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RÉVOLUTION ou GUERRE #10 Revue du Groupe International de la Gauche Communiste (GIGC) Semestriel – Septembre 2018 Sommaire Le surgissement de nouvelles forces communistes et le combat pour le parti international Situation internationale Bilan de la défaite de la lutte des cheminots du printemps 2018 en France Tract du 28 mars 2018 pour la généralisation et l’unification des luttes Communiqué du 10 mai 2018 suite au retrait américain des accords de Paris Le marxisme et la question nationale Correspondance Quel rapport entre le parti international et ses organisations locales ? Débat au sein du camp prolétarien Qu’est-ce que le parti ? (Nuevo Curso) Sur la future Internationale (TCI) Nos commentaires et observations sur le texte de la TCI Histoire du mouvement ouvrier Rosa Luxemburg et le féminisme (Nuevo Curso) E-mail : [email protected], site web : www.igcl.org 4 dollars/3 euros

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RÉVOLUTION ou GUERRE#10

Revue du Groupe International de la Gauche Communiste (GIGC)

Semestriel – Septembre 2018

Sommaire

Le surgissement de nouvelles forces communistes et le combat pour le parti international

Situation internationaleBilan de la défaite de la lutte des cheminots du printemps 2018 en France

Tract du 28 mars 2018 pour la généralisation et l’unification des luttes

Communiqué du 10 mai 2018 suite au retrait américain des accords de Paris

Le marxisme et la question nationale

CorrespondanceQuel rapport entre le parti international et ses organisations locales ?

Débat au sein du camp prolétarienQu’est-ce que le parti ? (Nuevo Curso)

Sur la future Internationale (TCI)

Nos commentaires et observations sur le texte de la TCI

Histoire du mouvement ouvrierRosa Luxemburg et le féminisme (Nuevo Curso)

E-mail : [email protected], site web : www.igcl.org

4 dollars/3 euros

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Sommaire

Le surgissement de nouvelles forces communistes et le combat pour le parti international........1

Situation internationale Bilan de la lutte des cheminots du printemps 2018 en France ................................................................3

Tract du 28 mars 2018 pour la généralisation et l’unification de la lutte ouvrière .........................6

Communiqué du 10 mai 2018 suite au retrait américain des accords de Paris .................................8

Le marxisme et la question nationale ................................................................................................................9

Correspondance

Quel rapport entre le parti international et ses organisations locales ? ............................................13

Débat dans le camp prolétarien

Qu’est-ce que le parti (Nuevo Curso)..................................................................................................................16

La future Internationale (Tendance Communiste Internationaliste) ...................................................20

Commentaires et observations sur le texte de la TCI ................................................................................25

Histoire du mouvement ouvrier

Rosa Luxemburg et le féminisme (Nuevo Curso) ........................................................................................28

Appel à souscription

Nous remercions les lecteurs qui comprennent et soutiennent notre activité sous diverses formes :contributions écrites, matérielles ou financières. La publication, l'impression et l'envoi de notrerevue représentent un effort financier important compte tenu des faibles ressources dont nousdisposons. L'évolution de la situation vers des affrontements de classes décisifs, l'ensemble desactivités de notre organisation (intervention dans la classe, travail de regroupement...), tout celaexige, entre autres, un effort financier important de notre part. Nous appelons tous nos lecteursintéressés par notre travail et les analyses que nous défendons à nous apporter leur soutienfinancier sous forme de souscription ainsi qu'à faire connaître notre revue autour d'eux.

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Révolution ou Guerre # 10 – Groupe International de la Gauche Communiste (www.igcl.org)

Le surgissement de nouvelles forces communisteset le combat pour le parti international

Quoiqu'on puisse en penser à première vue d'un point devue statique et non historique, l'existence et ledéveloppement de ce que nous appelons le Campprolétarien international, est un élément matériel detoute situation historique. Les groupes se revendiquantde la Gauche communiste qui en constituent laprincipale composante, sont à la fois le produit de cettesituation et un facteur actif de son développement entant qu'expressions les plus hautes de la conscience declasse prolétarienne. Cela apparaît évident durant lesquelques rares périodes révolutionnaires lorsque le partirévolutionnaire, voire les partis révolutionnaires,influence et dirige la lutte prolétarienne. Mais c'est aussivrai lors des périodes où le prolétariat n'est pasmassivement en lutte, voire en période de pleine contre-révolution, et que les révolutionnaires sont dispersés,divisés, réduits à de tout petits groupes ou cercles sansinfluence directe et immédiate dans la classerévolutionnaire. C'est tout aussi vrai aujourd'hui alorsque le capitalisme, pris par la crise et ses proprescontradictions, impose misère et sacrifices croissants etcherche à entraîner l'humanité dans la guerreimpérialiste et que les prolétaires, dans leur grandemasse, ne savent pas comment s'y opposer et mêmehésitent bien trop souvent encore à le faire.La réalité, l'action, les forces et faiblesses des groupescommunistes, du parti en devenir, sont une donnéeessentielle pour comprendre l'état du monde capitalisteet le cours de la lutte des classes. Voilà pourquoi ilimporte de relever, de saluer et de soutenir l'émergenceen cours actuellement de nouveaux groupes politiquesse revendiquant de la Gauche communiste,particulièrement aux États-Unis et en Espagne. L’apportde nouvelles énergies, de sang neuf, est à saluer dansdeux mesures. Premièrement, avec la crise de 2008 et lamontée de la lutte de classe en Grèce et en Espagne parexemple, on aurait pu penser à un développementconcomitant des groupes de la Gauche communiste,développement, il faut le préciser, en termesd’intervention et d’influence, non pas en termenumérique. Or, c’est plutôt l’inverse qui se produisit :déliquescence du Courant Communiste International,idéologie défaitiste comme quoi la Gauche communisteaurait fait faillite ayant le vent en poupe (dont la revueControverses reste l’expression la plus achevée), etc.Dans un deuxième temps, la génération de militants desannées 1960-70, génération qui a formé la base de laplupart des groupes historiques1 de la Gauchecommuniste, est décimée par le fait que de nombreuxmilitants se sont éteints, le reste étant frappé par ladémoralisation politique. Bref, la mise sur pied denouveaux groupes autour de la revue Intransigence

1 . Pour simplifier, le Parti Communiste International(communément appelé "bordiguiste"), la Tendance CommunisteInternationale et le Courant Communiste International.

(https://intransigence.org/)2 et la création de groupesautour de Nuevo Curso (https://nuevocurso.org/)comme la Liga Emancipación(http://emancipacion.info/) est à saluer fraternellement.Cette dynamique fait partie du travail constant desmilitants communistes pour le regroupement desrévolutionnaires en parti de classe.

Se réapproprier l'expérience de la Gauche communiste internationaleLa tâche la plus difficile pour les nouveaux groupescommunistes est la réappropriation du programmecommuniste. Il faut voir la réalité en face. Entre lapériode actuelle et la Révolution d’Octobre de 1917, il ya eu une rupture politique marquée par la plus sombredes contre-révolutions. Seuls quelques petits noyauxcommunistes ont été en mesure de se maintenir assurantainsi une certaine continuité politique etprogrammatique jusqu’à aujourd’hui. Les jeunesgénérations doivent donc se baser sur cet héritage afind’éviter de tomber dans l’écueil du modernisme, c’est-à-dire l’idéologie nihiliste qui prétend que tout a failli, ycompris donc le marxisme, sauf sa propre nouvelle“théorie”. S’il est trop tôt pour se prononcerprofondément sur le groupe Emancipación (Espagne)qui s’est encore peu exprimé, la revue Intransigence #2(USA) fait belle place aux textes historiques de laGauche communiste. En effet, y sont publiés un texte deGrandizo Munis3 et un autre de la Fraction de Gauchedu Parti Communiste d’Italie. Et c’est très bien.D’ailleurs, les positions de base de la revueIntransigence sont des positions typiques de la Gauchecommuniste. Bien qu’elles soient trop sommaires, parexemple il n’est fait aucune mention du principe dedictature du prolétariat et de la destruction de l’Étatbourgeois, elles expriment tant bien que mal ce quenous appelons les “frontières de classe”, c’est-à-dire lespositions résultantes des plus hautes expériencespolitiques du mouvement révolutionnaire. Cependant,ces positions doivent être des critères discriminantssinon elles ne sont qu’un vœu pieux. Par exemple,l’article publié du groupe Kontra Klasa de Croatie sur lapériode de transition est complètement opposé auxpositions de base affichées par la revue. En effet, celui-

2 . Workers Offensive (workersoffensive.org) que nous avionssalué dans le numéro précédent de cette revue, le Gulf CoastCommunist Fraction(gulfcoastcommunistfraction.wordpress.com/) sur lequel nousprendrons position dans la prochaine revue, le groupe américainde la TCI, l’IWG et un nouveau groupe canadien, proche de laTCI semble-t-il, le Klasbatalo Collective.

3 . Il semble y avoir un regain d’intérêt dans le milieurévolutionnaire pour Grandizo Munis et son courant politique, leFomento Obrero Revolucionario, qui n’a malheureusement plusd’expression formelle. Bien que nous ne nous revendiquons pas“directement” de ce courant, celui-ci se place du point de vuehistorique résolument au sein de la Gauche communiste.

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ci sympathise avec la théorie de la communisation4 etdans l’esprit conseilliste le plus pur, l’article complet neparle de la transition entre capitalisme et communismeque du point de vue économique sans parler de laquestion centrale du pouvoir politique! Or, cette théorieopportuniste, la communisation, est à combattre sansrelâche. Ce qui nous amène à poser la question duregroupement. Oui, il faut se regrouper, mais selonquelle méthode ? Le regroupement ne sera jamaisl’addition harmonieuse des différents courants outendances du milieu révolutionnaire. C’est là uneconception démocratique du regroupement. Aucontraire, le regroupement se fera au travers d'unprocessus, qui d’ailleurs se déroule déjà sous nos yeuxde manière embryonnaire, de confrontation politique.Par confrontation politique, nous voulons dire la luttepolitique qui se trame dans le milieu révolutionnaireentre la gauche marxiste et la droite opportuniste. Cettedémarcation, qui est toujours dynamique et changeante,transcende d’ailleurs les organisations formelles. Il n’ypas d’autres voies vers la constitution du parti.C’est probablement ici la faiblesse principale de larevue #2 d’Intransigence : il n’y aucune prise deposition, ni débat ou confrontation politique, desdifférents textes publiés. Pourtant quatre groupesdifférents y participent. On peut logiquement penserqu’ils n’ont pas tous les mêmes positions sur tous lesaspects de la lutte de classes. Pourquoi ne pas utiliser larevue comme un outil pour débattre et discuter pourainsi entamer un processus véritable d’homogénéisationautour d’un courant ou d’un autre de la Gauche ? Leregroupement n’est pas comme un centre commercialoù chacun ouvre sa petite boutique pour y vendre sapetite marchandise.

Les groupes communistes : expressions d'unprolétariat local ou bien expressions du prolétariatinternational ? De même, le regroupement des révolutionnaires doit sefaire directement sur le terrain international selon leprincipe centraliste de l’internationalisme. Noustrouvons donc réducteur qu’Intransigence se placeformellement que sur le terrain nord-américain. Larevue a “spontanément” un caractère international dansla mesure où un groupe croate y participe, mettant ainsien contradiction la prétention du regroupementseulement en sol américain. Cette question nous paraîtêtre une des difficultés principales auxquelles setrouvent confrontés les nouveaux groupes. Est-ce queles groupes communistes, y compris ceux d'aujourd'hui,et le parti doivent considérer et aborder les situations etles problèmes, généraux et particuliers, à partir du localou à partir de l'international ?Qu'ils soient d'entrée un groupe avec une existencematérielle physique internationale, dans plusieurs pays

4 . Théorie ultra-gauche qui prône le passage directe ducapitalisme au communisme, évitant ainsi de parler de laquestion essentielle du pouvoir et de l’État, bref, une versionmoderne et académique de l’anarchisme.

et continents, ou seulement dans une seule ville isolée,ne change pas la problématique politique et la démarcheavec laquelle les communistes doivent aborder leproblème. Pour répondre à cette question qui touche à ladimension espace, il faut adopter la même méthode quepour la dimension temps : un groupe communiste, afortiori le parti, doit considérer les situations et lesproblèmes qui se présentent non pas à partir du point devue immédiat mais historique, c'est-à-dire à partir dudevenir révolutionnaire et communiste du prolétariatinternational. Il doit aussi aborder et considérer sonactivité et son intervention tout comme les situations àpartir du point de vue international. Les références et lesappels à l'internationalisme, certes indispensables, nesuffisent pas et ne restent que des vœux pieux, desabstractions, s'ils ne sont pas alimentés par la vision etune démarche internationale permanente et par laperspective historique de l'insurrection prolétarienne etde la dictature du prolétariat. Ces considérations ont desimplications politiques concrètes de tout ordre, ycompris dans l'intervention dans les luttes ouvrièresimmédiates et locales.De même, les groupes communistes et le partis'adressent toujours au prolétariat international mêmelorsqu'ils interviennent dans une lutte spécifique etlocale avec des orientations et des mots d'ordreparticuliers. Parce qu'armés du programme communiste,et donc ayant en permanence en considération lecaractère historique et international de la lutteprolétarienne, ils sont les plus capables, et souvent lesseuls, pour précisément pouvoir avancer les orientationset les mots d'ordre les plus efficaces selon les momentset les limites de chaque lutte ouvrière, "de la plus petiteà la plus grande". Ainsi, tout groupe communiste doitimmédiatement se considérer comme une expression duprolétariat international quels que soient les endroits, leslieux, d'où ses membres surgissent et où il peutintervenir directement et physiquement – avecévidemment une responsabilité particulière dans cesendroits. Tout nouveau groupe doit "tendre" – ce n'estpas un "absolu" que l'on peut décréter mais unprocessus d'homogénéité et d'unité politiques autour duprogramme communiste pour lequel il convient de lutter– à se former et agir comme un groupe internationalcentralisé. Encore une fois, il ne s'agit pas là de puresabstractions, ni même de "préférences" en soi d'ordreéthique ou encore de dogmes qui se limiteraient au seulterrain de la forme organisationnelle à adopter, mais duchoix de la démarche politique générale et de laméthode d'analyse et d'intervention à utiliser etdévelopper en chaque moment et... lieu, voire de terrainou sujet de lutte, où l'on peut intervenir. Y compris doncdans le combat pour le parti et sa construction.

Robin, Septembre 2018

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Situation internationale

Rapide bilan de la défaite des cheminots du printemps 2018 en France : L’unité syndicale n’est pas l’unité de la classe ouvrière mais sa division et sa dispersion

Nous publions ci-après le tract que nous avons diffusé àpartir du 28 mars 2018 dans les manifestations etassemblées ouvrières auxquelles nous avons puparticiper et intervenir5 lors des mobilisations ouvrièresde février, mars et avril 2018 en France et dontl’épicentre a été la lutte des cheminots contre la"réforme de la SNCF" menée par le gouvernement deMacron. Notre tract appelle à ce moment-là lesprolétaires à affronter ouvertement, directement etcollectivement la tactique des journées d’action et desgrèves tournantes, c’est-à-dire le sabotage syndical,pour pouvoir étendre et généraliser les luttes alorsmême que différentes entreprises d’importance sont enconflit, voire en grève : Air France, les magasinsCarrefour, les hôpitaux et particulier les maisons deretraite (EPHAD), l’usine FORD de Bordeaux, lafonction publique... L'idée en est alors répandue parmide nombreux travailleurs et la perspective d'une luttemassive et unie de différents secteurs est une réalité, unenjeu du moment, une possibilité réelle même si réduite,que les syndicats, les médias et même Macron lui-même"qui n'y croit pas ", dit-il dans un interview, sontcontraints de reprendre pour la travestir en"convergence des luttes" et la vider ainsi de toutcontenu prolétarien. L'extension qui, courant mars,passait par la grève ouverte et reconductible à la SNCF(y compris si elle n'était assumée que par une minoritéde dépôts et de gares), était l’unique moyen pour donnerconfiance et engager le plus grand nombre possible deprolétaires, cheminots compris, et de nombreux autressecteurs dans le combat commun. Et, ainsi, pourimposer à l’État le seul terrain qu’il craint et qui auraitpu au final le faire reculer : celui de l’extension "sanscontrôle", c'est-à-dire sans contrôle syndical, du combatde classe, c'est-à-dire d'une dynamique de grève demasse.

La passivité politique des cheminots les livre au sabotage syndicalAfin d'être la plus efficace possible, notre interventionessaie aussi de prendre en compte une autre réalité quiaffaiblit grandement la perspective d'extension : le faitqu’à l’annonce brutale et soudaine de l’attaque le 19février avec la publication du rapport Spinetta qui estparticulièrement provocateur vis-à-vis des cheminots,ceux-ci restent passifs et laissent "faire les syndicats"…

5 . La faiblesse numérique de nos capacités d’intervention limiteinévitablement l’impact "immédiat" de notre intervention sur desluttes d’ampleur, ici d’ampleur nationale. Il n’en reste pas moinsque nous sommes convaincus que l’expression et la diffusion,aussi réduite soit-elle, d’orientations politiques pour la lutteparticipent de ces luttes en en constituant une force matérielle,parmi d'autres, à la condition de correspondre aux enjeux et auxnécessités immédiates.

qui sont déjà en train de discuter avec le gouvernement.Cette situation va durer jusqu’à la journée d’action du22 mars où sont organisées deux manifestationsdifférentes à Paris du fait de la grève dans la fonctionpublique. Les syndicats SNCF, CGT en tête, n’appellentpas à la grève "laissant les individus décider" de leurparticipation à la manifestation parisienne6. Ils s’évitentainsi la tenue d’assemblées générales qui auraient pu lesmettre en difficulté. C’est durant cette période quel’extrême gauche et le syndicat SUD ne cessent depousser la CGT, le principal syndicat, à organiser lagrève sinon, selon eux, « la défaite sera inévitable»7

rabattant et enfermant ainsi les cheminots les pluscombatifs sur le terrain de l'unité syndicale "qu'il fautpréserver". Alors même que c'est avec la CGT, opposéeà la grève immédiate, que la défaite est inévitable ! Le15 mars, à la stupéfaction du plus grand nombre,l’intersyndicale mise en place au nom de l'unitésyndicale et sur l'autel de laquelle SUD poussera lescheminots les plus combatifs à renoncer au combat pourl'extension et l'unité ouvrière, n’appelle pas à une grèvereconductible mais à une série de grèves tournantes surplusieurs mois. Durant toute cette période, au moinsjusqu'aux 3 et 4 avril (date des deux premières grèvestournantes), en laissant à l'intersyndicale l’initiative et lamaîtrise des décisions, les cheminots passifs se sontlivrés mains et poing liés à leur ennemi de classe. Ils luiont laissé le temps d’organiser et d’imposer le terrain,les conditions et le moment de "l’affrontement", alorsmême que d’autres fractions du prolétariat, plus faibleset moins centrales, mais certaines déjà en lutte ouverte,étaient dans l’attente et l’espoir d’un foyer central delutte autour duquel elles auraient pu rompre leursentiment d'isolement et pu s’engager.

Notre intervention par tract est en retardPour notre part, nous sommes aussi en retard. Notretract aurait dû être réalisé plus tôt – au moins pour lajournée du 22 mars. Certes, quand nous le publions etcommençons à le diffuser le 28 mars, il est encore

6 . Seuls sont déposés des préavis de grève afin de permettre auxindividus cheminots de décider seul de leur participation à lamanifestation grâce à la grève légale. Par ailleurs, ce jour-là,deux manifestations sont donc censées se rejoindre à la Bastille.Les syndicats veulent éviter à tout prix toute expression, aussilimitée et faible eut-elle pu être à ce moment, d’extension et delutte générale de tous les secteurs. Les deux manifestations ne serejoindront pas finalement place de la Bastille en fin d'après-midi "grâce" aux... black blocs qui, en tête du cortège cheminot,cherchent l’affrontement avec la police pourtant bien discrète cejour-là et bloquent la manifestation à maintes reprises, enparticulier boulevard Beaumarchais.

7 . Le groupe trotskiste Révolution permanente cité par le blogMatière et révolution. Pour un historique plus détaillé dumouvement de 2018, le lecteur peut se référer à l'article du blog :https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4926.

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possible que les orientations de classe que nous mettonsen avant soit reprises par les cheminots, voire pard’autres secteurs : l'extension et l'ouverture d'unedynamique vers une lutte unie restent une possibilité.Mais celle-ci s’amenuise de jour en jour jusqu’àdisparaître définitivement au lendemain des premièresgrèves tournantes, les 3 et 4 avril : l’absenced’assemblée reconduisant la grève en opposition auxmots d’ordre syndicaux signe l’incapacité descheminots à rompre avec la dynamique imposée parl’intersyndicale et l’ensemble des forces de l’État. Selonnous, à partir de ce moment, les prolétaires ontabandonné toute possibilité de disputer, ne serait-cequ’à minima, l’initiative à la bourgeoisie. Elle pourraainsi amener les cheminots à l’épuisement jusqu’auxdernières journées de grève de juillet et imposer unéchec supplémentaire, après "la loi travail" de 2016 (cf.le bilan que nous en faisions dans Révolution ou Guerre#68) et celui de l’automne 2017 (la "réforme" du contratde travail menée, déjà, par Macron).

Après le 4 avril, l'impasse et la défaite assuréeAprès les 3 et 4 avril9, seul un fait "contingent" ouextérieur aux événements eux-mêmes – peu probable en cetteoccasion – aurait pu briser cettedynamique d’enfermement etd’isolement : par exemple,l’explosion d’un conflit dans unautre secteur – comme autour del'usine FORD à Bordeaux –,voire une bavure policière. Iln’en fut rien : l’État prit biengarde à ce que sa police contrôleles manifestations et lesaffrontements avec les blackblocs, ou lors des évacuationspolicières des universitésoccupées, sans qu’il n'y ait devictimes significatives ; commelors des affrontements violentsdu 1er mai à Paris sur le pontd’Austerlitz. Politiquement, iltenta et réussit sans difficulté àoccuper tout l’espace "social"afin de contrer toute éventualitéde conflit nouveau : suite au 1er

mai, les anciens de Nuit deboutde 2016 se réveillèrent pourappeler "à faire la fête àMacron" le 5 mai dans unemanifestation à Paris. Ils y furent rejoints par leurs

8 . http://www.igcl.org/Reflexions-et-bilan-sur-la-lutte.9 . Ne pouvant publier la version anglaise du tract que nous

entendions faire connaître aux lecteurs "non français" que le 10avril, nous avons accompagné sa publication sur notre site webd’une courte actualisation, uniquement en anglais, qui essayaitde prendre en compte l’impuissance ouvrière à remettre en causela grève tournante après les journées du 3 et 4 avril auquel lelecteur peut se référer: http://igcl.org/For-an-Efficient-and-Powerful.

acolytes de la France Insoumise de Mélenchon. Demême que le syndicat SUD, organisant des "assembléesinter-gares" prit bien soin de maintenir enfermés lesplus combatifs des cheminots dans l’impasse de la grèvesans issue et de veiller à ce que tous restent sur le terrainsyndicaliste, de l’intersyndicale et de l’unité syndicale :« nous appelons l’ensemble des fédérations [syndicales]cheminotes à durcir la grève et proposer lareconduction du mouvement dès le 24 Mai par périodede 24h décidée dans les AG » (motion adoptée parl’assemblée intergares parisiennes le 14 mai10).Pour notre part, après les 3 et 4 avril, conscients que lafenêtre donnant sur une extension se ferme sans doutedéfinitivement, nous pensons que les orientationsd'action de notre tract "d'agitation" ne sont plus adaptées– même si nous pouvons encore le diffuser d'un point devue "propagandiste". Nous cherchons l’émergence deminorités de travailleurs en rupture avec la dynamiquedu mouvement imposée par les syndicats et désireux dela combattre sous une forme qui ne peut qu'êtrecollective et minoritaire, de type comité de lutte ouassemblée "interprofessionnelle". À notre connaissance,

il n'en est apparue aucunesinon… celles, formelles,mises en place par lestrotskistes dans lesuniversités entre étudiants etles syndicalistes de SUD quidéboucha sur l'Intergaresdont l'objet était de rabattretoute volonté combative surle terrain syndicaliste. Sinotre prévision selonlaquelle toute dynamiqued'extension s'est éteinte aulendemain des 3 et 4 avrils'est vérifiée, il est clairqu'au moment oùl’Intergares appelle à «durcir la grève », la CGT etSUD n'essaient plus alorsqu'à entraîner le maximumde cheminots restéscombatifs dans la défaite,l'épuisement, l’écœurementet le découragement les plusprofonds. Aurions-nous eudes forces numériques unpeu plus conséquentes quenous aurions certainement

produit un deuxième tract tirant les leçons dumouvement et avertissant contre le jusqu'au-boutismede la CGT et de SUD dans les grèves tournantes – aufinal, il y eut 36 jours de grève11 – afin précisément de

10 . http://www.revolutionpermanente.fr/En-inter-gares-les-cheminots-appellent-les-federations-a-durcir-la-greve.

11 . Bien sûr, les militants communistes qui auraient pu êtrecheminots auraient continué la grève, en déclinant et adaptantl’intervention du groupe politique comme un tout selon lesmoments et les lieux, jusqu’à ce que la grève se termine sur leurlieu de travail. C’est évident mais cela va mieux en le disant vu

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"Jusqu’au-boutisme" et sabotage gauchistes

« Mais pour gagner, les cheminots vont devoirdurcir le mouvement et ça ils en ont bienconscience ». "Durcir" le mouvement ? Dénonceret s’affronter à la tactique syndicale de grèveperlée ? Non… plus "radical" encore : changer lecalendrier des jours de grève ! « La rencontreintergares a voté comme dans plusieurs AG,dont Paris Nord, de décaler les jours de grèveperlée du week-end du 2 et 3 juin au 4 et 5 » !(le site trotskiste de Révolution permanente,tendance du NPA, 29/5/2018).

AG de Paris-Nord(photo de Révolution permanente)

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limiter autant que faire se pouvait l'ampleur de l'échecen favorisant le partage des leçons de cet épisode delutte avec le plus grand nombre.Finalement, le 14 juin, la loi est adoptée au Parlement etles grèves tournantes, avec de moins en moins departicipants, continuèrent jusqu’à juillet dans…l’indifférence générale croissante et avec des cheminotsisolés, divisés entre grévistes et non grévistes, épuisés,désespérés et asphyxiés par les retenues sur salaire dufait des 36 jours de grève.

Macron et la fin du fétiche des grèves générales de 1968 et 1995La bourgeoisie française vient de remporter une série devictoires importantes contre le prolétariat en France tantau plan de son exploitation économique qu’au planpolitique depuis le printemps 2016 et la "loi travail ElKhomri"12. Il est possible – nous livrons ces élémentspour réflexion – que la défaite des cheminots marque lafin d’une particularité de la lutte ouvrière en France. Labourgeoisie européenne, intéressée à l'élimination detout mauvais exemple prolétarien, ne s’y trompe pas.Dès le 24 avril, le journal espagnol de droite El Mundotitrait que « Macron veut enterrer mai 68 et l’automne95 » en relevant qu’en France, « reste le mythe de larévolution dans la rue. Mais cela, Macron val’enterrer ». Outre une relative "mise à niveau" du prixde la force de travail, c'est-à-dire de l'exploitation desprolétaires, au niveau des principaux rivaux européens,la bourgeoisie française vient donc ainsi de remporterune victoire politique contre le prolétariat13. Sans doutela tactique des journées d’action syndicale menéesystématiquement depuis 2003, et basée précisément surla mystification des grèves générales de 1968 et 1995,en particulier présentées comme ayant résulté de l'unitésyndicale, est-elle maintenant usée jusqu’à la corde – neserait-ce que parce qu'elle n'a débouché que sur desreculs et des échecs cuisants malgré des mobilisationsmassives successives depuis 2003 comptant parfoisjusqu'à des millions de manifestants et de grévistes. Enoutre, les formes modernes de la production capitalisteont liquidé la plupart des grandes usines ou secteurs, surlequel se fonde le fétiche gauchiste et anarchiste de lagrève générale, au bénéfice de petites unités deproduction dans lesquelles le "management" estomniprésent tant au plan idéologique que politique –interdisant les assemblées, voire y intervenantdirectement s'il ne peut les empêcher. Du coup, touteinitiative de lutte ou de grève s'en retrouve beaucoup

certaines confusions d'ordre petite-bourgeoises (un "sauve-qui-peut" individualiste face à la défaite à venir), qui peuventcirculer dans les rangs de certains cercles ou groupes de laGauche communiste, comme par exemple le CCI en certainesoccasions.

12 . cf. Révolution ou guerre #6.13 . En lien avec le fétiche de la grève générale, de 68 et de 95,

dans l'imaginaire collective – qui peut aussi représenter uneforce matérielle dans la lutte des classes –, entretenu à desseinpar les syndicats et les médias, les cheminots avaient pris laplace de la forteresse ouvrière de l'usine Renault Billancourtdans la proche banlieue parisienne fermée en 1992. "QuandBillancourt éternue, la France s'enrhume" était-il dit…

plus difficile. Mais de manière contradictoire, du faitmême de ces conditions "modernes" d'exploitation dutravail, la nécessité de l'extension immédiate au-delà del'entreprise et en grande partie sur une basegéographique – et non corporatiste – n'en devient queplus aiguë et vitale ; et cela contrairement aux grandesusines d'antan ou de secteurs vitaux comme lescheminots qui pouvaient croire, à tort, qu'à eux-seuls, ilspouvaient faire plier la direction et le gouvernement.Cette mystification corporatiste portée et alimentée parles syndicats ne peut que perdre de sa puissance aussidu fait des conditions modernes de l'exploitationcapitaliste.Le prolétariat en France vient donc de subir plusieurséchecs politiques et reculs de ses conditions de travail etde vie. Pour autant, nous ne pensons pas que ces échecsreprésentent une quelconque défaite "historique" auniveau français ; et encore moins au niveauinternational. Selon nous, et sans pouvoir développerici, ces reculs significatifs ne représentent pas unevéritable rupture dans le développement de la lutte desclasses internationale affaiblissant de manièresignificative le prolétariat mondial. La lutte des classesen France, sous l’impulsion de la bourgeoisie et toutparticulièrement du gouvernement Macron qui a déjàannoncé une énième réforme des retraites à venir, nepeut que s’accentuer tout comme dans tous les autrespays du fait de la crise du capital et de ses poussées à laguerre impérialiste généralisée.Pour les prolétaires et les communistes, tant ledéroulement et l’impuissance de la lutte des cheminotsque les implications politiques plus larges que nouspouvons entrevoir suite aux derniers épisodes de luttesen France, soulignent combien les hésitations, voire lapassivité, des prolétaires face aux combat politiques quela classe ennemie leur impose dans les luttes, dans lesgrèves, dans les assemblées, voire pour tenir desassemblées, sont lourdes de conséquences. Les uns etles autres ne peuvent faire l’économie de se confronter àtoutes les forces politiques, particulièrement de gauche,syndicales, politiques, médiatiques, policières, etc. del’appareil d’État bourgeois. Et en premier lieu auxsyndicats dans les luttes immédiates. La lutte de classeprolétarienne "économique", parce qu’elle s’affronteinévitablement à l’État quels que soient le niveau et ledegré du combat et parce qu'elle porte en elle laperspective révolutionnaire de l'insurrection ouvrière etde la dictature du prolétariat, est une lutteessentiellement politique. Voilà pourquoi notre tract setermine par un appel au regroupement et l'organisationdes prolétaires et des révolutionnaires. Voilà pourquoiaussi, nous considérons que l'indifférentisme politiquequ'il soit d'ordre économiste, anarchiste – y comprisradical de type black bloc – ou encore d'ordreconseilliste, est à combattre résolument tant par lesouvriers en prenant directement en main le combatpolitique dans leur lutte que par les groupescommunistes dans leur intervention générale.

RL, juillet 2018

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Tract du GIGC (28 mars 2018)

Grève à la SNCF, luttes et conflits dans tous les secteurs, manifestations des étudiantset des retraités

Pour une riposte prolétaire efficace et puissante, généralisation et unification dela lutte contre le capitalisme français !

Après la manifestation du 22 mars, les cheminots seront en grève tournante à partir du mardi 3 avril. Ils feront grèvetous les 5 jours et le planning est déjà établi jusqu'en… juin. Une fois de plus, la tactique syndicale des journéesd'action qui a systématiquement mené à la déroute en 2003, en 2007, 2010 et 2016, est resservie avec la variante queles travailleurs feront une grève tournante ! Si ce scénario et ce planning ne sont pas remis en cause par lesassemblées générales et par les grévistes, non seulement les cheminots vont à la défaite mais, en plus, les autres luttesou foyers de conflits sociaux ne pourront se reconnaître et s'unir autour des premiers pour imposer un véritablerapport de force au gouvernement et au capital français. Pourtant le mécontentement ouvrier s'exprime un peupartout : dans la santé, les services publics, Air France, mais aussi dans le privé, les menaces de licenciements à Fordet dans de nombreuses autres entreprises de par le pays, ou encore parmi les retraités et les étudiants de faculté – biensouvent enfants de prolétaires et futurs prolétaires pour la plupart. Avec les journées d'action syndicales, toutes cesluttes resteront isolées et seront alors à leur tour défaites. Alors que leur extension et unification serait le meilleurmoyen de faire reculer le gouvernement et l'État sur toutes ces attaques.

Toute la classe ouvrière est attaquée

Il est clair pour tout le monde que l'attaque contre les cheminots est une attaque, économique et politique, contre tousles travailleurs de ce pays. Après les attaques de 2016 contre les contrats de travail, la bourgeoisie française vise biensûr à imposer de nouveaux sacrifices aux cheminots eux-mêmes et poursuivre son offensive contre toute la classeouvrière.Au fil du temps et des luttes, les cheminots nous ont été présentés comme le dernier bastion de la classe ouvrièrerésistant en France. À tort ou à raison, le mythe est là et le gouvernement Macron et, derrière lui, tout l'appareil del'État capitaliste français, veut l'abattre. La bourgeoisie française veut aussi ranger définitivement le souvenir desgrandes grèves, 1995 ou encore 1968, et la menace qu'elles représentent pour elle, dans le tiroir de l'histoire passée.L'heure n'est plus aux hésitations face au prolétariat si le capital français veut rattraper son “ retard ” sur sesconcurrents :« La France n'aura aucune capacité motrice si elle ne porte pas un discours clair et un regard lucide sur le monde.Mais elle ne ne l'aura pas non plus si elle ne renforce pas son économie et sa société. C'est pourquoi j'ai demandé augouvernement d'enclencher les réformes fondamentales qui sont indispensables pour la France. Notre crédibilité,notre efficacité, notre force sont en jeu. Mais la force de quelques-uns ne peut se nourrir longtemps de la faiblessedes autres. L'Allemagne qui s'est reformée il y a une quinzaine d'années, constate aujourd'hui que cette situationn'est pas viable. Mon souhait est donc que nous puissions construire une force commune » (Emmanuel Macron,interview à des journaux européens du 21 juin 2017).Le discours est clair. Il faut abaisser encore plus les conditions de vie et de travail – ce qu'ils appellent les réformes –du prolétariat pour que le capitalisme français puisse jouer un rôle sur l'arène impérialiste mondiale et guerrière aucôté de l'Allemagne et face aux grands rivaux américain, chinois et russe. Non seulement le prolétariat doit payerpour la crise économique du capitalisme mais aussi, et de plus en plus, pour la guerre impérialiste à laquelle lapremière, la crise, mène inexorablement. Or il est le seul à pouvoir s'opposer à cette dynamique infernale… enrefusant les sacrifices par la lutte et en offrant une autre perspective historique et révolutionnaire, celle d'une sociétécommuniste sans misère et sans guerre – et dont il convient de rappeler que le stalinisme fut en URSS et dans lemonde le principal et sanglant fossoyeur.

S'opposer par la grève et l'extension à l'enfermement et l'isolement syndical

La tactique que les syndicats ont mis en place isole d'avance le combat des travailleurs de la SNCF dans lacorporation et dans un planning de journées de grève qui ne peut que les enfermer encore plus dans une grève sansautre perspective que de la faire durer “jusqu'au bout ”… ce qui, très rapidement, provoquera la division au seinmême des grévistes entre ceux qui voudront et pourront faire grève et ceux qui ne le pourront pas, ou moins, et qui sedécourageront.La tactique syndicale des journées d'action est à rejeter. Elle impose des revendications et des combats corporatisteset isolés. Pire même, en imposant les préavis légaux pour faire grève et en n'appelant plus aux assemblées généralesdans bien des dépôts SNCF - sur ce point DRH, “ management ” et syndicats œuvrent de concert dans toutes lesentreprises –, les journées d'action syndicales font de la grève une décision purement individuelle et non collective ce

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qui affaiblit d'autant la volonté de combat et le sentiment de solidarité ouvrière, chaque ouvrier étant renvoyé à saconscience ou volonté “ individuelle ”, y compris maintenant à la SNCF en faisant une déclaration individuellepréalable.

Que faire face à l'impasse syndicale ?

Comment déborder les mots d'ordre syndicaux ? Lors de la grève à la SNCF de décembre 1986-janvier 1987, et alorsque la CGT avait mis en place des piquets de… travail pour empêcher le déclenchement de la grève le vendredi 19décembre 1986, les cheminots avaient imposé leur assemblées générales (AG) et s'étaient mis en grève contre laCGT et les autres syndicats. C'est cette voie-là qu'il faut reprendre. Imposer les AG pour décider de la grève mêmesi les syndicats s'y refusent, en est le moyen. Reconduire la grève dans les dépôts SNCF et dans les assembléesaprès le 3 avril en est certainement un premier pas.Mais s'il est nécessaire, il est aussi insuffisant. L'objet de la grève ne doit pas être en soi le simple blocage del'économie – le capital sait s'organiser pour y faire face et contourner les points de blocages – mais l'extension decelle-ci aux autres secteurs et entreprises. Pour cela, il convient d'avancer des revendications les plus unitairespossibles que les autres travailleurs puissent reprendre pour leur propre compte.Quelques propositions parmi d'autres (et à discuter, voire à décliner, selon les situations locales particulières) : lestravailleurs de la société de nettoyage des gares ONET sont en grève. Il faut avancer qu'ils aient les mêmesconditions de travail et de salaire que les cheminots – voire, selon la force de la grève, exiger la fin des sous-traitantset leur embauche par la SNCF. Face aux menaces de licenciements à Ford Bordeaux, maintien des salaires et ducontrat de travail jusqu'à la fin de leur chômage, voire embauche dans des services publics. Ou encore, puisque laretraite des cheminots va être de nouveau attaquée, avancer la revendication de la mise à niveau de toutes lesretraites, publiques-privées, sur celle des cheminots ou plus largement des transports publics. Ou bien encore, dans lafoulée des revendications à Air France, augmentation des salaires et des retraites pour tous… Tout ce qui va dans lesens de l'unité est à reprendre. Tout ce qui va dans le sens de l'isolement est à rejeter.De même, les AG doivent chercher les liens et l'extension de la lutte autour d'elle, géographiquement, par leurouverture aux autres travailleurs en lutte ou bien encore par l'envoi de délégations massives aux autres secteurs etentreprises, voire dans les quartiers dits populaires. L'extension de la grève ne doit pas se réduire à l'extension à laSNCF d'autant que les principaux syndicats opposés à la grève réussiront à la bloquer dans les dépôts les moinscombatifs tout en épuisant les grévistes sous le prétexte qu'il faut d'abord mettre en grève toute la SNCF avantd'étendre. Elle doit se faire sur une base géographique, par quartier, ville ou région et, par contre-coup, c'est sonsuccès qui convaincra les moins combatifs de la SNCF de rejoindre le combat. Outre les entreprises et secteurs enlutte, c'est aussi le moyen pour entraîner les quartiers et les jeunes, et moins jeunes générations, dans le combat declasse contre le capitalisme et ainsi leur offrir une véritable solidarité, dans la lutte, et une perspective de lutte declasse. La perspective du combat de classe contre le capitalisme est le seul remède contre le désespoir et les impassessociales.

Se regrouper pour le combat pour l'extension et l'unification

Enfin, partout où c'est possible, il convient que les travailleurs les plus combatifs et les plus convaincus de cesorientations, du besoin de lutter contre l'isolement et les pièges syndicaux, se regroupent en comités de lutte ou“ assemblées interpro ” – peu importe le nom – afin de s'organiser et d'intervenir collectivement partout où ils lepeuvent pour assumer ce combat à la fois pour l'extension et l'unification et contre leur sabotage par les syndicaux.Car, le combat pour l'extension et l'unification ne pourra faire l'économie de cet affrontement politique contre lesorganes particuliers, car agissant directement en milieu ouvrier, de l'État capitaliste que sont les syndicaux et lespartis de gauche. Dès le 3, dans tous les dépôts SNCF, assemblées générales pour imposer la grève reconductible !Dans les entreprises, les quartiers et les villes, extension et unification de la grève, des manifestations et ducombat de classe !Dans les entreprises, les quartiers et les villes, regroupement et organisation des travailleurs les plus combatifsdésireux de combattre pour l'extension et l'unification de la lutte !

Le Groupe International de la Gauche Communiste, le 28 mars 2018

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Communiqué sur le retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien :Une étape dans la marche à la guerre impérialiste généralisée (10 mai 2018).

La décision de Trump de dénoncer l'accord sur lenucléaire iranien est un pas important dans l'évolutiondes “ relations internationales ”, c'est-à-dire des rivalitésimpérialistes. Les conséquences n'en sont pas seulementles risques d'extension immédiate des guerres auMoyen-Orient, aussitôt confirmés par l'affrontementdirect entre les forces iraniennes et israéliennes dans lanuit du 9 au 10 mai. Mais surtout l'aggravationaccélérée des tensions entre grandes puissancesimpérialistes et l'affirmation croissante d'unepolarisation impérialiste centrale entre les États-Unis etl'Europe continentale. C'est un véritable ultimatum quela bourgeoisie américaine pose à l'ensemble de sesrivaux… et tout particulièrement aux européens. Ce quel'ambassadeur américain en Allemagne a aussitôtexplicité ainsi : « les entreprises allemandes faisant desaffaires en Iran doivent liquider leurs opérationsimmédiatement » ! (cité par le journal allemand DerSpiegel du 9 mai14).Au-delà de l'aspect économique, secondaire en fait carl'Allemagne et l'Europe pourraient très bien supporteren soi un arrêt de leurs investissements en Iran,l'ultimatum est d'ordre politique et impérialiste. « LesÉtats-Unis ont choisi le chemin de la confrontation avecl'Europe » (idem). Pour le capital allemand et sesprincipaux alliés de l'Union européenne, le dilemme estclair : ou se soumettre à l'ultimatum américain ets'attendre à étouffer très rapidement sous les diktatssuccessifs qui suivront et perdre tout crédit impérialisteauprès des autres grandes puissances ; ou bien est-il« temps pour l'Europe de résister aux États-Unis »(idem) en regroupant autour d'elle le front impérialisteanti-américain, à commencer par la Chine et la Russie.Cela n'ira pas sans difficultés et contradictions internesà chaque pays européen comme Der Spiegel l'exprime,visiblement à regret, pour la bourgeoisie allemande dontcertaines fractions hésitent encore devant l'inéluctable :«l'Europe est confrontée à la perte potentielle de ce quia été la constante la plus importante, la plus fiable et laplus bénéfique de [sa] politique étrangère depuis desdécennies : le partenariat avec les États-Unis et larelation transatlantique » (idem). Cela n'ira pas sansdifficultés et contradictions internes à l'UnionEuropéenne, en particulier avec les pays anti-russes etpro-américains de l'ancien bloc de l'Est.Mais les principaux pays européens n'ont plus vraimentle choix. Trump n'a de cesse de pointer et de provoquerl'Union européenne et l'Allemagne. Il exprime ôcombien clairement à la fois le degré atteint par lescontradictions du capitalisme, l'exacerbation de laconcurrence entre capitaux à la recherche effrénée deprofits se réduisant comme peau de chagrin, qui nousentraîne dans la guerre généralisée ; et, en conséquence

14 . http://www.spiegel.de/international/world/time-for-europe-to-stand-up-to-the-united-states-a-1206997.html

et en complément, la rage désespérée qui s'est emparéede la bourgeoisie américaine face à son recul historiqueconstant, depuis la disparition de l'URSS, sur la scèneinternationale. Le capitalisme entraîne l'humanité dansla guerre impérialiste généralisée. Le prolétariatinternational, classe exploitée et classe révolutionnaire àla fois, n'a pas le choix non plus. Ou se soumettre aucapital et ce sera encore plus de misère et d'exploitationpour préparer la guerre généralisée, puis du fait de laguerre elle-même ; ou bien résister aux attaques ducapitalisme en s'affrontant à ses États et ouvrir la voie àleur renversement, à la destruction du capitalisme lui-même et à l'instauration d'une société communiste sansmisère, ni guerre.Pour que le prolétariat international puisse ouvrir cetteperspective et cette espérance, encore faut-il qu'ils'engage avec résolution dans la confrontation politiqueavec toutes les forces de chaque État capitaliste, partispolitique de droite comme de gauche, syndicats etautres forces d'encadrement idéologique et politique, età la répression bourgeoise15. Si chaque bourgeoisienationale n'a d'autre choix que de s'engager dans lamarche à la guerre généralisée et dans la confrontationavec sa propre classe ouvrière, le prolétariatinternational – et particulièrement ses minorités les plusconscientes et combatives en se regroupant pour semettre à la tête de ce combat politique de classe – n'ad'autre choix que de s'engager dans la défense résoluede ses intérêts de classe en assumant la confrontationavec le capitalisme et son État.

Le GIGC, 10 mai 2018.

PS. Nous attirons l'attention sur la prise de position deNuevo Curso (en espagnol) dont nous partageonsl'essentiel : https://nuevocurso.org/tratado-nuclear-y-rescate-argentino-dos-caras-de-la-guerra-comercial/.

15 . C'est précisément ce que le prolétariat en France n'arrive pas àfaire alors même que les conditions pour une lutte étendue etgénéralisée étaient réunies autour de la grève des cheminotscourant mars. En ne disputant pas le timing, le planning, desjournées de grève aux mains des syndicats, en respectant leterrain des discussions et des négociations gouvernement-syndicats, bref en n'affrontant pas politiquement dans lesassemblées et sur les lieux de travail le sabotage syndical, lalutte des cheminots et les autres mobilisations (comme celled'Air France ou de l'usine FORD à Bordeaux) vont subir deséchecs – sauf événement imprévu brisant le cours desévénements – du fait de leur isolement et malgré leurcombativité. C'est un enseignement pour le prolétariat de tous lespays.

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Marxisme et question nationaleLa fin de l’année 2017 fut marquée par le renouveau desquerelles nationalistes en Europe. Après l’Écosse, puisla Flandre en Belgique, l’indépendantisme catalan aresurgi à son tour tout comme, à un degré moindrel’indépendantisme corse. Ces mouvementindépendantistes touchant des "vieilles nationscapitalistes" font suite à la création de nouvelles nationsaprès l’explosion du bloc de l’Est, pays baltes, Tchéquieet Slovaquie, l’ex-Yougoslavie. Bien souvent, cesmouvements nationalistes sont portés, pas toujours(Catalogne et Écosse)16, par des partis d’extrême-droite.Que représentent ces mouvements nationalistes et quelssont les enjeux, et surtout quel danger, pour leprolétariat international, et particulièrement celui despays ou régions considérées ? La plupart des groupes de la Gauche Communiste ontsu répondre au poison nationaliste par uninternationalisme intransigeant17. Certains groupes, enparticulier le blog Nuevo Curso18, ont su analysercorrectement la situation politique et tirer de celle-ci desorientations adéquates, tâches fondamentales de touteorganisation révolutionnaire. Entre autres, Nuevo Cursoa su dans ses diverses publications relever le danger deguerre en filigrane de la situation espagnole si jamais leprolétariat devait adhérer massivement à l’un ou l’autredes camps nationalistes. Cette perspective, nous lapartageons pleinement. D’autres groupes comme Robin Goodfellow et laCommunist Workers’ Organisation ont quant à euxexprimé des prises de positions plus ou moins confusessur certains aspects en cette occasion. Le premiergroupe, pourtant de tradition "bordiguiste", un courantqu’on ne peut accuser de penchants démocratistes,donne le droit aux catalans à l’auto-détermination parceque la République démocratique pourrait constituer unterrain de lutte du prolétariat contre la bourgeoisie.19 Onpeut lire entre autres dans leur prise de position que leprolétariat doit « réclamer la destitution de Philippe VI,l’abolition immédiate de la monarchie et laproclamation de la république » et « réclamer la tenued’une assemblée constituante pour élaborer les formesde cette république (unitaire, fédérale…). » Tout cela aunom d’un "retour à Marx" de 1848, c’est-à-dire dans unattachement à la lettre aux écrits de Marx et Engelscontre l’esprit même de ces écrits maintenus vivants parla gauche italienne !

16 . Dans la province de Québec (Canada), il y a toujours unmouvement indépendantiste mis de l'avant par les sociaux-démocrates de Québec Solidaire et le Parti Québecois.

17 . Pour notre part, cf. Révolution ou guerre #9 : La situation en Espagne et la question catalane ( http://igcl.org/La-situation-en-Espagne-et-la).

18 . https://nuevocurso.org/. Pour une traduction française d’une de leur prise de position sur la Catalogne : http://www.igcl.org/Elections-catalanes-du-21-decembre-334

19 . https://www.robingoodfellow.info/pagesfr/rubriques/Sur_la_Catalogne.htm

La prise de position de la CWO quant à elle ouvrait laporte à des confusions en laissant entendre de faitqu’une brèche prolétarienne pourrait s’ouvrir à partirdes luttes entre nationalismes.20 En effet on appelait à lamise sur pied d’assemblées ouvrières en pleine "grève "nationaliste. Le danger politique étant d’apposer uneétiquette révolutionnaire au mouvement nationaliste, etainsi participer involontairement à l’engagement deprolétaires dans la dynamique bourgeoise descatalanistes, au lieu de le dénoncer pour ce qu’il estvraiment, comme on peut le voir dans le passagesuivant : « Nous avons besoin d’une organisationinternationale, un parti, qui peut intervenirefficacement dans des événements tels que la grève enCatalogne – afin de pousser la lutte hors du contrôledes syndicats et des partis institutionnels, et de déclarerl'autonomie par rapport à toutes les couches de laclasse dirigeante, peu importe leur nationalité. »21 Le but du présent texte est donc de reprendre le débatsur la question nationale, mais d’un point de vue quitient davantage à la théorie qu’à la chroniqued’actualité. Non pas que la 2e option soit mal en soi : leblog Nuevo Curso a déjà rempli cette tâche de manièreplus qu’adéquate. Nous voulons ici seulement reprendrele fil de la théorie révolutionnaire sur la questionnationale dans l’optique de Marx, Engels et surtout de laGauche Communiste et ainsi poursuivre le débat et laconfrontation politiques.

1. Marx et Engels sur les relations internationales en Europe

La nation comme terrain de prédilection de la luttede la bourgeoisie contre la féodalité

Tout le long des nombreux débats sur la questionnationale, en particulier à l’époque de la 2e

Internationale, un élément était constamment au mieuxsous-estimé, au pire complètement oublié. En effet, lorsde ces débats, on se tortillait à donner une définitionsavante du concept de nation qui pourrait alors donnerles bases à la social-démocratie pour une orientationcorrecte sur la question nationale. Pour les uns, le faitnational est d’abord culturel, pour d’autres il seraitlinguistique ou juridique. Certains prônaientl’autonomie nationale, d’autres l’autodétermination. Cestentatives de définition peu fructueuses du point de vuerévolutionnaire était davantage l’expression de lapénétration de l’idéologie bourgeoise, graduelle maiscertaine, au sein de la social-démocratie qu’unecontinuité politique marxiste avec les "pèresfondateurs". Pour Marx et Engels, et cela est le fil

20 . http://www.leftcom.org/en/articles/2017-10-07/catalonia-competing-nationalisms-against-the-working-class

21 . “ (…) We need an international organisation, a party, whichcan effectively intervene in events such as the strike in Catalonia– to push the struggle beyond the control of unions andinstitutional parties, and declare independance from all stata ofthe ruling class, whatever their nationality” Nous traduisons.

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conducteur de toute leur activité militante22 dans la 2e

moitié du 19e siècle, la nation est avant toute chose unproduit historique et politique. En fait, elle est le terrainpar excellence du développement économico-politiquede la bourgeoisie et de sa lutte contre la féodalitédécadente. Ainsi, dans le conflit de classe qui mettait au prise labourgeoisie et la féodalité, c’est littéralement deuxcivilisations qui s’opposaient comme l’ont affirmé Marxet Engels dans la Nouvelle Gazette rhénane en 1848« en Allemagne, la lutte pour la centralisation contre unsystème fédératif, c’est la lutte entre la civilisationmoderne et la féodalité. » La bourgeoisie prônaitl’établissement d’un organisme centralisant etdélimitant la vie économique, la nation avec un marchéintérieur, régie par un organe politique unitaire, larépublique démocratique.23 La féodalité, quant à elle,tentait par tous les moyens de s’accrocher à ses derniersdébris de domination au travers de la petite principautédu Moyen-Âge et de la monarchie absolue. Contre toutes les conceptions moralisantes, romantiqueset mythiques de la nation associées aux multiplesformes de nationalismes, Marx et Engels mettaient surpied une théorie matérialiste et historique des relationsinternationales qui prenait en compte le fait national. Leprincipe en est plus que simple. Le prolétariat doits’allier à la bourgeoisie d’abord pour vaincre l’ennemicommun, l’aristocratie, dans une lutte qui prendnécessairement une forme nationale et démocratique.Dans ces conditions, le prolétariat appuie lesrevendications liées à la libération nationale. Une fois laféodalité défaite et la bourgeoisie au pouvoir, leprolétariat peut diriger sa lutte directement contre labourgeoisie. Le contenu de sa lutte devient ainsiintrinsèquement international et internationaliste parceque le prolétariat ne lutte plus avec et pour une autreclasse de la société civile en tant que "peuple", maislutte de manière autonome en tant que "prolétariatinternational".

Nations historiques contre fragments de peupleDe même, Marx et Engels utilisaient à l’époque uneterminologie qui aurait fait crier bien des gauchistestiers-mondistes qui se proclament pourtant "marxistes".Les nations qui se mettaient en branle contrel’aristocratie étaient qualifiées de nations historiques oude nations dotées de vitalité. Celles-ci avaient l’appui deMarx et Engels dans leur lutte nationale. À l’opposé, les"fragments de nations" qui finissaient toujours parappuyer d’une manière ou d’une autre la féodalitéétaient caractérisés comme des nations sans histoire ousans vigueur. Marx et Engels ne les appuyaient enaucun cas, en fait, ils les dénonçaient comme base de la

22 . Voir entre autres leur travail « journalistique » dans La Nouvelle Gazette rhénane.

23 Évidemment la république démocratique est la forme la plus pure, la plus parfaite de la domination bourgeoise. Mais elle n’est pas la seule. La monarchie constitutionnelle, le fascisme et le stalinisme sont d’autres formes « alternatives » de la domination du capital, dépendantes de conditions historiques particulières.

réaction européenne. Leur idéologie, par exemple lepanslavisme, était pour eux un vestige departicularismes moyenâgeux. La conception du capital en deux phases distinctesassociée à la théorie de la décadence du capitalisme estfondamentale. Marx et Engels reconnaissaient la naturerévolutionnaire de la lutte de la bourgeoisie contre laféodalité. Dans la période de montée en puissance de labourgeoisie, la phase ascendante du capitalisme, leprolétariat, bien que tendant déjà à défendre ses intérêtspropres de classe, pouvait aussi "s’allier" à l’occasionavec celle-ci dans son combat contre les restes desociété pré-capitaliste – en particulier contre la féodalité– afin d’accélérer, voire de permettre dans les pays où labourgeoisie était trop "faible", la domination définitivedu capital national et la constitution de véritables Étatsnations nécessaires au développement du capitalnational. Cette période historique s’est progressivementéteinte avec l’apogée du capitalisme que l’on peut fixerà partir de la constitution de l’État allemand suite à laguerre franco-prussienne de 1870 jusqu’à 1914. Aucours celle-ci, le prolétariat international s’est de plusen plus affirmé par sa lutte de classe comme classerévolutionnaire en opposition frontale avec labourgeoisie et les restes de classes aristocratiquesdésormais liées à la première.Dans sa deuxième phase, la décadence, ledéveloppement du capitalisme passe "d’historiquementnécessaire" à réactionnaire parce que la bourgeoisie,maintenant au pouvoir et son système de dominationbien en place, veut défendre bec et ongle son mode deproduction contre la nouvelle classe révolutionnaire quiémerge du développement même du capitalisme, leprolétariat. Du point de vue politique, n’ayant plus "rienà gagner" et tout à perdre à établir des alliancesquelconques avec la bourgeoisie, et les conditionsmatérielles pour le communisme ayant suffisammentmûri, celui-ci peut ainsi afficher et lutter plusdirectement pour son propre programme politiqueautonome, le programme communiste. Dans ses luttesquotidiennes, le prolétariat défend évidemment sesconditions de vie, mais le développement du capitalismepermet à la perspective du communisme d’apparaîtrecomme nécessité finale de ses luttes. Ainsi, toutes lesrevendications d’ordre démocratiques ou nationalesdeviennent obsolètes en ce sens qu’elles étaientl’expression de la lutte entre la bourgeoisie etl’aristocratie, donc l’expression d’une phase antérieureet révolue de l’histoire, antagonisme qui est remplacépar la lutte entre la bourgeoisie et le prolétariat.

Centralisation, démocratie, grandes nations et républiqueC’est ainsi que Marx et Engels ont supportél’indépendance de la Pologne dans la deuxième moitiédu 19e siècle. Leur appui n’était pas basé sur desconsidérations morales sur les nations opprimées, maisavant tout sur la perspective de développement de ladémocratie en Europe et l’affaiblissement du régimetsariste, considéré justement comme l’ultime forteresse

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de la réaction féodale en Europe. Tout développementdémocratique d’une "nation historique" représentait ledéveloppement de la bourgeoisie contre l’aristocratie etpar conséquent une bataille gagnée du capitalismecontre la féodalité. Marx et Engels ont aussi toujours eu tendance à appuyerles "grandes nations", les grands États centraliséscomme expressions politique les plus pures de lamontée en puissance de la bourgeoisie. Comme le noteEngels « dans toute l’Europe, il n’est pas une seulegrande puissance qui n’ait incorporé à son territoiredes partis d’autres nations… Personne ne soutiendraque la carte de l’Europe soit définitivement tracée.Mais, tous les changements, pour être durables, doiventtendre dans l’ensemble à rendre de plus en plus auxgrandes nations européennes, douées de vitalité, leursfrontières naturelles, fixées d’après la langue et lessympathies. En même temps, les fragments de peuples,que l’on trouve encore ça et là, et qui ne sont pluscapables de mener une existence nationales, restentincorporés aux grandes nations, soit en s’y dissolvant,soit en se conservant comme de simple monumentsethnographiques sans importante politique. Lesconsidérations militaires n’interviennent qu’en secondlieu. »24 Autant le particularisme, le fédéralisme et ladivision étaient l’expression de la féodalité, l’essor ducapital doit se faire dans le cadre de la nation, de sacentralisation et de son unité. On situe habituellement le point de rupture entre lesdeux phases du capital à 1914, c’est-à-dire lors del’éclatement de la Première Guerre mondiale. Cequ’exprime l’année 1914, c’est que du point de vuegéopolitique, le capital a conquis et colonisé l’entièretéde la planète. Une nation n’a plus aucun autre endroitpour son expansion qui ne soit déjà conquis par uneautre nation, d’où le caractère mondial et impérialiste decette guerre. Mais le processus du passage del’ascendance du capitalisme à sa décadence était déjàenclenché avant 1914 et a continué même après. C’estjustement pour cette raison, les années 1910-1920-1930étant une période charnière entre ascendance etdécadence durant laquelle des caractéristiques de lapremière période pouvaient encore perdurer, qu’il étaitdifficile pour les révolutionnaires de cette époqued’avoir une position définitive sur une série dequestions qui aujourd’hui paraissent évidentes.25 Il faut d’ailleurs souligner toute la hardiesse de laposition de Rosa Luxemburg sur la Pologne qui, durantcette époque charnière où la plupart desrévolutionnaires défendait le principe de la libérationnationale, en est arrivée à faire le tour de force de cesserde revendiquer l’indépendance pour la Pologne, maisdans l’esprit des arguments et avec la même méthodeque Marx et Engels ! En effet, pour Luxemburg ledéveloppement du capital en Russie et en Pologne, enretard sur le reste de l’Europe mais de caractère très

24 . Écrits militaires, Roger Dangeville25 . Par exemple sur le syndicalisme, le parlementarisme et la

libération nationale, etc. Toutes des positions qui ont été clarifiées définitivement bien après 1914.

concentré, et son corollaire l’essor d’une classe deprolétaires sur l’ensemble de l’Europe de l’Est rendaitl’indépendance de la Pologne désuète. On doit serappeler que pour Marx et Engels, l’indépendance de laPologne servait avant toute chose à l’essor de ladémocratie et du capitalisme en Europe contre letsarisme. L’essor du capital, lent mais certain,commençait à saper les bases mêmes de l’absolutismeen Russie et ce, malgré une bourgeoisie poltronne.26

L’essor d’une classe de prolétaires signifiait aussi essorde la social-démocratie sur tout le territoire. C’est ainsique Luxemburg préconisait l’unité de tous les social-démocrates de l’empire tsariste, selon la mêmeconception que Marx et Engels sur les grand Étatscentralisés contre les particularismes nationaux qui vontcontre le cours de l’histoire. Il faut se garder de s’en tenir à la lettre aux écrits deMarx et Engels, mais il faut au contraire continuer àappliquer la méthode qui est en filigrane de leurs écritset qui en exprime "l’esprit"» politique. En cela, RosaLuxemburg fut un exemple vivant de continuitépolitique par rapport au marxisme : « Toutes lesmanifestations et tous les facteurs du progrès social enPologne et surtout son facteur principal, le prolétariatpolonais et le rôle qu’il a joué dans la révolutiongénéral de l’Empire tsariste, ont surgi sur lesfondations de ce même développement bourgeois-capitaliste. Le progrès social et le développementrévolutionnaire de la Pologne se rattachent ainsi auprocessus capitaliste par ces mêmes liens historiquesindissolubles qui ont uni la Pologne et la Russie et quiont enterré l’idée nationale polonaise. Par conséquent,toutes les aspirations séparatistes tendant à ériger unebarrière artificielle entre la Pologne et la Russie sont,de par leur nature même, dirigées contre les intérêts duprogrès social et du développement révolutionnaire, cesont des manifestations de la réaction. En même temps,après l’échec final du programme de l’État-nation et del’indépendance nationale, l’idée nationale a été réduiteà une idée générale et floue de séparation nationale et,sous cet aspect, le nationalisme polonais est devenu uneforme de réaction sociale sanctifiée par la tradition. »27

2. Lénine et la 3e Internationale

La 1ere Guerre MondialeAvec l’éclatement de la 1ère Guerre Mondiale,l’ampleur de la faillite de la social-démocratie futexposée auprès d’un prolétariat plus que désemparé.L’ampleur de cette faillite montrait clairement quel’adoption du "marxisme" par la social-démocratie était

26 . C’est là la situation de certaines nations où le développement du capital fut retardataire et où la révolution bourgeoise n’était pas encore complétée à l’approche de la phase de la décadence. La bourgeoisie, au lieu d’aller de l’avant avec sa révolution, s’allie avec l’aristocratie contre un prolétariat de plus en plus menaçant. Les tâches de la révolution bourgeoisie incombent alors au prolétariat. Plusieurs révolutionnaires ont essayé de traiter ce problème, par exemple Trotski avec « La Révolution permanente ».

27 . La question nationale et l’autonomie, Rosa Luxemburg

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tout à fait formelle (le centre kautskyste en est lemeilleur exemple), quand celui-ci n’était passimplement rejeté par la droite bersteinienne. D’ailleurs,si on prend formellement les écrits de Marx et Engels etqu’on les abstrait de leur méthode, on peut justifiern’importe quelle politique contre-révolutionnaire. C’estainsi que la social-démocratie allemande en 1914pouvait justifier l’adoption des crédits de guerre pourson gouvernement par l’argument de la guerre de la"civilisation allemande" contre la "barbarie tsariste".Marx n’était-il pas lui-même violemment contre lerégime tsariste ? De même, le socialisme françaispouvait lui aussi participer à l’union sacrée sousprétexte de la défense de la "République et des valeursde la Révolution française" contre le militarismeprussien des junkers. Marx n’était-il pas avant tout undémocrate en 1848 ?C’est donc la gauche radicale au sein de la social-démocratie qui fut la véritable continuatrice du courantmarxiste révolutionnaire. Ses militants, pleinementformés à la méthode marxiste, ont bien reconnu lechangement de période marqué par 1914 et le caractèreimpérialiste de cette guerre. Les militants de gauche,sous le leadership de Lénine, ont su tiré des événementsla seule tactique révolutionnaire possible, le défaitisme.Que Lénine ait pris position pour le droit des nations àl’autodétermination est tout à fait secondaire dans lamesure où sa position sur la guerre était, elle,parfaitement claire. Comme nous l’avons vu plus hautles années 1910-1920-1930 était réellement la périodecharnière entre l’ascendance et la décadence du capital.Donc des positions "transitoires" comme celles deLénine sont compréhensibles. L’erreur des "léninistes"est de reprendre la tactique du droit àl’autodétermination et dans faire une position absolue,bonne en tout temps et en tout lieu, alors que cetteposition est tout à fait obsolète aujourd’hui.

Les concessions au tiers-mondismeLà où la 3e Internationale commença réellement à sedistancer du marxisme sur la question nationale futlorsqu’on adopta le principe du soutien à toutnationalisme de peuples opprimées. En effet à partir duCongrès de Bakou sur les peuples d’Orient (1920), oncommence à faire la distinction entre le nationalismedes peuples opprimés, qui serait progressiste par nature,et le nationalisme des peuples oppresseurs qui lui seraitréactionnaire. Cette distinction a d’abord été théorisépar Lénine : « Il faut distinguer entre le nationalisme dela nation qui opprime et celui de la nation opprimée,entre le nationalisme d'une grande nation et celui d'unepetite nation. »28 Cette conception qui est vraimentl’antithèse des positions marxistes sur la questionnationale exprimait la pénétration de l’idéologiebourgeoise au sein du mouvement communiste, ici sousla forme du tiers-mondisme. En plus, l’adoption par l’IC de l’orientation en vue du

28 . https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1922/12/vil19221231.htm.

développement de révolutions nationales anti-colonialesen Orient comme support du pouvoir soviétiquemarquait un pas, un pas seulement parmi d’autres, versl’abandon du principe de révolution mondiale et sonremplacement par l’utilisation des antagonisme inter-impérialistes au profit de l’État soviétique. L’URSSutilisant les luttes anti-colonialistes pensait affaiblirainsi l’impérialisme. En fait, elle ne faisait que s’insérergraduellement dans les ficelles de l’impérialismemondial jusqu’à devenir à terme un des pôlesimpérialistes dominants après que le principe dusocialisme en un seul pays fut mis de l’avant et quel’URSS eut participé à la 2e Guerre Mondiale.

3. Le communisme abolira les frontières nationales

Il est de bon goût dans les milieux gauchistes de mettrede l’avant la formule creuse selon laquelle lecommunisme abolira l’oppression nationale. Or cettedemi-vérité cache bien le rôle réactionnaire dugauchisme, c’est-à-dire de toujours tenter de ramenerles franges du prolétariat se mettant en branlepolitiquement sur le terrain du capitalisme. De même, ilest réducteur de dénoncer le nationalisme en ce qu’ildivise le prolétariat. Non seulement le nationalismedivise, mais il unit idéologiquement et politiquement leprolétariat à sa propre bourgeoisie nationale, ce quiimplique comme conséquence ultime l’adhésion duprolétariat à la guerre impérialiste.Or le but du communisme n’est pas de libérer chaquenation de l’histoire de l’humanité ou encore de rendretoutes nations égales, mais bien d’abolir les frontièresnationales pour qu’à terme se forme une culturemondiale dans une société sans classe ni État. Commele rappelait Luxemburg, « si la société socialiste fait desmasses populaires des gens cultivés, elle leur donneraaussi la possibilité de maîtriser plusieurs langues, deslangues mondiales, et de participer ainsi à toute laculture internationale de notre milieu culturel et passeulement à la culture particulière d’une seulecommunauté linguistique nationale ».29

Robin, juillet 2018

29 . La question nationale et l’autonomie, Rosa Luxemburg

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Correspondance

Nous publions ici un échange de mails entre un camarade nord-américain, isolé géographiquement, qui nous a écritaprès avoir commencé à prendre connaissance des positions historiques de la Gauche communiste et de l’existencedu camp prolétarien actuel. La discussion s’est particulièrement centrée sur la question de l’organisation politiquedu prolétariat, c’est-à-dire de son parti mondial à construire. Comme les textes de débat qui suivent dans ce numéro,la question du parti et de sa construction devient la question centrale à débattre et à clarifier dans le campprolétarien international. Ce n’est pas pour nous étonner car cette question, qui va bien au-delà de la simplerevendication formelle de la nécessité du parti, divise fondamentalement le camp révolutionnaire entre "partidistes"et "anti-partidistes", entre les dynamiques opposées qu’ils expriment et matérialisent.Le camarade P au GIGC[…] Je suis surtout intéressé par la création organique du parti de classe. J'ai lu la conception de Bordiga sur lastructure du parti ainsi que les documents du CCI actuel sur le parti. Je voudrais comprendre mieux tout cela maisc’est difficile car je ne rencontre personne à qui poser des questions.J'espère aussi pouvoir développer ma compréhension de l'analyse marxiste et de son application dans une structurede parti comme outil organisationnel pour faire le lien entre l'auto-action du prolétariat et les antagonismes plusgénéraux du capitalisme. Mais il se trouve que les organisations qui sont le plus facilement accessibles dans marégion sont des groupes marxistes-léninistes [maoïstes, ndt] et trotskistes qui se dédient à l’action électoraliste oubien encore des anarchistes qui n'ont aucune volonté de participer à des partis et qui sont engagés dans des actionsindividualistes.En ce qui concerne mon développement politique : quand j'étais étudiant, j’étais plutôt social-démocrate. Je n'étaispas vraiment engagé en politique. Mais durant mes études et alors que j'étais inscrit à ce qui est considéré comme descours de services sociaux, j’ai pris conscience que les idées et les solutions aux problèmes qui y étaient présentésétaient des projets de gentrification ou de développement d’investissements capitalistes dans les quartiers riches de laville (...).J'ai aussi commencé à lire Marx et Lénine à cette époque. En même temps, j'ai également commencé à chercher desgroupes qui se trouvaient dans ma région. J'ai été impliqué dans le Workers World Party30 pendant un court laps detemps, mais j'ai été désillusionné car ils se concentraient uniquement sur le parlementarisme. J'ai aussi parlé avecl'International Marxist Tendency31, mais leur groupe est loin de ma pratique et ils semblaient plus intéressés par ladiffusion de leur propagande qu'autre chose. Je suis actuellement en contact avec l' Industrial Workers of the World32,mais ils se concentrent sur l'action anarchiste et ils tournent en rond depuis que j'ai commencé à correspondre aveceux.Après l'université, j'ai aussi participé à la communauté communiste de Reddit33, principalement comme source derecommandations de lecture. J'y ai découvert le milieu communiste de gauche et ils ont été d'une aide phénoménaleen tant que source de lectures et de compréhension. (...) Je n'ai pas encore défini sérieusement mes objectifspolitiques, même si je ne suis pas intéressé à faire avancer un programme parlementaire. Je sais que c'est quelquechose que les organisations staliniennes mettent en avant comme moyen de développer une conscience de classe quiest mal définie.

Notre réponse :Cher camarade P,Il n'y a pas de groupes qui soient formellement regroupés avec nous. Cependant, nous avons des relations fraternellesavec d'autres groupes de la Gauche communiste comme la TCI (leftcom.org) qui a un groupe affilié aux États-Unis(Internationalist Workers' Group) et Nuevo Curso (nuevocurso.org). Nous connaissons aussi d'autres groupes tel queWorkers' Offensive (workersoffensive.org) et la Communist League of Tampa (communistleaguetampa.org). Cecidit, nous ne partageons pas nécessairement toutes les positions ou textes de ces groupes. Mais nous considérons qu'ilssont du même côté de la barricade que nous, du côté de la classe ouvrière internationale. Donc, nous cherchons àfaire partie du processus de consolidation de ces différents groupes de la Gauche communiste. Nous t'invitons aussi àprendre contact avec ces autres groupes. Nous ne considérons pas que les groupes staliniens, maoïstes, trotskistes ouanarchistes sont dans le camp prolétarien. Pour nous, ces courants ont depuis longtemps trahi la classe ouvrière et ilssont aujourd'hui historiquement et objectivement contre la classe ouvrière.

30 . Il s'agit d'un parti maoïste américain fondé en 1959 et issu d'une scission du SWP trotskiste.31 . Groupe trotskiste issu de Militant connu pour sa politique d'entrisme dans le parti travailliste britannique.32 . Les IWW : les restes du syndicat révolutionnaire américain des débuts du 20e siècle continuent à exister aux États-Unis sous forme de

petits groupes dont le caractère est de fait plus politique que syndicaliste.33 . https://fr.wikipedia.org/wiki/Reddit.

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(...) En attendant, pourrais-tu nous décrire l'évolution de tes convictions politiques et quels sont tes objectifspolitiques ? Quelle est la nature de ton intérêt dans la Gauche communiste ?

Salutations, Stavros pour le GIGC

La réponse du camarade P :J'apprécie grandement que vous preniez le temps de répondre même avec retard. Je voudrais m'excuser à mon tourpour mon propre retard, mais j'ai eu une réunion avec mon groupe de lecture afin de répondre aux questions. Eneffet, je crois qu'on répond mieux dans un groupe que tout seul. Notre groupe n'a pas pu se rencontrer physiquementencore avec le camarade de ma ville du fait d'horaires différents et du manque d'argent car je viens d'être licencié.Nous sommes toujours engagés dans la discussion et nous espérons nous rencontrer prochainement. Entre-temps, lestextes que vous nous avez fournis ont été très utiles et ont beaucoup aidé à développer la discussion dans notregroupe. Le parti lui-même doit être dès le départ une organisation internationale et être centralisé autour de son programme etsa théorie. Comme nous travaillons à la reconstruction du programme sur lequel le parti agit, à son tour nousreconstruisons aussi le parti. Notre plus grande difficulté est alors de développer un programme qui prend en compteà la fois les revendications historiques et les actions du prolétariat mais qui prend également en considération lesexigences actuelles et le chemin vers le renversement révolutionnaire du système capitaliste, tout en conservant uneperspective internationale (ce que vous avez déjà abordé et que j'ai répercuté ici). La taille du parti dépend de lapériode historique dans laquelle il se trouve. Ces périodes correspondent à une activité plus ou moins grande dans leparti – de la diffusion de la propagande communiste et du programme du parti vers l'ensemble de la masse de laclasse ouvrière jusqu'à la participation active dans les actions militantes quand la situation l'exige. Dans cescirconstances aussi, le parti restera une petite minorité de la classe et à l'état embryonnaire en taille et fonction encomparaison à une situation révolutionnaire. Mais même alors, le parti ne vit pas de grands changements de contenuentre des situations révolutionnaires et non révolutionnaires, sauf pour la tactique et l'action.Nous devons être fortement critiques des petits groupes qui essaient de former le parti en souhaitant ramener ledéveloppement du parti à la phase de cercles. Cela signifierait un pas en arrière dans l'histoire quand de multiplespartis se sont développés à partir de leurs contextes nationaux respectifs et ainsi ont eu des théories et desprogrammes différents les uns des autres. Le conflit entre ces différentes théories et programmes a inévitablementdébouché dans l'ossification de ce qui était de caractère national et international dans cette mosaïque de matérielsthéoriques. L'ossification a rendu l'Internationale vulnérable au poids d'un seul parti national sur les autres et à lagénéralisation de son programme et de sa théorie sans en avoir de vision critique à l'échelle internationale; nousparlons là de la stalinisation de la 3e Internationale.Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de groupes déterminés géographiquement dans le parti. Mais, si ces groupesdevront suivre le programme et la théorie développée au niveau international, ils devront aussi prendre enconsidération les conditions matérielles en fonction de leur contexte géographique. Des changements dans leprogramme international et la théorie, sous l'impulsion des changements dans les relations sociales du capitalisme,devront aussi être effectués au niveau international. Les groupes géographiques auront besoin d'ajuster leur actionpratique et leur approche à leur contexte géographique. Ces groupes relaieront aussi les contextes matériels danslesquels ils agissent à l'internationale pour l'informer des développements dans le mouvement communiste danschaque région. Je pense que, bien qu'il y aura des groupes liés à un emplacement géographique et qu'ils pourrontmener des actions différentes d'un groupe à l'autre selon le lieu, ils devront tous suivre et soutenir le programme duparti.Ceci étant dit, que voulez-vous dire par "concession au localisme" ? Je crains que notre conception de groupesgéographiques ne tombe dans cette catégorie selon ce que cela veut dire. Pourriez-vous aussi expliquer ce que vousvoulez dire par l'hésitation de groupes plus expérimentés par rapport à des groupes avec moins d'expérience parrapport à la critique ? Si un groupe ne suit pas le programme du parti, ou préconise une déviation de celui-ci, il doitêtre confronté par le reste du parti et une discussion doit avoir lieu. Et, si ce groupe ne veut pas reconnaître le besoinde suivre le programme du parti, il doit en être sorti.Je suis aussi curieux de connaître les relations entre la TCI et le CCI. Vous avez renvoyé à plusieurs articles du CCIet exprimé vos divergences, mais qu'en est-il de l'organisation comme un tout ?

En camaradería, P

Notre deuxième réponse [extraits] :Cher camarade P,Dans ton dernier mail, tu développes tes positions sur la constitution du parti. Tu mentionnes que « le parti lui-mêmedoit être dès le départ une organisation internationale et être centralisé autour de son programme et sa théorie ».Cette position est partagé par tous les membres du GIGC. Tu défends aussi que « nous devons être fortementcritiques des petits groupes qui essaient de former le parti en souhaitant ramener le développement du parti à la

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phase de cercles. Cela signifierait un pas en arrière dans l'histoire quand de multiples partis se sont développés àpartir de leurs contextes nationaux respectifs et ainsi ont eu des théories et des programmes différents les uns desautres.»Tel que nous le comprenons, le problème est que le milieu révolutionnaire est composé d'un grand nombre de ce typede cercles tout comme de plusieurs petits groupes bordiguistes qui revendiquent être le seul et unique parti. C'estdans ce camp révolutionnaire tel qu'il est que nous devons travailler. Nous maintenons qu'il est nécessaired'intervenir dans le camp révolutionnaire en vu du but ultime de la consolidation des forces qui existent. Il s'agit d'unprocessus qui implique aussi inévitablement une décantation ou une séparation avec les groupes et les traditions quisont politiquement nuisibles ou contre-productifs du point de vue des intérêts objectifs de la classe. Il s'agit là, entreautres choses, d'éviter au parti de devenir éclectique. Un exemple de cet éclectisme est fourni par ceux-là même quiessaie de réconcilier le marxisme et l'anarchisme. De plus, ces différents groupes qui souvent coexistent dans lamême région, souvent ne sont pas le résultat de leur supposés contextes nationaux particuliers puisqu'ils ont parfoisdes sections dans la même ville. Nous ne comprenons pas clairement comment tu vois l'émergence du parti à partir lasituation concrète.Tu écris qu'il faudra encore quelques groupes au niveau géographique dans le parti. Nous préférons les appelersections nationales du parti international et internationaliste. Avoir des sections territoriales n'est pas une concessionau localisme car le prolétariat d'un pays donné se confronte plus directement à "sa propre" bourgeoisie nationale.Mais nous devrons veiller à ce qu'aucune assertion selon laquelle certaines parties du programme communiste nepourraient pas s'appliquer du fait de supposées particularités nationales ou de "tâches spécifiques" (comme établirune république démocratique bourgeoise dans des pays avec des systèmes autoritaires de gouvernement) que leprolétariat devrait y réaliser.« Le parti lui-même doit être dès le départ une organisation internationale et être centralisé autour de sonprogramme et sa théorie. Comme nous travaillons à la reconstruction du programme sur lequel le parti agit, à sontour nous reconstruisons aussi le parti. Notre plus grande difficulté est alors de développer un programme quiprend en compte à la fois les revendications historiques et les actions du prolétariat mais qui prend également enconsidération les exigences actuelles et le chemin vers le renversement révolutionnaire du système capitaliste, touten conservant une perspective internationale » (nous soulignons).Nous sommes entièrement d'accord avec la première partie de ta position selon laquelle le parti doit être internationalet centralisé autour de son programme. Nous voulons aussi saluer fermement ta formulation que nous soulignons ci-dessus. Nous voulons aussi saluer fortement ta formulation ci-dessus que nous avons souligné en gras. Cependant, aurisque d'être pris pour des pédants, nous ne sommes pas d'accord avec la formulation « reconstruction duprogramme ». Sans doute serait-il plus correct de parler de réappropriation du programme. Le programme est déjàlargement complet. Des questions qui étaient sujets à controverses dans la 2e et la 3e Internationales – telle laquestion nationale et le rôle des syndicats – ont été résolues correctement par les différentes gauches communistesqui ont surgi en réponse à la contre-révolution stalinienne. Bien sûr, il convient de démontrer la justesse de cespositions programmatiques à la lumière des événements actuels. Par exemple, nous ne dénonçons pas simplement lessyndicats dans l'abstrait. Nous fondons nos arguments en soulignant leurs politiques actuelles d'alliance avec lesdirections d'entreprise tout comme les prises de position de leur direction qui soutient le nationalisme économiquecomme l'appui du syndicat américain AFL-CIO à la guerre commerciale contre la Chine 34. La plus grande difficultén'est pas dans le développement du programme mais dans l'organisation d'un cadre, fondamentalement lié auprogramme, que les groupes actuels de la Gauche communiste peuvent utiliser pour se regrouper dans quelque choses'approchant plus du "parti". Ce qui nécessitera de dépasser de nombreuses faiblesses qui affectent notre camp tels lesectarisme et l'opportunisme.Tu as mentionné aussi que « des changements dans le programme international et la théorie, sous l'impulsion deschangements dans les relations sociales du capitalisme, devront aussi être effectués au niveau international ». Justeune petite objection sur ce point. Alors qu'il peut y avoir des différences dans le programme du parti selon lesdifférentes étapes du développement capitaliste, par exemple entre les époques d'ascendance et de décadence ducapitalisme, la méthode pour déterminer ce qui en fait partie et ce qui n'en fait pas partie est invariante.Fondamentalement, alors que les politiques concrètes peuvent changer selon le niveau de développement ducapitalisme, ou selon le rapport de forces entre les classes, la méthode pour déterminer le cours correct de l'action - lematérialisme historique - est constant. [...]

Salutations communistes, Stavros pour le GIGC.PS. Nous t'encourageons à prendre contact avec tous les groupes qui se réclament de la tradition de la Gauchecommuniste, et en particulier avec le Gulf Coast Communist Fraction avec lequel nous espérons continuer àcorrespondre, et avec le Internationalist Workers Group (le groupe de la TCI en Amérique du Nord) qui a un militantqui habite pas loin de chez toi.

34 https://aflcio.org/press/releases/strategic-tariffs-against-china-are-critical-part-trade-reform-create-more-jobs-and

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Débat au sein du camp prolétarien

La question du parti

Qu’est-ce que le parti ?Nous avons pris l’initiative de traduire le texte suivant du groupe Nuevo Curso sur la question du parti de classepour deux principales raisons. Premièrement, le parti est un sujet central et fondamental pour tous révolutionnaires.Le positionnement politique sur cet aspect est donc un des éléments primordiaux qui séparent les révolutionnairesvéritables des anarchisants et des semi-conseillistes. Sur ce point, Nueovo Curso se place résolument dans le camppartidiste. Deuxièmement, le groupe Nuevo Curso s’insère tout aussi résolument dans la dynamique duregroupement des révolutionnaires pour former le parti communiste mondial. Traduire ses positions aidera donc àles répandre et ainsi les faire connaître dans le milieu prolétarien.Nous voulons souligner la qualité et la clarté du texte sur le caractère politique de la lutte de classe, c’est-à-dire quele prolétariat tend à s’organiser dans sa lutte contre la bourgeoisie et son État en parti politique autonome.D’ailleurs le texte reprend la définition simple et efficace du parti par la gauche italienne : celui-ci est un fait deconscience et d’effort vers un but. Cet effort passe par l’intervention active des groupes et du parti communistes afinde jouer le rôle de direction politique, c’est-à-dire de leadership politique, que le parti exerce en tant qu’avant-gardevis-à-vis du reste de sa classe. Nous apprécions aussi la formule du « parti en devenir » par son caractère dynamique et sa vision dialectique. Eneffet, le regroupement des révolutionnaires en parti est une lutte et un souci constant pour les révolutionnaires.Même en période de pleine contre-révolution quand le parti n’existe plus formellement, les militants ayant surésister doivent dès lors jeter les bases du parti de demain. De même, l’ensemble des groupes actuels de la gauchecommuniste forment le « parti en devenir ». Loin de nous l’idée de penser que le parti de classe naîtra de leuraddition démocratique. Mais il sera certainement le résultat de la confrontation de leurs positons politiques, où lebon grain communiste se ressemblera « naturellement » et sera en mesure de se séparer de l’ivraie opportuniste etsectaire.

Qu’est-ce que le parti ? (Nuevo Curso)

Dans le Manifeste communiste (1848), il y a deuxpassages qui presque toujours surprennent le lecteurd’aujourd’hui. Le premier, quand relatant comment lesluttes pour les salaires dans chaque entreprise setransforment en luttes de classe et que surgissent desrevendications comme la réduction de la journée detravail, le prolétariat se constitue pour la première foiscomme sujet politique, comme une classe politiquementindépendante.Cette organisation du prolétariat « en classe, et donc enparti politique », ne cesse d’être compromise par laconcurrence entre les ouvriers eux-mêmes. Mais elleresurgit, et toujours plus forte, plus ferme, pluspuissante. Le second, dans le deuxième chapitre, Prolétaires etcommunistes, commence par affirmer que « lescommunistes ne forment pas un parti distinct opposéaux autres partis ouvriers».

La classe comme partiLes deux usages du terme forme une paire dialectique,contradictoire et à la fois complémentaire, chacun enlien direct avec la conception de ce qu’est la classe etchacun à des années lumières de l’image statique que la

sociologie nous donne des classes sociales et des partispolitiques. Comme le souligne Bordiga dans Parti etclasse (1921) :« Le concept de classe ne doit donc pas nous suggérerune image statique, mais une image dynamique. Quandnous découvrons une tendance sociale, un mouvementdirigé vers un but donné, alors nous pouvonsreconnaître l'existence d'une classe au vrai sens duterme. Mais alors existe, d'une façon substantielle sinonencore formelle, le parti de classe. Un parti vit quandvivent une doctrine et une méthode d'action. Un partiest une école de pensée politique et en même temps uneorganisation de combat. Le premier trait est un fait deconscience, le second est un fait de volonté, plusprécisément d'effort vers un but. En l'absence de cesdeux caractères nous ne possédons pas encore ladéfinition d'une classe. Le froid enregistreur de donnéespeut bien, répétons-le, constater des affinités dans lesconditions de vie de groupes plus ou moins vastes, maisaucune trace ne se grave dans le devenir historique. »35 Bordiga reprend les deux formulations du Manifeste enfaisant la distinction entre le parti comme moment de la

35 . https://www.marxists.org/francais/bordiga/works/1921/04/bordiga_19210415.htm.

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conscience et de la classe et le parti comme organisationformelle. D’un côté, nous avons la classe qui, dans lamesure où elle prend conscience de ses intérêts propreset les fixe sous son propre programme dans l’espacepolitique, se convertit en un sujet politique indépendant« et donc en parti politique ». La classe se convertit enun parti, en une partie autonome de la sociétécapitaliste. De l’autre, nous avons "les partis", petitessécrétions de la classe, ferments du développement desa conscience, cristallisations de cette volonté del’étendre et de l’approfondir. Les travailleurs se constituent « en classe, et donc enparti politique » quand leurs propres luttesindépendantes de toute fraction de la bourgeoisie lesconvertissent en sujet politique propre.

Le parti de classeGrâce aux leçons de la Commune de Paris, de laRévolution russe et même de Mai 1937 en Espagne oudans les grèves révolutionnaires de 1942 en Italie, noussavons que c’est dans cesmoments que les organisationsformelles, les "partis ouvriers"qui regroupent les militants,sont poussés par le mouvementlui-même de la classe àcoïncider et à fusionner pourêtre utiles… ou bien ilsexplosent et meurent. Le petitparti bolchevique n’a passeulement cru mais aussi il aabsorbé d’autres groupesmilitants comme l’important"groupe inter-district" duPOSDR dans lequel Trotskymilitait, et même des militantsindividuels qui se proclamaientjusqu’alors comme anarchistesou populistes, pour, à partir dela décantation que les "Thèsesd’avril" de Lénine imposèrent,se transformer en Particommuniste de Russie qui est lepoint clé du processusrévolutionnaire russe. Et ce quiest plus important, à partir d’avril, le parti en formationmois après mois regroupe des secteurs chaque fois plusgrands de la classe jusqu’à intégrer en octobre unepartie significative des travailleurs les plus conscients etimpliqués dans le mouvement révolutionnaire.C’est alors qu’on peut parler en propre de "parti declasse" : une organisation formelle qui regroupe dessecteurs numériquement significatifs de travailleurs quiforment son avant-garde et qui le fait en outre sur labase du programme qui rend possible le développementde cette constitution du prolétariat en classe, en sujetpolitique, en parti antagoniste et acteur de latransformation révolutionnaire de la société capitaliste.Comme Marx l’avait annoncé dans L’idéologieallemande (1845), cette élévation de la classe en parti et

l’apparition conséquente d’un parti formel de larévolution prolétarienne ne pouvait avoir lieu qu’aucours de la révolution elle-même, au travers de la lutteclasse contre classe, car ce n’est qu’alors que lesattaches qui enserrent le développement de laconscience peuvent se détendre suffisamment pour lesrendre possibles :« Une transformation massive des hommes s'avèrenécessaire pour la création en masse de cetteconscience communiste, comme aussi pour mener lachose elle-même à bien; or, une telle transformation nepeut s'opérer que par un mouvement pratique, par unerévolution; cette révolution n'est donc pas seulementrendue nécessaire parce qu'elle est le seul moyen derenverser la classe dominante, elle l'est égalementparce que seule une révolution permettra à la classe quirenverse l'autre de balayer toute la pourriture du vieuxsystème qui lui colle après et de devenir apte à fonderla société sur des bases nouvelles » (K. Marx,L’idéologie allemande36).

Le fameux "parti de classe" nepeut exister que dans lesépoques révolutionnaires quandune partie significative destravailleurs fait sienne leprogramme historique de classecomme seule forme pour que salutte continue de se développer.D’un autre côté, il est clair quele programme de classe n’estpas une occurrence ou unevision salvatrice née au feu dela bataille, mais le résultat d’unlong et constant travail decritique en continuité avec lespremiers groupes communistesouvriers qui commence avec lescommunistes icariens de Cabetet la Ligue des Justes deWeitling et qui prend corpssolidement avec latransformation de cette dernièreen Ligue de Communistes avecMarx et Engels. Mais qui biensûr ne s’arrête pas là. Dans le

cas russe, il est évident que le parti se forme autour dela fraction bolchevique au sein du parti social-démocrate. Sans tout un travail tant théoriqued’élaboration du passé que d'intervention durant desannées, sans une forme organisée alors nouvelle et utilepour les nouvelles conditions apparues avec la guerre, ilaurait été impensable d’arriver ne serait-ce qu’aux"Thèses d’avril". Dans le sens contraire, la faiblesse desavant-gardes dans la courte révolution espagnole de1936-1937 (bolcheviques-léninistes, "amis de Durruti"et militants individuels du POUM et de la CNT)

36 . https://www.marxists.org/francais/marx/works/1845/00/kmfe18450000d.htm.

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Le 6e Congrès du Parti bolchevique qui eutlieu durant les Journées de juillet 1917, futcelui de la fusion avec le groupe inter-districtdu POSDR (le parti social-démocrate russe),le "groupe de Trotsky" que l’on voit sur laphoto, et le début des adhésions massives desouvriers. En mars 1918, après l’insurrectionouvrière d’octobre 17, le nouveau parti adoptale nom de "parti communiste". (repris du blogde Nuevo Curso).

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n’exprimait pas seulement directement la faiblesse de laclasse au moment de vérité, mais aussi l’incapacité desfractions communistes opposées à la contre-révolutionrégnante pour fournir des réponses utiles aux nécessitésde la classe dans la décennie antérieure.C’est-à-dire que, dans les périodes où la classe n’a pasréussi à émerger comme sujet politique, la capacité desrévolutionnaires pour constituer des fermentsorganisationnels et politiques solides est indispensablepour qu’au moment révolutionnaire la classe puissedévelopper sa conscience et matérialiser un courspolitique propre. Le "parti de classe" des moments révolutionnaires netire pas son programme du néant mais d’un long travailthéorique et d’intervention des groupes derévolutionnaires dans les périodes de faiblesse, dedéfaite et de recul.

Le parti comme organisation politique formelle dans la classeBien sûr, tout ce qui s’appelle "communiste" ou"ouvrier" ou prétend l’être n’est pas une organisationpolitique de classe même si elle a beaucoup d’ouvriersparmi ses membres. Il y a des frontières qui sontfondamentales en dehors desquelles il ne peut y avoirune réflexion de classe, indépendante de la bourgeoisie,même si ceux qui les animent sont bien intentionnés.Ces frontières sont en réalité très basiques : ne pas avoirappelé les travailleurs à semassacrer d’un côté ou de l’autresous les drapeaux nationaux dechaque bourgeoisie en défense ducapital national, pour son"indépendance" impossible outoute autre cause imaginable. En1975, voilà comment G. Munissoulignait les critères politiquespour définir une organisation declasse :« Ils sont tous englobés dansl’internationalisme. Son abandonen 1914 par la Secondeinternationale au bénéfice de ladéfense patriotique (capitaliste, ilne peut en être autrement) fut ungrand effondrement pour leprolétariat. Remis de nouveau enmarche par la révolution russe, ilest à l’origine de la première vague révolutionnairemondiale qui fut contenue pays par pays jusqu’à êtrevaincue en Espagne. La cause directe de cetteélimination du prolétariat comme classe en lutte fut latrahison de l’internationalisme par la 3e Internationale,trahison provenant des intérêts du capitalisme étatiqueérigé en Russie et hypocritement étiqueté socialiste.L’internationalisme nous donne donc la clé pourcomprendre tous les problèmes et pour adopter enconclusion les notions théoriques nécessaires à laprochaine offensive du prolétariat.

Il permet d’établir les mérites et les erreurs de larévolution russe, de comprendre sa marche en arrièrejusqu’à la contre-révolution stalinienne, le rôleréactionnaire mondial de celle-ci au travers de sespartis, la défaite de la révolution espagnole, la victoirede Franco et sa durée au pouvoir, la guerre de 1939-45,les résistances national-impérialistes et toutes lesguerres ou mouvements nationaux postérieurs de mêmenature, la conversion de ce que furent des partiscommunistes en partis anti-communistes, la croissanceindustrielle dégénérative tant en Occident qu’en Russie,Chine et dans les pays arriérés, le long marasme duprolétariat depuis la guerre jusqu’à aujourd’hui etl’importance réactionnaire croissante des syndicats ; ilpermet de comprendre les similitudes des nombreuxgroupes plus dans la posture que pleinementrévolutionnaire » (G. Munis, traduit par nousdirectement du blog de Nuevo Curso).La frontière fondamentale qui distingue les groupespolitiques de classe est l’internationalisme, le refus desubordonner le mouvement de classe à une quelconquefaction ou intérêts du capital dans aucune circonstance,particulièrement la guerre.

Le parti en devenirIl y a toute une série de groupes qui, ayant tiré lesleçons de la contre-révolution, de l’évolution ducapitalisme dans sa décadence et de toutes les avancéeset défaites du mouvement, se définissent selon les

principes de l’internationalisme.Dans leur majorité, ils forment ceque nous appelons l’avant-gardehistorique : ils sont le résultat del’évolution des gauches desSeconde et Troisièmeinternationales. Il y aussi d’autresgroupes internationalistes"nouveaux" qui essaient de tirerleurs propres leçons desexpériences passées de la classe.Les unes et les autres ont despositions différentes sur desquestions, des traditions, desmodèles tactiques et des formesorganisationnelles distinctes,mais toujours dans le cadre d’unacquis commun. En général, leursuccès dépendra de leur capacitéà se réapproprier et rendre utile le

programme de classe, toutes ces leçons du passé quiémergent de l’histoire même du mouvement ouvrier,pour les "avant-gardes contingentes". Nous appelons"avant-gardes contingentes" toute cette couche detravailleurs qui remettent en question les mensonges etles pièges bombardés continuellement par la droite et lagauche à travers les médias et les appareils de l’Étatdans le monde et dont la réponse, si elle se développe demanière cohérente, ne peut que les mener auprogramme communiste.Ensemble, avant-gardes historiques, groupes ouvriers

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Manuel Fernández Grandizo, dit Munisen 1977

(repris du blog de Nuevo Curso)

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qui se réapproprient le programme et avant-gardescontingentes qui cherchent des réponses, forment lemouvement réel "vers" le parti. En toute modestie, ellessont le parti du prolétariat d’aujourd’hui, le "parti endevenir", le parti qui n’a jamais cessé d’exister et qui esten permanent processus de formation. Dans sonensemble et dans la mesure où il s’appuie sur leprogramme communiste, il est le "parti historique". Le"parti de classe" ou "parti révolutionnaire"dans sonforme actuelle embryonnaire, bien que composé dedivers "partis" en tant qu’organisations formelles etcontingentes.Comme tout mouvement vivant et contradictoire, toutesses tactiques ne fonctionneront pas, ni toutes ses formesorganisationnelles actuelles ne répondront auxnécessités historiques qui se poseront dans les années àvenir et bien sûr toutes leurs positions d’aujourd’hui,certaines contradictoires entre les groupes, ne semaintiendront pas. Chacun de ces groupes est etcontinuera à être confronté de manière croissante à laréalité et aux nécessités des luttes de classe si lemouvement de classe prend son élan. Dans celles-ci, ilsdevront se corriger et se forger comme des forcescapables d’orienter la classe de manière effective pourdépasser les différents niveaux de résistance et deconfrontation. Cela ne se produira pas en discutant demanière académique, en s’obstinant à "croître", ni enentrant dans les querelles propres au gauchisme. Ni lesectarisme, ni l’obsession numérique, moinscontradictoires que ce qui paraît, n’apporteront rien quine soient des obstacles.Les groupes internationalistes, historiques ou nouveaux,

et les travailleurs qui cherchent des réponses pouravancer, forment aujourd’hui ce "parti en devenir" quivise au futur parti de classe.Il n’y pas d’autre secret que d’apporter avec des vieilleset des nouvelles formes, des réponses et des chemins audéveloppement de la conscience de la classe dans sesconflits et aspirations. Car au final, le parti, dans toutesses acceptations, est plus que le programme de classe sedécouvrant elle-même et matérialisé, incarné, dans lapartie la plus consciente des travailleurs. C’est pour celaque le travail de tous ces groupes, aujourd’hui petits eten apparence modestes, est cependant d’une importanceimmense car ils sont le lien entre la connaissancedéveloppée dans le passé et le futur auquel il fautdonner sens pour toute l’épopée humaine. Comme ledisait Pour un Second Manifeste communiste en 1961 :« Les conditions objectives de la révolution communistene suffisent pas pour garantir sa victoire, et lesconditions subjectives ne seront engendréesnécessairement par les premières. Les conditionssubjectives ne sont pas autre chose que la consciencethéorique de l’expérience antérieure et des possibilitésmaximales offertes par le prolétariat ; c’est laconnaissance ardente d’action humaine et prête àchanger son existence subjective en existenceobjective » (traduit pas nos soins du blog de NuevoCurso, nous n’avons pas trouvé cette citation dans laversion française du "Second Manifeste… sur le site :https://bataillesocialiste.wordpress.com/2009/06/01/pour-un-second-manifeste-communiste-for-1961/.)

Nuevo Curso, 18 mars 2018 (traduit par le GIGC).

Brochures des CI-Klasbatalo et de la FICCI (commande à intleftcom@gmail)Lutte étudiante et assemblées de quartier (Communistes Internationalistes - Klasbatalo)La dégénérescence de l'IC : le PCF (1924-1927) (Fraction interne du CCI)Groupe des Travailleurs Marxistes (Mexique, 1938) (Fraction interne du CCI)La question de la guerre (1935) (Fraction interne du CCI)Morale prolétarienne, lutte de classes et révisionnisme (Fraction interne du CCI et GIGC)Les syndicats contre la classe ouvrière (1976) (Fac-similé de la brochure du CCI).

Lisez nos brochures...

Bilan de la Lutte étudiante et desassemblées de quartier de 2012 auQuébec.

Contre les théories opportunistes du CCI :Morale prolétarienne, lutte des classes etrévisionnisme.

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Quel parti ? Quelle "future Internationale" ? Comment poser le problème ?Nous reproduisons ci-après un texte de la TCI (www.leftcom.org) qui poursuit le débat interne que cette organisationa lancé depuis quelques temps maintenant sur la question du parti révolutionnaire du prolétariat37. À l’heure où denouvelles forces communistes (et une nouvelle génération de militants) surgissent au niveau international, il est de laplus haute importance que l’ensemble du camp prolétarien, ou du moins ses forces les plus dynamiques, se réfère etse rassemble dans les débats et le processus de clarification politique autour des positions portées par la Gauchecommuniste. Comme le texte le rappelle38, de par sa filiation historique directe avec le PC d’Italie et ce qu’il estcommun d’appeler la "Gauche Italienne" d'une part et, d'autre part, comme principale organisation communisteinternationale, la TCI exerce de fait un rôle de référent et de pôle international. Ce n'est donc pas un hasard si ladynamique internationale de surgissement de nouvelles forces révolutionnaires, particulièrement en Espagne et surle continent américain du nord et du sud, dont le blog Nuevo Curso est à ce jour l'expression et le facteur le plusactif, s'appuie et s'affirme autour du pôle représenté par la TCI. L'initiative de Nuevo Curso pour traduire enespagnol et publier sur son blog ce texte, en est une illustration. Ainsi, ce texte devient un outil direct de référence etde discussion pour ces nouvelles forces et un moment du combat pour le regroupement des forces communistes envue établir au mieux une véritable clarification politique et, à terme, les conditions programmatiques, théoriques etpolitiques les meilleures possibles du futur parti politique mondial du prolétariat. Pour notre part, nous entendonsparticiper au maximum de nos forces à cette dynamique. Voilà pourquoi nous faisons suivre le texte de la TCI decommentaires et d'observations, en partie critiques, afin de pousser à la réflexion et à l'indispensable confrontationdes approches et positions politiques diverses qui existent encore aujourd'hui.

La future Internationale (TCI)L'article suivant a été publié à l'origine, dansRevolutionary Perspectives #11, comme projet dediscussion par le CWO. Après des discussions et desrévisions, la version publiée ici a été adoptée par laTendance Communiste Internationaliste (TCI). Commeindiqué dès l'origine, il est destiné à faire partie d'undocument plus long ou d'une brochure de la TCI. Ildevrait donc être lu en relation des documents antérieursque nous avons déjà publiés sur la question du parti etde la classe qui situent la question dans un contexte pluslarge. Le document de Revolutionary Perspectivesnuméro 8 sur le rôle et la structure de l'organisationrévolutionnaire sur leftcom.org, ainsi qu'un documentpublié ultérieurement sur notre site leftcom.org, sontparticulièrement à prendre en compte. Nous espéronsavec ces articles (et d'autres à suivre) stimuler unediscussion parmi les nouveaux éléments qui sontrécemment parvenus à la tradition des idées de laGauche communiste, aussi bien que pour indiquerclairement à ceux avec qui nous avons discutés depuisun certain temps la base de nos perspectives sur laquestion critique du parti et de la classe.[Introductionde la CWO]Aujourd'hui nous sommes aux prises avec une criseprofonde du capitalisme et un prolétariat si morcelé etdésorganisé qu'il ne résiste que de façon sporadique aupoids de la guerre, de l'austérité et de la pauvreté accrueIl peut donc sembler prématuré d'envisager unprocessus vers la constitution d’une futureInternationale de la classe ouvrière. Toutefois, malgrécette désastreuse situation, il y existe beaucoup denouveaux éléments dans le monde qui reconnaissentcette stagnation, sinon la faillite complète du système.Ils discutent et débattent sur les réseaux ou face à face

en petits groupes éparpillés ici ou là précisémentcomment le prolétariat s'émancipera, s’il y parvient unjour. Ce faisant, ils tentent, comme nous, de seréapproprier l'expérience des luttes ouvrières passées.Ce qui suit est notre contribution, basée sur ce que nousconsidérons être les leçons historiques apprises par leprolétariat, à cette discussion nécessaire.Le cycle actuel d'accumulation du capital est entré danssa spirale descendante il y a plus de 40 ans. Après leplus long boom économique de l'histoire du capitalisme(de 1948-1971), nous vivons maintenant son plus lenteffondrement. Le système économique quasi stagnant aété soutenu par une intervention étatique sans précédentqui lui a permis jusqu'ici d'éviter son effondrement total.Pendant une grande partie de cette période, il a réduit lesalaire moyen de la majorité des travailleurs, mais cesprivations n'ont pas suffi à stimuler la reprise, encoremoins pour empêcher l'accumulation massive de dettes,la création généralisée de capitaux fictifs, et l’existencede mini-booms et d’effondrements.Il a également produit la dislocation et la désorientationde la classe qui s'oppose régulièrement au systèmecapitaliste qui, du fait de son rôle et de sa position dansles rapports de production, est en opposition objectiveau système capitalisme. Beaucoup déplorent, qu'aucours de cette période, les révolutionnaires n'aient pasfait plus pour s'unir ; comme si les révolutionnairesavaient une existence indépendante du reste de la classeouvrière. Les divisions entre les révolutionnaires,jusqu'à présent, ont été largement fonction de lafaiblesse du mouvement de classe dans son ensemble.Et, cela ne s'est pas uniquement produit à notre époquemais tout au long de l'histoire de la classe ouvrière.Lorsque la classe se réforme dans de nouvelles

37 . cf. en français et anglais sur notre site : http://igcl.org/Prise-de-position-sur-le-texte-du et aussi sur le site de la TCIhttp://www.leftcom.org/en/articles/2016-08-28/the-revolutionary-party-and-the-working-class.

38 . « En raison de cet héritage politique, la TCI est une composante du futur parti car elle espère garder vivante les leçons des luttes de la classe ouvrière du passé pour les nouvelles générations » (TCI, Sur la future Internationale).

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conditions après une période de retraite, les premièresréponses sont inévitablement hésitantes et diverses. Cen'est que lorsque le mouvement commence vraiment àse généraliser et à prendre une forme de masse que lesrévolutionnaires ont tendance à enterrer les différencespassées et à abandonner les vieilles rancœurs. Au fur età mesure que le chemin pris par la classe ouvrièredevient plus clair, l’exigence pour la création d'uneorganisation politique de la classe avec une claire visiondu communisme devient plus forte.Certains diront que ce n'est pas nécessaire. Ilsargumenteront que le mouvement «spontané» de laclasse sera suffisant pour l'emporter vers la victoire.Nous avons une grande confiance dans l'émergence d'unmouvement de fond de la classe ouvrière qui nesouhaiterait plus vivre comme auparavant et avec lesanciennes conditions de vie. Le premier assaut contre lesystème sera inévitablement inattendu et de cette nature.Un tel mouvement peut aller loin, mais il ne résout pasla question. Les forces qui agissent contre luin'abandonneront pas facilement. Elles chercheront tousles moyens possibles pour le faire dérailler, à la foispour l’empêcher de renverser l'État et pour trouver unenouvelle façon d'organiser la vie économique et sociale.À un certain point, ces forces vont se masquer, adopterde fausses idéologies et tenter de le diriger sur unetrajectoire cohérente pour la poursuite du système.Nous savons tout cela par la connaissance de l’histoire.Si ces forces ne sont pas combattues politiquement parla classe ouvrière, elles feront dérailler le mouvement.Prenons deux exemples différents. Dans la révolutionrusse, le mouvement spontané a renversé le tsar enfévrier, mais pendant que les ouvriers combattaientencore dans les rues, la bourgeoisie et ses alliésmettaient en place un gouvernement qui voulait voleraux soviets ouvriers les fruits de leur victoire. Mais lestravailleurs n'ont pas été pris au dépourvu car ils ont deplus en plus fait confiance dans la présence organiséequi soutenait sans ambiguïté le pouvoir soviétique etl'internationalisme – le parti bolchevik. Bien qu'ils’agisse d'une infime minorité, ce dernier existait dansla classe ouvrière depuis des années avant la révolutionet les deux tiers de ses membres étaient des travailleurs.Ses slogans ont aidé le mouvement à aller au-delà dusystème parlementaire que la classe capitaliste (aidéepar les autres soi-disant partis socialistes) essayaitd'imposer. En fin de compte, la classe ouvrière a fait duparti bolchevik son instrument et, après avoir acquis lamajorité dans les soviets à travers le pays, il est devenule fer de lance de l'insurrection révolutionnaire.Par contre, en Pologne dans les années 1980. Ici, lesouvriers occupaient spontanément des chantiers navalset rejetaient l'autorité de l'État stalinien. L’ironie veutque dans un pays soi-disant communiste, il n'y avait pasde parti politique révolutionnaire vers lequel se tourner.Dans ce vide se sont introduits l'Église catholique et lesnationalistes polonais (et derrière eux, la CIA). Ils ontorienté le mouvement des travailleurs vers la sacro-sainte «démocratie». Bref, leur lutte est devenue victime

de la rivalité inter-impérialiste.Nous savons aussi que, au sein de la classe ouvrière, laprise de conscience de la nécessité de détruire lecapitalisme s’emparera de certains (une minorité) avantles autres et que toute réunification des opposants aucapitalisme restera le fait d’une minorité. La dominationde la bourgeoisie sur les moyens de production (ycompris des idées) signifie que l'instrument politiquedes travailleurs conscients au sein de la classe resteratoujours minoritaire avant l'éclatement de la révolution.Plus cette minorité fournit un message politiquecohérent avec une forme organisationnelle cohérente etcherche à fonctionner au sein de la classe ouvrière ausens large, plus elle peut devenir partie intégrante dumouvement vivant de la classe. Quand le mouvementdoit être clair sur ses objectifs et la direction à prendre,la minorité révolutionnaire, ou en d'autres termes, leparti politique, a un rôle clé à jouer dans la lutte contrel'idéologie bourgeoise en proposant un programme àtoute la classe, basé sur les leçons de l’histoire et lesacquis de ses propres luttes passées.Ces acquis ont tendance à être oubliés au fil du temps.Un des éléments clés du Manifeste communiste était"Les communistes ne se distinguent des autres partisouvriers que sur deux point : - dans les différentes luttes nationales des prolétaires,ils mettent en avant et font valoir les intérêtsindépendant de la nationalité et communs à tout leprolétariat ;- dans les différents phases que traversent la lutte entreprolétaires et bourgeois, ils représentent toujours lesintérêts du mouvement dans sa totalité.»39 (le gras est denous [note de la TCI]) Dès ses débuts, le mouvement communiste modernes'est centré sur le caractère universel et internationalistede la classe ouvrière. Lorsque la Première Internationalefut fondée en 1864, Marx et Engels la considéraientcomme leur plus grande réussite. Marx a annoncé que laclasse ouvrière avait enfin un instrument indépendant detous les partis bourgeois ; il pouvait maintenant affirmerque «l'émancipation de la classe ouvrière sera l‘œuvredes travailleurs eux-mêmes». Cependant, cetteaffirmation était un peu prématurée. La PremièreInternationale a été déchirée par des divisions entre lessyndicalistes anglais, les mutualistes proudhoniens et larivalité obscure de l'Alliance internationale pour ladémocratie socialiste de Bakounine. CertainsInternationalistes ont individuellement joué un rôle dansla Commune de Paris, mais à ce moment-là,l’Internationale avait pratiquement cessé d'exister entant que véritable organisation.Il faudra encore attendre une vingtaine d'années avantde voir apparaître sa succession, la DeuxièmeInternational. Elle reposait explicitement sur dessections nationales qui étaient beaucoup plusdominantes que le Bureau Socialiste International quidevait normalement les coordonner. Les sections

39 . www.marxist.org.

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rassemblaient diverses traditions du mouvement ouvrieret n'étaient pas exclusivement marxistes. En effet, l'ailemarxiste du mouvement était de plus en plusmarginalisée par le pouvoir croissant des syndicatssociaux-démocrates. Finalement, la DeuxièmeInternationale se dissout au début de la Première Guerremondiale au sein de ses composantes nationales alorsque parti après parti (à l'exception des partis russe,polonais, roumain, serbe et bulgare40) ils votent lescrédits de guerre dans leurs nations respectives.Malgré les efforts de réunification des socialistes contrela guerre (Zimmerwald et Kienthal), aucune nouvelleinternationale n'est apparue pour remplacer la DeuxièmeInternationale. Ce n'est qu'avec le triomphe duprolétariat russe et la Révolution d'Octobre, premièreétape de la révolution mondiale, que la question d'unenouvelle internationale se posa de nouveausérieusement. Cependant, dans l’Europe déchirée par laguerre, établir une Internationale révolutionnaire oucommuniste n'était pas chose facile, et ce n'est qu'en1919 qu'elle a tenu sa première réunion à Moscou.La nouvelle Internationale promettait beaucoup. Sousl'influence de la Révolution russe, les partiscommunistes commencèrent à apparaître à travers lemonde en s'affiliant à l'Internationale sur la base de ses21 conditions. Cependant ces partis étaient en grandepartie nouveaux et souvent dotés de jeunes chefs trèscertainement en admiration devant lesaccomplissements des camarades russes. Enconséquence, le parti russe a dominé l'Internationale dèsle début (tout comme le Parti social-démocrateallemand était considéré comme «le Parti» [Trotsky] dela Deuxième Internationale). Cela allait avoir desconséquences désastreuses pour la TroisièmeInternationale et ses partis la constituant.Alors que la révolution en Russie laissait tomber sespromesses initiales - principalement parce que denouvelles révolutions, surtout en Europe, n’avaient paséclaté pour lui venir en aide - le Parti communiste russevoyait de plus en plus l'Internationale comme uninstrument de soutien pour la Russie. C’est-à-dire lesoutien du nouvel d'État russe ambivalent et ambigu quise confondait avec la révolution russe. Mais le soutien àun État dont la priorité était de plus en plus de survivredans l'ordre mondial capitaliste (en voie de stabilisateur)signifiait de plus en plus l'abandon du projet de larévolution mondiale. La révolution mondiale était leseul événement qui aurait pu raviver le potentielrévolutionnaire en Russie. En 1921, l'Internationaleadopta la politique d'aller «aux masses», ce quisignifiait en pratique essayer de faire un front communavec les différents partis sociaux-démocrates de laDeuxième Internationale ainsi remis en scelle. Ilsavaient été le dernier rempart du capitalisme contre larévolution ouvrière dans tous les pays (notamment enAllemagne où ils étaient complices du meurtre deLuxemburg et de Liebknecht et de centaines detravailleurs communistes). Un an plus tard, le

40 . Pour les partis des États engagés dans la guerre impérialiste.

Komintern transformait le mot d’ordre d’«aller auxmasses» dans la variante politique du «front uni» quiexigeait que les nouveaux et jeunes partis communistesrecherchent l'alliance avec ceux dont ils venaient deséparer de quelques mois auparavant. La TroisièmeInternationale est ainsi devenue l’outil de la nouvelleclasse montante en Russie et a cessé d'être l’outil de larévolution internationale.Que démontre l'expérience de la dernière vaguerévolutionnaire? De par sa nature même, la lutte de laclasse ouvrière pour vaincre le capitalisme sera trèsdifférente de celle de la bourgeoisie dans sa lutte contrele féodalisme. La bourgeoisie a développé sa propreforme de propriété sous la féodalité et a ainsi construitsa richesse et son pouvoir dans l'ancien régime avant dele remplacer. La révolution du prolétariat est différente.Nous n'avons aucune propriété à défendre. Notre forcevient de notre capacité d'action collective et commune.La révolution prolétarienne ne peut pas se faire par lasimple poursuite d’intérêts immédiats. La révolutionprolétarienne doit être une révolution consciente.Cependant, dans des conditions capitalistes, certainstravailleurs reconnaîtront avant d’autres la nécessité derenverser le système. Il est naturel que cette minoritéforme une organisation politique exprimant son objectifconscient de créer une nouvelle société.Sous la social-démocratie, la classe ouvrière étaitorganisée dans des partis nationaux qui reconnaissaientleur appartenance à la Deuxième Internationale. Maiscette Internationale n’était qu’une simple boîte auxlettres plutôt qu'une direction coordonnée du prolétariatinternational. En tout cas, elle a construit un mouvementde masse totalement dédié au réformisme. Lesrévolutionnaires étaient largement marginalisés commel'a montré le résultat d'août 1914. Cela a laissé la classeouvrière révolutionnaire sans Internationale jusqu'à lasuite de la révolution russe. La Troisième Internationaleest arrivée trop tard pour agir comme elle était censéeêtre - l'avant-garde de la révolution mondiale. Étantdonné l'énorme prestige pour la classe ouvrière qui avaitréussi à renverser sa classe dirigeante et à devenir ainsile phare de la révolution mondiale, il n'était pas anormalque le parti russe exerce une influence considérable surl'Internationale. Mais au moment où la Révolution russes'est repliée sur elle-même, l'Internationale a trèsrapidement abandonné la révolution mondiale en faveurd'une politique de défense de l’État russe désormaisséparé de son assise, la classe à l’origine de larévolution. L'imposition de la politique de"bolchevisation" dans les nouveaux partis les adépourvus des vrais révolutionnaires et a fait del'Internationale une autre agence de l'URSS dans sa luttepour une place parmi le "concert des nations".La leçon est claire. En prévision de n'importe queléclatement révolutionnaire, il doit y avoir une sorted’Internationale. Ce « ne peut pas être une fédérationde partis plus ou moins indépendants avec despolitiques différentes basées sur des revendicationspropres à chaque situation nationale. Il est donc plus

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correct de parler d'un parti international. La nature, lastructure et les statuts de ce Parti prolétarieninternational doivent façonner de manière homogènechaque section nationale. Sa plate-forme politique doitêtre le patrimoine commun, développé de manièrehomogène par toutes les sections et tous les militants. »(M. Stefanini, La Nouvelle Internationale sera le PartiInternational du prolétariat, Prometeo, VI série, n. 1,2000 et Internationaliste numéro 20, 2001).Ici, l'homogénéité ne signifie pas une identité totaled'accord sur chaque question mais indique un accord surune plate-forme commune et en définitive unprogramme commun. Cela ne peut être clarifié que parla discussion la plus large possible au sein del'Internationale. Le Parti International (et quel que soitson nom) doit avoir une unité d’action centralisée pourvaincre l'ennemi de classe, mais une unité significativen'est pas atteinte sans le dialogue constant entre sesmembres. Le parti bolchevik, contrairement à lamythologie stalinienne, était plein de débatscontradictoires et, malgré toutes les différences, cela n'apas empêché ses différentes sections de démontrer leurcapacité d'initiative et de devenir l’outil que la classeouvrière a saisi et transformé en fer de lance de larévolution. Au contraire, c’est le lien direct et concret,que la masse de ses membres avait au sein de la classeouvrière, qui lui a permis de stimuler autant de débatsau sein du parti et qu’il a pu en dernier ressort devenirl’instrument du mouvement ouvrier au sens large, en1917. Les membres de la future Internationale nepeuvent donc contribuer au mouvement réeld'émancipation que s’ils ont des liens directs avec laclasse dans son ensemble. Les communistes doiventgagner le droit d'être écoutés.Les militants de cette Internationale participeront ettenteront de guider toute révolution future enencourager l'autonomie des luttes ouvrières parl'établissement d'organes de la classe. Ils participeront àtous les niveaux autant que possible maisl'Internationale ne sera pas un gouvernement deremplacement. Sa tâche reste la diffusion de larévolution mondiale. Cela signifie que même si sesmilitants peuvent accepter d’être délégués par lesorganes de toute la classe, partout où l'Internationale estprésente, cette dernière ne dirige aucun domaine tout encontinuant à donner son avis politique. Comme l'écrivaitOnorato Damen dans la Plate-forme du Particommuniste internationaliste de 1952.« Il n'y a pas de possibilité d'émancipation de la classeouvrière, ni de construction d'un nouvel ordre social sicette possibilité ne ressort pas de la lutte des classes ...A aucun moment et pour aucune raison le prolétariatn'abandonne son rôle combatif, [le prolétariat esttoujours objectivement antagoniste au capitalisme]. Ilne délègue pas à d’autres sa mission historique, et nelui confère pas [une carte blanche générale à priori],pas même à son parti politique. » (les crochets sontrajoutés par nous pour mieux coller à l’italien41).

41 . Note de la traduction réalisée par la TCI.

C'est notre vision de la forme de la future internationalemais d’où partons-nous aujourd'hui? Après quarante ansde restructuration, la fragmentation de la classeactuellement se reflète dans la dispersion des énergiesrévolutionnaires. Certains ont été découragés par lesdivisions qui règnent parmi les révolutionnaires qu'ilsaccusent de défendre leur propre chapelle. Cependant,ces différences étaient bien réelles et basées sur lesdivers efforts qui ont été faits pour faire face à la contre-révolutionnaire et à l'échec de la vague révolutionnairede l'après Première Guerre mondiale. Au fil du temps,certaines différences ont été reconnues comme moinsimportantes qu'elles ne paraissaient autrefois, mais leretour à une reprise révolutionnaire de la classe ouvrièreest long. Cela ne devrait pas être considéré comme unfacteur négatif, mais comme une partie nécessaire auprocessus de développement de la conscience de classe.En cours de route, d'importants débats ont été et sonttoujours nécessaires. Sans un débat approfondit pourclarifier les problèmes, le prolétariat ne sera jamais enmesure d'avoir un programme solide sur lequel se battrepour la prochaine grande offensive contre lecapitalisme.En même temps, les liens ténus entre lesrévolutionnaires et l’ensemble de la classe doivent êtreapprofondis et renforcés. Chaque organisation politiquelocale doit déterminer les moyens pour demeurer encontact avec des sections plus larges de travailleurs quine se considèrent peut-être pas comme révolutionnairesmais qui savent qu'ils cherchent toutefois à combattre lamisère engendrée par le capitalisme. Dans le booméconomique d'après-guerre, à la lumière de leurcompréhension du fait que les syndicats sont hostiles àl'organisation de la résistance anticapitaliste, unestratégie clé mise en avant par le Parti communisteinternationaliste (PCInt-publiant Battaglia comunista) aété la mise en place de groupes d'usines qui incluaientdes membres et des non-membres du parti, dansplusieurs lieux de travail (y compris à la FIAT).Cependant avec le déclin des énormes concentrationsindustrielles, des «groupes territoriaux» pouvant parfoisinclure, à la fois des groupes militants issus de lieux detravail locaux, et à la fois des groupes de militantsluttant sur d'autres questions (par exemple la guerre, lelogement ou l'emploi) ont été mis en place. Il importe,ici, que l'organisation politique soit toujours présentedans les lieux où la masse de la classe elle-même semanifeste. Les groupes internationalistes ne sont pas descréations spontanées de la classe, mais plutôt des outilspolitiques adoptés par le parti pour s'enraciner dans lavie de la classe au sein de laquelle il agit comme guideet intervient partout où il le peut. Le parti n'est pas uneentité qui se forme à la dernière minute ou qui n'apparaîtqu’au moment de l’éclatement de la lutte. Il doit fairepartie au quotidien de la vie de la classe sans succomberau cancer du réformisme pour obtenir des gainsartificiels et à court terme.Actuellement, la présence des révolutionnaires dans laclasse est très embryonnaire, mais à mesure que la crises'aggrave, de plus en plus de travailleurs réalisent qu'il

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n'y a pas de solutions capitalistes à leurs problèmes. Lapossibilité de travailler plus largement se présentera ànouveau aux révolutionnaires. Une fois que la classeouvrière commencera à bouger, le mouvement pratiqueaura tendance à adopter le programme qui répond lemieux à ses besoins réels. Cependant cela ne signifiepas que les révolutionnaires attendent les bras croisésdans l’attente du grand soir. Il n'y aura pas de grand soirà moins que ceux qui sont déjà communistes ne luttentpour cette perspective aussi largement que possible dansles organisations de combat que la classe ouvrière elle-même se crée.L'Internationale (ou du moins son large noyau) doitexister avant l'éclatement de la crise révolutionnaire.Elle est "restreinte" en ce sens que sa plate-forme et sonprogramme sont basés uniquement sur les leçonsrévolutionnaires de la lutte des classes antérieure. Dansce cadre, tout débat est possible et le parti est organiséselon des principes du centralisme démocratique (c'est-à-dire que toutes les questions sont finalement votéespar ses membres). En même temps, le parti permettraégalement l'existence de différentes tendances sur desquestions qui n'ont pas déjà été réglées ou lorsque denouveaux aspects du programme se posent. Ellesdoivent avoir le plein droit de débattre et de publierleurs opinions minoritaires, car il y aura beaucoup denouveaux défis sur la voie de la révolution. Il y a desurcroît beaucoup de problèmes auxquels l'histoire n'apas encore répondu. La santé de l'organisation dépenddirectement de l'échange énergique d'opinions. En fin decompte, de tels échanges devraient aboutir en unepolitique commune, mais si un débat demande un vote,la minorité doit accepter le verdict de la majorité pourne pas saper l'unité d'action des organisations. C'est laseule voie saine dans laquelle le parti peut sedévelopper s'il veut agir en tant que force centraliséelorsque la situation de la révolution mondiale l'exigera.Sans une compréhension commune des lignes d’actiongénérales (même s'il n'y a pas d'accord total), aucunepolitique significative ne sera menée. En même temps,la discussion et le débat préparent chaque membre duparti à agir de manière autonome en tant querévolutionnaire lorsque la situation locale immédiatel'exige. Il n'y a pas de mécanisme statutaire qui puissel’assurer. Elle réside dans la préparation et la consciencede tous les membres et cela ne peut se faire que parl'intermédiaire d'un parti qui possède une cultured'éducation et de discussion animée.Bien que nous ayons adopté ces principes dans nosstatuts, la Tendance Communiste Internationaliste,comme nous l'avons répété maintes fois, n'est pas ceparti, ni même le seul noyau d'un futur parti, puisque lesconditions pour cela n'existent pas encore. Cependant,nous ne sommes pas apparus de nulle part. Nousappartenons à la tradition de la Gauche Communisted'Italie qui a fondé le Parti communiste d'Italie, sectionde la Troisième Internationale, en 1921. Lorsque nosprédécesseurs ont été alors retirés de la direction de ceparti au cours du processus de "bolchevisation" (en

réalité l'antithèse de tout ce qui était révolutionnairedans le bolchevisme) ils continuèrent à se battre pourl'internationalisme et la politique révolutionnaire dansles usines de France et de Belgique ainsi que dans lesprisons de l'Italie fasciste. En 1943, c'est de la réunionde ces deux courants que la Gauche communiste s’estrassemblée à nouveau au sein du Parti communisteinternationaliste en Italie. Elle a maintenu et mêmedéveloppé la politique révolutionnaire malgré lestentatives d'anéantissement par les sbires de Staline.Elle a survécu à l'après-guerre jusqu’à agir comme unpoint de focalisation pour l'établissement de la TendanceCommuniste Internationaliste. Le Parti communisteinternationaliste tente depuis longtemps de trouver unterrain d'entente avec d'autres groupements ettendances. Même si cela n'a pas souvent débouché surun accord, la porte du dialogue est toujours restéeouverte. C'est dans cette tradition que la TendanceCommuniste Internationaliste (TCI) opère aujourd'hui.En raison de cet héritage politique, la TCI est unecomposante du futur parti car elles espèrent gardervivantes les leçons des luttes de la classe ouvrière dupassé pour les nouvelles générations. C'est ainsi qu’elleséviteront de passer par toutes les erreurs passées de laclasse ouvrière et comprendront ce qu’il reste àaccomplir. En même temps, nous reconnaissons que lasituation de la classe ouvrière aujourd'hui est différentede celle du passé comme elle le sera à l'avenir. C'estpourquoi nous sommes ouverts à de nouvellesréflexions face aux problèmes que la future vaguerévolutionnaire posera à toute minorité politique de laclasse.Néanmoins la TCI ne se considère pas comme unsimple centre de discussion, mais comme l'un desnoyaux du futur parti international, c'est la raison pourlaquelle elle regarde de près d'autres expériences quipeuvent contribuer à sa construction. L'adhésion de laTCI à une plate-forme politique commune et claire, sarecherche constante de rester en lien avec l’ensemble dela classe et de s'enraciner dans les limites des conditionsobjectives et subjectives existantes, définissent sontravail vers la création du parti.Dans notre lutte pour le communisme, nous avonsconstamment soulevé la question de l’Internationale oudu Parti International. Si la classe ouvrière mondiale neforge cet outil politique comme produit et facteur dudéveloppement de sa conscience révolutionnaire, ellefera face à encore plus de défaites à l'avenir. Nousespérons sincèrement nous engager avec de nouveauxgroupes qui prennent conscience de la nécessité derenverser le système en lui donnant une boussolepolitique. Dans le même temps, nous cherchons àdialoguer avec les groupes existants, à coopéreractivement là où c'est possible, à accepter les d'accordslà où ils sont nécessaires ; et finalement à s'unir àmesure que l'histoire avance inexorablement et qu'unvéritable mouvement de classe se développe.

Tendance communiste internationaliste (Juin 2018)

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Quelques commentaires et observations sur le texte de la TCI

Les commentaires qui suivent, visent à apporterquelques précisions et éléments de réflexion par rapportà ce texte de la TCI. Nous entendons ainsi répondreconcrètement, positivement et fraternellement à l'appelde celle-ci à « stimuler une discussion parmi lesnouveaux éléments qui sont récemment parvenus à latradition des idées de la Gauche communiste ». Le texteaffiche les positions classiques de cette organisation surla question du parti avec lesquelles nous sommes pourl'essentiel en accord au point que nous pouvonsreprendre à notre compte ce qu'en dit la présentation deNuevo Curso : « Nous voudrions d'abord signaler lestrès importants éléments en commun : l'accord sur lerôle de l'organisation politique, la fonction dumouvement "spontané" de la classe et la nécessité de laconstruction du parti de classe pour que la classepuisse se constituer en parti. Mais aussi les apports quiintègrent l'expérience développée par les groupespolitiques révolutionnaires ces derniers quaranteans »42. Nous saluons aussi le texte de la TCI parce qu'ils'inscrit dans le combat historique pour le parti etcomme un moment immédiat de ce combat. Enparticulier, nous partageons complètement lacompréhension et la vision du rapport parti-classe quiappartient tout spécialement au legs historique de laGauche dite italienne et telles que le texte les reprend àson compte : « plus cette minorité [le parti oul'Internationale] fournit un message politique cohérentavec une forme organisationnelle cohérente et chercheà fonctionner au sein de la classe ouvrière au senslarge, plus elle peut devenir partie intégrante dumouvement vivant de la classe ». Néanmoins, c'estprécisément sur ce point que nous voulons intervenir caril nous semble que cette compréhension dynamique durapport parti-classe est en partie contredite, ou du moinsaffaiblie, par certaines insistances du texte lui-même.L'article insiste principalement, à plusieurs reprises etsous différentes formulations, sur deux caractéristiques,ou dimensions, nécessaires à la constitution de la futureInternationale : « les liens directs avec la classe »comme condition sine qua non pour « contribuer aumouvement réel d'émancipation » ; et sur le fait qu'« une unité significative [au sein du parti] n'est pasatteinte sans le dialogue constant entre ses membres ».

La présence de l'Internationale dans la classe ouvrièrePour nous, la première dimension doit être compriseplus largement que le seul "lien ou enracinementphysique" dans la classe. Elle renvoie à la capacitépolitique du parti à se mettre au premier rang politique –c’est-à-dire en priorité en terme d’orientations et demots d’ordre – du combat de classe. Le lien du partiavec la classe dans son ensemble, que ce texte de la TCItend trop à réduire aux seuls « liens directs avec la

42 . https://nuevocurso.org/sobre-la-futura-internacional/.

classe »43, est d'ordre essentiellement politique et lasimple "présence physique" des révolutionnaires,organisés en parti, dans les masses prolétariennes nesuffit pas, loin s'en faut, à renforcer ce lien. Cetteprésence est autant le produit que facteur de l'influencedirecte, c'est-à-dire politique, du parti dans les massesprolétariennes. In fine, ce sont les capacités politiques etmilitantes – la volonté et les efforts d'intervention et deprésence politique directe dans la classe – du parti à seporter à l'avant-garde du combat politique de classe, àchaque moment de celui-ci, qui permettront ledéveloppement réel du lien entre les deux, parti etclasse, et l'influence du premier dans les masses. « C'est en offrant le maximum de continuité dans ladéfense du programme et dans la vie de la hiérarchiedirigeante (par-delà le remplacement individuel dechefs infidèles ou usés) que le Parti assure également lemaximum de travail efficace et utile pour gagner leprolétariat à la lutte révolutionnaire. Il ne s'agit passeulement d'édifier les masses, et moins encored'exhiber un Parti intrinsèquement pur et parfait, maisbel et bien d'obtenir le meilleur rendement dans leprocessus réel. Comme on le verra mieux plus loin, ils'agit, par un travail systématique de propagande et deprosélytisme et surtout par une participation active auxluttes sociales, d'obtenir qu'un nombre toujourscroissant de travailleurs passe du terrain des luttespartielles pour des intérêts immédiats au terrain de lalutte organique et unitaire pour la révolutioncommuniste. Or c'est uniquement lorsqu'une semblablecontinuité de programme et de direction existe dans leParti qu'il lui est possible non seulement de vaincre laméfiance et les réticences du prolétariat à son égard,mais de canaliser et d'encadrer rapidement etefficacement les nouvelles énergies conquises dans lapensée et l'action communes, pour atteindre à cetteunité de mouvement qui est une condition indispensablede la révolution.» (Thèses de Rome adoptées par le PCd'Italie, 1922, nous soulignons44).

L’Internationale et la dynamique de la lutte des classesCette dimension "présence et influence directe dans laclasse" renvoie aussi à la compréhension du rapportparti-classe et plus largement à celle de la dynamiquemême de la lutte prolétarienne. « Le parti n'est pas uneentité qui se forme à la dernière minute ou quin'apparaît qu’au moment de l’éclatement de la lutte. Il

43 . Il est fréquent que la CWO, le groupe anglais de la TCI, utilisele terme "enracinement dans la classe" souvent compris et réduitau seul sens physique, c'est-à-dire à "avoir des militants ouvriersdans les entreprises".

44 . https://www.marxists.org/francais/bordiga/works/1922/01/bordiga_19220130.htm. Sur la compréhension et la définition des rapports du parti à l'ensemble du prolétariat, on peut aussi se réfèrer avec grand intérêt au texte du PC d'Italie de 1921, Parti et action de classe, sur le site du PCI-Programme communiste : http://www.pcint.org/.

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doit faire partie du quotidien de la vie de la classe sanssuccomber au cancer du réformisme pour obtenir desgains artificiels et à court terme ». Cette formulation dutexte de la TCI – la première phrase est tout à fait justeen soi – nous semble confuse et ambiguë en opposant,du moins en dissociant, les luttes de la classe et « la viede la classe » comme deux moments distincts [les mots"du quotidien de" sont même absents de la versionoriginale anglaise]. Du point de vue communiste,l'essentiel de la vie de la classe est "lutte", car elle estmouvement, quelle qu'en soit l'expression ou la forme,voire l’intensité, période révolutionnaire, mobilisationen masse, grève, manifestation, assemblée, comité,conflit collectif avec le petit chef, résistance auxcadences, discussion politique individuelle entre unmembre du parti et un prolétaire sur le lieu de travail ouailleurs, etc... « Le concept de classe ne doit donc pasnous suggérer une image statique, mais une imagedynamique » (Parti et classe, PC d'Italie, 1921). Dansce sens, la distinction, voire la séparation, entre "lutte"et "vie de la classe" est à rejeter au risque de tomberdans une vision métaphysique, combattue par Lénine enson temps (Que faire?) contre l’économisme, duprolétariat comme classe et dans une compréhensionmécanique du rapport parti-classe.Cette tendance à une vision statique de la classes’exprime dans les présentations rapides et sommairesde l’article sur la révolution en Russie et de la grève demasse de 1980 en Pologne. Elles inclinent à résumerl’issue de ces combats de classe à la seule présence ouabsence du parti sans prendre en compte la dynamiquemême de chaque confrontation entre les classes – dontle parti et les minorités révolutionnaires sont bien sûrune composante. Il n’y aurait guère d’intérêt, ou desens, à relever cette tendance du texte – à la décharge durédacteur, il est difficile de résumer en quelques lignesces deux événements historiques – si elle n’avait pas àl’occasion des conséquences pratiques dans des prisesde position de la TCI comme, par exemple, ce fut le casà propos de la question catalane à l’automne 2017. Lapremière prise de position de la TCI, Catalogne :Nationalismes Rivaux Contre La Classe Ouvrière45, quidénonçait à juste titre le piège nationaliste dans lequelles indépendantistes catalanistes comme les unionistesespagnols essayaient d’entraîner le prolétariat, laissait laporte ouverte à ce que l’arrêt de travail, la "grève",nationaliste du 3 octobre puisse se transformer en unvéritable mouvement de classe, internationaliste donc,sous l’influence du parti : « nous avons besoin d'uneorganisation internationale, un parti, qui puisseefficacement intervenir dans des événements commela grève en Catalogne afin de pousser la lutte[nationaliste ajoutons-nous] au-delà du contrôle dessyndicats et des partis institutionnels » (noussoulignons). Considérer qu’un "mouvement" sur leterrain bourgeois, dans ce cas en soutien àl’indépendance de la Catalogne, appelé par toutes lesforces bourgeoises catalanistes jusqu’aux gauchistes et

45 . http://www.leftcom.org/fr/articles/2017-10-10/catalogne-nationalismes-rivaux-contre-la-classe-ouvri%C3%A8re.

syndicats anarchistes, CNT et CGT compris, et sansdoute au prétexte que des ouvriers y participent, puisseêtre poussé au-delà en se transformant en une lutteouvrière, révèle cette tendance à ignorer la dynamiquemême de la lutte des classes, son processus et son cours,à considérer la classe ouvrière comme statique, d’unpoint de vue sociologique, comme une matière morte àmodeler par le parti. Comme s’il suffisait dans ce cas derivaliser et de concurrencer l’influence des forcesnationalistes et gauchistes par la seule volonté du partiet de ses membres. Certes, et bienvenu, un secondarticle de la TCI, On the Catalan "Revolution", – maismalheureusement non traduit en français – corrigeacette erreur en rappelant que « le processus deconsolidation de l’indépendance et de l’unité de laclasse ouvrière ne surgit pas d’une évolution spontanéede mouvements inter-classistes, encore moins est-il unevoie à suivre pour le prolétariat »46.

L'unité politique de l'InternationaleLa seconde dimension renvoie à l'homogénéité et unitépolitiques du parti, de l'Internationale. Un de sesfacteurs, parmi d'autres et bien moins important que leprogramme ou la plate-forme politique que l'ensembledu parti a adoptés, est la discussion et la confrontationdes positions et des éventuelles divergences.Discussions, débats et confrontations "internes" ne sontpas nécessaires pour respecter un principe démocratiquequelconque en soi, mais pour développer au mieux lavie interne du parti et favoriser ainsi la clarificationpolitique et le développement de son unité réelle – sonhomogénéité politique – elle-même indispensable àl'accomplissement de la première tâche, celle dedirection politique effective de la lutte prolétarienne.C'est-à-dire celle qui établit le véritable "lien directavec la classe". En particulier, le combat pour laclarification et l'homogénéité politiques fonde lacompréhension de la discipline prolétarienne oucommuniste non pas sur une obéissance en soi à lamajorité démocratique qui ne peut qu'être qu'un moyenimmédiat et limité pour trancher des désaccordstactiques ponctuels, mais sur la conviction et l'unitépolitiques des membres du parti. « Le critèredémocratique est pour nous, jusqu’ici, un élémentmatériel et accidentel dans la construction de notreorganisation interne et la formulation de nos statuts departi : il n’en est pas la plate-forme indispensable.C’est pourquoi, quant à nous, nous n’érigerons pas enprincipe la formule organisative bien connue du“centralisme démocratique”. La démocratie ne peut

46 . http://www.leftcom.org/en/articles/2017-10-23/on-the-catalan-%E2%80%9Crevolution%E2%80%9D. La rectification de laposition initiale – de fait ou un débat a-t-il été assumé au sein dela TCI ? – manifeste trois choses : que la TCI est uneorganisation vivante qui est capable de rectifier des erreursponctuelles ; deux, que comme toute organisation vivante, elleest en permanence traversée par des compréhensions diversesprovoquées par la pression constante de l’idéologie bourgeoise etpetite-bourgeoise au sein des organisations communistes ; trois,que cette vision statique de la classe et mécanique du rapportparti-classe traîne dans ses rangs et resurgit régulièrement.

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pas être pour nous un principe; le centralisme, lui, enest indubitablement un, puisque les caractèresessentiels de l’organisation du parti doivent être l’unitéde structure et de mouvement.47 » (Le principedémocratique48, Parti communiste d'Italie, 1922).Ces deux facteurs ou dimensions, tels qu'ils sontprésentés par le texte – « demeurer en contact avec dessections plus larges de travailleurs » et « la discussionla plus large possible au sein de l'Internationale »comme, selon le texte, seule garante de l'homogénéité etd' « un accord sur une plate-forme commune et endéfinitive un programme commun » –, ne peuvent êtrepris en compte que dans la mesure où ils sont compriscomme des moments du combat pour le parti, et noncomme des recettes organisationnelles. Ce n'est qu'àcette condition qu'ils sont effectivement indispensablesau développement et, surtout, à l'efficacité du particomme organe de direction politique du prolétariat.Mais outre le fait qu'ils ne sont que deux conditionsparmi d'autres, et encore pas les plus importantes,l'insistance particulière sur les deux dans ce texte laissesurgir des concessions à l'idéologie démocratique : parexemple dans la formule selon laquelle, pour obtenirl'unité de l'Internationale, il convient d'établir « le pleindialogue constant entre ses membres [et que] toutes lesquestions sont finalement votées par ses membres » ; ouencore dans celle qui avance que « la discussion et ledébat préparent chaque membre du parti à agir demanière autonome en tant que révolutionnaire ». Cesinsistances ne sont pas nécessairement fausses en soi, nià rejeter en soi bien qu’elles ne soient pas très utiles à larésolution du problème de l’homogénéité politiquecompris comme procès et combat. Mais telles qu'ellessont mises en avant par le texte, elles tendent à réduirel'homogénéité politique de l'Internationale à la sommede ses membres, c'est-à-dire à partir de l'« unité-individu », le cœur de la mystification démocratiquebourgeoise telle qu'elle fut dénoncée en son temps,1922, par le PC d'Italie.Une grande partie, très grande partie, des problèmesthéoriques et politiques que nos générations rencontrent,ou vont rencontrer, ont déjà été abordés et résolus, pastoujours bien sûr, par les fractions de gauche issues del'Internationale Communiste ; et selon nous toutspécialement par la Gauche italienne. Voilà pourquoinous terminerons ces commentaires trop rapides par cepassage des Thèses de Lyon présentées par ce qui étaitdevenue la gauche du PC d'Italie à son congrès de 1926en France. Certes elles combattent alors la visiontravailliste ou ouvriériste du parti développée par

47 . Nous croyons pas que le camp prolétarien dans son ensemblepuisse pour l'heure reprendre et clarifier le débat d'alorsopposant centralisme démocratique et centralisme organique.Ce dernier fut par la suite développé par le courant bordiguistedans les années 1950 souvent de manière caricaturale. Celan'enlève rien à la nécessité de réfléchir et de se réapproprier ledébat des années 1920 et la méthode et les leçons avancées parla Gauche italienne.

48 . https://www.marxists.org/francais/bordiga/works/1922/02/bordiga_19220228.htm.

l'Internationale Communiste pour "gagner les masses"et justifier la politique de "front uni" avec la social-démocratie ce qui n'est pas, bien sûr, ce qu'avancel'article dont nous nous permettons ici de relevercertaines faiblesses. Mais elles relèvent comment laconception de la relation du parti avec la classe réduite àsa simple relation "physique" immédiate mène à desdéviations opportunistes d'ordre démocratique au seinmême du parti. En ce sens, cette citation invite à laréflexion sur les dangers opportunistes qui se cachentderrière des visions ou compréhension réduites,mécanique, non dialectique, du rapport parti-classe et dela classe révolutionnaire elle-même.« La définition du parti comme parti de la classeouvrière n'a pas, chez Marx et Lénine, un sensgrossièrement statistique ou constitutionnel; elle est liéeau contraire aux fins historiques du prolétariat. Touteconception des problèmes d'organisation interneretombant dans l'erreur de la vision travailliste du partirévèle une grave déviation théorique en ce sens qu'ellesubstitue un point de vue démocratique au point de vuerévolutionnaire, et donne plus d'importance à desprojets utopiques d'organisation qu'à la réalitédialectique du conflit des deux classes opposées. Ellecomporte le danger d'une rechute dansl'opportunisme. » (Thèses de Rome, 192649).

RL, Août 2018.

49 . https://pcint.org/.

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Que faire ? (Lénine) « Au fur et à mesure que l'élan spontané desmasses s'accroît et que le mouvement s'élargit,le besoin de haute conscience dans le travailthéorique, politique et d'organisation de lasocial-démocratie augmente infiniment plusvite encore. (…) La social-démocratie dirige lalutte de la classe ouvrière, non seulement pourobtenir des conditions avantageuses dans lavente de la force de travail, mais aussi pour lasuppression de l'ordre social qui oblige les non-possédants à se vendre aux riches. La social-démocratie représente la classe ouvrière dansses rapports non seulement avec un groupedonné d'employeurs, mais aussi avec toutes lesclasses de la société contemporaine, avecl'Etat comme force politique organisée. Ils'ensuit donc que, non seulement les social-démocrates ne peuvent se limiter à la lutteéconomique, mais [que] nous devonsentreprendre activement l'éducation politiquede la classe ouvrière, travailler à développer saconscience politique. »

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Histoire du mouvement ouvrier

Rosa Luxemburg contre le féminismeSoutenus par les médias et l'appareil d'État dans de nombreux pays, la bourgeoisie a organisé de grandesmanifestations féministes, en particulier en Espagne (en Amérique du nord aussi), pour la journée de la femme le 8mars 2018. L'événement fut très peu repris dans d'autres pays comme la France par exemple. En cette occasion, lescamarades de Nuevo Curso ont publié le texte qui suit et qui rappelle la position du mouvement ouvrier sur leféminisme. Celui-ci qui se veut au-dessus des classes, prône en fait l’interclassisme et n’agit que comme un"mouvement" et une idéologie totalement bourgeoise et contre l’unité du prolétariat.

Le féminisme apparaît en Europe à la fin des années1890 avec le "suffragisme". Les suffragettes défendaientl'extension du droit de vote aux femmes dans le cadredu suffrage censitaire (restreint aux propriétaires), c'est-à-dire le droit des femmes des classes propriétaires àparticiper à la direction politique de l'État et de lasociété établie. Dans sa lutte pour faire une place auxfemmes de la petite-bourgeoisie et des classes richesdans les entreprises et le gouvernement, les suffragettesessayèrent de se gagner les femmes travailleuses,beaucoup plus nombreuses et surtout beaucoup plusorganisées. Les féministes proposaient un front inter-classiste de "femmes" dont l'objectif était d'obtenir desdéputées bourgeoises au sein du système censitaire.Elles promettaient de représenter "l'intérêt commun entant que femmes" qui était supposé unir les travailleusesavec ces bourgeoises du libéralisme radical anglais.La gauche de la 2e Internationale, avec Rosa Luxemburget Clara Zetkin à sa tête, s'y opposaradicalement. Un an avant laformation du premier groupe desuffragettes en Angleterre, Zetkinavait présenté à Gotha, le véritablecongrès de fondation du Partisocialiste allemand, un rapport sur"la question de la femme et lestâches de la sociale-démocratie" quifut approuvé à l'unanimité. Depuislors, les socialistes allemands sedédièrent à organiser et former desmilliers de femmes de la classeouvrière, en animant desmobilisations pour le suffrageuniversel pour les deux sexes. Àpartir du Congrès de l'Internationalede Stuttgart, la gauche avec Zetkin et Luxemburg à satête, mena la bataille au niveau global non contre unsupposé machisme de la direction mais contre lesconcessions au féminisme de certains partis comme leparti belge qui avait décidé lors de son congrèsd'appuyer l'élargissement du suffrage censitaire auxfemmes des classes riches.« Le Congrès de la 2e Internationale qui s'est tenu àStuttgart engage les partis sociaux-démocrates de tousles pays à commencer la lutte pour le suffrage universelféminin comme partie essentielle et incontournable dela lutte générale du prolétariat pour le droit de vote et

pour le pouvoir, en nette opposition avec les aspirationsféministes » (Clara Zetkin).Le féminisme voulait élargir le suffrage aux femmes desclasses supérieures, le socialisme le rendre universel ; leféminisme une réforme légale, le marxisme unerévolution sociale.

Rosa Luxemburg et la gauche de l'Internationale contre le féminismeLa bataille idéologique devint chaque fois plus intenseau fil des années. Dans sa correspondance, RosaLuxemburg partage son rejet intime de l'argumentaire"moral et spirituel" du féminisme et des appels au"développement de sa propre personnalité" alors qu'enréalité, les féministes revendiquaient l'égalité entre leshommes et les femmes des couches au pouvoir et ausein de ce pouvoir. Elle sait que "la femme" n'est pas un

sujet historique au-dessus ou enmarge des classes sociales. C'estpour cela que la revendicationd'un supposé "droit des femmes"qui bénéficierait auxtravailleuses en marge del'évolution du mouvementouvrier en général et de la luttecontre le capitalisme, provoqueson profond rejet.Pour Rosa Luxemburg, lesféministes essayaient d'utiliser lerejet par les travailleurs del'oppression de la femme pourdévier la lutte prolétarienne etconsolider un système qui enterminait alors avec sa phasehistoriquement progressiste tout

comme la bourgeoisie essayait de manipuler larésistance à l'oppression culturelle et nationale vers lenationalisme :« Le devoir de protester contre l'oppression nationale etde la combattre qui correspond au parti de classe duprolétariat, ne trouve pas son fondement dans unquelconque "droit des nations" particulier tout commel'égalité politique et sociale des sexes n'émane pas d'unquelconque "droit de la femme" auquel se réfère lemouvement bourgeois d'émancipation des femmes. Cesdevoirs ne peuvent provenir que d'une opposition

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Prise de parole de Rosa Luxemburglors d’une réunion du SPD en 1905

(copié du blog de Nuevo Curso)

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Révolution ou Guerre # 10 – Groupe International de la Gauche Communiste (www.igcl.org)

généralisée au système des classes, à toutes les formesd'inégalité sociale et à tout pouvoir de domination. Enun mot, ils découlent du principe fondamental dusocialisme » (Rosa Luxemburgo. La cuestión nacionaly la autonomía, 1908)Pour Rosa Luxemburg, le féminisme n'est pas une "luttepartielle" mais la déviation en faveur des femmesbourgeoises et petite-bourgeoises des sentiments quialimentent la lutte socialiste contre toute formed'oppression.Dans Die Gleichheit, le journal dirigée par Clara Zetkin,elle défend clairement que le pouvoir des femmesprivilégiées par le suffrage censitaire naissait de leurposition sociale bourgeoise et petite-bourgeoise et quela réforme légale du droit de vote qu'elles proposaient,renforcerait ce pouvoir. Cependant, les femmesouvrières ne pouvaient s'affirmer que dans les luttesouvrières main dans la main avec leurs camarades declasse.« Les avocates des droits des femmes bourgeoisesdésirent acquérir des droits politiques pour participer àla vie politique. Les femmes prolétaires ne peuventsuivre que le chemin des luttes ouvrières, celui qui est àl'opposé de la mise sur pied d'un pouvoir réel par desstatuts essentiellement juridiques »C'est pour cela qu'elle dénonçait toute organisation "defemmes" et tout "front d'organisations de femmes". Ellese rendait compte que s'organiser dans un cadreinterclassiste mensonger ne pouvait servir qu'à renforcerle pouvoir des couches petite-bourgeoises (et, comme leverrons, patriotes) que le féminisme soutenait, et diviserle mouvement de classe.

Le 8 mars contre le féminismeRosa Luxemburg est si convaincue que l'organisation degroupes exclusivement de femmes ne peut qu'ouvrir laporte à l'interclassisme et à la division au sein de laclasse que, lorsque Clara Zetkin l'invite au premiercongrès des femmes socialistes, elle s'en moque dansune lettre à Louise Kautsky : « serions-nous maintenantdevenues féministes ? » écrit-elle. Mais elle savait queClara Zetkin organisait des groupes de femmessocialistes pour la même raison que la 2e Internationalecréait des groupes de jeunes : pour toucher avec sonprogramme l'ensemble de la classe travailleuse et nonpas seulement ceux des grandes concentrationsouvrières sur leurs lieux de travail. Bien que dansl'Allemagne de l'époque, il y avait beaucoup de femmesdans les usines, la majorité des femmes ouvrières sedédiaient à des travaux non industriels, à l'éducation deleurs propres enfants et à des métiers basés sur le travaildomestique.« Il n'y a qu'un seul mouvement, une seule organisationde femmes communistes – auparavant socialistes – ausein du parti communiste avec les hommescommunistes. Les buts des hommes communistes sontnos propres buts, nos tâches » (Clara Zetkin)La création du 8 mars comme journée de lutte, de grève,en 1910 sous le nom de "Journée de solidarité

internationale entre les femmes prolétaires" proposéepar Zetkin avait la même finalité. Il s'agissait d'affirmerle caractère socialiste et ouvrier du mouvement pour lesuffrage réellement universel, c'est-à-dire incluant laréalisation du vote pour les femmes. En fait, la créationdu 8 mars faisait partie de la lutte des femmes de lagauche de la 2e Internationale pour les droitsdémocratiques de tous les travailleurs et contre l'idéeféministe de "l'union des femmes", « contre laquellej'ai lutté toute ma vie » comme l'écrivit ensuite RosaLuxemburg.R. Luxemburg et C. Zetkin s'opposèrent à la formationde toute organisation ou mobilisation interclassiste "defemme". Contre le féminisme, elles "créèrent" le 8mars : une mobilisation unitaire de tous les travailleurs.

Le moment de la véritéLe moment de la vérité qui démontra le fond et la raisonde la lutte de la gauche de la 2e Internationale contre leféminisme vint avec la guerre mondiale.Les suffragettes "exigèrent", littéralement, desgouvernements l'incorporation des femmes à l'effort deguerre et à la boucherie militaire. En prime, en 1918, legouvernement britannique concéda le droit de vote aux8 millions de femmes les plus riches, toujours loin dusuffrage universel. C'est ce qu'aujourd'hui la pressecélèbre comme "la conquête du vote par les femmes" enoubliant de dire qu'il concernait peu de femmes.Par contre, C. Zetkin et les groupes de femmesouvrières convoquèrent la première conférenceinternationale contre la guerre malgré la répression laplus sauvage contre les internationalistes de la part detous les gouvernements. C'est le premier acte politiqueorganisé par un groupe de la 2e Internationale contre laguerre à un moment où R. Luxemburg, O. Rühle et K.Liebcknecht sont déjà en prison :« [Nous devons] conduire les prolétaires à se libérer dunationalisme et les partis socialistes à récupérer leurliberté entière pour la lutte des classes. La fin de laguerre ne peut être atteinte que par la volonté claire etinébranlable des masses populaires des paysbelligérants. En faveur d'une action, la Conférenceadresse un appel aux femmes socialistes et aux partissocialistes de tous les pays : guerre à la guerre ! »(Déclaration de la Conférence internationale desfemmes socialistes contre la guerre, 1915).En 1917, la manifestation du 8 mars à Petrograd que,comme il était de tradition, les groupes d'ouvrierssocialistes organisaient en convoquant l'ensemble destravailleurs indépendamment de leur sexe et endéfendant des revendications pour l'ensemble de laclasse, se convertit en détonateur de la Révolution russe.La guerre enleva tout doute ou confusion : lesféministes "exigèrent" des gouvernements de fairepartie de l'effort de guerre et participèrent aurecrutement pour la boucherie ; le 8 mars socialiste dePétrograd fut le début de la Révolution mondiale.

Nuevo Curso, février 2018

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NOS POSITIONS

• Depuis la Première Guerre mondiale, le capitalisme estun système social décadent. Il a plongé à deux reprisesl’humanité dans un cycle barbare de crise, guerre mondiale,reconstruction, nouvelle crise. Il n’y a qu’une seule alternativedevant ce déclin historique irréversible : socialisme ou barbarie.

• La Commune de Paris de 1871 fut la premièretentative du prolétariat pour mener à bien cette révolution, à uneépoque où les conditions n’étaient pas encore mûres. Avec lasituation donnée par l’entrée du capitalisme dans sa période dedécadence, la révolution d’Octobre 1917 en Russie fut le premierpas d’une authentique révolution communiste mondiale dans unevague révolutionnaire internationale qui mit fin à la guerreimpérialiste et se prolongea plusieurs années. L’échec de cettevague révolutionnaire, en particulier en Allemagne en 1919-23,condamna la révolution en Russie à l’isolement et à une rapidedégénérescence. Le stalinisme ne fut pas le produit de larévolution russe, mais son fossoyeur.

• Les régimes étatisés qui, sous le nom de " socialistes "ou " communistes ", ont vu le jour en URSS, dans les pays de l’estde l’Europe, en Chine, à Cuba, etc., n’ont été que des formesparticulièrement brutales d’une tendance universelle aucapitalisme d’Etat, propre à la période de décadence.

• Depuis le début du 20e siècle, toutes les guerres sontdes guerres impérialistes, dans la lutte à mort entre Etats, petitsou grands, pour conquérir ou garder une place dans l’arèneinternationale. Ces guerres n’apportent à l’humanité que la mortet la destruction à une échelle toujours plus vaste. La classeouvrière ne peut y répondre que par sa solidarité internationaleet la lutte contre la bourgeoisie dans tous les pays.

• Toutes les idéologies nationalistes, d’" indépendancenationale ", de " droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ", quelque soit leur prétexte, ethnique, historique, religieux, etc., sontun véritable poison pour les ouvriers. En visant à leur faireprendre parti pour une fraction ou une autre de la bourgeoisie,elles les mènent à se dresser les uns contre les autres et às’entre-massacrer derrière les ambitions et les guerres de leursexploiteurs.

• Dans le capitalisme décadent, le parlement et lesélections sont une mascarade. Tout appel à participer au cirqueparlementaire ne fait que renforcer le mensonge présentant cesélections comme un véritable choix pour les exploités. La" démocratie ", forme particulièrement hypocrite de la dominationde la bourgeoisie, ne diffère pas, sur le fond, des autres formesde la dictature capitaliste que sont le stalinisme et le fascisme.

• Toutes les fractions de la bourgeoisie sont égalementréactionnaires. Tous les soi-disant partis " ouvriers "," socialistes ", " communiste " (les ex-" communistes " aujourd’hui),les organisations gauchistes (trotskistes, maoïstes, anarchistes),constituent la gauche de l’appareil politique du capital. Toutes lestactiques de " front populaire ", " front anti-fasciste " ou " frontunique ", mêlant les intérêts du prolétariat à ceux d’une fractionde la bourgeoisie, ne servent qu’à contenir et détourner la luttedu prolétariat.

• Avec la décadence du capitalisme, les syndicats se sontpartout transformés en organes de l’ordre capitaliste au sein duprolétariat. Les formes d’organisation syndicales, " officielles "ou " de base ", ne servent qu’à encadrer la classe ouvrière et àsaboter ses luttes.

• Pour son combat, la classe ouvrière doit unifier sesluttes, en prenant elle-même en charge leur extension et leurorganisation, par les assemblées générales souveraines et les

comités de délégués, élus et révocables à tout instant par cesassemblées.

• Le terrorisme n’est en rien un moyen de lutte de laclasse ouvrière. Expression des couches sociales sans avenirhistorique et de la décomposition de la petite-bourgeoisie, quandil n’est pas directement l’émanation de la guerre que se livrent enpermanence les Etats, il constitue toujours un terrain privilégiéde manipulation de la bourgeoisie. Prônant l’action secrète depetites minorités, il se situe en complète opposition à la violencede classe qui relève de l’action de masse consciente et organiséedu prolétariat.

• La classe ouvrière est la seule classe capable de mener àbien la révolution communiste. La lutte révolutionnaire conduitnécessairement la classe ouvrière à une confrontation avec l’Etatcapitaliste. Pour détruire le capitalisme, la classe ouvrière devrarenverser tous les Etats et établir la dictature du prolétariat àl’échelle mondiale : le pouvoir international des conseils ouvriers,regroupant l’ensemble du prolétariat.

• La transformation communiste de la société par lesconseils ouvriers ne signifie ni " autogestion ", ni" nationalisation " de l’économie. Le communisme nécessitel’abolition consciente par la classe ouvrière des rapports sociauxcapitalistes : le travail salarié, la production de marchandises, lesfrontières nationales. Il exige la création d’une communautémondiale dont toute l’activité est orientée vers la pleinesatisfaction des besoins humains.

• L’organisation politique révolutionnaire constituel’avant-garde du prolétariat, facteur actif du processus degénéralisation de la conscience de classe au sein du prolétariat.Son rôle n’est ni d’" organiser la classe ouvrière ", ni de " prendrele pouvoir " en son nom, mais de participer activement àl’unification des luttes, à leur prise en charge par les ouvriers eux-mêmes, et de tracer l’orientation politique révolutionnaire ducombat du prolétariat.

NOTRE ACTIVITE

• La clarification théorique et politique des buts et desmoyens de la lutte du prolétariat, des conditions historiques etimmédiates de celle-ci.

• L’intervention organisée, unie et centralisée au niveauinternational, pour contribuer au processus qui mène à l’actionrévolutionnaire de la classe ouvrière.

• Le regroupement des révolutionnaires en vue de laconstitution d’un véritable parti communiste mondial,indispensable au prolétariat pour le renversement de ladomination capitaliste et pour sa marche vers la sociétécommuniste.

NOTRE FILIATION

• Les positions des organisations révolutionnaires et leuractivité sont le produit des expériences passées de la classeouvrière et des leçons qu’en ont tirées tout au long de l’histoireses organisations politiques. Le GIGC se réclame ainsi des apportssuccessifs de la Ligue des Communistes de Marx et Engels (1847-52), des trois Internationales (l’Association Internationale desTravailleurs, 1864-72, l’Internationale Socialiste, 1889-1914,l’Internationale Communiste, 1919-28), des fractions de gauche quise sont dégagées dans les années 1920-30 de la 3e Internationalelors de sa dégénérescence, en particulier les gauches allemande,hollandaise et italienne, et des groupes de la Gauche communistequi se sont développés en particulier dans les années 1970 et 1980et qui sont issus de ces fractions.