rôle du tonus dans le développement moteur
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Marion DURANTIER Stage temps plein
DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS
ET DE LA COHESION SOCIALE
MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU
DIPLOME D’ETAT
DE
MASSEUR KINESITHERAPEUTE
2013
Rôle du tonus dans le développement moteur
Rééducation kinésithérapique dans la station assise
d’Alexandre à 11mois
Résumé :
Alexandre est un nourrisson de 11 mois hospitalisé à plusieurs reprises en réanimation
pour arrêts cardio-respiratoires avec un diagnostic de trachéomalacie sévère ayant conduit
à une trachéotomie. Il intègre ensuite un centre de soins de suite spécialisé en pédiatrie où
l’on met en évidence un retard psychomoteur important. Il présente également une
hypotonie axiale, des fonctions antigravitaires déficitaires et un positionnement en
extension de la tête et du cou. A 11 mois, Alexandre n’a pas acquis la station assise
redressée et ses déplacements sont limités aux retournements.
Sa prise en charge kinésithérapique est biquotidienne et est composée d’une partie
respiratoire le matin et d’une partie éducation motrice l’après-midi. Cette dernière est
basée sur le développement des niveaux d’évolution motrice permettant l’acquisition de la
position assise, redressée et stable, et un nouveau mode de locomotion, le ramper.
A la fin de ma prise en charge, les objectifs sont atteints mais Alexandre présente
toujours un retard psychomoteur important par rapport aux enfants de son âge. De plus, il a
toujours tendance à avoir la tête en rétroposition.
Dans ce travail, j’aborde les causes de retard moteur de l’enfant hospitalisé ainsi que
l’importance de la station assise et plus particulièrement le rôle du tonus dans le
développement moteur.
Mots Clés Keywords
Retard psychomoteur Psychomotor retardation
Station assise Sitting
Tonus musculaire Muscle tonus
Niveaux d’Evolution Motrice Level of Motor Evolution
Hospitalisation Hospitalization
Sommaire
1. Introduction .................................................................................................................. 1
2. Présentation du patient ................................................................................................ 1
3. Bilans initiaux ............................................................................................................... 3
3.1. Bilan douloureux : l’enroulement passif de son tronc ....................................... 3
3.2. Bilan cardiorespiratoire : un enfant à surveiller ............................................... 3
3.3. Bilan morphostatique : Extension dorso-cervicale ............................................ 4
3.4. Bilan musculaire : entre hypotonie et hypertonie .............................................. 5
3.5. Bilan de la motricité .............................................................................................. 6
3.5.1. La motricité spontanée et dirigée : La station assise et le ramper ............... 6
3.5.2. Les suspensions ................................................................................................. 8
3.5.3. La motricité fine : Les pinces bi- et tri-digitales ............................................ 9
3.6. Autres bilans .......................................................................................................... 9
3.7. Profil psycho-affectif : un enfant dans la relation ........................................... 10
4. Bilan diagnostic masso-kinésithérapique ................................................................... 1
5. Objectifs et principes de rééducation ....................................................................... 11
6. Rééducation................................................................................................................. 13
6.1. Respiratoire ......................................................................................................... 13
6.2. Motricité globale ................................................................................................. 14
6.2.1. La station assise ............................................................................................. 14
6.2.2. Les déplacements ........................................................................................... 15
6.3. Dominante antalgique ......................................................................................... 17
7. Bilans finaux ............................................................................................................... 17
8. Discussion .................................................................................................................... 21
9. Conclusion ................................................................................................................... 29
Bibliographie ......................................................................................................................... i
Annexes……………………………………………………………………………………. I
Table des figures
Figure 1: Anamnèse ............................................................................................................... 2
Figure 2: Décubitus latéral en extension de la tête et du cou ................................................ 4
Figure 3: Station assise trépied non redressée ....................................................................... 5
Figure 4: Il se tord sur lui-même pour éviter le déplacement ................................................ 6
Figure 5: Retournement sur le dos au lieu d'avancer vers sa cible ........................................ 6
Figure 6: Tiré-assis efficace .................................................................................................. 7
Figure 7: Tiré-assis non efficace ........................................................................................... 7
Figure 8: Diagnostic Masso-kinésithérapique ..................................................................... 10
Figure 9: Variation autour du centre de gravité + Appui des mains .................................. 14
Figure 10: Redressement grâce à un gros obstacle .............................................................. 14
Figure 11: Positionnement à califourchon ........................................................................... 15
Figure 12: Stimulation du redressement assis par le côté .................................................... 15
Figure 13: Travail du contrôle du coude ............................................................................. 16
Figure 14: Travail du ramper = Déplacement des mains .................................................... 16
Figure 15: Ramper = Contre-appui au niveau des pieds ..................................................... 16
Figure 16: Etirement des muscles postérieurs en jouant avec les pieds ............................. 17
Figure 17: Station assise sans appui et redressée ................................................................ 18
Figure 18: Assis sans appui + Déstabilisation antéro-postérieure ....................................... 18
Figure 19: Ebauche de quatre pattes .................................................................................... 19
Figure 20: Evolution de la station assise ............................................................................. 23
Figure 21 : Evolution des points d'appui et de la base de sustentation ................................ 28
1
1. Introduction
Le tonus musculaire est définit comme l’état de contraction minimale et permanente du
muscle au repos. Il s’agit d’un tonus passif qui peut être étudié pour évaluer la maturation
du système nerveux central et pour dépister d’éventuelles anomalies. Ce tonus passif est à
l’origine du maintien du corps dans une certaine posture, le tonus postural ou actif, qui
est lui-même à la base du mouvement [1 ; 2 ; 3].
Chez le nouveau-né, il y a une hypotonie axiale et une hypertonie périphérique, c’est-à-
dire que le tonus actif du tronc est faible et, au contraire, il y a une tonicité importante au
niveau des membres. Le tonus axial augmente avec l’âge. En effet, avec la maturation du
système nerveux de l’enfant, le contrôle musculaire volontaire progresse dans une direction
céphalo-caudale et proximo-distale. Il va donc progressivement maintenir sa tête, son dos
et enfin son bassin et contrôler volontairement les muscles de la racine des membres
jusqu’aux extrémités [3 ; 4].
Cette augmentation de la tonicité des muscles de la colonne vertébrale permettra
différentes acquisitions motrices dont 3 principales : le décubitus ventral, la station assise
et la station debout. Ces 3 exemples sont des points clés, une étape prépare la suivante [5].
En dehors de toute pathologie, la progression de la tonicité musculaire est un des
paramètres de l’évolution du développement dans un environnement adapté en termes de
stimulations sensori-motrices, proprioceptives et affectives.
Le patient évoqué dans ce mémoire est un nourrisson de 11 mois qui présente un
important retard neuromoteur. Dans ses antécédents, il y a de nombreux facteurs en faveur
de ce retard, notamment un facteur postural : il est en permanente extension de la tête et du
cou et en hypotonie axiale. La conséquence principale est qu’il ne tient pas la station assise
redressée. Ses fonctions antigravitaires sont déficientes et son équilibre est précaire [6].
Quels sont les paramètres en causes dans ce schéma en extension ? En quoi cette
attitude est-elle une gêne dans le développement des acquisitions motrices ? En quoi la
prise en charge kinésithérapique du retard d’acquisition de la station assise constitue-t-elle
un enjeu pour le développement du nourrisson ?
2
2. Pre sentation du patient
2.1. Situation familiale :
Le père du patient a 47ans, il est fonctionnaire. Sa mère a 23ans, elle est fleuriste en
congé parental. Ils ont une fille ainée âgée de 3ans et sans antécédents particuliers.
Ils viennent voir Alexandre tous les soirs après le travail et sont impliqués dans ses soins :
ils ont été formés à l’aspiration trachéale et au changement de canule.
2.2. Anamnèse :
Alexandre est né à 39 semaines d’aménorrhée (SA), c’est-à-dire à terme, d’une
grossesse marquée par un diabète insulino-dépendant déclaré à la 22e semaine et bien
équilibré. Il pesait 3080g (-1DS dérivation standard) [7], mesurait 47cm (-1,5DS) et son
périmètre crânien était de 36cm (+1DS) (Annexe II).
Figure 2: Anamnèse
Il est hospitalisé 12 jours en néonatalogie pour détresse respiratoire néonatale
modérée avec dyspnée laryngée, désaturation et stridor. (Figure 2)
A J4, la fibroscopie montre une laryngomalacie qui est alors suivie depuis.
A 1 mois, il est transféré 15 jours en réanimation pour bronchiolite à VRS (virus
respiratoire syncitial) sévère nécessitant une intubation orotrachéale (ventilation nasale non
invasive).
Entre l’âge de 2 et 4 mois, il répète 3 arrêts cardiorespiratoires, le premier causé par des
spasmes laryngés sur une 2e bronchiolite et les deux autres au moment des pleurs.
Une nouvelle fibroscopie permet de découvrir une trachéomalacie sévère avec collapsus
complet à l’inspiration.
A 4 mois, il est trachéotomisé et ventilé de façon mécanique en continu avec arrêt
temporaire de l’alimentation.
A son arrivée au centre de soins de suite pour enfants, Alexandre a 4 mois et demi. Il est
dyspnéique, oxygéno-dépendant à 0,5L/min et fébrile (Annexe I).
Il a une position vicieuse de la tête en hyper-extension et en opistotonos permanents, dans
un contexte hyperalgique et d’hypertonie (axiale et segmentaire).
Il présente un retard moteur déjà important : un grasping qui persiste jusqu’à 7 mois et une
difficulté de redressement de la tête avec hypotonie axiale active.
Lorsque je rencontre Alexandre, il a alors 11 mois.
3
3. Bilans initiaux
Ces bilans initiaux ont été réalisés sur une période de 2 semaines à mon arrivée dans le
centre de soins de suite pour enfants (Annexe VI).
3.1. Bilan douloureux : l’enroulement passif de son tronc
Alexandre a 11 mois, on utilise donc une échelle d’hétéro-évaluation pour évaluer sa
douleur. L’échelle choisie est la FLACC. Elle est validée pour les douleurs de soins de la
naissance jusqu’à 18mois. (Annexe IV)
Spontanément, il ne présente pas de signe douloureux (FLACC = 0/10) : il est calme et
détendu, il interagit avec son environnement et il est dans la communication avec les autres
que ce soit par le regard ou par le sourire.
En revanche, Alexandre présente une hypertonie axiale passive objectivée par
l’enroulement passif de son rachis et de la mobilisation de son bassin en antéversion mais
aussi à la palpation de tous les muscles postérieurs du rachis.
On observe alors une mimique douloureuse, une agitation modérée des membres inférieurs
et des membres supérieurs de façon intermittente, ses mains et ses orteils se crispent. Il
manifeste souvent sa douleur et son inconfort par une position en hyper-extension du
rachis. Dès l’arrêt de la manipulation, il se calme et se détend. La cotation de sa douleur
est évaluée à 6/10 sur l’échelle FLACC (Annexe IV).
Un autre facteur douloureux intervient. En effet, Alexandre est en train de faire ses
dents, source de douleurs (FLACC = 7/10), de fièvre (4 pics entre 39 et 39,9° en 15 jours)
et de vomissements (en moyenne un jour sur deux depuis 15 jours).
3.2. Bilan cardiorespiratoire : un enfant à surveiller
Alexandre est trachéotomisé depuis l’âge de 4 mois. Sa canule est de type Shiley 4.
Il est sous ventilation mécanique sur EOLE en mode VAC de 20H à 8H et pendant les
siestes.
Il a des aérosols : Becotide (2 fois par jour), Ventoline (4 fois par jour) et un aérosol de
sérum physiologique le matin avant la kinésithérapie respiratoire.
4
Lors du bilan, Alexandre est en ventilation spontanée. Sa saturation en oxygène est de
96 à 99%. Sa fréquence cardiaque est comprise entre 140 et 150 pulsations par minute en
moyenne mais peut monter facilement à 200 par minute en cas de pleurs et d’agitation. La
norme pour un nourrisson de 1 an doit être entre 90 à 150 par minute [8].
Sa fréquence respiratoire est comprise entre 56 et 72 cycles par minute. La norme est de 20
à 30 cycles par minute pour un enfant de 6 mois à 2 ans [8].
Sa respiration est de type abdominale et costale basse et on observe un tirage
intercostal. Ce type de respiration est appelé balancement thoraco-abdominal à
l’inspiration. Il est modéré car son thorax est immobile. Au stade sévère, il y a affaissement
du thorax, ce qui crée une respiration paradoxale. Il s’agit d’un signe de lutte respiratoire.
La respiration du nouveau-né est nasale et abdominale mais celle du nourrisson est bucco-
nasale et thoraco-abdominale [8].
A l’auscultation, on remarque des bruits surajoutés : des ronchi, signes
d’encombrement proximal, et un stridor. Ces bruits sont amplifiés par la présence de la
trachéotomie. Lors de l’AFE-test, on perçoit un encombrement proximal signé par les
vibrations au niveau thoracique. Les sécrétions sont propres, car elles sont blanches,
fluides et en faible quantité. Il est nécessaire de l’aspirer très régulièrement.
3.3. Bilan morphostatique : Extension dorso-cervicale
A 11 mois, Alexandre mesure 68cm (-3 DS) [7], pèse
8kg (-1,5 DS) et son périmètre crânien est de 46cm (ce qui
correspond à la moyenne) (Annexe II). Il est considéré
comme hypotrophique. Il doit recevoir un régime
approprié pour lui permettre de grandir et de prendre du
poids.
Sa position de repos est préférentiellement le
décubitus latéral (droit et gauche) en raison de l’extension
de sa tête [9]. Il est en légère flexion des membres
supérieurs et des membres inférieurs avec les pieds
croisés et le tronc en extension. Les mains sont très
souvent ouvertes (Figure 3).
Figure 3: Décubitus latéral en
extension de la tête et du cou
5
Figure 4: Station assise trépied non
redressée
Il prend une position arc-boutée (c’est-à-dire en hyper-extension) de façon
intermittente. C’est vraisemblablement un moyen pour Alexandre de faire comprendre
qu’il a mal, qu’il est fatigué ou agacé.
Lorsqu’on le place en position assise, elle est de
type trépied et est assez précaire (Figure 4). Tout
déséquilibre le fait basculer, que ce soit sur les côtés,
en avant et en arrière. De plus, Alexandre présente une
cyphose dorsolombaire réductible : il prend appui sur
ses membres supérieurs, ne se redresse pas et son
bassin est en rétropulsion. La mobilisation en
antéversion permet un redressement transitoire de son
rachis, mais elle entraine aussi une agitation et une
mimique douloureuse.
Dans cette position, ses hanches sont fléchies, en
rotation latérale et en abduction. Il peut manipuler des objets qui lui sont proposés.
3.4. Bilan musculaire : entre hypotonie et hypertonie
Alexandre présente une hypotonie axiale active et une hypertonie axiale passive.
En effet, la palpation des muscles cervicaux et dorsaux en partie haute montre des
contractures (hypertonie axiale passive) [10]. En revanche, il est incapable de se redresser
activement, ses fonctions de redressement et d’équilibration sont déficitaires (hypotonie
axiale active) [6].
Au niveau du tronc, malgré quelques redressements actifs, qui sont la plupart du temps
stimulés, Alexandre présente une hypotonie des muscles érecteurs du tronc et maintient la
position en moyenne 5 secondes. Au niveau du rachis cervical, il présente des hypertonies
du fait de son attitude en rétroposition et extension de la tête et du cou.
En procubitus, il est capable de prendre appui sur ses membres supérieurs pour se
redresser. Il peut alors fléchir et retendre le coude de façon contrôlée, sans se laisser
tomber [11]. Ses membres inférieurs ne supportent pas le poids de son corps lorsqu’on le
place debout. Il ne réagit que très peu si on lui donne un appui au niveau des pieds.
6
Figure 6: Il se tord sur lui-même pour
éviter le déplacement
Figure 5: Retournement sur le dos au lieu d'avancer vers
sa cible
3.5. Bilan de la motricité
3.5.1. La motricité spontanée et dirigée : La station assise et le ramper
En décubitus dorsal :
Alexandre se place le plus souvent en décubitus dorsal pour manipuler les objets
qu’il attrape. Il est capable de réaliser des mouvements des membres inférieurs de type
pédalage et flexion-extension comme pour chercher à avancer. Il sait également rouler en
latéral droit et gauche (un peu plus difficile à gauche car parfois son bras se coince et il ne
peut le dégager) puis en décubitus ventral.
En décubitus ventral :
Dans cette position, Alexandre relève la tête et s’appuie sur ses membres supérieurs
pour se redresser et observer son environnement. Il sait transférer son poids sur un bras
pour libérer l’autre et attraper un objet. Ensuite, il se retourne en décubitus dorsal, ou
s’appuie sur ses coudes, et le manipule avec les deux mains.
Il commence à avoir des mouvements des
membres inférieurs qui font penser qu’il a envie de
ramper [6]. Lorsqu’il veut attraper un objet, soit il
essaye de le faire d’où il est (Figure 6), quitte à se
tordre sur lui-même, soit il se retourne
automatiquement en décubitus dorsal (Figure 5),
retournement qu’il maitrise à présent, mais il se rend
compte que le déplacement n’est pas efficace et il
s’agace.
Quand je lui positionne les membres inférieurs en flexion pour qu’il prenne appui au
niveau des pieds, il y a une légère réaction de propulsion mais c’est encore assez précaire
et les mains ne sont pas utilisées pour avancer.
Il n’est pas capable de passer à quatre pattes ou assis (Annexe VI, Annexe VII).
7
Figure 7: Tiré-assis efficace
En position assise :
Quand il est placé assis, Alexandre se tient en position trépied. Le maintien du tronc
est assuré par les membres supérieurs [11], il ne se redresse pas spontanément par l’action
de ses muscles érecteurs du rachis. Il ne le fait que transitoirement par stimulation ou
positionnement de son bassin en antéversion (Figure 4).
Ses mains sont placées à mi-jambe voire au niveau des pieds, ce qui ne l’aide pas à
se tenir droit. Le positionnement des mains au niveau du bassin ou des cuisses entraine une
réaction transitoire de redressement du rachis. Ses membres inférieurs sont légèrement
fléchis, lui permettant une relative stabilité.
Je peux sentir une discrète contraction musculaire de protection latérale et postérieure vis-
à-vis des déséquilibres mais elle n’est pas efficace.
Le tiré-assis est encore en cours
d’apprentissage (Figure 7, Figure 8). Je place mes
index dans les mains d’Alexandre. En
accompagnant le mouvement, on stimule la
chaine antérieure et provoque une réaction de
redressement vers la position assise. A partir du
décubitus dorsal, par exemple suite à une bascule
en arrière, il ne vient pas spontanément chercher
les appuis nécessaires pour se relever, par
exemple mes mains à sa portée. De plus, il est
agacé d’être tombé et de ne pas pouvoir continuer
à jouer assis. Si je lui propose, à ce moment-là,
de recommencer l’exercice, il se met en hyper-
extension, les membres supérieurs s’abaissent et
le tiré assis est inefficace (Figure 8).
En conclusion, les retournements sont acquis, il découvre son environnement en
décubitus ventral et joue avec les objets qu’il trouve en décubitus dorsal.
Le tiré assis est en cours d’acquisition tandis que le redressement et le ramper sont au stade
de la découverte.
Figure 8: Tiré-assis non efficace
8
3.5.2. Les suspensions
Il s’agit de faire une évaluation du tonus axial et des mouvements provoqués par
des stimuli proprioceptifs [12].
La suspension axillaire :
L’enfant est soutenu sous les aisselles, les pieds dans le vide. A partir de 4
semaines, il doit contracter les adducteurs des bras pour maintenir la position. Alexandre
maintien la position sans difficulté.
Les suspensions latérales :
Le thérapeute empaume le flanc de l’enfant et le bascule à l’horizontale par le côté.
A 2 mois, la tête est maintenue, le tronc se redresse et la cuisse du dessus s’écarte
franchement de l’axe du corps. A partir de 6 mois, le tronc s’incurve vers le haut, les
membres inférieurs s’étendent et la cuisse s’écarte. A partir de 10-12 mois, les membres
inférieurs s’étendent complètement et l’abduction de hanche est franche. Lors du test, à
droite comme à gauche, Alexandre maintient sa tête, son tronc et ses jambes dans l’axe,
sans abduction. Il agite ses membres supérieurs pour trouver son équilibre.
La suspension ventrale :
Le thérapeute empaume le ventre de l’enfant et le bascule à l’horizontale par
l’avant. Entre 4 et 8 mois, la tête passe progressivement au-dessus de l’horizontale et les
membres s’agitent. Après 8 mois, le redressement est complet et maintenu, les membres
peuvent être utilisés. Alexandre a des difficultés à réaliser l’exercice. Il se redresse
complètement mais ne maintien la position que quelques secondes.
La suspension dorsale :
L’enfant est placé en appui dorsal sur la main du thérapeute qui le bascule vers
l’arrière. La suspension doit être limitée à 2 voire 4 secondes. Avant 4 mois, les membres
inférieurs se fléchissent de façon symétrique et la tête est dans l’axe du corps. Entre 4 et 8-
10 mois, les membres inférieurs s’étendent de plus en plus. Lors du test, Alexandre a les
jambes fléchies.
Les résultats des tests de suspensions d’Alexandre montrent une faiblesse du tonus
des muscles des chaines antérieure et postérieure.
9
3.5.3. La motricité fine : Les pinces bi- et tri-digitales
Alexandre a souvent les mains ouvertes et manipule des objets. La plupart du temps
ces manipulations se font en décubitus dorsal. Qu’il soit en décubitus dorsal, ventral,
latéral, après l’avoir attrapé, il va se placer en décubitus dorsal.
Il est capable de tenir d’une main une balle de 8cm de diamètre mais aussi un stylo ou une
feuille en utilisant une pince digito-palmaire tout en incluant le pouce, ce qui est normal
pour son âge [12]. Il peut également passer l’objet d’une main vers l’autre, l’attraper à
deux mains et le mettre à la bouche. Il est capable de lâcher volontairement. Il participe à
« Tu le veux ? » mais pas à « Tu le donnes ?».
3.6. Autres bilans
3.6.1. Installations : son lit et son siège
Son lit est incliné de 20°. Alexandre est scopé au niveau de l’hallux et la nuit il est
maintenu dans un sac orthostatique. Il possède également un siège Tumbleform qui le
maintient assis.
3.6.2. Nutrition
Alexandre est nourrit à la cuillère et ne fait plus de fausses routes. Il a un régime
hypercalorique épaissi et composé de 4 repas (8H, 12H, 16H, 20H) avec des ratios de 7%
de protéines, 43% de lipides et 50% de glucides.
Les parents sont formés aux consignes et à la préparation de la bouillie.
2.6.4. Traitements médicamenteux
Uvesterol D, Spéciafoldine, Fumafer, Dafalgan, Inexium, Dolodent (Annexe V)
2.6.5. Autre prise en charge = Psychomotricité
Le travail principal de la psychomotricienne avec Alexandre est ciblé sur la diminution
globale du tonus passif, grâce à des manœuvres de relaxation, d’enveloppements et de
balancements. Il se sent alors sécurisé, maintenu et détendu. Cela lui permet aussi d’affiner
l’image de son corps par le toucher mais aussi grâce à des manipulations d’objets, de
différentes matières et formes.
10
3.7. Profil psycho-affectif : un enfant dans la relation
Alexandre est un enfant qui est présent dans la relation, avec une bonne communication
non verbale : il répond à son prénom, tourne la tête et sourit, il manifeste son plaisir et son
mécontentement et il interagit constamment avec son environnement. Il attend souvent
d’être félicité lorsqu’il réalise quelque chose de nouveau.
Alexandre a envie de faire plein de chose comme ramper ou s’asseoir mais il est très
vite frustré de ne pas y arriver. Il fait alors une colère qui se traduit par : une mimique de
pleurs et de cris, une hyper-extension de la tête et du tronc, avec plus ou moins des
mouvements des jambes et des bras. Il est rapidement consolé par une nouvelle chose à
faire, une interaction avec quelqu’un (chatouille, jeux de pieds…) ou par l’objet de sa
frustration.
Lorsqu’il est fatigué ou dans l’inconfort, notamment respiratoire, Alexandre se
détourne de la relation, se place en hyper-extension, s’agite et pleure. Cette attitude débute
en général à partir de 10-15 minutes de séance motrice. Il se referme complètement à partir
de 20 minutes.
Il ne sait pas faire « bravo » mais il commence à faire « au revoir » en levant puis
baissant le bras par imitation.
Figure 9:
Diagnostic Masso-
kinésithérapique
11
4. Bilan diagnostic masso-kine sithe rapique
Alexandre est atteint d’une laryngo-trachéomalacie associée à plusieurs épisodes de
bronchiolites entrainant chez lui une fragilité cardiorespiratoire. Il est alors trachéotomisé
et multiplie les hospitalisations d’urgence. La nuit, il est en ventilation mécanique. Il
présente une hypotonie au niveau axial et un retard important dans son développement
moteur (Figure 9).
Le patient est donc limité dans ses activités, d’autant qu’il est fatigable. Il ne maitrise
pas la position assise redressée et ses déplacements sont limités aux retournements. La
préhension fine est moins atteinte mais, par rapport à un enfant de son âge, il présente un
retard psychomoteur.
La participation sociale d’Alexandre est bonne lorsqu’il est non-douloureux et bien
reposé. Dans le cas contraire, il n’est plus dans la relation avec son environnement et se
positionne en hyper-extension du rachis.
De ce bilan diagnostic et aux vues de l’amélioration de son état général, nous pouvons
espérer des progrès dans son développement psychomoteur et tonico-postural. En ce qui
concerne la trachéomalacie, elle sera résolutive spontanément, et seule l’endoscopie
permettra de décider ou non, en fonction du résultat, de sa décanulation (Annexe I).
5. Objectifs et principes de re e ducation
5.1. Objectifs
- Le désencombrement
Le premier objectif de rééducation d’Alexandre est le désencombrement trachéo-
bronchique tout en évitant le collapsus trachéal lié à la trachéomalacie. En effet,
l’encombrement est source d’infection et de surcharge de travail des muscles respiratoires.
Ce désencombrement doit être réalisé plusieurs fois par jour car Alexandre est
hypersécrétant.
A long terme, le but est de stabiliser l’état cardio-respiratoire d’Alexandre afin
d’envisager la décanulation.
12
- La mobilité et le contrôle moteur du rachis
L’objectif principal de ma rééducation est l’acquisition de la station assise stable. Elle
se traduit par l’obtention d’un redressement actif en trépied puis sans appui des membres
supérieurs, par un travail de revalorisation du tonus des chaines antérieure, postérieure et
latérales.
C’est un élément clé qui permettra une meilleure exploration de son environnement, au
niveau observation et manipulatoire, ainsi que l’acquisition de nouvelles évolutions
motrices.
- La locomotion
Mon objectif secondaire est qu’Alexandre réalise de nouveaux déplacements, en
particulier le ramper pour lui permettre d’agrandir son territoire d’exploration et de lui
donner une certaine autonomie.
5.2. Principes
- Surveillance sur le plan respiratoire et infectieux
- Manœuvres de désencombrement :
o Lentes
o Fractionnées
o Entrecoupées de pauses longues
o Multipliées dans la journée
- Rééducation ludique et motivante : Sensation de plaisir, découverte, jeux
- Optimisation de la séance motrice :
o Aspiration avant séance
o Environnement calme et rassurant
o Respecter son sommeil et ses repas
- Conserver la non-douleur
13
6. Re e ducation
6.1. Respiratoire
Le désencombrement bronchique est un point important de la rééducation d’Alexandre.
En effet, c’est un enfant fragile d’un point de vue cardio-respiratoire et infectieux de par
ses antécédents et sa trachéomalacie (Annexe I). De plus, un encombrement oblige à un
effort supplémentaire des muscles respiratoires et utilise alors une énergie supplémentaire.
C’est donc une condition indispensable de concentration et d’efficacité lors des séances
motrice. C’est pour cela qu’avant chaque séance, je vérifie l’encombrement des voies
aériennes supérieures et pratique une aspiration trachéale si nécessaire.
Alexandre bénéficie de deux séances de kinésithérapie respiratoire par jour. Il faut tout
d’abord observer plusieurs paramètres : ses constantes (fréquence cardiaque, fréquence
respiratoire et saturation en oxygène), son état général (coloration de sa peau et de ses
lèvres, signes de lutte respiratoire et agitation) et les signes d’encombrement proximal et
distal.
La séance commence par une aspiration des sécrétions présentes dans la canule.
Ensuite, j’effectue des accélérations du flux expiratoire (AFE) lentes sans aller dans le
volume de réserve expiratoire, afin d’éviter le collapsus trachéal [13], ce qui va permettre
la remontée des sécrétions dans l’arbre bronchique. Puis, lorsqu’elles atteignent les voies
aériennes supérieures, je réalise une aspiration trachéale. Il est important de ne pas irriter
ou blesser la trachée de l’enfant en insérant la sonde d’aspiration au-delà de la canule, qui
se caractérise alors instantanément par des spasmes bronchiques, causes de collapsus chez
Alexandre.
Il faut enfin objectiver l’efficacité de la séance : amélioration de la saturation en
oxygène, diminution des bruits à la ventilation, diminution de la perception tactile des
sibilants, quantité et qualité des sécrétions évacuées. Il est important de retranscrire ces
informations pour permettre leurs transmissions aux autres soignants et suivre leurs
évolutions.
14
Figure 11: Redressement grâce à un gros
obstacle
6.2. Motricité globale
6.2.1. La station assise
6.2.1.1. Stimulation directe au redressement
Par absence de contrôle volontaire des muscles du tronc, Alexandre se positionne
en cyphose lombaire et rétroversion du bassin.
La stimulation de son bassin en antéversion, lorsqu’il est assis, provoque un
redressement de son rachis. Dans la même optique, on peut également stimuler
directement les omoplates en adduction ou le placement des épaules en rétropulsion.
6.2.1.2. Le placement des mains
L’appui des mains est une aide pour se redresser. Un
bon positionnement permet à Alexandre de contrôler ce
redressement tantôt actif libre tantôt aidé des membres
supérieurs (Figure 10) ce qui lui permet de prendre conscience
de ce redressement.
On peut y adjoindre des déstabilisations par
déplacement de la projection du centre de gravité pour
travailler les réactions d’équilibration, essentielles avant le
travail des réactions parachutes [12]. Cet exercice permet
également une revalorisation des chaines musculaires antérieure, postérieure et latérales en
fonction du sens de la déstabilisation [11].
Alexandre est capable de prendre appui sur ses membres supérieurs pour se
redresser, mais il place ses mains au niveau des genoux. Je lui montre, qu’en plaçant ses
mains sur ses cuisses, il peut maintenir la position. Il se redresse alors plus efficacement.
Un de mes principes est la rééducation
ludique. Cet exercice de redressement peut être
réalisé à l’aide d’un gros ballon, stimulant par
sa taille et la possibilité d’appui, notamment en
tapant dessus (consigne donnée par principe
d’imitation). C’est une bonne stimulation pour
Alexandre qui se prend au jeu et se redresse 15
secondes en moyenne. (Figure 11)
Figure 10: Variation autour du
centre de gravité + Appui des
mains
15
Figure 12:
Positionnement à
califourchon
6.2.1.3. Station assise haute
Le positionnement à califourchon sur le coussin cylindrique
facilite le redressement du tronc grâce au positionnement des
membres inférieurs, à l’appui des pieds au sol et des mains sur le
coussin [14 ; 15].
L’exercice de variation de la projection du centre de gravité,
ici latéralement, peut également être réalisé et Alexandre y réagit
plutôt bien (Figure 12). En asseyant Alexandre avec les jambes du
même côté par rapport au coussin, on peut aussi faire des
déstabilisations antéro-postérieures.
6.2.2. Les déplacements
Alexandre maitrise les retournements au sol, les prochaines évolutions motrices
qu’il devrait acquérir sont le passage assis et le ramper.
6.2.1.1. Décubitus vers la position assis
Le tiré-assis est en cours d’acquisition. Nous le travaillons ensemble afin de mieux
le maitriser et l’amener à rechercher cet appui, représenté par mes mains, par lui-même.
L’objectif est qu’à la présentation des mains comme aide, il les attrape pour s’asseoir puis
qu’il utilise ce moyen pour s’asseoir seul. Cet exercice permet aussi la revalorisation des
muscles de la chaine musculaire antérieure, indispensable pour le passage de la position
couchée à assise [11].
Je lui propose également une autre manière de s’asseoir grâce à une prise d’appui
sur le coude puis la main par une manœuvre de motricité provoquée de M. Le Métayer
[12]. En position décubitus dorsal, la rotation interne de la cuisse droite entraine une
rotation de la tête et de l’axe du corps vers la droite puis un appui successif de l’épaule, du
coude et enfin de la main droite. Il est nécessaire d’accompagner le mouvement avec le
membre supérieur gauche mais sans tracter (Figure 13).
Figure 13: Stimulation du redressement assis par le côté [12]
16
En complément du redressement par le côté, nous
travaillons également le contrôle en flexion-extension du
coude. Le maintien du membre supérieur opposé sert de
stimulation pour tendre ou fléchir le coude. (Figure 14). Ce
travail permet également un certain renforcement musculaire
de ses membres supérieurs.
6.2.1.1. Ramper
Pour lui apprendre ce nouveau mode de déplacement, j’ai
choisi de diviser l’exercice en 2 étapes : le déplacement des
mains puis celui des membres inférieurs.
Le déplacement des mains est réalisé en positionnant
Alexandre sur un coussin cylindrique ferme. Après avoir
placé un objet attirant son attention au bout, je lui montre
passivement ce qu’il doit faire en déplaçant ses mains sur le
coussin jusqu’à la cible, puis reviens vers la position initiale.
Après environ 3 répétitions, il réalise les gestes par imitation
(Figure 15).
Le déplacement des membres inférieurs est réalisé en décubitus ventral avec un objet
qui l’intéresse devant lui. Je lui offre un contre-appui au niveau des pieds facilitant son
appui et stimulant leur utilisation pour avancer (Figure 16). Grâce à cette aide de
placement et appui au niveau des pieds créant une propulsion, l’enchainement du
programme de reptation est facilité [6].
Figure 14: Travail du
contrôle du coude
Figure 16: Ramper = Contre-appui au niveau des pieds
Figure 15: Travail du ramper =
Déplacement des mains
17
6.3. Dominante antalgique
Alexandre présente une hypotonie axiale active mais également une hypertonie axiale
passive. A la palpation de son dos, on peut sentir des contractures de ses muscles cervicaux
et principalement la partie haute dorsale. Il est important de tenter de lever ses
contractures qui peuvent être source de douleur. J’effectue donc un massage léger, le
massage profond étant désagréable, de courte durée environ 10-15 minutes selon la
réceptivité d’Alexandre, et le plus souvent en fin de séance ce qui permet un retour au
calme progressif [16]. La position choisie, en général, est celle qu’Alexandre prend
spontanément quand il est calme et détendu : le décubitus latéral. Mais, en fonction de sa
réceptivité, on adapte la position. Les manœuvres utilisées sont essentiellement les
effleurages. On peut également réaliser des pressions glissées légères.
D’autre part, il y a certains exercices qui sont douloureux pour cet enfant, notamment
l’étirement de la chaine postérieure des muscles du
rachis. Le principe de rééducation ludique possède ici
une composante intéressante : Lors d’un exercice
douloureux mais construit de façon à ce qu’Alexandre
soit placé dans une situation de jeu, il se focalise
d’avantage sur le plaisir que sur la douleur. Il supporte
alors mieux l’exercice.
7. Bilans finaux
Ces bilans finaux ont été réalisés à la fin de mon stage dans le centre, et peut
correspondre à un bilan intermédiaire du séjour d’Alexandre (Annexe VI). Il a 13 mois.
7.1. Bilan douloureux
Comme vu dans le bilan initial, Alexandre ne présente pas de signes douloureux
spontanément (échelle FLACC). Lors des différents exercices qui lui sont proposés, il est
plus coopératif et manifeste moins de gêne, caractérisé par moins de pleurs et moins de
positionnement en hyper-extension. Il est nettement moins gêné par l’enroulement passif
de son rachis, il s’agite plutôt parce qu’il veut bouger et jouer.
La palpation des muscles du cou est toujours douloureuse mais la réaction est plus
modérée (évitement de la douleur par retrait) avec une cotation FLACC=2/10 (Annexe IV).
Figure 17: Etirement des muscles
postérieurs en jouant avec les pieds
18
Figure 18: Station assise sans
appui et redressée
Figure 19: Assis sans
appui + Déstabilisation
antéro-postérieure
7.2. Bilan cardiorespiratoire
Alexandre est toujours trachéotomisé. Il n’y a pas encore de projet de décanulation du
fait de son instabilité sur le plan respiratoire et infectieux. Il est toujours en ventilation
mécanique la nuit et pendant les siestes.
Lors du bilan, Alexandre est en ventilation spontanée.
Sa saturation oscille entre 96 et 100%. Sa fréquence cardiaque est comprise entre 100 et
120 pulsations par minute en moyenne, ce qui correspond à la norme. Lors des pleurs ou
s’il est agité, elle peut monter à 200 par minute, sans être anormale [8]. Sa fréquence
respiratoire est comprise entre 36 et 50 cycles par minute, ce qui est supérieur à la norme
qui est de 20 à 30 mouvements par minute [8].
Sa respiration est de type abdominale et costale basse et il persiste un léger tirage
intercostal.
7.3. Bilan morphostatique
Alexandre a 13mois, il mesure 69cm (-1,5 DS), il pèse 8kg630 (-3 DS) et son périmètre
crânien est de 46cm (norme). Il est toujours considéré
comme hypotrophique pour son âge (Annexe II).
Sa position de repos est toujours préférentiellement le
décubitus latéral (plutôt gauche) mais la position sur le
dos semble être moins gênée par la position de la tête. Elle
est rétropositionnée mais peu en extension. La station
assise redressée est acquise, au sol (Figure 18) et sur une
chaise adaptée à sa taille (Figure 19).
7.4. Bilan musculaire
A la palpation de son dos, il y a une régression de
l’hypertonie passive qui existait au bilan initial (Annexe VI).
La flexion de sa tête reste limitée, d’une part par sa canule
mais aussi parce qu’il présente toujours un tonus élevé au
niveau des muscles du cou Au niveau du tronc, il a acquis la
station assise sans appui et avec redressement actif (Figure
18). Ses membres inférieurs ne supportent pas son poids.
19
7.5. Bilan de la motricité
6.6.1. La motricité globale
6.6.1.1. La station assise :
Alexandre a acquis la station assis sans appui (Annexe VI ; Annexe VII). Pour ses
manipulations de jouets, il utilise principalement cette position [11].
Les petites déstabilisations, c’est-à-dire un contact sans réelle résistance, sont plutôt
bien supportées :
- Les déstabilisations latérales sont bien maitrisées et si la force est supérieure à ses
possibilités, une réaction parachute lui permet d’éviter de tomber.
- Les déstabilisations antéro-postérieures sont un peu moins bien supportées : Une
force trop élevée entraine chez lui une réponse trop grande et lorsqu’on retire la
déstabilisation, il perd l’équilibre en avant (Figure 19).
- Les déstabilisations postéro-antérieures sont les plus difficiles : pour une force
équivalente aux précédentes, il tombe en avant.
En revanche, lorsqu’il se déstabilise de façon intrinsèque, c’est-à-dire en tapant des
mains ou en essayant d’attraper un objet en hauteur ou sur le côté, son équilibration est
bien meilleure.
6.6.1.2. Les déplacements :
Il y a une ébauche de passage à quatre
pattes mais la jambe du côté où il tourne reste
coincée (Figure 20). S’il poursuit son
déplacement, il se retrouve alors directement
sur le ventre et rampe vers sa cible (Annexe
III ; Annexe VI).
Le ramper n’est pas totalement acquis. En effet, il n’utilise que très peu ses
membres inférieurs, il se tracte avec les membres supérieurs, on parle de « ramper
commando » [3]. Si on lui donne un appui plantaire, il pousse et rampe correctement.
Grâce à ces nouvelles acquisitions, il se mobilise facilement vers une cible ce qui
lui permet de découvrir son environnement plus facilement.
Alexandre ne sait pas s’assoir seul et ne tient pas encore debout même en le positionnant.
La position de ses pieds crispés ne permet pas l’appui correct pour se tenir debout. Il y a
par contre une discrète réaction au sol.
Figure 20: Ebauche de quatre pattes
20
6.6.2. La motricité fine
La plupart de ses manipulations se font en position assise. Il peut prendre un second
objet et en regarder un troisième. Il a acquis le lâcher volontaire, il participe même à « Tu
le veux ? Tu le donnes ? ». Il a acquis la permanence de l’objet mais n’a pas la notion
d’outils.
7.6. Profil psycho-affectif
Alexandre est toujours très souriant et dans la relation avec son entourage, surtout les
adultes.
Il peut avoir des accès de peur s’il est mis en échec (par exemple lorsqu’il tombe en
arrière lors d’une déstabilisation) et plus facilement s’il est fatigué. Il a besoin de beaucoup
d’encouragements et de félicitations lorsqu’il réussit quelque chose. En moyenne, il
supporte 30 à 40 minutes de séance, ce qui est plus qu’au bilan initial (10-20 minutes)
Il se reconnait dans le miroir et joue avec son reflet, ce qui l’amuse beaucoup.
Il fait « bravo » de façon plus significative, par exemple il va s’applaudir s’il se voit dans
le miroir faire une chose nouvelle. Il sait aussi dire « bravo » à une autre personne que lui-
même. Le « au revoir » n’a pas évolué, il lève le bras et le redescend, mais il est utilisé de
façon plus appropriée.
Malgré la canule de trachéotomie non valvée, Alexandre parvient à émettre des
bruits et ce essentiellement au moment des jeux et des interactions avec un adulte.
21
8. Discussion
Maturation du système neuromoteur
Alexandre est un enfant présentant un retard psychomoteur important et une
hypotonie axiale. A 11 mois, il n’a toujours pas acquis la station assise redressée. A la fin
de ma prise en charge, cette position est acquise mais, par rapport aux enfants de son âge, il
présente toujours un retard psychomoteur. Pourtant, sa progression est constante comme
s’il y avait eu une pause puis une reprise décalée dans son développement.
Ceci m’a amené à me questionner sur les mécanismes de la constitution de l’axe corporel
tonique, c’est-à-dire l’ensemble tête-tronc-bassin, et sur son importance dans le
développement moteur du nourrisson.
Selon Gesell, le principal facteur du développement est la maturation du système
nerveux central [3 ; 5].Cette maturation se fait par la synaptogenèse et la myélinisation.
Elle concerne notamment deux systèmes importants dans mon étude [2 ; 17] :
Le système sous-corticospinal, situé dans le tronc cérébral, participe à la fonction
antigravitaire (tonus actif des muscles extenseurs), à la posture en flexion des membres
(tonus actif des muscles fléchisseurs des membres) et à la présence des réflexes primaires.
Ce système inférieur possède une maturation précoce (24 à 34 semaines d’aménorrhées
(SA)) et suit une direction ascendante. Ainsi, à la naissance, ce système est le seul à être
myélinisé, il est prédominant. La motricité est donc essentiellement réflexe ou
automatique. La répartition du tonus se caractérise par une hypotonie de l’axe corporel et
une hypertonie périphérique [18]. L’enfant va alors passer d’un schéma de flexion des
membres vers un schéma d’extension et jusqu’à l’équilibre des deux à 5 mois [19].
Le système corticospinal, situé dans le cortex hémisphérique, est un système
supérieur ayant une influence inhibitrice sur l’action du système inférieur. Il permet les
acquisitions motrices des deux premières années de vie et la disparition des réflexes
archaïques. La maturation de ce système est plus tardive (32 à 34 SA), plus longue (2 ans)
et suit une direction descendante expliquant ainsi la chronologie des acquisitions motrices :
tenue de la tête, puis station assise, puis position debout.
22
Il y aura une prise de contrôle progressive de la motricité du nourrisson pour qu’elle
devienne automatique et volontaire [2 ; 3 ; 6]. L’évolution motrice se fait selon 3 lois
fondamentales :
La loi de différenciation indique que la motricité est d’abord involontaire, globale
et simple puis devient volontaire, fine et complexe.
Grâce à la loi de succession, les acquisitions apparaissent dans l’ordre céphalo-
caudal et proximo-distal.
Avec la loi de variabilité, les progrès ne sont ni continus ni uniformes, mais avec
des périodes d’accélération et de régression.
On assistera donc à un redressement progressif et à une mobilité de plus en plus
complexe du décubitus dorsal vers la marche, en passant par des étapes clés que sont le
décubitus ventral et la station assise [5 ; 18 ; 19]. De plus, on aura une diminution des
points d’appui, une libération des membres supérieurs et ainsi le développement de leur
fonction principale : la préhension.
Enjeu de la rééducation d’Alexandre : l’acquisition de la station assise
Alexandre se présente avec une posture atypique : il est en extension de la tête et du
cou. Ceci entraine un ensemble de difficultés dans son exploration du monde et son
évolution, notamment l’accès à la station assise redressée et stable.
Je me suis donc demandée en quoi cette posture est un frein à l’acquisition de la
station assise et pourquoi elle est si importante dans le développement de l’enfant [20].
Les débuts de la station assise chez le nourrisson se font en moyenne à l’âge de 6
mois. A la naissance, l’enfant présente une hypotonie axiale et hypertonie périphérique
avec les membres en schéma de flexion [17 ; 18]. Puis entre 2 et 5 mois, le nourrisson
bascule vers un schéma d’extension.
Lors de la découverte de la station assise, les membres inférieurs sont dans la phase
de diminution de la tonicité et passent dans la phase de schéma d’équilibration entre la
flexion et l’extension des membres [19 ; 21].
Ainsi, le nourrisson tient assis sur un grand polygone de sustentation constitué par
le bassin, les membres inférieurs en extension et légèrement écartés et avec l’aide des
membres supérieurs (Figure 21).
23
Figure 21: Evolution de la station assise [19]
Pour tenir assis, la projection du centre de gravité du corps doit se faire dans la base
de sustentation. Notons que le poids du nourrisson est essentiellement composé par la tête
étant donné sa proportion par rapport au reste du corps.
Le nourrisson a besoin d’un équilibre entre les extenseurs et les fléchisseurs du
tronc [9 ; 18]. Avant l’acquisition de cette motricité et de la proprioception du tronc, le
moindre déplacement du centre de gravité déstabilise l’enfant qui va basculer et tomber.
En ce qui concerne Alexandre, on note une hypotonie des muscles postérieurs du
tronc. Il n’est pas évident de savoir si l’hypotonie est à l’origine de l’affaissement ou si
l’extension de la tête entraine une position défavorable au redressement actif. Considérant
que le point de départ est l’extension, on peut dire que ce positionnement de la tête et du
cou en extension permanente induit mécaniquement un problème de stabilité. Comme vu
précédemment, la tête est la partie la plus lourde du corps du bébé, et l’extension du cou
entraine un déplacement en arrière de l’aplomb de la tête. Il y a donc un déséquilibre de la
position vers l’arrière.
Pour contrebalancer ce phénomène, la stratégie posturale d’Alexandre est de
réaliser une inclinaison en avant du rachis et une extension a minima du rachis dorsal
« harmonisant » ses courbures rachidiennes avec celle du cou. Cette posture en extension
du rachis compromet la station assise, la capacité d’exploration visuelle et d’orientation.
24
Quel rôle joue le tonus dans la station assise ?
On peut supposer qu’au vu de la taille du filtre de sa canule, il place sa tête en
extension pour dégager de l’espace afin mieux respirer. C’est également un obstacle
mécanique à la flexion de la tête car il s’agit d’une canule rigide dans un conduit souple, la
trachée. En flexion, il risque d’y avoir appui de la canule contre la paroi trachéale pouvant
être douloureux. On obtient donc un placement de la tête en extension qui va être entretenu
par le tonus des muscles postérieurs du cou.
D’après les travaux expérimentaux de Tabary et coll., « Un muscle adapte le
nombre de ses sarcomères à la longueur qui lui est imposée. Ainsi il peut perdre 40% de
ses sarcomères en 3 semaines d’immobilisation ». Il y a adaptation entre l’anatomie et
l’utilisation des structures. Alexandre est donc en train de constituer une attitude vicieuse
en extension du rachis supérieur [9].
Or, selon Roger Vasseur, médecin de rééducation et de réadaptation fonctionnelle,
les mouvements en flexion sont importants dans la constitution de l’axe corporel, et donc
le redressement. Par inhibition du tonus postérieur et amorce de l’activité des chaines
musculaires axiales, on obtient un contrôle actif progressif du tronc [18 ; 19].
De plus, Laurence Vaivre-Douret, qui est entre-autre psychomotricienne et membre
expert auprès de l’OMS dans le développement moteur de l’enfant, explique qu’une
prépondérance de l’incurvation ventrale ou dorsale montre un déséquilibre entre les
fléchisseurs et les extenseurs du tronc [9].
Nous avons vu précédemment qu’il y avait besoin d’un équilibre entre ces deux chaines
antérieure et postérieure. Ces 3 auteurs permettent d’aller plus loin dans l’explication.
La posture et le mouvement nécessitent un jeu entre le tonus actif et le tonus passif [3].
- Le tonus passif doit permettre l’allongement musculaire [1 ; 10].
- Le tonus actif doit fournir une force et une endurance pour permettre le maintien de
la posture [1 ; 18].
Ceci explique la station assise d’Alexandre avant ma prise en charge.
L’importance de l’acquisition de la station assise ne tient pas que dans ce seul fait.
En effet, il n’y a pas une station assise mais des stations assises [11 ; 15].
25
Nous avons vu l’assise au sol avec les jambes tendues mais il en existe d’autres.
Les positions assise à genoux et à califourchon permettent d’antéverser le bassin,
contrairement à l’assise au sol où le bassin est rétroversé. Ainsi, le redressement
rachidien est favorisé. L’assise entre les pieds est équivalente mais confère plus de
stabilité.
L’assise sur une chaise diminue la surface d’appui et demande d’intégrer l’appui
des pieds au sol pour équilibrer. En progression, on aura aussi l’assise sur selle.
L’assis-plage est une posture asymétrique avec les jambes en rotation inverse, un
appui fessier asymétrique et une légère inclinaison du tronc.
Ces différentes stations assises requièrent chacune un contrôle postural et des
adaptations antigravitaires différentes [19]. Elles permettent de travailler, par sa diversité
des points d’appui, le redressement et le tonus actif [11].
Progressivement, cette diversité dans l’adaptation du tonus postural va diminuer le
polygone de sustentation, améliorer les postures en asymétrique avec une dissociation des
ceintures et permettre des transferts d’appui et des réactions d’équilibration [17 ; 19]. Le
tout permet les changements de position dans le but d’aborder le redressement vers la
station debout et la marche.
Le développement d’un enfant malade et hospitalisé
Après avoir vu les processus du développement de l’enfant sain, je me suis
interrogée sur une autre particularité du cas d’Alexandre. C’est un enfant malade et
hospitalisé depuis sa naissance, son évolution psychomotrice est perturbée et on peut
supposer qu’il y a un lien entre les deux.
En quoi sa maladie entrave-t-elle son développement neuromoteur ?
Alexandre est trachéomalacique. La paroi de sa trachée n’est pas assez rigide, par
une anomalie du développement des anneaux cartilagineux, et elle se collabe [13].
Dans le cas d’Alexandre, il a été décidé de pratiquer une trachéotomie pour traiter sa
trachéomalacie, suite à 3 arrêts cardio-respiratoires. Ce n’est pas un traitement de première
intention. Elle est réalisée dans les forme sévères, comme c’est le cas d’Alexandre, ou suite
à l’échec d’autres traitements (kinésithérapie respiratoire, anti-inflammatoires, fluidifiants,
antitussifs, bronchodilatateurs, antibiotiques, stent).
26
En conséquence de la trachéomalacie et de la trachéotomie, surtout en cas de
surinfection, un encombrement sous-jacent à la dyskinésie se produit. Il va demander un
travail ventilatoire supplémentaire et une consommation énergétique aux dépens du
métabolisme, d’où l’intérêt de l’aspiration trachéale avant une séance de kinésithérapie
motrice.
La rééducation motrice d’Alexandre est donc dépendante de son état général et
infectieux. Au cours de ma prise en charge, il y a eu deux épisodes infectieux où il a été
isolé dans sa chambre. On a pu observer une régression partielle et momentanée de son
développement mais surtout un ralentissement de ses progrès. Il est donc important de
prévenir toute infection par la kinésithérapie respiratoire de désencombrement et les
protocoles d’hygiène.
Alexandre est quasiment hospitalisé depuis sa naissance, par succession de
passages en réanimation jusqu’à 5 mois puis intègre un centre spécialisé en soins de suite
pédiatriques.
L’hôpital est un environnement inapproprié en termes de stimulations sensori-
motrices ce qui constitue une entrave indirecte à son développement [18]. L’enfant est à la
fois hyper-stimulé et hypo-stimulé compliquant sa relation au monde extérieur [20].
On distingue 2 types de stimuli venant perturber le rythme et l’éveil de l’enfant :
- les stimuli actifs qui sont liés aux soins, aux soignants
- les stimuli passifs qui correspondent à l’environnement physique
Ainsi, l’enfant se retrouve dans un lieu bruyant avec des machines qui sonnent
constamment, des allées-et-venues des différents soignants, la lumière artificielle est
permanente [22 ; 23]. Ces éléments agissent sur la stabilité physiologique, notamment
cardiorespiratoire, et comportementale, le stress et la douleur induisant une augmentation
du tonus passif [18 ; 24].
De plus, de par l’organisation des services et leur emploi du temps, le rythme de
sommeil de l’enfant est perturbé. Il y a des soins réguliers à effectuer tel que la prise de
médicaments [23 ; 24].
D’un point de vue affectif, l’enfant hospitalisé est séparé de ses parents, en particulier
de sa mère, et de ses frères et sœurs. Il se fait manipuler par des inconnus qui ne prennent
pas forcément le temps de créer une relation, de lui expliquer les choses [20].
27
La séparation mère-enfant est particulièrement traumatisante des 2 côtés. La mère est
inquiète pour son enfant et lui transmet son angoisse. L’enfant a besoin des stimulations de
sa mère pour se développer. Un enfant hospitalisé de façon prolongée aura des difficultés à
créer un lien d’attachement sécurisant avec une figure principale puisqu’il n’aura pas de
lien privilégié avec une seule et même personne, généralement représentée par sa mère
[17 ; 20 ; 25].
Entre 3 et 6 mois, un enfant commence à différencier les personnes qu’il connait
des étrangers. Puis à partir de 6-9 mois, il construit sa base de sécurité autour de sa figure
principale pour pouvoir partir à la découverte de son environnement. Plus le lien
d’attachement est fort et sécurisant, plus l’enfant sera autonome et développera ses
compétences [20 ; 25].
Pour résumer, malgré toute bonne volonté de la part de l’équipe soignante,
l’hospitalisation reste une probable source de stress et de douleur en raison des soins et de
son environnement. Tout ceci représente une agression physique, psychique et affective.
L’enfant est à la fois hyper-stimulé par cet environnement hospitalier et à la fois hypo-
stimulé par la séparation avec les siens. Dans les 2 cas, il y aura un impact sur le tonus
induisant une perturbation du développement psychomoteur.
De plus, pour des raisons de sécurité vis-à-vis de l’enfant, lorsqu’il est hospitalisé et
nécessite des aides techniques type ventilation ou nutrition, il est alité en décubitus dorsal
et parfois attaché [23]. En effet, l’enfant est dans l’hédonisme, c’est-à-dire que tout ce
qu’il fait a pour but le plaisir et l’éviction du déplaisir et du mal-être. Lorsqu’il est ventilé
de manière artificielle, par exemple, les tuyaux le gênent, ses champs d’action et de vision
sont limités. Il aura donc tendance à vouloir enlever cette gêne, il y a donc un risque qu’il
se déventile. Dans le cas d’Alexandre, il a été trachéotomisé à l’âge de 4 mois et ventilé de
façon artificielle. Il y avait donc risque de décanulation.
La conséquence directe de cet alitement plus ou moins sécurisé par des liens est une
entrave directe à son développement. Le positionnement en décubitus dorsal exclusif
entraine un retard des acquisitions motrices [17 ; 21 ; 26], et les liens perturbent la
motricité spontanée et l’image du corps [5 ; 20 ; 24].
28
Figure 22 : Evolution
des points d'appui et
de la base de
sustentation [19]
Avec le système d’assistance ventilatoire, l’enfant est gêné
dans ses mouvements. Il lui est impossible de démarrer la
découverte de ce qui l’entoure, la première étape clé étant le
retournement en décubitus ventral. Ce dernier signe le début du
contrôle moteur volontaire du nourrisson par une organisation
tonique de l’axe corporel [11 ; 19]. En effet, dans cette position, il
commence par maintenir sa tête dans l’axe du corps, puis il va y
avoir progressivement un redressement du tronc à l’aide des
membres supérieurs en diminuant sa surface d’appui et la base de
sustentation [18] (Figure 22). La dissociation des ceintures
permettra le ramper, le quatre-pattes et le passage en position assise.
Les conséquences de l’hospitalisation sont donc nombreuses.
L’enfant est dans un milieu de stimulations non adaptées à l’éveil et l’exploration, il est
même source de stress et de carences affectives. Le kinésithérapeute va alors faire partie
d’une équipe donnant des repères à l’enfant [27].
L’alitement rajoute une difficulté au développement moteur. La motricité spontanée et
la découverte de son environnement ne pourra être favorisée que par l’action stimulante du
masseur-kinésithérapeute mais aussi de l’ensemble de l’équipe soignante. Celui-ci a un
rôle important à jouer, il doit analyser les capacités motrices de l’enfant en fonction de son
âge et lui apporter les stimulations adéquates pour redonner cette envie de découverte qui
vont l’amener à développer ses compétences [20 ; 27]. Le thérapeute doit donc connaitre
les spécificités de la prise en charge de l’enfant en fonction de son âge et les enjeux des
différentes étapes du développement [17 ; 27]. L’enfant doit pouvoir découvrir son
environnement le plus possible par lui-même et, grâce la méthode d’essai-erreur, il va
développer ses capacités à adapter sa motricité [21]. Le thérapeute est là pour l’aider et
l’orienter.
Il a également le rôle d’intégration des parents. La composante affective est
fondamentale dans le développement de l’enfant [20]. Il est important de les conseiller
pour qu’ils prennent le relai, par exemple à la sortie de l’hôpital, et sans aller jusqu’à la
sur-stimulation [17 ; 20]. Cela permet de les guider afin qu’ils se fassent une place dans la
prise en charge de leur enfant.
29
9. Conclusion
Le développement moteur est le fruit de l’interaction entre la maturation et
l’apprentissage. La construction de l’axe corporel et sa tonification progressive permettent
de développer des habiletés motrices en passant par des étapes clés que sont le décubitus
ventral, les stations assise et debout.
Le traitement kinésithérapique que j’ai pu mener, dans cadre d’une prise en charge
pluridisciplinaire, a obtenu les résultats attendus c’est-à-dire acquérir une assise redressée
et un nouveau mode de déplacement : le ramper.
A chaque âge correspond son acquisition motrice. Par rapport aux enfants de son âge,
Alexandre garde un important retard moteur malgré ses progrès.
La prise en charge en kinésithérapie motrice des enfants hospitalisés est indispensable à
leur développement. Un enfant sain explore son environnement de façon spontanée.
Ces enfants hospitalisés ont besoin de stimulations correspondant à leur âge réel et
psychomoteur, dans une atmosphère ludique et sécurisée, ainsi que d’un programme de
rééducation et d’éducation planifié pour être optimisé mais adapté aux réactions de l’enfant
i
Bibliographie :
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3. Mancini J, Milh M, Livet M-O, Chabrol B. Développement neurologique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Pédiatrie, 4-002-F-80, 2008.
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13. Zuani P. Kinésithérapie respiratoire de l'enfant trachéomalacique. Cah. Kinésithér., 1999;196(2):24.
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15. Dornini C, Madella Noja A, Todisco A. Rééducation de la position assise de l'enfant paralysé cérébral infantile. Les moyens préventifs orthopédiques non chirurgicaux. Motricité Cérébrale, 2011;32:2-11.
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ii
19. Vasseur R. Importance des aspects biomécaniques et des points d'appui posturaux dans la genèse de l'axe corporel. Enfance, 2000;53(3):221-33.
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27. Martin E. Le rééducateur face aux spécificités de la prise en charge des enfants : Complexité d'un être en devenir. Kinesither Rev, 2007;27:25-9.
I
Annexes
Annexe I : Dossier médical d'entrée ..................................................................................... II
Annexe II : Normes Poids / Taille / Périmètre crânien......................................................... V
Annexe III : Echelle de développement de Gesell-Tardieu ................................................ VII
Annexe IV : Echelle d'évaluation de la douleur: FLACC ................................................ VIII
Annexe V : Tableau descriptif des traitements médicamenteux d'Alexandre ..................... IX
Annexe VI : Tableau récapitulatif des bilans initiaux et finaux d'Alexandre ....................... X
Annexe VII : Tableau des acquisitions motrices d'Alexandre (selon Gesell-Tardieu) ....... XI
IX
Annexe V : Tableau descriptif des traitements médicamenteux d'Alexandre
Traitement Objectif Indications Contre-indications
Uvesterol
D
Vitamine D2
Fixation
osseuse du
calcium
Carence en Vitamine D2
chez le nourrisson, l’enfant
jusqu’à 5ans, la femme
enceinte ou qui allaite et le
sujet âgé
-Excès de calcium dans
le sang et les urines
-Antécédents de calculs
rénaux contenant du
calcium
Specia-
foldine
Vitamine B9
Indispensable au
métabolisme
-Carence en acide folique
(Vitamine B9)
-Prévention de la spina
bifida de l’enfant à naitre
Traitement du
phénobarbital, de la
primidone ou de la
phénytoïne
Fumafer Fer
Formation de
l’hémoglobine
-Carence en fer notamment
chez la femme enceinte, le
nouveau-né ou le nourrisson
quand les apports sont
insuffisants
Excès de fer dans
l’organisme
Dafalgan Paracétamol
Antalgique,
antipyrétique
-Traitement des affections
douloureuses et de la fièvre
-Maladie grave du foie
-Inflammation ou
saignement du rectum
-Phénylcétonurie
Inexium Inhibiteur de la
pompe à protons
diminue la
sécrétion des
acides gastriques
Traitement des symptômes
du RGO, des inflammations
de l’œsophage, des ulcères
et du syndrome de
Zollinger-Ellison
-Traitement du VIH
-Usage déconseillé lors
de l’allaitement et lors
de la grossesse
Dolodent Anesthésique
d’action locale
Traitement symptomatique
des poussées dentaires chez
le jeune enfant
Allergie aux
anesthésiques locaux
X
Annexe VI : Tableau récapitulatif des bilans initiaux et finaux d'Alexandre
A 11 mois A 13 mois
Poids/Taille : 8kg / 68cm (-1,5DS/ -3DS) 8kg630 / 69cm (-1,5DS/-3DS)
Cardio-
respiratoire :
Trachéotomisé (Canule Shiley 4)
Saturation : 96-99%
Fc : 140-150/min
Fr : 56-72/min
Respiration : abdominale et costale
basse + tirage intercostal et sous-
xiphoïdien
Trachéotomisé (Canule Shiley 4)
Saturation : 96-99%
Fc : 100-120/min
Fr : 36-50
Respiration : abdominale et
costale basse + tirage intercostal
Douleur :
-Spontanée :
-Provoquée :
FLACC : 0/10
FLACC : 6/10
FLACC : 0/10
FLACC : 2/10
Position de
repos :
Décubitus latéral avec extension
tête/cou/dos
Décubitus latéral tête rétropulsée
ou décubitus dorsal
Station assise : Assis trépied non redressé et instable
Assis trépied : 6mois
Assis sans appui redressé
Assis seul : 7-8mois
Déplacements :
Retournements DD ->DV -> DD
Retournements à 7mois
Locomotion par retournements
Acquisition : 8mois
Début du ramper, traction avec
les bras uniquement
Acquisition du ramper : 9-10mois
DD -> Assis : Tiré assis Tiré assis
Debout :
Légère réaction au sol
Acquisition : 5mois
Réaction au sol
Debout appuyé: 9-10mois
Préhension : Prise pouce index frustre
Acquisition : 9mois
Prise pouce index
Lâcher volontaire
Langage : Trachéotomie / Aucun son Trachéotomie / 1ers sons
Psycho-affectif : Rit beaucoup
Répond à son prénom
Acquisition : 7mois
Se sourit à lui-même dans le
miroir Acquisition : 5mois