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LISTES DES ABREVIATIONS 1) Al. : alinéa 2) Art : article 3) B.O. : Bulletin Officiel 4) CFDT : Confédération française du travail 5) CSJ : Cour suprême de justice 6) Ed. : Edition 7) Eod : loc : eodem loco (au même lieu cité) 8) J.O. : Journal officiel 9) JTOM : Journal des tribunaux d’outre-mer 10)Loc cit. : loco citato (au lieu cité) 11)M.C. : Moniteur congolais 12)Op. cit : opere citato (ouvrage déjà cité) 13)p. : page 14)pp : pages 15)R.C. : Rôle civil 16)TPOM : Travail et profession d’outre-mer

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Page 1: Rupture du contrat de travail à durée déterminée

LISTES DES ABREVIATIONS

1) Al. : alinéa 2) Art : article 3) B.O. : Bulletin Officiel 4) CFDT : Confédération française du travail 5) CSJ : Cour suprême de justice 6) Ed. : Edition 7) Eod : loc : eodem loco (au même lieu cité) 8) J.O. : Journal officiel 9) JTOM : Journal des tribunaux d’outre-mer 10)Loc cit. : loco citato (au lieu cité) 11)M.C. : Moniteur congolais 12)Op. cit : opere citato (ouvrage déjà cité) 13)p. : page 14)pp : pages 15)R.C. : Rôle civil 16)TPOM : Travail et profession d’outre-mer

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INTRODUCTION

Le travail à vie est exclu. Tout contrat de travail s’inscrit dans une limite de temps bien précise. Le législateur a cependant fait la distinction entre contrat à durée déterminée et contrat à durée indéterminée, celle-ci se fonde sur l’absence d’un terme fixé lorsqu’il est question d’un contrat à durée indéterminée. Ces deux types de contrats répondent à des conditions de formation qui sont quasi-identiques. Le législateur congolais limite cependant la liberté des parties lorsqu’il est question de choisir quel type de contrat devra régir leurs relations.

En effet, la règle qui résulte des dispositions pertinentes du Code du travail est que le législateur est favorable aux contrats à durée indéterminée. De tels contrats ont l’avantage de promouvoir l’épanouissement du travailleur au sein de l’entreprise. Il y fait une carrière et bénéficie de la formation professionnelle et a droit à une prime liée à l’ancienneté. Le contrat à durée indéterminée est de ce point de vue une institution à promouvoir.

Le contrat à durée déterminée n’est pas sans mérite. Pour certaines activités, il n’est pas convenable d’obliger les employeurs à conclure des contrats à durée déterminée. Sans doute la stabilité de l’emploi mérite-t-elle d’être protégée pour conforter le droit au travail consacré par la Constitution congolaise. Mais, il faut convenir que le remplacement d’un travailleur temporairement indisponible, l’exécution d’un ouvrage dont les quantités sont faciles à déterminer et les travaux saisonniers ne sont pas compatibles avec le contrat à durée indéterminée. Dans ces hypothèses, les parties peuvent conclure des contrats à durée déterminée ; c’est-à-dire des contrats qui viennent à expiration après un terme précis, dont le maximum, de la volonté du législateur congolais, n’est pas supérieur à deux ans.

Dans la mesure où de tels contrats ont un caractère précaire, le droit au travail ne peut être protégé que si les deux parties n’ont pas la liberté de mettre fin à leur contrat. Mais ce faisant, on risque de croire que les parties seraient liées quelles que soient les fautes qu’elles vont commettre au cours de l’exécution du contrat et ce, jusqu’au terme convenu.

Une telle interprétation semble contradictoire avec la définition et l’effet même de la faute lourde qui est supposé détruire fondamentalement le rapport entre les parties. De même, que dire de l’incidence de la force majeure sur un contrat de travail à durée déterminée lorsqu’il est établi que l’impossibilité d’exécuter le contrat est insurmontable ? Par ailleurs, quel est le rôle que la liberté contractuelle est censée jouer lorsque les parties ne peuvent mettre fin à leur contrat avant le terme convenu ?

En définitive, il est légitime de savoir si la cessation anticipée d’un contrat à durée déterminée est possible en droit positif congolais. Et, de ce fait, quelles sont les formalités qui doivent être accomplies ? Quelles sont les conséquences de cette cessation anticipée sur les obligations des parties ? Ce sont là des questions qui sont à la base de cette étude, lesquelles en font ressortir tout l’intérêt réel.

D’une part, il importe de comprendre le régime juridique du contrat à durée déterminée pour en faire ressortir les limites d’application dans le contexte de la République Démocratique du Congo marqué par un taux de chômage élevé. D’autre part, les praticiens du droit, les employeurs et les travailleurs peuvent trouver ici des éléments concrets de réflexion pour une bonne application de la loi

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et une protection appropriée des droits des parties liées par un contrat à durée déterminée, lors de la cessation dudit contrat.

La présente réflexion fait appel à la méthode juridique et à la méthode sociologique. La méthode juridique a consisté dans l’analyse des différents textes juridiques relatifs au contrat à durée déterminée pour en saisir la portée réelle. Cette méthode s’est longuement penchée sur l’analyse historique du droit congolais du travail et sur l’interprétation téléologique. Pour compléter la méthode juridique, il a fallu le secours de l’examen de la pratique. La méthode sociologique a permis d’apprécier l’écart entre la norme et le fait.

Notre réflexion porte sur le droit du travail congolais. Les emprunts au droit comparé sont faits au titre de principes généraux de droit. Le point de départ en est l’entrée en vigueur de la loi n° 015/2002 du 16 octobre 2002 portant Code du travail. En clair, il s’agit d’aborder exclusivement l’étude du contrat à durée déterminée. La perspective historique a permis cependant de suivre de près l’évolution du contrat à durée déterminée qui hier était la règle est devenu aujourd’hui l’exception.

Le présent travail comportera trois chapitres. Le premier chapitre consistera à examiner dans ses éléments essentiels, le contrat de travail à durée déterminée. Le deuxième chapitre abordera l’étude de la cessation anticipée du contrat de travail à durée déterminée. Le troisième chapitre sera consacré à l’étude des conséquences et effets de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée.

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CHAPITRE I. EXAMEN DU CONTRAT DE TRAVAIL A DUREE DETERMINEE EN DROIT CONGOLAIS

L’histoire nous enseigne que la réglementation du contrat du travail remonte au Décret du 17 août 1910 qui est venu remplacer les dispositions du Code civil sur le louage de services. Ses applications ayant révélé certaines lacunes, certaines imperfections, voire certains abus, le législateur, dans un décret en date du 16 mars 1922 fit une refonte des dispositions existantes1. C’est pour la première fois que l’expression « contrat de travail » fit son entrée en droit congolais2. La distinction entre contrat de travail à durée déterminée et contrat de travail à durée indéterminée est d’origine récente en République Démocratique du Congo. Sans doute les parties étaient-elles libres de fixer la durée des contrats de travail.

Cependant, cette durée ne pouvait être supérieure à trois ans car « le législateur a voulu éviter que l’on pense rétablir une forme déguisée d’esclavage en attachant les indigènes à des entreprises déterminées pour des termes excessifs »3. Si donc, tous les contrats de travail devaient être à durée déterminée, le Décret du 16 mars 1922 sur le contrat de travail et le recrutement n’a jugé bon de définir cette notion.

L’objet du présent chapitre consistera, d’une part, à cerner la notion du contrat à durée déterminée et d’autre part, à en faire ressortir les caractéristiques.

Section I : Notions du contrat de travail à durée déterminée

Le travailleur n’engage pas son patrimoine mais sa personne. D’où le lien contractuel entre lui et son employeur est-il personnel. Il en résulte un changement de terminologie de sorte que l’on parle de contrat de travail, non plus de louage de services. La précision sur la limitation dans le temps d’un contrat de travail a toujours fait l’objet d’une attention particulière du législateur.

La définition juridique d’un contrat à durée déterminée ne s’est imposée qu’avec l’O.-L. n° 67/310 du 9 août 1967 portant Code du travail. La formation d’un tel contrat, nous réserve des dispositions légales et réglementaires contraignantes, est soumise au droit commun des contrats. Deux points seront examinés ici : la définition juridique du contrat de travail à durée déterminée (§ 1) et la formation d’un contrat à durée déterminée (§ 2).

§ 1. Définition juridique du contrat à durée déterminée

Il conviendra d’adopter ici une démarche analytique en définissant avant tout le contrat du travail en lui-même. Cette définition portera un éclairage suffisant pour la compréhension de la définition proprement dite du contrat à durée déterminée. 1 1 ORBAN P., Louage de services au Congo belge. Le contrat de travail, Maison Ferdinand Larcier, Bruxelles, 1955, p. 55.2 Le droit colonial distinguait entre contrat de travail et contrat d’emploi, cette distinction était fondée sur la qualité d’indigène du Congo belge, du Rwanda-Urundi ou des Colonies voisines de l’engagé ou non.3 HEYSE TH., Le régime du travail au Congo belge, Goemare, Bruxelles, 1924, p. 5.

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A. Définition du contrat de travail en lui-même

Le législateur congolais n’a pas manqué de définir le contrat de travail. Il nous semble intéressant et utile de compléter cette définition légale par celles proposées par la doctrine.

I. Définition légale

Aux termes de l’article 7, litera c du Code du travail, il faut entendre par « contrat de travail, toute convention écrite ou verbale, par laquelle une personne, le travailleur s’engage à fournir à une autre personne, l’employeur, un travail manuel ou autre sous la direction et l’autorité directe ou indirecte de celui-ci et moyennant rémunération ».

Cette définition claire pourrait cependant présenter des ambiguïtés si on la compare à celles d’autres types de contrat. En outre, elle ne fait pas ressortir la nature de la rémunération. Aussi, doit-elle être complétée à juste titre par celles fournies par la doctrine.

II. Définitions doctrinales

Le contrat de travail, à en croire ROUAST, est une convention par laquelle une personne appelée employé ou salarié s’engage à accomplir des actes matériels généralement de nature professionnelle au profit d’une autre appelée employeur ou patron, de manière à travailler sous la subordination de celle-ci, moyennant une rémunération en argent appelée salaire4.

Cette définition a le mérite de faire ressortir la nature de rémunération qui est une somme d’argent.

Il se dégage de toutes ces définitions que trois traits spécifiques peuvent distinguer le contrat de travail de notions voisines5. Avant d’y arriver, il est préférable de partir de la définition du contrat de travail pour définir le contrat à durée déterminée.

B. La définition proprement dite du contrat à durée déterminée L’article 40, al. 1er du Code du travail définit le contrat à durée déterminée en ces termes : « Est à durée déterminée, le contrat qui est conclu soit pour un temps déterminé, soit pour un ouvrage déterminé, soit pour le remplacement d’un travailleur temporairement indisponible ». On peut inférer que le contrat à durée déterminée se réalise dans trois hypothèses :

4 ROUAST A., Précis de droit du travail, éditions Dalloz, Paris, 1963, p. 391. 5 MASANGA PHOBA, Cours de droit du travail, 1er éd., Université de Kinshasa, Faculté de Droit, 2004, p.

34.

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• Lorsque les parties ont fixé un temps déterminé ; • Lorsque le travailleur s’engage à réaliser un ouvrage déterminé ; • Lorsqu’il est question de remplacer un travailleur temporairement indisponible. Il faut mettre en rapport ces hypothèses avec d’autres dispositions du Code du travail pour apprécier la cohérence de la définition proposée par l’article 40, al. 1er dudit Code.

L’article 41, al. 1er du Code du travail laisse entendre que le contrat à durée déterminée ne peut excéder deux ans. Cette durée ne peut excéder un an, si le travailleur est marié et séparé de sa famille ou s’il est veuf, séparé de corps ou divorcé et séparé de ses enfants dont il assume la garde »

L’article 41, al. 1er du même Code dispose que « lorsque le travailleur est engagé dans l’entreprise ou l’établissement, le contrat doit être conclu pour une durée indéterminée ».

Partant de ces précisions, il est possible de définir le contrat de travail à durée déterminée comme un contrat de travail conclu pour une durée qui ne peut dépasser deux ans et dont l’objet est l’exécution d’un travail n’ayant pas un caractère permanent. Cette définition a le mérite de protéger le travailleur qui est au dire de BLANC-JOUVAN, dans une situation d’infériorité économique et psychologique face à son employeur6.

Un autre mérite de cette définition est de faire ressortir le caractère exceptionnel du contrat à durée déterminée, par rapport au contrat à durée indéterminée qui est la règle. La conséquence est que la précision du terme, la

6 BLANC-JOUVAN X., « Travail. Le droit du travail », in Encyclopaedia universalis, Corpus 22, Paris, 1993, p. 930.

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connaissance des quantités d’ouvrage à exécuter et la substitution d’un travailleur temporairement indisponible ne seront considérées que comme des présomptions réfragables.

Dès lors, le juge peut bénéficier d’un large pouvoir d’interprétation des conventions, sans toujours être limité par la commune intention des parties. Il pourra de ce fait requalifier un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, notamment pour faire bénéficier un travailleur licencié du droit à l’indemnité de préavis ou du droit à la réintégration dans l’entreprise.

Après avoir défini le contrat à durée déterminée, il est plus qu’indiqué d’examiner de près les règles qui président à la formation d’un tel contrat.

§ 2 : Formation du contrat à durée déterminée

Le contrat de travail doit réunir toutes les conditions de formation d’un contrat. Il s’agit avant tout des conditions de droit commun de contrats, auxquelles viennent se greffer des conditions spécifiques du droit du travail qui est peu à peu gagné par l’écrit qui y joue plus qu’un rôle probatoire.

A. Les conditions de fond Les conditions de fond pour la formation d’un contrat de travail sont celles fixées à l’article 8 du Code civil L III, suivant lequel : « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :

le consentement de la partie qui s'oblige ;

sa capacité de contracter ;

un objet certain qui forme la matière de l'engagement ;

une cause licite dans l'obligation. »

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On examinera l’une après l’autre, ces différentes conditions sans ignorer que l’aptitude du travailleur est requise.

I. Le consentement Qu’entendre par consentement. Après la définition de ce terme, il sera question d’étudier les vices qui peuvent l’affecter.

a) Notion de consentement

Le consentement des parties est fondamental dans la formation du contrat de travail. Cette conception classique dans les conventions de droit commun, fondée sue le postulat de la liberté et de l’égalité des partenaires, mérite toutefois d’être précisée en raison des nécessités modernes d’organisation et d’exécution du travail.

Il ne s’agit pas à proprement parler d’un accord de consentement, librement débattu entre les parties, mais plutôt d’une adhésion du travailleur aux conditions de travail que lui propose l’employeur. Autrement dit, ce qui est exigé du travailleur c’est de donner son accord, notamment en signant le contrat de travail.

Bien que l’article 36 du Code du travail indique que les contrats de travail sont passés librement, nous remarquons sur le plan pratique que le travailleur n’exprime pas librement son consentement suite aux contraintes liées à l’environnement économique.

Le travailleur est placé très souvent devant une alternative : soit accepter les conditions imposées par l’employeur et alors signer le contrat, soit ne pas les accepter et ne pas conclure. Mais par crainte du chômage, le travailleur est souvent contraint à souscrire aux conditions fixées par l’employeur sans libre discussion. Il s’agit donc d’un contrat consensuel stricto sensu. Mais ce consentement doit être exempt de vice et définitif.

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b) Les vices de consentement

Les vices dont pourrait être entaché le contrat de travail sont l’erreur, le dol et la violence.

1. L’erreur La doctrine et la jurisprudence s’accordent à définir l’erreur comme étant une conception inexacte de la réalité. L’on se trompe lorsque, involontairement, l’on se représente les choses autrement qu’elles ne le sont7.

Sur le plan purement individualiste, toute erreur devrait justifier l’annulation du contrat, puisque toute erreur vicie le consentement. Mais cette solution présenterait des inconvénients : d’une part, elle sacrifierait les intérêts de la partie qui ne s’est pas trompée ; d’autre part, elle favoriserait l’insouciance, la paresse de façon à admettre que certaines personnes puissent se prévaloir de leurs négligences. Aussi, l’erreur n’est recevable que lorsqu’elle est excusable.

En matière de contrat de travail, l’erreur peut porter sur la personne du travailleur ou sur sa qualification8, étant entendu que le contrat est conclu en considération de la personne du travailleur. A défaut de se tromper soi-même, l’une des parties peut avoir été sciemment induite en erreur ; il y a dans ce cas dol.

2. Le dol Le dol est le fait de pousser l’une des parties à l’erreur. Il s’agit donc d’une erreur provoquée. Il en ait ainsi lorsqu’il y a substitution des personnes lors du test d’embauchage, le travailleur concerné se présentant seulement au moment de la signature du contrat le test étant fait par un tiers.

7 R. DEKKERS cité par LUWENYEMA LULE, Précis de droit du travail zaïrois, éd. Lule, Kinshasa, 1989, pp. 133 – 134.

8 LUWENYEMA, op. cit., p. 134.

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Il est possible que certaines personnes soient amenées à contracter suite à la pression qui est exercée sur elles. C’est la violence.

3. La violence Dans le contrat de travail, seule la violence morale pourrait vicier le consentement du travailleur. La situation matérielle précaire du travailleur pourrait par exemple conduire ce dernier à accepter des conditions léonines.

Mais, il ne s’agit pas de cette violence ; la violence dont il est question ici peut consister dans le harcèlement sexuel. Bien que longtemps passées sous silence pour des raisons évidentes de pudeur et de dignité personnelle, les avances sexuelles importunes auxquelles peuvent être exposées les femmes plus particulièrement, peuvent être considérées comme une contrainte susceptible de vicier le consentement de celles-ci9.

Il ne suffit pas que le consentement soit exempt de vice, encore faut-il qu’il soit définitif.

c) Le consentement doit être définitif

En général, avant la conclusion du contrat, intervient une période de transactions et de pourparlers. Cette période est la suite logique de l’offre de l’employeur. Cette offre émanant de l’employeur ne peut être prise en considération que lorsqu’elle est précise et complète, et vise notamment la nature de l’emploi proposé et le salaire y afférant ; sinon il s’agirait de simples pourparlers10 .

Il ne suffit pas de s’arrêter uniquement sur le consentement, le travailleur doit également être en âge de contracter. Il se pose ainsi la question de sa capacité professionnelle.

9 LUWENYEMA, Op. cit., p. 135.

10 G.H.CAMERLYNCK, Traité de Droit du travail, T.I, « Contrat de travail », Dalloz, 1968, p. 138.

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II. La capacité professionnelle L’article 23 du Code civil congolais livre III dispose que « toute personne peut contracter, si elle n’en est pas déclarée incapable par la loi. » Il en découle qu’il faut interroger le Code du travail pour déterminer l’âge à partir duquel une personne a la capacité professionnelle et si la femme mariée peut valablement s’engager dans les liens d’un contrat de travail sans se référer à son mari entendu que le Code de la famille range la femme mariée et les mineurs d’âge dans la catégorie des incapables. Sur ce point, il semble que des règles spéciales ont été prévues par le Code du travail pour les femmes et les enfants, compte tenu du fait que l’application des règles de droit commun est parfois difficile au contrat de travail dont la nature est originale11. L’article 6 du Code du travail est le siège de cette matière.

On y lit que « la capacité d’une personne d’engager ses services est régie par la loi du pays auquel elle appartient ou à défaut de nationalité connue, par la loi congolaise.

Au sens du présent Code, la capacité de contracter est fixée à seize sous réserve des dispositions suivantes :

a) une personne âgée de quinze ans ne peut être engagée ou maintenue en service que moyennant dérogation expresse de l’inspecteur du travail et de l’autorité parentale ou tutélaire ;

b) toutefois l’opposition de l’inspecteur du travail et de l’autorité parentale ou tutélaire à la dérogation prévue au litera a) ci-dessus peut être levée par le tribunal lorsque les circonstances ou l’équité le justifient ;

c) une personne âgée de quinze n e peut être engagée ou maintenue en service que pour l’exécution des travaux légers et salubres prévus par

11 MASANGA PHOBA, op. cit, p. 48.

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un arrêté du ministre ayant le travail et la prévoyance sociale dans ses attributions, pris en application de l’article 38 du présent Code »

Il résulte de cette disposition que la capacité professionnelle ne coïncide pas avec la capacité civile ou la majorité civile fixée à 18 ans d’âge accomplis. Cette disposition règle en outre une question de conflit de lois en droit congolais. Elle est cependant muette sur la question de la capacité professionnelle de la femme mariée.

Ce mutisme a pour conséquence de faire coïncider la capacité civile de la femme mariée avec sa capacité professionnelle. La capacité professionnelle de la femme mariée est dès lors placée sous l’empire de l’article 448 du Code de la famille pour lequel « la femme mariée doit obtenir l’autorisation de son mari chaque fois qu’elle s’engage à une prestation qu’elle doit exécuter en personne. »

Du point de vue des observateurs avertis, la loi n° 01512002 du 16 octobre 2002 portant Code du travail marque un véritable recul12. Tel d’ailleurs notre avis. Le législateur congolais a intérêt à conférer à la femme mariée sa capacité professionnelle d’antan.

Toutefois, le fait d’avoir relevé l’âge d’accès à l’emploi constitue une avancée et permet de lutter contre le travail des enfants qui fait jusqu’à ce jour l’objet d’un silence total de la part des pouvoirs publics congolais. En République Démocratique du Congo, de nombreux enfants en âge scolaire exercent divers métiers en tant que vendeurs ambulants, « créseurs », receveurs, coiffeurs, cordonniers, soldats, etc. Seule l’enfance des statistiques empêchent d’apprécier l’ampleur du phénomène.

En définitive, s’il est difficile de ramener la capacité professionnelle au niveau de la majorité civile, la non coïncidence ne contrarie pas l’exécution de l’obligation scolaire. Outre la capacité des parties, le contrat de travail doit avoir un objet.

12 KUMBU ki – NGIMBI, « Du Code du travail de 1967 à celui de 2002. Avancée, stagnation ou recul du droit congolais », in Congo Afrique, n° 386 juin – août 2004, p. 338.

13 MUKADI BONY, Le nouveau Code du travail n’a pas supprimé l’autorisation, Inédit.

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III. Objet L’essence d’un contrat de travail est de créer une ou plusieurs obligations, de les modifier ou encore de les éteindre. Les obligations forment l’objet du contrat ainsi que l’énonce l’article 25 du Code civil congolais L III : « Tout contrat a pour objet une chose qu’une partie s’oblige à donner ou qu’une partie s’oblige à faire ou à ne pas faire ».

Les parties au contrat fixent librement l’objet de leur contrat sous réserve du fait que cet objet doit être déterminé, possible et licite. Le contrat de travail, comme tout autre contrat, suppose l’existence d’un objet déterminé ou déterminable, possible et licite.

On a vu que la notion du contrat de travail implique que le salarié mette sa force de travail au service d’un employeur en échange d’une rémunération. L’objet du contrat de travail doit être déterminé directement par la qualification de la fonction pour laquelle le travailleur est engagé. A défaut de l’objet, il ne peut y avoir de contrat de travail, et ce, par référence aux principes civilistes13 .

En droit commun, la convention qui prévoit un objet impossible à réaliser ou qui ne contient pas d’objet est nulle.

La question est de savoir si un contrat de travail pourrait être déclaré nul s’il apparaissait dés l’origine qu’il contient un objet nul ou impossible à réaliser. L’objet du contrat de travail doit être licite, c'est-à-dire, conforme à la loi, cette exigence civiliste se retrouve dans différentes dispositions. La plus importante est sans doute celle de l’article 86 du Code civil congolais L III qui dispose: « On ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes moeurs ».

A l’objet s’ajoute l’exigence de la cause.

14 CAMERLYNCK, op. cit. , p. 14.

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IV. Cause Comme tout autre contrat, le contrat de travail doit, pour être valablement conclu, contenir une cause licite. L’article 30 du Code civil congolais L III dispose que « l’obligation sans cause ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ». La cause d’une convention synallagmatique est un concept très difficile à définir à raison de son caractère abstrait.

Le professeur SLAGHE définit la cause d’une obligation par le mobile déterminant qui justifie l’une des parties à conclure un contrat. L’obligation conclue sans cause ou sur une fausse cause n’existe pas. Le contrat est conclu sans cause lorsque les parties supposaient qu’une cause existe alors qu’en réalité elle est inexistante. La cause erronée équivaut à l’absence de cause. Le contrat est conclu sur une fausse cause lorsque la cause envisagée par les parties, de bonne foi ou mauvaise foi ne correspond pas à la réalité. Il y a dans ce cas cause simulée. L’obligation dont la cause est cachée sort tout de même ses effets. La simulation n’est toutefois pas une cause de nullité de la convention pour autant, sauf si elle a une cause illicite.

En matière du travail, le mobile qui détermine les parties au contrat est de conclure une convention de travail. Toute cause qui aura déterminé les parties à conclure un contrat permet de qualifier la relation existante entre elles14 .

Quand bien même le contrat de travail conclu répond aux conditions fixées à l’article 8 du Code civil L III et de l’article 6 du Code de travail, il reste que le travailleur concerné doit être apte à effectuer le travail qui lui est proposé.

V. L’aptitude du travailleur L’aptitude au travail du travailleur proposé constitue un élément non moins essentiel sur l’existence du contrat de travail. L’employeur peut par exemple exiger

14 VANNES, Contrat de travail : Aspect théorique et pratique, Bruylant, Bruxelles, 1985, p. 72.

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la présentation des diplômes et autres attestations ainsi qu’une certaine expérience professionnelle. Aussi, l’article 38, alinéa 1er, du Code du travail laisse-t-il entendre que « l’exécution du contrat de travail est subordonné à la constatation de l’aptitude au travail du travailleur. » Le constat est fait par un médecin.15

C’est Outre les conditions de fond, tout contrat de travail obéit aussi à des conditions de forme.

B. Les conditions de forme Le législateur va au-delà du caractère consensuel du contrat de travail pour exiger l’écrit. En outre tout contrat passé en écrit doit être visé.

I. L’exigence de l’écrit L’article 44, al. 1er , du Code du travail dispose que « le contrat de travail doit être constaté par écrit et rédigé dans la forme qu’il convient aux parties d’adopter pour autant qu’il comporte les énonciations visées à l’article 212 du présent Code ».

Cette disposition se réfère à la valeur de l’écrit et aux mentions que doit contenir le contrat et aux sanctions en cas de violation des conditions impératives.

a) La valeur de l’écrit

L’écrit est la preuve du consentement du travailleur16 . Cette interprétation émane également de l’article 2 de l’arrêté ministériel n° 15/67 du 3 octobre 1967 portant forme, preuve et visa du contrat de travail. Il y est en effet précisé que « le contrat pourra être traduit dans la langue vernaculaire du travailleur. En cas de contestation, seuls les originaux en langue française feront foi ». Le contrat du travail est rédigé en langue française en quatre exemplaires au moins, soit :

15 Art. 38, alinéa 2, du Code du travail.

16 ORBAN P., op. cit., p. 69.

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• trois originaux destinés respectivement à l’employeur, au travailleur et à l’autorité habilitée à viser le contrat conformément aux dispositions de l’article 36 du Code du travail et de la section 2 du présent texte17 . • Un exemplaire constituant projet de contrat est à remettre au travailleur dans les formes et délais prévus à l’article 35 du Code du travail18 . L’écrit, en tant qu’avant-contrat ou projet de contrat, permet au travailleur de s’assurer sur les obligations de chacune des parties et, plus spécifiquement, les siennes propres. Un tel projet devra être remis au travailleur avant la signature pour appréciation. L’article 46 du Code du travail règle cette question en ces termes : « l’employeur est tenu de remettre au travailleur, deux jours ouvrables au moins avant la signature du contrat, un exemplaire du projet de contrat et de mettre à sa disposition tous les documents essentiels auxquels il se réfère. Faute pour l’employeur d’avoir rempli cette obligation, le travailleur peut résilier le contrat dans les trente jours suivant sa conclusion sans préavis ni indemnité ».

Dans la pratique, cette obligation, qui est impérative et non d’ordre public, n’est pas respectée. Les travailleurs sont parfois prêts à signer le contrat à la va-vite, comme si tout atermoiement allait entraîner une résiliation de la part de l’employeur. La crise de l’emploi en est indubitablement la cause.

Comme on le constate, l’écrit n’est pas prévu ad solemnitam, encore moins ad probationem. Car d’une part, « à défaut d’écrit, le contrat est présumé, jusqu’à preuve du contraire, avoir été conclu pour une durée indéterminée »19 et d’autre part, « en l’absence d’écrit, le travailleur peut, même si la forme écrite est requise,

17 Art. 2, al. 1 et 2 de l’Arrêté ministériel n° 15/67 du 3 octobre 1967.

18 Les articles 35 et 36 de l’O-L n° 67/310 du 9 Août 1967 portant Code du travail correspondent respectivement aux articles 46 et 47 de la loi n° 015/2002 du 16 octobre 2002 portant Code du travail.

19 Art. 44, al. 2 du Code du travail

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établir par toutes voies de droit, l’existence et la teneur du contrat, ainsi que toutes modifications ultérieures.»20

La conséquence qui est à tirer de ce qui précède est qu’en matière de contrat de travail, en l’occurrence le contrat à durée déterminée, l’écrit est le principe, le contrat verbal l’exception. Cette exception s’applique aux travaux journaliers. Et, si l’écrit permet de prouver le consentement du travailleur, il risque de ne pas être valable s’il ne contient pas certaines mentions.

b) Les mentions contenues au contrat de travail

Les mentions que doit contenir un contrat de travail à durée déterminée sont fixées à l’article 212 du Code du travail. On y lit que « le contrat de travail constaté par écrit doit comporter, au minimum, les énonciations ci-après :

1) Le nom de l’employeur ou la raison sociale de l’entreprise ;

2) Le numéro d’immatriculation de l’employeur à l’institut national de sécurité sociale ;

3) Le nom, les prénoms et, le ou les post-noms et le sexe du travailleur ;

4) Le numéro d’affiliation du travailleur à l’Institut national de sécurité sociale et, éventuellement, le numéro d’ordre qui lui est attribué par l’employeur ;

5) La date de naissance du travailleur ou à défaut le millésime de l’année présumée de celle-ci ;

6) Le lieu de naissance du travailleur et sa nationalité ;

7) La situation familiale du travailleur ;

· Nom, prénoms ou post-noms du conjoint 20 Art. 49 du Code du travail

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20

• Nom, prénoms ou post-noms et date de naissance de chaque enfant à charge ; 8) La nature et les modalités du travail à fournir ; 9) Le montant de la rémunération et des autres avantages convenus ; 10) Le ou les lieux d’exécution du contrat ; 11) La durée de l’engagement ; 12) La durée de préavis de licenciement ; 13) La date d’entrée en vigueur du contrat ; 14) Le lieu et la date de la conclusion du contrat ; 15) L’aptitude au travail dûment constatée par un médecin. » L’article 212 n’est pas cependant complet car il omet une mention importante, à savoir la signature. C’est donc à juste titre que l’article 1er, al. 2 de l’Arrêté ministériel n° 15/67 du 3 octobre 1967 précise que « le contrat doit être signé par chacune des parties. Si l’une des parties ne sait pas signer, elle peut apposer une empreinte digitale. »

Il est évident que le défaut de signature ou d’empreinte digitale rend nul le contrat de travail. A tout le moins, un tel contrat ne peut avoir une force probante. Cette interprétation s’inscrit dans le droit commun des contrats. Au demeurant, il n’est pas possible qu’un contrat de travail soit soumis au visa sans avoir été signé ou sans comporter les empreintes digitales du travailleur.

Dans les lignes qui suivent, il est question de cette autre formalité non moins importante qu’est le visa.

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II. Le visa On tentera de définir le visa, son effet et les formalités de son apposition.

a) Définition et caractère du visa

Le visa est l’attestation donnée par l’autorité compétente que les diverses clauses du contrat lui ont été soumises, ont été reconnues par elle conformes aux prescriptions légales et sont parfaitement comprises par le travailleur21 . Le visa constitue donc le moyen par lequel l’administration du travail s’assure du respect par l’employeur de la réglementation du travail. Il revêt donc un caractère obligatoire.

En effet, il est précisé que « l’employeur est tenu de soumettre tout contrat écrit au visa de l’office national de l’emploi, suivant les modalités fixées par l’Arrêté du Ministre ayant le travail et la prévoyance sociale dans ses attributions22 . Aux termes de l’article 4, al. 1er, de l’Arrêté ministériel n° 15/67 du 3 octobre 1967, « l’employeur doit présenter au visa les trois originaux du contrat. L’un des originaux est concerné par l’autorité qui l’a visé. Si le travailleur use de la faculté qui lui est reconnue, il présente au visa, l’original du contrat en sa possession ».

Le non accomplissement du dépôt peut résulter du dépassement du délai requis, entendu que « l’employeur est tenu de soumettre le contrat au visa du Service National de l’Emploi dans un délai maximum de quinze jours prenant cours à la date de la signature du contrat. Le travailleur a la même faculté.»23

Le dépôt du contrat à viser n’entraîne pas ipso facto apposition du visa. L’Office National de l’Emploi, ou éventuellement l’inspecteur du travail compétent, doit vérifier si le contrat réunit toutes les conditions de validité ; en l’occurrence,

21 ORBAN P., op. cit., p. 51. 22 Art. 47, al. 1er du Code du travail. 23 Art. 3, al. 1er, Arrêté ministériel n° 15/67 du 3 octobre 1967.

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s’il respecte les dispositions des articles 37 et 212 du Code du travail. Le visa sera donc refusé dans le cas où le contrat ne répond pas au prescrit légal.

Quel est alors l’effet que le visa est censé produire ?

b) Effets du visa

Le visa ne fait pas du contrat un acte authentique. Ainsi, il ne donne pas au contrat de travail une force exécutoire mais une force probante attachée par l’article 204 du CC LIII à l’acte sous seing privé reconnu par celui auquel on l’oppose ou légalement tenu ou reconnu. Aucune preuve, même littérale, n’est admise contre et outre les stipulations d’un contrat visé24 . Ainsi, un autre écrit, même signé par l’employeur, n’aurait aucune force probante en cas de contrat visé25 .

Après avoir cerné la notion de contrat à durée déterminée, il importe de faire ressortir les caractéristiques d’un tel contrat.

24 ORBAN P., Op. cit., p. 83. 25 Conseil colonial, Rapport sur le Décret du 16 mars 1922, in B.O, 1922, p. 349.

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Section II : Caractéristiques du contrat à durée déterminée

Il y a toujours lieu de se méprendre sur la nature juridique d’un contrat, dans la mesure où certains contrats se rapprochent de très près du contrat de travail. Les rapports entre les parties ont un caractère personnel de sorte qu’ils peuvent revêtir plusieurs qualifications qui ne sont pas toujours celles prévues par ces dernières.

En outre, il n’est pas toujours aisé de distinguer un contrat à durée déterminée d’un contrat à durée indéterminée si l’on ne transcende pas la qualification retenue par les parties.

Aussi, après avoir dégagé les traits spécifiques du contrat de travail (§ 1), il sera question de distinguer le contrat à durée déterminée d’avec le contrat à durée indéterminée (§ 2).

§ 1. Les traits spécifiques du contrat de travail

Les règles spécifiques protectrices du travailleur s’appliquent au contrat de travail. Dès lors, des intérêts très importants s’attachent à la recherche d’un critère permettant de distinguer le contrat de travail d’autres conventions voisines26 . Il suffit donc de comparer les conventions voisines à l’aide des éléments saillants du contrat de travail, à savoir : la subordination, la prestation de service et la rémunération.

A. La subordination Il s’agit là du trait spécifique d’un contrat de travail qui supprime l’égalité des parties. Comme le dit LYON-CAEN, le rapport de travail n’est pas un rapport associatif ou institutionnel, car il n’y a pas d’intérêt commun à l’employeur et au salarié, ni de partage des bénéfices ou des pertes27 .

26 MASANGA PHOBA, op. cit, p. 36. 27 LYON-CAEN G., « Contrat de travail », in Encyclopaedia Universalis, Corpus 6, Paris, 1993, p. 936.

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Les relations du travail se déroulent au sein de l’entreprise qui est un lieu de pouvoir, pouvoir qui fixe les conditions dans lesquelles le travail mérite d’être effectué. Le pouvoir de subordination éclate en pouvoir de direction, pouvoir de contrôle et pouvoir disciplinaire. Dès lors, la circonstance que le travailleur jouisse en fait d’une large autonomie dans l’exécution de ses prestations de travail n’affecte pas la nature juridique du contrat dès lors que le travailleur reconnaît à l’employeur la possibilité d’exercer son autorité28 .

Le lien de subordination permet de distinguer le contrat de travail des contrats de société qui postulent l’égalité des parties ayant la même vocation aux bénéfices et aux pertes. De même, le contrat de travail se distingue du contrat d’entreprise en ce que ce dernier se caractérise par le fait d’exécuter le travail en toute indépendance29. Et, lorsque le lien de dépendance est très étroit entre le mandant et le mandataire, il n’y a plus mandat mais contrat de travail.

La subordination n’est pas cependant un élément suffisant en lui-même. Encore faut-il tenir compte d’un autre élément qui est la prestation de service.

B. La prestation de service La prestation de service s’analyse en obligations de faire. Cette prestation doit être librement consentie et elle doit être exécutée par le salarié lui-même. L’exécution de la prestation est donc personnelle30. La notion de prestation devant être personnellement exécutée par le travailleur revêt une importance non négligeable dans la mesure où le travailleur n’engage pas son patrimoine mais sa personne. Le travail n’est pas un bien, en aucun cas il n’est réductible à un louage de choses. Il est plutôt l’expression d’une personnalité31 .

28 LYON-CAEN G., op. cit, p. 937. 29 KIRSCH M., Le droit du travail africain : contrat du travail, Convention collective, travail et profession

d’outre-mer, Editions Afrique francophone au Sud du Sahara, Paris, 1979, pp. 12-13. 30 MASANGA PHOBA, op. cit., p. 39. 31 LYON-CAEN G., op. cit., p. 936.

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L’exercice d’un travail est la cause première du contrat de travail. L’exercice de ce travail, pour donner naissance à un contrat de travail doit s’accomplir en échange d’une rémunération convenue et sous l’autorité de l’autre partie au contrat. Les éléments du contrat de travail permettent de distinguer le contrat de travail des autres contrats qui, tout en contenant une prestation de travail, ne sont pas des contrats de travail. Le seul fait de travailler pour autrui n’est pas une condition suffisante du contrat de travail.

A défaut de contrat de travail, les prestations accomplies par une personne doivent toutefois être rémunérées. Il n’en est autrement que s’il existe des éléments permettant de déduire le caractère gratuit ou bénévole des prestations. Si ces éléments ne sont pas établis, il s’agit d’une convention sui generis tacitement conclue entre les parties32 .

Si le contrat de mandat peut être gratuit, de même qu’un contrat d’entreprise, le contrat de travail est à titre onéreux car l’employé a droit à une rémunération.

C. La rémunération Tout travail doit être compensé par un salaire. Il n’existe pas de contrat de travail gratuit. Le terme « salaire » prend parfois d’autres dénominations suivant la nature du service rendu telles que : gage pour les domestiques, cachets pour les artistes, appointements pour les employés. Notons que la notion de salaire est récente pour les sociétés africaines. L’arrivée du colonisateur a modifié les rapports du travail, l’exploitation systématique du pays ayant nécessité un grand besoin de main-d’oeuvre et obligé parfois de faire appel à une main-d’oeuvre originaire d’une région éloignée de celle du lieu d’exploitation. C’est précisément à cette époque que se situe le début du salariat en République Démocratique du Congo. 33

L’article 7 h du Code du travail définit le salaire comme la somme représentative de l’ensemble des gains susceptibles d’être évalués en espèce et fixés

32 VANNES, op. cit., p. 72. 33 LUWENYEMA LULE, op. cit., p. 18.

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par accord ou par les dispositions légales et réglementaires qui sont dus en vertu d’un contrat de travail par un employeur à un travailleur.

En droit congolais, le terme salaire comprend :

· Le salaire ou traitement · Les commissions · L’indemnité de vie chère · Les primes · Les participations aux bénéfices · Les sommes versées à titre de gratification · La valeur des avantages en nature · L’allocation de congé ou indemnité compensatoire de congé · Les sommes payées par l’employeur pendant l’incapacité de travail et pendant la période précédant et suivant l’accouchement. La rémunération du travailleur comprend : le salaire de base, les avantages sociaux et diverses indemnités34 .

Après avoir relevé les différences existant entre le contrat de travail et les notions voisines, il est plus qu’indiqué de faire ressortir les différences existant entre ce type de contrat et le contrat de travail à durée indéterminée.

34 LUWENYEMA LULE, op. cit., p.18.

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§ 2. La distinction entre le contrat à durée déterminée et le contrat à durée indéterminée

La distinction entre le contrat à durée déterminée et le contrat à durée indéterminée est naturellement fondée sur la durée de l’engagement. L’analyse serrée des dispositions du Code du travail fait voir qu’elle est fondée sur la nature du travail à exécuter.

A. La durée de l’engagement Les articles 40 à 43 du Code du travail contiennent la différence fondée sur la durée entre le contrat à durée déterminée et le contrat à durée indéterminée. Le législateur n’a pas défini le contrat à durée indéterminée qui est un contrat de travail pour lequel aucun terme n’est fixé. La durée du contrat ne peut être fixé que pour deux ans au maximum et ne peut être renouvelée plus d’une fois. Le contrat à durée déterminée est dans une certaine mesure l’exception. La jurisprudence dispose à cet effet d’un véritable pouvoir de requalification des contrats de travail. Et, quelque soit le flottement de l’article 40 du Code du travail, la durée du travail à effectuer peut renseigner sur la nature du contrat.

B. La nature du travail L’article 42 du Code du travail dispose que « lorsque le travailleur est engagé pour occuper un emploi permanent dans l’entreprise ou l’établissement, le contrat de travail doit être conclu pour une durée déterminée. » Dès lors, la permanence de l’emploi suffit à distinguer le contrat à durée déterminée du contrat à durée indéterminée, même si telle n’est pas la qualification convenue par les parties.

Il en découle que la prorogation d’un contrat à durée déterminée au-delà de la limite légale, transforme ce contrat en contrat à durée indéterminée car l’emploi qui en fait l’objet acquiert le caractère de permanence, conformément au prescrit de l’article 41, al. 3, du Code du travail. Aussi, en constatant que la clause ne

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prévoyant que la possibilité pour les parties de renouveler le contrat, les juges du fond ont pu en déduire que le contrat était devenu un contrat à durée indéterminée35 .

35 Soc. 22 avril 1985, in Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation, V, n° 320.

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CHAPITRE II.

CESSATION ANTICIPEE DU CONTRAT DE TRAVAIL

La liberté contractuelle des parties au contrat de travail ne semble pas entamée lorsqu’il est question de défaire ce qui a été fait. L’article 61 du Code du travail précise à cet effet que « tout contrat de travail peut être résilié à l’initiative soit de l’employeur soit du travailleur. » La généralité des termes utilisés par le législateur conduit à la conclusion selon laquelle les parties au contrat à durée déterminée ont le droit d’y mettre fin avant l’expiration du terme convenu. L’article 61 précité contraste avec l’article 62 du Code du travail qui semble a priori exclure l’hypothèse d’une cessation anticipée d’un contrat à durée déterminée.

En effet, aux termes de l’article 69 du Code du travail, le contrat à durée déterminée prend fin à l’expiration du terme fixé par les parties. La clause insérée dans un tel contrat prévoyant le droit d’y mettre fin par préavis est nulle de plein droit. On risque d’inférer par là que toute cessation anticipée est exclue de sorte que les parties seraient transitoirement dans une situation d’indissolubilité. De ce point de vue, même la faute lourde devrait être sans pertinence sur l’existence d’un contrat à durée déterminée. Telle n’est pas la volonté de la loi.

Si l’arrivée du terme est le mode normal de cessation d’un contrat de travail à durée déterminée, il existe des circonstances exceptionnelles, susceptibles de consacrer l’extinction des liens contractuels. Il faut convenir que l’une des parties ne peut obliger l’autre à exécuter ses obligations. L’analyse de tous ces cas relève qu’il existe des causes de cessation anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée ; les unes indépendantes des parties ; les autres dépendant de leur volonté.

Dans le présent chapitre, il conviendra d’étudier d’une part les causes de rupture inhérentes aux parties et d’autre part les causes qui sont extérieures aux parties. Autre part, les causes qui sont extérieures aux parties.

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Section I : Cas de cessation du contrat à durée déterminée inhérents aux parties

La rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée pourrait trouver sa raison d’être dans la volonté conjointe des parties, conformément à la liberté contractuelle. Il semble que la modification d’un élément essentiel du contrat et le décès de l’une des parties peut aboutir au même résultat. L’une des parties peut décider de mettre fin unilatéralement au contrat, notamment en cas de faute de la part de l’autre.

Ainsi, le contrat à durée déterminée peut être rompus anticipativement en dehors de toute faute (§1) ou la rupture peut trouver sa source dans la faute de l’une des parties (§ 2).

§ 1. La rupture en dehors de la faute

La rupture du contrat à durée déterminée en dehors de toute idée de faute imputable à l’une des parties peut être due à la volonté des parties, au décès de l’une des parties, à la modification du contrat et à la démission.

A. L’accord des parties Le Code du travail n’interdit pas aux parties de mettre un terme à leur contrat, en l’occurrence un contrat à durée déterminée. En application du principe général de droit selon lequel « ce qui n’est pas interdit est permis », les parties sont libres de défaire ce qu’elles avaient fait, même si le contrat en cause est un contrat à durée déterminée. Une convention de rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée peut revêtir la forme d’une transaction.

L’exercice d’un tel droit peut à juste titre s’appuyer sur le prescrit de l’article 33 du Code civil congolais L III aux termes duquel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

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La jurisprudence et la doctrine constantes sont unanimes à reconnaître que l’employeur et le travailleur peuvent convenir de mettre fin au contrat de travail à durée déterminée36. Il est évident que les pressions ne doivent pas être faites à la partie la plus faible, en l’occurrence le travailleur, pour accepter la cessation du contrat. Autrement dit, le consentement du travailleur doit être donné librement, en connaissance de cause. Il en va de la même manière en cas de démission.

B. La démission La démission est la volonté unilatérale émanant d’un salarié, consistant à mettre un terme à ses obligations37. La licéité de la démission est également fondée sur le principe général de droit « ce qui n’est pas interdit est permis ». La loi ne fixe donc pas les conditions de fond et de forme de la démission. La jurisprudence a fixé cependant des conditions essentielles auxquelles doit obéir toute démission. Cette jurisprudence étrangère devait s’appliquer en droit congolais à titre de principe général de droit suivant l’ordonnance de l’Administrateur général au Congo du 14 mai 1886.

Il a été décidé qu’une démission ne peut résulter que d’une manifestation non équivoque de volonté de la part du salarié38. L’équivocité peut donc être écartée si le travailleur a notifié par écrit à l’employeur sa décision de mettre un terme au contrat. La loi n’exige même pas que l’employeur soit mis en demeure, la mise en demeure pouvant résulter de la notification ou de la volonté de l’employé de se séparer de son employeur.

A contrario, la démission ne doit pas s’analyser en abus de droit susceptible de renverser le principe « nemo damnum facit qui suo jure utitur ». Autrement dit la

36 MULUMBA MULOWAY, La rupture du contrat de travail en droit congolais, 2ème éd., Pie X, Kinshasa, 2003, p. 41.

37 ORBAN, op. cit, p. 157.

38 MASANGA PHOBA, op. cit, p. 48.

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démission ne doit pas être préjudiciable à l’employeur. Lorsque la démission a lieu, elle a la même conséquence que le décès du salarié.

C. Le décès du salarié Le Code du travail ne cite pas le décès du salarié parmi les causes d’extinction d’un contrat à durée à déterminée. Il n’en découle pas que le contrat de travail, en tant que contrat conclu intuitu personae, ne passe aux héritiers. Si par exemple une convention collective prévoit la possibilité d’engager les héritiers des salariés, il n’y a pas par cela seul continuation du contrat ancien ; un nouveau contrat de travail doit être conclu à cet effet.

Les travaux préparatoires visant la modification de la loi n° 67/310 du 30 août 1967 portant Code du travail précisaient que le contrat de travail prenait fin de plein droit à la mort du travailleur39. Il n’en est pas cependant ainsi en cas du décès de l’employeur. Même si le contrat de travail ne fait naître que des obligations personnelles, les ayants cause de l’employeur héritent le contrat de travail qui est un élément passif de la succession. Ce cas n’est pas à confondre avec le cas de modification du contrat touchant un élément essentiel du contrat.

D. La modification touchant à un élément essentiel du contrat La stabilité des conventions exige que toute modification ait lieu de commun accord. L’article 33 du CCL III est clair à ce sujet. Il se pose alors la question de savoir si l’une des parties, l’employeur au premier chef, dispose d’un jus variandi lui permettant de modifier les termes du contrat de travail. La doctrine congolaise, ainsi que la jurisprudence congolaise, est muette sur la question. La jurisprudence étrangère considère que toute modification du contrat touchant à un élément essentiel de ce dernier est rompu. Il en est ainsi lorsque l’employeur procède à la modification des attributs du contrat, à la mutation du travailleur sans son accord en

39 LANDU NDONANI, « La révision du Code du travail : premiers travaux », in Zaïre-Afrique, n°145, 1980, p. 309.

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le transférant à un autre employeur, à la modification du salaire ou des conditions de travail40 .

Notons que la modification touchant à un élément essentiel du contrat peut également être le fait du travailleur. Le Code prévoit également une possibilité de rupture lorsque le travailleur n’a plus l’aptitude au travail. Il y est en effet précisé qu’ « une personne médicalement inapte au travail auquel elle est destinée ou affectée ne peut être engagée ni maintenue en service ». Il y a également modification du contrat lorsqu’il s’engage dans une autre entreprise41, lorsqu’ il est muté à sa demande, dans une autre entreprise 42 ou lorsqu’ il refuse d’exécuter le contrat dont il a accepté la novation.43 On se rapproche des cas où le contrat de travail peut être rompu suite aux agissements fautifs de l’une des parties.

§. 2 : La rupture du contrat à durée déterminée en cas de faute lourde

La faute lourde perturbe la stabilité du contrat. Elle peut être le fait du travailleur ou le fait de l’employeur. Pour éviter les contestations à la suite d’une rupture pour faute lourde, les parties peuvent choisir la voie de la résolution judiciaire.

A. Définition L’employeur peut résilier le contrat de travail lorsque le travailleur commet une faute lourde. Il s’agit là de l’exercice d’un droit disciplinaire que l’article 54 du Code du travail reconnaît à l’employeur. On y lit en effet ce qui suit : « Dans le Cadre de l’exécution du contrat de travail, compte tenu de la gravité commise, le travailleur est passible de l’une des sanctions disciplinaires ci-après :

• Le blâme ; • La réprimande ; 40 ORTSCHEIDT P., Code du travail, 58ème éd., Dalloz, Paris, 1996, p. 58. 41 Ibidem. 42 Cass., 9 janvier 1963, in TPOM, n°118, p. 2636. 43 Douala 25 mai 1970, in TPOM, n° 300, p. 6647.

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• La mise à pied dans les limites et conditions fixées au point 5 de l’article 57 du présent Code; • Le licenciement avec préavis ; • Le licenciement sans préavis dans les cas et conditions fixés aux articles 72 et 74 du présent Code. La sanction disciplinaire sera prise en tenant compte notamment de la gravité, de la répétition de la faute commise ou de l’intention de nuire qui l’a inspirée ».

La faute dont il est question et qui est susceptible de provoquer une rupture anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée, à en croire MULUMBA MULOWAY, ne peut être qu’une faute lourde44. Lorsqu’il s’agit d’une faute légère, l’employeur doit donc se contenter des autres sanctions disciplinaires qui sont le blâme ou la réprimande, à moins qu’il invoque la répétition d’une telle faute. Il convient dés lors de cerner la notion de faute lourde, les critères d’application de la faute lourde et de la rupture.

La définition de la faute lourde provient de l’alinéa 2 de l’article 72 du Code du travail aux termes duquel, « une partie est réputée avoir commis une faute lourde lorsque les règles de la bonne foi ne permettent pas d’exiger de l’autre qu’elle continue à exécuter le contrat ». Cette définition rencontre l’assentiment de la jurisprudence et de la doctrine constantes45. La brusque rupture est autorisée dans le

contrat à durée déterminée lorsque le manquement d’une des parties à ses obligations rend impossible pour l’avenir, la continuation des rapports contractuels46 .

44 MULUMBA MULOWAY, op. cit., p. 92.

45 NZANGI BATUTU, Guide juridique des employeurs et des travailleurs dans le processus de la rupture du contrat de travail pour faute lourde, Kinshasa, Médias Paul, 1996, p. 9.

46 Idem, p. 12.

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Dans la mesure où cette définition de la faute lourde semble quelque peut insaisissable, le législateur congolais a pris soin de préciser quelques cas de faute lourde.

B. Cas de faute lourde La faute lourde peut être imputable au travailleur ou à l’employeur. Aux termes de l’article 73, « l’employeur commet une faute lourde qui permet au travailleur de rompre le contrat lorsqu’il manque gravement aux obligations du contrat, notamment dans les cas suivants :

a) L’employeur ou son préposé se rend coupable envers lui d’un acte d’improbité, de harcèlement sexuel ou moral, d’intimidation, de voies de fait, d’injures graves ou tolère de la part des autres travailleurs de semblables actes ;

b) L’employeur ou son préposé lui cause intentionnellement un préjudice matériel pendant ou à l’occasion de l’exécution du contrat ;

c) En cours d’exécution du contrat, la sécurité ou la santé du travailleur se trouve exposée à des dangers graves qu’il n’a pas pu prévoir au moment de la conclusion du contrat ou lorsque sa moralité est en péril ;

d) L’employeur ou son préposé opère indûment des réductions ou retenues sur la rémunération du travailleur ;

e) L’employeur persiste à ne pas appliquer les dispositions légales ou règlementaires en vigueur en matière du travail.

Les cas de faute lourde du travailleur sont prévus à l’article 74 du Code du travail qui dispose : « Le travailleur commet une faute lourde qui permet à l’employeur de rompre le contrat lorsqu’il manque gravement aux obligations du contrat et notamment s’il :

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1. Se rend coupable d’un acte d’improbité, de harcèlement sexuel ou moral, d’intimidation, de voies de fait ou d’injures graves à l’égard de l’employeur ou de son personnel ; 2. Cause à l’employeur, intentionnellement, un préjudice matériel pendant ou à l’occasion de l’exécution du contrat ; 3. Se rend coupable de faits immoraux pendant l’exécution du contrat ; 4. Compromet par son imprudence la sécurité de l’entreprise ou l’établissement, du travail ou du personnel ». La qualification d’un acte de faute lourde peut être sujette à des abus, dans la mesure où la rupture, sanction de la faute, émane de la victime : elle se fait juge et partie. Si c’est le travailleur qui prend l’initiative de la rupture, il lui est possible d’évaluer le coût de la rupture ; il n’en va pas de même de l’employeur. Dans la mesure où le licenciement du travailleur pour faute lourde revêt le caractère d’une véritable sanction, l’exercice du pouvoir disciplinaire devra être entouré de garanties.

Si l’on ne s’arrête pas sur les termes de la définition donnée à la faute lourde par l’article 72, al. 3 du Code du travail, il est possible de convenir que le recours à la rupture immédiate du contrat peut être préférée à d’autres sanctions (blâme ou réprimande, mise à pied) ou extralégale (recyclage, mise à l’index), etc.

On comprend dès lors l’intérêt d’un contrôle judiciaire de la faute lourde et de l’observation rigoureuse de la rupture aboutissant en tout état de cause à l’appréciation de la faute lourde.

C. Appréciation de la faute lourde L’invocation de la faute lourde entraîne la possibilité d’une rupture unilatérale du contrat de travail. Une telle possibilité élude les principes selon lesquels « nul ne

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peut se faire justice à lui-même » ou « nul ne peut être juge et partie ». Mais la répression de la faute lourde est déjudiciarisée ; le juge y joue un rôle très marginal comme si son appréciation était déjà virtuellement comprise dans la décision de rupture et que la partie fautive risquerait de se voir opposer la fin de non-recevoir tirée de l’adage « Nemo auditur… ».

Il semble que le degré de gravité d’une faute est déterminé en fonction des faits eux-mêmes qui constituent la faute, mais aussi et surtout des circonstances dans lesquelles ces faits sont intervenus47 . Il en découle une appréciation in concreto de la faute lourde48 pour transcender l’insaisissable notion de faute lourde49. Encore faut-il pour ce faire que l’une des parties ait saisi le juge.

Le juge n’est pas lié par la qualification unilatérale retenue par la partie qui invoque la faute lourde. Généralement, il s’agit de l’employeur. La jurisprudence a à maintes reprises requalifié certaines fautes50 et, il est établi que l’exercice d’un tel pouvoir n’échappe pas à la censure de la Cour de cassation51 .

Il existe cependant des circonstances, en dehors de toutes voies de faute, susceptibles d’entraîner la rupture du contrat. Les parties subissent de tels événements. Parfois, le contrat peut être rompu par une décision de justice. Il s’agit là des causes de cessation d’un contrat à durée déterminée extérieures aux parties.

47 ORLIAC, Op. cit. , p. 67. 48 NZANGI BATUTU, Op. cit. , p. 26. 49 LUWENYEMA L., Op. cit., p. 40. 50 NZANGI B., Op. cit., pp. 27-43. 51 Idem, p. 26.

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Section II : Cas de cessation du contrat à durée déterminée extérieurs aux parties

La volonté des parties ne joue pas dans certains cas un rôle déterminant pour entraîner la rupture du contrat. Il n’est cependant pas dit qu’il existe des événements qui font cesser les effets du contrat de plano. En cas de force majeure, par exemple, il existe des formalités impératives qui président à la rupture du contrat de travail à durée déterminée. Outre la force majeure, le juge peut prononcer la résolution d’un contrat de travail, on parle dans ce cas de résolution judiciaire, laquelle obéit également à certaines formalités. Il sera question d’examiner la notion de force majeure ( § 1) et la résolution judiciaire (§ 2).

§ 1 : La force majeure

La force majeure n’est pas une notion exclusive au droit du travail ; mais elle n’opère pas de la même manière en matière de contrat de travail que dans d’autres types de contrat. La particularité de la notion en droit du travail sera appréciée ici au travers les différents cas pouvant s’analyser en force majeure et au travers les formalités à remplir pour constater un cas de force majeure.

A. Définition La définition de la force majeure est contenue dans les dispositions de l’article 57, alinéa 9 du Code du travail libellé comme suit : « Il y a force majeure lorsque l’événement survenu est imprévisible, inévitable, non imputable à l’une des parties et constitue une impossibilité absolue d’exécution des obligations contractuelles ».

Les dispositions précitées consacrent la conception civiliste dont la force majeure issue de l’article 48 du CCC L III aux termes duquel : « Il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit. ».

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La force majeure est donc extérieure aux parties. Elle n’est pas non plus prévisible, comme le serait, par exemple, une condition résolutoire. Elle est contraignante et irrésistible en empêchant le débiteur d’exécuter ses obligations. Aussi, chaque fois qu’une partie invoque un cas de force majeure, ces conditions doivent être réunies52 .

Le législateur congolais a orienté les parties en fixant une liste d’événements pouvant servir de catalogue de cas de force majeure.

B. Les cas de force majeure L’article 57 du Code du travail énumère une série de situations dont l’analyse révèle qu’il s’agit des cas de force majeure53 et que la législation antérieure, à savoir le Décret du 16 mars 1922 sur le contrat de travail, considérait comme telle54. On y lit en effet que : « Sont suspensifs du contrat du travail :

L’incapacité de travail résultant d’une maladie ou d’un accident, de la grossesse ou de l’accouchement et de ses suites ;

L’appel ou le rappel sous le drapeau ou l’engagement volontaire en temps de guerre dans les Forces armées congolaises ou d’un Etat allié ;

Les services prestés en exécution des mesures de réquisitions militaires ou d’intérêt public prises par le Gouvernement ;

L’exercice des mandats publics ou d’obligations civiques ;

Jusqu’à concurrence de deux fois quinze jours par an, la mesure disciplinaire de mise à pied lorsque cette mesure est prévue soit par la convention collective ou par le règlement d’entreprise ;

La grève ou le lock-out, si ceux-ci sont déclenchés dans le respect de la procédure de règlement des conflits collectifs du travail telle que définie aux articles 303 à 315 du présent Code ou de la procédure définie par la convention collective applicable ;

L’incarcération du travailleur ;

52 MORAND, « Contrat de remplacement », in Juris-classeur périodique, n° I, 1992, p. 132. 53 HEYSE Th., op. cit, p. 50. 54 Ibidem.

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La force majeure, lorsqu’elle a pour effet d’empêcher de façon temporaire l’une des parties à remplir ses obligations.

Il résulte de l’article 57 du Code du travail que, sauf pour le lock-out et la grève ainsi que pour la mise à pied, les autres événements peuvent consister en cas de force majeure. On notera que tous ces cas n’ont pour effet majeur que de suspendre le contrat de travail. Mais pour la jurisprudence et la doctrine constantes55, l’effet suspensif de la force majeure ne joue que si l’impossibilité d’exécuter les obligations est temporaire, lorsque l’empêchement est absolu et permanent, il y a effectivement possibilité de rupture du contrat de travail.

En d’autres termes, la force majeure opère la rupture du contrat à durée déterminée s’il n’y a pas de faute de l’une des parties, si l’impossibilité d’exécuter le contrat est absolue. Et le fait qu’un événement rende cette exécution plus onéreuse ou plus difficile n’est pas pertinent. Il faut également que l’événement soit imprévisible et d’une durée telle qu’ils ne permettent pas la reprise utile de l’exécution du contrat56 .

Ont été considérés comme des cas de force majeure : le cataclysme naturel, l’inondation, le tremblement de terre, l’incendie57, la maladie d’un travailleur par sa prolongation, l’inaptitude physique d’un pilote58 ainsi que le fait du prince59. Ce dernier cas nécessite tout de même un commentaire.

Le fait du prince est une notion qui relève du droit administratif dans le cadre d’exécution des marchés publics. Il y a fait du prince lorsque l’administration contractante modifie unilatéralement les obligations du contrat administratif, aggravant de ce fait les obligations qui incombent à l’adjudicataire60 . Le fait du prince ne rend pas impossible l’exécution du contrat mais entraîne un aléa dans la

55 KARAQUILLO, Observation sous soc. 28 avril 1986, in Recueil Dalloz, 1987, p. 475. 56 KIRSCH M., Op. cit., p. 137. 57 OUAGADOUGOU, 17 avril 1980, in J.TOM, 1981, p. 117. 58 Cass. Soc. 17 mai 1967, citée KIRSCH M., Op. cit., p. 138. 59 Soc. 12 décembre 1990, in Revue de jurisprudence sociale, 1991, n° 164. 60 KABANGE NTABALA, Droit administratif, Vol. I, Université de Kinshasa, 1997, p. 125.

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mesure où il alourdit les obligations de l’adjudicataire, lequel est souvent une personne qui exécute des travaux publics. Et, de tels travaux ouvrent la voie à l’entrepreneur pour la conclusion des contrats à durée déterminée. Pour la jurisprudence étrangère, l’aléa administratif résultant du fait du prince devrait permettre à l’entrepreneur de rompre certains contrats à durée déterminée comme s’il y avait eu force majeure61. Il en irait de même en cas de décision administrative de fermeture d’entreprise62

L’énonciation de la force majeure peut ouvrir la porte à de nombreux abus, surtout de la part de l’employeur. Aussi, chaque fois qu’une partie invoque la force majeure, celle-ci doit faire l’objet d’un constat.

C. Constat de la force majeure L’article 57 du Code du travail précise in fine que le cas de force majeure est constaté par l’Inspecteur du travail. Le caractère catégorique de cette disposition amène à la conséquence selon laquelle, le constat dressé par une tierce personne n’est pas valable, même si le travailleur acquiesce. En outre, un tel constat ne peut émaner que de l’Inspecteur du travail du ressort, c’est-à-dire, d’après le prescrit de l’article 3 de l’Arrêté ministériel n° 12 KA.MIN./FPTPS/MK 55/00 du 31 août 2000, il doit s’agir de l’Inspecteur du travail du lieu où s’exécute le contrat.

Le Code du travail est muet sur la forme que doit revêtir ce constat. Nous pensons que ce constat doit revêtir la forme d’un procès-verbal. Il faut tenir compte du caractère exorbitant de la force majeure qui est libératoire pour dire que le procès-verbal devra être dressé en présence des deux parties, le travailleur pouvant toujours être représenté par un délégué du personnel. Par ailleurs, il s’avère utile de rendre obligatoire la notification du procès-verbal au travailleur ou à l’employeur selon le cas. Cette notification ne doit pas cependant dispenser la partie qui a invoqué la force majeure de notifier par écrit la rupture du contrat.

61 Soc. 1er juillet 1970, in Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation, V, n° 452. 62 KIRSCH M., Op. cit., p. 138.

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§ 2 : La résolution judiciaire

La résolution judiciaire d’un contrat à durée déterminée fait intervenir un tiers, qui est dans ce cas le juge. Dans la mesure où il s’agit d’un cas de rupture anticipée qui n’est pas prévu par le Code du travail, il convient d’en rechercher le fondement et les pouvoirs du juge.

A. Fondement de la résolution judiciaire La loi n° 015/2002 du 16 octobre 2002 portant Code du travail et la loi n° 016/2002 du 16 octobre 2002 portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux du travail, sont muets sur la compétence de ces tribunaux de résoudre un contrat de travail, en l’occurrence un contrat à durée déterminée. Pour la jurisprudence, appuyée par la doctrine, un contrat de travail à durée déterminée peut faire l’objet d’une résolution judiciaire63 .

Cependant, la règle « ce qui n’est pas interdit est permis », ne peut être invoquée que si l’une des parties a commis une faute lourde. En clair, la résolution judiciaire est une alternative permettant d’éluder les aléas d’une rupture jugée par la suite irrégulière ou abusive64 .

Comme il se constate, les parties ont le pouvoir de confier à l’appréciation du juge le droit dont elles disposent de mettre unilatéralement fin au contrat. Quels sont les pouvoirs dont est investi le juge dans ce cas?

B. Les pouvoirs du juge La définition de la faute lourde réduit-elle le pouvoir d’appréciation du juge ? Il n’en est pas ainsi. Les juges disposent d’un pouvoir pour apprécier la qualification des faits retenus par l’une des parties65. Sans entrer dans les détails sur l’exercice d’un tel pouvoir, soumis d’ailleurs à la censure de la Cour de cassation, il

63 Soc. 20 mars 1990, in Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation, V, n° 121. 64 HEYSE Th., op. cit., p. 54. 65 NZANGI BATUTU, op. cit., p. 26.

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arrive que les juges aillent dans le sens du demandeur pour prononcer la résolution d’un contrat de travail, même s’il est à durée déterminée.

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CHAPITRE. III :

CONSEQUENCES ET EFFETS DE LA RUPTURE ANTICIPEE DU CONTRAT A DUREE DETERMINEE

La rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée entraîne en tout état de cause l’extinction des obligations de l’une ou l’autre partie. La rupture d’un contrat, même à durée déterminée, implique dans la majorité des cas d’accomplissement de certaines formalités obligatoires. L’analyse de ses obligations révèle que l’employeur a plus de charge que le travailleur.

Il faut se garder de croire que la rupture d’un contrat, même lorsqu’elle est anticipée, produit un effet rétroactif dans la mesure où le contrat de travail est un contrat à exécution successive.

L’accomplissement des formalités qui président à la rupture doit être scrupuleusement observé. A défaut, la partie qui a pris l’initiative de la rupture peut se voir accusée de rupture irrégulière. Lorsqu’il y’a abus de droit à résilier le contrat, il en résulte une rupture abusive. Dans tous les cas, le législateur prévoit des mécanismes juridiques de réparation de tout préjudice susceptible d’en résulter.

La réparation en cas de rupture irrégulière ou abusive du contrat de travail à durée déterminée peut faire intervenir le juge. L’intervention du juge suppose l’échec de la conciliation. Son mérite est de permettre un contrôle impartial et neutre des conditions de la rupture. Ce faisant, il permet la réparation du préjudice subi.

Dans le présent chapitre, il sera question de l’extinction des obligations des parties et du règlement des litiges consécutifs à la rupture anticipée.

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Section I : Extinction des obligations

La rupture d’un contrat à durée déterminée, lorsqu’elle est anticipée, n’opère pas de plano. Elle est précédée des formalités impératives à accomplir par la partie qui a pris l’initiative de la rupture et par l’employeur. Les questions financières sont à l’ordre du jour : les parties doivent solder leur compte.

On examinera successivement les formalités liées à la rupture (§ 1) et les effets de l’extinction des obligations des parties (§2).

§ 1. Formalités liées à la rupture

Les formalités liées à la rupture d’un contrat à durée déterminée sont d’une part la notification et éventuellement la suspension des fonctions et d’autre part la remise du certificat de fin de service.

A. La notification La notification est l’acte par unilatérale par laquelle une personne informe une autre d’une décision qui a été prise concernant cette dernière directement ou indirectement. C’est un procédé d’information utilisée au sein des administrations publiques ou privées. Le Code du travail prévoit la notification pour éviter des ruptures par surprise. Cette exigence protège en outre le travailleur contre certaines manoeuvres de son employeur car elle étale clairement les raisons justificatives de la décision de rompre.

En clair, la notification fait état de la volonté univoque de la partie qui a pris l’initiative de la rupture. Voilà pourquoi, « toute résiliation du contrat doit être notifié par écrit par la partie qui en prend l’initiative à l’autre partie lorsque la résiliation intervient à l’initiative de l’employeur, la lettre de notification doit en indiquer expressément le motif »66 .

66 Art. 76 du Code du travail

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L’exigence de l’écrit est fondée sur le souci d’éviter des conflits relatifs à la décision de rompre, en l’occurrence lorsqu’elle émane du travailleur. Toujours est-il que l’employeur peut extorquer au travailleur un tel écrit. Au demeurant, dans la mesure où de nombreux travailleurs ne savent pas écrire, l’article 76 risque d’être lettre morte. La question qui se pose alors est celle de savoir si une notification verbale est valable.

La jurisprudence considère que « si l’engagé reconnaît expressément avoir reçu une notification verbale, n’est pas nécessaire la notification par écrit justifiant la résiliation du contrat de travail pour faute lourde »67 . Pour notre part, une notification verbale n’est pas valable, à moins d’être reçue devant un inspecteur du travail compétent et relatée dans un procès-verbal ou prononcée devant le juge et actée dans la feuille d’audience. Dés lors, le juge peut s’appuyer sur le caractère verbal d’une notification pour considérer qu’il y’a eu rupture irrégulière.

Le Code du travail ne détermine pas les mentions que doit contenir la notification pour sa validité. Le silence de la loi renvoie à la théorie générale des actes juridiques. Ainsi, la notification doit contenir la volonté du rédacteur de mettre fin à ses obligations contractuelles c’est-à-dire les raisons de la rupture (motifs), elle doit être datée et signée par le travailleur ou l’employeur.

La loi n’exige pas que la notification soit acceptée par la partie à laquelle elle est destinée. Elle n’exige pas qu’elle soit recommandée à la poste, sauf lorsqu’il s’agit d’une rupture due à une faute lourde. Dans ce cas, lit-on à l’article 72, al.3. du Code du travail : « La partie qui se propose de résilier le contrat pour faute lourde est tenue de notifier par écrit à l’autre partie sa décision dans les quinze jours ouvrables au plus tard après avoir eu connaissance des faits qu’elle invoque ».

Ainsi donc, la notification d’une résiliation pour faute lourde se distingue des autres notifications dans l’existence du délai de quinze jours. Ce délai est assez long pour permettre la réflexion car c’est une décision grave de rompre un contrat de

67 CSJ, RC 90, 1er oct. 1980, inédit.

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travail. Ce délai était jadis de deux jours et traduisait la volonté du législateur de ne pas rendre la rupture du contrat pour faute lourde concomitante au moment de la connaissance des faits68 .

Même si le législateur est précis sur la date à partir de laquelle le délai de quinze jours commence à cours, la jurisprudence note, aux dires de LOKO OMADIKUNDJU, que quoique le délai de deux jours (quinze jours actuellement) soit un délai fixe, légal et d’injonction, son observation stricte n’est pas toujours aisée69 . Pendant ce temps, « Pour besoin d’enquête, l’employeur a la faculté de notifier au travailleur, dans les deux jours ouvrables après avoir eu connaissance des faits, la suspension de ses fonctions »70 .

B. La suspension des fonctions La suspension des fonctions ne s’applique que s’il est reproché au travailleur concerné une faute lourde. Le législateur n’a fait que consacrer une pratique longtemps utilisée par les employeurs. Lorsqu’une enquête était ouverte. Cette suspension des fonctions n’était prévue que pour les délégués du personnel. Dans ce dernier cas, l’autorisation de l’inspecteur du travail compétent est nécessaire. Le mérite de cette suspension est de faire bénéficier le travailleur du droit de présenter le moyen de sa défense et permettre à l’employeur d’agir en connaissance de cause.

La suspension du contrat doit également être notifiée au travailleur et, « l’écrit peut être soit adressée par lettre recommandée à la poste, soit doit être remis à l’intéressé contre accusé de réception ou, en cas de refus, en présence de deux témoins lettrés ».71

Il est toujours légitime de s’interroger sur la nature juridique d’une telle suspension de fonctions. L’alinéa 5 de l’article 72 du Code du travail précise que

68 LOKO OMADIKUNDJU, « De la résiliation immédiate du contrat de travail pour faute lourde : Obligation

ou faculté de l’employeur », in Revue critique de droit du travail et de la

sécurité sociale, n°01/1997, p. 18. 69 Ibidem 70 Art. 72 al. 4 du Code du travail 71 Art. 72 al. 7 du Code du travail

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« la suspension des fonctions pour besoin d’enquête est une mesure conservatoire qui ne peut être confondue avec la suspension du contrat de travail prévue à l’article 57 ». Voilà pourquoi, « la période de suspension du travailleur de ses fonctions pour besoin d’enquête, est considérée comme temps de service »72. Le travailleur a droit à sa rémunération comme s’il s’agissait d’un congé payé.

La suspension des fonctions peut être abusive et préjudiciable au travailleur. Il s’ensuit que « la durée de suspension ne peut excéder quinze jours et un délai supplémentaire de quinze jours est accordé à l’employeur dont le siège social ne se trouve pas sur le lieu d’exécution du contrat »73 .

Si la faute du travailleur est établie ou si, en dehors de toute faute, le contrat de travail vient à être rompu pour l’une ou l’autre cause, cette rupture doit être matérialisée par des documents qui sont le certificat de fin de service et le reçu solde de tout compte.

C. Le reçu pour solde de tout compte et le certificat de fin de service L’article 77 du Code du travail dispose que « la quittance pour solde de tout compte, délivrée au travailleur au moment où le contrat prend fin, n’implique aucune renonciation à ses droits. » Il résulte de cette disposition que le travailleur a l’obligation de délivrer à l’employeur un reçu pour solde de tout compte. Cependant, le législateur est laconique sur l’établissement d’un tel reçu.

Le reçu pour solde de tout compte est un document qui atteste que l’une ou l’autre partie, c’est-à-dire l’employeur et le travailleur, ne sont plus débitrices de sommes d’argent l’une envers l’autre. Il est établi après le décompte final de sommes dues au travailleur.

En droit français, le reçu pour solde de tout compte comporte la mention « pour solde de tout compte » et est entièrement écrite de la main du travailleur et

72 Art.72, al. 5 du Code du travail 73 Art. 72, al. 6 du Code du travail

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suivie de sa signature74. Cette exigence ne peut être appliquée avec efficacité en République Démocratique du Congo suite à l’illettrisme de nombreux travailleurs. Le reçu pour solde de tout compte est donc pré imprimé par l’employeur.

Le reçu pour le solde de tout compte n’a pas une valeur libératoire, elle ne vaut pas décharge de l’employeur ou remise de dette de sorte à priver le travailleur du droit à agir en justice.

Pour la jurisprudence française, le reçu pour solde de tout compte a un effet libératoire pour l’employeur à l’égard de tous les éléments de rémunération dont le paiement a été envisagé par les parties75 . Il en est ainsi s’il réunit toutes les conditions des actes juridiques notamment les éléments de la rémunération du salarié, son nom, sa signature, le lieu de l’élaboration et la date.

Une telle interprétation risque d’aller à l’encontre de l’article 77 du Code du travail car, le reçu pour solde de tout compte risque de faire obstacle à toute demande de dommages et intérêts ou pour toute autre action en justice découlant du contrat. Dans le même ordre d’idées, l’employeur peut toujours demander au travailleur un trop perçu après établissement de la quittance car celle-ci n’est pas libératoire.

Il faut se garder de croire que l’établissement d’un reçu pour solde de tout compte n’intervient que lorsqu’il y a eu résiliation d’un contrat à durée déterminée. Il en serait de même si le contrat concerné était à durée indéterminée. En outre, pour toute résiliation, pour quelque cause que ce soit, l’employeur est tenu de délivrer au travailleur un certificat de fin de service.

En effet, aux termes de l’article 79 du Code du travail, « lorsque le contrat prend fin pour quelque cause que ce soit, l’employeur est tenu de délivrer au travailleur un certificat attestant la nature et la durée des services prestés, la date du

74 Art. L. 122-17 litera a du Code du travail français 75 Soc. 8 juillet 1980, in Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation, V, n° 617.

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début et de la fin des prestations ainsi que son numéro d’immatriculation à l’Institut National de Sécurité Sociale. Aucune autre indication ne peut y être ajoutée. Ce certificat doit être remis au plus tard deux jours ouvrables après la fin du contrat. Il est exempt de droit de timbre ou d’enregistrement ». Les termes de l’article 79 précité sont assez clairs pour éviter une interprétation abusive.

Relevons cependant que des problèmes peuvent se présenter lorsque le contrat de travail est rompu suite au décès de l’une des parties ou lorsque l’employeur refuse de délivrer au travailleur ce certificat. Il a été jugé que l’obligation de délivrer un certificat de fin de service s’impose à l’employeur même en cas de nullité du contrat76 qu’elle concerne également les héritiers de l’employeur77 et bénéficie aux héritiers du salarié78 . Il appartient au travailleur de vaincre la résistance de l’employeur, car le certificat de fin de service est quérable79. Il devient portable lorsque l’employeur est condamné à le délivrer80 .

Les formalités liées à la rupture sont assez claires pour faire voir que fondamentalement il y a cessation des obligations de part et d’autre.

§ 2. La cessation des obligations des parties

La cessation du contrat de travail oblige les parties à exécuter certaines prestations dans la mesure où elles cessent d’être employeur et travailleur. Les articles 52, 53 et 149 du Code du travail règlent la question de ces obligations incombant tantôt au travailleur tantôt à l’employeur.

A. Les obligations du travailleur Aux termes de l’article 52 du Code du travail, « le travailleur a l’obligation de restituer en bon état à l’employeur les marchandises, produits, espèces et d’une

76 Soc. 26 janv. 1983, Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation V, n°33. 77 Soc. 16 nov.1977, loc. cit., n°617. 78 Soc. 20 janvier 1960, eod. loc., n° 61. 79 Soc. 17 janvier 1973, eod. loc., n° 26. 80 Soc. 26 mars 1981, eod. loc., n° 265.

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façon générale, tout ce qui lui a été confié. » Il s’agit là d’une obligation de donner dont la mise en demeure court à dater de la résiliation du contrat.

Le travailleur doit également garder les secrets de fabrication ou d’affaires de l’entreprise et s’abstenir de se livrer ou de collaborer à tout acte de concurrence déloyale81. Cette disposition protège l’employeur contre l’espionnage industriel ou contre la contrefaçon provoquée 82 par un travailleur malhonnête. On comprend d’ailleurs pourquoi la rupture du contrat par le travailleur réhabilite la clause de non concurrence.

En effet, un travailleur peut n’être que l’espion d’une entreprise rivale. Ou bien, dans une intention de malveillance ou du lucre, il peut être tenté de livrer à une entreprise concurrente tous les secrets de fabrication ou le know how dont dispose son employeur.

Ce faisant, il peut anticiper la rupture pour contacter l’entreprise concurrente en emportant le secret. De même, il peut livrer les secrets de fabrique pour se venger. Tel est le fondement de l’exception prévue à l’article 53, al. 2 qui est libellé en ces termes : « Néanmoins, lorsque le contrat a été résilié à la suite d’une faute lourde du travailleur ou lorsque celui-ci y amis fin sans qu’il y ait faute lourde de l’employeur, la clause sort ses effets pour autant que le travailleur ait de la clientèle ou des secrets d’affaires de son employeur, une connaissance telle qu’il puisse lui nuire gravement, que l’interdiction se rapporte aux activités que le travailleur exerçait chez l’employeur, que sa durée ne dépasse pas un an à compter de la fin du contrat. »

Le non respect par le travailleur est sanctionné par l’abus de confiance s’il a dissipé ou détourné les biens qui lui avaient été remis à titre précaire. Lorsqu’il s’agit d’un acte de concurrence déloyale, l’employeur dispose de l’action en cessation de la concurrence déloyale ou, éventuellement, de l’action en contrefaçon.

81 Art.52 in fine du Code du travail. 82 Art. 52, al. 2 du Code du travail.

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Il est cependant difficile au travailleur de dégager sa responsabilité s’il a livré à un tiers le secret de fabrique.

Mais, en dehors de toute faute, le travailleur n’est ni responsable des détériorations, ni de l’usure dues à l’usage normal de la chose, ni de la perte fortuite83 . Certains employeurs ne respectent pas souvent cette disposition, en considérant que le travailleur est toujours fautif, sauf force majeure, et est de ce fait responsable des détériorations subies par les matières ou autres produits qu’il détenait en vertu du contrat.

L’employeur de son côté a également des obligations à remplir.

B. Les obligations de l’employeur L’article 101 du Code du travail dispose que : « Toute somme restant due en exécution d’un contrat de travail, lors de la cessation définitive des services effectifs, doit être payée au travailleur, et, le cas échéants, aux ayants droits de ce dernier, au plus tard dans les deux jours ouvrables qui suivent la date de la cessation des services. » Il est possible que le délai de deux jours francs se compte non en heures mais en jour. Et, après l’écoulement du délai de deux jours, commence à courir le délai de prescription.

L’exécution de cette obligation est souvent entravée par la mauvaise foi de l’employeur. Le payement, après quatre années de revendications, des rémunérations de 35 travailleurs de la PETROCONGO après la dissolution de cette entreprise en est la triste illustration.

D’autres problèmes surviennent lorsqu’il est question du rapatriement du travailleur. Le rapatriement du travailleur et, éventuellement de sa famille, est prévu à l’article 149 du Code du travail. Ce rapatriement est prévu même lorsque le contrat est rompu pour faute lourde imputable au travailleur. Il résulte de

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l’interprétation de l’article 149 que le rapatriement du travailleur est obligatoire même s’il s’agit d’un contrat à durée déterminée. Ce voyage de retour doit être assuré dans un bref délai et l’employeur est tenu de payer au travailleur une indemnité égale à la rémunération mensuelle jusqu’au moment du départ effectif84 .

La rupture anticipée du contrat à durée déterminée ne suit pas toujours un tel parcours. Il en va de même de la rupture anticipée d’un contrat à durée indéterminée. Lorsque la rupture est considérée comme irrégulière par l’une des parties, une contestation en surgit laquelle sera soumise au juge. Il est dés lors indiquer d’examiner les conséquences d’une rupture irrégulière d’un contrat à durée déterminée.

84 Art. 152 du Code du travail.

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Section II : Les conséquences de la rupture fautive d’un contrat à durée déterminée

Une rupture est irrégulière lorsqu’elle ne suit pas la procédure prévue par la loi, les conventions collectives ou le règlement d’entreprise. On peut joindre à ce cas, la rupture sans motif, la rupture pour motif insuffisant ou la rupture dite abusive85 . L’étude de ces différents cas révèle que la rupture fautive d’un contrat à durée déterminée est l’oeuvre tantôt de l’employeur, tantôt du travailleur. Cette distinction a une incidence sur le régime de la réparation qui découle de la rupture fautive.

Il sera question d’examiner l’une après l’autre la rupture fautive imputable à l’employeur (§ 1) et la rupture fautive imputable au travailleur (§ 2).

§ 1. La rupture fautive imputable à l’employeur

Aux termes de l’article 70 du Code du travail : « toute rupture du contrat à durée déterminée prononcée en violation de l’article 69 donne lieu à des dommages et intérêts. Lorsque la rupture irrégulière est le fait de l’employeur, ces dommages et intérêts correspondent au salaire et avantages de toute nature dont le salarié aurait bénéficié pendant la période restant à courir jusqu ‘au terme de son contrat ».

Le Code du travail marque une avancée par rapport à la législation antérieure. L’article 56 de l’ O-L n°67/310 du 9 août 1967 portant Code du travail disposait que « de l’indemnité due par l’employeur à la suite de la rupture du contrat à durée déterminée devrait être égale au salaire restant à courir jusqu’au terme du contrat sans qu’elle puisse excéder le quadruple de la rémunération correspondant à l’indemnité de préavis qui aurait dû être payée si ce contrat avait été conclu par une durée déterminée ».

85 NZANGI BATUTU, op. cit. p. 81.

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On peut imputer à un employeur le départ de l’entreprise d’un travailleur provoqué par la faute de l’employeur86 . Dans ce cas, conformément au système jurisprudentiel des équipollents, le comportement de l’employeur est assimilé à une rupture de sa part et c’est lui qui aura à réparer le préjudice du salarié87 comme prévu à l’article 70 ; al. 2, du Code du travail.

Relevons que, l’article 70, al. 2, du Code du travail s’applique dans tous les cas, sans distinguer entre rupture abusive ou rupture irrégulière, cette distinction étant sans pertinence sur l’indemnité réparatrice qui est forfaitaire. D’un certain point de vue, cette indemnité protège le salarié, mais reporté sur l’ensemble de la communauté laborieuse, le caractère forfaitaire de l’indemnité prévue à l’article 70, al. 2 consacre la précarité de l’emploi car avec les bas salariés, cette indemnité risque de ne pas avoir un caractère intimidant.

En définitive, les travailleurs ayant un contrat à durée déterminée, ne sont pas protégés par la législation sur le licenciement88 . Le principe de la réparation forfaitaire est écarté lorsque la rupture fautive est le fait du travailleur.

§ 2. La rupture fautive imputable au travailleur

Le travailleur qui démissionne peut abuser de son droit. Ce faisant, l’employeur est dans ce cas fondé à demander des dommages et intérêts. Lorsque la rupture du contrat à durée déterminée est consécutive à la faute lourde du travailleur, l’employeur pourra réclamer au travailleur le préjudice directement causé par la faute lourde. Les articles 70, al. 1er et 75, al. 2, du Code du travail sont le siège du droit de l’employeur à obtenir la réparation.

Aux dires de NZANGI BATUTU, cette réparation doit être calculée de la même manière que si elle était due par l’employeur89 . Cette piste ne mérite pas d’être empruntée.

86 BRUN A. et GALLAND H. cité par NZANGI BATUTU, Op. cit. p. 91. 87 NZANGI BATUTU, Op cit. p. 81. 88 CFDT, Les dégâts du progrès. Les travailleurs face au changement technique, éd. du Seuil, paris, 1977, p.

218.

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Nous sommes d’avis que dans la mesure où le législateur est muet sur le calcul de l’indemnité de réparation due par le travailleur fautif, celle-ci se calcule suivant le droit commun et est soumis au régime de la responsabilité de droit commun. L’institution d’une indemnité forfaitaire serait limiter la responsabilité du travailleur qui risque de ne pas se comporter en bon père de famille parce que couvert par la loi. Autrement dit, la réparation du travailleur doit couvrir le gain manqué et la perte subie par l’employeur.

89 NZANGI BATUTU, Op. cit., p. 89.

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CONCLUSION

Rompre anticipativement un contrat de travail devrait être la chose la plus facile du monde si telle est la volonté des parties. Mais, il ne faut pas ignorer que le travailleur trouve dans le travail sa source de revenu. Une procédure spécifique entoure cette rupture, surtout s’il s’agit d’un contrat à durée déterminée. Il semble en effet qu’un contrat à durée déterminée ne peut être interrompu avant le terme que pour cause de faute lourde ou de force majeure.

La notion du contrat à durée déterminée est en elle-même déjà critiquable car elle laisse trop de place à l’interprétation. Il est préférable de limiter scrupuleusement la liberté des parties, en l’occurrence celle de l’employeur au moment de la conclusion. Il est légitime d’insister sur ce point pour préserver la stabilité de l’emploi des nombreux travailleurs congolais.

L’étude de la rupture du contrat à durée déterminée a révélé que le législateur a voulu tout de même protéger le travailleur en décidant que le contrat à durée déterminée ne peut être rompu qu’à l’arrivée du terme. Ce faisant, seule la force majeure et la faute lourde sont considérées par de nombreux auteurs comme les seules causes de cessation anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée.

A l’analyse cependant un contrat à durée déterminée peut être anticipativement résolu pour d’autres causes dont le décès de l’une des parties, la résolution judiciaire et la démission.

Le décès se révèle un mode normal de rupture de tout contrat. Même si le Code du travail est muet, la jurisprudence et la doctrine sont unanimes à reconnaître que le décès du travailleur résout le contrat de travail.

La résolution judiciaire suppose au préalable un contentieux que les parties n’ont pas eu à résoudre. L’intervention du juge juridictionnalise la procédure de rupture du contrat et la qualification des faits retenus par les parties peut être écartée par le

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juge. La démission de son côté permet au travailleur de mettre un terme à un contrat de travail, en l’occurrence, le contrat à durée déterminée.

On arrive au constat que certains modes de rupture des contrats à durée déterminée échappent à la volonté des parties tandis que d’autres modes sont entièrement soumis à leur volonté. L’étude des règles qui conduisent à la rupture anticipée montre qu’une procédure rigoureuse doit être suivie pour éviter des abus.

Toute démission mérite d’être notifiée à l’autre partie. Une démission fautive ouvre la voie aux dommages et intérêts. Il en va de même de toute rupture fautive pour faute lourde.

La distinction entre une rupture fautive d’un contrat à durée déterminée et une rupture fautive d’un contrat à durée indéterminée réside en ceci que l’employeur fautif doit payer au travailleur un montant de dommages et intérêt égal à la rémunération couvrant les mois qui restaient à courir. Par contre, le travailleur fautif doit réparer le préjudice subi par l’employeur sur base d’une responsabilité de droit commun.

Qu’elle soit anticipée ou non, la rupture d’un contrat à durée déterminée produit les effets suivants : le travailleur doit restituer les matériels ou autres marchandises qui lui ont été remis de façon précaire.

Par ailleurs, lorsque la rupture est consécutive à la faute lourde du travailleur, la clause de non concurrence peut produire des effets, le travailleur doit remettre à l’employeur un document attestant que les comptes de deux parties ont été soldés et l’employeur doit remettre au travailleur un certificat de fin de service.

Au regard des analyses menées au fil de la présente étude, nous comptons attirer l’attention du législateur, des inspecteurs du travail et des parties sur les points suivants :

· la définition du contrat à durée déterminée ;

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· l’application correcte de la réglementation sur le contrat à durée déterminée car certains contrats sont conclus pour une durée déterminée, alors qu’ils doivent être à durée indéterminée ; · l’inefficacité de la sanction en cas de rupture abusive ou irrégulière du contrat à durée déterminée par l’employeur ou en cas de faute lourde de l’employeur. Le principe de la réparation forfaitaire est peu intimidant lorsque le travailleur reçoit un salaire dérisoire. D’autres chercheurs peuvent aboutir à d’autres conclusions. Pour notre part, il s’agit là des obstacles à une correcte application de la réglementation du contrat à durée déterminée.

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BIBLIOGRAPHIE

I. TEXTES OFFICIELS 1. Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, in J. O., n° spécial, 19 février 2006. 2. Loi n° 015-2002 du 16 octobre 2002, in J.O., n° spécial, 16 octobre 2002. 3. Arrêté ministériel n° 15/67 du 3 octobre 1967, portant forme, preuve et visa du contrat de travail, in M C., 1967.

4. Arrêté ministériel n° 12 KA. MIN/FPTPS/MK 55/00 du 31 août 2000 portant fonctionnement des inspections du travail, in Les Codes Larcier, t. IV.,

Bruxelles, 2003.

II. OUVRAGES 1. CAMERLYNCK, Traité de Droit du travail, T.I, « Contrat de travail », Dalloz, 1968 2. CFDT, Les dégâts du progrès. Les travailleurs face au changement technique, éd. du Seuil, paris, 1977. 3. HEYSE Th., Le régime du travail au Congo belge, Goemare, Bruxelles, 1924. 4. KABANGE TABALA, Droit administratif, Vol. I, Université de Kinshasa, 1997 5. KIRSCH M., Le droit du travail africain : contrat du travail, Convention collective, travail et profession d’outre-mer, Paris, Afrique francophone au Sud du Sahara, 1979. 6. LUWENYEMA LULE, Précis de droit du travail zaïrois, éd. Lule, Kinshasa, 1989. 7. MULUMBA MULOWAY, La rupture du contrat de travail en droit congolais, 2ème éd., Pie X, Kinshasa, 2003. 8. NZANGI BATUTU, Guide juridique des employeurs et des travailleurs dans le processus de la rupture du contrat de travail pour faute lourde, Kinshasa, 1996. 9. ORBAN P., Louage de services au Congo belge. Le contrat de travail, Maison Ferdinand Larcier, Bruxelles, 1955. 10. ORSTSCHEIDT P., Code du travail , 58ème éd., 1996. 11. ROUAST A., Précis de droit du travail, éditions Dalloz, Paris, 1963. 12. VANNES, Contrat de travail : Aspect théorique et pratique, Bruylant, Bruxelles, 1985.

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61

II. REVUES ET ARTICLES 1. BLANC-JOUVAN X., « Travail. Le droit du travail », in Encyclopaedia universalis, Corpus 22, Paris, 1993. 2. Rapport du Conseil colonial sur le Décret du 16 mars 1922, in B.O, 1922. 3. KARAQUILLO, Observation sous soc. 28 avril 1986, in Recueil Dalloz, 1987. 4. KUMBU Ki-NGIMBI, « Du Code du travail de 1967 à celui de 2002. Avancée, stagnation ou recul du droit congolais », in Congo-Afrique, n° 386 juin – août 2004. 5. LANDU NDONANI, « La révision du Code du travail : premiers travaux », in Zaïre-Afrique, n°145, 1980. 6. LOKO OMADIKUNJO, « De la résiliation immédiate du contrat de travail pour faute lourde : Obligation ou Faculté de l’employeur », in Revue critique de droit du travail et de la sécurité sociale, n°01/1997. 7. LYON-CAEN, « Contrat de travail », in Encyclopaedia Universalis, Corpus 6, Paris, 1993. 8. MORAND, « Contrat de remplacement », in Juris-classeur périodique, n° I, 1992. 9. MUKADI BONYI, Le nouveau Code du travail n’a pas supprimé l’autorisation, Inédit III. COURS POLYCOPIES 1. KUMBU Ki-NGIMBI, Cours de droit du travail, 1ère licence, Université William Booth, Faculté de Droit, 2004-2005. 2. MASANGA PHOBA, Cours de droit du travail, éd., Université de Kinshasa, Faculté de Droit, 2004. IV. JURISPRUDENCE

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1. Soc. 22 avril 1985, in Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation, V, n° 320. 2. Cass., 9 janvier 1963, in TPOM, n°118, p. 2636. 3. Douala 25 mai 1970, in TPOM, n° 300, p. 6647. 4. Ouagadougou, 17 avril 1980, in JTOM, 1981, p. 117. 5. Cass. Soc. 17 mai 1967. 6. Soc. 12 décembre 1990, in Revue de jurisprudence sociale, 1991, n° 164.

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62

7. p. 125. 8. Soc. 1er juillet 1970, in Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation, V, n° 452. 9. Soc. 20 mars 1990, in Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation, V, n° 121. 10. CSJ, RC 90, 1er octobre 1980, inédit. 11. Soc. 8 juillet 1980, in Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation, V n° 617. 12. Soc. 26 janv. 1983, Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation, V, n°33. 13. Soc. 16 nov.1977, loc. cit, n°617. 14. Soc. 20 janvier 1960, eod. loc., n° 61. 15. Soc. 17 janvier 1973, eod. loc., n° 26. 16. Soc. 26 mars 1981, eod. loc., n° 265.

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TABLE DES MATIERES

DEDICACE ...........................................................................................................................I AVANT-PROPOS................................................................................................................ II INTRODUCTION............................................................................................................... 1

I. PROBLEMATIQUE .................................................................................................................... 1

II. INTERET DU SUJET................................................................................................................. 2

III. METHODES DE TRAVAIL .................................................................................................... 3

IV. DELIMITATION DU SUJET .................................................................................................. 3

V. PLAN SOMMAIRE .................................................................................................................... 3

CHAPITRE I. ....................................................................................................................... 5 EXAMEN DU CONTRAT DE TRAVAIL A DUREE DETERMINEE............................. 5

Section I : Notions du contrat de travail à durée déterminée ...................................................... 6

§ 1. Définition juridique du contrat à durée déterminée........................................................................... 6

A. Définition du contrat de travail..................................................................................................................... 6

B. La définition proprement dite du contrat à durée déterminée ....................................................................... 7

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§ 2 : Formation du contrat à durée déterminée......................................................................................... 9

A. Les conditions de fond................................................................................................................................. 9

B. Les conditions de forme............................................................................................................................. 17

Section II : Caractéristiques du contrat à durée déterminée ..................................................... 23

§ 1. Les traits spécifiques du contrat de travail...................................................................................... 23

A. La subordination........................................................................................................................................ 23

B. La prestation de service .............................................................................................................................. 24

C. La rémunération......................................................................................................................................... 25 § 2. La distinction entre le contrat à durée déterminée et le contrat à durée indéterminée .................... 27

A. La durée de l’engagement.......................................................................................................................... 27

B. La nature du travail.................................................................................................................................... 27

CHAPITRE II..................................................................................................................... 29 CESSATION ANTICIPEE DU CONTRAT DE TRAVAIL ............................................. 29

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Section I : Cas de cessation du contrat à durée déterminée inhérents aux parties .................. 30

§ 1. La rupture en dehors de la faute...................................................................................................... 30

A. L’accord des parties................................................................................................................................... 30

B. La démission.............................................................................................................................................. 31

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C. Le décès du salarié..................................................................................................................................... 32

D. La modification touchant à un élément essentiel du contrat....................................................................... 32 §. 2 : La rupture du contrat à durée déterminée en cas de faute lourde.................................................. 33

A. Définition................................................................................................................................................... 33

B. Cas de faute lourde .................................................................................................................................... 35

C. Appréciation de la faute lourde................................................................................................................... 36

Section II : Cas de cessation du contrat à durée déterminée extérieurs aux parties................ 38

§ 1 : La force majeure ............................................................................................................................ 38

A. Définition................................................................................................................................................... 38

B. Les cas de force majeure............................................................................................................................ 39

C. Constat de la force majeure ........................................................................................................................ 41 § 2 : La résolution judiciaire .................................................................................................................. 42

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A. Fondement de la résolution judiciaire......................................................................................................... 42

B. Les pouvoirs du juge.................................................................................................................................. 42

CHAPITRE. III :................................................................................................................44

CONSEQUENCES ET EFFETS DE LA RUPTURE ANTICIPEE DU CONTRAT A DUREE DETERMINEE.................................................................................................... 44

Section I : Extinction des obligations............................................................................................ 45

§ 1. Formalités liées à la rupture............................................................................................................ 45

A. La notification ........................................................................................................................................... 45

B. La suspension des fonctions....................................................................................................................... 47

C. Le reçu pour solde de tout compte et le certificat de fin de service............................................................ 48 § 2. La cessation des obligations des parties.......................................................................................... 50

A. Les obligations du travailleur ..................................................................................................................... 50

B. Les obligations de l’employeur................................................................................................................... 52

Section II : Les conséquences de la rupture fautive d’un contrat à durée déterminée............ 54

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§ 1. La rupture fautive imputable à l’employeur.................................................................................... 54 § 2. La rupture fautive imputable au travailleur..................................................................................... 55

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 60

TABLE DES MATIERES..................................................................................................63