rtdeur. - wordpress.com · 2016-09-21 · rtdeur. revue trimestrielle de droit européen...
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RTDEur.Revue trimestrielle de droit européen
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4
C ÉDITO
213 Crise des valeurs dans l’Union européenne
Jean Paul Jacqué
ARTICLES
219 La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et les ordres juridiques nationaux, de la mise en œuvre à la mise en balance
Marek Safjan, Dominik Düsterhaus
et Antoine Guérin
249 Protection des données personnelles : les diffi cultés de la mise en œuvre du droit européen au déréférencement
Olivia Tambou
275 Les recours administratifs contre les actes des agences européennes
Jules David
293 Parlement européen et relations extérieures : une révolution démocratique en marche ?
Hugo Flavier
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1. Réforme législative adoptée pour le
règlement RPL et réforme jurisprudentielle
à venir pour le règlement IPE ?
Publié le jour du réveillon de Noël, le
règlement (UE) 2015/2421 1 1 réformant
les règlements RPL et IPE s’appliquera
à compter du 14 juillet 2017 2 2 . Avec ce
règlement (qu’il faut compléter par les
actions de promotion de la Commission
européenne), le législateur européen
semble vouloir sincèrement remédier aux
difficultés rencontrées par le règlement
RPL. Trois raisons principales peuvent
être données. La première vise à solder
le passé, c’est-à-dire la crise financière
et économique occidentale de 2007-2008,
dont l’intensité justifie pour la Com-
mission que la justice passe désormais
(« est devenue ») au service de l’éco-
nomie : « Alors que l’Union européenne
est confrontée à la plus grande crise
économique qu’elle ait jamais connue,
l’amélioration de l’efficacité de la justice
en son sein est devenue un important
facteur de soutien à l’activité écono-
mique. L’une des mesures permettant
de promouvoir l’efficacité de la justice
dans l’UE est la révision du règlement
instituant une procédure européenne de
règlement des petits litiges » 3 3 . La deu-
xième raison concerne le présent : à
l’heure où l’Union européenne traverse
une crise plutôt sérieuse de légitimité, il
faut convaincre les citoyens européens,
en particulier ceux de certains pays, de
l’utilité de la construction européenne.
Aussi, la Commission inscrit-elle la révi-
sion du règlement RPL dans le cadre
de douze « grandes actions nouvelles
( 1 ) Règl. (UE) 2015/2421 du Parlement européen et du Conseil du 16 déc. 2015 modifiant le Règl. (CE) n o 861/2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges [ci-après règlement RPL] et le Règl. (CE) n o 1896/2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer [ci-après règlement IPE] (JOUE n o L 341 du 24 déc., p. 1-13 ; relaté sur https://justicecivileeuropeenne.wordpress.com/2015/12/29/nouveaux-reglements-rpl-et-ipe/). Sur le nouveau règlement, v. Á. Espiniella Menéndez, La reforma de los procesos europeos monitorio y de escasa cuantía, La Ley Unión Europea nº 33, janv. 2016, p. 52 ; C. Nourissat, Modification du règlement « RPL » et du règlement « IPE », Procédures n o 2, févr. 2016. Comm. 56.
( 2 ) À l’exception de l’art. 25 RPL, disposition relative aux informations à fournir par les États membres, qui s’appli-quera à partir du 14 janv. 2017 (art. 3 du Règl. 2015/2421).
( 3 ) Pt 1.2 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement RPL et le règlement IPE [COM(2013) 794 final, 19 nov. 2013].
CHRONIQUES
15 octobre 2015 - 15 avril 2016
Vincent ÉgeaÉgeaProfesseur, Université d’Aix-Marseille, LDPSC (EA n° 4690)
Emmanuel GuinchardGuinchardSenior LecturerNorthumbria Law School
Espace judiciaire européen en matière civile
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pour améliorer la vie des citoyens de
l’Union » 4 4 . La troisième raison est tour-
née vers le futur, et on remarque que le
législateur européen soigne particulière-
ment, avec le règlement (UE) 2015/2421,
le règlement RPL, en comparaison avec
le règlement IPE 5 5 , comme s’il souhaitait
parfaire ce qui constitue une procédure
ordinaire simplifiée avant de se lancer
dans la construction d’une procédure
civile ordinaire tout court. En effet, le
législateur européen envisage la créa-
tion d’une procédure civile européenne
à part entière 6 6 , comme en témoigne
encore le document de travail rendu
public le 21 décembre 2015 (pour la ver-
sion anglaise) par le Comité des affaires
juridiques du Parlement européen et
portant sur la base juridique de possibles
normes minimales de procédure civile à
travers toute l’Union européenne 7 7 .
Quelles que soient ses raisons, cette
volonté de remédier aux difficultés du
règlement RPL part d’un constat : ce
règlement s’avère méconnu et sous-uti-
lisé 8 8 , ce qui avait été anticipé par la doc-
trine. S’il paraît évident que le règlement
RPL constitue une avancée théorique
certaine, le droit de l’Union européenne
abordant pour la première avec lui les
procédures contradictoires, on avait pu
estimer qu’il s’agissait là de son apport
essentiel, voire unique, et pronostiquer
un impact pratique limité, pour ne pas
dire dérisoire, devant les juridictions
nationales, au moins allemandes, en rai-
son notamment de son champ d’appli-
cation limité (le règlement RPL ne pré-
sente guère d’intérêt s’il est limité non
seulement aux affaires transfrontières,
mais aussi aux affaires transfrontières
de moins de 2 000 euros qui ne repré-
sentent que 0,25 % du contentieux de
première instance en Allemagne) et de
son incapacité à résoudre le problème
des langues 9 9 . Les chiffres allemands
disponibles confirment ce pronostic. Il y a
eu 438 procédures RPL au sens du règle-
ment européen ( Klagen im europäischen
Verfahren für geringfügige Forderungen
- small claims - [§ 1097 bis 1104 ZPO] ) en
Allemagne en 2014 10 10 , dont 112 en Bavière
(p. 19), cet État fédéré apparaissant dès
lors comme le plus actif en la matière.
En termes de pourcentage par rapport
au nombre d’affaires civiles, ce chiffre
est évidemment négligeable et, au niveau
national, se traduit par un 0 % (p. 22),
la procédure RPL traitant au maximum
0,1 % du contentieux civil dans quelques
États fédérés. Il faut dire que les injonc-
tions de payer tant nationale (l’injonction
de payer allemande est utilisable dans un
contexte transfrontière) qu’européenne
s’avèrent bien plus intéressantes pour
le créancier et, de fait, elles rencontrent
un succès incomparable, surtout la pre-
mière. Il reste à espérer que le futur
règlement RPL connaisse un plus grand
succès, grâce notamment au relèvement
du plafond à 5 000 euros.
( 4 ) C’est l’action n o 8 du Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions. Rapport 2013 sur la citoyenneté de l’Union. Citoyens de l’Union : vos droits, votre avenir, 8 mai 2013, COM(2013) 269 final, p. 16-18.
( 5 ) V. infra. ( 6 ) Ce que nous nous sommes permis d’appeler l’« Objectif Lune » en hommage à une autre grande figure de
Bruxelles, v. E. Guinchard, Propos conclusifs : d’un règlement rénové à un règlement dépassé ?, in Le nouveau règlement Bruxelles I bis , Bruylant, 2014, p. 493. Sur le fait que la disparition de l’ exequatur n’avait jamais eu comme objectif principal une amélioration de l’effectivité des jugements mais s’inscrivait dans une démarche visant à faire accepter par les États comme inéluctable et surtout dans leur intérêt l’harmonisation de la procé-dure civile dans l’Union européenne, v. RTD eur. 2010. 929, la confirmation en étant à notre sens donnée par le document de travail cité au texte.
( 7 ) Pour un entretien avec le rapporteur (le député européen Emil Radev), v. https://europeanciviljustice.wordpress.com/2016/02/26/interview-with-mep-emil-radev-on-civil-procedure-in-the-eu/.
( 8 ) Pt 1.2 préc. ; adde pt 2 du rapport de la Commission européenne du même jour au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur l’application du Règl. (CE) n o 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juill. 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges [COM(2013) 0795 final].
( 9 ) A. Brokamp, Das Europäische Verfahren für geringfügige Forderugen, Mohr Siebeck, 2008, p. 149. ( 10 ) V. « Zivilgerichte - Fachserie 10 Reihe 2.1 – 2014 », p. 18, https://www.destatis.de/DE/Publikationen/Thematisch/
Rechtspflege/GerichtePersonal/Zivilgerichte2100210147004.pdf?__blob=publicationFile.
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Il s’agit en effet de la première modi-
fication d’importance introduite par le
règlement (UE) 2015/2421, qui modifie en
ce sens l’article 2.1 du règlement RPL.
Plusieurs arguments militaient en faveur
d’une telle démarche : le fait que la pro-
cédure ne vise finalement que les cas
transfrontières, que la consultation d’un
professionnel du droit s’avère souvent
nécessaire en pratique, que le plafond de
2 000 euros paraisse peu élevé au regard
du prix de nombreux biens et services,
que l’existence d’un appel (actuellement
possible en vertu de l’art. 17 si l’État
membre du for le souhaite) paraisse dis-
proportionné eu égard au faible montant
en jeu et, enfin, last but not least , qu’il en
aille de l’existence même du règlement
compte tenu donc du faible nombre de
litiges transfrontières dont le montant est
inférieur à 2 000 euros. Une telle augmen-
tation du plafond s’imposait d’autant plus
que l’on souhaitait préserver son avantage
comparatif par rapport aux procédures
nationales qui, si elles ont été intentées
après le 10 janvier 2015, bénéficient de
la disparition généralisée de l’ exequatur
dans le cadre du règlement Bruxelles
I bis , faisant perdre ainsi à la procédure
RPL l’un de ses principaux attraits, alors
que leur propre plafond est parfois plus
élevé et a même pu, dans certains États,
être augmenté, comme au Royaume-Uni
où la procédure small claims anglaise est
en principe applicable depuis 2013 à un
litige dont la valeur s’avère inférieure à
10 000 livres sterlings (environ 13 000 €).
Cette augmentation ne s’avère toutefois
pas être qu’une affaire de chiffres, car
elle pourrait transformer la nature de
la procédure RPL, originellement conçue
pour les consommateurs. En effet, l’aug-
mentation du plafond de la procédure RPL
permet d’en faire bénéficier les petites et
moyennes entreprises, les seules à être
expressément visées par le considérant
4 du règlement (UE) 2015/2421 sur le
relèvement du plafond 11 11 . La procédure
RPL n’étant pas légalement réservée aux
consommateurs, on ne peut que s’en féli-
citer, surtout compte tenu de la focalisa-
tion des travaux antérieurs sur les seules
difficultés rencontrées par les consom-
mateurs. Il faudra cependant veiller à ce
que la procédure RPL ne se retourne pas
contre eux, car la plupart des difficultés
pratiques disparaissent lorsque le créan-
cier est un professionnel du recouvre-
ment ou/et du droit – notamment parce
qu’il connaît la procédure RPL, parce qu’il
maîtrise les règles de compétence inter-
nationale et parce qu’il parle souvent une
langue étrangère –, de sorte que l’on peut
craindre que, si l’on ne remédie pas cor-
rectement à ces difficultés, la procédure
RPL pourrait être utilisée plus contre les
consommateurs que par les consomma-
teurs. La procédure RPL rejoindrait ainsi
la procédure anglaise dont elle est inspi-
rée et dont certains ont souligné qu’elle
avait été détournée de son objectif pre-
mier (la mise en œuvre effective des droits
des consommateurs) 12 12 .
D’autres modifications méritent d’être
signalées. Certaines peuvent apparaître
secondaires, bien qu’en réalité décisives
en pratique. Ainsi, si aujourd’hui, le por-
tail e-justice contient des informations
sur les frais de justice, communiquées
selon toute probabilité par les États eux-
mêmes, celles-ci ne permettent pas tou-
( 11 ) V. égal. la proposition de règlement susmentionnée, pt 3.1.1, où la Commission déclare que les PME seront les principales bénéficiaires de sa proposition d’aller jusqu’à 10 000 euros.
( 12 ) Afin de protéger la partie faible dans l’hypothèse où le règlement RPL verrait, suite à la proposition de la Commission de 2013, son champ d’application passer à 10 000 euros, une somme importante pour le consom-mateur type, qui sera engagé dans une procédure où la présence de l’avocat n’est pas obligatoire mais dont la décision bénéficie de la disparition de l’ exequatur , il avait été suggéré de prévoir deux plafonds, l’un pour les consommateurs et l’autre pour les professionnels : F. Cornette, Analyse critique de la proposition de la Com-mission européenne en date du 19 nov. 2013 modifiant le règlement Petits Litiges, LPA 17 nov. 2014, p. 13. Le plafond finalement retenu de 5 000 euros milite contre une telle distinction, mais s’il devait par la suite être encore relevé, elle devrait être reconsidérée. Rappr., dans le cadre de cet autre règlement de recouvrement des créances qu’est le règlement IPE, la proposition de distinction entre parties faibles et professionnels quant au modèle de l’injonction de payer et non, il est vrai, quant à son champ d’application/plafond : v. E. Guinchard, Quelques leçons de droit comparé pour l’injonction de payer en Europe ?, Ius & Actores 2014, p. 229, n os 8 s.
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jours au plaideur de connaître exactement
les frais auxquels il s’expose et renvoient
en outre, sur de nombreux points-clés, à
la législation ou aux sites du pays consi-
déré, disponibles seulement dans sa
langue officielle. On est donc encore loin
d’une information complète et aisément
accessible à tous en matière de frais de
justice, permettant un choix éclairé de
la procédure, nationale ou européenne,
la plus adaptée au litige. Est-ce voulu,
ou s’agit-il d’un pur hasard ? Il est vrai
qu’aux termes de l’article 25 RPL, les
États membres n’avaient pas à fournir ces
informations, malgré leur importance. Le
législateur européen a par conséquent
modifié cet article pour que les États
communiquent à la Commission les frais
de justice pour la procédure européenne
de règlement des petits litiges, leur mode
de calcul et les modes de paiement accep-
tés. Espérons que l’information donnée
sera aussi exhaustive, claire et acces-
sible que possible, mais également, tout
simplement, qu’elle sera donnée dans
les temps, puisque les États membres
ne se sont pas toujours montrés dili-
gents pour l’actuel article 25, alors que
sa liste d’informations à fournir s’avérait
bien moins complète. Cet article 25 doit
en toute hypothèse être lu en conjonc-
tion avec le nouvel article 15 bis sur les
modes de paiement des frais de justice.
En effet, la rubrique 6.1 du formulaire A
d’introduction de la procédure RPL sur
le mode de paiement des droits de greffe
offre aujourd’hui plusieurs possibilités
au demandeur pour les payer : paiement
par carte de crédit, virement bancaire,
prélèvement direct sur le compte ban-
caire du demandeur ou autre, à indiquer.
Mais le formulaire lui-même précise que
« tous les modes de paiement figurant
dans cette rubrique ne sont pas néces-
sairement disponibles dans la juridiction à
laquelle vous transmettez votre demande.
Il y a lieu de vérifier quels modes de
paiement sont acceptés par la juridiction
concernée, en prenant contact avec elle
ou en consultant le site internet du réseau
judiciaire européen en matière civile et
commerciale ». Ce dernier ne contenant
pas toujours l’information souhaitée et
n’ayant souvent pas été mis à jour depuis
plusieurs années, seule la première
option paraît envisageable. Or, le consom-
mateur francophone non polyglotte risque
d’avoir des difficultés de communication
sérieuses avec une juridiction grecque ou
polonaise, par exemple, et inversement
pour les citoyens de ces pays 13 13 . Aussi le
règlement (UE) 2015/2421 introduit-il un
nouvel article 15 bis , dont le paragraphe 2
impose aux États membres d’offrir un
mode de paiement à distance des frais de
justice parmi les trois suivants : « a) vire-
ment bancaire ; b) paiement par carte de
crédit ou de débit ; ou c) prélèvement sur
le compte bancaire du demandeur ». Ceci
constitue une nouveauté pour la Grèce
ou le Royaume-Uni (où la procédure RPL
connaît, par comparaison, un certain suc-
cès), qui n’acceptent, pour la première,
que les espèces et, pour la seconde, que
les espèces et chèques 14 14 .
D’autres modifications paraissent d’em-
blée importantes, à l’instar d’abord de
celles figurant au futur article 18. D’une
part, celui-ci fixe désormais un délai de
trente jours 15 15 pour demander le réexa-
men à compter du jour où le défen-
( 13 ) Le Centre européen de la consommation (« Procédure de Règlement des petits litiges et injonction de payer européenne. Des procédures simplifiées pas si simples dans la pratique », juill. 2011, p. 6, www.euroinfo-kehl.eu/fr/evenements-et-publications/publications/) donne l’exemple analogue, puisque reposant sur le clone de la rubrique 6.1 du formulaire A RPL, à savoir la rubrique 5 du formulaire A IPE et les instructions y relatives figu-rant à la fin de ce formulaire, des consommateurs français engageant une procédure IPE devant le Tribunal de Berlin Wedding, incapables de correspondre avec cette juridiction lorsqu’ils ne maîtrisent pas l’allemand. Il est piquant de constater que le Règl. (UE) 2015/2421 réforme le règlement RPL sur ce point, mais non justement le règlement IPE, illustrant parfaitement la volonté de la Commission européenne ne pas réformer ce dernier : v. infra. Espérons qu’il en ira différemment à l’avenir.
( 14 ) D’après l’étude de Deloitte pour la DG Justice, Assessment of the socio-economic impacts of the policy options for the future of the European Small Claims Regulation. Final report, 19 juill. 2013, Part I, p. xiii et p. 92. Ce rapport ajoute que la possibilité de payer par chèque est parfois plus théorique que réelle compte tenu du fait que de nombreux consommateurs et PME ne payent jamais par chèque (moins d’un chèque par habitant par an dans treize États) ou quasiment jamais (dans six États), et ne disposent donc probablement pas tous d’un chéquier (Partie I, p. 92).
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deur a eu effectivement connaissance du
contenu de la décision et où il a été en
mesure d’agir, au plus tard à compter
du jour de la première mesure d’exécu-
tion ayant pour effet de rendre ses biens
indisponibles en tout ou partie. D’autre
part, ses deux paragraphes actuels ont
été modifiés, et l’on note l’obligation pour
le défendeur de n’avoir pas comparu, la
non-référence à l’article 14, l’abandon
de la condition de l’absence de faute du
défendeur pour la première hypothèse
ouvrant droit au réexamen, et l’abandon
de l’obligation d’agir promptement en tant
que telle. Ensuite, la faveur dont bénéfi-
cient actuellement les modes alternatifs
de règlement des litiges s’avère visible
dans le règlement (UE) 2015/2421, qui
renforce la possibilité d’un accord entre
les parties en en facilitant l’exécution,
puisqu’une « transaction judiciaire qui
a été approuvée par une juridiction ou
conclue devant une juridiction au cours de
la procédure [RPL] et qui est exécutoire
dans l’État membre dans lequel ladite
procédure a été menée est reconnue et
exécutée dans un autre État membre
dans les mêmes conditions qu’une déci-
sion rendue dans le cadre de la procé-
dure [RPL] » (nouv. art. 23 bis ). Enfin, le
caractère écrit de la procédure RPL est
renforcé à travers la restriction de l’au-
dience, puisque la juridiction, aux termes
du nouvel article 5.1 bis , « tient une
audience uniquement si elle estime qu’il
n’est pas possible de rendre une déci-
sion sur la base des preuves écrites ou
si l’une des parties en fait la demande »
(nous soulignons) 16 16 , ce qui constitue une
formulation plus restrictive que l’actuelle,
affectant la culture orale de certains pays.
Si l’idée est qu’une audience pose pro-
blème en raison des obstacles logistiques
et linguistiques, les conséquences sur la
procédure civile européenne en cours de
construction ne pourront être qu’impor-
tantes dans le court terme, le recours aux
nouvelles technologies – accentué avec le
règlement (UE) 2015/2421 précisément
en ce qui concerne l’audience (modifica-
tion de l’art. 8) – et la généralisation de
l’anglais 17 17 devant diminuer ces barrières
dans le long terme.
Toutes les difficultés auxquelles la pro-
cédure RPL a été confrontée n’ont pas
pour autant été réglées. En particulier,
l’assistance aux parties, si elle se veut
renforcée à l’article 11 (gratuité et dédou-
blement de cette assistance, qui com-
prend à la fois une aide pratique pour
remplir les formulaires et la fourniture
d’informations générales, ce à quoi il faut
ajouter le fait que les informations sur
les autorités ou organismes compétents
pour fournir cette aide doivent être mises
à disposition auprès de toutes les juri-
dictions compétentes 18 18 et sur les sites
internet nationaux pertinents), risque de
demeurer problématique en l’absence de
( 15 ) La computation des délais deviendra centrale, ce d’autant que le délai de l’art. 18 ne peut être prorogé, or elle n’est pas entièrement claire, même si elle a pu être clarifiée dans certains pays comme l’Espagne : v. notre comm. ss. l’art. 14 RPL, in Jurisprudence du Code judiciaire commentée. Droit judiciaire européen (dir. G. de Leval, coord. J.-F. Van Drooghenbroeck), La Charte, 2012 (2 e éd., 2016, à paraître).
( 16 ) L’art. 5.1 bis poursuit : « La juridiction peut rejeter cette demande si elle estime que, compte tenu des circons-tances de l’espèce, une audience n’est pas nécessaire pour garantir le déroulement équitable de la procédure », ce qui facilite le rejet puisqu’aujourd’hui, il peut avoir lieu seulement si « une audience est manifestement inutile pour garantir le déroulement équitable de la procédure » (nous soulignons).
( 17 ) À cet égard, un ajout fondamental au règlement RPL a été vidé de sa substance : alors que la Commission européenne a vraisemblablement cherché à imposer l’anglais dans le cadre de sa proposition de 2013 (v. notre comm., RTD eur. 2014. 479), le Règl. (UE) 2015/2421 instaure une simple faculté aux États d’accepter une langue étrangère (v. le futur art. 21 bis , § 1). Ce n’est probablement, pour la Commission, que partie remise, et son soutien très actif à l’anglicisation de l’espace judiciaire civil européen (formations linguistiques des professionnels de la justice quasiment exclusivement en faveur de l’anglais, sélection par l’anglais de plus en plus forte des experts et des références utilisés dans les documents de travail débouchant sur des propositions de règlements, informations diffusées uniquement dans cette langue, etc.) demeure.
( 18 ) Ce qui suppose que ces juridictions aient connaissance de la procédure RPL, ce qui n’a pas toujours été le cas : v., sur les difficultés rencontrées par certains justiciables, notre comm. Ss. l’art. 4.5 RPL, in Jurisprudence du Code judiciaire commentée, op. cit. Notons que cet article a été modifié pour imposer aux États de mettre le formulaire de demande à la disposition des justiciables non seulement auprès des juridictions compétentes mais également sur les sites nationaux pertinents, ce qui devrait aider à contourner le problème d’une juridiction ignorante (v. égal. l’art. 11 lui-même sur ces sites).
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moyens supplémentaires. Or, l’expérience
a montré qu’il s’agit là d’un point crucial
en pratique 19 19 . Il reste que le règlement
(UE) 2015/2421 est bienvenu… pour ce
qui est du règlement RPL. Il n’a en effet
quasiment pas réformé le règlement IPE.
La seule modification véritable de ce
dernier a trait à la procédure RPL,
puisqu’il s’agit de favoriser le passage
vers celle-ci 20 20 , de sorte que la réforme
du règlement IPE constitue une annexe
de la réforme de la procédure RPL, et
n’aurait peut-être même pas eu lieu en
son absence. La cause de cette absence
de volonté de réformer le règlement IPE
est inconnue. S’agirait-il de protéger
à tout prix le modèle non documen-
taire de l’injonction de payer, claire-
ment inspirée, depuis la proposition de
la Commission européenne du modèle
germanique et fonctionnant bien dans
ces pays 21 21 ? En ce sens, on peut relever
l’affirmation de la Commission selon
laquelle « les caractéristiques de la pro-
cédure européenne d’injonction de payer
assurent pleinement le respect de la
jurisprudence de la Cour de justice »
concernant les clauses abusives dans
les contrats et les procédures d’injonc-
tion de payer 22 22 . Le point nous semble
beaucoup moins tranché que la Com-
mission ne l’affirme (« pleinement »),
et un membre de la Cour de justice n’a
d’ailleurs pas hésité à déclarer l’in-
verse de la Commission un mois plus
tard : « J’observe, de lege ferenda , qu’il
serait souhaitable de modifier le règle-
ment n o 1896/2006, qui couvre poten-
tiellement les créances découlant des
contrats avec des consommateurs, afin
de prévoir explicitement le contrôle d’of-
fice des clauses abusives au stade de
l’adoption de l’injonction de payer euro-
péenne » 23 23 . Il s’avère en effet difficile de
croire que les arguments avancés par
la Commission européenne au soutien
de son affirmation soient véritablement
convaincants, puisqu’elle invoque en
premier lieu le devoir qu’a la juridiction
d’examiner si la demande semble fon-
dée (et le pouvoir de n’octroyer qu’une
IPE partielle en cas de doute). Toutefois,
comme la Commission le précise elle-
même sans s’étendre dessus, ce pouvoir
s’exerce sur la base des informations
dont la juridiction dispose, autrement
dit pas grand-chose puisque le créancier
prétendu n’est pas obligé de produire
d’éléments de preuve… Le second argu-
ment, qui a trait à la possibilité d’« une
évaluation complète du fond de la
demande […] une fois qu’une opposition
à l’injonction de payer européenne a été
formée », ne nous semble pas répondre
à la critique, ce d’autant que la Cour de
justice a rejoint son avocat général dans
l’affaire C-49/14 24 24 . Il aurait été plus per-
tinent de relever que la jurisprudence de
la Cour de justice vise la compatibilité
( 19 ) V. nos comm. des art. 10 et 11, in Jurisprudence du Code judiciaire commentée, op. cit. On a pu estimer que le règlement RPL ne sera utile en droit et en fait aux consommateurs que si ces derniers reçoivent à la fois les informations nécessaires et une assistance gratuite : N. Marchal Escalona, ¿ Hacia un nuevo derecho procesal europeo de protección del consumidor ? : la nueva iniciativa europea sobre la resolución de litigios de pequeña cuantía , Revista Électrónica de Estudios Internacionales, n o 28, déc. 2014, p. 39-40.
( 20 ) V. nouv. art. 17. ( 21 ) Allemagne et Autriche en premier lieu. Sur la distorsion dans l’utilisation de l’IPE en Europe, v. infra. ( 22 ) Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur
l’application du Règl. (CE) n o 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure euro-péenne d’injonction de payer, 13 oct. 2015, COM(2015) 0495 final, pt 3.10.
( 23 ) M. Szpunar, concl. présentées le 11 nov. 2015 dans l’aff. C-49/14, Finanmadrid EFC SA c/ Jesús Vicente Albán Zambrano et alii , note 20, qui étend sa pensée sur une injonction de payer nationale, objet de l’affaire soumise, à l’IPE. Il recommande à la Cour de décider que « la directive 93/13 […] concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, ainsi que le principe d’effectivité s’opposent à une réglementation nationale relative à la procédure d’injonction de payer qui, tout en ne prévoyant pas l’obligation de soulever d’office l’inefficacité d’une éventuelle clause abusive au stade de l’examen de la demande d’injonction de payer, qui se déroule devant le greffier d’une juridiction, ne permet pas non plus au juge chargé de l’exécution d’une injonction de soulever d’office cette inefficacité ».
( 24 ) Arrêt du 18 févr. 2016 : « La directive 93/13 […] s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui ne permet pas au juge saisi de l’exécution d’une injonction de payer d’apprécier d’office le carac-tère abusif d’une clause contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, lorsque l’au-torité saisie de la demande d’injonction de payer n’est pas compétente pour procéder à une telle appréciation ».
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avec la directive 93/13 des législations
nationales, et que la conciliation entre
deux textes européens de même niveau
hiérarchique pourrait appeler d’autres
solutions. Peut-être l’absence de véri-
table réforme du règlement IPE s’ex-
plique-t-elle en outre par la volonté
de protéger des modes de notification
déficients, craignant de devoir revenir
sur plusieurs autres règlements. À cet
égard, une solution conciliant coût et
sécurité juridique pourrait, à terme, être
l’e-signification. Il reste que la Com-
mission recommande pour l’immédiat
la « signification ou notification par voie
postale avec accusé de réception » et
semble s’orienter vers l’e-notification, et
non l’e-signification, puisqu’elle consi-
dère comme un obstacle le fait que
« la signification ou notification élec-
tronique directe d’un acte par une juri-
diction à une partie dans un autre État
membre [ne soit] pas possible, même
en théorie » d’après le règlement (CE)
n o 1393/2007 25 25 . Concernant l’absence de
réforme du règlement IPE, on ne peut
enfin entièrement exclure un effet du
monolinguisme (en faveur de l’anglais)
de plus en plus fort qui caractérise les
institutions de l’Union européenne, cer-
tains déduisant peut-être de l’absence
(ou quasi-absence) de publications
anglophones en la matière l’absence
de problèmes. Par contraste, la procé-
dure RPL, inspirée du droit anglais et
recueillant plus l’attention de la doctrine
anglophone, a été modifiée.
Si la cause est inconnue, la volonté de
non-réforme est patente, au-delà du
contenu du règlement (UE) 2015/2421.
Deux exemples suffiront. D’abord,
conformément à un procédé désormais
courant dans l’Union européenne, le
règlement IPE a fait l’objet d’un rapport
évaluant son fonctionnement. Toutefois,
alors que la Commission européenne
était légalement tenue de présenter ce
rapport au plus tard le 12 décembre
2013 26 26 , il n’a été publié que près de deux
ans après, le 13 octobre 2015. Qui plus
est, il a suivi, et non précédé contre toute
attente et bonne pratique, la proposition
de 2013 de la Commission réformant la
procédure IPE (et la procédure RPL), et
même l’adoption de cette proposition
par le Parlement européen le 7 octobre
2015 27 27 . Autrement dit, le rapport a été
publié lorsque tout a été dit et fait.
Ensuite, la Commission y confirme que
l’IPE semble surtout fonctionner dans
les pays (germaniques) qui l’ont inspi-
rée 28 28 , puisqu’ils sont à la fois l’expres-
sion type du modèle non documentaire
consacré par l’IPE et les pionniers dans
l’informatisation totale que ce modèle
permet (pt 2.1). Malheureusement, la
Commission ne s’étend pas sur cette
importante distorsion dans l’utilisation
de l’IPE. En particulier, elle n’essaye
pas de comprendre pourquoi l’IPE n’est
pas aussi utilisée qu’elle pourrait l’être
dans les pays adoptant en droit national
le modèle documentaire, principalement
ceux de l’Europe du Sud 29 29 , à tel point
que, selon les statistiques figurant en
annexe, le nombre de demandes d’IPE
en France correspond à seulement 7,7 %
de ce nombre en Autriche pour la même
année 2012 30 30 , alors que la taille écono-
mique respective de ces pays devrait, a
priori , mener à un résultat inverse. Au
contraire, la Commission affirme : « Il
semble que la mise en œuvre du règle-
( 25 ) Rapport sur l’application du règlement IPE, préc., pt 3.5. ( 26 ) Art. 32 du règlement IPE in limine. ( 27 ) Cette attitude contraste avec la publication par la Commission européenne dans les temps, i. e. avant la date
butoir du 1 er janv. 2014, du rapport sur le règlement RPL et de la proposition de règlement y relative : v. supra. ( 28 ) V. cette chronique, RTD eur. 2013. 335, spéc. p. 337. ( 29 ) Ceci s’explique probablement par le refus de ne point remettre en cause le modèle suivi par le règlement IPE
ou certaines de ses règles fondamentales, par exemple celles relatives à la notification de la demande d’IPE, malgré leur effet dissuasif sur l’utilisation de la procédure IPE dans les pays d’Europe du Sud en raison de la faible protection des droits de la défense qu’elles tolèrent parfois.
( 30 ) Le rapport ne donne pas le chiffre 2013 pour la France mais, à le supposer constant, il correspondrait à 15,8 % du chiffre autrichien de cette année. V. égal. la distorsion entre le Portugal (qui, par exception dans l’Europe du Sud, adopte le modèle non documentaire) et la France.
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ment soit, dans l’ensemble, satisfai-
sante. L’application du règlement a glo-
balement amélioré, simplifié et accéléré
le traitement des créances pécuniaires
incontestées dans les litiges transfron-
taliers. À la lumière de ce qui précède
[c’est-à-dire sans analyse approfondie
des statistiques], il n’est donc pas consi-
déré comme opportun à ce stade de
modifier les paramètres fondamentaux
de la procédure européenne » (pt 4). La
Cour de justice pourrait bien la forcer à
revoir sa position si elle devait étendre
sa jurisprudence sur les injonctions de
payer nationales à l’IPE, renforçant par
là-même l’intérêt d’une distinction entre
parties faibles et professionnels quant
au modèle de l’injonction de paye 31 31.
E. G.
2. Règlement Bruxelles II bis : extension du
domaine de la responsabilité parentale
(CJUE, 3 e ch., 6 octobre 2015, aff. C-404/14, Marie Matouskova , D. 2016. 1045, obs.
H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; Europe 2015. Comm. 534, obs. L. Idot ; Pro-
cédures 2015. Comm. 359, obs. C. Nourissat)
L’œuvre de précision du champ matériel
du règlement Bruxelles II bis se pour-
suit 32 32 . Régulièrement, en effet, la Cour
de justice, en interprétant les disposi-
tions du texte, dessine avec davantage
de clarté les notions de responsabilité
parentale, de déplacement illicite ou
encore de résidence habituelle. Ceci
n’a évidemment rien de surprenant et
correspond à la fonction même de la
question préjudicielle. Pour autant, une
tendance interprétative commence à
apparaître au fil des arrêts, qui consiste
à donner une signification assez large et
attractive à la notion de responsabilité
parentale, laquelle englobe des actions
en justice qui concourent indirectement
à l’exercice des prérogatives du repré-
sentant de l’enfant. Récemment, la Cour
de justice jugea que l’action, par laquelle
l’un des parents demande au juge de
pallier le défaut de consentement de
l’autre parent à la délivrance d’un pas-
seport au nom de l’enfant, relevait bien
du champ du règlement 33 33 .
Dans la présente affaire, se posait la
question de savoir si l’approbation d’un
accord de partage successoral conclu
par un tuteur pour le compte d’enfants
mineurs constituait une mesure rela-
tive à l’exercice de l’autorité paren-
tale, relevant ainsi du champ matériel
du règlement Bruxelles II bis. De la
réponse à cette interrogation dépendait
directement la compétence juridiction-
nelle, puisqu’en l’espèce une mère de
famille, ressortissante tchèque résidant
habituellement en République tchèque,
décède et laisse pour lui succéder son
mari et leurs enfants mineurs, résidant
aux Pays-Bas. La succession s’ouvre en
République tchèque et un notaire est
désigné comme commissaire judiciaire
chargé de la réalisation des actes dans
la procédure successorale. Afin de pré-
venir un conflit d’intérêts entre héritiers,
un tuteur ad hoc est désigné pour repré-
senter les intérêts des enfants mineurs.
Après des péripéties procédurales, il
apparaîtra que la défunte résidait égale-
( 31 ) V. E. Guinchard, Quelques leçons de droit comparé pour l’injonction de payer en Europe ?, Ius & Actores 2014, p. 229, nos 8 s. (où la nécessité de garantir une réelle notification des actes est également soulignée, quel que soit le modèle retenu). Pour d’autres propositions de réforme de l’IPE, v. G. Payan, La procédure d’injonction de payer européenne : entre efficacité et insécurité, Ius & Actores 2014, p. 241.
( 32 ) Règl. (CE) n o 2201/2003 du Conseil du 27 nov. 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, abrogeant le Règl. (CE) n o 1347/2000.
( 33 ) CJUE 21 oct. 2015, aff. C-215/15, Gogova (Mme) c/ Iliev , RTD eur. 2015. 803.
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ment aux Pays-Bas avant son décès. Le
notaire chargé de la succession chercha
à déterminer le juge des tutelles territo-
rialement compétent pour approuver 34 34
un accord de partage successoral conclu
entre les héritiers en 2011, dès lors que
plusieurs d’entre eux étaient mineurs.
Dans une telle situation, les juridictions
tchèques peuvent fonder leur compé-
tence sur la prorogation prévue à l’ar-
ticle 12, paragraphe 3, du règlement
(CE) n o 2201/2003 35 35 , à condition que la
question litigieuse relève bien du champ
matériel du texte. La Cour suprême
de la République tchèque saisit préci-
sément la Cour de justice en ce sens
pour savoir si l’approbation par un tribu-
nal d’un accord de partage successoral
conclu par un tuteur pour le compte
d’enfants mineurs constitue une mesure
relative à la responsabilité parentale,
relevant dès lors du champ matériel du
règlement 36 36 ; ou bien s’il s’agit d’une
question successorale, pour laquelle le
règlement ne s’applique pas 37 37 .
La Cour de justice considère qu’une telle
approbation relève de la responsabilité
parentale et donc que le règlement s’ap-
plique. Pour ce faire, elle livre une inter-
prétation relative à la capacité juridique
qui rayonne bien au-delà des questions
de responsabilité parentale et de suc-
cessions. Après avoir jugé, ce qui ne
surprend guère, que l’approbation judi-
ciaire vise à protéger l’intérêt supérieur
de l’enfant et se rapporte directement à
sa capacité juridique 38 38 , elle relève que
cette dernière et les questions de repré-
sentation y afférentes doivent être appré-
ciées au regard de critères qui leur sont
propres et non pas traitées comme des
questions préalables dépendant des actes
juridiques y afférents 39 39 . Partant, le lien
qui pouvait a priori rattacher cette ques-
tion à la matière successorale se trouve
rompu. Le fait que l’approbation judi-
ciaire fut demandée dans le cadre d’une
procédure successorale ne saurait être
considéré comme déterminant pour que
cette mesure relève du droit des succes-
sions 40 40 . Obtenir une approbation demeure
une conséquence directe de l’état et de la
capacité des enfants mineurs et constitue
une mesure de protection liée à l’ad-
ministration des biens dans le cadre de
l’exercice de l’autorité parentale, au sens
de l’article 1 er , paragraphe 1, du règle-
ment (CE) n o 2201/2003.
La notion de responsabilité parentale
sort donc davantage hypertrophiée de cet
arrêt, en n’englobant pas uniquement les
questions somme toute assez classiques
d’attribution de l’autorité parentale et
de droit de garde de l’enfant, mais, de
par son caractère attractif, elle concerne
l’ensemble des modalités et procédures
concourant, même de manière indirecte,
à l’exercice de la responsabilité paren-
tale, dans une finalité éminemment pro-
tectrice de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Tel est le cas de l’action visant à solliciter
du juge qu’il pallie le défaut de consen-
tement d’un parent à la délivrance d’un
( 34 ) Dans une terminologie française, on parlerait d’homologation du partage amiable. ( 35 ) Consacrant un for alternatif à la compétence figurant à l’art. 8 du règlement Bruxelles II bis , fondée sur la rési-
dence habituelle de l’enfant, l’art. 12, § 3, donne compétence aux juridictions d’un État membre, en dehors des procédures de désunion, lorsque deux conditions sont réunies. L’enfant doit tout d’abord avoir un lien étroit avec cet État membre du fait, en particulier, que l’un des titulaires de la responsabilité parentale y a sa résidence habituelle ou que l’enfant est ressortissant de cet État membre. Ensuite, la compétence de ces juridictions doit être acceptée expressément ou de toute autre manière non équivoque par toutes les parties à la procédure à la date à laquelle la juridiction est saisie et que la compétence reste commandé par l’intérêt supérieur de l’enfant. La possibilité de donner ainsi compétence à un juge autre que celui de la désunion ou de la résidence habituelle de l’enfant se trouve généralement justifiée par le principe de proximité. Elle commence à donner lieu à de la jurisprudence. Cf. CJUE 12 nov. 2014, aff. C-215/15, M me Gogova , préc. ; CJUE 12 nov. 2014, aff. C-656/13, L. c/ M. , D. 2015. 1056, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2015. 49, obs. E. Viganotti ; RTD eur. 2015. 383, obs. V. Égéa ; Procédures 2015. Comm. 13, obs. C. Nourissat ; Europe 2015. Comm. 44, obs. L. Idot.
( 36 ) Règl. (CE) n o 2201/2003, art. 1 er , § 1. ( 37 ) Règl. (CE) n o 2201/2003, art. 1 er , § 3. ( 38 ) § 28. ( 39 ) § 30. ( 40 ) § 31.
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passeport pour l’enfant 41 41 . Il en va de
même en l’espèce pour l’approbation
judiciaire d’un acte fait par le représen-
tant de l’enfant au nom de ce dernier
qui, parce qu’il concerne la capacité du
mineur et la nécessité de protéger son
intérêt, relève du champ du règlement.
Formulons pour terminer deux préci-
sions, et non des moindres. La première
concerne la prise en compte explicite du
règlement (UE) n o 650/2012, dit règlement
« successions » 42 42 , qui, certes n’était pas
applicable ratione temporis 43 43 , mais que la
Cour prend soin de citer, en rappelant que
ce texte exclut de son champ d’application
la capacité des personnes physiques. La
recherche d’une combinaison des diffé-
rents règlements, qui se constate régu-
lièrement, se trouve explicitement reven-
diquée, la Cour souhaitant éviter tout
chevauchement entre les règles que ces
textes énoncent et tout vide juridique. La
seconde précision concerne la référence
assez originale à laquelle procède la Cour
afin de légitimer l’interprétation qu’elle
délivre, en précisant que ladite interpré-
tation est corroborée par le rapport de
M. Lagarde sur la convention de La Haye
de 1996 concernant la compétence, la loi
applicable, la reconnaissance, l’exécution
et la coopération en matière de responsa-
bilité parentale et de mesures de protec-
tion des enfants.
V. É.
3. Restriction des motifs d’ordre public permettant
de s’opposer à la reconnaissance des décisions
rendues en matière de responsabilité parentale
(CJUE 19 novembre 2015, aff. C-455/15, P. c/ B. , D. 2015. 2450 ; ibid . 2016. 1045,
obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2016. 48, obs. E. Viganotti ; JDI
avr. 2016. Comm. 9 ; Procédures 2016. Comm. 16, obs. C. Nourissat ; Europe 2016.
Comm. 35, obs. L. Idot)
À l’occasion d’une rupture familiale d’une
triste banalité, l’arrêt P. c/ B. permet à
la Cour de justice de consacrer dans le
champ du règlement (CE) n o 2201/2003,
dit « Bruxelles II bis » 44 44 , la solution
récemment dégagée dans l’arrêt Diageo
Brands 45 45 , au sujet du règlement (CE)
n o 44/2001. L’analogie se trouve d’ail-
leurs explicitement faite par l’arrêt sous
commentaire. Se pose la question des
motifs justifiant un recours à la clause
d’ordre public permettant de s’opposer
à la reconnaissance par un État membre
d’une décision rendue par les juridictions
d’un autre État membre. La Cour juge en
effet que le recours à la clause d’ordre
public, figurant à l’article 23, sous a), du
règlement, ne devrait être concevable
que dans l’hypothèse, où, eu égard aux
intérêts supérieurs de l’enfant, la recon-
naissance de la décision rendue dans un
autre État membre heurterait de manière
inacceptable l’ordre juridique de l’État
requis, en tant qu’elle porterait atteinte
à un principe fondamental. L’affirmation
n’a évidemment rien de novateur et l’in-
( 41 ) Cf. supra . ( 42 ) Règl. (UE) n o 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juill. 2012 relatif à la compétence, la loi
applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen.
( 43 ) Le règlement est entré en application le 17 août 2015. ( 44 ) Règl. (CE) n o 2201/2003 du Conseil du 27 nov. 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des
décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, abrogeant le Règl. (CE) n o 1347/2000. ( 45 ) CJUE 16 juill. 2015, aff. C-681/13, Diageo Brands BV c/ Simiramida-04 EOOD , RTD eur. 2015. 872, obs. E. Treppoz ; JDI
2016. 157, note J. Heymann ; Europe 2015. Comm. 398, obs. L. Idot ; Procédures 2015. Comm. 297, obs. C. Nourissat.
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térêt de l’arrêt se trouve dans la détermi-
nation d’un critère de l’atteinte, puisque
dans le but revendiqué de respecter la
prohibition de la révision au fond de
la décision rendue dans un autre État
membre, l’atteinte devrait constituer une
violation manifeste, eu égard aux intérêts
supérieurs de l’enfant, d’une règle de
droit considérée comme essentielle dans
l’ordre juridique de l’État requis ou d’un
droit reconnu comme fondamental dans
cet ordre juridique.
La solution dégagée dans l’arrêt Diageo
Brands se retrouve reprise quasiment à
l’identique, ce qui marque bien la volonté
de retenir une même conception restric-
tive des motifs permettant de s’opposer
à la reconnaissance. Un ajout se constate
cependant, de manière si logique, s’agis-
sant du règlement Bruxelles II bis 46 46 , que
l’on se contentera de le signaler : l’arrêt
P. c/ B. mentionne également les intérêts
supérieurs de l’enfant, comme motifs
permettant de s’opposer à la reconnais-
sance d’une décision rendue dans un
autre État membre.
Il découle d’emblée de l’arrêt une diffusion
de la solution retenue dans l’arrêt Diageo
Brands hors les murs du seul règlement
(CE) n o 44/2001. Le constat se révèle plu-
tôt opportun, bien que les interrogations
nées à l’occasion de cet arrêt ne s’avèrent
pas pour autant résolues, loin s’en faut.
L’arrêt P. c/ B. illustre en effet de manière
remarquable, et non sans susciter un
certain embarras, les incidences d’une
malheureuse combinaison entre, tout
d’abord, la négligence procédurale d’une
partie, ensuite, le peu de considération
des juridictions d’un État membre pour le
principe de confiance mutuelle et, enfin,
la solution restrictive dégagée dans l’arrêt
Diageo Brands. En définitive, la cohérence
de l’espace judiciaire civil européen se
trouve donc placée dans une situation
paradoxale, tiraillée entre une solution
logique et opportune dans son principe,
mais quelque peu gênante dans ses inci-
dences pratiques. Un bref exposé des
faits de l’espèce s’impose afin de saisir
les effets de la solution. Un conflit familial
éclate au sein d’un couple marié parent de
deux enfants, qui résidait habituellement
en Lituanie. L’arrêt révèle que le second
enfant du couple naît en Suède après le
prononcé du divorce par une juridiction
lituanienne, car la famille s’était installée
en Suède. Les enfants sont scolarisés
dans cet État, dont ils parlent la langue.
Plus tard, la mère emmène les enfants en
Lituanie, sans le consentement du père,
et demande à une juridiction lituanienne
de statuer sur les modalités de garde des
enfants. Rapidement, le père introduit
quant à lui une instance devant les juridic-
tions suédoises pour que lui soit accordée
la garde exclusive de ses deux enfants,
alors que le même jour, le tribunal litua-
nien fixe à titre provisoire la résidence de
l’un des enfants au domicile de sa mère
en Lituanie. Les juridictions lituaniennes
refuseront d’ordonner le retour immédiat
de l’enfant, en se fondant sur l’exception
de danger de l’article 13 de la Convention
de La Haye du 25 octobre 1980. Puis, une
autre juridiction suédoise va quant à elle
statuer au fond en fixant la résidence de
ce même enfant chez sa mère.
Dans ce contexte, l’absence de recon-
naissance de la décision lituanienne revêt
une importance pratique fondamentale,
en étant invoquée au soutien de la com-
pétence de la juridiction suédoise. Non
sans raison, cette dernière s’estimait en
effet compétente sur le fondement de
l’article 8 du règlement Bruxelles II bis.
Effectivement, avant le déplacement des
enfants et au moment de la saisine des
juridictions des deux États membres, les
enfants avaient bien leur résidence habi-
tuelle en Suède.
De manière assez habile, le père va
invoquer l’article 24 du règlement (CE)
n o 2201/2003, intitulé « Interdiction du
( 46 ) Sur l’intérêt supérieur de l’enfant, cf. par ex. CJUE, 3 e ch., 16 juill. 2015, aff. C-184/14, A. c/ B. , RTD eur. 2015. 801, obs. V. Égéa.
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Espace judiciaire européen en matière civileCHRONIQUES
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contrôle de la compétence de la juridic-
tion d’origine », selon lequel il ne peut
être procédé au contrôle de la compé-
tence de la juridiction de l’État membre
d’origine et qui ajoute que le critère de
l’ordre public visé aux articles 22 et 23 ne
peut être appliqué aux règles de compé-
tence visées aux articles 3 à 14. Ainsi, l’ar-
ticle 15 du règlement (CE) n o 2201/2003,
qui consacre le célèbre mécanisme du
renvoi au juge mieux placé 47 47 , échapperait,
selon le père, au principe d’interdiction
du contrôle de la compétence de la juri-
diction d’origine. Le fait qu’une juridiction
suédoise se soit reconnue compétente en
méconnaissance de l’article 15 du règle-
ment (CE) n o 2201/2003 justifierait selon
lui un refus de reconnaissance de la déci-
sion ayant statué sur le droit de garde.
L’intérêt de l’arrêt réside en grande partie
dans la réponse apportée à cet argument
aussi original que pertinent. L’article 24
interdit tout contrôle de la compétence
de la juridiction de l’État membre d’ori-
gine et le fameux article 15 du règle-
ment (CE) n o 2201/2003 se trouve dans
un chapitre intitulé « Compétence » 48 48 .
Il s’ensuit que la violation alléguée de
l’article 15 par la juridiction d’un État
membre ne permet pas à la juridiction
d’un autre État membre de contrôler la
compétence de la première juridiction 49 49 .
La Cour ne manque pas ensuite de rap-
peler l’existence de dispositions spéci-
fiques dans le règlement Bruxelles II bis
visant à lutter contre le déplacement
illicite d’enfant et, en particulier, l’ar-
ticle 11. On songe bien sûr à la procédure
dite « de retour nonobstant », à laquelle
il est fait allusion, la Cour indiquant que
la juridiction de l’État membre de rési-
dence habituelle de l’enfant avant son
déplacement peut prendre une décision
ultérieure en vue d’assurer le retour de
l’enfant dans l’État membre où il avait
sa résidence habituelle immédiatement
avant son déplacement. Pour ce faire, la
juridiction compétente doit tenir compte
des motifs et des éléments de preuve
sur la base desquels a été rendue la
décision de non-retour. Autrement dit, si
le père avait saisi la juridiction suédoise
sur le fondement de retour nonobstant,
cette dernière aurait dû tenir compte
des motifs de non-retour retenus par la
juridiction lituanienne 50 50 .
Si l’extension de la solution de l’ar-
rêt Diageo Brands dans le champ du
règlement Bruxelles II bis peut a priori
paraître sévère en l’espèce, elle demeure
pourtant opportune dès lors que l’ar-
ticle 15 consacre effectivement une règle
de compétence. Elle démontre surtout
qu’il paraît sans cesse plus difficile de
s’opposer à la reconnaissance et que les
seules issues se trouvent soit du côté
des voies de recours prévues dans l’État
d’origine 51 51 , soit dans l’utilisation des
dispositions spécifiques du règlement
Bruxelles II bis , notamment en matière
de déplacement illicite d’enfant. Encore
faut-il les connaître et en maîtriser toute
la subtilité.
V. É.
( 47 ) Le renvoi au juge mieux placé constitue un mécanisme de coopération entre les juridictions des États membres, expression positive du principe de confiance mutuelle, qui permet à la juridiction d’un État membre, compétente pour connaître d’une affaire de responsabilité parentale, en vertu des règles ordinaires de compétence (art. 8 s. du Règl. n o 2201/2003) de procéder, à titre d’exception et dans l’intérêt de l’enfant, à un renvoi au juge d’un autre État membre mieux placé pour connaître de l’affaire. Le juge compétent peut de la sorte renvoyer soit à la demande d’une partie, soit d’office. Sur l’art. 15, cf. D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé , PUF, n o 798 ; V. Égéa, Une source d’inspiration pour l’espace judiciaire civil européen : le règlement Bruxelles II bis, in L’espace judiciaire civil européen en marche , dir. E. Guinchard et M. Douchy-Oudot, Dalloz, p. 36 ; E. Gallant, Rép. Dr. internat., v o Règlement Bruxelles II bis , spéc. n os 157 s. ; pour une mise en œuvre : cf. TGI Bernay, 26 janv. 2006, Procédures 2006. Comm. 275, obs. C. Nourissat ; Reims, 28 juill. 2009, JDI juill. 2012. 16.
( 48 ) § 42 à 44. ( 49 ) § 45. ( 50 ) CJUE 1 er juill. 2010, aff. C-211/10 PPU, Povse , RTD civ. 2010. 748, obs. P. Rémy-Corlay. ( 51 ) Comp. pour le refus d’exécution d’une décision de retour : CJUE 22 déc. 2010, aff. C-491/10 PPU, Rec. I-14247 ;
RTD eur. 2011. 482, obs. M. Douchy-Oudot ; Rev. crit. DIP 2012. 172, note H. Muir Watt ; D. 2011. 1372, obs. F. Jault-Seseke ; Procédures 2011. Comm. 59, note C. Nourissat ; Europe 2011. Comm. 118, note L. Idot.
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