résumé de l’acte ii - créer un blog gratuitement -...
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Résumédel’ActeII:
Oubliant l’ultimeprovocationd’AndrewBlakeetsadernièrerequêteextravagante,Katdécidedes’investirpleinementdanssarelationavecDaniel.Enparallèle,etàsagrandestupéfaction,ellereçoituneréponsedel’inconnudel’annonceduNewYorkTimes.
Mais,àsonretourauPeninsula, soncharismatiqueet richissimeclient reprendsonentreprisedeséductionauprèsdeKat.Lamettantaupieddumuretluiopposantl’argumentdesonrôled’employée,illa convie à partager sa table, sous les yeux deDaniel.Ce dernier, furieux, se révèle particulièrementjaloux.Katseretrouvepriseentredeuxfeux: lesagissementsparfoisdéplacésd’AndrewBlakeet lesréactions violentes de Daniel qu’ils entraînent. Finalement, la persévérance d’Andrew a raison de lacarapacequeKats’estforgéeet,àl’issued’unesoirée,ilparvientàluivolerunbaiser.
CHAPITRE9
C’étaitréel.Réelet…incroyablementstupide.Jeramassaimesclésetentraidansmarésidencepourrejoindremonappartement.Jemedébarrassai
demeschaussures,medémaquillaietquittaimarobepourundébardeuretunshort.Aprèsavoirtournéprèsdedeuxheuresdansmonlit,jetrouvaienfinlesommeil.
Jemeréveillai,groggy,ettitubaijusquedanslesalon,constatantqu’iln’étaitpasloinde11heures.Parchance,jenetravaillaispascesoir.Jereprenaismonservicelelendemainpourquatrenuits.
Je repensais à la réception. Après tout ce qui s’était passé, après toutes les conversations quej’avaiseuesavecBlake,NathanetmêmeAbby,j’avaisunecurieusesensationdevide.Évidemment,toutcelan’étaitrienencomparaisondusouvenirquem’avaitlaissélebaiserd’AndrewBlakesurlepasdemaporte.Jepassaiunemainsurmonvisage,tentantdechasserleflotd’informationsquiinondaitmoncerveau:l’hommemarié,leclient…AndrewBlake.Saviederêve,etlamienne,ancréedanslaréalité.Commentdeuxviesaussiradicalementopposéesavaient-ellespusecroiser?
Un sourire apparut surmes lèvrespendantque jemepréparaisun thé.Même si la situation étaitconfuse,mêmesiAndrewBlakeavaitsûrementcommisuneerreurdejugementenm’embrassant,j’étaisheureuse.Hiersoir,pendantdetropcourtessecondes,jen’avaisplusétéinvisible.
J’avaisétélafemmequ’onhésiteàembrassercaronnesaitpassielleestd’accord.J’avaisétélafemmequiavaitfaitflancherleplusinflexibledeshommes,AndrewBlake.Tout cela était sûrement sans importance pour lui, juste un trophée de plus dans une collection
sûrementpluslonguequejenepourraisl’imaginer.Ilavaitd’ailleursprobablementtropbu,oubliantàlafoissafemmeetlapositionquej’occupaisdansl’hôtelqu’ilfréquentait.
Mais jem’enfichais…J’avaiseumapartderêveetcelamesuffisait.Detoutefaçon, jen’avaisaucundoutesurl’issuedecettehistoire.J’allaisl’ignorer,mettrecepetitbaiserinsignifiantdansuncoindema tête, pendant que lui m’ignorerait tout autant, prendrait même sûrement plaisir à se moquer etcontinueraitàjoueravecmoi.Lavieréellereprenait.Etmêmesimarobesomptueuseétaitétenduesurlefauteuil,ellemerappelaitjustequelesfestivitésétaientterminées.
Aprèsavoirfaitunbrindeménage,jemedécidaiàremplirmapromesse:appelermonpère.–Bonjour,papa,lesaluai-jeavecjoie.–Kat,mapuce!Bien,jepeuxdoncrappelerl’équipeduFBIquej’ailancéeàtarecherche,grinça-
t-il.–Tuexagères,papa!–J’exagère?Veux-tuquejeterappelleletauxdecriminalitédeNewYork?– Je travaille dans un hôtel de luxe, soupirai-je. Je t’assure que je ne fréquente pas vraiment la
délinquancenew-yorkaise!
–Jenecomprendraijamaiscequetufichesdanscetruc!Monpèren’avaitjamaisadhéréàmonchangementdecarrière.Sûrementparcequ’iln’étaitpasau
courantdesmotifsdecette reconversionbrutale.Régulièrement, ilmefaisaitpartd’offresdepostedejournalistedansl’ÉtatdeWashington.Unemanièrecommeuneautredemefairerentreraupays.
Jeluiparlaisdel’hôtelassezévasivement,évitantlesujetAndrewBlake.Connaissantmonpère,ilallaitmereprocherdemélangertravailetplaisir.Parailleurs,jesavaisqu’ilnecomprendraitpasquejecèdesifacilementauxdemandesexcentriquesdecemillionnaire.
–J’airencontréquelqu’un,avouai-je.Ils’appelleDan.–Dancomment?–Cooper.Ilmarmonnadanssabarbeetj’enchaînai.Parexpérience,j’avaisapprisànejamaislaisserletemps
àmonpèred’analysermavieamoureuse.Ilfallaitallerauxfaitsetcoupercourtàsonflotdequestionshabituel:
–Ilesttrèsgentiletilatravailléàl’hôtelquelquetemps.–Quefait-ilmaintenant?–Papa!L’interrogatoiren’estpasnécessaire!–Tuesmafille.Jedoism’assurerqueleshommesquit’approchentsontdignesdeconfiance.–Tutefaisdusoucipourrien.Danesttrèsprévenant.Net’inquiètepas.–Bien.Situledis,lâcha-t-il,dubitatif.Je déambulai dans l’appartement tout en continuant à discuter. Il me narra ses derniers exploits
sportifs–àlapêche–etmerégalad’unehistoirehilarantesursadernièrearrestation–unhommequiconduisaitnucommeunverenseprenantpourJohnLennon.Alorsquejeriaisaveclui,appréciantcemomentdecomplicitéentrenous,lasonnetteretentit.
–Tuattendsdelavisite?SûrementceDan!râlamonpère.–Sûrement!approuvai-jeenallantouvrirlaporte.Jemeretrouvainezànezdevantunsublimebouquetderosesblanches.Sansunmot,jerécupérai
maladroitement les fleurs, calant mon téléphone dans le creux de mon cou. Le livreur s’éclipsarapidement,nemelaissantmêmepasletempsdeleremercier.
–AndrewBlake,murmurai-je,incrédule,enposantletéléphonesurlatablebasse.–Kat?m’interpellamonpère.–Uneseconde!Unelivraison!hurlai-jepourqu’ilm’entende.J’arrachailacartequiaccompagnaitlebouquet.
Serait-ceprésomptueuxdevousdemanderd’êtredenouveaumonexception?A.Blake.
Je m’effondrai sur mon canapé et relus la carte plusieurs fois, estomaquée par sa requête. Unnouveau dîner ? Une nouvelle réception où j’allais devoir composer avec son humeur et sescollaborateurs peu amènes. Je n’étais pas certaine d’avoir la force d’affronter ça. Mes pensées seperdirentquelquepartparmilesroses.Notrebaiser.
J’entendislavoixdemonpèredanslecombinéetreprisletéléphone:–Pardon,papa…Je…J’étaisoccupée,dis-jed’unevoixsourde.–Partalivraison?–Cesontdesfleurs.–Oh…CeDancommenceàmeplaire!–EllesnesontpasdeDan.C’estunclientdel’hôtel,murmurai-jeenrelisantlacarteuneénième
fois.–Unclient?Kat,leharcèlementestuncrimefédéral.
Soudain,lesmotssortirenttoutseulsdemabouche.J’avaisbesoind’évacuercettetensionétrangequejeressentais.
–Ils’agitd’AndrewBlake.J’entendissimplementlarespirationdemonpèreetl’appelai,vérifiantqu’ilétaittoujoursenligne.–AndrewBlake?répéta-t-il,surpris.–DeBlakeMedias.Il…Ilrésideàl’hôtelrégulièrement.Mesyeuxseposèrentsurlebouquetdefleursetjereposailacarteàcôté.Jemerelevaiducanapé
etmedirigeaiverslafenêtre.–Est-cequ’ilt’afaitdesavances?demandamonpère.–Non…Non,papa…Pitié,nereprendspastonrôledeflic!Jenesaismêmepascequ’ilmeveut.–Kat,souffla-t-ilavecexaspération.–S’il teplaît !Cen’estpas important.Jesuis…unedistraction,expliquai-jeavecamertume.Ce
typeestriche,célèbre,puissantetilsemblepersuadéquelemondeluiappartient.–Enl’occurrence,Kat,c’estpresquevrai.Entoutcas,ildétientbienlamoitiédeSanFrancisco.–Jesais,papa.Ilvaselasser,assurai-jecommepourm’enconvaincre.–Kat,est-cequ’ilsepassequelquechoseentreAndrewBlakeettoi?–Biensûrquenon,papa!Jamaisjene…Enfin…Ilestmarié!m’écriai-je.–Était,corrigeamonpère.–Je…Co…Commentça,«était»?demandai-je,stupéfaite.–Safemmeestmorte.Unflotd’imagesmerevintentêteinstantanément:lapremièrefoisquejel’avaisvu,aucoursdela
conférencedepresse ; lapremière foisque j’avais remarquésonalliance ; lapremière foisque je luiavaisparlé;notredînersurréalistedevantDan;ethiersoir:«Vousêtesmaseuleexception»;notrebaiser.
Tout s’emboîta parfaitement. Son comportement tendancieux avec moi, ses remarques sur sonépouse,sonattitudequandjeparlaisd’elle.Toutétaitenfincohérent.
Safemmeétaitmorte.Monventresetorditetmoncorpsfutsecouédetremblementsincontrôlables.Jemeréinstallaisurle
canapé,encaissantlanouvelle.–Kat?m’interpellamonpère.–Je…euh…–Est-cequetoutvabien?–De…Depuiscombiendetemps…est-elle…enfin…est-ellemorte?bégayai-jesouslechoc.–Unpeuplusdedeuxans.Blakeatoutfaitpourquelanouvellenesepropagepas.Sapositiondans
lemilieuadûaider.–Je…C’estimpossible,soufflai-je.Comment…Commentest-ellemorte?demandai-jed’unevoix
blanche.– Accident de voiture. Bailey m’en a parlé, il a été muté là-bas un mois avant l’accident.
Apparemment,lapauvrepetiten’avaitaucunechancedes’ensortir.L’imaged’AndrewBlakepétridedouleuretdechagrinmetraversal’esprit.Évidemment,c’étaità
desannées-lumièredecelledel’hommequejeconnaissaismais,desonpropreaveu,ilaimaittoujourssafemme.Deplus,lefaitqu’ilaitgardésonalliancedémontraitàquelpointcetaveuétaithonnête.
Curieusement, je me souvins dema promesse de faire des recherches sur cet homme. Je savaisdésormaisdansquelledirectionlesmener.J’avaisencorequelquescontactsdanslapresse,s’illefallait,jelessolliciterais.
Monregardnaviguasurlesrosesetmoncœurs’emballa.Cequej’avaisconsidérécommeunjeupourlui,unpasse-tempsagréableetdistrayant,n’enétaitpasun.Ladouceurdesonbaiserdelaveille
n’étaitpasune tentativepourasseoirsonpouvoirdeséduction. Ilse testait…Ilvoulaits’assurerqu’ilétaitcapable,denouveau,d’êtreavecunefemme.
Uneautrequelasienne.Moi.Jereprislacarteetmestremblementss’atténuèrent.Moncœurs’emballaunpeuplusetjefermailes
yeuxpourmecalmer.Auborddes larmes, jeconstataiqu’il tressautaitde lamêmefaçonqu’hiersoir,juste avant notre baiser. La partie rationnelle en moi me serinait qu’il était un client, que j’étaisl’employéeetquejedevaisêtreraisonnable.
La partie émotionnelle ne voyait que son regard éblouissant, ne sentait que ses lèvres sur lesmiennesetréagissaitauxréactionsdemoncœur.
–L’enquêten’ajamais…–Papa,lecoupai-je,ilfautquejetelaisse!débitai-jeenravalantmeslarmes.–Mais…–Je…JedoisrejoindreLynnepourunessayage,mentis-je.Je…Jeterappelletrèsvite.Jeraccrochaisansluilaisserletempsderépondreetmeprécipitaidansmachambre,àlarecherche
demonordinateurportable. Je le ramenaidans lesalonet, le tempsqu’ildémarre, jeplaçai les rosesdansunvase.Jemisdel’eauàbouillir,dégainaiunmugetcoupaimontéléphone.Jenevoulaispasêtredérangée.
Enm’installant sur le canapé avecmon ordinateur sur les genoux, je songeai que je n’avais pasressenticettefrénésiedepuismondernierarticle.L’adrénalinecoulaitdansmesveinesetjemesentaisincroyablementvivanteeténergique.Ladernièrefoisqu’unetelleforcem’avaithabitée,j’avaispasséunnombreincalculabledenuitsblanchesàrecouperlesinformations,àvérifieretcomparerlessources…Malheureusement pour rien… Mais c’était ce que je préférais dans le journalisme : le travail derecherche.
Lesfleursposéesdevantmoi,jecommençaimesinvestigationssurAndrewBlake.Sonenfanceétaitplutôthabituelleetsanssurprise:parentsaimants,collègeetlycéehuppés,puisil
avait intégré l’universitédeCalifornie. Ilenétait ressortiavecundiplômeenéconomie.Lesquelquestémoignages des gens qui l’avaient côtoyé à cette époque étaient unanimes : c’était un hommecharismatiqueetambitieux.Ilnes’entouraitquedepeudepersonnes,etilmesemblareconnaîtreMeghansurunephotodatantdesadernièreannéedefac.
Peu de temps après l’obtention de son diplôme, il avait eu la chance de faire l’acquisition d’unjournalmoribond,etc’est làqu’avaitdébutélaconstructiondesonempire.Laplupartdesspécialistesestimaientqu’ildétenaitàluiseulprèsdutiersdesparutionsdelacôteouestdupays.Aucun,cependant,nes’aventureraitàestimerdanscombienexactementilavaitdesparticipations.Maisilétaitfaciled’endéduirequecetteomniprésenceexpliquaitenpartiecommentilavaitréussiàlimiterlesfuitesconcernantledécèsdesafemme.
Lesinformationsdevenaientraressursonparcoursexactaprèsl’achatdecepremierjournal.Iln’yavait pas de faits précis, juste des rumeurs et des commérages. Beaucoup s’interrogeaient sur sescapacitésfinancièresetsursapersonnalitéambivalente,entresecretsetabusdepouvoir.
Ironiquement,jesourisensongeantqu’iln’avaitpaschangé.Après avoir écumé les archives des journaux de San Francisco, je réussis à retrouver l’avis de
mariage. Jeprismonbloc-noteset fisun rapidecalcul. Il était sortide l’universitéà23anset s’étaitmariépresquetroisansplustard.
Jesirotaismonthé,parcourantl’avis.Quelquechosemechiffonnait,maisjen’arrivaispasàmettreledoigtdessus.
Jeretrouvaidesinformationssurleurmariageintime,célébréaprèsquatreansderelation.Riendetrèsinhabituel.Ilyavaitunephotoofficielle,dontlalégendeindiquaitsobrementqu’ils’agissaitdeM.et
MmeAndrewBlake.Monventresetorditunpeu.Pouruneraisonobscure,j’avaisimaginéquesafemmen’étaitquesonpendantféminin:froide,hautaineetprétentieuse.Enobservantlaphoto,jenevoyaisriend’autrequ’unjeunecoupleheureuxd’êtremariéetdontlesyeuxbrillaient.
Jepoussaismesrecherchessurleursapparitionspubliques.Augrédesgalas,desréceptionsetdeslancements demagazines, ils s’affichaientmaindans lamain, un sourire géant aux lèvres.Leur amourmutuelrayonnait.Ledernierclichédesafemmedataitd’unedizainede joursavant ledrame.Detouteévidence, unephotovolée.Ellemarchait auprèsd’unhommepluspetit qu’elle, plus trapu aussi,maisdontonnedistinguaitpaslestraits.
Etfinalement,jetrouvaiunarticlesurl’accidentdevoiture:
Mortd’EleanorBlake,femmedumagnatdelapresse,AndrewBlake.Danslanuitdu25au26décembre,unaccidentdevoitureviolentacausélamortd’EleanorBlake.Lafemme d’Andrew Blake, détenteur de nombreux titres de presse, a été retrouvée inconsciente auvolantdesonvéhicule.Lespremièresconstatationsfontpartdesmauvaisesconditionsclimatiquesetnotammentduverglas.EleanorBlakeauraitperdu lecontrôledesavoiture,avantdepercuter laglissièredesécuritéetdefaireplusieurstonneaux.Malgrél’interventionrapidedessecours,ellen’apuêtreréanimée.Dansuncommuniqué,AndrewBlakeafaitpartdesontrèsgrandchagrinetademandélerespectdesavieprivée.Lacérémoniedoitavoirlieudemainsoir,àSanFrancisco,enprésencedesprochesdelafamille.
Jeretournaiàlasectiondesphotosdeleurcouple.Vulebonheurqu’ilsaffichaient,jemedoutaisqu’AndrewBlake avait dû être bouleversé par le décès de sa femme.Après deux ans, il n’avait pasrenoncéàportersonalliance.Ceseulindicesuffisaitàdevinerl’amourqu’illuiportaittoujours.
Je poursuivis mes recherches, les axant sur la partie plus professionnelle. Si Andrew Blake neparlait pas de vie privée, il était tout aussi discret sur sa vie publique. Il n’y avait que très peud’interviewsdelui,tandisquedescentainesd’articlesaussifumeuxquesansfondementfleurissaient.
Lasonneriedelaportemetirademesrecherches.Jemefrottailesyeuxetmelevaidemoncanapéen grimaçant. Mes muscles étaient légèrement endoloris. J’avançai en titubant vers le judas pour ydécouvrirDaniel.Unsouriresedessinasurmeslèvresetjeluiouvris.
Ildévoilaunbouquetdefleursvariéesaux tonsrosesetmauves,qu’ilavaitsoigneusementcachéderrièresondos.
–Toutesmesexcusespourêtreuntelidiotavectoi.–Entre,proposai-jeenledébarrassant.Ilpénétradansmonsalonetsefigeadevantlebouquetmonstrueuxderosesblanches.Jeguettaisa
réaction,espérantqu’iln’allaitpas,encoreunefois,provoquerunedisputeinutile.Jeledépassaiet,ducoinde l’œil,vis sonvisage tendupar la colère. Jedécidaide l’ignorer et récupéraiunvasedans lacuisinepouryplongersesfleurs.
–J’aieuJodiehierautéléphone!lançai-jeavecunairjoyeux.Tuasraison,jepensequ’elleetmoipouvonsbiennousentendre.
Sesmâchoiressedécrispèrentetunsourireflottasurseslèvressansvraiments’yposer,–Ellemel’adit.Elleveutvraimentterencontrer,ajouta-t-ilenavançantversmoi.Ilmesaisitparlatailleetposadoucementsabouchecontrelamienne.Notrebaiser,d’abordchaste,
sefittrèsvitedeplusenpluspassionné.J’eusunepenséefurtivepourAndrewBlake.Aurait-iloséalleraussiloinavecmoi?
Daniels’écartaetcaressamajoueduboutdesdoigts.
–Tuasl’airfatiguée.–Je…J’aipassélasoiréeavecLynne,avouai-jeenrangeantlacartedubouquetdansuntiroir.–Oh…Jecroyaisqu’elleétaitàlaréceptiondeBlake?–Je…J’yétaisaussi.–J’imaginequevousn’étiezpastropdedeuxpourvousoccuperdetoutlegratindeNewYork.–Eneffet, soufflai-jeavecunepointedeculpabilitédans lavoix.Tuveuxqu’onpasse la soirée
ensemble?demandai-jepourchangerdesujet.–Euh…oui.–Tuhésites?–C’estjustequejenepensaispasquetumeleproposerais.Après…enfin…tusais.Jeluiprislamainetl’attiraiavecmoisurlecanapé.Jemelovaidanssesbrasmusclés,appréciant
sachaleur.–Jecroisqu’ondoitfairedeseffortstouslesdeux.J’aienviequecelafonctionne,expliquai-je.–Moiaussi,murmura-t-il.Jesuisdésolédecequej’aiditausujetdeBlakeettoi.–Dan…,chuchotai-je,consternée,toutenrefermantmonportable.–C’étaitgrossieretstupide.Etjustecommeça,lapetitepointedeculpabilitéquimetransperçaitlecœurs’élargitetgagnamon
ventre.Jepenchailatête,mecamouflantderrièreunrideaudecheveux.–Jesaisàquelpointtuesprofessionnelle,etjenesaispaspourquoij’aipuimaginerunseulinstant
qu’ilpouvaitsepasserquelquechoseentreluiettoi.–Oui…Encorefaudrait-ilquejeluiplaise,plaisantai-jeenespérantêtrecrédible.–Tuplairaisàn’importequi.Illâchamamainetrepoussamescheveuxpourm’embrasserlatempe.Jefermailesyeux,oubliant
mahonte,oubliantlebaiserdeBlake,etoubliantàquelpointilm’avaitcomplètementéblouiependantcettesoirée.
JeretrouvailabouchedeDaniel.Quandcederniermefitallongersurlecanapéenmerépétantqu’ilétaitdésoléetqu’ilferaittoutpourmoi,jemelaissaiallerdanssesbras.
Notre étreinte futdouce, presque retenue.Plusieurs fois,Danme saisit lespoignets, avantde lesrelâcher,commes’ilprenaitconsciencedesongeste.Delamêmefaçon,aprèsavoirconsciencieusementévitéque j’enroulemesbrasautourdesanuque–esquivantchaquenouvelle tentativedemapart–, ilsemblal’accepter.Mais,àlasuitedecela,ilsedétourna,fuyantmonregard.
Malgrésoncomportementdistant,jesavaisqueDanielfaisaitdesefforts.Aprèsnotreétreinte,ilselançadanslapréparationd’undînercopieux,etnousregardâmesunfilmdanslesbrasl’undel’autre.Àplusieursreprises,jescrutaisonregardilluminéparl’écran.Sesyeuxétaientcommesoudésàl’imageetaucuneémotionnesemblaitlepénétrer.
SiDanielétaitcalmeenapparence,jesentaislacolèrebouillonnersoussapeaubronzée.Jedécidaid’encaisserlasituation.Ilétaitjaloux,maladivementjaloux,etenembrassantBlake,jeluiavaisdonnétouteslesraisonsdel’être.
Versminuit,jemedécidaiàallerdormir.Daniel,avecunsourire,mesuivitetnousrefîmesl’amour.Maiscettefois,iln’yeutaucunerésistance.Ilmelaissal’enlaceretjeprisvraimentduplaisir,qui
se décupla envoyant enfin un sourire franc s’étirer sur les lèvres demonpetit ami.Nousnous étionspardonnénosécarts,enfinprêtsàvivrenotrehistoire.
Le lendemain matin, Dan me quitta pour aller passer un entretien dans un bar-restaurant dontl’ouvertureétaitprévuedeuxsemainesplustard.Jel’encourageaidemonmieux,meréjouissantmêmeenapprenant que le restaurant en question était à deux blocs du Peninsula. Avant d’abandonnerl’appartement,ilm’embrassaavecfougue,enflammantmoncorpsetmoncœur.
Je passai une journée calme chezmoi. La visite deDan avait coupé court àmes recherches surBlake. Je lui en étais reconnaissante. Cette frénésie et ce besoin de tout savoir sur lui, sur l’hommeinaccessiblequ’ilétait,devaientcesserauplusvite.Danétaittoutcedontj’avaisbesoin,laréalitéquidevaitsurpasserlerêveetlefantasme.
J’arrivai plus tôt que prévu à l’hôtel pour prendre mon service. Sam me salua rapidement, letéléphone collé à l’oreille. Je me changeai et toquai à la porte du bureau de Lynne. Sa petite voixcarillonnantem’ordonnad’entrer.
Tandisqu’elletapaitfrénétiquementsursonclavier, jem’installaisurundesfauteuilsfaceàelle,attendant patiemment qu’elle termine. Je pris un des magazines professionnels qui traînaient sur sonbureauetlefeuilletaidistraitement.
–Tudevraisplutôt jeterunœilàça, s’amusa-t-elleenme tendant l’éditiondu jourduNew YorkTimes.
Jerepoussailemagazineetmesaisisdelapagedujournal.Enfouidanslarubrique«culture»,unarticleparlait d’AndrewBlakeetde sonénigmatique réapparition sur ledevantde la scène. Je le lusrapidementetdépliailapagepourydécouvrirunephotodelasoirée.
J’écarquillai les yeux et me redressai, atterrée, fixant l’image et sa légende : « Andrew Blakeaccompagnéd’uneamie.»
Moi.AndrewBlakeetmoientraindediscuterquandnousétionsprèsdubar.–Laphototrônedéjàdanslesvestiairesdupersonnel,commentaLynne.–Bonsang!râlai-je.Jenesavaispasqu’ilyauraitdesphotographes,murmurai-jesouslechoc.–Alors?–Alorsquoi?–Jedoisdéjàtereverserunpourcentagesurnossubstantielsbénéficesàvenir?m’interrogea-t-elle
encontournantsonbureaupourmefaireface.–Lynne,n’accordepasd’importanceàtoutça.– Évidemment que j’en accorde… Tu as conscience des implications de votre petite histoire ?
demanda-t-elleavecconviction.–Notre«petitehistoire»?répétai-je,estomaquée.Voyons,Lynne…–Onnepeutpasperdrececlient!mecoupa-t-elle.J’espèrequetusaiscequetufais.–Cequejefais?Maisabsolumentrien!Jemecontentedefairemonboulot,parcequecefameux
client a menacé de nous planter pour le Four Seasons ! m’écriai-je en me levant de ma chaise,soudainementencolère.
JejetailejournalprèsdeLynne.Elles’affaissaunpeu,s’appuyantsurleborddesonbureau.–Crois-moi,Lynne,jenemaîtriseriendanscettehistoire,ajoutai-jeavechargne.–Cen’estpascequejevoulaisdire,Kat.Maistuconnaislapolitiquedel’hôtel…–Jesais,onnemélangepaslestorchonsetlesserviettes!soufflai-je,exaspérée.Lynneavançaversmoi,unairsérieuxsurlevisage,etmescruta.Jefuyaissonregard,toujoursen
colèrecontresessous-entendus.–Kat,s’ilsepassequelquechoseentreBlakeettoi,jeteconseilledemelediremaintenant.–Jet’enprie!Commentpeux-tucroireunechosepareille?Ils’amuse…Jesuisunjouetpourlui.–Tusais,cen’estpasvraimentvotre«relation»quim’inquiète.–C’estquoialors?Laréputationdel’hôtel?–C’estlafaçondonttuprendstoutcelaàcœur.Tueslaconciergelaplusprofessionnellequej’aie
pucôtoyeretjenet’aijamaisvuebouleverséecommeçaparunclient.C’estpourtoiquejem’inquiète,paspourl’hôteletencoremoinspourBlake.Justepourtoi.Jeveuxjustem’assurerquetucontrôleslasituation.
– Je suis avec Dan et je sais encore comment garder une attitude professionnelle en toutescirconstances.Jevaisd’ailleursallerprendremonservice…
Un sourire se dessina sur ses lèvres et, presque aussitôt, ma colère contre elle disparut. J’étaisplutôt d’un naturel calme et patient, mais je savais aussi que je virais soupe au lait dès qu’on mecontrariait.
–Kat,jen’aiaucundoutesurtonprofessionnalisme,assura-t-elleavecapaisement.–Merci!dis-jeavecgratitude.–J’aitoujourseudebonsretourssurtontravail.Jeneveuxpasperdrececlient…Etjeneveuxpas
quetuteperdes,toi.Jesaiscommenttues,conclut-elleenseréinstallantdanssonfauteuil.–Etcommentsuis-je?l’interrogeai-je.–Legrandamour,lesfleurs,lesviolonsettoutça…,s’amusa-t-elleentapotantsursonclavier.Jehaussailesépaules.Lynneavaitraisonmaisjesavaisque,danscecasprécis,jepouvaislefaire.
AndrewBlaken’allaitpasrésideréternellementdanscethôtel.Jetenaisàmonboulotetnevoulaispasêtreàl’origined’unepertedechiffred’affaires.
Je pouvais survivre à Blake. J’avais les cartes en main, et désormais je ne serais plus quel’incarnationduprofessionnalisme.
–JesuiscontentequetoutsoitclairausujetdeBlake,ditLynne.–Tut’inquiétaispourrien.Jenesuisriendanssonmonde.Lynnericanadoucementavantdesaisirlafeuillequisortaitdesonimprimante.Ellemelatenditet
mefixapendantquejetentaisdedéchiffrerledocument.– Qu’est-ce que c’est ? l’interrogeai-je en voyant quatre nuits consécutives en rouge sur le
graphique.–Tonplanningdefévrier.–Etpourquoicettesemaine-làestenrouge?demandai-jedenouveauendésignantlespetitescases.–Oh…Ehbien,mêmesi tun’esriendanslemondedeBlake, ilaexigétaprésencependantson
séjour.–Bonsang!râlai-je.J’examinaidenouveaumonplanning.Ilavaitosé!Sesabusdepouvoiràrépétitioncommençaientà
m’exaspérer.Mais,curieusement,jeressentaisunepointed’excitationetdejoieàl’idéedelevoir.Pasparcequ’ilmeplaisait,pasnonplusparcequ’ilétaitricheetcélèbre,maisjusteparcequej’existaisauxyeuxdecethommedansunmondeoùjen’étaisquetransparence.
Aprèsmasemainedequatrenuits,j’avaistroisjoursdelibre.Troisjourstombantimpeccablementsurleweek-enddelaSaint-Valentin.J’esquissaiunsourire,songeantàuneescapadeavecDan.
–Çaira?medemandaLynnepours’assurerquejen’avaispaschangéd’avis.–C’estparfait,souris-jeenpliantlafeuillepourlaglisserdansmaveste.
***
AprèsledépartdeSam–etsesfélicitationspourleclichédansleNewYorkTimes–,jecompulsailes réservations à venir. Le nom de Blake apparut : quatre jours au Peninsula. En plus de sa suitehabituelle, il avait aussi réservé deux autres chambres. Je récupérai son dossier, cherchant d’autresinformations,envain.Lynnen’avaitsûrementpasencoreeuletempsdelemettreàjour.
–Hé!Lastardelajournée!résonnalavoixrieusedeGregory.–Net’ymetspastoiaussi!IldégainaunexemplaireduNewYorkTimes,pliéjudicieusementàl’endroitdel’article,etleposa
devant moi. De nouveau, je regardai la photo. Je me demandais comment je n’avais pas pu voir les
photographesetlaréponsemesautaauxyeux:j’étaissûrementbientropobnubiléeparl’hommeprèsdemoi.
–J’aipariévingtdollarssurladatedevotreprochainrendez-vous!sourit-ilens’accoudantàmonpupitre.
–Cen’étaitpasunrendez-vous,claquai-je.Justeduboulot!–Tut-tut-tut-tut-tut-tut, répondit-ilensecouant la tête.Jenesuispeut-êtrepasunspécialistemais,
grâceàmonjob,j’aidéveloppéuneespècedescienceducomportement.–Oh,pitié…Tuvoisdestueursàtouslescoinsderue,medésespérai-je.–Toujoursest-ilquejesuisrestélesyeuxrivéssurBlaketoutelasoirée.–Et?–Etluiaeulesyeuxrivéssurtoitoutelasoirée.Cegars-làenpinceclairementpourtoi.Jeroulaidesyeux,exaspérée.Detouteévidence,lesrumeursauseindel’hôtelallaientbontrainau
sujetdeBlakeetmoi.–Greg, je suis venuepour éviter un scandale auPeninsula. Il n’y a rien d’autre qu’une relation
strictementprofessionnelleentreluietmoi.–Jesaisqu’ilt’araccompagnéecheztoi.–GrandDieu,Gregory!Tun’aspasmieuxàfaire?–Çafaitpartiedemonboulot.Jedevaisveilleraugrain.Donc…–Donctestroupest’ontfaitunrapportdétaillé,conclus-je,dépitée.–Exactement.CecherBlakeestrentréàl’hôtelà2heuresdumatin.Etsij’encroismes«troupes»,
poursuivit-ilenmimantlesguillemets,ilavaitlesourireauxlèvres.– Il avait sûrement passé une bonne soirée, soupirai-je en m’activant à ranger inutilement des
dossiers.–Certainement…D’autantplusqu’ill’apasséeavectoi.Ilsoulevalessourcilsdefaçonsuggestive.J’éclataiderireavantdesecouerlatête.–Tusaisquoi?Tudevraisrécupérertesvingtdollars!ris-je.–Allez…Raconte-moi…Ilt’araccompagnéejusqu’àtaporte…– Parce qu’il est un gentleman, le coupai-je rapidement. Peut-être une notion que tu devrais
approfondiraulieudebavassercommeunevieillepie!–Etvousavezdanséensemble…–Enquoiest-cesiterrible?–Kat,j’étaislàl’andernierpourlafêtedesemployés…Tunedansespas.Tu…remues,tupiétines
ettutrébuches,expliqua-t-ilenondulantlégèrementdeshanches.–J’étaisjustepolie.Jen’allaistoutdemêmepasrefuserunedanseàuntypequijustifietonsalaire
mirobolant!–Tuluiplais!asséna-t-il,sûrdelui.–Turadotes!ripostai-jesurlemêmeton.Ilpritunairfaussementoffusquéavantderetrouverunvisagesérieux.–Kat,faisattentionàtoi,murmura-t-ilavecunelueurd’urgencedansleregard.–Gregory…!râlai-jeensouriant.–Jesuissérieux.Soisprudente.Ilmefixaintensémentetunebouled’angoisseseformadansmagorge.Jedéglutisavecdifficulté
avantdemedécideràl’interroger:–Quesepasse-t-il?–Jenevoudraispasqu’ilt’arrivequelquechose.–Commequoi?Gregorysecoualatêteetsetournaversl’entréedel’hôtel.
–Gregory!l’interpellai-jeenattendantsaréponse.–S’ilsepassequoiquecesoit…d’inhabituel,jeveuxquetum’enparles.–Nesoispas…–Kat,Blakeestricheetcélèbre.Crois-moi,ilnefaitpasl’unanimité.–Ledétecteurdemétaux!m’exclamai-jesoudainàvoixbasse.Gregoryhochalatête.Iln’enlaissaitrienparaître,maisBlakeétaitbeletbienmenacé.Jeregrettais
denepasavoirprismonportablepourpoursuivremesrecherches.Visiblement,AndrewBlakecachaitavecprécautionsespetitssecrets.Gregorymefitunsourireetsonvisagesedétendit.
–Jeprésumequec’estpourtoi?m’interrogea-t-ilenmetendantuneenveloppe.Çavientdelaboîtepostale.
Je levai lesyeux sur le papier blanc, découvrant l’adressede laboîte surmontéedemon secondprénom. L’inconnu.Mon cœur se mit à battre la chamade, subissant ce désormais petit tressautementhabituel.
–Je…euh…Oui…merci,balbutiai-je,gênée,enprenantlepli.–Tuvastedécideràmeracontertoutel’histoire?demandaGregoryensepenchantau-dessusde
monpupitre.–Non!souris-jependantquejecachaisl’enveloppedansmabannette.–Allez!Tuutiliseslaboîtepostaledel’hôtel,jepourraistedénoncerpourça!–Etdirequej’allaisteprésenterlamagnifiqueblondequiaccompagneBlake…–Je…Que…Quoi?Maisjecroyaisque…Enfin,tudisais…–Ils’avèrequ’ilssontjusteamis!lançai-jeavantdeluitournerledospourrangerdespapiers.J’avançai surmagauche et entendis les pas deGregoryme suivre. Je souriais, heureuse d’avoir
réussiaussifacilementàdétournersonattention.–Elles’appelleMeghan,ajoutai-jeenluifaisantfacedenouveau.–Et…elleestcélibataire?–Jepense.C’estunegarcefrigide,expliquai-jeenreprenantlesmotsdeBlake.Legenredefilles
quis’essuieraientlespiedssurtonpostérieursansmêmeleremarquer!–Ellemeplaîtdéjà!conclut-ilens’éloignantdemonpupitre.–Greg,tun’asaucunechance!Jamaisellenetelaisseral’occasiondel’approcher.–Mais je ne comptais pas lui demander son avis ! rit-il grassement avant de sedirigervers ses
bureaux.
***
Prèsd’uneheureaprès,Lynnequittal’hôtel.Avantdefranchirlaporte,ellemedonnaleplanningdétaillédeBlake.
–Passeunebonnenuit!lança-t-elleavecunsourire.Jedoisrejoindremonhomme!–Oh…Encoreundînermondain,sifflai-jeensachantqueLynneallaitagirànouveaucommeune
parfaitepotiche.–Eneffet,sourit-elle.Sajoiefacticedisparutdansl’instant.Lynnen’avaitjamaisrechignéàparticiperàcegenrededîner.
Sontéléphonevibraet,aprèsavoirluunmessagesurl’écran,elleeutenfinunvraisourire.–Philip?demandai-je,curieuse.–Euh…non,avoua-t-elleensecouantlatête.Juste…quelqu’un.Ellerangeasontéléphoneetj’auraispujurerqueLynne,lafillelaplusloyale,droiteetsérieusedu
monde,étaitentraindemecacherquelquechose.–Quelqu’un?répétai-jeensouriantfaceàsonairfaussementdétaché.
–Quelqu’un.Jedoisyaller,éluda-t-elle.Ellesedirigeaverslaporte,maisjedécidaidenepaslalâcher.Jemedoutaisdequiétaitderrière
ce«quelqu’un».–Lynne?l’interpellai-jeavecunairparfaitementinnocent.–Oui?–Est-ceque,toi,tucontrôleslasituation?demandai-je.Ellerougitvivementavantdesecouerlatête,unairdéconcertésurlevisage.Jerisdoucement,et
ellepassalaportedel’hôtelenprenantsoindenepasrépondreàmaquestion.
***
AprèsavoirglisséleplanningdeBlakedanssondossiersansmêmeyavoirjetéunœil,lacuriositél’emportaetjeleressortispourlelire.Autantêtreaucourantdecequirisquaitdemetomberdessus.
Blakearrivaitle7févrierdanslecourantdelajournéepourrepartirle12aumatin.Cinqnuits…Cinqlonguesetpérilleusesnuits.Heureusement,jen’enfaisaisquequatre.Étonnamment,sonplanningnemeparutpasdespluscopieux. Ilyavaitdesréservationsaurestaurantpourseulementundéjeuner,unsoinauSpa–MeghanStantonétaitdoncdudéplacement–etundînerauFive.
Pourdeux.Jesuivislaligneindiquantladate:le9.Jesecouailatête,espérantchasserl’adrénalinequicavalaitdansmesveines.J’enavaisenvie.Etcelam’effrayait.J’avaisenviedeparleraveclui,dechercherlafaille,devoirlemasquetomberdevantmoi.Cen’étaitpasAndrewBlake,géantdesmédias,quim’attirait,maisseulementl’homme.
Mécaniquement,jefislesréservationsauregarddesonplanning.D’office,j’ajoutailesprestationsquejeconnaissaisdorénavant:sonpetitdéjeuneretlaprivatisationdelapiscine.Brièvement,jesongeaiàlapremièrefoisquejel’avaisvunager.L’unedenostoutespremièresconversations,etjem’étaistrèsvite sentie piégée. Les choses n’avaient que peu changé : il menait la danse, jeme contentais de luiopposermesréticences,dontilsefichaitéperdument.
Jerefermaisondossier,àlafoissoulagéeetinquiète.Cedînerpourdeuxhantaitmespensées.Officiellement,ilétaitunclient.Officieusement,ilétaitunclientquej’avaisembrassé.Officiellement,j’étaisavecDaniel.Officieusement…jenesavaispassic’étaitunebonnechose.Gregoryquittal’hôtelvers21heuresetjemedécidaienfinàouvrirlalettredel’inconnu.
CHAPITRE10
Marie,Il semblerait quenousprenions, vousetmoi, l’habitudedenousécrire. J’aime cettehabitude.Votredernièrelettre,commelapremière,aéclairémajournée.Malgré ce que vousm’avez dit, j’ose espérer que vos états d’âme sont éloignés desmiens. Pendantlongtemps, je n’ai été que peine et colère. Pendant longtemps, j’ai cru quema vie ne serait qu’unesuccessiondejournéesternesetsansjoie.Etfinalement,j’aidécidédesuivrel’undevosconseils:j’ailuunlivre.Puisundeuxième…Etuntroisième.J’aimangéduchocolat,jel’aiapprécié.J’aiouvertlesyeuxsurlemondequim’entoure.Chaquematin,quand jeme lève, le chagrin et la rage s’estompent. Je ne sais pas s’ils disparaîtront un jourmais,récemment,j’aidécouvertqued’autressentimentsfortsetpuissantspouvaientm’habiter.Jenediraispasquemesjourssontéclatants,maislesnuagessontmoinssombres.Il y a tellementdechosesque j’aimeraisdire, faire, ressentir.Mais c’estencore trop tôt.Parfois j’ail’impression d’être sur le bon chemin, et parfois je crois faire fausse route. Curieusement, j’ail’impressionqu’unsiècleestpassé.Leschosesetlesgensonttellementchangéquejenesuispassûrd’agircommeilfaut.Oupeut-êtreest-cejustel’âge…Toutmesemble…troprapide.J’aiàpeine30ans,etj’ail’impressiond’avoirdéjàvécuplusieursvies.Malheureusement,nousnesommespasvoisins.Jevissurlacôteouest,dansunemaisonquifaitfaceàl’océan.J’aireprislafameuselistedontvousparliez…Cequejevoudraisaccomplir…«Êtreheureux»estlepremierdelaliste.Qu’avez-vousécritenhautdelavôtre?Qu’avez-vousfaitdernièrementderéellementincroyable?Dequoiavez-vousenvie?Pendantquevousregardezlaneigetomber,jeregardelesvaguesrageusesduPacifiques’écraserencontrebas.Etplusjelesregarde,plusjesongequejeveuxvraimentvoirlaneigeavecvous.Letimingn’estpasunproblème.Dites-moijusteoùetquand.Jeviendrai.Àbientôt.Votreinconnu.
Jereluslalettreplusieursfois,m’attardantsurcesmotsàlafoistristesetjoyeux.Ilsemblaitdépité,commes’iltentaitdesesortirdugouffremaisque,malgrétoussesefforts,iln’yparvenaitpas.
Mon cœur cognait dansma poitrine à un rythme frénétique.Mon imagination prit le pas surmaraison. Je voyais sa stature élancée et parfaite, debout devant unebaie vitrée gigantesque.Les vaguess’abattaientàsespiedspendantquelui,immobile,scrutaitl’océan.Jen’arrivaispasencoreàluidonnerdestraits,niàimaginersonvisage.Maisjetraçaisdansmonespritlecontourdesesépaules,jevoyaiscettesilhouettesombre,tourmentée,éclairéeparlalumièredujour.
–Mademoiselle!criaunevoixdevantmoi.Jerelâchailalettreetdirigeaimonattentionsurl’hommebedonnantdevantmoi.–Jevouspriedem’excuser.Quepuis-jepourvous,monsieur?–Untaxi!répondit-ilsèchement.–Toutdesuite,monsieur.Autrechosequejepuissefaire?
Ilnemeréponditpasetmetournaledospoursedirigerverslaportetambour.Jefisunpetitsigneauportierpourqu’ilfassearrêteruntaxiavantdesoupirer.
Invisible,unefoisdeplus.L’homme sortit de l’hôtel, l’air bougon, et je ramassai ma lettre tombée au sol. Je la repliai,
remarquantaupassagequ’ils’agissaitd’unefeuilledebloc-notes.Jeglissailepapierdansl’enveloppeblancheetremisletoutdansmabannette.Ilfallaitquejedigèretoutçaavantdeluirépondre.
***
Lanuitfutcalme.AngelaoccupaitànouveausonposteaubaretmequestionnasurmonapparitionàlasoiréedeBlake.Àelle,commeauxautres, je servis la réponsepolitiquementcorrecte : j’avaisétécontrainted’yaller.Enriant,ellemeréponditqu’ilyavait,detouteévidence,pirecomme«contrainteclient».
–J’aihâtedevoiràquoiilressemble!lança-t-ellealorsquejeretournaisàmonpupitre.–Ilrevientenfévrier,avouai-jedansunsourire.–Oh!jenesuispaslaseuleàêtrepresséedelevoir!–Cen’estpasceque tucrois.Cethommeestvraimentdéstabilisant, rienàvoiravec lesclients
habituels.–Grossier?demanda-t-elle.–Prévenantplutôt.–T’astoujoursétéplusveinardequemoi!Jerisdoucement,lalaissantàsonbarpendantquejeregagnaismonposte.Laplupartdesgensne
voyaientquel’extérieur.AndrewBlakeétaitprévenant,aimableetpoli.Maissouscevernissecachaitunhommesecret,arrogantetcynique.
***
À mon départ, le lendemain matin, je prévins Sam des réservations effectuées pour Blake. Làencore,moncollèguemefitunclind’œiletsefenditd’uneremarque:
–Tuesauxpetitssoins!–Commepourtousmesclients!–Humm…Oui,ladifférence,c’estqueluisortl’artillerielourdepourteremercier.Uneréception
rienquepourt’exhiber!–Cen’estpascequetucrois!m’exclamai-je.–Tueslafavorite,grinça-t-il.Jeneveuxmêmepassavoircequetuasdûfaire…–Tunecroistoutdemêmepasquej’aicouchéaveclui?–Cen’estpaslecas?s’étonna-t-il.–Biensûrquenon!Quit’aracontédetellesâneries?Il y eutunpetit silence étrangeet tendu.Sambaissa la tête et je regardai lesquelques employés
autourdenous.Legroom,leportier,leserveurdubar,lesfemmesdechambre:tousmefixaient.–Kat,c’estcequetoutlemondecroit,m’avouaSamavecunairdésolé.–JenecouchepasavecBlake!protestai-je,encolère.Jequittaimonpostesur-le-champ,neprenantmêmepaslapeinedesaluerSam.Jemechangeaien
vitesse dans le vestiaire etme dirigeai vers la porte de service. Soudain, le souvenir de la lettre del’inconnume revint. Il fallait que je lui réponde. Je retournai surmes pas et, sans unmot pour Sam,toujoursmueparlarage,jeprismalettreavantdefuircetendroit.
Avantquejenem’enrendecompte,j’étaisdevantlaportedel’appartementdeDan.Quandilouvrit,unsourireapparutsurses lèvreset jemejetaidanssesbras.Nousn’eûmespas le tempsdegagner lachambre,Danmefitl’amoursauvagementsurlecanapé,sansmêmeprendreletempsdenousdéshabillercomplètement.Jem’endormisdanssesbrasetfusréveilléequelquesheuresplustardparlasonneriedesontéléphone.
Pendantqu’ildiscutait dans la cuisine, jem’étiraimollement etme rhabillai.Cen’étaitpasdansmeshabitudesd’agirainsi,maisretrouverDanielm’avaitfaitdubien.Jem’installaisurlecanapé, lesjambesrepliéessousmoi.Letéléphoneàlamain,monpetitamimerejoignitavecunsourire.
– Je n’ai même pas eu le temps de te dire bonjour, dit-il en enroulant son bras autour de mesépaules.
–Désolée,m’excusai-je.–Nelesoispas.C’étaitloind’êtredésagréable.–C’estjusteque…j’aieuunenuitdifficile,mejustifiai-jeenmerappelantquelesujetBlakeétaità
éviteravecDan.–Jecomprendsmieux…Denouveau,jechoisisdementiràDan.Cesdernierstemps,mentirétaitdevenuunesecondenature.
Jementaisàtoutlemonde,ycomprisàmoi-même.–Heureusement,Angelaestrevenueetnousavonspudiscutertouteslesdeux.–Kat, tu sais que je suis toujours disponible pour toi. Si ça ne va pas, je serai toujours prêt à
t’aider.–Jesais.Ilm’embrassadoucementetmecaressalajoueavecprévenance.–Quiétait-ce?demandai-jeendésignantletéléphone.–Monpère.Ilpassemevoirenfévrier.Ilvoulaitsavoirs’ildevaitprendreunechambred’hôtel
pournouslaissernotreintimité.–Quandvient-il?–JusteavantlaSaint-Valentin.–Jetravaille,grimaçai-je.Maisjesuislibrepourleweek-enddesamoureux,etj’aisongéqu’on
pourraitpeut-êtrepartirquelqueparttoietmoi…–Jenesaispas,Kat,ondevraitattendre.Enfonctiondemonnouveauboulot.–Oh…Oui.Biensûr.Je me levai du canapé, vraiment déçue de voir la perspective de notre week-end en amoureux
s’évaporer.Alorsquejemepostaisdevantlafenêtre,jesentislesbraspuissantsdeDanm’entourer.Lecielétaitgrisetchargé,etcelarenforçamamauvaisehumeur.
–Nesoispastriste,Kat.Jeneveuxrientepromettre.Onverrasic’estpossible.–Jecomprends.C’estjusteque…j’avaisdéjàfaitdesprojetsetque…rien.Ilmemitfaceàluietpritmonvisageentresesmains:–JeteprometsdetoutfairepourêtrelibrepourlaSaint-Valentin.–Jevoulaisjustechangerd’air,murmurai-je.J’aibesoind’êtreloind’ici.Danielfronçalégèrementlessourcils,cherchantàfixermonregard.Jebaissailesyeux,honteusede
vouloirfuiràtoutprixetcettevilleetAndrewBlake.–Veux-tumedirecequ’ilsepasse?m’interrogeadoucementmonpetitami.– Rien… Juste le travail… J’ai besoin de vacances. Rien d’autre, assurai-je dans un énième
mensonge.Jevaisrentrerchezmoietdormirunpeu.Danrelâchamonvisageetjemeblottisdanssesbrasréconfortants.Nousrestâmesenlacéspendant
quelquesminutes,dansunsilenceàpeinetroubléparlebruitdelacirculation.Soudain,Dans’écartaetm’adressaunsourireéblouissant.
–Voilàcequejepropose:à lafindetonservice, tuviensiciet jeprometsdetoutfairepour techangerlesidées.
–Dan…–Etjevaisvoiravecmonpotentielfuturnouveaupatrons’ilpeutmelibérerpourlaSaint-Valentin.–Mais…–Etjet’emmèneraioùtuveux.Enfin,enfonctiondemesmaigresmoyens,maisonsedébrouillera.
Onorganiseraundînerromantique,avecdeschandelles,etonferal’amoursurunepeaudebêtedevantunfeudecheminée,plaisanta-t-il.
–Euh…–Excessif,lapeaudebête?sourit-il.–Unlit,c’estbienaussi.–Vapourunlit…Il rit doucement et ce simple son me détendit totalement. J’oubliais le fantôme Blake et les
médisancesdel’hôtel,etm’imaginaisdéjàentêteàtêteavecmonamoureuxpourtoutunweek-end.–Jevaisrentrer,dis-jeenattrapantmonmanteau.Ilfautquejerécupère.–JedoisdéjeuneravecJodie,tuveuxtejoindreànous?–Hum…Jene suis pas très en forme.Pourquoi pas la semaine prochaine ?Onpourra fêter ton
nouveaujob!–Commetuveux,répondit-il,unairravisurlevisage.
***
Quatreheuresplustard,jeretrouvaisl’hôteletlesregardsmoqueursdemescollègues,tandisqueSamm’adressaitunsourirecompatissant.Apparemment, ilavaitpassé la journéeàdémentiruneàunetouteslesrumeursquicouraientsurBlakeetmoi.Aumieux,j’avaisuneliaisonaveclui,aupire,j’avaisétérémunéréepourledistraire.
Aprèsunénièmericanementdedeuxfemmesdechambre,jedécidaideneplusyfaireattention.Jetrouvaislasituationdesplusironiques.Personneneconnaissaitlavéritéettoutlemondesegaussaitdesavoirquelquechose.TouspensaientquejecouchaisavecBlakealorsquec’étaitfaux.JevoulaisfaireensortequemarelationavecDanfonctionneetjeluimentaissurlaplupartdeschosesquejeressentais.
Enpleinenuit,alorsque jeparlaisavecAngelades fameuses rumeurs,ellemedemandaquielledevaitcroire.Jesirotaismonthé,installéeaubar,pendantqu’elleessuyaitetrangeaitdesverres.
–Moiévidemment!Jen’aipascouchéavecBlake!assénai-je.–Parcequetunevoulaispas?–Angela!m’écriai-je,offusquée.–Kat,jeteconnaisparcœur.Quelestleproblème?–Iln’yaaucunproblème!Jeveuxjusteque…Ilnes’estrienpassé.C’étaitjusteunesoirée.–Alorspourquoiréagis-tuainsi?Tutravaillesicidepuisdesannées,tuastoujoursétéhermétiqueà
cemondeclinquant…Toutecettehistoirenedevraitpastetoucher.–JesorsavecDan,expliquai-je.–Raisondeplus…Tun’asrienàprouveràpersonne.TusorsavecDanettuaspasséunesoirée,
uneseule,avecBlake.Etilnes’estrienpassé,donc…Savoixs’éteignitpendantquejebaissaislesyeuxsurlatassedethéentremesmains.Moncœurse
serraunpeuensongeantquejemefendaisd’unnouveaumensongeparomission.–Kat?–Tuasraison…Jedevraislaissercouler.–Ils’estpasséquelquechose,n’est-cepas?m’interrogeaAngelaendélaissantsesverres.
–Jen’aipascouchéavecBlake,répétai-jeavecobstination.–Cen’estpascequejetedemande.Je levai lesyeuxverselleet soupirai.Peut-êtrequesi je le luidisais, leschoses seraientmoins
pénibles.Peut-êtrequ’enavouantlavérité,jemesentiraismoinsmal.Peut-êtrequ’ellecomprendraitcequejenecomprenaispas.
–On…Enfin…Ilm’aembrassée,avouai-jefinalemententriturantmatasse.–Waouh!–Maisc’étaitriendutout,balayai-jerapidement.Riendutout.–Cetypeestmarié,Kat,cen’estpas«riendutout»!–Ilestveuf.Je levai lesyeuxversAngela,dont lesyeuxécarquillésne laissaientaucundoute sur sonétatde
stupéfaction.–Veuf?répéta-t-elle,estomaquée.–Depuisdeuxans.–Kat…Mais…Maisc’est…Bonsang…C’esténorme!Çaveutdirequetuluiplaisvraiment!–Biensûrquenon,répondis-jeensautantdemontabouret.Nousnesommespasdumêmemonde,et
jenesuissûrementqu’unedistractionéphémèrepourlui.–Etçatedéçoit?m’interrogea-t-elleavecunpetitsourire.–Jesuisplutôtsoulagéeenfait.J’aidéjàeumaphotodanslejournal,j’aimeraisautantqueçaen
restelà!Jequittailebarenentendantlerired’Angelarésonnerderrièremoi.Jesecouailatête,apaiséede
lui avoir confiémon secret.Maintenant qu’elle le connaissait, j’avais la sensation étrange d’être pluslégère.Elle avait raison : il fallait que je reste hermétique à tout ça.Ainsi qu’àBlake et aux regardsextérieurs.
Ragaillardie,j’envisageaisdésormaisdeneplusfaireattentionauxquolibets.J’auraismêmepuenprofiterouenjouer,maisjevoulaisavanttoutquelasituations’apaise.IlnesepassaitrienavecBlake.Ilnesepasseraitjamaisrien.Ça,j’enétaiscertaine.
Avant de rejoindre mon pupitre et après m’être assurée que personne ne rôdait dans le hall, jebifurquai vers mon vestiaire et y récupérai mon sac. Je retournai à mon poste et relus la lettre del’inconnu.
Aucunprénom,aucundétailsursavie.Ilmentionnaitseulementrésidersurlacôteouest,cequinem’aidait pas beaucoup. Je tournai la feuille de papier pour y trouver l’adresse d’une boîte postale.Commemoi, ilbrouillait lespistesetpréférait resterdiscret.L’anonymatque tantdegensrépugnentn’estpasunesimauvaisechose,songeai-jeenrepensantfurtivementàmaphotodanslejournal.
Cherinconnu,Medirez-vousunjourvotreprénom?Nonpasquejechercheàvousretrouver,maisvousconnaissezlemien.Neserait-cepasunjusteretourdeschosesquej’apprennelevôtre?Pourtoutvousdire,j’aimeaussivousécrire.Jen’oubliepasquemalettrearetenuvotreattention,etjeneveuxpasgâchermachancedevousconnaître.J’aipris letempsdevousimaginer…Mêmesi jen’aiaucuneidéedevostraits,delacouleurdevosyeuxoudevotrealluregénérale,vousavezquelquechose de familier et d’étrange. Pourquoi, en seulement deux lettres, ai-je la sensation de vousconnaître?Unpeucommesivosmessagesempruntaientuncheminsecretettortueuxjusqu’àmoi.Levraimoi.Qu’avez-vousludernièrement?Jesuisunedévoreusedelivres.Dites-moicequevousavezaimédansvos dernières lectures. Je ne serais pas étonnée que nos goûts soient identiques, bien que nossensibilités–vousêtesunhomme–soientdifférentes.Larageet lapeines’estompent.C’estainsietc’est inexorable.Jevous l’avaisditet jesuisheureusequevousvous sentiezmieux. J’oseespérerque lesnuages sedispersentpeuàpeu. Je suispresque
déçue que vous habitiez si loin… Presque, parce que je doute d’avoir le courage de vous dire où etquandvenirregarderlaneige.Jenesuispasquelqu’undecourageux.C’estl’undemespiresdéfauts.Jecomprendsvotreressentisurletempsquivatropvite, lesannéesquis’écoulenttroprapidement.Jevisdansunevillesurpeuplée,perpétuellementenmouvement,activeàtouteheuredelanuitetdujour,etpourtant,parfois,j’ailasensationétranged’êtreunpersonnageimmobileaumilieudelafoule.Commesijem’étaisarrêtéealorsquetoutlemondebougeait.Jesuishorsdumondefinalement.Etj’aichoisimavieenconséquence.Quefaites-vousdevotrecôté?Enhautdemaliste…Enhautdemaliste…J’aipeurdenepasêtreoriginaleetdirequejeveuxêtreheureuse,moiaussi.Toutlemondeveutêtreheureux.Donc,oui,«êtreheureuse».Aimer.Rire.Acheterunebibliothèqueetunnouvelappartementpour l’y installer.M’endormirauprèsdequelqu’unque jechériraisplusquetout.Plusquemaproprevie.Jetravaillecedernierpoint.Donnez-moivotreliste.Paslehautdelaliste,carcen’estpascequim’intéresse.Cequejeveuxsavoir,cesontvossouhaitsridiculeset inavouables.Saufàmoi.Parcequ’onneseconnaîtpasetquevotreroutenecroiserapaslamienneavantuneéternité.Laneigenetombeplus.Jecroisquenousdevonsremettrenotrerencontreàplustard.Jevousembrasse.Marie.
Jepliaimalettreavecprécautionetlaglissaidansl’enveloppepourl’inconnu.Jemisletoutdansmonsac,mepromettantdel’envoyerdèslelendemain.
Mes dernières heures de présence furent calmes. Je rangeai quelques dossiers et éclusai les«exigencesclients».À7heures,Mariaapparutdanslehall,vêtued’unsimplejeanetd’unpullenlainenoir,troisfoistropgrand.
–Bonjour,Kat.–Maria,souris-jeenmepenchantpourl’embrasser.–JecroisqueLynnealaisséunplanningdesréceptionsdefévrierpourmoiquelquepart.Jesoulevaiquelquesdossiersetouvrisleplanning,maisnetrouvairien.Àcourtd’idées,jedécidai
depénétrerdanslebureaudeLynne,àlarechercheduprécieuxdocument.Alorsquej’ouvraislestiroirsunàun,Marias’installadansundesfauteuilsetm’observapatiemment.
–Blakeadépenséunefortunechezmoi,lâcha-t-elleavecunpetitsourire.–Ahoui?fis-jeencontinuantdefouiller.Laréception…–Non.Paslaréception.Toi.–Lesrosesviennentdecheztoi?m’étonnai-je.–Lestrente,oui.–Oh,génial…Jeféliciteraisonassistanteàl’occasion…–Illesachoisieslui-même,mecoupa-t-elle.Cetteprécisioncréauncourtsilence,melaissantassimiler l’information.AndrewBlake, l’undes
hommeslesplusinfluentsdupays,avaitchoisimesroses.Mesroses.Unlargesourireéclairalevisagede Maria pendant que je retenais le mien avec discrétion. Mon cœur s’emballa en imaginant Blakecherchantlesfleursidéales,justepourmoi,danslapetiteboutiquedeMaria.Jelevailesyeuxverselle,stupéfaite,avantdemereprendre:
–Maria,situveuxsavoirsij’aicouchéavecBlake,repris-je,laréponseest…–Non…Jesais.Jecessaimes recherchesetm’affalaidans le fauteuilprèsd’elle, reconnaissantede trouverenfin
quelqu’unquimecroyait.–Les rumeurs sont terribles, soufflai-je. J’ai décidédeneplus y prêter attention,mais… tout le
mondeparle.–Tun’empêcheraspersonnedemédiresurluietsurtoi.–Oui…Jesuis«rafraîchissante»,ironisai-jeavecsarcasme.Jemelevaidufauteuiletouvrisunplacardsurmagauche.Triomphante,jebrandisleplanningdes
réceptionsdefévrierpourletendreàMaria.Ellelesaisitavecunsourireetledétaillarapidement.
–Kat, j’ai vubeaucoupd’hommespasserdansmaboutique.Deshommesbien et d’autresmoinshonnêtes,maisjet’assurequej’airarementvuunhommeaussidécidéquelui,expliqua-t-ellealorsquenousquittionslebureaudeLynne.
–Jesais,soupirai-je,untraitdecaractèrevraimentagaçant.–Agaçant,maisexemplaire.Ilafaitpluspourtoientrenteminutesquecequefontlaplupartdes
hommesdanstouteunevie.– Maria, il a juste commandé un bouquet de roses… Certes, peut-être extravagant et inattendu,
mais…–Iltenaitàtelesamenerlui-même,m’interrompit-elle.Ilytenaitvraiment!–Une bonne chose que tu sois parvenue à lui faire changer d’avis, répondis-je. Je t’ai dit qu’il
pouvaitsemontreragaçant.Auloin,jevislesgroomss’activerpourfleurirlehalletlesquelqueschambresoccupées.Jeprisle
planningdeBlake,enfisunecopieetledonnaiàMaria.–Ilafaitretardersonvold’uneheure,souritMariaenignorantledocument.–Grandbienluifasse!assénai-je,deplusenplusagacée.Je rangeai des dossiers,m’activant inutilement derrièremonpupitre. Je nevoulais pas en savoir
plus.Apprendrequ’ilavaitlui-mêmechoisilesrosesmetourmentaitsuffisamment.–Kat,soufflaMariaenm’empoignantlebras,comprends-tucequejesuisentraindetedire?–Jen’aiaucuneenvied’ensavoirplus,répondis-jesèchement.–Ilaretardésonvol,ilm’afaitouvrirlaboutiqueà6heuresdumatin.Quelgenred’hommefait
ça?s’écria-t-elle.–Je…–Non,demande-toiplutôtpourquelgenredefemmeunhommefaittoutça,corrigea-t-elle,fièrede
sadémonstration.–Blakenourritsonpropremythe.Ilaimecréersalégende.–Kat,lesrosesétaientprêtes,savoiturel’attendaitpourleconduirecheztoi.–Etilnel’apasfait,fis-jeremarquer.–Parcequ’ilaeuuncoupdefil,serembrunit-elle.Étonnamment,jecomprisquejevoulaisconnaîtrel’explication.J’auraisétéravie–stupéfaite,voire
mêmeincrédule,maisravieaussisansaucundoute–devoirAndrewBlakedébarquerdenouveauchezmoi.Peut-êtreparcequelà-bas,jen’avaispluscetteangoissealliéeàcettenervositéquimeparalysaientàl’hôtel.
–Quelgenredecoupdefil?demandai-jeenretenantmonsouffle.–Jenesaispas,réponditMariaenhaussantlesépaules.Ilaparléd’uneurgencefamiliale,etdonc
ilm’achargéedetefaireparvenirlesfleurs.Ellemelibéraetjevidaitoutl’aircontenudansmespoumons.Uneurgencefamiliale.Jeprisconscience,seulementàcetinstant,quejenesavaispassiAndrewBlakeavaitdesenfants.
Aprèssonmariage,ilauraitétélégitimequesafemmeetluidécidentdefonderunefamille.Mariamefixaalorsquej’étaisperduedansmespensées.Touts’entrechoquait:safemme,laréception,l’hôtel…Unlégersouriresedessinasurleslèvresdenotrefleuristeetellesemblasatisfaitedem’avoirfaitperdrepied.
–C’estunhommebien,Kat.Ilétaittellementdéçudenepast’amenerlesfleurs.Je souris malgré moi. Cet homme avait tout ce qu’il désirait. Il avait l’argent, le pouvoir, la
renomméeetmêmelerespectdesesconcurrents…–AndrewBlakenefaitpascegenredechoses!assénai-jedansunevainetentativepourconvaincre
Mariaqu’elleavaittort.
–Ilfautcroirequetuesl’exception.Jemefigeai.L’«exception»…Sespropresmots,etilmesemblaitencorelesentendre,entendresa
voix chuchoter près de mon oreille. Je frissonnai légèrement, ce simple souvenir me chamboulaittotalement.
***
Après la révélation deMaria, j’eus la sensation d’être engourdie, prise dans un brouillard épaissanspouvoirdistinguerquoiquecesoit.Dansunétatquasisecond,jepartisretrouverDan.
Après une sieste chez lui, installée confortablement dans le creuxde ses bras, cette sensationdemalaisesedissipa.Danmefitrire,meracontantcommentsonpèreluiavaitapprisàfaireduvélosousunepluiebattante,toutenlesuppliantdenepastachersonpantalonavecdelaboue.
–Mamanétaittellementpatienteavecnous,conclut-ilavecnostalgie.–Dequoi…Enfin…–Elleétaitmalade.Jeveuxdire…cyclothymique.Elleaeuunjoursansetadécidéd’enfinir.–Jesuisdésolée,Dan.–C’estdupassé.Jepréfèreoubliertoutça.Pendantuneseconde,j’avaisespéréqueDans’ouvreàmoi.Jeneconnaissaisriendesonpasséet
j’avais envie d’en savoir plus.Lamort de samère était quelque choseque j’avais facilement deviné,maisj’auraisaussiaiméconnaîtrelesévénementsheureuxdesavie.
Je l’embrassai doucement avant de décider de quitter son appartement. Il me retint, prolongeantnotreétreinte.J’étouffaiungémissementenlesentantmeserrerfortementcontrelui.Jesuffoquaipresque.Ilsereculafinalementetsoudasonfrontaumien.
–Sais-tuàquelpointtucomptespourmoi?demanda-t-ildansunmurmure.Jehochaiimperceptiblementlatête,àboutdesouffle.–Bien.Jevoulaisjustem’enassurer.–Tucomptesbeaucouppourmoiaussi,affirmai-jeenplantantmesyeuxdanssonregardsombre.–Onsevoitdemain?–Demain…etlesautresjoursaussi.
***
Devant lePeninsula, jem’arrêtaiaukiosquepourachetermonexemplaireduNewYorker. Alorsque mes yeux naviguaient sur les présentoirs débordant de revues et de journaux, je remarquai unmagazine avec la photo d’Andrew Blake. Après une seconde d’hésitation, je l’achetai, alléchée parl’accroche:«AndrewBlake,mythesetlégendes».
Jen’euspasletempsdelirel’article,lanuitfutincroyablementagitée.Jedusm’atteleràunepannedel’éclairagedansunedessallesderéception,puisàundysfonctionnementd’undesascenseurs.
Aprèsunmomentdecalme,jeprofitaidemadernièreheuredeservicepourinspecterleschambres.J’eusalorsladésagréablesurprisedetrouverKim,piaillantdanssontéléphoneportable,assisesurunlitd’unedessuites«senior».Enmevoyant,elleblêmitetrangeaprécipitammentsonappareil.
–Filezàvotrevestiaire!grognai-je.–Maisjeviensdecommencermajournée…–Etd’achevervotrebrillantecarrièreici.Dégagez!assénai-jesèchement.Ellemetoisaméchammentetmedépassapoursortirdelasuite.Jerefermailapièceetm’apprêtaià
prévenirlagouvernantepourfaireremplacerKimauplusvite,maiscettedernièresetournaversmoi,un
airfurieuxsurlevisage:–Jen’arrivepasàcroirequeBlakecoucheavecunepétassepareille.–Kim,jevousconseilledevoustaire.–Unhommecommeluiavecunsimauvaisgoût…,ajouta-t-elle.–Ehbien,dans lamesureoù ilademandéàneplusvouscroiser, jenepeuxqu’allerdansvotre
sens.Maintenant,quittezcethôtel.–Sinonquoi?Vousallezmefaireévacuerdeforce?J’approchaid’elle,collantmonvisageàquelquescentimètresdusien:–Jen’auraisaucunscrupuleàlefaire,grinçai-jeentremesdents.Je l’entendisdéglutirbruyamment,puisellereculaet fila jusqu’auxescaliersdeservice.Avecun
soupir,jecontactailagouvernanteetluiexpliquailasituation.Je regagnai mon poste à l’instant où Sam s’installait. Je lui racontai l’épisode Kim, qui le fit
beaucouprire.–Estime-toiheureuse,tuauraispulatrouverdansunesituationpluscompromettante.–Non…Évitedememettrecegenred’imagesdanslecrâne.Cettefois,jelavirepourdebon!–Tudevraisfiler,jecroisqu’ont’attend.Je levai les yeux vers l’entrée de l’hôtel, trouvant le regard insondable deDaniel. Je lui fis un
sourire heureux – enfin une bonne nouvelle – auquel il répondit à peine. Il semblait perdu dans sespensées.
–Toutvabien?demandai-jeaprèsl’avoirembrasséfurtivement.–Justedelafatigue.Etj’avaisenviedetevoir,ajouta-t-ilenenroulantunbraspossessifautourde
mesépaules.
***
C’estainsiqu’unedouceetrassuranteroutines’installaentreDanetmoi.Àl’occasion,ilvenaitmechercherdirectementàl’hôtel,mêmesi,laplupartdutemps,c’étaitmoiquirejoignaissonappartementau petitmatin.Nous parlions de tout et sortions, dès quemes jours de repos nous le permettaient, aucinémaetauthéâtre.Danavaitmêmeréussiàmetraîneraustadepourunmatchdebase-ball.Lerésultatfutplutôtdécevant:jefusclouéeaulitparlagrippe.
Janvier s’égrena rapidement.Les rumeurs au sujet demapseudo-liaison avecBlake s’éteignirentprogressivement et je cessai d’être l’objet des commérages. J’aidai Lynne à la préparation de sonmariage,principalementpoursonplandetable.Desoncôté,Philipavaitentamé,àmademande,undébutdeprospectionpourmetrouverunnouvelappartement.
Je craignais l’arrivée dumois de février.Blake allait revenir et je redoutais de repartir dans cecerclevicieuxalternantrumeursetdémentis.
J’entamaismadernièrenuitavantunrepossalvateurprécédantleretourdeBlake.Ilmefaudraitdesforcesettoutemonénergiepoursurvivreàuneéventuelleconfrontation.
Alorsque j’examinais sonplanning,notantquelquesmodificationsmineures sur sonorganisation,Gregorym’interrompitenchantonnantmonprénom:
–Kat,Kat,Kat…–Tusaisquetuesassezflippantquandtufaisça?–Nesoispasdésagréableavecl’hommequit’apportetoncourrier.Ilagitaunelettredevantmoietmoncœurbonditdansmapoitrine.L’inconnu.Jetendislamainpourlarécupérer,maisGregoryl’écarta.–J’aientendudirequeBlakeavaitrequistaprésencepourlesprochainsjours?s’amusa-t-il.
–J’aientendudirequeLynneétaitunesacréecommère.–Doncc’estvrai?Ilbaissasagardeet la lettrefutdenouveauàmaportée.D’ungestevif, je tentaidelarécupérer
mais,encoreunefois,Gregoryesquiva.Ilmelançaunregardentendu,attendantmaréponse.–Oui,soupirai-je.Jesuislàpoursescinqnuitsàl’hôtel.–Tuveuxdire,là,ici,oulà,là-haut?demanda-t-ilendésignantleplafond.– Très fin, Greg. Il me semble que tu es de service toi aussi, ajoutai-je en secouant la feuille,
reprenantleplanningd’AndrewBlake,etjen’endéduispasquetonadorablefessierluiplaît.–Tutrouvesmonfessieradorable?–C’étaitjusteunemanièredeparler!râlai-jeenfixantmonenveloppeentresesdoigts.Jecommençaisàm’impatientersérieusement.Gregoryjouaitavecmalettreetavecmesnerfs.–Sij’arriveàtedégoterlenumérodelablonde,tumedonnerascettelettre?–Duchantage…Cetrucestdoncvraimentimportant,commenta-t-ilentriturantl’enveloppe.–S’ilteplaît,Gregory!Il posa la lettre sur mon pupitre, la poussa en ma direction, tout en me fixant avec une lueur
d’amusement.Jeposaimamainsurl’autreextrémitédelalettre,latirantlégèrementversmoi.–Sonnuméro,hein?répéta-t-il.–Jeluidiraiàquelpointtonfessierestadorable,souris-je.–Inutile…Jeleluimontreraipersonnellement!Ils’éloignaverssonbureau,etj’arrachaipresquel’enveloppepourrécupérermalettre.Moncœur
battaitàtoutrompredansmapoitrineetjeprisunesecondepourprendreuneprofondeinspirationavantdeladéplier.
Mes doigts tremblaient un peu, peut-être d’excitation ou de peur. Ou peut-être que j’étais justestupide. Il ne m’avait pas écrit pendant presque trois semaines, et je prenais conscience seulementmaintenantquelelirem’avaitmanqué.
ChèreMarie,Avanttoutechose,toutesmesexcusespourmonsilencedesdernièressemaines.J’espèrenepasvousavoirblessée.J’aiparfoisdumalàtrouverdutempspourmoi.Cequiestassezterriblequandonsongequejesuisseullaplupartdutemps.Simasolitudealongtempsétéunchoix,carjenesupportaispluslemondedanslequeljevivais,elleestdésormaismacompagneexclusive.Unecompagnedontj’aimeraismedébarrasser.Jenesaiscommentvouspouvezm’imaginer.Etnon…jenevousdonneraipasmonprénom.Jenedispas que jamais je ne le ferai,mais pas tout de suite. J’aurais peur de rendre notre « relation » tropréelleoutropnormale.Alorsquejesaisqu’ellenel’estpas.Jen’aiparlédevousàpersonneetj’aimel’idéequecequenousfaisonsnerestequ’entrenous.C’estprécieuxetrare,pasvraimentpartageable.Dernièrement,j’aireluduShakespeare.Làencore,cen’étaitpasunchoix,maissûrementundesrareslivresquej’aigardésdemascolarité.Iltraînaitdansmachambred’enfance.Jeprésumequemamèrelegardaitcommeunerelique.J’aimeraisquevousmeconseilliezunedevoslectures.Jesuiscurieux…Quelgenredevieavez-vouschoisi?Jenepensepasquevoussoyezrecluse,ouseule,oumêmetriste.Non,pastriste.Voslettresnereflètentpaslatristesse.Vousêtesl’espérance,lajoie,le rire. J’aimerais entendre votre rire, mais je constate que vous retardez notre rencontre. Quecachez-vous?Malgrétousmesefforts,jen’arrivepasàvousimaginer.Jenevoisrien…Dumoins,rienquivousressembleraitunpeu.Aumilieudema liste…Franchement, je ne sais pas.Peut-êtreque je voudrais avoir le tempsd’êtreauprèsdesgensquej’aime.Monneveus’amuseàsedéguiserenSpider-Manetsamèredevientdingue.Doncjecroisquec’estçaquejevoudraisfaire:regarderSpider-Manetrireaveclui.Jevousembrasseaussi.Votreinconnu.PS:Ons’embrassealors?PPS:Vousfaitesaussipartiedemaliste…J’aivraimentenviedevousrencontrer.
Unsourireimmenses’étirasurmeslèvres.Jereluslalettreunesecondefoisetlaserraicontremoi,extatiqueetravie,avantdelarangeravecprécautiondanssonenveloppe.
Sa dernière phrase flotta dansma tête quelques instants. Il voulaitme rencontrer.Mais si lui nevoulait pas donner son prénom pour ne pas briser notre précieuse histoire, moi, je ne voulais pasrencontrer l’homme qui se cachait derrière ces lettres. Je m’étais créée un personnage imaginaire etparfait, et je voulais que cela reste ainsi : un moment de partage entre deux inconnus. Malgré toutel’adorationquej’avaispournoséchanges,jesavaisaussiquecelanedureraitpas.Laréalitéfiniraitparnousrattraper.Ilselasserait,c’étaitévident.Jemepromisdeluirépondredèsquejeseraischezmoi.
Aupetitmatin,jegagnaidirectementmonappartement.Danétaitpartirendrevisiteàunvieilami,etjemeretrouvaisseulepour leweek-end.Aprèsdes joursderelationdecouplenormaleaveclui,monappartementetmaviemesemblèrentaffreusementvides.Ilmemanquait.Sachaleur,sonsourire,safaçondevouloirmeprotégerdetout…
Jepassaimasoiréecaléedansmoncanapé,enrouléedansunecouverturechaude.Cen’estquelejourd’après,aumatin,quejemedécidaiàrépondreàl’inconnu.
Cherinconnu,Mercidevotrelettre.Nevousinquiétezpasdudélaideréponse,parfoisilsemblequeletempspasseplus vitequenous le pensons.Dans le piredes cas, j’aurais sûrementmisune annoncedans leNewYorkerpourvousretrouver.Quelquechosequidirait:«Hé,voussavez,jesuislafilledeNewYorkquipassesontempsàvousracontersavieennuyeuse.»Jen’aipasnonplusparlédenotre«relation»àmesproches.Jenesaispasvraimentpourquoi.Peut-êtrequejeneveuxpasqu’onmejuge.Unedemesamiespensequejeperdsmontempsenlisantcesannonces.Vous,enseulementquelquesphrases,venezdemeprouver l’inverse.Jeneperdspasmontemps.Jeviscedontj’aienvie.Unefoisencore,j’aitentédevousimaginer.J’aiencorecettesensationétrangedevousconnaîtresansvousconnaître.Voslettresparviennentàmetoucher,àm’émouvoirsifacilement,quej’ailasensationd’êtreànu.Celapourrait être presque effrayant, voire angoissant. Mais j’aime ça. J’aime ouvrir vos lettres en medemandant ce que je vais y trouver. J’aime ouvrir vos lettres et découvrir votre écriture fine etrégulière.J’aimemedirequejetouchelepapierquevousaveztouché.Mavieestplutôtroutinière.Pastriste,non,maislasurprisenefaitpaspartiedemonmonde.Toutesttoujoursattendu,normal,prévisible.Serait-ceingratdedirequej’aimeraisplus?Jevoudraismeleverunmatin dans un endroit et finirma journée ailleurs. Sans prévision, sans plans prédéfinis.Mais ledestinm’a oubliée. Ilm’a posée sur une route toute droite, sans aucune autre alternative que de lasuivreencoreettoujours.J’ail’impressionquevotrerouteàvousestplussinueuseetsurprenante.Jevousenvie.Jevousenvied’autantplusquevousavezunefamillequivousentoure.Jen’aipascetteopportunité,tout lemondeestunpeudisséminédans lepaysetnesepréoccupepasvraimentdecequefont lesautres.Etquellechanced’êtrel’oncledeSpider-Man…Unecélébritéenplus!Pourlalecture,jevaisréfléchir…Jelistellementdechosesdifférentes.J’aimeraisvraimentvousfairepartagerquelquechosede fort. Jevousproposeunéchange…Jevousconseilleun livre,etvousmefaitesprofiterd’unedevospassions.Peuimportelaquelle…Offrez-moiunpeudesurprisedansmaviesi linéaire.Et,parpitié,rassurez-moietdites-moiquevousnedormezplusdanslachambredevotreenfance.Auxdernièresnouvelles,lamienneaététransforméeenimmenseplacardfourre-toutetestquasimentinaccessible.Jevousembrasse(oui,vraiment!).Marie.
En relisantma lettre, je pris conscience que j’avais esquivé cette histoire de liste. J’étais sur lasienne et je devais avouer qu’il était aussi dans la mienne. Je n’arrivais pas encore à déterminerl’importancequ’ilavaitdansmavie,maisj’étaissûred’unechose:j’avaisbesoindeseslettres.J’avaisbesoindeluiparler,deluidirecequejegardaishabituellementpourmoi.
***
Après avoir erré dansmon appartement, attendant patiemment un appel deDan, jeme décidai àsortir. Naturellement, mes pas m’amenèrent à ma librairie habituelle, une minuscule boutique oùs’amoncelaitunequantitéastronomiqued’ouvrages,essentiellementdesoccasions.J’aimaiscetendroit,jepouvaisyflânerpendantdesheuressansforcémentyacheterquelquechose.
Et c’est ce qu’il se passa. J’y restai pendant près d’une heure, arpentant les allées en feuilletantquelquesbouquins.Alorsquej’allaisressortir,farfouillantdansmonsacàlarecherched’unmouchoir,jevismalettrepourl’inconnu.Unlivre…
Jeretournaidanslaboutique,cherchantunouvrageàlahauteur.Aprèsenavoirouvertunedizaine,je désespérais vraiment de trouver la perle rare.Désemparée, je sortisma lettre et la relus. Soudain,j’eusuneillumination.Jerevinsàlasectionsurlalittératurerussequejevenaisdedépasserettrouvaimon bonheur. Les Pauvres Gens de Dostoïevski serait parfait. Que pouvais-je choisir d’autre qu’unromanépistolaireentreunhommeetunefemme?
Satisfaitedemonachat,jerentraichezmoipouremballerlelivreavantd’allerleposter.Devantlaboîte aux lettres, j’eus un instant d’hésitation. Le souvenir de l’envoi dema première lettremêlé auxémotions que j’avais ressenties en ouvrant la dernière me revinrent en tête. Pendant une seconde,j’envisageaimêmede reprendremoncourrierpour le luidire.Mais je revinsà la raison, j’étaisavecDaniel,j’avaisunevie,desamis,unmétier.Jemesermonnaietpostaimalettreainsiquelelivreenmemordant les lèvres.Mon cœur avait encore tressauté de cette façon désormais familière. Je l’ignorai,rentrant chezmoi en supportant la vaguede tristessemâtinéed’amertumequi pesait à présent surmesépaules.
***
Madernièresoiréeavantmareprisedutravailfutpénible.J’étaisagacéepartoutetn’importequoi,pestaissurmoi-mêmeetmamaladresse.Jen’arrivaisàmeconcentrersurrien,mêmepassurunlivreouunmauvaistéléfilm.Malgréplusieurstentatives,jeneparvinspasàtrouverlesommeil,angoisséeparlaperspectiveduretourdeBlakeauPeninsula.Danielm’appela,maismêmeavecluijefusglacialeetpasfranchement prolixe. La communication ne dura pas et je prétextai la fatigue pour écourter notreconversation.
Aumilieudelanuit,j’abandonnaietmelevai.Mesyeuxtombèrentsurl’exemplairedePowerfullquej’avaisdûdécortiquerpourBlake.Jerécupéraimonportableetrésolusdereprendremesrecherches.Blakeavaiteulebrasassezlongpourconnaîtremonpassé–etjenesavaispasencoreàquelpointmavieétaitànu–,jedécidaidoncdem’armerpourpareràsesnouvellesattaques.
Je découvrais qu’il avait limité ses apparitions depuis le décès de sa femme. Il se contentaitd’assisterauxréunionsdetravaildesongroupe.SavieétaitdécortiquéesurInternetàcoupsd’enquêtesetdecontre-enquêtes.Mais,trèsvite,jecomprisquepersonneneconnaissaitlavéritésurlui.Jecherchaidesinformationssurl’enquêtefaisantsuiteàlamortdesonépouse,maisnetrouvairien.Lesquelquesliens qui prétendaient rediriger vers des articles ne fonctionnaient pas ou disaient simplement quel’articlen’existaitplus.
AlorsquelejourselevaitsurNewYork,jerefermaimonordinateur,déçueparlerésultatdemesrecherches.Riennefiltraitsurlui,ilmefaudraitdoncimproviser.
CHAPITRE11
Pour la première fois depuismon embauche auPeninsula, j’avais les mainsmoites à l’idée dereprendremonservice.Entempsnormal,jeseraisalléemerassurerdanslesbrasdemonpetitami,maisensonabsence,jedevraisprendresurmoi.
JesaluaiSamenentrantetmedirigeaiàviveallureversmonvestiaire.Commesimechangerplusvite allait accélérermon temps de présence ici ! Je retrouvaimon poste et écoutai d’une oreille peuattentivelestransmissionsdeSam:
–Blakearrivedansdeuxheures,j’aienvoyéunchauffeuràl’aéroport.Àlamentiondesonnom,moncorpssortitdesonengourdissementettousmessenss’éveillèrent.Il
allaitrevenir.JesaluaiàpeineSamettentaidemeconcentrersurmatâche.Maisrienn’yfaisait,j’étaisailleurs.
Le cœurbattant, je scrutais laporte tambour.Aumoindrede sesmouvements, je sentaisunebouledenervositésecalerdouloureusementdanslecreuxdemonestomac.
Pourmechangerlesidées,jemontaiinspecterlasuited’AndrewBlake.Évidemment,jeconstataiqu’ilmanquaitdesserviettes,maisaussilenécessaireàthéetcafé.Jepassaiuncoupdefilencuisineetdécidaid’allerencherchermoi-mêmeàlalaverie.Àmonretourdanslehallgigantesquedel’hôtel,jedevinailasilhouettedeMeghanStanton,enpleinediscussionaniméeautéléphone.
Il était là. Devant mon pupitre, discutant avec une brune au sourire éblouissant. Ma respirations’arrêta pendant que je détaillais sa tenue. Son pantalon noir tombait impeccablement et sa chemise,légèrementcintrée,mettaitenvaleursesmusclesdorsauxetsasilhouetteharmonieuse.Jepassaiderrièremonbureau,lefeuauxjoues.Jeprisuneprofondeinspirationetmelançai:
–Bonsoir,M.Blake,raviedevousrevoirauPeninsula.–Kathleen,mesalua-t-ilavecundemi-sourire.Jedoisavouerqueleplaisiresthautementpartagé.
Vousavezl’airenforme.Jebaissailesyeux,fuyantsonregardinquisiteur.Jeluiprésentaisonpasseetluisouhaitaiunbon
séjouràl’hôtel.–Lapiscineestréservéepour22heures,ajoutai-je.–Bien…Lauren,auriez-vousunbloc-notes?demanda-t-ilensetournantverslafemmeprèsdelui.Lajeunefemmebrunecherchadanssonsac,maissecoualatête.Ellerécoltaaupassageunregard
furieuxdeBlake,suivid’unsoupirdésapprobateur.– Kathleen, auriez-vous de quoi faire mon bonheur ? demanda-t-il en effleurant le bout de mes
doigts.–Je…euh…–Unbloc-notes,Kathleen.Unsimplebloc-notes.
Ileutdenouveaucesourireamusésur les lèvreset jememisàfouillerfrénétiquementautourdemoi.J’ouvraislestiroirs,soulevaislesdossiersetmaudissaismagêne.Justeunbloc-notes…Jefinisparouvrirmabannettepersonnelle,retrouvantlemagazinequej’avaisachetéenvoyantenuneunarticlesurBlake.
Jelarefermaivivement,faisantpresquetremblerlesinstallationsautour,avantdedénicherunbloc-notesjustedevantmesyeux.JeletendisàAndrew,quiygribouillaquelqueschiffres.
–Lauren,appelezcenuméroetfaiteslesvérificationsd’usage.–Bien,monsieur.Elles’écartaet,arméedesonpetitpapier,composalenumérosursonportable.–Etnevousattardezpas!râlaBlaketandisquelapauvrejeunefillerougissaitbrusquement.Je me retrouvai seule avec lui. Mon cœur cognait violemment dans ma poitrine et j’avais la
sensationquetoutmoncorpsmedémangeait.Jeplaçaimesmainsdansmondos,espérantainsilimitermanervosité. Mon client me fixa avec intensité pendant que je tremblais sur mes jambes. Son regardétincelantetpleind’énergieseradoucitetilsepenchaversmoi,unairsérieuxsurlevisage:
–Avez-vousreçumesfleurs?s’inquiéta-t-il.–Je…euh…Oui,merci,marmonnai-jeenmemorigénantpournepasavoirsongéà leremercier
plustôt.Ellesétaientsuperbes.– Pas autant que vous, j’en suis certain. Accepteriez-vous de m’accorder l’une de vos soirées
pendantmonséjourici?–Jecrainsquenon,monsieur.Ilserecula,unepointededéceptiondansleregard,etmefixa.Jeprisuneprofondeinspirationet
medécidaiàpoursuivre:–J’aiappréciévotre invitation,mais j’aimeraisdésormaisquenotrerelationdemeurestrictement
professionnelle…–Jevous laisse troissemaineset l’ensembledemeseffortsest réduitànéant.Jen’auraispasdû
partir,ajouta-t-ilavecunlégersourire.–M.Blake,jepeuxvousassurerque…–Faites-moiplaisiretabandonnezle«M.Blake»,proposa-t-il.–Jesuisenservice,M.Blake.Ilsoupiraetsecoualatête.Quandillevalesyeuxversmoi,ilsemblaamuséparlasituation.Jeme
tordislesdoigts,m’encourageantàtenir.Iln’étaitqu’unclient.Justeunclient.–Votreentêtementestlouable,maisinutile,railla-t-ilensepenchantversmoi.–Jevoussouhaiteunebonnesoirée,M.Blake.–Aurais-jeleplaisirdepartagerunmomentavecvous?Enprivé,ajouta-t-ilalorsquejeprenais
uneteintecoquelicot.–Jeresteàvotredisposition,lâchai-jeautomatiquementavantderéaliserlaportéedemesmots.–Jesuisheureuxdel’apprendre.Sonassistanterevintversnousetilserecula,commesinousn’avionsjamaiseucetteconversation
étrangeetgênante.–J’aicontactéFedEx.Ilslivrerontdemainmatin,avant7heures.–Parfait.Kathleen,ayezl’obligeancedesignerlebondelivraisonetdemel’ameneravecmonpetit
déjeuner.–Bien,monsieur.– J’ai réservé une chambre pour mon assistante, ajouta-t-il. Lauren, vous retournerez à San
Franciscodemain.Elleacquiesçamais,mêmemoiquinelaconnaissaispas, jepuslireladéceptionsursonvisage.
Blakenes’embarrassaitpasdeshumeursdesesproches.Ilimposaitcequ’ilvoulait,hermétiqueàceque
lesautrespouvaientressentir.–Bonnenuit,Kathleen.–Bonnenuit,M.Blake.Son assistante fit un brefmouvement de tête et le suivit, à distance, en direction des ascenseurs.
Quelques minutes plus tard,Meghan Stanton se présenta à mon pupitre, un sourire victorieux sur leslèvres:
–Êtes-vousbienconciergecesoiroudois-jefairedemanderquelqu’un?grinça-t-elle.–Quedésirez-vous,mademoiselleStanton?–Monarrivéecesoirn’étaitpasprévue.JedoutequeLaurenaiteule tempsdemeréserverune
chambre.–Nousavonsencoredessuitesdisponibles.Je lui réservai une chambre de catégorie supérieure et elle s’éclipsa à son tour en direction des
ascenseurs. Environ une heure plus tard, Andrew Blake réapparut et se dirigea vers la piscine. Lesouvenirdesserviettesmanquantesmerevintenmémoireetjefonçaijusqu’àlalaverieavantd’enmonteràsachambre.
Descostumesétaientdéjàsuspendus,enattentedenettoyage.Jelesprisetlesconfiaiàunefemmedechambre en lui indiquantque c’était prioritaire sur tout le reste.Finalement, presque à contrecœur,j’allaiàlapiscinedéposerdesserviettes-épongesépaissesetmoelleuses.
Ilnageaituncrawlénergiqueetélégant.Unefoisencore,jem’attardaiàleregarderpendantquesoncorpsluttaitcontrelarésistancedel’eau.Iljetaitsesbrasenavantavecforcetandisquelesmusclesdesondoss’étiraientsoussapeau.Jeposailesserviettesmais,malheureusement,heurtaiundesbainsdesoleilenteckquientouraientlapiscine.
Arrivéà l’autreextrémitédubassin,AndrewBlakese redressaetme lançaun regardglacial. Jem’excusai dans unmurmure et il reprit sa nage. Je détournai les yeux et, avec un pincement au cœur,m’éloignaipoursortirdecetendroit.
Jeregagnaimonposte,encorebouleverséeparleregardfroidetdénuédetouteémotiond’AndrewBlake.Malgrémavolontédeplacerunecertainedistanceentre luietmoi– ilétaitunclientet j’avaisDan –, son indifférence me blessait. Je secouai la tête. J’avais voulu cette situation. Je voulais unerelationprofessionnelle,jenepouvaispasleblâmerd’êtresidistant.Commetouslesautresclients.
Près de deux heures plus tard,AndrewBlake regagna sa chambre, passant dans le hall sansmeregarder.
Mon cœur se serra de nouveau et j’eus la sensation que toutema cage thoracique se comprimaitdouloureusement. Je chassai ce ressenti désagréable en m’occupant des réservations à valider et duplacementdesinvitésd’uncongrèsmédical.Vers2heuresdumatin,j’allaiaubardiscuteravecAngela:
–Ilestlà,soufflai-jeavecgêne.–Jesais,répondit-elleavecunsourireentendu.Ellemepréparamonthéhabitueletseplantadevantmoi,attendantquejeparle.–Jeluiaiditquejevoulaisunerelationprofessionnelle.–Oh…Etquelleaétésaréaction?–Aucuneidée…Çal’amuse,maisj’ail’impressionqu’ilm’ignoremaintenant.Angela me tourna le dos et se concentra sur le rangement des verres. Je soupirai lourdement,
ressentantdenouveaucepicotementdésagréabledansmapoitrine.–C’estunebonnechosenon?C’étaitbiencequetuvoulais?demandamonamieenredirigeantson
attentionsurmoi.Je levai les yeux dema tasse, réfléchissant à ce que je voulais vraiment. La douleur gagnamon
ventreetjeretinsungémissement.–Kat?C’étaitbiencequetuvoulaisnon?
–Je…Jenesaispas.Il…Je…C’estcompliqué,conclus-jefinalement.–Compliqué?Kat,laisse-moirésumerlasituation:tuasembrasséAndrewBlake…–Ilm’aembrassée,rectifiai-je.–OK…Ilt’aembrassée.Tuluidemandesunerelationstrictementprofessionnelleetilt’ignore.Je
nevoispaslacomplication.Ilagitcommetuleluidemandes.Jesoupiraidenouveauavantdem’apercevoirquec’étaitexactementcequimegênait.Ilagissaiten
fonctiondecequejeluidisais,etcecomportementétaitexceptionnel,ausenspremierduterme,pouruntypecommelui.
–Jenesaisplusoùestlalignejaune,murmurai-je.–Cettelignen’existepas,Kat.Etsielleexiste,tunepeuxpaslafranchircommebontesemble.Soit
ilsepasseeffectivementquelquechoseavecAndrewBlake,soitturesteslaconciergeduPeninsula.Tunepeuxpasjouersurlesdeuxtableaux.
–Angela,jesorsavecDan.Iln’estpasquestionqu’ilsepassequelquechoseavecBlake.–Bien.Danscecas,tusaiscequetudoisfaire.Dansunétatsecond,jerejoignismonpupitre.Angela,monamiepleinedebonsens,avaitraison.Je
savaisoùj’enétais.J’avaisDan…Etdansmonautremonde,j’avaisBlake.
***
Peuaprès7heures, le livreurdeFedExseprésentaetmefitsignerunbordereaudelivraison.Jerécupérai une grande enveloppe épaisse et lourde. Je filai aux cuisines, déposai sur une dessertel’enveloppeetlepetitdéjeunerdeBlake,etgrimpaiau19eétage.
Je toquai à la porte et avant que je n’aie le temps de glissermon passe-partout, AndrewBlakem’ouvrit, un téléphone vissé à l’oreille et une cravate dénouée autour du col de sa chemise. D’unmouvementdetête,ilmedésignalesalonetmitfinàsonentretien.
–Bonjour,M.Blake.–Bonjour,Kathleen.Toujoursaussiprofessionnelle,sourit-ilenmevoyantluiservirunetassede
caféfumant.–Jevousenprie.Ilnouasacravatedansungesteexpertetavalasoncaféd’untrait.Jereculaiunpeu,nesachantpas
sijedevaisvraimentresteroupartir.–Jenevousretienspas!lança-t-ilensaisissantundossierdevantlui.–Bonnejournée,monsieur,murmurai-jeaucombledelagêne.Je quittai la pièce,maisme figeai en l’entendantme suivre. Je décidai de l’ignorer et d’agir en
conciergediscrèteetdétachée.–Kathleen,sivousaveztrouvémonattitudeinconvenantelesoirdelaréception…–Non,lecoupai-jevivement.Cen’étaitpas…inconvenant.–J’aipasséunbonmomentmoiaussi,avoua-t-ilensouriantlargement.Jeluisourisàmontour,baissantlégèrementleregard.Unsilencegênés’installaetAndrewBlake
seraclalagorgepourlebriser:–Aurais-jedonclachancedepasserunesoiréeavecvous?–Non,souris-jeenrosissant.–Jereformule:aurais-jelachancedepasserunesoiréeaveclaconciergedecethôtel?–Je…–Notezque je restedansuncadrestrictementprofessionnel.Déontologiquementparlant,vousne
pouvezpasrefuser.Jerisdoucement,heureusederetrouverl’hommedepouvoirquejeconnaissaismaintenant.
–Jevoussouhaiteunebonnejournée,M.Blake,éludai-jeensortantdesasuite.–Vousaussi,Kathleen.Oh!Kathleen?m’interpella-t-ilalorsquejerefermailaporte.–Oui?–M.Perkinsm’aautoriséàvousréquisitionnercesoir.Jevousattendsdansmasuiteà20heures.Jemepétrifiaisurplace.Ilretournadanslesalonetjel’entendisrire.–Cetterelationprofessionnellemeplaîtdéjà!lança-t-il.
***
Lesoirmême,aprèsavoirpassélajournéeàmerongerlessangs,jegagnailePeninsulaavecunebouleauventre.Jemesentaisnauséeuse,nerveuseetsansaucuncontrôle.JeneprismêmepaslapeinederejoindreSam,Lynneétaitchargéedeprendrelerelaisenmonabsence.
Entremblant,j’enfilaimaveste,réajustaiinutilementmonbadgeetfinisparabandonnertoutespoirderassemblermescheveux.Jeleslaissairetombersurmesépaules,mefustigeantd’êtreaussifaible.Jenesavaismêmepascequ’ilmevoulait,etj’étaisentraind’angoissercommeuneidiote.
Ilavaitencoregagné.Jemecachaisderrièremarelationprofessionnelleetluis’enservaitpourmecontrer.
Je traversai lehall en ignorant sciemment le regarddeLynne surmoi. Jegrimpaidans la cabined’ascenseuretappuyaisurleboutondu19eétage.
Lesmainsmoites et le cœurbattant, je toquaidoucement à laportede la suited’AndrewBlake.Comme ce matin, il m’ouvrit, raccrochant sèchement son téléphone alors que je franchissais le seuild’entrée.
–M.Blake,lesaluai-jepoliment.–Kathleen.Vousêtesenavance,constata-t-ilenregardantsamontre.–Je…Toutesmesexcuses,jenevoulaispasêtreenretard,marmonnai-je.–Avancez,jevousenprie,m’intima-t-ilenmedésignantundesfauteuilsdusalon.Jem’assis,prenantsoindenepasm’installerconfortablement.Jevoulaisresteralertefaceàlui,et
medétendren’allaitpasm’aideràmepréserver.Jerestaidoncauborddusiège,crispéeetscrutantlemoindremouvementd’AndrewBlake.Ilsedirigeaverslebaretnousservitdeuxverres.Ilm’entenditunquejeregardaiavecsuspicion.
–Dujusdepommes.Jecroismesouvenirquevousaimezça.–Merci,murmurai-jeenprenantleverre.Ilbutunegorgée,sonregardrivéaumien,avantd’ôtersavesteetdedéfairesacravate.Ilouvritles
deuxpremiersboutonsdesachemise,et labouledenervositéquejeressentaisdepuissonannoncedumatindoublainstantanémentdevolume.Iljetavesteetcravatesurlecanapéfaceàluiets’installaprèsdemoi.Jefrissonnailégèrementavantdecachermontroubledansmonverredejusdefruits.
–J’aibesoindevosservicespourfaireunchoix.–Quelgenredechoix?l’interrogeai-je.–Unchoix…féminin.Uncadeaupourtoutvousdire.Je me figeai, serrant mes doigts autour de mon verre. Le souffle court, je fixai ses prunelles
étincelantes.Moncœurs’emballaanormalementpendantquejeréfléchissaisàtouteallure.–Bien.Commentpuis-jevous aider ? articulai-jepéniblement. Jepeuxvous conseiller certaines
boutiqueset…–Laboutiquevientànouscesoir.Maisj’avaisbesoind’unmodèleetjesaisdéjàquevousserezà
lahauteur,sourit-il.–Oh…Trèsbien,acquiesçai-je,perdue.–Cecidit,aprèsnotredernièresoiréeensemble,jenepensaispasdevoirnégociervotreprésence.
–Jevousl’aidit.Jesouhaitem’enteniràunerelationstrictement…–Professionnelle…Oui, j’ai compris.De toute évidence, j’ai été trop…présomptueux, dit-il en
accentuantlederniermot.Lesouvenirdesonmotaccompagnantlesrosesmerevintentête.Êtreson«exception»denouveau,
sansconditioncettefois.Jemecachaiànouveaudansmonverre,m’autorisantunesecondederéflexion.–J’aiappréciévotregeste,murmurai-je.–J’aiappréciévotrecompagnie.J’aimeraisjuste…renouvelerl’expérience.–Pourquoifaites-vousça?Je…Jenefaispaspartiedevotremonde…–Monmondeétaittriste,Kathleen.Etpuis,ilyaeuvous.Il me fit un faible sourire, presque contrit, et j’y répondis aussi doucement que possible. Ma
nervosité s’estompa un peu, laissant place à autre chose. Peut-être une forme de compassion ou detendresse.Jem’enfonçaiunpeudanslefauteuilsanstoutefoismelaissercomplètementaller.
–Vousêtessi…différente.Vousn’agissezpascommejem’yattends.–Parcequejevousdemandeunerelationprofessionnelle?–Peut-être.C’estjusteque…j’ailasensationdevousconnaître.–Je…euh…Monsieur…Ilmejetaunregardfroid,m’interrompantaussitôt.–Andrew,repris-jeplusdoucement,jesuisflattée,mais…– J’aime quand vousm’appelez parmon prénom.Le «M.Blake » est tellement… impersonnel,
sourit-il.–Jen’aipaschangéd’avis,soulignai-je.–Jesais.Vousêtestellementtêtue,s’amusa-t-il.Maisj’aimequevouscampiezsurvospositions.–Pourquoi?–Parcequejevaisdevoirtoutfairepourvousrallieràmacause.–Votrecause?répétai-jeencontenantunriretandisqu’ilselevait.–Unebonnecause,ajouta-t-ilenseplaçantderrièremonfauteuil.Moi,précisa-t-ilensepenchant
pourchuchoteràmonoreille.Jemetournaipourtenterdeluirépondremaisilavaitdéjàdisparudanssachambre.Uncoupfut
donnécontrelaporteetAndrewBlakeretraversalesalonpourallerouvrir.Jefinismonverred’untrait,encoresouslechocdemaconversationaveclui.
Sacause…Sonmot…Sonsourire.Ilmesemblaitquetouttourbillonnait,m’entraînantsurlecheminque jenevoulaispasprendre.Jedevais tenir.PourDan,pour l’hôteletsurtoutpourmoi-même.Iln’yavaitrienentreBlakeetmoi.Encoreunefois,ilprenaitplaisiràsejouerdemapersonne.Lesforcesmerevenaientprogressivementetjesecouailatête.Jedevaismereprendre.
Jemelevaidufauteuil,lissaimavesteetredressailatête.AndrewBlakerevintdanslapièceetmefit un léger sourire. J’y répondis avec encore une trace de gêne avant de sentirmon ventre se tordre.Soudain,ilyeutcettesensationinédite.Jemecoupaidumonde,perduedanssonétincelantregard.Moncorpsseliquéfia,mesjambessemirentàtrembleretmoncœurs’affola.
Jefermaifurtivementlesyeux,tentantderefoulercemalaise,envain.QuandBlakeposasamainsurlebasdemondospourmeguiderdanslapièceprincipaledelasuite,lebrouillardsedissipalégèrementetmoncorpsrepritvie.
Jemarchaissansvraimentm’enrendrecompte.L’intégralitédemesconnexionsnerveusescoïncidaitversl’endroitoùlamaindeBlaketraînait.
–Dois-jevousprésenterKathleen?lança-t-ilàl’hommefaceàlui.–Katetmoinousconnaissonsdéjà.Toujoursprisedansmonmarasme,jelevailesyeuxverslavoixprofondeetrauquedel’homme.En
lereconnaissant, jemefigeai totalementet lasensationdouce-amèred’êtredansunebrumecotonneuse
refluadansl’instantpourlaisserplaceàlapanique.–BonsoirKat,mesaluaNelsonentendantsamainversmoi.Jelesaluaipoliment,regardantalternativementlevisagedeBlake–plutôtsatisfaitdesamiseen
scène–puisceluideNelson,quitentaitderéprimerunsourire.Auseindel’hôtel,nousappelionsNelson«l’hommequivalaittroismilliards».Ilavaitunaccès
plutôtlibreauPeninsula,allantetvenantaugrédesdemandesdesclients.Demandesqui,généralement,serévélaientonéreusesetextravagantes.
NelsonétaitlereprésentantdelamaisonCartier,s’occupantexclusivementdesclientsVIP.–Jevousenprie,installez-vous,proposaBlakeenluidésignantunfauteuilprèsdupiano.Nelson s’exécuta, son sourire moqueur ne quittant pas ses lèvres. Mes mains étaient moites et
j’avais envie de fuir cet endroit. J’avais déjà refusé un cadeau de la part de Blake, et il n’avaitfranchementpasapprécié.Puisj’avaisacceptésarobeetcraignaisd’avoirouvertlaboîtedePandore.Maintenant,ilneconnaissaitplusaucunelimite.
Le vendeur ouvrit sa petite valise noire, révélant un échantillon de la dernière collection. Unensembledecolliers,braceletsetbouclesd’oreillestrônaientsuruntissurougevif.Avecdélicatesse,illesécartaet,justeaprèsavoirdéballéunmiroirovaleetuntapisdeveloursnoir,nouslesprésenta.
Blakemeguidaversledeuxièmefauteuil,quifaisaitfaceaupremier.Aprèsavoirjetéunœilauxbijoux,ils’installanonchalammentsurl’accoudoirdemonsiège,conservantunestressanteproximité.Jemefrottailesmainssurmajupe,cherchantunesolution.
–Voyez-vousquelquechosequivousplaît?medemanda-t-ildoucement.–Je…euh…Toutest…superbe,bégayai-jeenrougissant.–Jetrouveaussi.– Il faut les essayer, proposa Nelson avec un sourire. Cela vous donnera un point de vue plus
intéressant.Lanervositémegagnatotalementetjecroisailesbrassurmapoitrinedansunevainestratégiede
défense.Blakesesaisitde l’undesbracelets,magnifiqueetbrillant,pendantqueNelsoncommentait :« Diamants et or blanc. » J’inspirai profondément, pendant que les doigts de Blake saisissaientdoucementmonpoignet,meforçantàdépliermesbras.
–N’oubliezpasquevousdevezmedonnervotreavis.–Pourquiest-ce?demandai-jenaïvement.–Àvotreavis?Àquipuis-jeoffrircegenredecadeau?sourit-iltoutenglissantlebraceletautour
demonbras.Sesdoigtseffleurèrentmapeau,bougeantdoucementlecercledediamantsautourdemonpoignet.
Objectivement,jenepouvaisnierqu’ilétaitsuperbe,maismonattentionétaitfocaliséesurlemouvementprécisetcaressantdesdoigtsd’AndrewBlakesurmoi.Jefrissonnailégèrement.
–Ilvousvatrèsbien,murmuraBlakeenlevantlesyeuxsurmoi.–Iliraitàn’importequi,souris-je.–Jenepensepas.L’élégancenes’improvisepas,etjesaisquevousêtesélégantedanstoutceque
vousfaites.Ilretiralebraceletdemonbrasetlereposasurlatable.Mapeaumepicotaunpeuetjefrottaimon
poignetdansunexcèsdestress.Toujoursassisprèsdemoi,Blaketenditlamainetattrapaunepairedebouclesd’oreilles.
–Notre nouvelle collection : les orchidées. La partie supérieure en onyx, la partie inférieure endiamant,commentaNelson.
–Ellessonttrèsdiscrètes,renchéritBlakeenfronçantlessourcils.–Vouliez-vousquelquechosedeplusimposant?–Jenesaispas…Qu’enpensez-vous,Kathleen?
–Jepensequelebijoudoitrefléterlapersonnalitédelafemmeàquivousl’offrez,murmurai-jelagorgenouée.
UnsouriresedessinasurleslèvresdeBlake.Ilobservalesbouclesnichéesdanssapaumeavantd’étoufferunrire.
– Discrète, en effet. Et élégante, ajouta-t-il en plantant ses yeux dans les miens. Toujours trèsélégante.
Jerougisviolemment,quittantsesyeuxpournepasperdrepied.LafaçondontAndrewBlakemeregardait n’était ni dérangeante ni désagréable. Juste perturbante et étrangement familière. Il bougealégèrementetjem’ajustaiàsaposition.Tournéversmoi,ilpritunedesbouclesetrepoussamescheveuxdansmondos.
Ilpassa lebijouetmit le fermoiravantdeplacersamainsurmanuque,maintenantmescheveuxécartés.
–Trèsjoli,murmura-t-il.Samainseserraautourdemoncou.Ilremontalentementversmachevelure,perdantl’extrémitéde
sesdoigtsdansmesracines.Marespirations’accéléraetjehaletaipresquequandilsepenchaàhauteurde mon cou. Son souffle caressa ma peau, me tirant un nouveau frisson. Sa main glissa, longeantl’encoluredemaveste.Sonpouceeffleuralelobedemonoreilleavantdeseplacerjustedevant,tenantmonvisagefermement.
–Qu’enpensez-vous?medemanda-t-ilensaisissantlemiroir.Jeleprisdoucement,l’ajustantàhauteurdubijou.Maisjeneleregardaispas.Jemedoutaisque
cette boucle d’oreille devait être magnifique, que le mélange de diamant et d’onyx devait la rendreunique,maistoutcequejevoyais,c’étaitlamaindeBlakesurmoi.
–Alors?–C’est…très…joli,soufflai-je,lecœurbattant.– Je suis d’accord. Je trouve ça assez prometteur, ajouta-t-il pendant que la pulpe de son pouce
caressaitmapeau.–Eneffet,murmurai-je,écarlate.–Detouteévidence,vousêtesfaitepourporterdesbijoux.Etlenoirressortsuperbementsurvotre
peau.–Nousavonslecollierassorti,sivouslesouhaitez,lançaNelson.Au sonde sa voix, je sursautai,me souvenant de sa présence.Depuis qu’Andrew s’était installé
prèsdemoi,j’étaispresquehermétiqueaureste.Jen’existaisquedansl’espacerestreintdecefauteuil,connectéeàlui.Lesbijouxétaientétalésdevantmoi,scintillantssouslalumièrevive,etpourtant,laseulechosequiattiraitmonregard,c’étaitlui.
–J’aimelecontrasteentrelediamantetl’onyx,appréciaBlake.L’alliancedequelquechosedepureavecquelquechosedesombre.
–C’estvraiquecelapeutsemblerhasardeux,repritNelson,mais…–Trouvez-vousçahasardeux,Kathleen?m’interrogea-t-ilenignorantNelson.–Non…Jetrouveça…original.Jeregardailaboucledanslemiroir.C’étaitbeau.Vraimentbeau.AndrewBlakeretirasamainet
mescheveuxretombèrent,cachantlebijou.Jel’ôtairapidement,lereposantsurlatable,parmilesautres.–Original…Non,jenecroispasquecelaconvienne.–Votreamiefaitdansleconformisme?demandai-je,piquéedecuriosité.–Non.Elleestvraiment…unique,murmura-t-ilenprenantmamain.Ilmefitlever.Jeconstataisquemoncorpsobéissaitaudoigtetàl’œilàcethomme.Ilmerelâchaet
passa derrière moi. Je le suivis du regard, inquiète de ce qui allait encore se passer. Plus la soirée
avançait,plusjecraignaislafindecetterencontre.JejetaiunregardàNelson,quirangeaitlesbouclesdansleurécrin.
JesentislesmainsfraîchesdeBlakesurmanuqueetilempoignamaveste.Denouveau,moncorpsfutextrêmementdocile.Pendantquejemedemandaiscequiluiprenait,letissuglissaitsurmesbras,melaissantenchemisierréglementaire.
–Andrew,murmurai-je,tétanisée.–Pourlescolliers,commenta-t-il.Vousserezplusàl’aise.Quelquessecondesplustard,jesentislecontactfroidd’unbijouautourdemoncou.Lependentif,
successiondebouclesdediamantsetd’orrose,tombadevantmoi.Jepenchailatête,admirantlecollier.Lesdoigtsd’AndrewBlaketravaillèrentderrièremoi,caressantmapeau.Ilsepenchaau-dessusdemonépaule,évitantcettefoistoutcontact,etmedemandademetourner:
–Vouspermettez?Jehochailatête,l’espritcomplètementembrumé.Sesmainsseposèrentsurmonchemisieretilen
défitlepremierbouton.– Nous sommes toujours dans le cadre d’un entretien strictement professionnel, Kathleen, me
rappela-t-ilavecunpetitsourire.–C’estévident…Sinon,jenevousauraispaslaisséfaire.–Le«sanscondition»étaitvraiment tropprésomptueux.Commentai-jepucroirequedesfleurs
voussuffiraient?–Ellesétaientsuperbes.–Maispasaussibellesquececollier,n’est-cepas?Ildéfitunsecondboutonetécartadoucementlespansdemonchemisier.Lependentiftombasurma
peau,senichantàlanaissancedemondécolleté.–N’est-ilpasmagnifique?nousinterpellaNelson.–Lemodèleesteneffetsuperbe,réponditBlakeenmefixant.Votreteintestparfait.Son index longea la chaîne à petits maillons, traçant un chemin brûlant sur ma peau, avant
d’atteindre lependentif. Il le suivit à son tour, entraînantmoncœurdansunecadence infernale. Jememordislesjoues,espérantcalmerlachaleurquis’emparaitdemonventre.Haletante,jefermailesyeux,priantpoursurvivre.Maisilnes’arrêtapas.
Après lependentif, il suivit lecreuxdemesseinset lecaressa furtivement. Jemesentais faible,molle,soudainementfatiguéed’avoirtantluttépourluirésisteretfairebonnefigure.Jeserrailespoings,memaintenantàunecordeinvisible.
Brutalement,lacaressecessa.Ilretirasondoigtetjerouvrislesyeux.Ilétaittoujoursdevantmoi.Les jouesrouges, lesoufflecourtet labouchesèche, je titubai légèrementavantdemeretenirau
fauteuil.–Jecroisquej’aifaitmonchoix,murmura-t-il.Élégance,discrétion…–…unique,ajoutai-jeenm’humectantleslèvres.–Évidemment.Quechoisiriez-vouspourvous-même?–Je…Jen’aipaslesmoyens,marmonnai-jeenessayantdereprendremesesprits.–C’estuncadeau.Dites-moi…Qu’est-cequivous ferait plaisir ? Jenevoudraispas commettre
d’impairaveccettefemme.Del’index,jedésignailesbouclesd’oreillesdevantmoi.–Choixjudicieux,commentaNelsondansunsourireenprenantlesbouclespourlesemballer.–Oui.Cecidit,jecroisquejevaisplutôtprendrelebracelet.–Oh…Commevousdésirez.
Il reposa lesbouclesetprit lebraceletpour leglisserdansunécrinenveloursnoir, rehaussédunomdelamarque.
–Mais…,murmurai-je,presquehagarde.–Mercid’avoirfait lemodèle.Mamèreseraraviedesavoirquevousavezœuvréàsoncadeau
d’anniversaire.–Son…cadeau?Votre…mère?bégayai-je,stupéfaite.–Mamère,oui.Qu’aviez-vousimaginé?Je fronçai les sourcils et tentai de me composer un masque de parfaite indifférence. J’avais la
sensation d’avoir été propulsée du haut d’une montagne russe et me trouvai maintenant en pleineperdition,oscillantentreladétestationetl’enviedeleféliciterpoursonjeud’acteur.
Machinalement, je posai mes doigts sur le collier, toujours autour de mon cou. Je me sentaisincroyablement ridicule.Commentavais-jepume laisserembarquerdanscettehistoire? Ilagissaitenhommeprévenantet,lasecondesuivante,ilétaitjustel’hommepuissantetarrogant.Jepassailamainsurmanuque,tentantdetrouverlefermoir.
–Laissez-moifaire,proposa-t-il.Sansmelaisserletempsderépondre,ilsepenchasurmoietsesmainsentourèrentmoncou.Son
visageàquelquescentimètresdumien,moncœurrepritsonrythmeeffrénépendantquemarespirationdevenaitlaborieuse.Denouveau,jetitubaiet,instinctivement,posaimesmainssursontorsepouréviterdetomber.
Jesentissesmusclessetendrepuis, toutdesuiteaprès,ilétouffaunrire.J’enchaînaivisiblementlesgaffescesoir.Jebaissailatête,fixantmesdoigtscrispéssursachemise.
–Voilàquin’estpastrèsprofessionnel,Kathleen,murmura-t-iltouteneffleurantmoncou.–Retirez-moicecollier,grognai-je.–Unpeudepatience,murmura-t-il.Jeveuxfaireleschosescorrectement.Ilsereculaetreposalebijousurlatable.Ducoindel’œil,jevisNelsonrangersonmatériel.Blake
sedirigeaversluietconfirmasonchoixdubracelet.Jemeréinstallaidanslefauteuil,attendantlafindecettesoirée.Jejetaiunregardàmamontreavantdesoupirer.
–Nousavonsencoreunpeudetemps,sicelavousinquiète,semoquaBlake.–Detouteévidence,mêmesi lesdeuxheuresétaientécoulées,çaneseraitpasunproblèmepour
vous!–Certes.Maisjesuisunpeudéçudeconstaterunetelleimpatience.Lasoiréemesemblaitplutôt
agréable.Il raccompagnaNelsonà laporte, le remerciantde sondéplacement. Ilglissa l’écrindubracelet
dans sapocheavantde reveniràmahauteur. Je fixai sonvisageet, effectivement,notaiunepointedetristessedanssesyeux.
–Jesuiscertainequelebraceletluiplaira,lançai-jepourdétendrel’atmosphèreenmerelevant.–Jepenseaussi.Jedîneavecelledemainsoir.Ledînerpourdeux…Avecsamère.Lesoulagementmeparcourut,maisunepointed’amertumeme
piqual’estomac.J’étaisdéçue.Il y eut un silence pendant lequel ilme fixa avec intensité. Je rougis légèrement,me tordant les
mainsdansunultimesupplice.–Jevaisretourneràmonposte,monsieur.–Andrew,rectifia-t-ild’unevoixsèche.–Andrew,répétai-jedansunmurmure.Soudain,jesentissamainseposersurmajoue,etilmefitleverlevisageverslesien.–Detouteslesfoisoùvousavezprononcémonprénom,jecroisquec’estcelle-ciquejepréfère.
Jesouris,mi-surprisemi-heureuse.Ilavaitretrouvécetéclatdejoiedansleregard.Ilmesouritàsontouret,aprèsavoireffleurémajouedesonpouce,melibéra.
–Mercipourcettesoirée,dit-ildoucement.Jevousraccompagne.Denouveau,commesitoutétaitnormaletrégléentreluietmoi,ilposasamaindansmondosetme
guidajusqu’àlaportedesasuite.–Jevoussouhaiteunebonnenuit,murmura-t-ilenprenantmamainpourlaporteràseslèvres.– Je…Merci…, balbutiai-je en fixant sa bouche juste au-dessus dema peau.Bonne nuit à vous
aussi,Andrew,ajoutai-jeenpassantleseuil.Ilrefermalaportederrièremoietjemarchaidifficilementendirectiondesascenseurs.Jerejoignis
monposte,encoredanslecoton,etretrouvaiLynne.–Dieuduciel,tuauraispuaumoinsterhabilleraprèstaséanceréglementairedesexeaveclui!Jebaissai lesyeuxsurmatenue,constatantquemonchemisierétait toujoursouvertetquej’avais
laissémavestedanslasuite.Jepestaicontremonoublietretournaiendirectiondesascenseurs,sousleregardpétillantdemacollègue.
Devant sa porte, je soupirai un grand coup avant de toquer. Andrew Blake vint m’ouvrir et marespiration s’arrêta instantanément. Si j’avais pu survivre àAndrewBlake en chemise et pantalon detravail,lavisiond’AndrewBlakeenT-shirtetmaillotdebainrisquaitdemehanterlongtemps.
Denouveau,ilavaitsontéléphoneàl’oreille,etsessourcilssesoulevèrentenmevoyantrevenir.–Je…J’ai…Maveste,expliquai-je,rougecoquelicot,toutenmedirigeantverslefauteuiloùelle
reposait.–Parfait,Janet…Tiens-moiaucourant.JesentisleregarddeBlakesurmoi,undemi-sourireaccrochéàseslèvres,pendantquejerenfilais
maladroitementmaveste.–Votrecol,murmura-t-ilendésignantmonchemisiertoutendécalantsontéléphone.Lesdoigts tremblants, je fermai lesdeuxboutonsqu’ilavaitouvertsetmeruaiendirectionde la
porte.–Jet’embrasseaussi.EmbrasseDavidpourmoi,reprit-il,lesyeuxtoujoursrivéssurmoi.–Toutesmesexcuses,marmottai-je.–Jedoistelaisser.Uneurgence…professionnelle,sourit-ilavantderaccrocher.Je l’entendisposer son téléphonealorsque je sortaisde la suite. Je couruspratiquement jusqu’à
l’ascenseur,espérantm’ycacherauplusvite.J’appuyaifrénétiquementsurleboutond’appel,prianttousles dieux que je connaissais pour qu’il arrive au plus vite. Maudissant l’ascenseur de ne pas être àl’étage,jetapainerveusementdupied.
Derrièremoi,j’entendislaportedelaPeninsulaserefermer,puisdespasétouffésparlamoquetteépaissevenirversmoi.
–Celavousdérange-t-ilsinouspartageonsl’ascenseur?demandaBlakeensepostantprèsdemoi.–Euh…non.J’appuyaidenouveaucommeunefollesur leboutond’appel,cherchantàcanalisermanervosité.
Malgré tous mes efforts pour résister, mon regard était appelé par l’homme près de moi. Je louchaidiscrètement vers lui, constatant qu’il avait revêtu un bas de jogging et qu’il fixait les portes del’ascenseur. Quand enfin le « ding » résonna, je me précipitai à l’intérieur, oubliant toute forme depolitesseenversmonclient.
–Êtes-voussipresséederetrouvervotreposte?s’amusa-t-ilenmeregardant.–Oui.J’ai…dutravail,mentis-je.Je tapai de nouveau du pied, levant les yeux vers le décompte des étages.Cet ascenseur n’avait
jamaisétéaussilent.–Commentvavotrepetitami?demanda-t-ilbrutalement.
–Bien.Ilest…envisite…chezunami.–Oh…Vousêtesdonc,commentdire,libre?–Ilrevientaprès-demain,intervins-je.Nousallonsauthéâtre.–Ya-t-ilunmoyendevousenempêcher?–Nosplacessontréservées,soufflai-je,atterréeparsademande.–Jeneparlaispasduthéâtre.Jeme tournaivers lui, scrutantsonvisage. Ilétait sérieux.Vraimentsérieux.Lesoufflecoupé, je
secouailatête,nesachantpasquoirépondre.–Alors?demanda-t-ildenouveau.Est-cepossibledevousenempêcher?–Ilyadesfaçonspluscourtoisesdedemanderàunefemmedesortiravecvous!–Kathleen,nemefaitespascroirequevousaccepteriezdesortiravecmoisijevousledemandais.–Doncvouspréférezl’idéequej’écarteDanpour…vous.–Çaseraittellementflatteur.J’éclataiderire,deplusenplusstupéfaiteparsafaçond’agir.Ilpenchalatête,visiblementsurpris
luiaussiparmaréaction.Nousarrivionsaurez-de-chausséeetj’enétaissoulagée.Lesportess’ouvrirentetjesortisdelacabine,toujoursamuséeparsonpointdevue.Ilmesuivitetagrippamamainpourmeretenir.
–Vousn’avezpasrépondu,sourit-ilenmefixant.–Etjeneleferaipas.C’étaitincroyablementdéplacéetmalvenu.Mêmepourvous.–C’estunnonalors?–Complètement, ris-je de nouveau.Vous devriez revoir vosméthodes pour inviter une femme à
sortir.Ilme relâcha et ses yeux s’assombrirent. Je reculai légèrement,me rappelant soudain qu’il était
aussiunclientdel’hôtel.– Je vais y penser,murmura-t-il. Par quoi devrais-je commencer selonvous ?mequestionna-t-il
sérieusement.–Paréviterlesmoyensdétournés.–Oh…Doncvousledemanderdirectementpourraitfonctionner?–J’oseespérerqu’ilnes’agitqued’unequestionrhétorique,m’étonnai-je.–Pasvraiment.Répondez-moi.–Jesorsavecquelqu’un.–Etçavousempêchederépondreàmaquestion?Quelgenrederelationentretenez-vousaveclui
aujuste?Denouveau,ilpenchalatête,separantd’unsourireironique.Jen’aimaispassamanièred’agir,safaçondejugerlemoindredemesagissements,deparasiterma
vieetd’enfaireunenferpermanentdèsqu’ilvenaitici.– Oui, ça peut fonctionner ! assénai-je en ignorant volontairement sa dernière remarque. Et pas
qu’avecmoi,ajoutai-jeenespérantêtreclaire.–Pourl’instant,iln’yaquevousquim’importez.Et sur un dernier sourire, il me contourna et partit sur la gauche pour rejoindre la piscine.
Estomaquée,jerestaifigéedanslehall,fixantstupidementlemurblancfaceàmoi.Aprèsquelquessecondes,jeretrouvaiLynne,passablementagacéed’êtreencoreautravailàcette
heure.– Je suis trop épuiséepour te soumettre à un interrogatoire,mais il faudraque tume rendesdes
comptesunjour.–Franchement,iln’yarienàdire.
–Kat,jesuispeut-êtrefiancée,maisjenesuispasaveugle.AndrewBlakeestl’hommeleplussexydelaville,peut-êtremêmedel’État,etilnesouritqu’àtoi!
–Beaucoupdemesclientsmesourient,Lynne.–Etcombienteconvoquentdansleurchambre?–C’estjustedel’arrogance.Iladumalàcasersonegodanscettemonstrueusesuite.–Ilsepasseuntruc,Kat.Tupeuxleniertantquetuveux,j’airaison!–Parfait!Jel’admettraiquandtuadmettrasquej’airaisonausujetdePhilip.Elleouvritlabouche,prêteàriposter,avantdeplisserdesyeux.–C’estuncoupbas!–Jesais…MaisjesorsdedeuxheuresdelutteavecBlake,etilfautcroirequ’ildéteintsurmoi!–C’estunemanièredétournéedemedirequevousvousêtesfrottésl’unàl’autre?–Rentrecheztoi,Lynne!luiordonnai-jeenluicalantsonsaccontresapoitrine.–Tuneveuxpasrépondre?–Tusaisquoi?Tut’entendraisàmerveilleavecBlake!Vousêtesaussitordusl’unquel’autre!Elleritdoucementetm’embrassasurlajoueavantdequitterl’hôtel.Malgrétousmesefforts,j’eus
touteslesdifficultésdumondeàmeconcentrersurmontravail.Aussi,quandAngelam’apportaunthé,jeluifusreconnaissantequ’ellenemeposepasdequestions.D’unepart, jemesentaisépuiséepar toutecettesoirée,etd’autrepart,jen’auraissûrementaucuneréponseàluioffrir.
CHAPITRE12
À6h30 tapantes, j’entrai dans la suitedeBlake avec son cafématinal. Je fus surprisequ’il nem’ouvrepasmais,enentendantlebruitdeladouche,jecomprispourquoi.J’enprofitaipourdéposerleplateausurlatableenvitesse,maistrébuchaiettombaidansmaprécipitation.Alorsquejedétestaislesobjetsdes’êtreliguéscontremoi,jemeredressaipéniblementsurmesmains.
–Êtes-vousblessée?s’inquiétaunevoixprèsdemoi.–Justedansmafierté,grommelai-je.Ilmepritlecoudeetm’aidaàmerelever.Caléecontresoncorps,encorehumidedesadouche,je
soupiraidoucement.–Toutvabien?Vousêtessûre?demanda-t-ildenouveauenscrutantmonvisage.–Oui…Je…J’aijuste…trébuchébêtement.Ilmerelâchaetjem’écartaidelui.Soncorpschaudmemanquapresqueinstantanémentetjebaissai
lesyeuxpournepasmelaisserdistraire.–Jevoussouhaite…–Kathleen,jevoulaism’excuserd’avoirétésigrossierhiersoir.Maremarqueétaitdéplacéeet…–Jevousenprie,balayai-jerapidement.Cen’étaitrien.–Non,cen’étaitpasrien,mecoupa-t-ildoucementpendantqu’ilrelevaitmonmentonduboutde
sonindex.Jevousl’aidéjàdit,jenecherchepasàvousmanipuler.Ilyeutuncourtsilencependantlequelilmefixaavecuneintensiténouvelle.Lentement,jevisson
visageserapprocherdumien.Maconsciencem’ordonnaitdefuircetendroit,dem’écarterauplusvite,maismoncorpsétaitattiréparlesien,aimantépardudésiretdelarage.
Je retrouvai son regard brillant. Avec émotion, je m’aperçus que le masque d’arrogance avaitdisparu.Ilétaitsincère,vraietjustedevantmoi.
–Je…Jedois…partir,balbutiai-jeenmereculantpourfuirverslaporte.–Kathleen,attendez,jedoisvous…–Bonnejournée,M.Blake!lançai-jeautomatiquement.Jeretournaiàmonposte,unebouled’angoissenichéeaucreuxdel’estomac.Jenesavaisplusquoi
faire,quoidire,nicomment réagir.Hiersoir, je ledétestais.Etvoilàquemaintenant…jen’yarrivaisplus.Jesecouailatêteetcommandaiunexpressoserrépourmeremettrelesidéesenplace.
***
À7heuresdumatin,Danmesurpritenentrantdansl’hôtel.Maismonsourires’effaçatrèsvite.Sesyeux sombres et son visage fermé annonçaient qu’il était dans unmauvais jour. Il avança versmoi à
grandesenjambéeset,àpeinearrivéàmahauteur,lançaunjournalsurmonbureau.–C’estquoiça?medemanda-t-ilfermement.Jeprislequotidien,découvrantl’exemplaireduNewYorkTimesoùjefigurais.J’avaiscruéchapper
àsacolèreenluicachantlavérité,maismaintenantellesemblaitdécuplée.–Dan,cen’estpascequetucrois,débitai-jeaveclepeudecalmequimerestait.–Vraiment?Je trouveunephotodemapetiteamiedans le journal, je lisqu’elleest«uneamie
d’AndrewBlake»,maiscen’estpascequejecrois!–Jesuisalléeàcetteréception,mais…Jememordis la langue. Est-ce que je pouvais encore luimentir et lui dire qu’il ne s’était rien
passé?Au-delàdubaiserchastequej’avaiséchangéaveclui,ils’étaitvisiblementpasséquelquechosecesoir-là.Unesensationindéfinissable,unlienpresqueinvisiblequimeconnectaitdésormaisàlui.
–C’étaitpourletravail,dis-je,honteuse.–Kat,s’ilsepassequelquechoseaveclui,jeveuxsavoir.Jeveux…–Rien…Blake n’est rien pourmoi. Je t’en prie, il faut que tume croies. C’est juste un client,
ajoutai-jeencontournantlebureaupourlerejoindre.Sesmâchoiressedécrispèrentlégèrement,maisjen’arrivaispasàcaptersonregard.–Dan,s’ilteplaît.Je pris sesmains dans lesmiennes,m’approchant autant que possible de lui. La colère semblait
irradierdesoncorpsetjenesavaispassij’arriveraisàl’apaisercettefois.Jemecalaidanssesbras,espérantquemonétreintesuffiraitàleconvaincretotalement.
–Je…Jet’aimebeaucoup,Kat,murmura-t-ilenm’entourantdesesbrasmusclés.–Moiaussi.Maisilfautquetuaiesconfiance.–C’estenluiquejen’aiaucuneconfiance!riposta-t-ilaussitôt.– Il serapartidansquelques jours.D’ici là, laisse-moiagiraumieux.Et tu te rappellesdenotre
week-end?lequestionnai-jeavecjoie.–Jeneveuxpasêtreunsecondchoix,Kat.–Tun’asaucuneraisondet’inquiéter.Alors,ceweek-end?–Cettehistoiredepeaudebêteetdecheminée?–Exactement.Cettepeaudebêtemeséduitfinalement,soulignai-jeavecunsourire.Jeposaimeslèvressurlessiennesdansunbaiserfurtifetilmeserracontrelui.Lehalldel’hôtel
n’étaitpasl’endroitidéalpourdeseffusions.Jem’écartaidonc,indiquantàDanquemonservicefinissaitdansuneheureetquej’allaislerejoindrechezlui.
–Jevaisplutôtt’attendre…ettefairelaconversation!plaisanta-t-ilens’installantdevantmoi.–Commetuveux.Tonpèreestarrivé?–Jelerécupèreàl’aéroportversmidietensuitejelejetteauYankeeStadium.–Yaunmatchcesoir?–Demain.Alorsque j’allaisdemanderplusdedétails,AndrewBlake, un sourireparfaitmais forcé sur les
lèvres,apparutdevantmonpupitre.Danreculalégèrement,seperdantdanslalectureduNewYorkTimesdanslequelj’apparaissais.
–M.Blake,quepuis-jepourvous?–Toutuntasdechoses,j’ensuiscertain,sourit-ilenmefixantdroitdanslesyeux.Jeréprimaiungémissementetmesmusclessetendirent.Jen’étaispasencoreremisedemavisite
danssasuite,etencoremoinsdemaconversationavecDan.–Maispourlemoment,jevaismecontenterdechosesabordables.Untaxi,jevousprie,demanda-t-
ilenappuyantsesavant-brassurmonpupitre.
Je fis un geste rapide en direction du groom pour qu’il fasse arrêter un taxi. Blake dégaina sontéléphoneportabledevantmoietilmesemblaqu’ilconsultaitsonplanning.
–Mamère arrive ce soir.Mais je pense que vous aurez déjà pris votre service. Pourriez-vousl’accompagneràlatablequej’airéservée?
–Sansproblème,monsieur.–J’espèrequesoncadeauluiplaira,ajouta-t-ilenmefaisantunclind’œil.JecoulaiunregardversDan.CedernieravaitlâchésonjournaletobservaitBlakeavecunelueur
decolèredanslesyeux.Jepriaipourqu’ilsetienneetéviteunscandale.Ilserralesmâchoiresetdonnauncoupviolentsurmonpupitre.
–Ilfautquej’yaille!assénamonpetitami.–Maisjecroyaisque…–Jevaistelaisserfinirtonservice,mecoupa-t-ilsèchement.Onseretrouveaumêmeendroitque
d’habitude?–Je…euh…Oui,balbutiai-je.Maistuvasaustadeavectonpèreensuite?–Jenesaispas.Lesplacesvontêtrechères…Àtoutpointdevue,ajouta-t-ilenriant.Maismon
pèreestunhommepleind’espoir,persuadéqu’ilpeutnousdégoterdesplaces.–Commentça«nous»?m’étonnai-je.Maisenfin,Dan,nousdevionsallerauthéâtre,râlai-je,pas
heureusedepasseraprèslesYankees.–Etnousirons,merassura-t-il.Franchement,iln’yaaucunechancequemonpèrenoustrouvedes
tickets.Gardenotreréservation,etaprèslapiècejet’amèneaurestaurant.J’opinai,rassuréeparsonsourireéblouissant.Ilrecula,puisquittal’hôtelsansunmotdeplus.Mal
àl’aise,jeretournaimonattentionsurBlake.Jen’avaisjamaisappréciédemedonnerenspectacle,etdevantunclient–ceclient–c’étaitencorepire.
–Ilaraison,gardezvosplacespourlethéâtre,cellespourlesYankeesvonts’arracheràprixd’or,commenta-t-iltoutenpianotantsursontéléphone.
–Mêmes’ilavaitdesplaces,jesaisqueDanviendraitavecmoiauthéâtre,dis-je,confiante.–J’aicommelasensationquevoscentresd’intérêtsontlégèrementdivergents,ironisa-t-il.–Absolumentpas.Puis-jefaireautrechosepourvous?–Sortiravecmoiesttoujoursexclu?s’enquit-iltrèssérieusement.–Plusquejamais!–Danscecas,non.Vousnepouvezplusrien.Legroommesignalal’arrivéedutaxietjedonnail’informationàBlake.–Parfait.Àcesoir,Kathleen.–Àcesoir,M.Blake.Ilcomposaunnumérosursonportableetentamauneviveconversation.Jedevinaistoutdemême
qu’il appelait son collaborateur le plus proche, Nathan, semoquant éperdument qu’il soit victime dudécalagehoraire.
Ilsedirigeadoucementverslaportetambour.–Ilfautquetum’aides,lâcha-t-ildansunrire.Oui,maintenant.Etnon,celanepeutdécemmentpas
attendre!ajouta-t-ilensetournantversmoi.
***
Prèsd’uneheureaprèsmonarrivée,AnnahBlakeseprésentadevantmoi,splendidedansunerobenoireluiarrivantjusteendessousdugenou.
–Kathleen,jesuisraviedefaireenfinvotreconnaissance!seréjouit-elle.
Interdite, je la fixai tandis qu’elle tendait versmoi unemain aux ongles parfaitementmanucurés.Décidément,j’avaisprispourhabitudedesnoberlesBlake.
–MmeBlake,lasaluai-jepolimentensaisissantfinalementsamain.–J’aivuvotrephotodansleNewYorkTimes,expliqua-t-elle.–Oh!Cettephoto!dis-jeavecunsourire.– Cette photo, oui. Enfin une femme qui soutire un vrai sourire à mon fils. Je suis très
impressionnée.Parailleurs,Andrewnetaritpasd’élogesàvotresujet.–Ildoittrèscertainementexagérer,soufflai-je,mortifiée.– Faites-moi plaisir et laissez-le faire. Cela fait des mois que je n’ai pas vu mon fils aussi…
heureux.Avez-vousdesenfants?–Non,madame.– C’est généralement le vœu des mères : que leur enfant soit heureux. Je suis ravie que vous
partagiezsavie.Son regardpétillant et sa libertéde tonme figèrent.Ellepensait réellementque j’entretenaisune
relationavecsonfils.–MmeBlake,jecrainsqu’ilyaitunmalentendu.J’accompagnaisvotrefilsàcetteréception,mais
n’yvoyezriendepersonnel.Ilresteavanttoutunclient.Ilyeutuncourtsilencependantlequelellemefixa,incrédule.Jen’auraissudiresiellesesentait
plusgênéequestupéfaite.Visiblement,ilyavaitvraimentunmalentendu.–Jepensaisque…Enfin,surcettephoto,vousalliezsibienensemble!–Non,madame.Jevousaccompagneàvotretable?ajoutai-jepourdisperserlemomentdemalaise
entrenous.–Kathleen…–Kat,lacoupai-jerapidementencontournantmonpupitre.–Jenevoulaispasvousmettremalàl’aise.–Nevousinquiétezpas.C’estplutôtlaspécialitédevotrefils.Elleritdoucementetsecoualatête,sûrementaurappeld’unvieuxsouvenir.Puis,soudain,elleme
fixaetmesouritavecsatisfaction.–Kat,jeneveuxpasvouseffrayer,maisjecrainsqu’ilnes’agissequed’uncomportementhabituel
pourmonfils.Ilaimetourmenterlesgens.–Oh…Jel’aicompris,rassurez-vous.Jefaisdésormaisdemonmieuxpourcontrersesattaques.–Nefaitespasça!s’amusa-t-elle.–Etpourquoi?–J’ail’impressionquevousluiplaisezbeaucoup.Kat,laseulechoseàcraindred’Andrew,c’est
sonindifférence.Plusvousleprovoquerez,plusvoussusciterezsonattention.–Jeneleprovoquepas,medéfendis-je.–Vousluiplaisezetvousleconsidérezcommeunsimpleclient.Danslemonded’Andrew,c’estde
la provocation. Mon fils s’entoure de peu de personnes, sa confiance est… difficile à gagner. Il estparticulièrementbutéetilsaitcequ’ilveut.
Elleorientasonregardversmoi,mefaisantinstantanémentrougir.–Si vous espérez vous débarrasser demon fils en « contrant ses attaques », vous vous trompez
lourdement.Bientôt,ilrefuseradequittervotrevie.Ellemefitunsourirecompatissant,presquecoupable,etnousgagnâmeslerestaurantdanslesilence
lepluscomplet.Undenosserveurslaconduisitàsatableet,aprèsunderniersourire,jeregagnaimonpostedanslehall.
J’eus à peine le temps de valider les réservations à venir queBlake apparut devantmoi, un sacCartier à la main. Le souvenir de la soirée d’essayageme revint en tête et je souris malgrémoi. Je
m’étaisvraimentfaitavoircommeuneidiote.–J’aiaccueillivotremèreetl’aifaitinstaller,ilyaenvironvingtminutes,annonçai-je.–Vingtminutes?Dites-moiqu’elleétait enavance ! Jedétestequandellemesermonnesurmon
impolitesse.–Elleétaitenavance,eneffet,lerassurai-je.–Bien.Commentsuis-je?medemanda-t-ilenrelevantlatêtepourquejepuissevoirsoncol.–Parfait.Commed’habitude,ajoutai-jeavantdem’apercevoirquej’avaisparléplusvitequemon
cerveaunemel’ordonnait.–Méfiez-vous,jeprendsrapidementgoûtauxcompliments.–C’esteneffetcequevotremèrem’adit.Ilfronçalessourcilsetunsilencecomplices’installaentrenous.–Dois-jem’inquiéterd’autresconfidencesdemamère?–Non.Ici,c’estunpeucommechezlemédecin,lesecretprofessionnelprime.–Oh…DonccequisepasseauPeninsularesteauPeninsula?s’enquit-ilenpenchantlatêteavec
amusement.–Eneffet,soufflai-jedansunnouveaurougissement.– Je crois que je suis définitivement sous le charme… de cet hôtel, compléta-t-il alors que je
pâlissais à une vitesse hallucinante.Bonne soirée,Kathleen ! lança-t-il en s’éloignant en direction del’ascenseur.
Souslechoc,jefixaisasilhouette.Samèreavaitraison.Plusj’entraisdanssonjeu,plusilentraitdansmavie.Maisc’étaitmadernièrenuitdetravail.Mesplanspourlelendemaintenaientenunmot:Dan.
***
DanetmoidevionsnousretrouverauPeninsulaenvironuneheureavantlapièce.Pourl’occasion,j’avaisrevêtuunepetiterobenoire,maintenueautourdemoncouparunnœuddesatin.Lamoitiédemondosétaitdoncnue.Parexpérience,jesavaisqueDanaimaitcetterobe,quejetrouvaisàlafoissexyethabillée. Je voulais que cette soirée n’appartienne qu’à nous. J’avais besoin de sa chaleur et de saprévenance.
Jem’installaiaubar,discutantavecAngela.Jescrutaislaported’entrée,asseznerveuse,espérantnepastombernezànezavecBlake.Sonplanningindiquaitundîneràl’hôteletjecraignaisdelevoirdébarquerici.
Aprèsdixminutesd’attente,jem’impatientaisérieusement.Danavaitpréciséqu’ilseraitàl’heure,quittantsonservicesuffisammenttôtpournotrerendez-vous.Je tiraimontéléphonedemonsacàmainmaisconstataiavectristessequ’iln’avaitpasappelé.
–Kathleen!Quellebonnesurprisedevoustrouverici!Nem’aviez-vouspasditquevousalliezauthéâtrecesoir?
–Eneffet,marmonnai-je,déjàagacée.Je regardai de nouveau mon téléphone, puis tournai la tête vers la porte. Il fallait qu’il arrive
maintenant.–Unverredecabernet,jevousprie,commandaBlakeprèsdemoi.–Toutdesuite,monsieur.–Puis-jem’installerprèsdevous?J’opinai,deplusenplusnerveuseetagacéeparlasituationquiseprofilait.SiDanmetrouvaiten
pleineconversationavecBlake,lasoiréeseraitruinée.–Qu’allez-vousvoir?demanda-t-ilpendantqu’Angelaluiramenaitsonverre.
–UnepiècedeWildesurBroadway.–Vousallezfinirparêtreenretard,dit-ilenjetantunœilàsamontre.–Nousprendronsuntaxi,éludai-jerapidement.N’aviez-vouspasundînerdeprévu?–Si…Dansvingtminutes.Maismesplanssontajustables.–Voilàquin’estpastrèssympathiquepourvotreinvité.–Jesuisponctuel.C’estmameilleurearme.–Ilvaarriver,grognai-jeenmetournantdenouveauverslaporte.–Peut-êtrea-t-ileuunempêchement?proposaBlakeensirotantsonverre.Jeprisunegorgéeduvinblancquem’avaitserviAngela.Cettedernièreavaiteuladiscrétionde
nouslaisserseuls.–Vousêtestrèsélégante,murmuraBlakeensepenchantversmoi.–Je…euh…Merci.Je vérifiai mon téléphone, espérant y voir un message rassurant de la part de mon petit ami.
J’envisageaiunbrefinstantd’allerdirectementauthéâtreetluidemanderdem’yrejoindre.–Mamèreabeaucoupaimésoncadeau.–Ah…Je…Jesuisraviepourelle.Lebraceletétaitsuperbeeneffet.–Etilauraitétéencoreplusbeausurvous,chuchota-t-ilenposantsamainsurlamienne.Jeplantaimesyeuxvibrantsdecolèrecontenuedanslessiens,espérantqu’ilcomprendraitquece
n’étaitpaslemoment.Lanervositéfitplaceàlapaniqueetmoncœurpartitdanssondésormaishabituelmarathon.AndrewBlakeme fit un demi-sourire et, les yeux rivés sur lesmiens, portamamain à seslèvresetl’embrassadoucement.
–Nettementplusbeau,commenta-t-ilenlareposantdoucementsurlebar.–Dannevapastarder,soufflai-jesansvraimentycroire.–Laissez-moiprofiterdecetinstantavecvous.Quisaitquanduntelmomentsereproduira?–Vousn’avezpasplanifiévotreprochainséjour?–Pasencore.J’attendsd’avoirplusd’élémentsenmainpourm’organiser.Jenevoudraispasfaire
unaller-retourpour…rien,ajouta-t-ilenquittantmonregard.Mon ventre se tordit douloureusement. J’avais pris l’habitude de sa présence ici. Et même s’il
m’horripilait, même s’il était d’une arrogance sans nom, j’aimais le savoir ici. J’aimais être à sonservice.J’aimaisluiapportersoncafélematin,justepourappréciersonsourire.
–LePeninsulaseraravidevousaccueillirdenouveau,tentai-je.–LePeninsula,jesais.Maisvous?–Jetravailleici,donc…–C’estàvousquejeledemande,pasàlaconcierge.Jebaissai lesyeuxsurmesmainsquientouraientmonverreàpied.LeretarddeDanielpassaau
secondplan.Cequim’importaitpourlemoment,c’étaitdesavoirs’ilallaitrevenir.–J’enseraisravieaussi,Andrew,avouai-jeenrougissant.–Sanscondition?s’enquit-ilavecunsourireheureux.Jeluifisunfaiblesourire,hésitantesurlaréponseàluidonner.J’avaisvraimentenviedeluidonner
raison. Mais d’une part, je n’approuvais pas ses méthodes à mi-chemin entre le mensonge et lamanipulation,etd’autrepart,j’avaisDan.
–Jevaisprendreçapourunoui.Vousaurezmaréservationfermedemainmatinpourdansquinzejours.
–Vousn’avezjamaisenvisagéd’allerailleurs,n’est-cepas?–Oùpourrais-jeallerquandvousêteslà?D’autantplusquandvousêteslà,sanscondition.–Vais-jeencorerecevoirdesfleurs?plaisantai-je.–Jevousoffrelaboutiquesivousledésirez.
–Ya-t-il,encebasmonde,quelquechosequivousarrête?–Àmaconnaissance,rien…Maisj’attendsunedernièreconfirmationpourêtrevraimentconfiant.Je fronçai les sourcils, cherchant à comprendre. Blake reprit de son vin et je sursautai presque
quandmontéléphonesonnaenfin.–C’estDan,dis-jeàBlakeenprenantl’appel.–Leretardataire,ironisa-t-il.Je levai lesyeuxaucieletposaimon indexsurmes lèvrespour lui intimerdese taire.Blakese
concentrasursonverrependantquejeluitournaisledospourrépondreàDan:–Oùes-tu?luidemandai-je,denouveauénervée.–Kat,monpèreaeudesplacespourlematch.–Quelmatch?m’agaçai-je.–CeluidesYankees.Jet’enaiparléhier.–Maisjecroyaisqu’ilavaitattendupourrien!criai-je.–Moiaussi…Maisilaparticipéàunconcoursàlabilletterieetilagagné!m’annonça-t-il,très
enthousiaste.–Etdonctumeplantespouralleraustade?râlai-je.–Kat!–Dan,jesuisàl’hôtel,jet’attendsdepuispresquevingtminutesettuviensdem’apprendrequetu
vasvoirunmatchavectonpère!–Kat,ils’agitjusteduhasard…Papaaeudelachance,çaseraitdommagedenepasenprofiter.Derrièremoi, j’entendis Blake nous commander un second verre. Je pivotai surmon siège et le
regardai.Ilsemblaitperdudanssespensées,fixantsonverre,presquestatufiésursontabouret.–Jesuisdésolé,mabeauté…Maisc’estpromis,jeseraiàtoitoutleweek-end.–Dan,soupirai-je.Je…Jesuisdéçue,c’esttout.–Tunem’enveuxpas?demanda-t-ilavecunetracederemordsdanslavoix.–Non…Vavoirtonmatch.Tupassesdemainmatin?–Sansfaute.Je raccrochai après l’avoir embrassé. J’étaisdéçue,mais je savaisqu’ilvoulaitpasserdu temps
avecsonpère.Nousaurionstoutnotretempspendantnotreweek-endenamoureux.Jeprisunegorgéedemonverredevin,tentantd’oubliermadéception.–Plantéepourunmatch?Onpeutdirequevotrepetitamiestd’unerareélégance!railla-t-il.–Cen’estrien.Nouspassonsleweek-endensembledetoutefaçon.–Àsaplace,jen’oseraispasvouslaissernonaccompagnée.D’autantplusdanscettetenue,ajouta-
t-ilenjetantunœilsurmarobe.–Jesaismedéfendreseule.Etcen’étaitpasfranchementprévu…Sonpèreaeudelachanceeta
gagnédesplaces.–Jevois,souffla-t-ilpendantqu’unsouriresedessinaitsurseslèvres.Je l’observaiun instant.Quelquechoseavait changé. Il s’était redresséetm’examinait, le regard
pétillant.–Décidément,cethommeabeaucoupdechance,lâcha-t-ildansunsourire.–Sonpère,corrigeai-je.Etçanem’empêcherapasd’allerauthéâtre.–Oh…Jevaisdoncprofiterdecette…soiréedechance.Puis-jevousaccompagner?–Andrew,jenecroispasque…Sonpetit sourireencoinm’interrompit instantanément.Cen’étaitpas lachance,c’était lui…Les
billets,l’absencedeDan…Ilavaitencorejouédesonpouvoir.–Vousavezosé?m’écriai-jeavecrage.–Jevousdemandepardon?
–Voussaviezquejetenaisàcettesoirée,vousétiezlàquandDanaparlédecematch.–Kathleen,jenevoispasdutoutdequoivousparlez!sourit-il.–Ravalezvotresourire,Blake.Jen’arrivepasàcroirequevousayezgâchécettesoirée!Ivrederage,jedescendisdemontabouretetfilaiendirectionduhall.Derrièremoi,j’entendisses
pasrapidestandisqu’ilm’interpellait,criantmonprénompourquejem’arrête.Ilfinitparmerattraper,me saisissant par le poignet, etm’entraîna dans un recoin.Acculée contre lemur,muepar la rage, lesoufflecourt,jeplantaimonregarddanslesienalorsqu’ilappuyaitsesmainscontrelemur,departetd’autredemonvisage.
–Pourquoifaites-vousça?grognai-je.–Parcequevousnemelaissezpaslechoix!–Ilyaquantitédefemmes,rienquedanscetteville,quiseraientprêtesàembrasserlesolquevous
foulez…Fichez-moilapaix!–Sortezavecmoi.–Horsdequestion!–Sortezavecmoi,répéta-t-il,sûrdelui.Sortezavecmoietjeprometsdevouslaissertranquillesi
vousnesouhaitezplusmerevoirensuite.J’éclataiderire.J’étaisdansunecolèrenoireetcethommemeproposaitenfinunesolutionpourme
débarrasserdelui.Sesyeuxvertjademefixaientavecintensité.Sonsouffleétaitcourtet,malgrémoi,jenotailachaleuretlapressiondesoncorpscontrelemien.
–Jenepeuxpascroirequevousmefassiezunepropositionhonnête!lâchai-jedansunrictus.–Mespropositionsonttoujoursétéhonnêtes.Maisvousêtessûrementlafillelaplustêtuequeje…–D’accord,murmurai-je.–D’accord?répéta-t-il,abasourdi.–D’accord.Unesoiréeetensuitevousmelaisseztranquille.–Sivousêtesdéçue,meprévint-il.–Vousnedoutezjamaisdevous?demandai-jependantqu’ilreculaitetmelibéraitdesonemprise.–Çaseraitmalmeconnaître,sourit-il.Latensiondesoncorpssemblasedissiperpeuàpeu.Sesépaulessedétendirentetlestraitsdeson
visageserelâchèrentdansunsourireheureux.–Oùexactementalieulareprésentation?–Jen’aijamaisditquecettesoiréeauraitlieucesoir!rétorquai-je.Ilplantasonregarddans lemienet jemedécidaiànepas lâcher lapremière. Ilavaitgagnéune
manche,maisjeneluidonneraispasleplaisirdesavourersarécompenseimmédiatement.Jeréajustailepetitgiletquicouvraitmesbras,ignorantl’étincelled’amusementdanssesyeux.
–Vousêtesunefinenégociatrice.–Jenefaisqu’exploiterlesfaillesdevotreaccord.–Bien.Jevousl’accorde.Jevoussouhaitedoncunebonnesoirée.Il hocha la tête,me saluant rapidement, et se dirigeavers les ascenseurs.Surprise, j’observai sa
longue silhouette s’éloigner. J’avais gagné… contre lui ! Je me retins de lever les poings au ciel etattendisdevoirlesportesdel’ascenseurserefermersurlui.Jerécupéraimonétoleaubar,saluaiAngelaetfilaiauthéâtre.
L’absencedeDanielmerevintenmémoireenvoyantlesiègevidesurmagauche.MacolèrecontreBlake avait tout surpassé, même ma déception qui reprenait maintenant le dessus. Je regardai monportable,ytrouvantunmessagedeDandisantqu’ilétaitdésoléetqu’ilmeréservaitunesurprisepourleweek-end.Monsourirerevintàl’instantoùlerideauseleva.Aprèsquelquesminutes,uneouvreusevintmedemandersilaplaceàcôtédemoiétaitlibre.Jerépondispositivementetretournaiàlapièce.
À la fin de la troisième scène, je perçusdumouvement près demoi. Je regardai surmagauche,pestantcontre le retardataire,avantdemefiger.Mêmeaumilieude l’obscurité,mêmeaumilieude lafoule, jereconnaissaissonregardvertétincelant.Sonparfumboiséflottaitautourdemoiet ilcalaseslonguesjambessouslesiègedevantlui.
–Kathleen,quellebonnesurprise!–Mais…Maisqu’est-cequevousfichezici?m’écriai-jeàvoixbasse.–Maislamêmechosequevous,jeviensprofiterd’unepiècedethéâtre.Il reporta son attention sur la scène, arborant un sourire satisfait. Furieuse, je ruminai dans ma
barbe,hésitante sur laconduiteà tenir. J’auraispuquitter la salle,mais la fuiten’étaitpas la solutiondevant lui. Jecroisai lesbras surmapoitrineetmeconcentrai sur la scène. Jene le laisseraipasmegâcherencorepluscettesoirée.
Aussirefusai-jedebouger,entraînantunelégèrecrispationdouloureusedansmanuque.J’observaislascène,lesacteurs,riaismécaniquementenentendantlafoulerireetapplaudissaismollementàlafindesactes.
–Allez-vousm’ignorertoutelasoirée?m’interrogeaBlakeaumilieudutroisièmeacte.–Jelecrains,murmurai-jesansprendrelapeinedebouger.–Jenevoulaispasvouslaissersortirseule.–J’ysuishabituée,commentai-jeenhaussantlesépaules.–Lajoliefemmequevousêtesmérited’êtreescortée.Dieuseulsaitquelgenred’hommedétraqué
vouspourriezrencontrer!–Votregenrepeut-être?sifflai-jeenmetournantfinalementverslui,auborddelarupture.Jevous
avaispourtantdit«pascesoir».Unefemmedevantnoussetournaetnouslançaunregardmauvais.Jem’aperçusquej’avaishaussé
lavoix.–J’avaisbiencompris.Cemomentdélicieuxquejepasseavecvousn’estenaucuncaslerefletde
lasoiréequejevousréserve.–Vousêtesimpossible,conclus-jeaveclassitude.Quandjepensequevousavezfaitensorteque
Danailleaumatch!–Kathleen,dites-moisijemetrompe,maisilavaitlechoixnon?–Je…–Lematchouvous,mecoupa-t-il.J’avouequej’aidumalàcroirequ’ilaitpréféréunesoiréeavec
son père à une soirée avec vous. Personnellement, je ne me serais pas posé la question, ajouta-t-ilvivementenprenantmamaindanslasienne.
Interdite, je le laissai faire, perdue dans le brouhaha des applaudissements autour demoi. Dansl’obscuritéambiante,jenevisquesonregardbrillanttandisqu’ilportaitmamainàseslèvres.
–Ceseraitvous,sanshésitation,chuchota-t-ilsurmapeau.Ilm’embrassadoucement,presqueàhauteurdupoignet,etmejetaunregard.Lamêmesensationde
paralysiequim’avaitsaisiedanssachambremeparcourut.Jenesentaisplusmesmusclesetmoncœurse mit à battre la chamade, prêt à exploser dans ma poitrine. Devant mon absence de réaction, ilpoursuivitsacaresse,laissantseslèvreschaudestraînersurmapeaujusqu’àlanaissancedemesdoigts.Denouveau,illevalesyeuxversmoi,attendantuneréactionderejet.Maisrien…Mamainmepicotait,mais ce que je ressentais dans le creux de l’estomac était mille fois meilleur. Je serrai les lèvres,étouffantungémissementindécent,etAndrewBlakeembrassamonindex,saboucherestantsurmapeaupluslongtempsquelenécessitaitunbaiser.
Jefermailesyeux,mecoupantdumondeextérieur,etilembrassamonmajeur.Ladoucesensationdansmon estomac se propageaversmapoitrine et une chaleur intensemegagna.Les joues en feu, jebougeaisurmonfauteuil.J’aimaisça.J’aimaislesentirsurmoi,j’aimaislecontactdeseslèvres.
Au troisième effleurement, je tremblai un peu. Je rouvris les yeux, trouvant le regard sombred’Andrew.Ilm’observaitavecenvieetdésirtandisquemoncorps,quinem’appartenaitplusvraiment,se liquéfiait. Jecomprisbrutalementquecelam’avaitmanqué.Depuisnotrebaiser,moncorpsn’avaitplusressentiunetelleviolence.MêmequandDanmetouchait,cen’étaitrienfaceauraz-de-maréequejesubissais.
Jepoussaimamaincontresabouche,faisantdurerunpeupluslongtempscecontact.Seslèvresnequittèrent pas ma peau et rejoignirent mon petit doigt. Le souvenir de son index glissant sur mondécolleté,desamainsurmanuque,desonsoufflesurmapeau,mepercutaet jem’affaissaidansmonfauteuil,ravagéeetàboutdeforces.
–Vous,sansaucundoute,souffla-t-ilavantdereculermamaindeseslèvres.Complètementramollieparsacaresse,jeneluttaisplus.Lebourdonnementautourdemois’estompa
et je regardai de nouveau la scène. La foule rit brutalement – sûrement à une bonne réplique que jen’avaispasentendue–etlesacclamationsrésonnèrent.
Anesthésiée, jen’applaudissaispas.J’avais tropbesoindesentirsamaindans lamienneet jenevoulaispasprendrelerisquedelalâcherpournepaslaretrouver.
La finde la représentationsedérouladansunbrouillardcomplet.Moncorps ressemblaitàde laguimauve. Je me sentais désarmée et presque dépossédée.Mon cerveau avait cessé de fonctionner àl’instantoùsesdoigtsavaienttouchémapeau,etmaboucheétaitcomplètementdesséchée.Alorsquelerideautombaitdevantmoi,jejetaiunœilànosdeuxmainsliées.
Jefronçai lessourcils,cherchantàcomprendrecommentjepouvaismelaisserfaire.Trèsvite, jesus qu’il ne s’agissait nullement dema volonté,mais que ce comportement était dicté parmon corps.Toutecetteragequej’entretenaiscontresesmensonges,contresesabusdepouvoiràrépétitions,toutceressentimentdisparaissaientdèsqu’ilmetouchait.
–Allons-y,murmura-t-ilenmelibérant.Ilselevadesonfauteuilet,d’ungestedubras,m’intimadeledevancer.Avecunsourire,j’avançai
maladroitement,heurtantmongenoucontre lefauteuil,etm’engageaidans l’allée.Blakemefixaitavecintensitéet,alorsquejepassaisprèsdelui, ilposasamaindanslecreux,désormaisfamilier,demondos.
Nous gagnâmes la sortie et, enmoins d’uneminute, une berline noire se gara juste devant nous.Toujoursperduedans lecoton, jegrimpaià l’arrièreduvéhicule,oublieusede toutesmes résolutions.Blakeymontaàsontouret,aprèsm’avoirjetéunbrefcoupd’œil,indiquaauchauffeurdenousconduireauPeninsula.
–Àmoinsquevousnepréfériezque jevous raccompagnechezvous?proposa-t-il eneffleurantdoucementmamain.
Brutalement,jesortisdematranse.Jeretiraivivementmamainetmereculaileplusloinpossibledelui.Caléecontrelaportière,jevissonsourires’effacerpendantquelavoiturezigzaguaitàtraverslacirculation.
–Kathleen,dit-ilaveclassitude.–Àl’hôtel,çaseraparfait,lâchai-jeensongeantquenousarriverionsplusvitelà-basquechezmoi.–Pourquoiêtes-voussiencolèreaprèsmoi?–Parcequevouspassezvotretempsàmanipulerlesgens!–Vousm’envoulezencorepourcettehistoiredebilletpourlematch?s’amusa-t-il.–Non.Pourvotrefemme.Unsilencedeplombs’abattitdanslaberlineetjemesentissoudainenpositiondeforcefaceàlui.
Jetentaiunregardenbiais,maisilavaitlatêtetournéeverslavitre,observantsanslesvoirlesvoituresensensinverse.Sonvisageétaitéclairédemanièrealéatoireparlespharesdesautresvéhiculesetleslumièresdelaville.
–Pourquoinem’avez-vousriendit?demandai-je,auborddel’implosion.–Parcequec’estsansimportance.–Sansimportance?Vousnem’avezjamaisdétrompéequandjevousparlaisd’elle.Voussaviezque
jevouspensaismarié.–Votrepassédejournalistevousdessert.Voussautezauxconclusions.–Vousportezvotrealliance,vousm’avezditquevousl’aimez…Jenesautepasauxconclusions,
m’énervai-je,jenefaisquepensercequevousvoulezquejepense.–Kathleen,lamortdemafemmen’estplusvraimentunsecret.Jeneveuxjustepasenparler.Voir
les regards emplis de pitié de tout le monde m’est insupportable. Penser à elle m’est insupportable.Parlerd’ellem’estinsupportable,avoua-t-ilalorsquelafureurlegagnait.
–Alorspourquoin’avoirriendit?–Parcequeparleravecvoussansavoiràgérerçaétait,«est», rectifia-t-ilautomatiquementen
tournantsonvisageversmoi,vraimentagréable.Savoixseradoucitetjemedétendis.Jereprismapositioninitiale,quittantlecreuxdelavitrepour
m’adossercomplètementàlabanquette.Jetentaidereprendreunerespirationnormale,maislalourdeurdel’atmosphèreetlafureurcontenuedeBlakem’enempêchaient.
–Vousauriezdûm’enparler,murmurai-jedansunetentatived’apaisement.–Aunomdequoi?asséna-t-ilavecméchanceté.–Parhonnêteté.Il ricana doucement et passa une main nerveuse dans sa chevelure sauvage. Puis il desserra sa
cravateetdéfitlepremierboutondesachemise.–J’oubliaisvotreattraitpourlesvaleurséculées.–Ellesvousplaisentaussi,ilmesemble.–Jeneveuxpasparlerd’elle.–Parcequ’ellevousmanque?tentai-je.–Parcequejeveuxl’oublier.Etparcequenosmomentsensemblesonttrop…précieuxpourêtre
gâchéspartoutça.Elleadéjàcauséassezdedégâtsdansmavie,jenevoulaispasqu’elledétruiseunedesrareschosesquicomptentaujourd’huipourmoi.
Ilplantasesyeuxdanslesmiensetlafranchisequej’ylusmestupéfia.Toutelacolèrequej’avaiscontreluis’effaçapourlaisserplaceàdelamélancoliemâtinéedetendresse.Ilvoulaitmeprotégeretprotégernotre…relation.
–J’ailongtempsvécudansleregret,Kathleen.Leregretdemafemme,denotremariageetdemavied’avant.
–C’étaitjusteunaccident,murmurai-jeavecdouceur.–Vousavezfaitvosrecherches,constata-t-ilavecunsouriretriste.–Ellesn’ontpasététrès…fructueuses,soulignai-jeensongeantaupeud’informationsquej’avais
récolté.–Unsimpleaccident.Çafaitdeuxansquejevisavecça.–Andrew,vousnedevriezpasculpabiliserainsi.– Peut-être… Mais dernièrement, on m’a dit de profiter de la vie. Un jour, je suis rentré au
Peninsula,tristeetsombre.Coupabletoujours.–Je…–Kathleen,cequejeveuxvousdire,c’estquevouscomptezpourmoi.Vousêtesrare,précieuseet
unique,ajouta-t-ildansunsourireheureux.Quandj’aicomprisquevousneconnaissiezriendemavie,jen’aipasvoulubriserça.
Ildésigna l’espacevideentre luietmoi.Ça.Nous.Notre relation.Sesmanipulationsdiversesetmesvainestentativespouryéchapper.
–Mais…pourquoi?Pourquoinem’avoirriendit…Je…Jenecomprendspas.–Kathleen,pourlapremièrefoisendeuxans,jen’aipasvudelapitiédansunregard.Jen’étais
plusAndrewBlake,millionnaireéploré,justeAndrewBlaketentantd’attirerl’attentiond’unefemme.–Personnen’estaucourant,assurai-jeenposantmamainsurlasienne.–MêmepasMlleHoffman?s’étonna-t-il.–Non.Votretravailpourlimiterlesfuitesaformidablementfonctionné!lefélicitai-jeavecchaleur.Il tourna de nouveau le visage vers la vitre et sesmâchoires se crispèrent. Le silence refit son
apparition,apaisantàlafoissacolèreetlamienne.Jecomprenaiscebesoind’êtreunautre.Lafuite,lasolitude,l’enviedehurlerfaisaientpartiedemonquotidiendepuistroislonguesannées.Etj’avaisréussi.J’étais laconciergedecegrandhôtel, travaillantdenuit,aspirantàsuivreuneformededestin,faisanttoutpourmettredecôtésonpassé.
Mamaintoujourssurlasienne,jemerisquaiàlapresserunpeu,yaccrochantmesdoigts.Ilregardadenouveaumonvisage,puismamain,et lapressaenretour.Je lefixaiavecunpetitsourire,espérantqu’iln’yverraitpaslafameusepitiéqu’ilnesupportaitplus.
Quand ilme sourit en retour, jeme sentis fondre.Mon cœur fit un bond dansma poitrine et unfrissonagréablemeparcourut,longeantmacolonnevertébrale.
–Puis-jevousdemanderunefaveur?m’interrogea-t-il.–Jevousenprie.–Celavavousparaîtreinconvenant,maisj’aimeraisvousinviterdansmasuite.–Cen’estpasinconvenant…Justeprésomptueux,ris-jeensecouantlatête.–Jesaisquevousavezunpetitami.Etmêmesij’aidumalàcroirequ’ilaitpréféréunmatchàune
soiréeavecvous,j’aicomprisqu’ilcomptaitpourvous.J’aijusteenviedediscuter.J’acceptai sa proposition après une petite seconde d’hésitation. Je hochai la tête et il pressa de
nouveaumamain.Sonvisagesebarrad’unsourireheureuxetsoulagé.Jesourisaussi,constatantàquelpointêtreheureuxlerendaitencoreplusbeau.
Nous arrivâmes enfin à l’hôtel et un des voituriers ouvrit ma portière. Andrew se précipita àl’extérieurduvéhiculeetmerejoignit,m’offrantsamainpoursortiretmarcher jusqu’à laporte.Nouspassâmesdevantlaréception,etentrâmesdansl’ascenseur.
–J’aimoiaussiunefaveuràvousdemander,lâchai-je.–Toutcequevousvoulez!–Laissez-moiorganisernotresoirée.J’aidéjàuneidéesur…–Non.–Non?–Vousnevouliezpasdecettesoiréeetmaintenantvousvoulezavoirlamainmisedessus?–Andrew,vousdevriezapprendreàavoirconfiance.–Etsic’est…indécent?sourit-il.Jeluijetaiunregardnoiretilétouffaunrire.–Ahoui…Lepetitamiannulede faitcettepossibilité.Àmoinsquevousne jouiezsur lesdeux
tableaux?–Lesvaleurséculées,vousvoussouvenez?râlai-jepourlaforme.–Ahoui.Parfait.Faveuraccordée.Jevousécoute.–Pardon?–Dites-moicequiestprévu!–Pourunefois, jepensequ’unpeudesurprisenevous ferapasdemal.L’imprévumanquedans
votrevie,memoquai-jealorsquenousatteignionsle19eétage.–Jenepeuxqu’êtred’accordavecvous!acquiesça-t-ilàmagrandesurprise.Jesortisdel’ascenseur,Blakejustederrièremoi.
–Vraiment?Jesentissonsoufflechauddansmoncouetsamainentouramataille.–Vousêtesmondernierimprévuetdetouteévidence,vousmanquiezàmavie,chuchota-t-il.Jetournaimonregardverslui,notantlesourirequasimentinvisiblequiornaitseslèvres.Ilglissa
sonpassedanslaserruredelasuiteetyentra,m’invitantàlesuivre.Jegagnailesalon,pascertainedepouvoir gérer une conversation seule avec lui. Qui plus est, une vraie conversation, sans prétextefallacieuxpourm’attirerici.
Perduedansmespensées,j’avançaiversl’immensebaievitréequidonnaitsurlaville.Leslumièresscintillaient devantmoi. J’eus une pensée furtive pourDan.S’il apprenait que j’avais passé la soiréeavecAndrewBlake,danssasuite,jamaisilnemelepardonnerait.Laculpabilitémetiraillal’estomaceteutgaindecause.Ilfallaitquejerentrechezmoi.
Jeme tournai etmon regard fut happépar la silhouetted’Andrew raccrochant le téléphonede lasuite.Nosyeuxsecroisèrent,etilcomprit.
–S’ilvousplaît,Kathleen…–Jenedevraispasêtrelà.Cen’estpas…honnête.SiDanl’apprend…–Commentl’apprendrait-il?–Peuimporte.Jeneveuxpasavoiràluicacherça.… Encore, ajoutai-je pour moi. Un nouveau mensonge, même par omission, serait de trop. Je
n’arrivaisplusàjonglerentrelui,Blakeetmoi.J’avançaiverslaporte,maisilseplaçadevantmoi,mebarrantl’accès.
–Andrew…–Vousn’avezrienàcraindre,murmura-t-il.Etjeviensdecommanderduchampagne.Jesoupirai,tentantd’oublieràquelpointilm’attirait.Ilavaitraison,jen’avaisrienàcraindrede
lui.Cequejeredoutais,c’étaitlesréactionsimprévisiblesetviolentesdemoncorps.J’avaiseubesoindegardersamaindanslamienneauthéâtre,maintenantquenousétionsseuls,jeredoutaisd’envouloirplus.
–Jenevousdemandepasdeuxheures,sourit-il…Justeunpeudetemps.Ils’approchademoietjesentismoncœurs’emballerfrénétiquement.L’odeurdesonparfumflottait
autourdenous,m’étourdissantlégèrement.Monventresetorditavantdesecalmer,tandisqu’unedoucechaleurremontaitdansmondos.Jefixaisonregardbrillant,couleurémeraude.Toujoursfigée,j’opinaisans argumenter. Je détachaimon regard du sien,me concentrant sur le triangle de peau que révélaitl’ouverturedesachemise.
Mesyeuxnaviguèrentlégèrementetquandilbougeadenouveaupourmecontourner,jelesuivisduregard, devinant sous sa chemise immaculée le mouvement de ses muscles dorsaux. Des années denatationluiavaientsûrementpermisdedessinerparfaitementsoncorps.C’étaitbeau,harmonieux,ettrèsagréableàregarder.
Ilposasesdoigtssurlehautdemongiletetletiradoucementpourm’endébarrasser.Letissuglissalelongdemesbrasetiljetamonvêtementsurlesiègeprèsdelui.Sesmainsretrouvèrentmesépaulesnuesetilcaressamapeauaveclenteur,passantleboutdesesdoigtssurmesbras.Jefrissonnai,maisnefuispas.Ilatteignitmesavant-bras,mespoignets,puismesmains.Nosdoigtss’entremêlèrentetjefermailesyeux,ravagéeparlaculpabilitéetledésir.
Jereculaid’unpas,heurtantsontorseferme.Ils’adaptaàmaposition,letissufraisdesachemisefrottantcontremondosnu.Aprèsquelquessecondesd’oubli,ilsedétachademoietm’attiradenouveaudanslesalon.
–Nebougezpas,murmura-t-ilavantderetourneràlaportepourréceptionnersacommandeduroomservice.
Ilnepritpaslapeinedelaisserentrerlegroometpoussalui-mêmeladessertedevantlacheminée.Dansunsilenceangoissant,ilnousservitduchampagneetm’entenditunecoupe.
–Àcettesoirée,souffla-t-ilenfaisanttintersonverrecontrelemien.La respiration courte et le corps en feu, je pris une gorgée. Pendant que je buvais, ses yeux
trouvèrentlesmiensetjemanquaidem’étouffer.C’étaittrop.Jenecontrôlaisplusrien:nimoncorpsnimes pensées, et surtout pas lui. Chaque fois que j’osais le regarder, j’étais hypnotisée, ramollie etpresqueagonisante.
–Àcettesoirée,répétai-je.Mavoixn’était plusqu’unchuintement.Moncœur frappait dansmapoitrine commesi j’étais en
pleinmarathon.Lachaleurdansmondossepropageadansmanuque,puisàmondécolleté.J’osaiunpasvers lui et il posa samain fraîche surma joue brûlante. Jem’accrochai au tissu de sa chemise,m’yagrippantdetoutesmesforces.J’étaiscertainedetombersijenemeretenaispasàlui.
Jelevailesyeuxdanssadirection.Illuttait.Jeluifaisaisface,jemetenaisàlui,jetremblaiscontrelui, mais son corps était tendu. Il résistait à ses envies alors que, moi-même, j’étais écrasée par lesmiennes.J’imitaisongesteetposaimamainsursa joue, le rassurantd’unecaresse. Ilbaissa lesyeuxversmoi,perdudanssalutte.Sessourcilssefroncèrentetj’attiraiseslèvrescontrelesmiennes.
Jeprislacoupedechampagned’entresesmainsetlaposaiprèsdelamienne,surlatable.Jejetaiun regard vers son visage et, toujours pantelante, réitéraimon baiser. Je pressaima bouche contre lasiennependantquejemaintenaistoujourssonvisageauplusprèsdumien.Quandjereculaidenouveau,sonregardavaitchangé.Mamainretombaetjesentissoncorpssedétendrecontrelemien.Unsourireenjouésedessinasurseslèvresetsonvisagesevoilad’incrédulité.
–Pourquoi?demanda-t-ildansunsouffle.–Renouvelerl’expérience,répondis-jeenrougissant.L’incrédulités’effaçaetunejoiepureetintenses’emparadesestraits.Sesyeuxbrillaientetjeme
misàsourire.Soudain,jesentissesmainsprendremonvisageencoupeetseslèvress’écrasèrentsurlesmiennes.Nosdeuxsouriresseperdirentdanslabouchedel’autreetjeposaimesmainssursataille.Seslèvreschaudesbougèrentlentementsurlesmiennes,puisjesentissalanguelongermalèvreinférieure.Jegémiscontreluietmelaissaiemporterparlavaguededésirquis’abattaitsurmoi.Malèvreseretrouvaprisonnièredessienneset,lasecondesuivante,ilinvestitmaboucheavecprudence.Ilseretenaitencore,prenantdoucementsesmarques.
Notrebaiserétaittendre,maisintense.J’entendisunpetitgrognementsecoincerdanssagorgealorsquemesmainsbougeaientdans lebasdesondos.Jecalaimoncorpscontre lesien,mehissantsur lapointedespiedspourmultiplierleszonesdecontact.Sesmainsquittèrentmonvisagepourretrouvermeshanches. Sa langue s’enhardit légèrement, prenant un rythme plus soutenu, jouant contre la mienne,possédantmabouche.Jelelaissaifaire,appréciantqu’ilselaissealleravecmoi.
Tropvite,ilrompitnotreétreinteetsoudasonfrontaumien.–Je…Jen’aipasfaitça…depuiselle,chuchota-t-ilcontremabouche.Jeveuxdire…embrasser
quelqu’un,précisa-t-ilalorsquelesrouagesdemoncerveauseremettaientàfonctionner.Jefermailesyeux,rejetantlahonteetlaculpabilité.Jel’avaisembrassé.J’avaisembrasséAndrew
Blake, un client. Un autre homme que mon petit ami. Mais ce n’était pas le plus effrayant. Le pluseffrayant,c’estquej’avaisaiméça.
Je me détachai de lui et lui tournai le dos, faisant face au panorama de la ville. Alors que jereprenais une respiration normale, je sentis le souffle d’Andrew Blake sur ma nuque. Toutes mesbarrières volèrent quand son corps se pressa contre lemien. Il embrassa doucement le creux demonépaule,metenantcontreluienplaquantsesmainssurmeshanches.Moncorpss’embrasalentementetjebasculailatêteenarrièrepourlesentirauplusprès.Ilm’embrassadenouveauaumêmeendroitavantdelaissersaboucheparcourirlapeaudemonépaule.
J’oubliail’endroitoùj’étaisetl’environnementautourdemoi.Rienn’existaitplusquelesilenceetlepicotementdemapeauà l’endroit où ilm’embrassait. Il remonta sur le longdemoncou. Jegémislourdement,enroulantfinalementmonbrasautourdesanuquedansunaccèsdepossessivité.
–Andrew,murmurai-jeensentantmoncœurtressaillir.Jemetournaiverslui,retrouvantseslèvresdansunbaiserdévastateur.Ilm’attiraauplusprèsde
lui,meserrantdanssesbrasàm’enfairepresquemal.Ilm’embrassaàsontouraveclamêmepassion.Quandils’éloignademoipourreprendresonsouffle,sesyeuxétaientd’unvertprofond,presquenoir.Ilrepoussa mes cheveux derrière mon épaule, mais toujours avide de le sentir, j’attrapai sa main etembrassaisapaume.
Après un dernier regard, où il guettamon accord pendant que j’attendais le sien, je retirai meschaussures à talons, les jetant loinderrièremoi.Andrewme sourit largement et attrapamamainpourm’entraîner vers le canapé.Mes genoux heurtèrent le meuble et je m’effondrai dans le moelleux descoussinsdansunéclatderire.Andrews’installaprèsdemoietpassasonpoucesurmeslèvres.
–J’aimeça,murmura-t-il.Tonrire,précisa-t-il.Je ris de nouveau, de nervosité et d’angoisse.Mais très vite, Andrewme fit taire, reposant ses
lèvres sur lesmiennes. Sa langue pénétra aussitôtma bouche et il grogna d’une façon que je trouvaisincroyablementsexy.Etjetrouvaisencoremieuxdesavoirquej’étaiscellequiluifaisaitceteffet.Mesmainss’enfouirentdanssescheveuxpendantquejem’allongeais.Ilsuivitmonmouvementet,soncorpsappuyécontrelemien,embrassamoncouetlehautdemondécolleté.
Lecorpsenfeu,jerelâchaisachevelure,parcourantsondos.Sesmusclessetendaientaucontactdemesmains,maisletissum’empêchaitdelesentircomplètement.Àhauteurdesataille,jetiraidoucementsursachemisepoursentirsapeaucontrelamienne.Satêtenichéedanslecreuxdemonépaule, ilmemordillalégèrementetjeravalaiuncouinementpresqueindécent.
Mais je n’abandonnai pasma tâche et parvins à ôter sa chemise de son pantalon. Il souleva leshanches, m’aidant un peu, et je plaquai mes paumes contre ses reins. Au même moment, ses mainslongèrentmes flancs,me tirant un frissonmonumental, et atteignirent le creux demon genou.Dans ungestevif,ilcalamajambeautourdesatailleetsonbassinseretrouvaauplusprèsdumien.Samainrestasurmacuisse,àunedistancerespectabledemonintimité,etilm’embrassadenouveau.
–Restecesoir,murmura-t-il.Savoixétaitsifaibleetsihaletantequejemedemandaissijen’avaispasrêvé.–S’ilteplaît,ajouta-t-ilenredressantsonvisagepourmefaireface.Mes mains toujours dans son dos, je les pressais un peu plus en risquant un sourire complice.
J’ajoutaiunpetitmouvementdetêteetsonvisagesedétenditenfincomplètement.Moncœurexplosadansma poitrine, dispersant des ondes de joie dans tout mon corps. Je posai mesmains sur le col de sachemiseetenouvrislepremierbouton.Ilbaissalesyeuxsurmesdoigts,semblantméditerlebienfondéde lachose.J’ignoraisonregardetouvris lesdeuxboutonssuivantsavantdepassermesmainssur lehautdesontorse.
Brutalement,ils’écartademoietserassitsurlecanapé.Jemeredressaisurmescoudes,lesjouesenfeuetmaroberemontéequasimentjusqu’auhautdemescuisses.
–Qu’…est-ceque…?–Jeneveuxpas…faireça.–Oh.Jem’installaiconvenablementsurlecanapé,remettantenplacemescheveuxdansungestenerveux.
Marespirationdevintdifficile,affolée.–Maistuviensde…–Jeveuxqueturestes,m’assura-t-il.Maisjeneveuxpas…plus.–Pourquoi?soufflai-je,presquedésespérée.
–Jetel’aidéjàdit:tuesmaseuleexception.–J’aimeça,murmurai-jeenreprenantsespropresmots.–Jeneveuxpasquetuaiesdesregretsdemainmatin.Etjeveuxquetumeconnaisses,ajouta-t-ilen
sepenchantversmoi,unairsérieuxsurlevisage.Il y eut un petit silence, ni tendu ni angoissant. Il attendait juste mon accord.Mais ce qu’il me
demandaitdépassaitlecadredecettenuitauPeninsula.Ilvoulaitplus,ilvoulaitcettenuit,lesautresetsurtoutlesmiennes.
–Est-cequeçatesembleacceptable?m’interrogea-t-ilavecunvoiled’inquiétudedanslavoix.–Très,assurai-je.Il sourit largement, heureuxdema réponse.Moncœur repartit deplusbelle, tressautant dansma
cagethoracique,sifortqu’ilmesemblaitl’entendre.Puis,sansquejem’yattende,ilmetirabrutalementsursesgenoux.Jecriaidesurprise,plaquantmesmainssursesépaulescarréespendantquejecalaismesjambesautourdessiennes.
–Pasdenégociation?s’enquit-ilavechumour.–Non.Celameva.Ilposasesmainssurmescuisses,lesremontantlentementpourrepoussermarobe.–Onpeutreprendrealors.Ilcapturameslèvresetjereprismatâche,défaisantconsciencieusementlesboutonsdesachemise.
Il s’écartavite, regardantmesdoigtscourir sur le tissu,puiscaressersapeau.Dèsquesachemise futcomplètementouverte,jelaluiretiraietlarepoussaisurlecanapé.Jememissurmesgenouxet,alorsquejem’apprêtaisàl’embrasserdenouveau,ilm’attrapaparlescuissesetseleva.Automatiquement,jecrochetaimeschevillesdanssondosetm’accrochaiàsesépaules.
Nosbouchesreprirentpossessionl’unedel’autreetnousgagnâmeslachambre.Avecprécaution,ilmeposasur le litetavançasurmoi,mesurplombantavecunregarddeprédateur.Quandils’allongeacomplètementsurmoncorps,jereprismapositionfétiche,unejambeenrouléeautourdelui.Ilremontama robe jusqu’à la taille et agrippa le collant noir qui faisait barrière entre sa peau et lamienne. Jehoquetaienlesentanttirersurlenylondetoutessesforces.Lesous-vêtementcraquadanssamainetils’endébarrassatrèsvite.
Satêtes’enfonçadansmoncou,suçotantmapeaupendantquejesoupirais,prisedansmonplaisir.Jebougeaileshanches,mefrottantàluipourobtenirl’illusiond’unsoulagementquelconque.Ilgrognaunpeu et, d’unevoix rauque, prononçamonprénom. Jem’arquai contre lui, réitérantmonmouvementdebassintoutenmalmenantsesépaules.
–Est-ceque…jepeux?demanda-t-ildansunmurmureendésignantlenœuddemarobe.–Tudemandesmapermissionmaintenant?–Kathleen,jeneveuxpasteforceràfaire…Jeposaimonindexsurseslèvrespourlefairetaire.Ilfronçalessourcilsetdansunsourire,jedéfis
moi-même le nœud autour demon cou.Andrew fixait lemouvement demesmains,maismalgrémongeste,letissumecouvraittoujours.Detouteévidence,ilhésitait.
–Fais-le!lesuppliai-jepresque.Lentement,ildévoilamapoitrine,fitglisserlarobelelongdemeshanches,puisdemesjambes.Ils’écarta, juste le tempsdemedécouvrir totalement,créantunvide intenseetfrais. Ilpassason
doigtentremes seins, remontantversmagorge, à l’endroitoùpulsaitmacarotide.Aussi,quand ilmerecouvritdenouveaudesoncorps,frottantsapeaucontrelamienne,jeperdislepeudeconsciencequimerestait.Moncorpsn’étaitquedansleressentideseslèvressurlesmiennes,desesmainssurmapeau,desonsouffledansmoncou.
–Tuessuperbe,chuchota-t-ilsurmapeau.
Sesmainss’égarèrentsurmesseins,lescaressantavecdouceur,toutenévitantdetoucherlapartielaplussensible.
–As-tusimplementidéedecequetuprovoques?demanda-t-il.–Alorspourquoiattendre?–Pourquetoutsoitparfait.Etquandnousleferons,ilnes’agirapasdesexe.–Jesais,admis-jeaveclucidité.Ilsefigeaetmefixa.Ilsemblaitàlafoisheureuxetstupéfaitparmonaveu.Sesmainsremontèrent
versmonvisagequ’ilencadra.–As-tuconsciencedecequ’ilsepasse?–Oui,soufflai-je.–As-tuconsciencedequijesuis?poursuivit-ilalorsquesesmainsquittaientmonvisagepourmes
flancs.–Oui.Andrew,jemefichede…–Pasmoi.Unjour,jeteretireraicederniermorceaudetissu,promit-ilenpassantsamainsurmon
sous-vêtement.Etcejour-là,tucomprendraspourquoijeveuxattendre.–Pourquoi?couinai-je,ausupplice.–Pourtoi…Pourtefaireoublierquijesuis,etmêmel’endroitoùtues.Jeveux…Tuesprécieuse
pourmoietjeneveuxpasgâcherça.Après plusieursminutes, et alors que nous étions tous les deux quasiment nus l’un sur l’autre, il
s’écartaetrepoussalesdraps.Jemeglissaidansl’immenselitkingsizeetils’installaàmescôtés.Ilmecontemplaquelquesminutestandisquejefixaisledessindesespectorauxetsonventremusclé.Soussonboxer,jedevinaissonsexe,dur,tendu,prêtàmeposséderdansl’instant.Maisjesavaisqu’iln’enferaitrien.AndrewBlake,l’undeshommeslespluspuissantsetlesplusrichesdupays,étaitexcitéparmoi.
Etj’avaisenviedelui.Enviedelesentirenmoi,surmoi.Enviedelesentirmepossédercommesimavieendépendait.Jelevoulaiset,pourlapremièrefoisdepuisnotrerencontre,jeneluttaipluscontrelui. Il était beau, mais son assurance – voire son arrogance – le rendait encore plus irrésistible.J’approchaidoucement,merecroquevillantpresquecontrelui.Mespaumes,toujoursavidesetenmanquedelui,naviguèrentsursapeauavantd’atteindresonboxer.
Sansquejepuisseagir,ilmefittourner,etjemeretrouvaidosàlui.Ilm’entouradesesbras.–Pascesoir,murmura-t-ilavantd’embrassermatempe.Jeremuaidesfesses,sentantsondésirévidentcontremoi.–Bonnenuit,Kathleen,ajouta-t-ilenm’immobilisantcomplètement.Jemetortillaipourparveniràtournerlatêteverslui.Jedevinaissonsourire,maisdécidaid’avoir
lederniermot.Comme je l’avais fait unpeuplus tôtdans la soirée, j’enroulaimonbras autourde sanuqueetl’attiraicontremoipourundernierbaiser.L’ensembledemonorganismes’apaisadansl’instant.J’étaisrassuréeparsonétreinteetnemesouvenaispasm’êtresentieaussibien,aussiensécurité,aussi…moidepuisuneéternité.
–Bonnenuit,chuchotai-jesurseslèvres.Sonregardpétillantm’éblouitet,dansunderniersoupir,jemecalaidanslecreuxdesesbraspour
finirlanuitaveclui.
CHAPITRE13
Jeclignaidesyeuxetmisunesecondeàresituerl’endroitoùjemetrouvais:laPeninsulaSuite.Jebougeaidoucementenmefrottantlesyeux.Lejourn’étaitpaslevé,etjen’avaisaucuneidéedel’heurequ’ilpouvaitêtre.JemetournaiversAndrew,maisnetrouvaiquelevide.Jemeredressai,lecherchantaumilieudelasemi-obscurité.
–Andrew?tentai-jeàvoixbasse.Sansréponse,jemelevaiet,aprèsavoirenrouléledrapautourdemapoitrine,medirigeaiversle
salon. Sa silhouette se dessinait devant la baie vitrée. Je distinguai la partie gauche de son visage,illuminée par l’éclairage de la ville. La tête baissée, il fixait un point qui m’était invisible. Jem’approchaidoucementdelui,presquegênéedeledéranger.
–Andrew?Ilsetournaversmoietsonvisagepassaenunesecondedelatristesselaplusprofondeàlajoiela
plusévidente.Jerisquaiunpetitsourire,pascertainedesavoirquoifaire.–Est-cequetoutvabien?demandai-je.–Jeréfléchissais.Illevalamaineteffleuramajoue.Jetremblailégèrementetmoncœurpritunrythmefrénétique.Je
m’approchaiencore,metenantàquelquescentimètresdesoncorps.Ilavaitprislapeined’enfilerunT-shirtetjeregrettaidenepaspouvoirtouchersapeau.
–Pasderegrets?m’interrogea-t-ilavecsérieux.–Non…Enfin,jenecroispas.Ettoi?–JereparspourSanFranciscodansquelquesheures,répondit-ildoucement.Etjen’aimepasl’idée
detelaisserici.Marespirations’arrêtaetilpritmamaindanslasienne.Commeauthéâtre,illaportaàseslèvres
etl’embrassadoucement.J’enprofitaipourmecolleràlui.Ilmepritdanssesbrasetdéposaunbaisersurlehautdematête.
–Vousmedeveztoujoursunesoirée,Kathleen,sourit-il.–Jesais,M.Blake.–Tuvasmemanquer,ajouta-t-ildansunmurmure.–Jen’aipasséqu’unenuitavectoi,plaisantai-je.J’espèrequetesréunionsdetravailsontmoins…
affectives,memoquai-jedansunsourire.–IlfaudraitdemanderàNathanouàMeghan,riposta-t-il.Maisjelesaimebienetparfois,jedois
l’avouer,leurpetiteguéguerrememanque.Je retrouvai sonsourireet ilmeserradenouveaucontre lui. Ilyeutun silenceapaisantpendant
lequelilmeberçait.Mabonnehumeurnemequittaitplus.J’étaisbien.Aucalme,protégéedurestedu
monde.J’étaismoi,etj’avaislasensationdenepasl’avoirétédepuisdessemaines.–JecroisqueNathanaunfaiblepourLynne,souris-jeenrepensantàleurrencontre.–MlleHoffman?Oh…Jecomprendsmieuxmaintenantpourquoi il a fait l’impossiblepourêtre
avecmoi,ici,àmonprochainséjour.–Elleestsurlepointdesemarier.– Nathan n’a jamais aimé les relations simples. Il faut toujours qu’il s’amourache de femmes
totalementinaccessibles.–Techniquement,j’aitoujoursunpetitami,m’amusai-jepourluifairenoterl’ironiedesaremarque.–Jenem’embarrassepasdelatechnique,jesuisplutôtdanslepragmatisme.L’instant suivant, ses lèvres étaient sur les miennes. Son baiser, au départ doux et léger, se
transforma très vite. Il était ferme, invasif, presque possessif. Sesmains plaquées surmon dos, ilmepressacontrelui.J’étouffaiungémissementdanssabouche,puisilmerelâchadoucement.
–Jepensequ’onpeutretourneraulit,murmura-t-il.–Àquelleheureesttonvol?–Versmidi.Maisjeveuxencoredormir.Ilmepoussaverslachambreetjereprismaplace.IlretirasonT-shirt,gardantsonboxernoir.Ilse
glissaprèsdemoietmepritdanssesbras.–Tuaslecorpsencorechaud,constata-t-ilalorsquelesienétaitgelé.–Aurais-tubesoind’unebouillotte?ris-jeenm’installantcontrelui,matêtesursontorse.–Non.Justedetoi.Mamainnaviguasursonventre,évitantsoigneusementdem’aventurerauniveaudesonboxer.Sa
respiration s’alourdit et sa prise dans mon dos se raffermit. J’osai un baiser sur son torse, puis undeuxième,etlevailesyeuxverslui.Ilavaitlesyeuxclos,levisageapaisé.
–Kathleen,siffla-t-ilquandmacuissesefrottacontresonentrejambe.–Jenefranchiraipaslalimite,promis-je.Ilnevoulaitpaspasseràl’actepourlemoment,etjerespectaisseschoix.Mêmesimoncorpsme
brûlait,mêmesi j’avaisenviede lesentircontremoi, jecomprenais.Toutcelaétaitarrivé trèsviteetprécipiterencoreplusleschosesnenousamèneraitqu’àlesregretter.
Aprèsplusieurscaressessursontorse,jereposaimatêtecontresapoitrineetyplaquaiundernierbaiser.La respirationd’Andrewétait calmedepuisplusieursminutes. Il s’était rendormi.Troisheuresplus tard, jeme levai sansavoir retrouvé le sommeil. J’avaispasséunebonnepartiedemon tempsàréfléchiràcequejedevaisfaire.Lapriorité,c’étaitmarelationavecDaniel.
JelaissaiAndrewàsonsommeil,souriantenl’entendantgrognertoutens’installantsurleventre.Jetrottinaijusqu’àlasalledebains,marobesouslebras.Enobservantmonrefletdanslemiroir,jenepusm’empêcherde sourire envoyantmescheveuxemmêlés etmes joues rouges. Jeme rinçai levisageàl’eaufraîcheetmebrossailesdentsaveclematérielfourniparl’hôtel.Lesaffairesdetoiletted’Andrewétaientparseméesdanslapièce.
Jerenfilaimarobe,espérantnepasmourirdefroiddèsquej’auraismisunpieddehors,lesjambesdénudées. Lamontre d’Andrew reposait sur le lavabo. Je jetai unœil à l’heure et poussai un cri desurpriseensentantdeuxbraspuissantsm’enserrerlataille.Andrewm’embrassal’épauleetm’observa,lesyeuxencoreensommeillés,àtraverslemiroir.
–B’jour,murmura-t-ild’unevoixrauque.–Bonjour,dis-jeenpassantunemainsursajouerâpeuse.–Mamèrem’aoffertcettemontre,commenta-t-ilenlaprenantd’entremesmains.Unpeuavantque
j’entreàl’université.–Mon pèrem’a offert une voiture, dis-je enme souvenant de l’antiquité quim’avait permis de
gagnerenautonomie.
Ilreposalamontreets’écartademoi.Ilretournadanslachambre,puisrevintquelquessecondesplustard,letéléphonedelasuiteàsonoreille.
–Petitdéjeuner?demanda-t-ilenposantsamainsurlemicro.–Seulementuncafé.Unsourireflottasurseslèvresetilcommandadeuxcafés.Ilposaletéléphonesurlemeubleprèsde
luietrevintderrièremoi.Ilsaisitlesdeuxmorceauxdurubanmaintenantmarobeautourdemanuqueetlenoua.
–Mercid’êtrerestée,dit-ilavantdeposersonmentonsurmonépaule.–Mercid’avoirdemandé,souris-je.Quandreviens-tuexactement?–Presséedemevoir?–Ohnon…Jeveuxjustesavoirquelledatejedoisbloquerdansmonagenda.Iléclataderireetjel’accompagnai,plutôtfièredemoi.Aprèss’êtrecalmé,ilsecoualatêteetme
fittournerpourquejesoisfaceàlui.–Tuveuxdirequejenevaispasdevoirtrouverunnouveauprétextepourt’attirerdansmesfilets?–Normalement,non.Àcesujet…Ilposasonindexsurmeslèvresetrapprochasoncorpsdumien.– Si j’entends sortir de cette bouche lesmots « relation professionnelle », je jure de céder aux
avancesdetacollèguedévergondée.–Quellecollègue?demandai-jeenécartantsamain.–Blonde,sourireartificiel…Ellem’amenait lecaféavantquejereprennelasituationenmainet
t’impose…tedemande,corrigea-t-ildansunsourire,devenir.–Oh…Kim.Elleaétévirée.Ellet’afaitdesavances?– Je considère que oui. Elle a tenté de me faire croire qu’elle savait masser. Démonstration à
l’appui,ajouta-t-ilalorsquemesyeuxs’arrondissaient.–Petitegarce,sifflai-je,mauvaiseetjalouse.Peuimporte,cen’estpascedontjevoulaisparler.Jebaissailesyeux,cherchantlemeilleuranglepourattaquercetteconversation.Jemedoutaisdéjà
desonpointdevuesurlesujet,maisj’avaisbesoind’êtrecertained’agirdanslebonsens.–Qu’ya-t-il?s’enquitAndrewaprèsuntroplongsilence.–Nous…Enfin,jeveuxdire…moi.Tu…Tavieprivéeest…–Privée…Etellelerestera,affirma-t-il.Jerefusequ’unbataillondephotographesteharcèle.–Bien.Je…Jecomprends,murmurai-je,presquedéçue.–Jenetienspasàaffichernotrehistoire,Kathleen.D’unepart,parcequec’estmavieprivéeetque
jenepermetsàpersonned’yentrer,d’autrepart,parcequemavie,demanièregénérale,estcompliquéeetjeneveuxpast’entraînerlà-dedans.
–Tuaspeurquejeprennelafuite?demandai-je,presqueabasourdie.–Crois-moi,jenepourraismêmepast’envouloirsitulefaisais.Enattendant,turestesmadouceet
rareKathleen.Ilpritmonvisageentresesmainsetposaseslèvressurlesmiennes.Ilm’embrassaavectendresse
et celame rassura sur sa volonté de garder notre relation privée. Ses doigts glissèrent sur ma peau,caressantmoncouetmesépaulesavantdetrouvermesmains.Unsoupirs’échappademeslèvresetl’airseraréfiadansmapoitrine.MaisAndrewcontinuaitdem’embrasser,mecoinçantentrelelavaboetsoncorpsmusclé.
MesjambescommençaientàvacillerquandAndrews’écarta.Lesoufflecourt,lesyeuxbrillants,ilplaquaseslèvressurmonfrontdansundernierbaiser.
–MaprécieuseKathleen,murmura-t-ilsurmapeau.Jevaisallerprendreunedouche,annonça-t-ilensereculant.
–D’accord.
Jeretournaidanslachambre,cherchantmongiletetmeschaussures.J’entendisl’eaucoulerdanslasalledebainsetl’odeurdesongeldouchemeparvint.Jeretrouvaimesaffairesetlesenfilaiprestement.Jegagnailesalon,puislecoinbureau.Unemultitudedefeuillesétaientétaléesprèsdesonordinateur.SontéléphonevibraetlenomdeNathanyapparut.
Surmagauche,sasacocheouverteattiramonattention.Deux livres traînaient,ainsiqu’un lecteurmp3 et un agenda d’où glissait une photo. Je tirai doucement dessus, curieuse d’en savoir plus. Jedécouvris le visage d’un petit garçon brun, parsemé de taches de rousseur et au sourire édenté. Jerepoussailaphoto,memorigénantpourmonindiscrétion.
C’étaitétrange.J’auraisaiméensavoirplussurlui,voiroùilvivaitpourapprendreàleconnaître,maisl’anonymatdecettesuitenem’aidaitpas.Ici,ilétaitjusteunclientdepassage,sanshistoire,sansattaches.Sontéléphonevibradenouveau.EncoreNathan.
–Tuvisites?m’interrompitAndrewalorsquejetenaisdansmesmainsunstylodetouteévidencepersonnalisé.
–Pardon…Jenevoulaispasêtreindiscrète,m’excusai-jeenreposantlestylo.–CadeaudeJanetpourNoël.–Oh…– Janet est ma belle-sœur. C’est la sœur de ma femme, nous sommes restés proches malgré…
l’accident.Sonregards’assombritetjeregrettaid’avoirétésicurieuse.Ilsemblaittriste,sûrementàcausedu
souvenirdesafemme.J’avançaiversluietposaimamainsursonbrasdansungesteapaisant.–Tontéléphoneavibré.Nathan,jecrois.Andrew le saisit et le consulta. Un sourire se dessina sur son visage. Il prit quelques notes
rapidement sur un coin de feuille avant de reposer l’appareil. Le room service semanifesta et jemecrispaiautomatiquement.Jen’avaispassongéqu’ilfallaitquej’affrontemescollèguesensortantdecetendroit. Si hier soir nous étions parvenus ici sans croiser personne, hormis le concierge, cematin jedoutaisquenouspuissionsréitérercetexploit.
–Nebougepas,jem’enoccupe.À tâtons, je regagnai le salon, m’installant sur un des fauteuils, pendant que j’entendais la voix
d’Andrewderrièremoiremercierlapersonnequiassuraitleservice.Ilréapparutquelquessecondesplustard,metendantmatassedecaféavecunsourire.
Nousbûmesensilence.Jelefixais,presqueamuséed’êtrefaceàluiàcetinstantdelajournée.– Il faut que j’y aille, lâchai-je finalement en reposant ma tasse. Je vais tenter d’être discrète,
ajoutai-je,dubitative.–Prendsuntaxi.Jeréglerai.–Andrew!pestai-je.Jeprendrailemétro,commetoujours.Il soupira lourdement,maisne luttapas.Andrewétait riche, très richemême,mais je refusaisde
profiterdecetargent.J’avaismavie,montravail,mesamis,etjerefusaisquecelachange.Mêmepourlui.
–Prendsaumoinsça,m’ordonna-t-ilenmetendantsacartedevisite.–J’aidéjàtonnuméro,souris-je.Jevaistedonnerlemien.Jeretournaiaubureauetannotaimonnuméroaudosdelacartedevisiteavantdelaluirendre.–J’aidéjàtonnuméro,s’esclaffa-t-il.–Nepeux-tupasfairecommesituétaisunhommenormal?Justepourmefaireplaisir?–Çam’arriveparfois.Surtout avec toi,murmura-t-il enprenantmacartepour laglisserdans sa
poche.Ilmeprit dans ses bras et je calaima tête sous sonmenton.Après cette dernière étreinte, ilme
relâcha,pritmamainet,commeàsonhabitude,l’embrassaavectendresse.Jeleregardaifaire,heureuse
commejel’avaisrarementété.Ilm’ouvritlaportedelasuiteet,aprèss’êtreassuréqu’aucunmembredupersonneln’étaitàl’étage,fitungestedumentonm’intimantdesortir.
J’entendis la porte se fermer derrière moi et courus presque jusqu’à l’ascenseur. Par chance, ilarrivadansl’instantetdescenditàl’étagedescuisines.J’espéraispasserinaperçueenutilisantlasortiedeservicedesvestiaires.
Alorsquejefranchissaislaportemenantàl’extérieur,jemeheurtaiàGregoryqui,lui,entrait.–Kat?s’étonna-t-ilendétaillantmatenue.–SalutGregory,soufflai-jeenrougissantviolemment.–Qu’est-cequetufaisici?–Je…euh…Je…Enfait…j’allaisrentrerchezmoi.–Tuasdormiici?–Non,m’écriai-jetropvivement.J’ai…J’aioubliéuntrucdansmonvestiaireetjesuispasséele
reprendre.–Enescarpins?Jeneteconnaissaispassi…sexy,s’amusa-t-ilenlouchantversmondécolleté.– Gregory ! râlai-je en croisant les bras sur ma poitrine. Écoute, je suis pressée, est-ce que tu
pourrais…–Etjeprésumequecettepetitemarquerougedanstoncouestl’œuvred’unvilainmoustiquequia
miraculeusementsurvécuàl’hivernew-yorkais.Jeplaquaiunemainsurmoncou,maudissantAndrewdem’avoirmarquée.Sicelaavaitétéplus
qu’agréablesurlecoup,c’étaitmaintenantvraimentgênant.–C’esttellementfacileavectoi,Kat!–Tun’asriendemieuxàfaire?sifflai-je,vexéedem’êtrefaitavoir.–Pour l’instant, je jouemon rôle.Unepersonne, toi en l’occurrence, chercheàquitter l’hôtel en
toutediscrétion.–Jetravailledanscethôtel,Greg!–Tun’étaispasdeservice,riposta-t-ilencroisantsesbraspuissantssursapoitrine.–Greg,jenedirairien.–Donc,ilyaquelquechose!triompha-t-il.–Fiche-moilapaix!Jedoisrentrerchezmoi.Je tentaide l’esquiver,mais il futplus rapideetmebarra l’accès.Un souriregéant éclairait son
visageetjecomprisquejen’auraispasgaindecause.Jesoupirai,agacéeparsonobstination.–S’ilteplaît,Greg.–Tuneveuxrienmedire?–Non!criai-jepresque.C’est…privé,articulai-jepéniblementenfuyantsonregardinquisiteur.Ilneréponditpasetjelevailesyeuxverslui.Lalueurd’amusementdanssonregardavaitdisparu
etsonfrontseplissaitderéflexion.Sonsourires’effaçaenuninstantetildécroisalesbras.–C’estBlake?demanda-t-ilavecunevoixferme.–Gregory!–Réponds!Est-cequec’estBlake?–Jet’aiditquec’étaitprivé!–Kat,jemefousdesavoircombiendepositionsduKāmaSūtratuastestécettenuit.Jeveuxjuste
savoirs’illesatestéesavectoi!gronda-t-il.Letondesavoixétaitloindelataquinerie.DepuisquejeconnaissaisGregory,jen’avaiseuque
très peu de conversations sérieuses avec lui. En dehors des réunions des employés, nous discutionssurtoutenprenantuncafé,etcelatournaitinvariablementautourdesacapacitéàmerendrechèvreavecsonhumourdebasétage.
–Kat?Dis-moi!
–Greg,cen’estpascequetucrois,murmurai-jed’unetoutepetitevoix.–Putain,Kat,maisqu’est-cequiteprend?s’énerva-t-il.Je baissai les yeux, surprise d’être la cible de sa colère. Je n’arrivais juste pas à comprendre
pourquoiilexplosaitainsi.Gregoryétaitplutôtsereinetcalme,mêmedanslessituationslesplusardues.Sarespirationétaitpresquesifflanteetilpassaunemainsursonvisage,soudainlas.Mastupéfactionnefitquecroîtrequandilposasesmainsgéantessurlehautdemesbrasetabaissasonvisageàhauteurdumien:
–Promets-moidefaireattentionàtoi,Kat.–Gregory,soupirai-je,fatiguéedetoutecettetension.–Promets-moi,répéta-t-il.Kat,tunesaisriendecethomme.–Qu’est-cequetusais?ripostai-jeenmedébattant.Qu’est-cequetusaisdelui?–L’hôtelareçudesmenaces.Assezviolentes,ajouta-t-il.Ettuignorestoutdesonpassé.–Parcequetut’esrenseigné?m’étonnai-je.–J’aiencorequelquesamisdanslapolice.Lescollèguesm’ontdonnédesinfos.–Greg,j’apprécietasollicitude,maisjesuisunegrandefille.Jesaismeprotéger.–Mêmedelui?–Jeseraiprudente.Net’inquiètepas.Je l’esquivai de nouveau, mais cette fois il ne chercha pas à me bloquer le passage. Quand je
retrouvai l’air frais à l’extérieur, je m’aperçus que j’avais retenu mon souffle pendant toute notreconversation.Danslemétroquimeramenaitchezmoi,jeressassailesinformationsdeGregoryetcellesquej’avaisrécoltéespendantmesprécédentesrecherches.
Une seule conclusion me vint à l’esprit : j’avais loupé quelque chose. Quelque chose d’assezénorme pour que, deux ans après, Andrew soit toujours dans la tourmente et menacé. Les quelquesminutesdemarchejusqu’àchezmoifurentunetorture.J’étaistransiedefroidetc’estentremblantquej’entraidanslehalldemonimmeuble.Jecavalaijusqu’àl’ascenseur,mefrottantlesbraspourmedonneruneillusiondechaleur.
Je trouvaimes clés au fond demon sac et ouvris la porte, constatant avec surprise que j’avaisvisiblementoubliédelaverrouillerenpartantlaveilleausoir.Jelarefermaiderrièremoiet,alorsquejeposaismonsacsur leguéridon,découvrisunesilhouetteassisesur lecanapé,dans lapénombre.Jepoussaiuncrideterreuravantquelalumièreinondelapièce.
Danétaitchezmoi.
QuellevaêtrelaréactiondeDan?Katserait-elleendanger?Pourlesavoir,ilfaudraattendrelemoisprochainetlasortiedeDearyou,acteIV!
Tabledespersonnages
Kathleen–Kat–Dillon:Aprèsavoirabandonnésacarrièredejournaliste,Kathleen,jeunefemmede 25 ans, est devenue concierge de nuit dans un palace new-yorkais, le Peninsula. Romantique etprofondémentattachéeàl’importancedudestindanssavie,elleespère,unjour,sereconnaîtredansunedespetitesannoncesduNewYorker.Prenantconsciencedelamonotoniedesonexistenceethantéeparune annonce qui l’a bouleversée, elle finit par y répondre. C’est également au Peninsula qu’ellerencontre Andrew Blake, puissant magnat de la presse, client de son hôtel, un homme séduisant quitroublelaroutineprofessionnelledeKat.
AndrewBlake:ClientduPeninsulaetchefd’entreprisepuissant.Magnatdelapressesurlacôteouest,AndrewBlakeestaussiarrogantqueriche.Ilalimentelesrumeurs,attiselesconvoitises,maispeutsemontrerparticulièrementfragilequandons’attaqueàceuxqu’ilaime.
LynneHoffman : Collègue de Kat, en charge de l’événementiel, Lynne est très terre à terre etraisonnable.TroppourKatquiluireprocheunevieterneetsanspassion.FiancéeàPhilipKingston,elleprépareassidûmentsonmariage.
NathanEvans : Bras droit dévoué d’Andrew Blake, Nathan est un charmeur, bourré d’humour.C’estauPeninsula,àl’occasiond’unerencontrefortuiteetbrutale,qu’ils’éprenddeLynne,collèguedeKat.
DanielCooper:EngagécommebarmanintérimaireauseinduPeninsula,DanielserapprochetrèsvitedeKathleen.
Gregory :Ancienpolicier,GregaconnuKathleenquandelleétaitencore journaliste.DésormaisresponsabledelasécuritéduPeninsula,ilagitcommeungrandfrèreavecelle.
MeghanStanton:Belle,brillanteettoutàfaitconscientedel’être,Meghanpeutsembler,deprimeabord,glaciale,voiremêmepédante.ElleserévèlechaleureuseetsensibleaucharmedeGregoryaufuretàmesuredel’évolutiondelarelationd’AndrewavecKathleen.
Maria:Fleuristeofficielledel’hôtel.TrèsliéeàKathleen,ellesontunerelationdetypemère-fillequicompensel’absencedelamèredeKathleen.Debonconseiletdouce,elleesttoujoursprêteàaiderKathleen.
M.Perkins:Directeurdel’hôtel.Joe/Kim:Personneldel’hôtel.Angela:Amie,confidenteetcollèguedeKathleen.Sam:CollèguedejourdeKathleen,c’estluiquil’aforméeàsonposte.Ilssonttrèsamis.JimCooper:PèredeDan.Jodie :Meilleure amie deDaniel depuis l’enfance. Elle est ravie de la relation qu’entretiennent
KathleenetDaniel,quitteàêtreintrusive.MattetAbby:Collèguesd’Andrew.Mattsemontreparticulièrementdésagréableetdubitatifsurla
relationd’AndrewavecKathleen.
Walt Dillon : Père de Kathleen, policier. Éloigné géographiquement, il demeure pourtant trèsprotecteurenverssafille.Ilespèrelafairereveniràsonmétierdejournaliste.
EleanorBlake :Décritecommeétantenthousiasteetpétillanteparsonmari,Eleanorestdécédéedansunaccidentdevoiture,laissantAndrewdansl’incompréhensionetlechagrin.
Lauren:Assistanted’AndrewBlake.Nelson:Vendeurdebijoux,représentantdelamaisonCartier.Ilaseshabitudesauseindel’hôtelet
estsurnommé«l’hommequivalaittroismilliards».
HarlequinHQN®estunemarquedéposéeparHarlequinS.A.
Conceptiongraphique:AliceNUSSBAUM
©2013HarlequinS.A
ISBN9782280300506
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