevée à la puissance  : Kα = Hα.Xα

En remplaçant l’expression obtenue dans l’équation (7) dans l’équation (5), il vient :

Y = L(1-α) .H.Xα = Kα (HL)(1-α) équation (8)

Ce qui est l'expression habituelle d'une fonction de Cobb-Douglas. On se ramène alors à une situation à la Solow, à la différence qu'on peut introduire une fonction d'apprentissage. Dans celle-ci, a et b sont deux variables qui permettent de se caler sur les valeurs empiriques de fonctionnement du système éducatif ( a > 0 ; b compris entre 0 et 1). A désigne l'indice du meilleur niveau technologique, u, le temps passé à se former et non à travailler. On suppose une croissance g égale à À/A comme dans le modèle de Romer, c'est-à-dire que la frontière technologique s'éloigne à la vitesse de la croissance. D’où :

H’= aeФu AbH(1-b) équation (9)

État régulier Dans ce modèle de Jones, on trouve des solutions proches de celles

du modèle de Solow. Par exemple, pour y*(t), on trouve :

y*(t) = (s.k/(n + g + δ)) α/(1-α) (a/g)eФ A*(t) équation (10)

Seul un nouveau terme vient pondérer le résultat trouvé dans le modèle de Solow. Il y a d'abord la frontière technologique elle même A*(t) et ensuite un coefficient (a/g)eФ qui correspond à l'accumulation des qualifications dans le petit pays.

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CHAPITRE 4 : Aspects intergénérationnels (générations imbriquées, développement durable) Plan :

Introduction : la naissance du non-durable 1/ Générations imbriquées : le modèle de Diamond2/ Une croissance respectueuse des générations futures3/ Politique environnementale

Introduction : la naissance du non-durable

Le développement durable vise à préserver les capacités des générations futures. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs sont basées sur une transmission orale de connaissances et une gestion de la succession des générations. Ce sont des chasseurs, mais le rôle de l’homme est celui d’un prédateur, ce que toute mégafaune (l’ensemble des grands animaux) contient généralement. Le statut de chasseur-cueilleur a persisté très longtemps pour l’humanité, et il existe encore aujourd’hui dans plusieurs régions du globe (régions arctiques, déserts australien et namibien, forêts primaires africaines et amazoniennes, certains domaines insulaires). Le développement durable tient pour une part à un savoir perdu.

Le préhistorien Jacques Cauvin (CAUVIN, J., 2000, Naissance des divinités, Naissance de l’agriculture, Paris : CNRS éditions, 302 p.) présente une thèse précise argumentée à partir de ses recherches

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archéologiques sur la « révolution néolithique », définie comme le « début des premières manipulations par notre espèce de son milieu naturel » (Cauvin, p.11). Auparavant, l’impact anthropique est limité à celui d’un prédateur, c’est-à-dire des extinctions d’espèces chassées. Pas de gros problème de durabilité pour les premiers chasseurs-cueilleurs, en témoignent tout à la fois la très longue durée de cette relation à l’environnement et sa survivance tenace tout aussi bien dans les milieux arctiques, maritimes, que dans des zones désertiques et de grandes forêts primaires.

La littérature sur la « révolution néolithique » débute avec les travaux de Gordon Childe qui, le premier vers 1930, va introduire la distinction entre les chasseurs-cueilleurs du paléolithique et les premiers agriculteurs du néolithique. Son explication était climatique, la « révolution néolithique » est en effet liée à la fin de la dernière grande période glacière. La littérature de la « révolution néolithique » est restée beaucoup dans des approches insistant sur les contraintes environnementales, peaufinant les différents tableaux d’une géographie humaine des débuts de l’humanité. L’exemple du Groenland montre bien la réalité de la contrainte climatique : une petite période de réchauffement climatique a permis l’installation d’agriculteurs au Moyen-Age, qui ont disparu à la fin de cette anomalie climatique. Les chasseurs-cueilleurs sont restés les seuls à survivre au Groenland. Cette succession de tableaux indique l’incidence de grands chocs exogènes, comme le réchauffement d’il y a environ 15000 ans, et la permanence de désavantages absolus, comme ceux des milieux glaciaires, mais peu de détails précis sur l’apparition des agriculteurs.

Les fouilles archéologiques permettent à Jacques Cauvin d’esquisser un premier scénario endogène. Une date de 9000 av. JC peut être avancée pour la « révolution néolithique ». L’aire des premiers agriculteurs semble se limiter à un noyau Levantin, dans les vallées du Jourdain et du Moyen Euphrate. Puis cette « révolution néolithique » a pu diffuser à partir de cette première localisation restreinte. La « révolution néolithique » se compose d’une grappe d’innovations majeures, mais très peu dans l’outillage : « tous les outils nécessaires à la révolution néolithique proviennent des chasseurs-cueilleurs ». Ces innovations ne sont pas causées par des contraintes environnementales exogènes : le contexte n’est pas celui « d’une paupérisation ou d’un épuisement des ressources exploitées jusqu’alors » (Cauvin, p.93). La dynamique endogène passe d’abord par une transformation de la religiosité, à l’époque du khiamien (-10000, -9500 av. J.C.) : ceci est la thèse centrale défendue par Jacques Cauvin. Les grottes ornées des âges glaciaires indiquent une religiosité « horizontale » où les hommes participent à un spectacle de la reproduction. Le Néolithique est basé sur l’utilisation du sacrifice et l’invention de la prière dans une religiosité « verticale », organisée autour d’un couple de dieux souverains, une Déesse-Mère et un Taureau-Fils. Ce nouveau système de pensée se traduit dans des innovations dans l’habitat, -apparition d’édifices destinés à lutter contre les inondations (les premières murailles de Jéricho seraient en fait des digues), des aires de

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stockage dans les habitations, une architecture particulière de sanctuaire (présence d’une abside et d’un autel sacrificiel)-, une réduction de la diversité alimentaire, par la consommation privilégiée de gros animaux comme l’auroch, et un « zèle domesticateur », qui se focalise sur les systèmes hydriques, les pois et céréales et les ovicapridés. Ce « zèle domesticateur ne s’explique que par la recherche de la domestication pour elle-même et pour l’image qu’elle renvoie d’un pouvoir sur la vie et les êtres » (Digard, L’Homme et les animaux domestiques, cité par Cauvin, p.175). Le panthéon néolithique s’enrichit rapidement d’une figure virile qui se spécialisera un peu plus tard dans la guerre. L’amour des armes apparaît simultanément que la domestication des animaux d’embouche (chèvre d’abord, puis les autres animaux familiers, sauf le cheval qui ne sera domestiqué que tardivement et ailleurs qu’au Levant).

Les épisodes ultérieurs sont mieux connus, en particulier les dégradations de l’environnement par le surpâturage des ovicapridés se traduisant dans les gigantesques inondations du Vième millénaire en Mésopotamie. L’intérêt de l’ouvrage de Cauvin est de donner des matériaux sur cet épisode décisif pour les relations de l’homme à son environnement. Le Non-Durable n’a que 11000 ans.

1/ Générations imbriquées : le modèle de Diamond

Les modèles de génération impliquées ont été introduits par Allais et Samuelson. Ce sont des modèles à un seul bien à horizon infini. Seule diffère par rapport aux modèles de Ramsey la représentation de la succession des générations, représentation qui remplace l’hypothèse d'un agent représentatif éternel. Le modèle de Diamond date de 1965, il s'agit d'un modèle à générations imbriquées avec accumulation de capital. Il y a deux facteurs de production, le capital et le travail. Le bien produit est en partie consommé, en partie investi pour servir à la production dans la période suivante. Quand ils sont jeunes les ménages offrent une unité de travail et reçoivent un salaire. Quand ils sont vieux, ils consomment tous les revenus du capital qu'ils ont accumulé.

Postulats Le plus simple et de considérer un temps discret, c'est-à-dire divisé

en période numérotée : t = 0, 1, 2, … Chaque ménage vit deux périodes. Lt individus naissent à chaque période t . La population croit au taux n, donc Lt = (1 +n) Lt-1 . La population totale en une période est égale à celle des individus jeunes, Lt, plus Lt-1 individus vieux qui vivent encore. C1t représente la consommation des jeunes à la période t , C2t représente la consommation des vieux à la période t. Un individu qui naît en t consomme C1t quand il est jeune, et C2t quand il est vieux.

Avec les mêmes significations que dans le modèle de Ramsey, on introduit θ l’aversion à la volatilité de la consommation. Et aussi ρ, la préférence pour le présent. On écrit la même formule d'utilité du

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consommateur que pour Ramsey ; la seule différence c'est qu'il y a deux périodes distinctes de consommation. On suppose que ρ > -1 et que θ > 0. Il vient :

Ut = (C1t)(1-θ)/(1 - θ) + (C2t+1)(1-θ) /(1 - ρ).(1 - θ) Équation (1)

On a une fonction de production des entreprises Yt = F(Kt, At.Lt) avec un taux exogène g tel que At = (1 + g)At-1 , ceci en raison des écritures qui sont discrétisées.

Le taux d’intérêt réel et le taux de salaire par unité de travail effectif sont respectivement égaux à rt =f’(kt) et wt = f(kt) – ktf’(kt). K0 est le capital initial. le stock de capital à la période t + 1, kt+1 est égal au nombre de jeunes de la période, Lt, multiplié par leur épargne, soit wt.At - C1t . La consommation de seconde période d'un individu de la génération t est :

C2t+1 = (1 +rt+1). (wt.At - C1t)

Ce qui peut s'écrire sous la forme d'une contrainte budgétaire :

C1t + C2t+1 /(1 +rt+1) = wt.At Équation (2)

L'individu maximise son utilité (équation(1)) sous la contrainte budgétaire (équation (2)). On trouve une condition nécessaire :

C2t+1 / C1t =((1 +rt+1)/(1 - θ))1/θ Équation (3)

Qui dit que l'arbitrage intertemporel s'exprime dans une quantité qui dépend des valeurs de r en t + 1, de ρ et de θ . On introduit une quantité s(r), part du revenu épargnée telle que :

C1t =(1 – s(rt+1)). wt.At Équation (4)

Dynamique de l'économie

On a donc Kt+1 = Lt(wt.At - C1t)

D’où à cause de l'équation (4) : Kt+1 = s(rt+1). wt.At . Lt Équation (5)

Si on divise par At+1 . Lt+1, on peut exprimer l'équation cinq sous forme intensive. Il vient :

kt+1 = s(rt+1). wt/((1+n)(1+g)) Équation (6)

Ce qui peut s'écrire aussi, en remplaçant rt+1 et wt par leur expression :

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kt+1 = s(f’(kt+1)). [f(kt+1) – kt+1 f’(kt+1)]. /((1+n)(1+g)) Équation (7)

Dans cette expression, il ne reste plus que des variables « k » . Elle détermine donc l'évolution de k dans le temps. Si à un certain rang de génération t , on a kt = kt+1 , on se trouve à l'équilibre : une fois que k a atteint cette valeur, il y demeure.

La résolution graphique est élémentaire. Les points qui vérifient kt = kt+1 se situent sur la demie droite d’ équation k > 0 et kt = kt+1 dans le graphique ayant en abscisses kt et en ordonnées kt+1 .

kt+1

k* kt

Figure 34 : Générations imbriquées avec utilité logarithmique

Le modèle à générations imbriquées a un équilibre unique dans le cas où l'utilité est logarithmique (cas particulier θ = 1) et la fonction de production est du type Cobb-Douglas (figure 34).

Dans le cas général, les équilibres sont multiples (figure 35).

kt+1

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k1* k2* k3* kt

Figure 35 : Générations imbriquées avec équilibres multiples

On trouve parfois kt+1 = kt = 0. Cela peut s’interpréter comme la situation d’une société de chasseurs-cueilleurs, sans formation de capital.

Des conséquences étonnantes Les modèles de générations imbriquées sont sensibles aux

spécifications retenues de la fonction d'utilité et de la fonction de production. La situation d'équilibres multiples et est la plus courante. Dans un monde un seul bien (pensez par exemple à une société d'éleveur de rennes, où l’on ne consomme, stocke que de la viande de renne) on a un continuum d’ équilibres, ce qui révèle une certaine indétermination pour ces sociétés agricoles traditionnelles.

La conséquence de cette indétermination est le caractère généralement non-parétien (ce ne sont pas des optima de Pareto en règle générale) des modèles de générations imbriquées. Pour le modèle de Ramsey, au contraire, on trouvait un sentier sur lesquelles les positions ne pouvait être améliorées. Le sentier-selle du modèle de Ramsey était Pareto-optimum.

Supposons qu’il existe un k*or , un situation optimale pour la valeur de k. Dans la figure 35, si , par exemple k*or se situe entre k1* et k2*, on pourra avoir de la sous-accumulation (si la valeur d’équilibre est k1* ), mais presque sûrement de la sur-accumulation (la suite des indices à partir de 2 se prolonge manière infinie, on a donc toutes de chances de se trouver dans ce cas où la valeur de k à l’équilibre est supérieur à k*or ) .

Les sociétés agricoles traditionnelles possèdent des marchés, cela ne pas dire nécessairement optimalité de Pareto. C'est ce qu'indiquent les modèles de génération imbriqués. Cette de l'efficience résulte uniquement de la prise en considération de la succession des générations dans un modèle à un seul bien, avec très peu de spécialisation comme cela se trouve dans les sociétés agricoles traditionnelles. Cette inefficience dynamique ne vient pas d'erreur systématique des agents. Les agents ne se trompent pas, ils sont supposés ne commettre que des petites erreurs « normales » d’anticipation. La succession des générations suffit à faire que les agents ne trouvent pas le bon taux d’épargne.

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2 / Une croissance respectueuse des générations futures

Une discussion des taux d'actualisation se pose pour l'évaluation de tout projet public, puisque ces taux arbitrent a priori entre ce qui revient à la génération présente et ce qui revient aux générations futures.

Une quantité de 100 a pour valeur

0 % 5 % 10 %

à 1 an 100 95,24 90,91 5 ans 100 78,35 62,09 10 ans 100 61,39 38,55100 ans 100 0,76 0,01

Figure 36 : valeurs d’actualisation

Certains préconisent par prudence, de mentionner la table d'évaluation du projet selon les différentes valeurs possibles du taux d'actualisation. Cela résulte de la simple honnêteté intellectuelle.

On peut discuter le problème du taux d'actualisation premièrement dans une économie de première rang (§2.1), deuxièmement dans une économie de second rang (§2.2).

2.1/ Dans une économie de premier rangSoir ρ le taux de préférence pour le présente du consommateur, il

est aussi le taux d'actualisation de l’utilité de t. Les taux individuels doivent avoir la même valeur dans une économie de premier rang.

Si on cherche à définir un taux d'actualisation sociale à partir d'une fonction de bien-être qui agrège les utilités individuelles, les égalités issues d'un principe de non-arbitrage font que le taux d'intérêt des marchés, la rentabilité marginal du capital des entreprises et le taux d'actualisation privée et social de la consommation sont égaux. On peut le calculer. Il vient, Tt étant le taux d’actualisation au temps t :

Tt = ρ – u’’(ct).ċt/u’(ct) = ρ + θ. ċt/ct

où θ a sa valeur habituelle , θ = - ct. u’’(ct) /u’(ct) exprimant l’aversion à la volatilité de la consommation.

2.2/ Dans une économie de second rangRoger Guesnerie a présenté aux journées 2003 de l'Association

Française de Science Economique un modèle à deux biens avec une fonction de bien-être benthamienne, sur cette question, à savoir, le taux d’actualisation dans une économie de second rang. Dans une économie de second rang, on a des taux disjoints : les quatre taux devant être égaux n’ont plus de raison de l’être en ce cas.

Dans ce modèle à deux biens, l’un des bien est le bien de consommation courante, et l’autre bien est un bien environnemental. La variable σ décrit le taux de substitution entre le biens de consommation courante et le bien environnemental. La discussion porte sur l'éventualité ou non d'un blocage écologique. Si la probabilité de blocage diffère de 0,

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cette éventualité de collapsus fait que le taux d’actualisation sociale devient nulle. En l'absence de blocage écologique, il prend la forme :

Tt = g (σ’- 1/σ)

3/ Politique environnementale

Le cas des ressources non renouvelables Une règle de gestion optimale est dite règle de Hotelling, du nom du mathématicien qui l’a exprimée vers les années 1930. Soit μ la valeur courant de la variation de stock, et r le taux d'intérêt. La règle de Hotelling dit simplement μ’ = r : la valeur de la ressource doit croître à un taux égal au taux d'intérêt. la valeur actualisée de la ressource est constante.

La règle de Hotelling découle simplement de l'arbitrage sur des marchés concurrentiels entre un investissement en capital financier et un investissement en capital naturel. Si ces marchés n’ont pas d’imperfections, on doit trouver un seul taux.

Dans un modèle de Solow avec ressources non renouvelables, la croissance n’est durable que si le capital physique K peut être substituer facilement à la ressource non renouvelable et si la valeur finie vers laquelle tend la productivité marginale du capital quand la ressource naturelle s’épuise est supérieure au taux de préférence pour le présent.

Croissance endogène et de durabilité Je reprends les conclusions de Morgane Chevé et Lionel Ragot

parues dans l'ouvrage dirigé par Katheline Schubert et Paul Zagamé ( L’Environnement , Paris : Vuibert, 1998).

Trois enseignements principaux se dégagent de l'application des modèles de croissance endogène aux problèmes de politique environnementale.

1/ Une croissance endogène, quelle qu'en soit le moteur, n'entraîne pas nécessairement une dégradation continue de la qualité de l'environnement. Lorsque la croissance est immatérielle, et non plus physique, la stabilité du stock de pollution est inscrite dans la nature même de la croissance. Lorsque la croissance a une part physique, une politique environnementale est nécessaire pour maintenir le sentier de croissance sur lequel de stocks de polluants ne croît pas. Cette politique environnementale comprend une activité de dépollution et une activité de recherche en technologie propre.

2/ Des situations « gagnant-gagnant » (« win-win ») peuvent exister, alliant amélioration de la qualité de l'environnement et croissance équilibrée de long terme.

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3/ La plus grosse menace pour la croissance de long terme restent les accumulations de stocks de polluants et les processus irréversibles. L'incertitude existe sur l'existence supposée de technologies curative et préventive. De ces conditions technologiques assez aléatoires dépendent la stabilité du stock de volume de pollution.

Territoires fragilesLa notion de territoire fragile est développée dans le dernier rapport

de la Banque Mondiale. Il s’agit de déterminer les non-durabilité « de court-terme » . L’étude économétrique dégage des caractéristiques communes à ces territoires. Trois conditions se dégagent pour cette instabilité extrême :1/ Une condition de contrainte sur les sols : ils ne rendent pas possibles un accroissement important des rendements agricoles ;2/ Une condition démographique : un fort taux de croissance de la population ;3/ Une condition politique : des découpages politiques qui morcellent ces territoires, empêchent les migrations locales de population et de mitiger le taux de « terres pauvres » par des terres plus riches.

Le rapport 2003 de la Banque Mondiale2 contient au moins quatre définitions du « territoire fragile », ainsi qu’une note statistique traduisant un certain embarras à partir de deux types de territoires qui n’ont pas été incorporés dans la définition de « territoire fragile » pour les travaux statistiques de ce rapport 2003. Chacune de ces quatre définitions correspond à un procédé de définition plus ou moins sophistiqué. Présentons les en ordre de sophistication croissante :1/ La définition négative par complémentarité logique. Il est plus facile de définir un territoire non fragile. Il s’agit soit de zones urbaines, soit de zones d’agriculture sans forte contrainte naturelle insérées dans des larges flux d’échanges. Les territoires fragiles sont le complémentaire de ces meilleurs territoires où se concentrent l’activité des hommes sur la planète. Cette définition sommaire est reprise dans les traitements cartographiques à échelle planétaire et dans le plan du rapport qui distingue les territoires fragiles (chapitre 4 de ce rapport de 2003), des bonnes terres agricoles (chapitre 5), et des zones urbaines (chapitre 6). 2/ La définition relative. Le territoire fragile est celui qui cumule des handicaps dans sa dotation en capitaux naturels, sociaux, humains, physiques, immatériels et financiers. Cette définition peut être implantée de façon différente selon les régions du globe, qui adopteront des paramètres propres et relatifs. C’est ce type de définition qui est largement employée dans les politiques spatiales de lutte contre la pauvreté. 3/ La définition descriptive. Le territoire fragile va être définie par une au moins de ses caractéristiques : il peut être montagneux, aride, de sol pauvre, forestier. Pour chacune de ses caractéristiques, une valeur critique est utilisée : le territoire fragile montagneux est définie par une pente

2 World Development Report 2003, Sustainable Development in a Dynamic World, Oxford University Press, 2003, 250 p.

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supérieure à 8 %. Cette définition provient des collectes statistiques à l’échelle planétaire : les critères sont objectifs et peuvent être utilisés à partir des données disponibles. Une première évaluation faite en 1995 avait fourni une première évaluation de deux milliards de personnes dans les zones fragiles. Ici, les critères statistiques mis en œuvre amènent à une évaluation d’un milliard et quatre cent millions d’êtres humains dans les territoires fragiles, dont cent millions pour des pays à hauts revenus.

Une note de méthodologie statistique (note 1, p.204-205 de ce rapport 2003 de la Banque Mondiale) indique les embarras liés à cette approche descriptive qui se base sur des critères topographiques, floristiques, climatiques et de qualité des sols. N’ont pas été pris en compte les territoires soumis à des désastres répétés (zones inondables, à cyclones fréquents, ou à très forte activité sismique ou volcanique) et les territoires des climats froids. Deux raisons sont avancées pour cela : cela accroît très fortement la population concernée et cela rapproche la définition du territoire fragile de celle des terres marginales agricoles utilisée par d’autres études. Au total, il a été choisi de se rapprocher d’un critère agronomique. 4/ La définition opérationnelle et dynamique. Les territoires fragiles « sont des aires qui présentent des contraintes significatives pour l’agriculture intensive et où les relations des personnes au territoire sont critiques pour la durabilité des communautés, pâtures, forêts et les autres ressources naturelles» (p.59). Les territoires fragiles sont des territoires avec des cultures (au sens des biologistes : mode d’usage des outils, relation aux ressources d’un écosystème) non durables. Le rapport 2003 met l’accent sur une dynamique non durable particulière, une véritable voie royale pour l’enfer. Le scénario est le suivant : une croissance naturelle de la population rurale forte, une mobilité restreinte par des frontières politiques étroites enserrant un pays possédant une part majoritaire de territoires fragiles. Dans ce cas, la probabilité de guerre civile dans une décennie est de 63 % à partir des données des années 1990. Cette probabilité est de 33 % pour des pays comprenant 20 à 50 % de territoires fragiles dans les mêmes conditions de croissance de la population rurale et de limitations de la mobilité (calculs effectués à partir des données de la p.62).

La définition du territoire fragile présentée dans ce rapport de la Banque Mondiale met ainsi l’accent sur les situations les plus critiques. Ce choix est justifié : le concept montre ainsi son caractère opérationnel. Il indique l’importance d’une mixité Territoires Fragiles/Autres Territoires dans les zones de mobilité. Cette mixité est présente dans tous les grands ensembles régionaux de l’Amérique du Nord, de l’Europe, de l’Inde et de la Chine. La couronne de pauvreté qui cerne l’Océan Indien correspond à un espace politiquement morcelé et qui ne présente pas assez de mixité Territoires Fragiles/Autres Territoires.

La notion de « territoire fragile » doit être encore précisée. Ce rapport 2003 de la Banque Mondiale suggère quelques voies d’amélioration de la notion. Il serait sans doute utile d’introduire une caractérisation spécifique des zones à faible densité humaine, zones

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maritimes et terrestres d’économie de cueillette. Ceci permettrait de mieux contraster le territoire fragile de zones très peu peuplées où les risques sont très spécifiques et de moindre ampleur. Ce rapport 2003 met en avant les dynamiques dont les effets désastreux se révèlent à brève échéance et se traduisent dans des conflits armés divisant des sociétés agricoles. Des travaux complémentaires sont nécessaires pour préciser d’autres scénarii qui pourraient relever du même concept de territoire fragile et préciser les conséquences à en tirer pour les entraves politiques à la mobilité des personnes.

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CONCLUSION : L’Algèbre du progrès(article paru dans Mondes en Développement, 2000,

tome 28, 111,25-33)

Plan :

1/ La montée de l’immatériel2/ Complémentarité et substitution3/ Les explosions de variété de services4/ Une notion synthétique du développement durable

RésuméL’Algèbre du Progrès

Chaque innovation majeure apporte des complémentarités. Sa maturation érode la complémentarité et conduit à une phase marquée par les substitutions. La répétition de ces cycles donne un rythme d’onde longue basé sur une alternance des phases de complément et de substitut, de ralentissement et d‘accélération de la croissance. Mais cela ne suffit pas à expliquer les ruptures majeures dans les rythmes de développement. Il faut pour cela se tourner vers des transformations générales des rapports à la vie et à la nature, transformations qui amènent une explosion de variété de services.

Les ruptures issues d’innovations majeures de large diffusion ont fait l’objet d’une attention renouvelée dans les travaux de théorie économique des années 1990. Autour d’un cadre analytique proposé pour expliquer le scénario de changement dans un mode d’énergie utilisée dans les transports (en l’occurrence, le remplacement de la marine à voile par la marine à vapeur), nous examinerons quatre points :1- la question de l’interprétation de la montée de l’immatériel, à travers un tour d’horizon d’explications pour partie peu satisfaisantes,2- une présentation d’un cadre d’analyse pour ce type de rupture, cadre basé sur l’opposition entre compléments et substituts,

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3- les limites de cette approche nous amèneront à indiquer un cadre d’analyse pour des évènements d’un ordre de grandeur supérieur, les explosions de variété de services,4- ces analyses nous conduirons à reconstituer une vue d’ensemble de ces théories économiques contemporaines et de leur relation avec la notion de développement durable.

1- La montée de l’immatériel

Les phénomènes de tertiarisation restent mal cernés par les conceptualisations disponibles. Les controverses sur la convergence internationale, en particulier, n’ont pas abordées cette question de la montée des services et de l’immatériel.

Pourtant, à considérer la séquence historique des phases de développement, il semble bien que la lecture en termes de croissance de la part relative du tertiaire et de l'immatériel vis-à-vis des secteurs "matériels", agriculture et industrie, puisse être enrichie par une lecture de ce processus de développement faisant passer les investissements immatériels du statut de simple complément des investissements matériels, à celui de substitut des investissements matériels.

Considérons par exemple le développement des États-Unis à partir de 1850. Les États-Unis ont d'abord fait face aux problèmes posés par une main d'œuvre peu qualifiée issue de grandes vagues de migration. Dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, les États-Unis ont importé des procédés européens, et les ont implantés sur une grande échelle. L'investissement matériel était d'autant plus important qu'il fallait pallier au manque de formation de la main d'œuvre. L’investissement immatériel était un complément réduit au minimum, l’excellence technologique permettant d’employer une main d’œuvre très peu qualifiée. En Europe une main d’œuvre plus qualifiée limitait l’introduction de nouvelles technologies. Par exemple, dans la sidérurgie, les nouveaux procédés sidérurgiques ont été mis au point en Allemagne, cependant la compétence de la main d’œuvre y rendait peu attractif les performances de ces nouveaux procédés. Ils n’ont pu s’implanter sur une grande échelle qu’aux États-Unis, alors handicapés par l’inexpérience professionnelle des immigrants. La situation des États-Unis au temps de Carnegie, l’industriel américain de la sidérurgie de la seconde moitié du dix-neuvième siècle, était bien celui d’un investissement immatériel peu important, simple complément nécessaire aux nouvelles technologies importées.

Les États-Unis restant un pays d'immigration ont ensuite précédé les autres pays au vingtième siècle dans la mise en place d'un système éducatif. Ceci a permis de traiter différemment qu'en Europe les problèmes posés par les vétérans des grandes guerres du vingtième siècle par un accès privilégié à ce système éducatif, et non par un simple système de pension. La Première Guerre Mondiale conduit les belligérants européens à délaisser l’investissement immatériel, puisque ce qui est mis en place ce sont des allocations aux anciens combattants ou encore aux

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mères de famille pour qu’elles fassent des enfants en remplacement des millions d’adultes tués lors du premier conflit mondial. L’Europe tourne alors le dos à la montée de l’immatériel. Les indicateurs de l’investissement immatériel (voir annexe) indiquent depuis lors un décalage d’environ 20 années entre la situation des États-Unis et de l’Europe. Les approches en termes de capital humain sont sans doute à relier avec la massification de l'enseignement des années 1960 aux États-Unis. Vers 1970, l’investissement immatériel devient majoritaire dans l’investissement des firmes aux États-Unis. Celui-ci ne peut donc être considéré comme un simple complément, il se substitue bien à de l’investissement matériel. Aujourd'hui, les études récentes mettent l'accent sur l'innovation, c'est-à-dire l'investissement immatériel des firmes, et non celui des ménages comme dans les théories du capital humain (cf., par exemple, CONSEIL D’ANALYSE ECONOMIQUE, 1998), entérinant sur un plan théorique le changement de perception de leur environnement par les firmes et le déplacement de l‘immatériel vers les firmes. Enfin, le succès des thèmes du développement durable est souvent celui de stratégies pures de substitution de l'investissement immatériel à l'investissement matériel: il sera, par exemple, préférable dans une perspective de développement durable d'obtenir une réduction des intrants agricoles (engrais, traitements phytosanitaires) par une meilleure formation des agriculteurs que d'implanter une grosse infrastructure de dépollution.

Cette montée de l’immatériel est incontestable. Vaut-elle pour autant caractérisation du développement ? Sen propose de voir dans le développement une montée des options ouvertes aux agents (SEN, 1999d), ce qui est une formulation plus élaborée et précise que le fait de mentionner une « montée de l’immatériel » . Une « montée de l’immatériel »  n’est pas nécessairement une caractéristique d’un développement ou d’une croissance économique. Des phases d’accumulation de connaissances ont caractérisé dans les sociétés historiques la formation de clergés et de bureaucraties politiques. Dans ce cas, ces « montées de l’immatériel » signifient au contraire un verrouillage de la société autour des prélèvements  opérés par ces clergés et bureaucraties politiques. L’approche de Sen, bien plus satisfaisante, dissipe cette ambiguïté.

Trois faits saillants dans l’exemple de l’histoire de l’investissement immatériel peuvent être relevés dans le but d’affiner les analyses. Ces faits rentrent en ligne de compte dès lors que l’on introduit la composition de l’investissement immatériel. Les cadres d’analyse proposés dans les paragraphes 2 et 3 vont proposer des réponses devant les insuffisances des perspectives limitées à une « montée de l’immatériel » à partir de ces trois faits saillants :1/ La situation des années 1990 était marquée par une composition différente de l’investissement immatériel aux États-Unis, d’une part, et au Japon et en Europe, d’un autre côté. La composition de l’investissement immatériel associée à un forte croissance, comme c’était le cas aux États-

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Unis, favorisait les parts de la publicité, de l’éducation et du relationnel, tandis qu’une faible croissance ou une récession, comme c’était le cas au Japon et en Europe, était le corrélat d’un investissement immatériel où les parts relatives de la Recherche-développement, la formation et l’organisationnel étaient plus importantes. 2/ Le deuxième fait saillant est une succession dans la longue durée : d’abord l’investissement immatériel se trouve du côté des ménages, accompagné de politique publique de massification de l’éducation. Ensuite, une montée de l’immatériel se lit à travers les politiques d’investissement des firmes. Il faudrait donc pouvoir distinguer ces deux phénomènes de déclenchement, l’un pour les ménages, l’autre pour les firmes.3/ Le troisième fait saillant est la présence de répétition de séquence. Par exemple, la situation de l’Europe de la Reconstruction après la deuxième guerre mondiale ressemble à celle des États-Unis à l’époque de Carnegie. L’investissement immatériel était vers 1950 en Europe essentiellement un petit complément de formation professionnelle pour une main d’œuvre peu qualifiée, comme pour les États-Unis de Carnegie. Le rythme de la répétition de ces séquences est celui d’ondes longues séculaires. Les cadres d’analyse doivent introduire cette dimension cyclique.

Le cadre d’analyse proposé dans le deuxième paragraphe intitulé « Complémentarité et Substitution » va s’appuyer sur le premier et le troisième de ces faits saillants. Un cadre d’analyse supplémentaire est nécessaire pour interpréter le deuxième fait saillant. Il sera proposé dans le troisième paragraphe « Les explosions de variété de services ».

2 - Complémentarité et Substitution

Les historiens des techniques ont été les premiers à signaler les insuffisances des schémas issu de Schumpeter de « destruction créatrice ». Les schémas de Schumpeter ne valent que pour des situations de substitutions. Il existe des complémentarités entre anciennes et nouvelles technologies, et souvent des nouvelles inventions créent des rentes d’innovation pour des firmes spécialisées dans les anciennes technologies - tout le contraire de ce que suppose la destruction créatrice de Schumpeter où les entrants avec nouvelles technologies captent les rentes des firmes sur vieilles technologies.

Les exemples où les approches de destruction créatrice semblent pertinentes se déroulent dans de relativement brèves périodes de temps : par exemple, les quelques années qui ont suffi pour la montre à quartz pour supplanter la montre à remontoir mécanique. Or l’histoire des inventions se déroule bien souvent sur d’assez longues périodes de temps, dans un cycle de vie de l’invention qui nécessite parfois une, deux (ou plus) générations humaines pour arriver à maturité, une maturité caractérisée par la situation à la Schumpeter de pure substitution. Au total, les approches de croissance endogène de destruction créatrice formulent une séquence aléatoire d’innovations résultant de façon

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incertaine de la recherche, avec seulement des externalités négatives sur les producteurs existants. Dans cette modélisation à la Schumpeter, une valeur positive du taux de croissance n’est pas garantie. « L’incertitude de la richesse fait que la croissance endogène de destruction créatrice est stochastique », conclut le manuel d’Aghion et Howitt (AGHION, HOWITT, 1998). Ce bruit schumpéterien ne peut expliquer ni les ondes longues de Kondratiev, et encore moins les trend séculaires de croissance.

A la suite d’Alwyn Young (YOUNG, 1993), un nouveau schéma peut être introduit, plus en concordance avec des cycles de vie d’inventions. Prenons l’exemple du remplacement de la marine à voile par la marine à vapeur. Les innovations décisives (moteur, hélice, coque renforcée) sont réalisées dès la fin du dix-huitième siècle, cependant l’année où le maximum de tonnage de navire à voile est construit est l’année 1892. Les innovations décisives ont profitées tout à la fois aux navires classiques à voile qu’aux nouveaux navires à vapeur, ce qui fait que ceux-ci ont conservé une niveau relatif médiocre de performances économiques et en temps de parcours. Le navire à vapeur ne conquiert d’abord dans une première phase que des usages complémentaires du navire à voile, comme les navires à fond plat propulsés par des roues à aube qui remontent le Mississippi. A cette phase surtout marquée par les complémentarités, va succéder, après 1892, une phase de substitution rapide de la marine motorisée à la marine à voile. La Belle Époque est celle de la disparition des grands voiliers, et cette phase de substitution correspond à une phase ascendante d’une onde longue de Kondratiev.

Le même schéma peut s’appliquer à l’histoire de l’informatique et des ordinateurs. La phase des complémentarités est celle d’innovations additionnelles et des complémentarités de formation. Les comportements de substitution sont en ce cas très récents.

Le schéma des phases de compléments et de substituts (voir figure 1) résume les principaux résultats obtenus à partir de modèles introduisant les complémentarités. Le modèle de Young conduit à trois types d’état final : soit une stagnation, soit une croissance affaiblie dans lequel les complémentarités entre inventions sont dominantes, soit une croissance tonique dans le cas où les substitutions sont dominantes. Une exploration du côté de la demande indique que l’on peut s’attendre à une amélioration de la convergence des économies dans le cas de biens complémentaires, à condition que les productivités associées à la production de ces biens ne soient pas trop différentes (CERISER, 1999). L’état final n’est pas modifié dans cette investigation du côté de la demande.

La capitalisation matérielle renforce les complémentarités: il s’agira seulement de former un ouvrier à une machine, par exemple. Les données contemporaines indiquent une progression de l’investissement non matériel au détriment de l’investissement matériel. Les phases de compléments sont plutôt des phases de « machinisme », alors que les phases de substituts sont des phases de régression de ce « machinisme ».

L’introduction de complémentarités dans un modèle de taxation optimale conduit à subventionner ces éléments complémentaires. Les

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substitutions sont défavorables aux taxations. Ces résultats anciens viennent compléter un tableau de l’action publique dans les deux phases. Young indique les « effets pervers » de l’action publique dans une phase de compléments. L’exemple des échecs répétés des « plans informatique » en France dans les années 1970/80 semble bien illustrer ce propos.

PHASE DES COMPLÉMENTS PHASE DES SUBSTITUTS

CalendrierPhase descendante d’une onde de KondratievCROISSANCE AFFAIBLIE

Phase ascendante d’une onde de KondratievCROISSANCE TONIQUE

Nouvelles inventions

Elles s’ajoutent à d’anciennes technologies. Elles sont moins performantes que celles-ci et demandent des innovations additionnelles. Elles font jouer des complémentarités de formation

Les nouvelles inventions sont arrivées à maturité et viennent en substitution dans les choix des consommateursLe capital humain conditionne les performances de croissance

Exemples1- persistance de la marine à voile au dix-neuvième siècle

2- Les ordinateurs dans la période 1970/1980

1- la Belle Époque la marine à vapeur remplace la marine à voile2- Les ordinateurs dans la période 1990/2000

Investissement immatériel

Peu important, et la capitalisation matérielle renforce les complémentaritésSurtout Développement, Formation, Organisationnel

Plus important

Surtout Publicité, Éducation,Relationnel

Inégalités généralement favorable à la convergenceles inégalités internationales se réduisent

Une croissance plus forte peut creuser les écarts internationaux

Action Publique situation plutôt favorable aux recettes, et défavorable aux dépenses :- les complémentarités réduisent les pertes sèches issues des taxations- les complémentarités une fois établies, se dissolvent peu de par une action volontariste; Young indique des « effets pervers » d’une action politique en présence de complémentarités- les complémentarités conduisent à des subventions dans les modèles d’incitation : si des éléments apparaissent irremplaçables, l’efficacité économique conduit à les subventionner.

situation plutôt défavorable aux recettes fiscales:Les taxations génèrent des pertes sèches issues des substitutions induites

Figure 37 : Schéma des phases de compléments et de substituts

3- Les explosions de variété de services

Young avance une explication simple pour le « miracle asiatique » : l’épargne. En effet, les économies de l’innovation, qu’elles soient de la veine de la Destruction créatrice ou de la veine Complément/Substitut ne peuvent fournir, semble-t-il, une explication aux croissances soutenues dans une perspective de longue durée. Les effets cumulés sont de sens ambigu et quand ils sont positifs, ils ne semblent pas suffisants pour expliquer le développement. Dans le cas des approches Complément/Substitut, les durées des cycles d’invention semblent se raccourcir : on arriverait ainsi plus vite à la phase de substitution,

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cependant de nouvelles complémentarités réapparaissent constamment. Il faut donc, comme le fait Young, réintroduire et revisiter des explications traditionnelles du développement économique.

Pour cela, nous allons suivre un indicateur, celui de l’investissement immatériel. Cet indicateur connaît deux accidents majeurs successifs : 1 - la transformation du comportement des ménages autour du triangle « réduction des naissances - épargne - scolarisation » (ce que Young résume par épargne), et qui apporte un premier saut de l’investissement immatériel, schématiquement la paie des instituteurs.2 - le rééquilibrage entre les phases de cycle de vie du produit favorables à l’investissement immatériel (conception et développement en début de cycle, commercialisation et publicité après) et celui favorable à l’investissement matériel (la production) dans les politiques d‘investissement des firmes. L’investissement immatériel devient dominant dans les firmes américaines dans les années 1970, au début des années 1990 dans le cas de la France (EPINGARD, 1999).

Ces deux accidents se lisent directement sur la distribution mondiale des richesses par tête. La première césure intervient vers 1500/2000 euros ou dollars environ. Cette première césure sépare les pays qui restent dans un modèle patriarcal de famille, de ceux qui sont en transition démographique. La seconde césure intervient vers une valeur élevée du revenu par tête, environ 15000/20000 euros ou dollars. Elle sépare un groupe intermédiaire de pays qui présente généralement les niveaux maximum de pollution d’un groupe que certains auteurs désignent sous la formulation de « groupe en transition écologique », par analogie avec l’épisode de transition démographique. Dans ces pays en transition écologique, les problèmes de rapport à l’environnement subsistent, mais ils connaissent un début de prise en charge. Le total cumulé de cette épisode de transition contribue à alimenter très notablement le stock mondial des polluants et ses conséquences climatiques.

L’expression « explosion de variété » provient des biologistes pour caractériser des sauts assez brusques dans une distribution de nombres d’espèces végétales ou animales (GOULD, 1991). Une fois établie la nouvelle distribution, les variations sont de second ordre. L’expression convient bien pour le premier accident, celui du triangle « réduction des naissances-épargne-scolarisation ». Le débat sur la « nouvelle économie » peut être compris autour des hésitations à parler d’un second accident majeur. Empiriquement, cela semble difficilement décidable, du fait du peu de recul par rapport à une transformation qui débute au plus tôt dans le dernier quart du vingtième siècle. Les approches en « modernisation réflexive » sont compatibles avec ce phénomène de reconnaissance d’incertitude au niveau des firmes, et non plus seulement au niveau des ménages (pour une introduction à ces approches : BECK, 1994).De même, la distinction entre le mode académique et le mode « société civile » de production des connaissances vient aussi conforter une vision favorable à une hypothèse d’un deuxième explosion de variété de services par la reconnaissance de l’incertitude au niveau des firmes (GIBBONS, LIMOGES,

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NOWOTNY, SCHWARTZMAN, SCOTT, TROW, 1994). Le contexte de transition dans les pays anciennement en économie planifiée permet par différence de bien cerner les évolutions et de dresser le portrait type de l’agent facteur d’une croissance contemporaine : il est informaticien ou chercheur, il cultive tout à la fois la « civilité et la subversion du sens commun » (GOLDFARB, 1998).

L’Europe se situe entre « Société du Risque » et l’achèvement d’une « Transition écologique » . La transition vers une « Société du Risque » est effective. La répétition de « crises » type « vache folle » qui secoue un espace politique européen en témoigne. Le processus entamé à Maastricht, poursuivi à Amsterdam et bientôt Nice traduira une recomposition de la société politique européenne, conformément à un scénario de rupture type « société du risque », qui affecte principalement les structures politiques. Cette recomposition se poursuivra selon un calendrier étalé sur les deux décennies à venir, comme l’indique la proposition Fischer (FISCHER, 2000). L’achèvement de la « transition écologique » devrait être accomplie en Europe dans la première moitié du vingt et unième siècle. Le schéma des deux transitions fait succéder à la transition démographique, un excès de croissance démographique dû à la baisse plus rapide du taux de mortalité que celle du taux de fécondité, une transition écologique, où un excès de pollution est dû à la croissance plus rapide de la production et de la pollution industrielle que des taux d'abattement de cette pollution. La réalité de cette transition serait accomplie pour une valeur de 35000 € ou $ par an de revenu moyen par habitant, valeur avancée dans la présentation initiale de ce schéma (GOLDIN, WINTERS, 1994). C’est en effet autour de cette valeur que croissance du revenu et croissance des émissions à gaz à effet de serre se découpleraient.

La présentation sous forme de schéma de « transition écologique » a l'inconvénient de présenter très sommairement les choses sous forme d'une évolution nécessaire et progressive des sociétés. D'autres critiques peuvent être portées à ce schéma : il découple les problèmes de maîtrise démographique et de maîtrise environnementale, un pays peut très bien ne pas vouloir s'inscrire dans un processus de transition démographique ou écologique. Cependant, le schéma des deux transitions permet de résumer en une figure un ensemble de données réelles. Et il pourrait être répliqué que même les pays dits « riches » qui se sont montrés les plus réticents ont pris des engagements internationaux qui brisent la relation linéaire entre croissance du revenu par tête et des quantités de pollution, comme cela a été le cas à la conférence de Kyoto de décembre 1997. Ceci conforte donc un schéma de « transition écologique ».

En théorie économique, les biens publics environnementaux ne sont pas des biens de luxe. La « transition écologique » ne doit donc pas s’interpréter comme une transition vers la consommation de biens plus luxueux, même si cette baisse de pression sur l’environnement se produit vers des valeurs très élevées de revenu par tête. La transition démographique est une première transformation de la relation à la vie, qui associe à un démarrage de l’épargne une maîtrise de la fécondité

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humaine. La transition écologique effective se caractérise par une épargne plus complète, économe des ressources naturelles, par l’implication des firmes et l’inscription de toute activité dans un environnement incertain.

Le schéma de la transition démographique explique un gonflement quantitatif très important de la population humaine. De même, ce schéma de la transition écologique n’est pas si optimiste qu’il y paraît, puisqu’il nous fait bien comprendre que la très forte pression sur l’environnement va même s’accroître dans les décennies à venir, gonflement des pollutions de fond de la planète par le cumul des courses perdues entre les émissions polluantes et les moyens d’abattement de cette pollution.

Cette deuxième explosion de variété ne conduit pas nécessairement à une simple dématérialisation, comme le défend Goldfinger (GOLDFINGER, 1994). Que je sois mieux relier avec mes collègues australiens par le courrier électronique va m’inciter à aller leur dire bonjour: les retombées sur les services traditionnels de l’économie de l’immatériel peuvent conduire à une surconsommation matérielle, en l’occurrence ici celle du kérosène de l’avion. La « nouvelle économie » pose avec encore plus d’acuité la question du développement durable, qui nécessite en particulier, une baisse d’un ordre de grandeur des consommations matière.

4 - Une notion synthétique du développement durable

Les rapprochements théoriques proposés entre les modèles de croissance endogène et la notion de développement durable apparaissent bien souvent peu convaincants. Les approches de croissance endogène ignorent ou négligent les contraintes de durabilité, restant encore assez souvent dans la lignée d’une vision  optimiste  du « Progrès ». Cependant, le programme des approches de croissance endogène, issu d’une controverse sur la convergence internationale, est un programme d’analytique du « Progrès » : on ne peut plus se contenter d’un moteur de la croissance sous la forme d’une boîte noire exogène, le « Progrès » . Ce sont les éléments de ce « moteur » qu’il s’agit de rendre endogène, et en fait, « croissance endogène » est une expression impropre pour « Progrès » endogène (ROMER, 1994).

L’école de Londres a proposé une dichotomie entre les formes faibles et les formes fortes du Développement Durable. La forme faible de développement durable correspond à une hypothèse de substituabilité totale anticipée, la forme forte à un relâchement de cette hypothèse, généralement formulée dans la proposition sans concession qu’un capital naturel n’a pas de substitut et doit être totalement préservé.   Il vient tout de suite à l’idée que, sous ses formulations, ni la forme faible, ni la forme forte ne sont « raisonnables » (NEUMAYER, 1999).

Les approches Complément/Substitut nous indiquent la viabilité théorique d’une formulation intermédiaire, en fait la seule totalement compatible avec un programme de formulation économique du

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développement durable. Neumayer indique que les formes faibles et les formes fortes font appel à des hypothèses extérieures à la démarche économique. L’hypothèse de substituabilité totale anticipée vaut dans le contexte hypothèse d’absence de rareté: si le monde est celui où des fontaines de fortune coulent à chaque coin de rue, il n’est alors nul besoin de réflexion économique. La rationalité économique se définit généralement par l’absence de telles aubaines. D’un autre côté, la notion de développement durable émerge de l’idée que la maximisation de simples indicateurs biologiques comme la biomasse n’a pas grand sens. Il est donc légitime de soupçonner que cette dramatisation entre deux positions ne soit qu’un simple oreiller de paresse, de recul devant des formulations appropriées.

Des constats empiriques nous ont amené à élargir le champ d’application d’une voie de modélisation proposée par A.Young (1993), distinguant deux phases dans l‘introduction de l’invention : une phase initiale marquée par les complémentarités suivie d’une phase de maturation, marquée quant à elle par les substitutions. Les prolongements de cette voie d’analyse sont basées sur une dynamisation des partages entre substituts et compléments. La société est travaillée par un renouvellement permanent des compléments et substituts. Ceci incline à abandonner dans l’analyse économique les oppositions tranchées entre les voies de modélisation « substituts » et « compléments ». Cette opposition est, en particulier, consacrée dans la rivalité entre les formes dites « faibles » (basées sur la succession de substituts) et « fortes » (issues d’arguments de complémentarité) de la notion de développement durable. L’approche proposée ici permet de tempérer cette opposition.

La Banque Mondiale a récemment consacré un indicateur agrégé simple de développement durable, l’épargne authentique ( genuine savings ) . Le modèle utilisé est construit comme un modèle d’exploitation de ressources naturelles donnant la règle d’Hartwick : l’investissement net total doit être positif. Selon les spécifications du modèle, la règle trouvée va combiner dans une différence entre deux quantités, en positif, l’épargne nette et les dépenses d’éducation, en négatif, les rentes minières, les pertes issues de la pollution et d’autres dépenses réduisant l’investissement authentique.

La formulation de critères de durabilité, telle cette règle d’investissement (ou épargne) authentique positif, indique que la notion de développement durable n’a rien à gagner à être inutilement divisée, et qu’elle peut permettre de formuler des règles de plus grande ambition que des simples règles de finances publiques, type obligation d’équilibre budgétaire annuel.

La question des complémentarités est fondatrice de la notion de développement durable. Il existe un fonds naturel sans substitut, mais cette préservation de ce fonds ne peut se faire que de façon économique, telle est très grossièrement décomposée, les éléments de cette notion composite du développement durable. L’insatisfaction devant un moteur de la croissance sous la forme d’une boîte noire exogène, le « Progrès »,

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est tout aussi constitutive de la notion de Développement Durable que de celle des approches dites de « croissance endogène ». Il ne reste qu’à aborder de façon plus directe la question des Compléments et Substituts. Cette question n’est que laissée en suspens par la dichotomie entre les formes faibles et fortes de la notion de Développement Durable proposée par l’École de Londres (PEARCE, 1999 ; NEUMAYER, 1999) . Une approche à la Young, ici proposée, permet de lever cette opposition constatable mais pas toujours justifiée et de procurer une synthèse - une Analytique du « Progrès » - à partir des modélisations récentes conjuguant approches « endogènes » et impératif de développement durable.

Décomposition spectrale du « Progrès »

Trend séculaire Phases des ondes intermédiaires

Bruit(ondes courtes)

Approches INVESTISSEMENTAUTHENTIQUE

COMPLEMENTS ET SUBSTITUTS

CREATION ET DESTRUCTION

Modélisations assez agrégées, permettant de dégager des règles type Règle de Hartwick

avec complémentarités, Par exemple : Young,1993

néo-schumpéteriennesPar exemple : Aghion-Howitt,1998

Figure 38 : Croissance endogène et Développement durable forment une analytique du "Progrès"

Chaque innovation majeure apporte des complémentarités. Sa maturation érode la complémentarité et conduit à une phase marquée par les substitutions. La répétition de ces cycles semble compatible avec un rythme d’onde longue basée sur une alternance des phases de complément et de substitut. L’approche permet de restituer les liens entre tertiarisation et développement et d’introduire aux deux grandes modifications majeures du développement associées à chaque fois à l’explosion d’une variété de services.

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Annexe de la conclusion : Définition de l’investissement immatériel

(ou non matériel, ou intangible)

L’investissement immatériel (ou non matériel ou intangible) se définit comme toute dépense qui se présente comme un investissement, mais dont la part principale ne se traduit pas par l’acquisition de biens matériels.

Cette définition n’est qu’une définition négative assez tautologique. On peut la compléter par des définitions descriptives proposant des cadres pour les enregistrements comptables de l’investissement immatériel.

Trois types de comptabilité sont à envisager : celle des ménages, celle des firmes, et les comptabilités nationales.

Pour les ménages : il s’agit essentiellement des dépenses privées d’éducation et de formation, aussi bien des enfants que des adultes.

Pour les firmes : le domaine de l’investissement immatériel recouvre :

1/ Recherche-Développement et innovation1-1. Recherche-Développement

1-1-1. Recherche fondamentale1-1-2. Recherche appliquée1-1-3. Développement

1-2. Innovation1-2-1. Innovation de produit1-2-2. Innovation de process1-2-3. Innovation de service

2/ Autres dépenses ayant le caractère d’investissement immatériel2-1. Les catégories explicites dans les cadres comptables

2-2-1. dépenses de logiciel2-2-2. dépenses de marketing2-2-3. dépenses de formation de personnel

2-2. Les autres dépenses d’améliorations organisationnelle et stratégique mal prises en compte dans les grilles comptables :

2-3-1. dépenses ayant le caractère d’investissement dans les relations sociales

2-3-2. dépenses ayant le caractère d’investissement dans le système de veille et d’information de l’entreprise

2-3-3. dépenses ayant le caractère d’investissement dans la formalisation de pratiques de l’entreprise (réduction pérenne des coûts de transaction et de catalogue).

Pour les Comptabilités Nationales : Ce sont principalement les budgets publics d’éducation et de recherche. Ils constituent généralement le premier poste en importance du volet Dépenses des budgets publics. Tout comme pour les firmes, les dépenses les plus déterminantes pour la croissance, celles favorisant l’innovation, sont souvent peu explicites dans les cadres des Comptabilités Nationales.

L’investissement immatériel peut, en résumé, être réparti en six grandes catégories polaires organisées en trois oppositions :

Investissements immatériels plutôt associés à une phase des

compléments

Investissements immatériels plutôt associés à une phase des substituts

Recherche et développement PublicitéFormation Éducation

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Organisationnel Relationnel

Figure 39 : Une nomenclature de l’investissement immatériel

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APPENDICE : Introduction à Mathematica 5 ®

Mathematica est un logiciel d’assistance au calcul formel et numérique. Il a été développé par Stephen Wolfram depuis 1988. La version 5 est disponible depuis juin 2003. Cette version contient des améliorations sur la manipulation de listes, le calcul matriciel et les résolutions des EDO (équations différentielles ordinaires), ce qui en fait un outil approprié pour la résolution et la discussion des modèles de croissance. Les commandes les plus courantes pour la modélisation de la croissance ont été profondément remaniées dans cette version 5 (commande NDSolve et nouvelle commande FindMaximum).

Une orientation bibliographiqueLa prise en main d’un logiciel passe par un coup d’œil sur la documentation fournie.

Elle est en partie disponible sur le site http://www.wolfram.com . Elle se trouve dans l’aide du logiciel accessible par la commande « ? ». Le référentiel du logiciel est :WOLFRAM, S., 2003, Mathematica 5 ®

Des ouvrages sur cette version 5 de Mathematica seront sans doute publiés dans les années à venir. En attendant, il existe de nombreux ouvrages d’initiation aux versions antérieures de ce logiciel, comme :VERDIER, N., 2001, Faire des maths avec Mathematica, Paris : Ellipses.Il existe aussi de nombreux sites internet. Celui d’un collègue de Nancy , T.Verdel contient une liste de liens avec quelques uns de ces sites, ainsi que d’autres renseignements pratiques sur Mathematica :http://www.mines.u-nancy.fr/~verdel/Mathematica

Des ouvrages sont consacrés aux applications de Mathematica à la modélisation économique :TARTARIN, R., Leçons de Mathematica, Paris : Vuibert, 1996.VARIAN, H.R., (ed.), 1993, Mathematica. Economic and Financial Modelling with Mathematica.DODGE, Y., 2002, Mathématiques de base pour economistes, Berlin : Springer ( l’ouvrage contient une dernière partie consacrée à Mathematica).

Deux ouvrages sont particulièrement utiles pour travailler avec Mathematica sur les modèles de croissance. Ce sont des ouvrages d’un niveau plus avancé que l’ouvrage d’initiation cité précédemment. Ces deux ouvrages sont : ABELL, M.L., BRASELTON, J.P., 1993, Differential Equations with MATHEMATICA , Cambridge (Massachusetts): AP Professional.CULIOLI, J.-C., 1994, Introduction à l’optimisation, Paris : Ellipses.

Commandes de basesLes commandes de Mathematica se présentent sous la forme : Exp[x] par exemple, pour exponentielle de x. La fonction interne au logiciel commence par une lettre majuscule. Les crochets entourent l’expression contenant la ou les variables.Une expression numérique 2.5*10^-4 signifie 2,5 10-4

L’astérisque « * » ou le simple espace « » signifie la multiplication dans Mathematica. Si on laisse un espace entre deux nombres, par exemple 25 100 , Mathematica comprend 25 multiplié par 100, c’est-à-dire 2500.L’accent circonflexe est utilisé par convention pour l’élévation à la puissance.

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Le signe % permet d’utiliser le résultat précédent. Chaque ligne de calcul est numéroté, un renvoi, par exemple « %4 » veut dire utiliser le résultat de la ligne 4 de calcul. Le point-virgule « ; » signifie qu’il faut faire l’opération mais ne pas afficher le résultat.« x = 5 » : la valeur 5 est affectée à x, tandis que « x =. » vide x de toute valeur préalablement affectée. « x==y » signifie de tester si les expressions x et y sont égales.Mathematica présente la particularité de posséder des commandes de calcul formel, telles que :Simplify[expression] : on demande à Mathematica d’essayer de simplifier l’expression entre crochets.

Mathematcia permet de manipuler des intégrales indéfinies, définies et des sommes de séries de fonctions :

Integrate [f,x] : l’intégrale indéfinie ∫fdx. Integrate [f, {x, xmin, xmax}] : l’intégrale définie entre les deux bornes xmin, xmax.Sum[f, {i, imin, imax}] : la somme Σ f pour un indice i variant de imin à imax.

Limit[f, x->x0] : la limite de la fonction f au point x0 .

D[f, x] : la dérivée partielle δf/δx .En particulier f’(x) s’écrit : D[f(x),x]

Commandes graphiquesMathematica dispose de commandes pour faire des graphiques en 1, 2 et 3 variables. Quand il y a trois variables, cela produit des petites séquences animées.

Pour tracer le graphe à 1 variable : Plot[f, {x, xmin, xmax}] Dans le cas d’une résolution numérique d’EDO, on doit souvent recourir à la commande Evaluate pour forcer Mathematica à achever le calcul avant l’affichage.On obtient une écriture du type : Plot[Evaluate[y[x]/. solution], { x, xmin, xmax}] 

Pour tracer le graphe à 2 variables : Plot3D[f, {x, xmin, xmax},{y, ymin, ymax}] 

Calcul matricielMathematica utilise une écriture selon les lignes. Le vecteur ligne (a,b,c) s’écrit dans Mathematica :{a,b,c}. La matrice ⌠ a b | | c d ⌡s’écrit dans Mathematica en lisant selon les lignes : {{a, b}, {c,d}}Généralement, on lui donne un nom , par exemple m : m = {{a, b}, {c,d}}L’élément qui s’écrit m12 vaut b . On écrit m12 avec des crochets : m[[1,2]]Le simple point « . » est la multiplication des matrices.La liste des opérations sur les matrices s’écrit le plus simplement possible :Inverse[m] : matrice inverse de mDet[m] : déterminant de mTr[m] : Trace de mTranspose[m] : la transposée de mEigenvalues[m] : les valeurs propres de mEigenvectors[m] : les vecteurs propres de m.

EDO   : équations différentielles ordinaires

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Une équation différentielle s’écrit dans Mathematica en n’oubliant pas d’indiquer les variables : il ne faut pas écrire « y’’+ y’== y » mais « y’’[x]+ y’[x]== y[x] » .Deux commandes sont essentielles pour la résolution des EDO par Mathematica : les commandes DSolve pour la résolution analytique, et NDSolve pour la résolution numérique. Mathematica supporte aussi bien les cas linéaires que non linéaires. La syntaxe de DSolve est : DSolve[équations, y[x], x]Celle de NDSolve est : NDSolve[équations, y,{x, xmin,xmax}] pour une résolution numérique où y est la fonction, et x la variable entre les bornes xmin et xmax.

Dans le cas de systèmes d’équations, l’écriture devient, par exemple pour NDSolve et un système de n équations différentielles ordinaires en y1,y2,…yn :NDSolve[équations, {y1,y2,…yn},{x, xmin,xmax}]

OptimisationLes commandes :Minimize[{expression, inégalités}, {x,y, …}]Maximize[{expression, inégalités}, {x,y, …}]Minimisent et maximisent une expression sous des contraintes.

Des commandes sont spécifiques à la programmation linéaire, c’est à dire quand la fonction objectif et les contraintes sont linéaires :LinearProgramming[c, m, b, l] : trouve le vecteur x qui minimise c.x avec m.x>=b et x >= l .

Pour l’optimisation numérique, Mathematica propose deux stratégies : soit la recherche des maxima et des minima globaux (commandes NMinimize et NMaximize) , soit la recherche de maxima et de minima autour d’un point spécifié (commandes FindMinimum et FindMaximum : ces commandes sont nouvelles et n’existent que dans la version 5 de Mathematica).

Recherche globale d’optima sans contraintes (voir annexe 1 du chapitre 2 pour les rappels mathématiques) :NMinimize[f, {x,y, …}]NMaximize[f, {x,y, …}]

Recherche globale d’optima avec contraintes :NMinimize[{f, inégalités},{x,y, …}]NMaximize[{f, inégalités},{x,y, …}]

Recherche locale d’optima à partir du point de coordonnées x0, y0, … :FindMinimum[f, { x, x0},{ y, y0},…]FindMaximum[f, { x, x0},{ y, y0},…]

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Quelques références bibliographiques

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Manuels :David Romer, Macroéconomie approfondie, Ediscience, 1997. Ce cours correspond aux trois premiers chapitres de ce manuel. P.Aghion, P.Howitt, Théorie de la croissance endogène, Dunod, 2000.K.Schubert, Macroéconomie, partie 2 : les théories de la croissance, 2ème éd., Vuibert, 2000.P. Darreau, Croissance et politique économique, De Boeck, 2003.R.J.Barro, X. Sala-i-Martin, La Croissance économique, Mc Graw Hill, 1996.

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