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4.. p-.It r' LA RÉFORME ET LA FRONDE EN BOURBONNAIS RÉPONSE A LA 40 QUESTION (SECTION iv) DES ASSISES SCIENTIFIQUES DU BOURBONNAIS Par M. Jouis AtJDIA'i' b Iflemt,re d.. in SoeIét iltt.nItc de Lon, de In SrIlé de Antiq..alte. de nrmandIe. etc. On peut aimer la guerre. Il faut au soldat du courage, de l'abnégation et de la patience, trois grandes vertus dont la pratique est salutaire à une société. Le mépris du danger. le dévouement h la patrie et la souffrance silencieusement endurée. n'y a-t-il pas là de quoi appeler l'admiration? Un fils de paysan est arraché à sa charrue et à sa chaumière; on lui dit • Meurs en défendant ce lambeau d'étoffe qui représente la patrie! et il meurt, stoïque et fier. Oui, l'homme de guerre est noble; mais la guerre est. horrible. Le sang coulant à flots, les maisons dévorées par l'incendie, les champs incultes ou engraissés de cadavres, tel est le spectacle ordinaire qu'elle offre. Pourtant, il est des guerres qui, à côté de ces scènes sauva- ges, présentent l'éclat des victoires, la pompe des triomphes, la joie du danger évité, l'allégresse d'un peuple qui se s Document L - 1111111111 III 111111 PI Ili IIli 0000005562091 w 0-

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RÉFORME ET LA FRONDE

EN BOURBONNAIS

RÉPONSE A LA 40 QUESTION (SECTION iv) DES ASSISES

SCIENTIFIQUES DU BOURBONNAIS

Par M. Jouis AtJDIA'i'b

Iflemt,re d.. in SoeIét iltt.nItc de Lon, de In SrIlé de Antiq..alte.de nrmandIe. etc.

On peut aimer la guerre. Il faut au soldat du courage, del'abnégation et de la patience, trois grandes vertus dont lapratique est salutaire à une société. Le mépris du danger.le dévouement h la patrie et la souffrance silencieusementendurée. n'y a-t-il pas là de quoi appeler l'admiration? Unfils de paysan est arraché à sa charrue et à sa chaumière;on lui dit • Meurs en défendant ce lambeau d'étoffe quireprésente la patrie! et il meurt, stoïque et fier. Oui,l'homme de guerre est noble; mais la guerre est. horrible.Le sang coulant à flots, les maisons dévorées par l'incendie,les champs incultes ou engraissés de cadavres, tel est lespectacle ordinaire qu'elle offre.

Pourtant, il est des guerres qui, à côté de ces scènes sauva-ges, présentent l'éclat des victoires, la pompe des triomphes,la joie du danger évité, l'allégresse d'un peuple qui se

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sent sauvé.sauvé. Alors les fleurs nous voilent les corps entasséssans vie et affreusement mutilés; leurs parl'urnséloignent l'o-

• (leur du sang qui fume, et les guirlandes cachent aux armesdes taches hideuses que la rouille n'a l)CS faites. iflais, ra-conter l'histoire des guerres de religion et des guerres ci-viles; en Bourbonnais surtout, c'est entamer un long récitde calamités sans merci, de batailles sans victoire, etd'horreurs presque sans compensation .Malgré,le peu d'attraitdu sujet, j'essaierai de le traiter. Il est bon parfois de rap-peler le passé. L'expérience est la maîtresse de la vie. Cene sera qu'un mémoire, et le programme des Assises scienti-fiques ne demande pas un volume. Que ce tableau, aussirapidement tracé quo possible, soit une preuve que, malgrél'absence, je n'oublie pas mon pays, et ne veux pas resterétranger à ce qui s'y tente dans le domaine de l'intelli-gence.

1.

La Réforme ne fit pas de grands progrès dans notre pro-vince. Elle eut unternpl à Avermes, aux portes de Mou-lins, Il rie subsista pas longtemps. Les massacres et les in-cendies sont les seuls témoignages de son existence qu'elle yait laissés et :out ce qu'elle apportad'avaiitages aux habitantsde cette contrée. Aussi étonnons-nous de ce que le nom deHuguenot soit resté clans la langue populaire comme uneépithète injurieuse1 Pour la foule, un huguenot est néces-sairement un homme sournois et méchant. Les maux qu'ellesouffrit alors sont la cause de ce vif sentiment de répul-sion.

Taudis que la 11éform s'étendait en Berr y , pays limi-trophe, le Bourbonnais lui fermait ses frontières. Pourquoi?Ce serait un problème ii résoudre. L'esprit des populationslui fut-il réfractaire comme en Italie et en Espagrie? Les

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conditions locales s'y opposèrent-elles? La topographie estpour beaucoup dans l'établissement du calvinisme. Lescontrées qui l'acceptèrent avec le plus d'empressemént, lePoitou, la Saintonge, par exemple, étaient alors, par suitede la révolte de la gabelle, dans un état de souffrance et demalaise qui les disposait merveilleusement à écouter lesprédicants. Vienne une année de disette, et les réforma-teurs de la société ou les adversaires d'in gouvernementont beau jeu. On pourrait affirmer qu'en beaucoup d'en-droits, le protestantisme a étt une question de géographie.Marguerite de Valois soeur de François P' et duchesse deBerry, avait attiré à l'Université de Bôurges Melchior Vo]-mar, savant allemand, dont Théodore de Bèze et Jean Cal-vin vinrent prendre des leçons de grec. La faveur dontcette princesse entoura les novateurs ne contribua pas peuà répandre l'hérésie dans son duché. C'est de là qu'ellenous arriva, et avec elle tous nos malheurs en cette sanglanteépoque..

11 serait difficile de trouver un point du Bourbonnais oùles Huguenots n'aient imprimé en traits hideux la trace deleur passage. En 156, ils pillent l'abbaye de Saint-Menouxet détruisent tous les titres, ainsi qu'il résulte d'un actedu 15 novembre 4590 signé par l'abbesse, Mine de Beau -fi'emont, et Desanges, bailli de Saint-Menoux. A Huriel, on aune preuve de leur présence. C'est une vierge du XII- siècle,assise et tenant entre ses bras son divin fils. La statue futattachée à la queue d'un cheval, et, pour narguer la Popu-lation, tramée dans les rues jusqu'à la place publique. Unbûcher allumé la reçut. Mais les habitants, au péril deleur vie, se jetèrent dans les flammes et arrachèrent cetobjet de leur vénération. L'angle du piédestal est car-honisé.En réparation de cet outrage,chaque année depuis,nous dit M. l'abbé Boudant dans ses Sanctuaires de Marie,'image vénérée est portée processionnellement le jour de

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-4—l'Ascension dans les rues ou jadis elle fut traînée, afin quela réparation ait lieu oh fut commise la profanation.

Pendant ce temps, les gens du seigneur du Riau, près deVilleneuve, sen allaient (1561) en Nivernais, piller les ter-resde Nicolas de Bèze, fière de Théodore, et faisaient toutle monde prisonnier.

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1568 est l'année de la bataille de Cognat, le fait le plus,important de nos annales à cette époque. François de Belle-forest nous en a laissé les détails. lcrnard Royer de Coin-minges, vicomte de Bourniquet, Bertrand de Rabastens etle vicomte de Meiltelar amenaient des bandes huguenotesdu Quercy. Ils cherchaient à se réunir à Poncenat et à \e1'-belay qui étaient à la tète de tréis mille hommes de pied etcinq cents chevaux, levés en Bourbonnais et en Auvergne.Le seigneur de Poncenat , près de Montaigu-le-Blin , undes terribles capitaines qui servirent sous le baron desAdrets, était en route. Il fut battu près du village de Chant-poliet perdit trois cents hommes et ses drapeaux. JI putcependant joindre Bourniquet à la Pacaudière. On s'avançacontre les cathôliques.

Vichy se trouvait sur la route. t Hors de la ville, du côtédu levant, dit Nicolas de Nicolaï, sont situés et assis lescloître, couvent et monastère des Cordeliers, où il y avaitde grands et magnifiques bâtiments temple cloître,grands corps de logis à loger roy et prince, et autres officeset jardins. Le tout avait déjà été brùlé et démoli, sur lafin de 1563, par les troupes du vicomte de Bourniquet etde Mouvans, ce qui fut grand perte et dommage sans au-cun profit. Du couvent établi par le bon duc Louis Il etdel'église. il n'était rien demeuré d'entier, sice n'est toute-

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fois une belle et riche chapelle, fondéepar luis seigneursde la Vauguyon. Vichy eut encore la visite de ses premiersdévastateurs. Ils y séjournèrent un joui..

Le pont sur l'Allier étâit la clef de l'Auvergne. Poncenat,qui était du pays, fut envoyé en avant comme éclairèur.Il s'empare du pont, le 4 janvier 1568. Les protestants lefranchissent, leS, et le brûlent. C'était s'ôter toute ressourceen cas de défaite, et se mettre résolument dans la nécessitéde vaincre. Le jour suivant, fête des Ibis, ils aperçoiventl'armée royale à 12 kilomètres de Vichy. Les Catholiquesétaient campés dans là plaine de Cognat, entre Gannat,Randan et .Lafont. Ils avaient pour chef Saint-Hérem, gou-verneur et grand-prieur d'Auvergne, qui devait plus tardrefuser d'exécuter la Saint-Barthélemy dans sa province;le baron de Lastic, de Gordes d'Urfé. Saint-Chaumont,Bressieu, Jean Mothier de la Fayette, seigneur de Cognat, etNectaire de Sennectaire, évêque du Puy. Le choc tut rude•Ilressieu et La Fayette sont à l'avant-garde; ils ont contreeux le vicomte de Paulin, son frère et Ponceux. La mêléedevint bientôt générale. On combattit avec fureur de partet d'autre. Enfin les catholiques durent céder. Ils avaientperdu plus de mille soldats, l'élite de leur armée, et plu-sieurs de leurs chefs, 1c seigneur de Cognat et Bressieii. Ducôté des protestants, il périt moins de monde. Mais le soir,Poncenat s'étant, avec Paduret, prévôt du Forez, mis à lapoursuite des fuyards, arriva près des bagages que gardaientun parti de Huguenots. On tira sur eux par méprise et ilsfurent tués. Le corps de Poncenat fut porté à son château(le Chaugi, près Lapalisse, et y fut enterré. Le château deCognat tut complétement ruiné. L'église fut incendiée. Unnouveau château s'est depuis , élevé à la place de l'an-rien, et le propriétaire vient de restaurer l'antique église.

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1H.

- Pendant que les catholiques battus s'éloignaient vers laLimagne, les proteManis victorieux parcouraient le Bour-bonnais. Ils se dirigeaient vers le Berry, cii les attendait leprince de Condé. Leurs bandes se répandent partout. Con-duits par Bourniquet, dont le nom estest encore pour les po.pulations un sujet de terreur, ils pillent, saccagent tout.Or! peut les suivre à la lueur des temples et des couventsqu'ils .brùlent et au sang qui coule sous leurs pas « Ainsi,dit l'historien de Chantelle, nôs églises saccagées, nos reli-gieux mis à mort, les monastères de femmes profanés,voilà les moindres exploits de ces barbares inspirés parLuther et Calvin.

Bègues fut rançonné et montre ehcore la place (le leurcamp.

Cliarroùx, ville forte, ceinte de touriet de remparts, re-fusa de recevoir ce torrent dévastateur. La villefut énergi-quement défendue par ses habitants. On montre encore laVigne des (iathoiicans, oit périrent nombre de soldats fidè-les à leur Dieu. li y a en outre la Route des morts, souvenir(l'un combat qui se livra 1h. UI) pré s'appelle le Pigeonnierdes Huguenots, parce quil y avait en ce lieu quelque ton-celle dont ils se servaient. Le siége (Jura bonjours. Pen-dant ce temps, Bourniquet et Mouvans envoyaient un partiqui pillait le prieuré (iii Pevroux . Un.autre détachementmettait le feu à la commanderie (le Ta Marche. Les ruines(lela belle chapelle et du cloître sont là pou]- attester leursdégâts. Enfin la vaillante place rie Char-roux tut prise. Toutela garnison fut passée au lii de l'épée; les habitants massa-crés, les maisons rasées. Les Huguenots ne quittèrent Char.roux que lorsqu'ils furent softs de carnage et las d'orgies.

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Le Montet, par sa position, attirait les regards. Il y avaitlà un monastère et une église. On résista probablement:car église, monastère et ville, tout fut brûlé. La flammeéteinte et les Huguenots passés, on se remit à réédifier.Mais l'église ne fut plus que ]a moitié de ce quelle était.Du transept à, l'abside, tout était tombé; on se contenta derelever quelques travées, de refaire quelques voûtes; onsculpta mème quelques mahicoulis sur le côté sud de l'é-glise, à côté de deux ou trois épargnés. Le reste des pierresservit la reconstruction des habitations. Voilà pourquoi,dans les maisons du Montet, se trouvent des pierres sculp-tées et portant des traces certaines de feu.

La Bruyère-L'Aubépin, en la paroisse de Theneuille.avait vu son château-fort, chef-lieu d'une importante cha-tellenie, pris cri 1115 parles Anglais, puis repris par 1croi et vendu à Jacques Coeur par Charles VII. LesHugue

-nots vinrent en 468. Tous les habitants furent égorgés etleurs maisons détruites. Céi'illy, près de hi. ne fut pas épar-'né. Ainay-le-Cliôteau eut cruellement à souffrir. • Lesdits

- t ville et faubourg, raconte Nicolaï, ont été fort affligés enl'an 4568 par ceux de la relIgion qui les saisirent et yexercèrent et aux environs des meurtres infinis et pillè-rent mème en la ville de Cérilly, qu'ils saccagèrent avec

« grands, meurtres de ceux de la ville. Etau départir d'i-« celle et d'Ai uav, non sans grandes violences., tuèrent le

lieutenant-général de la dite sénéchaussée. t Limoiseavait un château-fort. Il fut pris d'assaut. Le Veurdre futpill6par le seigneur de Neuvy.

Le fléau continua ses ravages sur notre sol, Il ne cessaque pour aller sévir en Berry.

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V.

Que de crimes dont la religion est le prétexte t Aussi on atort (le nommer guerres de religion les luttes du xvis siècle.Qui donc se souciait (le la religion parmi les Huguenots?J'entends bien les modernes prétendre qu'ils combattaientpour la liberté de conscience et pour le maintien de leursconvictions. Mais les protestants se montraient les plusintolérants des sectaires. Partout où ils furentles plus forts,ils furent oppresseurs. Luther aune contre de pauvres pay-saris qui, l'Evangile eu main, trouvaient qu'àn les devaittraiter -mieux. Calvin allume les bûchers à Genève, et labonne Elisabeth pend par mois 400 catholiques. Puisc'est à la patience que je reconnais les martyrs. Les chré-tiens de la Primitive église, torturés avec tous les raffine-ments d'une barbarie civilisée, servant de torches pour lesjardins impériaux, lancés à la gueule des bêtes féroces dansl'arène, voyant, - pire supplice - leurs femmes et leursfilles jetées à la brutalité des lupanars, prirent-ils jamais lesarmes contre leurs perséculeurs?

La Réforme compta bon nombre d'adhérents sincères.Ils crurent naïveindnt aux belles paroles qu'on leur prê-chait, et se laissèrent innocemment séduire par les espoirs deredressement d'abus dont on les berçait. Ils y voyaient unretour à un catholicisme dépouillé de la rouille des siè-cles, débarrassé des vices que l'Eglisc elle-même avait en-trepris d'extirper. Bossuet l'a dit admirablement: t Quandune fois on a trouvé le moyen de prendre la multitude parl'appât de la liberté, elle suit en aveugle pourvu qu'elle enentende seulement le nom. » On se laissa donc aller. Unefois trompé, comment reconnalire son erreur? On y persé-

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vère avec d'autant plus de fermeté qu'il y a quelque dan-ger. Mais ces gens honnêtes n'auraient jamais d'eux-mêmespris les armes, allumé la guerre, couvert la France de rui-nes et de sang. Les seigneurs se trouvaient là.

Depuis la fin des grandes guerres, ils étaient inoccupésles forteresses féodales devenaient intiles. Les communes,constituées partout, échappaient à leur tutelle pour se met-tre sous la protection plus lointaine et plus égale du roi.La guerre, c'était pour eux le mouvement elle leur don-nait l'influence que la force et l'épée ont toujours dansles temps troublés. Les protestants leur offraient des sol-dats; ils leur mirent au coeur l'ardeur de combattre, ils lessoulevèrent pour s'en faire les chefs. La conviction fut bienpeu de chose dans les conversions des gentilshommes. Ilsse font huguenots selon l'intérêt, la passion, le caprice dumoment. La maison de Chastillon, pour lutter contre lamaison de Guise, sa rivale, cherche L'appui des réformés.Appelez les grands noms de l'époque ; et selon qu'ils tien-dront à l'une des deux familles par la parenté, les allian-ces ou l'amitié, ils sont papistes ou huguenots. Les Condé,les Coligny, les la Rochefoucauld, les La Trémouille, tousalliés, sont calvinistes.

Et le caprice ou la passion? Jacques Spifame évêque deNevers, se marie le cardinal de Chastillon se marie ; lelaiïdgrave de Hesse se marie à plusieurs femmes à la Ibis:Luther, qui apris une femme, lui permet d'en prendre deux.Henri VIII divorce et se marie. Si Clément VII eût uséde la condescendance de Luther, l'Angleterre serait ca-tholique. Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret s'aimenttant que l'un embrasse aussitôt la religion que l'autre ve-nait d'abjurer. Guillaume d'Orange, né luthérien, se rendpapiste pour être agréable à Charles-Quint; il se fait hugue-not quand il entreprend de changer la forme du gouverne-ment. II y a bien d'autres exemples. Aussi voyez comme ils

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- 10-reviennent au giron de l'orthodoxie, dès que la guerre neleur peut plus rien rapporter et peut leur faire perdrebeaucoup? Lesdiguières abjure en 162 ; sa fille, Mme deCréquy, l'avait fait depuis longtemps. Le duc de la Tré-mouille rétracte solennellement ses cireurs en 168; soifils, Henri-Charles, imite son père, malgré sa mère. Ainsifont les la Bochefoucauld, Turenne et le duc (le Bouillon,Charles de Coligny et soit le maréchal (le Chastil-lori, les maréchaux de Duras et (le Lorges et leur soeur, en1678; le duc de Montausier, les Dangeau. les Maintenon,

-les dEntragues, etc. Il ne faudrait pas prétendre que tousces hommes aient 6t( (les hypocrites et des ambitieux. Il yeut au XVIIe siècle un mouvement religieux très prononcé.L'Exposition de la doctrine de. l'église catholique par Bos-suet et la Perpetuité de la foi par Arnault Ouvrirent lesyeux à un grand nombre. Les autres qui ne trouvaient pILISdans le protestantisme, constitué par l'édit de Nantes etmis sous ta direction souveraine des ministres, Finiluencepossédée jadis et une armée prète ù satisfaire leur besoind'indépendance féodale, ne demandèrent Pas mieux qued'êti-edétrompés et de revenir à un culte où le maitrè lesconviait. -

Un mot est caractéristique. C'est Agrippa 'Aubigné.qui• le rapporte. Eu 4538, un combat a lieu. Les chefs calvi-nistes restent sur la place. Un paysan s'acharne sur l'undeux à coups de sabots en lui criantTu ne mangei-:is

• plus mes poules? m Sir.an% plus tard. André de Bourdeille.seigneur de Brantôme, écrit au duc d'Alençon, frère du roi.cette phrase significative « Si le roy n'y met ordre, je voisla couronne de France fort basse et le pauvre peuple fortmangé. »

Voilà le résultait; le peuple est victime de quelques ambi-tieux qui s'en servent.

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VI.

En 1576 les armées calvinistes reparaissent en Bourbon-nais. Le prince de Condé avait traité avec Jean Casimir, filsde l'électeur palatin, qui se fait payer cher et exige desplaces de sûreté pour gage de paiement. L'armée étrangèretraverse la Champagne et la Bourgogne. Quiconque résiste,individu ou ville, est anéanti. A Nuits, les habitants atten-dent le premier coup de canon pour capituler; ils sont pas-sés au fil de l'épée. En vain, Condé présent leur a donnéune sauve-garde. Le détachement français est écrasé par lesreîtres allemands. La France est un pays conquis, uneploie facile ; et on le lui montre.

Après avoir traversé la Loire à la Charité, Condé et JeanCasimir s'avancent vers le Bourbonnais. Le duc de Mayenneest campé devant Moulins avec l'armée royale. Cette villeest épargflée. Mais !e peuple, furieux d'avoir été sur lepoint d'être assiégé, rpassaère le seigneur de Foulet, gentil-homme du voisinage, et un avocat, Claude Brisson, qui unmoment s'étaient joints é une troupe de Huguenots. -• A la lin de février, Vichy est prise. Les Célestins, pillés en1368. furent cornplétement ruinés.. Le pont sur l'Allier,rompu par Bourniquet, avait été rétabli. Le prince palatins'y retrancha. Puis craignant l'armée royale, il abandonnala ville. Malgré Maycnne, il put faire sa jonction avec Condé.On s'avança vers l'Auvergne. L'Auvergne se racheta du pirluge moyennant cinquante mille écus. Le Bourbonnais dutsupporter ces bandes étrangères qui se croyaient chez elles.Que d'avanies, que d'outrages et de malheurs curent à en-durer les habitants de ces contrées La torche et le ferétaient les seuls arguments de ces bandits. o Ces reltres en

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effet n'épargnaient rien. Le village de l'Anglard est ruiné;pas un édifice ne resta debout. Brout, on ne sait pourquelle cause, fut presque épargné; il n'y eut de détruit quesix maisons.. Mais le tombeau de Hugues de Chastillon, sei-gneur dEcole au Xll0 siècle, ami de saint Gilbert de Nea-fontaines, fut profané, mis en pièces. Les villages d'Ecoleet de Vernet furent surtout le théâtre des ravages des barba-res :trente-cinq maisons avec leurs djiendances furent li-vrées aux flammes.La Tour-Sainté, berceau de saint Gilbert,le château d'Eeole et celui des Morelles, furent saccagés eincendiés. Dix hommes furent massacrés. Une jeune femmefut indignement mise à mort, Les Allemands s'attaquaientencore aux provisions; blé, vin, fourrages, tout fut gaspillé;les récoltes naissantes foulées aux pieds (les chevaux, leshôtes de hbourabattues et mangées. Pendant dix.huiï'joursla dévastation fut complète ; ils se retirèrent quand il n'yeut plus rien où ils pussent assouvir leur férocité. a Il neresta pas, dit un chroniqueur, il ne resta pas une seulepoule vivante, à plusieurs lieues à la ronde. »

Charroux est encore enlevé rie vive force. La commande-rie de Mayet est ruinée. Chantelle .la.Vieille voit son égliseà bas et le village incendié. Les habitants, ainsi que celarésulte d'une supplique adressée à Mgr , Poncet, archevêquede Bourges, furent contraints d'abandonner l'endroit ( le-quel demeura longtemps dépeuplé. Le mal était si grandque Jean de Mille, écuyer, seigneur des Morelles, de Voilai,d'Ecolette, d'Ambourg, etc., général de la maison du comted'Auvergne, conseiller du roi et trésorier général des Cillait-ces de la généralité de Moulins, protecteur né de ces régionsmises à une si ruile épreuve. dit M. Boudant, éleva la voix.Une première fois il parviht à faire réduire les impôts quedevaient les habitants. Une seconde fois, le 22 mars 4583.il adressa une nouvelle requête pour le même motif au sieur'du Buysson,présidentau siégeprésidial deMoûlins.11 est drvis que. sous le bon plaisir et vouloir de sa Majesté, en cour-

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• inisération des grandes ruines, pertes, calamités et mas-sacres subis par les habitants des lieux sus-nommés, ils'reçoivent, durant quelques années encore, don et remise

« de la moitié de toutes leurs tailles, taillon, et impositions« quelconques.

Nominons encore Saint-Germain-des-Fossés, qui fut fortmaltraité à cette époque. Il avait reçu la visite de Char-Les IX, ainsi quEbreuil eu 1565. Le roi avait couché, ve-nant de Bourges, le 20 décembre, à Couleuvre, et le 21 àSaint-Menoux . L'abbaye .de Sept-Fonts , pour aider àCharles dans ses guerres contre les Huguenots, avait été for-céd (le vendre plusieurs propriétés. Son dévouement ne lapréserva pas. En 1568, le monastère fut saccagé ; sesarchives furent la proie des flammes; ses bâtiments furentrenversés. Les protestants étaient occupés à cette oeuvre dedévastation, lorsqu'arriva un parti (le catholiques. Un combat eut lieu dont les annalistes ne nous ont pas fait con-naître le résultat.

Plus loin, Montluçon est mis à contribution. Deux ansaprès, en 1578, c 'est le tour d'Huriel et de Domérat.

VI!

Or ne doit pas s'étonner si, pour repousser l'étranger,pour éviter le retour de pareilles calamités, ce peuple, à lafin las de souffrir, se soit armé, organisé. On voit çà et làdes essais partiels de résistance. M. Boudant a relrotné l'his-toire de cc qui se passa alors à Chantelle. Trois hommesessayèrent de ranimer le courage de leurs concitoyens etdese défendre énergiquement. Jacques Bort, ouvrier tanneur;son parent, maître Philippe Bort, sieur de la Presle, et no-ble Simon Lartaud, seigneur du Treillis, se mirent à la

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- -

tète, l'un des bandes de Bourgrieuf, l'autre des bandes dela Font-Neuve; le dernier fut nommé capitaine-généralpour le roi de la compagnie dosgarçons de la ville de Chan-telle. L'ennemi eut (le rudes moments à passer; il dut vi-der les lieux. Les trois valeureux volontaires furent pro-clamés les sauveurs deleur PY L'ouvrier tanneurfut ano-bli ; il devint maire de Chantelle et conserva toute sa viele grade bien gagné de • capitaine-général des vieilles ban-des de Bourgneuf. Histoire de C/tantelle, page 59.

La Ligue se formait ainsi, çà. et là, sous l'impulsion desévénements. C'était un besoin du temps. En face de la fé-dération calviniste qui appelait à son secours Anglais etAllemands, les catholiques avaient compris qu'ils ne résis-teraient qu'en se réunissant. La Sainte-Union sortit desflancs de la nation. La Réforme est nobiliaire, aristocrati-que; la Ligue est populaire, démocratique. Quels sont sesfondateurs et ses chefs? des marchands, des bourgeois, ledrapier Compans, le procureur Leclei'ç, le commissaireLouclkard. Qu'on parle de ses torts, qu'on blâme ses excès,qu'on critique les meneurs, les Guise qui s'en servirenthabilement pour leurs dessins secrets, j'approuve, et laSatyre Ménippée m'y aidera. Mais il n'en est pas moins vraique la Ligue lutta énergiquement pour la foi, pour l'indé-pendance civile et l'autonomie nationale. C'est le peupleentier prenant cii propres mains sa cause à lui, mal proté-gée ou trahie par l'ineptie, la faiblesse, l'ambition ou laduplicité. --

VIII.

Le duc de Nemours, frère du due de Mayenne, était gou-verneur du Bourbonnais. Malgré ses efforts, la Ligue ne serépandit que fort peu. Son lieutenant, le seigneur de Mon-taret, ne s'épargnait pourtant pas terrifier les calvinistes.

M

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- us -

« Sa mémoire, dit M. Alary, - Gdograpkie de l'Allier, page« 4, - est restée chargée de plusieurs traits de cruauté« envers les protestants, qui ont peut-être été exagérés,• comme beaucoup de faits le sont dans les temps où rè-

gne ]'esprit de parti. C'est lui qui, en 1.570, assiégeadans Bannegon Marie de liarbançon, veuve de Jean (lesBarres seigneur de Neuvy-en--Barrois. Seule, l'héroïquefemme se défendit, aveccinquante hommes, dans son châ-teau, pendant plus de deux mois. Mai ses soldats tués, lesvines manquant, elle dut se rendre. Monlar& l'envoyaprisonnière à Moulins, livra Bannegon au pillage et ruinale château. Ajoutons que le roi, charmé de son énergie, lalit aussitôt mettre en liberté.

Le sieur de Chazerou, qui succéda au due de Nemours,montra plus de douceur et moins de zèle(lue ses prédéces-seurs. Il essaya de tenir la balance égale entre lés Ligueurset les Protestants, et de maintenir la province uniquementsous l'autorité du roi. C'était difficile. Le Veurdre était re-tombé au pouvoir des Huguenots; il fallut le reprendre.En 159!, Varennes, qui avait déjà beaucoup souffert, dutcéder au canon de Chazeron et perdit alors très-probable-ment son enceinte fortifiée. Vichy fut une troisième fois en-levée aux Calvinistes. Beauregard, qui s'y était jeté sousprétexte de la défendre, la livra en proie à ses troupes.D'un autre côté, les boulets des assiégeants démolirent desmaisons et une partie de l'église.

En 4589, François des Barres, seigneur de Neuvy-le-l3arrois et de Bannegon, s'était rendu maître dAinay-le-Château. Au mois d'août de l'année suivante, les troupesroyales se présentèrent devant la ville. Les généraux deMontigny, d'Arquian, de Beaupré et le grand .pricur deFrance traitèrent avec Neuvy. Moyennant deux mille écus(lu'ilslui payèrent, il s'engagea à ne plus faire la guerre enBourbonnais. Mais quatre mois s'étaient à peine écoulés,qu'oubliant son serment, il reparut et reprit la place qu'il

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avait livrée à l'ennemi. Chazeron dut reprendre de non-veau Ainay.

CéiIly n'était pas loin. Les Ligueurs tenaient la ville.Chazeron I'assiége. En vain le capitaine Louys et le sieurde Neuvy s'avancent pour la secourir; en vain , ils chargentles compagnies d'arquebusiers envoyées contre eux et leurtuent cent s.ingt hommes: elle succombe.

Sur les bords de la Loire, Avrilly vit son église, pittores..quement située sur une éminence d'où elle domine tout leval, changée en forteresse parle capitaine Monta!, et priseet brûlée par liesprées qui commandait au château d'Arcy.

Les Ligueurs avaient pour chef en liourbonnnais le sei-gneurde la Boulaye. Ils tenaient les châteaux de Montpen-sier. de Chatuzat, (le Monteignet, la ville de Montaigut-en-Combrailles. MaisGannat, Charroux. Vichy, Saint-Pourçainles forts de Montfand et de Chantelte étaient au pouvoir desroyalistes que commandait le seigneur deChazeron. Cha--zeron est accompa;né de Sallevert, de la Trémouille, deNérestan. (le la Fontaine-Saint-Pourçain.deMottel'alloii, dela Maison-Neuve. Le 23 mars 193, il s'installe au châteaude Chantelle, et de là lance des réquisitions sur les paroisses environnantes. Pauvres habitants de Charroux I puis-qu'ils étaient du parti du roi, ils devaient le soutenir. Onles impose donc à trois mille cinq cents livres de mitraille.Trois mille cinq cents livres de mitraille né se trouvent pasdans le pas d'un boeuf. Ils supplièrent; on leur permit dese rachetei moyennant cent cinquante écus payés comp-tant. Deux ans plus tard, nouvelle réquisition. Ils en fu-rent quittes pour quatre cents écus, payés au sieur deSainte-Colombe, mestre de camp du maréchal (le Grillon.L'année suivante, il fallut fournir des provisions aux sol-dats ; blé, vin, huile, légumes, cc bon Vin dont le poinçonvalait alors 7 écus 3Osous, furentlivrés. En 4598, nouveauxapprovisionnements décrétés par Chazeron, gouverneur etsénéchal du Bourbonnais. Quelques-uns s'y refusèrent.

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Une brusque razzia leur enleva cent têW de bétail. Oh! labelle chose que la guerre

Les Ligueurs ne sont guère plus doux. On en trouve unepreuvedans une intéressante brochure que l'Art enprovince publia pour la première fois, Une épisode des guer-res de religion ou ruine de l'ancienne ville d'Ecole. Jean deMilles, brave et loyal chevalier, redouté des Ligueurs, tombeentre leurs mains. 11 allait d'lJssel à Gannat. Les capitainesLacroix et Bonenfant l'envoient au fort de Montpensier, oùou le jette dans une basse fosse. li fait agir ses amis: car ilrefuse de payer une rançon. L'évêque de Clermont, Mgr dela Ilochefoucauld, le due de Nemours intercèdent pour lui.Sa femme, Michelle de Raynaud, use deprésents pour adou-cir ses geôliers: elle leur envoie bas (le soie, six aunes dedrap vert, coq leur chère aux Guisards, et enfin deux piècesde vin de Saulcet qu'elle avait payées quatre-vingt-dix li-vres. C'est en vain. On voulait vaincre l'obstination du cap-tif, et le captif ne se voulaitpas racheter. Enfin, on l'enfermedans une armoire. La faim domptera cette âme invincible.Pendant trois jours, le malheureux fut réduit à manger sesexcréments. A bout de forces, il promet de faire un testa-ment en faveur de ses bourreaux. La signature appdsée, ilest massacré sans pitié. Juin 1591.

Ebreuil fut assiégé par le duc de Nemours. On a trouvé,il y vingt ans, près du vilage de Chantemerle, des amasconsidérables d'épées, (le fers de lances et autres armes quisont des preuves de son campement. - Histoire d'Ebruii,page 20. - Mais la fidèle cité voulait rester au roi. Sesbra-ves élus avaient pris toutes les précautions nécessairespourprévenir et repousser l'ennemi. Le pont de bois sur la Sioulesauta ; on y substitua un bâteau etun pont-levis. Les porteset fenêtres qui donnaient sur les remparts furent murées,et les abords du château obstrués. Les fossés se remplirentd'eau jusqu'aux bords. On plaça des barrières aux fau-bourgs et des tranchées furent pratiquées. Sous la direc-

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- (8 -tion de Pierre de Rousset, sieur de Chavagnac, qui fut in-vesti comme capitaine des pouvoirs les plus étendus, desguérites sont placées partout aux frais des notables citoyens;le curé et le vicaire en fournissent chacun une. Une vedetteen permanence dans la Tour-Blanche réparée surveille lacampagne. Tous les habitants se pourvoient d'armes etd'arquebuses surtout. Aucun étranger ne peut pénétrerdans la ville sans avoir été fouillé et sans laisser ses armesà la porte. Le 21 septembre môme (1591), on décide que lacélèbre foire des Saints-Anges (2 octobre) se tiendra dansLacampagn&; et si un mariage se doit célébrer, les gens dela noce ont ordre de laisser en dehors des remparts leursbâtons à feu. • Les troubles continuant, on prie M. deMontinorin, seigneur du Châtetard et commissaire desguerres, de venir au secours d'Ebreuil, en poursuivantceux de Gannat etd'Aigueperse qui tenaient pour la Ligue.Grâcè A de si sages et si nombreuses précautions, grâce àce dévouement de tous, la ville fut préservée du pillage.Quand la paix eut été faite, en 1593, les habiffints fourni-rent de bon gré à M. de Nemours vivres et approvisionne-ments: Au départ des troupes, quinze cents pains restèrentpour les pauvres. - Hist. d'Ebreuil, p.20.

Saint-Pourçain avait pris parti pour le roi. Le sieur deTavannes se présenta, mais un fougueux ligueur, nomméMichelet, voulut s'opposer à ce que la ville fùt livrée auxgens du roi. Tavannes le fit pendre à la porte de sa maison,rue Saint-Nicolas. En 1587, elle se déclara pour l'Union ; en1590 pour Henri 111. De là des assauts répétés et des mal-heurs sans fin. c Elle était, dit Fodéré, plus travaillée qu'au-« cune autre ville de toutle pays, ayant été prisé et reprise,

pillécet iepillée par diverses fois et alternativement par• les deux partis, qui en faisaient la retraite de toutes leurs• voleries, et l'ont si longtemps tenue et tellment désolée

que c'est merveille comme elle est encore habitée à pré-• sent.

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En 1595, le capitaine Villars qui avait longtemps défenduSaint-Pourçain au compte de la Ligue, se trouvant sans•occupation, se mit avec son lieutenant le cadet des Aix àparcourir le pays, rançonnant les habitants des frontières(lu Bourbonnais et du Berry. Ainay et les villes voisines lesurent bien: Les foires, les marchés, les grands cheminsétaient le théâtre de ses exploits. Plaintes de Bourges. Leroi autorise La Verne, sieur de Vauvrilles, à lui courir sus.Villars est pris. Les gens de Bourges l'achètent —8 juillet4595 - moyennant 2,WO écus. li fut jugé, condamné etexécuté.

Ix'

A l'autre extrémité du Bourbonnais, Saneoins éprouvait unsort semblable. La Châtre, gouverneur et lieutenant-généraldu roi en Berry, ligueur zélé, l'assiégé en 4589, puis lechâteau de Jouy; il y met garnison. L'année suivante, laville est prise par M. de Nevers. En 4591, M. de la Châtre,repoussé d'Aubigny, veut se venger du due de Nevers.A l'aide des troupes que François des Barres lui amène duBourbonnais, il investit Saneoins; la place capitule. Leshabitants paient mille écus d'or au soleil et se rachètentainsi du pillage.

Près de Sancoins, sur la route de Neuilly-en-Dun, s'élèveune imposante ruine féodale. Un lierre immense l'étreint,et fait un splendide manteau de verdure à cette vieille tourqui domine le pays. Pendant que Royaux, Huguenots et Li-gueurs se déchiraient, une troupe de brigands s'était em-parée du château et y avait établi son quartier général.Ils sortaient delà et se répandaient sur les campagnes, tuant

is

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- 20 -et volant. Sancoins les voyait souvent apparaître, et toujoursavec un nouvel effroi. Un jour le maire et capitaine de latille se mit à la tête des bourgeois pour repousser la horde.II fut pris dans une sortie et écorché tout vif.

Comme les brigands de Jouy, la misère profitait desratage's, et sévissait cruellement pendant qu'on était auxprises. Qui pouvait cultiver des champs pendantces temps?Les maladies ajoutent à ces dévastations. La peste attaque1g bourg de Tronget au 14 aoftt 1583, d'après une' notell uè nous devons à l'obligeance de M. de Beaumont, maire(le cette commune. Pendant ce seul mois, trente-quatrepersonnes périrent. Chiffre effrayant

On pourrait encore charger ce tableau déjà bien noir.Les catholiques, nous l'avons vu, rivalisent souvent decruautés avec les protestants. Mais il faut se borner. On enaura assez dit pour montrer quelques fruits de la réformeen Bourbonnais.

Ki

• Le pays commençait à se remettre un peu sous la mainbienfaisante deHenri IV. Puis vint Richelieu qui acheva demettre l'ordre et la paix partout. Cependant les révol-tes troublèrent •ce règne du pacifique Louis Xlii. Une desplus importantes fut celle du duc de Montniorencyet deGaston d'Orléans, frère du roi. Le Bourbonnais, situé sur lagrande route de Paris Lyon, livra passage aux troupes duduc et à celles du cardinal. Il dût à ces tristes événementsmi des plus beaux monuments de la ville de Moulins. Marie.Félice des Ursins, la touchante et fidèle veuve de Montmo-rency, vint passer le reste de ses jours parmi ces bonnes po-pulations du Bourbonnais, dont elle appréciait la douceur.Elle voulut leur confier le corps de son mari et le sien

L I'

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propre, legs précieux que la Révolution eut l'impudeurde profaner et de disperser; et elle éleva cette gracieusechapelle et ce tombeau que tous admirent. Etait-ce pourdédommger la proyince des maux causés accidentellementpar la funeste prise d'armes de son époux?-

Le passage des troupes en 4632 est pour ainsi dire l'en-tracte entre.dcux tragédies. La Réforme a fini ses cruaut; laFronde va commencer à déchainer ses fléaux. Henri 11, ducde Montmorency, pour ne pas laisser la scène oisive,y pro-mène la guerre civile. Nous avons de ces événements untémoin véridique. C'est le curé du Donjon, Girard Charnay,qui administra cette paroisse de 1606 à .1653, et ne laissapasser aucune année sans noter sur le registre paroissial lesfaits mémorables qui l'avaient marquée. Nous devons .àun intelligent chercheur, M. Victor Meilheurat, de Mont-combroux, la publication des notes intéressantes ditannaliste.

En juin 4632, raconte-t-il, tout le peuple était.en grandepeur d'avoir encore un

e Ligue, parce que le bruit courait

que Monsieur venait de passer par ce pays avec une grandeàrmée. L'avant-garde, composée de Français, Italiens, Es-pagnols, Flamands, Lorrains, Liégeois, Vallons, AllemandsPolonais (Polacres), Dragons, et autres meschantes nationsarrivent, le dimanche 27 juin au Donjon, avec un nombred'environ mille cavaliers, et en repartent le mercredi 30.Le duc d'Orléans passe ensuite avec la plus grande partiede son armée et va coucher à la Besche, château de lapa-roisse de Bert. Il fait ensuite traverser à Vichy l'Allier à sonarmée qui s'élevait à environ dix mille cavaliers, c lesquels,

dit le narrateur, ont fait de grands dégâts et ruyné là oùils ont passé, mettant le feu par malice en plusieurs mai-

c sons, granges et autres bâtiments, battu et outragé etrançonné leurs hostes et liostesses, voilé et emporté tout

« cc qu'ils ont pu, même dans ce bourg du' Donjon, sans

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« que les chefs de la dite armée ayent voulu ouïr les plain-« tes des affligés ny satisfaction. i

Quinze jours après, voici venir les armées qui sont à 1apoursuite de Monsieur. Quatre ou cinq mille hommes arri-vent à Digoin sous les ordres delaForce, remontent parla Bourgogne vers Paray 1 Marciguy, puis Lyon. et s'em-barquent sur le Rhône Ensuite parait le maréchal deSchomberg avec trois ou quatre mille hommes de l'arméedu roi; il passe par Moulins, par Souvigny, toujours à larecherche du duc d'Orléans. « Et par ce moyen le pauvrepeuple estgrandement oppressé. Dieu nousveuille assisteri.

Après l'armée, le roi, Louis Xlii avec Aime d'Autriche, àla tète de vingt mille hommes, fait son entrée à Moulins, le9 aoùt 163. Le 30, il est à Varennes et couche à Lapalisse,

puis se dirige sur Lyon. Quatre-vingts charrettes chargéesde mèches et de balles à mousquet traversent le Donjotiavec plusieurs compagnies de gardes qui logent dans les pa-roisses d'alentour. c Le tout allait à Lyon, afin de poursui-

vreMonsieur, qui a fait une aimée en Languedoc avecM. (le Montmorency, Mgr l'évêque d'Alby et plusieurs au-

« tres qui se sont rangés avec Monsieur. Dieu nous veuilledonner une bonne paix et inspirer le roy de .soulager lepauvre peuple qui est à l'extrémité!La révolte de Montmorency a ruiné le pays. La révolte

de Condé vale réduire à la misère.

Xi.

Le prince de Condé avait été arrèté le 18janvier 1650,au Louvre, sur tordre de Mazarin, avec Conti, son frère,et Longueville, son beau-frère- C'est François de Commin-ges, comte de Guitaut, capitaine des gardes du corps

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M -

d'Anne d'Autriche, qui les emprisonna à Vincennes. Sonneveu Gaston-Jean-Baptiste de Comminges avait, le 26 août16j8, conduit à Saint-Germain le conseiller à la Grand'Cham.bre, Pierre Broussel, vieillard de 80 ans.. Condé de là futtransféré à Marcoussy, bourg à 25 kiloniètres de Rambouil-let, puis au Havre. Cette fois, c'était sous le garde de Henride Lorraine, comte d'Harcourt. En route, le vainqueur deRocroy improvisa dans son carrosse ce sixain épigramma-tique contre l'illustre homme de guerre devenu agent d4police

Cet homme gros et court,Si connu dans l'histoire,Ce grand comte d'ttareourt,Tout couronné de gloire,

Qui secourut Casai et qui reprit Turin,.Est maintenant recors do Jules Mazarin I

Pendant ce temps, on visitait avec empressement à Vin-cennes la prison du prince, les appartements qu'il avait oc-cupés, les meubles qui lui avaient servi, les lieux où sesgardes étaientplaeés ; et Madeleine de Scudéry, qui avait sudans Clélie

Peindre Caton galant et Brutus dameret,

ne put, à la vue d'un pot de fleurs cultivées avec amourpar le captif, s'empêcher de composer ces vers, du restecharmants

En voyant ces oeillets qu'un illustre guerrierArrosa de ses mains qui gagnaient des batailles,Souviens-toi qu'Apollon bâtissait des murailles,Et ne t'étonne pas que Mars soit jardinier.

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'Cs raMs témoignages de sympathie étaient tout. Le peu-plé dé Paris, qui s'était soulevé pour le bonhomme Brous-se!, allume des feux de joie à la nouselle de l'arrestatio n deCondé. Le parlemSit qui avait montré tant d'empresse-ment à revendiquer la liberté personnelle, et la haute no-blesse qui pouvait se sentir atteinte dans un de ses chefs.ristèrent tranquilles. c Personne ne sourcilla, D quand lelendèmain Anne d'Autriche leur apprit les motifs de cecou!) d'Etat. Seule, la noblêsse de province, &i le senti-ment de l'indépendance s'était mieux conservé, et qui, mal-gré Richelieu, avait gardé, plus vivace la fierté de son rang,s'agita' et prit avec ardeur en main la cause des prisonniers:Turenne à Stenay, Bouillon éh Limousin, La Force dans lePérigord, Brézé en Anjou, Saint-Simon, le père de l'auteurdes Mdmoires, à Blaye. Condé trouva son plus puissant ap-pui dans les femmes. Coeurs sensibles, elles furent touchéesde cette grande infortune : le sauveur de la France dansles fers I Indignées de l'ingratitude de la reine, le soutiende la royauté traîné de prison en prison I et irritées de latrahison de Mazarin: le lion pris au piège du renard 1 Ellesmènent tout, intriguent, combattent. Les hommes suiventces belles amazones. La Ilochefoucauld, prince de Mai-cil -lac, prend le parti deCondé par amour pour sa soeur Anne-Geneviève de Bourbon, duchesse de Longueville, et luicompose ces vers impies

Pour méfiter son coeur, pour plaire à ses beaux yeux,J'ai fait la guerre aux rois; je l'aurais faite aux dieux I

Turenne, épris aussi de la duchesse, l'imite. Le duc,comme de raison 4 marche après sa femme. Mademoiselle deMontpensier, qui aspirait à la main de Louis XIV, alorsamoureux de la nièce de Mazarin, Marie Mancini, dépitée.s'attache à Condé et le soutient 'de sa fortune. La duchessedeMontbazon détache de la cour, qu'il avait valeureuse-

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ment défendue, de Mouchy, maréchal d'Hocqùincourt, quilui écrit que 6pour un seul de ses regards, Péronne sera àla belle des belles. La duchesse de Chastillon gagne Ne-mours. La vieille princesse douairière de Condé clic-même,la mère du prince, quitte sa retraite de Chantilly, paraitdans le Parlement et obtient l'appui de ces tout-puissantsmagistrats. Pendant que Lenet, conseiller au parlement deBourgogne, serviteur intelligent et dévoué du prince, allaitsoulever Bordeaux, l'épouse dédaignée de celui-ci, Clé-mence de Maillé-Bréz, prend la fuite et se retire en Berry.

Son mari était en effet lieutenant-général du roi auxpays de Berry et de Bourbonnais, bailli, maréchal et séné-chal de ces provinces.

XII.

La forteresse de Montrond, la plus importante place etplus magnifique habitation du Berry, estmaintenant à peineune ruine.

Stat magni nominis unibra,(LucAIN).

Un jardin a été créé sur l'emplacement de ce formidablechâteau-fort-.De St-Amand on y monte parune pente peut-être un peu raide, mais garnie cà et là de sièges. Quelques-uns sont (les fùts de colonnes cannelées et des chapiteauxcorinthiens. Ces débris et quelques tours dénfantelées, quel-ques restes de murailles attestent seuls que IÙ s'élevait uneforteresse. Thomas Flérault,euré de Saint-Bonnet-le-Désert,l'a décrite en un manuscrit telle qu'elle existait à la fin duXVllI° siècle. Elle dominait la ville. Sa haute position larendait imprenable. En RIO les Anglais l'avaient vaine-ment attaquée. Sully lavait fait réparer. De plus, aux confins -

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- 26 -(lu Berry, du Bourbonnais et de la Marche, elle pouvaittenir en échec toutes ces province . , faire, (lit Lcnct, perdreau roi les recettes de la taille et de la gabelle et en tirer del'argent suffisamment pour faire subsister le parti qui sepouvait former, favoriser le passage par la Bourgogne et laGuyenne, provincesavec lesquelles la disposition des espritset divers intérêts faisaient prévoir de grands orages. D

Le Bourbonnais eut à souffrir de ce voisinage. Clé-mence de Maillé-Brézé vit bientôt accourir près d'elle lespartisans du prince, Tavanncs, Chavagnac, Bussy-Rabutin.Quand elle quitta Montrond pour se rendre à Bordeaux,8 mai, elle y laissa pour gouverneur François de Vaudetar.marquis de Persan, qui ne tarda pas à montrer son zèle. Laguerre civile avec tous ses fléaux se déchainait sur notremalheureuse province.

Charonton, une des Plus anciennes baronnies du Bour-bonnais, qui réunissait dans son ressort Saint-Amand,dont elle n'est éloignée que de neuf kilomètres, les terresd'Qrval, de Bruyères et dEpineuil, la première sentit l'in-commodité de ce redoutable voisinage; puis Bannegon,Paroisse moitié en Bourbonnais moitié en Berry puis Cé-rilly. Villes et bourgs durent payér contributions, fournirdes vivres aux hommes et des fourrages aux chevaux. Bien-tôt l'armée royale parut; il fallut être foulé par les deuxpartis.

Ainay-le-Chûteau était trop près de Montrond et trop lin-portant pour ne pas être convoité par Persan. Une des plusconsidérables châtelleniesdel'ancien duché de Bourbonnais,Ainay étendait sajuridiction sur Neuilly-en-Dun, Givardon,Sagonne, Jouy, Sancoins, Blet, Germigny-l'Exempt, etc.,aujourd'hui communes du département du Cher, et sur unefoule de paroisses dont le nombre s'élevait à 70. C'était uneville close dont on peut encore voir les murs rasés et uneporte de ville assez bien conservée. Son château-fort avaitété détruit par les Protestants, et elle n'était guère en état de

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résister. Puis les malheurs éprouvés refroidi ssaientsinguliè-t'ornent la pauvre ville. Elle n'était pas d'avis d'engager unenouvelle lutte. Le roi était bien loin; le lieutenant de condébien près. On allait ouvrir les portes. Il se trouva parmi leshabitants un homme énergique et dévoué qui voulut leurépargner un parjure. Hugues Tlieurault, dont les descen-dants sont encore à Ainay, engagea ses concitoyens à garderleur fidélité au roi. Les combats soutenus devaient leur êtreun encouragement; leur vaillance, un gage de succès. Lesmisères éprouvéesjadis, voulaient-ils les voir se renouveler?Recevoir M. de Persan était se mettre à sa merci. Les épar-gnerait-il ? Celui qui est traître à son roi tiendrait-illes promesses qu'il leur ferait ? Dans peu l'armée royale vien-drait qui les châtierait. Il n'y avait qu'un parti à prendre:se 'défendre en braves, conserver une inviolable fidélitéau souverain. Theurault fut écouté. On le mit à la tête dela milice bourgeoise. Le seigneur de Baugé commandait lagarnison.

Vaudetar se présenta devant Ainay. La vaillante citéétait prête et su" sas gardes. Il fut si vigoureusement reçuqu'il dut se retirer promptement. Mais cet échec l'avait hu-milié. Furieux, il revint bient&, cette fois avec plusieurspièces de canon, Le siége commença. Cinq ou six cents sol-dats pressent la ville. Leur ardeur n'a (l'égale que l'énergiedes habitants. Hugues Theurault donne l'exemple du dé-vouement; il se multiplie, encourageant, exhortant, com-battant. Que pouvaient les bourgeois? Ils étaient peu nom-breux. Les Huguenots les avaient tant massacrés I En vainle seigneur de Baugé, pour dissimuler la faiblesse des as-siégés, plaça-t-il sur les murailles des mannequins quifaisaient le simulacre d'arquebuser. Leurs balles ne cau-saient pas grand mal, et celles des soldats de Persan tuaienttoujours quelques défenseurs de la brave cité. Malgré lesplus magnanimes efforts et la plus vive résistance, il fallut srendre, kinay ouvrit ses portes. Le marquis de Persan, sans

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- 28 -respect pour le courage malheureux, fit pendre le seigneurde Beaugé. Hugues Theurault fut épargné; mais il dut four-nir des habitants comme garants des impositions exorbitan-tes qui furent exigées des vaincus. La ville ne put réunir lasomme demandée. Alors Theurault vendit généreusementune partie de ses biens, parfit ainsi la redevance et retira lesOtages. Et pourtant, malgré cet empressement à satisfaire àtoutes les réquisitions, le vainqueur enleva tous les vivres ettous les fourragesqu'il trouva dans Ainây. La compagnie deschevau-légers du prince de Condé y tint garnison pendantvingt-quatre jours. Ce furent vingt-quatre jours de vexationspour les habitants. En se retirant, les soldats leur empor-tèrent encore huit mille livres.

XIII.

Deux ans après, en 1052, Philippe de Clérambault, comtede Palluau, vint à la tête d'une armée royale essayer deprendre Montrond. Ainay accueillit ses amis, mi peu mal-gré elle. Il fallut les nourrir et les héberger. Munitions, ar-mes, vivres, elle dut tout donner. On pilla le blé chez leslaboureurs. Pendant quarante et un jours, le régiment deJoyeuse -y séjourne, et les régiments de cavalerie de Claire-Richelieu et de Trossy y font étape. Le pays est traité enterre conquise. Les maisons sont mises à sac , les vins sontemmenés au camp , les boeufs enlevés. On ne laisse rien auxinfortunés habitants; La disette sévit; ils n'ont pas mêmede grains pour 'ensemencer leurs champs. Quand plus tardMontrond fut pris, ce foyer de révolte, on le démolit. Maisles bandes qu'il avait abritées se répandirent dans les cam-pagnes et vécurent aux dépens de tous. Le blé manqua

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complétement. Les habitants quittèrént une tille où la mortrégnait. Plus des deux tiers avaient péii de faim.

Le calme rétabli, en 163, Hugues Theurault, qui fut dé-puté vers Louis XiV par ses compatriotes, obtint bien poureux ce qu'ils demandaient, la rémission des trois dernièresannées d'impôts que devait la ville, et de plus l'exemptionpendant dix ans de tous impôts que Sa Majesté leur accordaspontanément, eh reconnaissance de leur fidélité, mais en-core pour lui-même et ses descendants des titres de no-blesse ; ces faveurs ne purent rendre la vie à un cadavre.Ainay ne s'est pas relevé de ces désastres successifs. Ses fos-sés ont été comblés en partie; ses remparts ont presquecomplétement disparu ; ses tours, dont on voit quelquesrestes, furent rasées. Seule, une porte flanquée de deuxtours et surmontée d'un beffroi, atteste encore l'impor-tance dAinay-le-Château. C'est un monument de sa gran-deur, un survivant de ses revers, un témoin de sa déca-dence

Pendant qu'Ainay-le.Château était ainsi traité, la capitaleet la province

'ehappaient à la guerre. Moulins avait pour

maire André Roi. li arma les bourgeois. Les partisans deCondé rôdèrent bien autour de la cité. De Montrond Persany envoya bien des troupes. On n'osa pas l'attaquer. Ainsil'écrivait au ministre Michel Leteltier, 14 septembre 46GO, legouverneur du Bourbonnais, Claude-Maximilien de la Gui-che, seigneur de Saint-Gérand.

XIV.

La ville d'Hérisson fut plus heureuse qu'Ainay et moinsque Moulins. Elle avait pour gouverneur Ch. de Fougière,seigneur du Creux, dont le château, rebâti au xviii' sièclemontre près de là ses immenses jardins. C'était un loyalgentilhomme, et ce château, dont on voit encore les tours

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- 30 -décrépites, était formidable. Le gouverneur de, Montrond ré-solut de s'en emparer. Ainay était à lui ; Hérisser, une desdix-sept châtellenies du Bourbonnais, lui assurait le paysentre le Cher et l'Allier dans cette direction.Il s'y dirigea enjuillet 160. En même temps la garnison de Culan sortaitsur son ordre et envoyait des détachements piller çà et làles paroisses. Nassigny, Estivareijl,c, reçurent leurs visites.Cliazernais vit enlever tout son bétail. Un parti de cavaleriese présenta le lundi, jour de foire, à HurieL L'idée étaitheureuse. A neuf heures du matin, la ville est envahie. Lespaysans ne veulent pas se laisser dévaliser sans résistance.Une lutte s'engage. Un des cavaliers est tué; deux autresblessés grièvement sont emportés à Culan et meurent quel-ques jours après. Mais la victoire resta aux plus forts; lessoldais emmenèrent presque tous les bestiaux. De plus, ense retirant, ils mirent le feu à quelques métairies sur leurroute. C'est ce que raconte la lettre suivante, écrite le 27juillet, deux ou trois jours après l'événement

t Vous saurez aussi que lundi dernier, jour de foire à« Huriel, environ les huit à neuf heurcsdu matin,ils vinrentt pour piller la dite foire où il en demeura un sur la place

qui fut tué par ceux d'Huriel et deux autres fort blessést qui se conduisirent à grand peine à Culan. Et tient-on

qu'ils sont morts du depuis fis emmenèrent quantité de« bétail de la dite foire; en se retirant ils mirent le feu à

deux métairies proches de-là avec des grenades. Les ditesmétairies appartenant à un huissier, des tailles. ils ont

o emmené presque tout le bétail de Chazemais et particu-« lièrement celui de Monsieur Deseoutz, et ont pillé sa mai-« son et tout brisé dedans. On dit aussi qu'ils en ont cru-

mené de celui de Monsieur Viverotz de quelques mé-tairies.Le comte de Persan espérait intimider les bourgeois d'FIé-

risson. La ville et le château étaient bien gardés. Il fallutcommencer l'attaque. Les assiégés furent repoussés avec

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- 31 -perte et se retirèrent. La lettre dont je viens de citer un frag-ment nous donne quelques particularités sur cet incident.et les courses des soldats.

u Comme vous êtes le meilleur et le plus cordial ami,et dont je fais le plus d'estime, je vous prie aussi decroire que vos intérêts et vos biens me sont beaucoup

« plus chers que les miens propres, et que je voudrais con-« server étroitement, fut-il au péril de ma vie ; et pour cets effet, je vous ai voulu envoyer le présent porteur exprès« pour vous donner avis de ce qui s'est passé ce matin aux

environs de Ileugny. Vous saurez donc que m'étant ren-contré ce matin à Estivareilles, 011 m'est venu donner un

« avis que les cavaliers de la garnison de Culan étaient à« Forges et à Nassigny; incontinent je suis monté à cheval« et tout le long des cols du Cluseau je suis allé aboutir à

votre maison, doutant qu'on y vint faire dégàt; le sujetqui m'a obligé if cc faire, avec la bonne volonté que j'a-

i vais pour votre service, a été la faveur que j'avaisu d'un mien ami de condition, mon camarade d'école.« que M. de Persan aime fort; et par ce moyen j'espérais

garantir votre bien du pillage. Ils ne sont pas venus à« Rcugny; mais immédiatement au point du jour à PiX'av« pour piller la maison de Magnard, notaire, et l'ehlevert prisonnier, où étant il n'ont rien trouvé que les quatret murailles, si ce n'est qu'une bonne jument qu'ils lui ont• emmenée, et de là ont été du côté d'Hérisson. Ils les ont• sommés, il y a environ quinze jours, pour la contributiont à Montrond; cc que ayant refusé, ils seront sans cesse à

leurs portes, et le sujet qui m'a obligé le plus'fort à vous- t envoyer le dit porteur est qu'en me retirant de Forges à

• Reugny, le curé sadhant que j'y étais, il m'est venu trou-ver pour me faire voir un billet de commission pour la

« contribution dont je vous envoie la présente copieu afin (lue vous employez vos amis que vous pour-s rez avoir auprès (le M. de Persan et particulière-

rA

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- 3 1 -

• ment si avez connaissance avec le chevalier d'Ainay qui« est un des commandants au dit Culan qui a une compa-• gnie de cavalerie. Et vous saurez ainsi que vendredi der-

nier ils prirent ceux même de Culan étant au nombre de't soixante chevaux, cinquante-quatre cavaliers ou fantas-

sins où il y a sept officiers appartenant à M. le comte det Saint-Aignan; ils en tuèrent huit et firent cette capture• à une lieue de Bourges â côté de Léné. .

Persan, ne pouvant réussir de vive force, employa laruse.

xv.

Près d'Hérisson'est le château de Bris. Là demeurait Si-mon Samson, partisan de Condé; il prêta l'oreille aux pro-positions du gouverneur de Montrond, et prépara toutpour lui livrer la ville et le château. Ce n'était pas entreprisefacile; car les habitants étaient actifs et résolus. Le capitaineavait l'oeil ouvert, et sa vigilance ne pouvait guère êtremise en défaut. Simon Samson, seigneur de Bris, était voi-sin de Fougière, seigneur du Creux. II lui représenta qu'ex-posé aux incursions des gens deguerre,il désirait mettre enlieu sûr ce qu'il avait de plus précieux, et lui demanda s'ilpourrait-le recevoir dans la ville d'Hérisson. Du Creux con.sentit. Au jour fié, on vit s'approcher du château deuxmoissonneurs Gervais Auriche et Martin Aufilliatre et troisfaucheurs conduisant deux charrettes à boeufs çhargées dechacune deux coffres. La garde était prévenue. On abaissale pont-levis, on leva la herse; voitures et conducteurs pé-nétrèrent dans le chàteau.De Bris les attendait. Il fit trans-porter les coffres dans la chambre qu'on lui avait accordée.Bientôt, au signal donné, les quatre coffres fermés en de-dans, s'ouvrent ; quatre soldats en sortent. Unis aux pré-

L

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— 21—

tendus paysans, ils se jettent sur la porte d'entrée, encriant (Coulage t Nous y sommes I

C'était un stratagème renouvelé des Grecs qui s'enfer-tuaient à Troie dans les flancs du cheval de bois, ou bleudes Espagnols qui, le 10 mars 197, s'emparèrent d'Amiensen laissant tomber à la porte des noix et des pommes, quedes soldats déguisés conduisaient, et que s'empressaienttrop de ramasser les gardes du poste.

Vaudetar avait envoyé des troupes par petits détache-ments pour eihpêcher les paysans qui voudraient se rendreà Hérisson faire leur garde, et pour prêter main forte auxtraîtres. Un signal donné du haut rie la plate-formé devaitl'avertir du succès du stratagème. Ce signil ne vint pas.

Une femme qui avait vu des coffres sortir des soldats,se mit à donner l'alarme. Tous courent aux armes etvolent à la défense de leur château. Un pauvre cordonnier,Glande Madet, fut victime de son zèle, Il fut tué. Les sol-dats s'emparent du fils de M. du Creux et le menacent de letuer s'il ne Livre le donjon. Le gouverneur, quoique maladede la goutte, saisit son arquebuse. La vue du dangerdanger quecourt son fils fait taire sa souffrance. Mais quoi ?tirera .t . il aurisque dde tuer lui-même? Il vise et un coup adroit abatSamson de Bris, tin second, un troisième coup renversentdeux soldats l4aixet Vergier et A. Louis.La place était sauvée.Grâce au dévoument de Corporeaux, procureur du roi, et àl'empressement de tous les habitants, le château est bientôtà l'abri des cavaliers qui rôdent dans la campagne.

xvi.

Persan se présenta en personne avec un gros de cavale-rie. Dès le matin, il avait envoyé au château du Creux unparti qui avait l'ait prisonnier le fils ainé (lu capitaine d'HC.

3

n

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- 314 -risson, le chevalier du Cluzeau. Il comptait, cii menaçant(le le mettre à mort, obliger le père à se rendre. Aprèsl'échec, un trompette, ff sous la livrée de couleur de ventrede biche, b dit la pièce dont j'extrais ces détails, omnia'(le nouveau les habitants. On répondit énergiquement que

la trahison était découverte, le traître mort sur le carreau,et que, quand ils voudraient venir aux murailles de cette

ii ville, ils en sentiraient les mêmes effets. »Alors Persan offrit d'échanger le fils du seigneur du

Creux contre ses cinq soldats prisonniers. Fougière réponditqu'ils n'avaient pas, sou fils et les soldats, été pris de lamême façon, et (lue l'échange n'aurait pas lieu. Il remettaitl'affaire au roi, -

Ces divers incidents, extraits en partie du jugement dusieur de Bris, sont racontés dans la lettre du 27 juillet parun témoin qui signe deLacoste, écuyer. Comme il y a quel-ques variantes, on sera bien aise de lire ce récit dans toutesa naïveté

t Comme je voulais finir la présente, il est venu à moi unt homme habitant d'.Estivareil, revenant de faire la garde

à Hérisson, (lui m'a dit d'étranges nouvelles, qui sont (lue« les dix cavaliers, et tient-on pour le certain (lue Monsieur

(le I'ersean y était, avaient paru environ les onze heures àt une demi lieue d'Hérisson, avaient barré tous les clic-« mins de crainte que les paysans qui vont faire la garde

tous les jours au dit Hérisson, regardant toujours la plate'forme du château pour reconnaître le signal qu'avaitd'eux le petit monsieur de Brie, leur traître voisin qui de-vait égorger Monsieur Ducreu. capitaine d'Hérisson, et

t tous les gens qui se trouvaient dedans.• Et en mème temps, le signal paraissant, les dits cava-

• fiers devaient fondre dans la ville d'Hérisson cependantque les habitants courraient à la défense de leur châteauMais Dieu n permis que Monsieur Ducreux, plus miséra-

« bIc des gouttes que vous, que je vis-Lundi dernier, tua4

s.

Page 35: RÉFORME ET LA FRONDE

- -t ledit Brie tout joignant son jeune fils auquel il donnait le

baiser de judas, tua encore son valet et un autre hommequ'il avait encore avec lui, et ne tira que trois coups quiportèrent tous. Ledit sieur de Bric languit deux heures.Leurs stratagèmes furent six grands cofres qu'ils firent

i conduire du château (le Brie distant d'une demi lieue« d'flérisson par trois charrettes Ù boeufs où dans chaque« coUre il y avait un homme, mais tous choisis, tous vêtusc (l'habit de paysan, chacun un mousqueton, des daguettes

et un pistolet, et un autre entre qu'ils avaient rempli de• grenades et de bombes, poignards et aches et de besasses• pleines de poudre et (le plomb. Chaque soldat avait unu crochet pour ouvrir son cofre ; et quand ils furent mon-

tés dans la chambre qui avait été promise audit de Brie« ils coupèrent les cordes de la grille du château qui par; bonheur se trouva de bois et ledit Brie tout en même

temps leva le pont du donjon et cria <(Nous y sommes Icourage?.., le c]iâteau est à nous. Monsieur Ducreu,vos

u vies sont sauves de votre fils et de vous. . Le dit sieur Du-« éreux voyant qu'il tenait son fils lui lâcha favorablement• le coup sans offenser son fils.Et comme lessoldats sortaient

de leurcofre, la geolière ayant ouït ce que le dit de Bricavait dit se mit à crier aux habitants: « An seours tqui apportèrent incontinent des cognés et romprirent la,

t dite grille de bois et fut tué par les dis soldats un cor-donnier d'I-Iérisson. On amis le doyen d'Hérisson dans la

« plus basse fosse et avant que l'affaire se passAtles dix ca-valiers avaient pris le fils aîné de Monsieur Bucreux, nom-

« nié du Cluzeau, dès la pointe du jour au Creux, afin d'o-bliger ledit sieur du Cieux à se rendre. Maintenant Monsde Persemn a sommé les habitants d'Hérisson de rendre sessoldats pour le fils dudit sieur du Creux, qui leur n fait

« réponse que son fils n'était pas prisonnier de la même» façon, et que c'était au roi à disposer.

Si ledit sieur du Creux n'eut pas été bon serviteur, nous

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- 36 -étions tous perdus. Ou a dit qu'ils avaient descenduquatre cations dans le pare de Montrond pour yconduire,le dit château étant pris au 97 juillet !GO.

Morstr.un,

IrU la trahison découverte à hérisson parleurs voisins qui« coiiféraient tous lesjours avec Monsieur du Creux auquel il

avait'dernàndé une chambre et pouvoird'y faire conduiredes cofres, doit donner à songer à M. le comte de Beau-voir pour la maison de la Crète et quelque parole et pro-

u teQation qu'il puisse avoir de quelque ami quii aye il sedoit délier de tout.

Je fus les jours dernier à la Crète où à la vérité l'on faittrès-étroite et bonne garde et de bons hommes bien réso-lus à se battre et à périr ;j'y vis les nommés Messieurs deChatelin et Dumas ; je ne doute pas qu'ils soient les véi'i-

« tables amisde la maison ; je vis comme ils s'entretenaientde donner des ordres et prendre le mot de Ta ronde deMonsieur de Chatelin toutefois à cause de la trahison

• de cet ennemi domestique, on se doit défier de tout lemoMe. C'est avec passion - comme tous ceux de notre

• maisoii ont toujours fait - que je désirerais conserver« ce qui appartient à M. le comte plus que le mien même

et vous prie de croire que je suis et à tous deux quoique« petit compagiion très humble ami et fidèle serviteur.

DE LÂCOSTE, écuyer.

Vous communiquerez, s'il vous plait, les présentesmon dit sieur le comte et quej'anend .rai ses ordres pon t -sa maiwi) ci] tout ce que je pourrai.

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-L- 37 -

xylt.

Simon Samson ne survécut que de deux heures à sa bles-sure. Une sentence du lieutenant civil et criminel en laville et châtellenie d'H * risson, Pierre Demay, écuyer, sei-gneur de Ilornagné et de Brulhv, conseiller du roi, qûèl'in-scription de la cloche de Vallon-en-Sully me ferait croire,parent de du Creux, ordonna, le 28 juillet 160, qué lecorps de de Bris serait embaumé, afin qu'on pùt cèrifronterson cadavre avec ses complices. Le 2 août, il fit mdftrè enliberté les deux laboureurs. Maître Gilbert Béuas, doyen«Hérisson qui, soupçonné de félonie, avait été jeté dansune basse fosse, était encore en prison à cette date. On ydétenait aussi Thomas de Méchatin du Tilloux, bedti'frèrede Sarnson, qui avait eu à Bris avec lui et les erivôyés dePersan plusieurs entrevues, ainsi que les cinq soldats,Jclian Duamel, dit La Force, parisien, caporal dans le ré-giment de Persan; Jean Dechouard, Basque, sergent aumême régiment; Simon, dit la Forme, natif de la Brie,garde de Persan ; Nicolas Iliérosme, dit La Rainée, Lor-rain, aussi caporal, et Paul Dumont, dit Desjardins, né àMetz, sergent. J'ignore de qu'on leur fit. Pour Sinibn Sanison, il fut condamné, comme dûment convaincu de fMônieenvers le roi et de trahisOn envers la patrie, à avoir le corpslivré à l'exécuteur dé la haute justice; corde au cou, traînésur une claie par la ville et les faubourg, la tête séparéedu tronc sur la place du pilori. Son eàd'aste pârtagé enquatre, chaque quartier devait être placé aux quatre ave-nues «Hérisson, et sa tête exposée à un poteau sui la plate-fome du donjon i pour servir de spectacle à la postérité.Ses biens furent confisqués, sa maison rasée, ses bois de

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- 38 -haute futaie abattu$. Sur ses biens, on adjugea mille livresau sieur du Creux, mille aux habitants « pour récompenseen partie de leur généosité, n mille pour les réparationsde la ville, cinq cents à la Charité, autant pour réparationèà la conciergerie, chambre criminellq. On n'oublia rienquarante livres furent données pour prières en faveur dumaître cordonnier lfladet, tué dans l'émeute ; sa veuve,Jeanne r4allet, eut six cents livres ; ses père et mère deuxcents pour subvenir à leur vieillesse. Sur le prix des boeufs,charrettes, jougs, liens et coffres, vendus au profit de laville, la veuve préleva encore trente livres. Les atines desconjurés et le cheval de Samson furent attribués au soi-peur du Creux, pour son fils du Cluzeau. Cent livres furentencore destinées à répârer la clôture du cimetière; cent hl'église de Vitray; cent furent données à l'autel de saintPrincipin, dans l'église de Chateloy. Enfin il fut décidé quechaque année, le 27 juillet, un service solennel, avec pro-cession générale, serait célébré en actions de grâces dansl'église de Saint-Sauveur.. Les chanoines reçurent troiscents livres dont le, revenu devait y être consacré, et cin-quante livres pour orner l'église ce jour:là.

Ce n'était pas tout de prononcer la sentence. Il fallaitl'exécuter. Le procureur du roi envoya donc à Moulins un

• exprès, maître Clément bargis, prévenir l'exécutcmr deshautes oeuvres. Mais telle était la sûreté des routes que leprocureur du roi, maître Daubert, répondit, le 4 août, quele bourreau ne se voulait mettre en route quci on lui four-nissait une escorte de vingt hommes. Aucun des habitantstic voulait se charger de dépecer le cadavre. Un mendiant,de passage à hérisson, accepta cet office moyennant unelégère rétribution. Vu la circonstance, on e contenta dedécapiter le corps et de le jeter à la voirie. Celase passait1e6 août 1650, . .

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- 39 -

M

XVIII.

Malgré tout le dévouement des habitants à la causeroyale, malgré le procès fait aux traitrcs, Hérisson passaaux mains dès Frondeurs.

Comment résister à ces puissants soldats de Montrond,qui,:rcnfermés là comme dans un repairê, bravaient le roiet ses généraux., puis se jetaient sur les campagnes pourrançonner et piller Hérisson devait tomber aux mains desFrondeurs. Mais il n'y resta pas longtemps. Monsieur deSaint-Gérand, gouverneur du Bourbonnais, les y vint atta-quer. Le siège dura trois mois. Enfin N. de Commière, queses compatriotes surnommèrent Bras-de-Fer, seigneur desPlantais et de la Boutresse, près du Donjon, monta par es-calade dans une (les tours du château. De là il tomba surles assiégés et il tendit la main aux assiégeants. La villefut prise. La garhisop , qui obtint la vie sauve, se rendit -àMontrond.

Mais déjà Montroiid était bloqué. Louis XIV en quittantBourges, le b octobre IGIiI, avait. chargé M. de Palluaud'en faire le sié-e. Saint-Amand avait été emporté, puissuccessivement les châteaux voisins qui pouvaient gênerles opérations. On ne voyait que soldats par tout ce pays.La maraude était une habitude et une nécessité, Aussi, plus(l'une fois, les paysans accueillirent-ils les pillards à coups (lefusil. Flécher, dans ses Mémoires sur les Grands-Jours deClermont, a raconté l'histoire de Deshéreaux, qui comman-dait pour le prince de Condé une petite place des environsde Montrond. Les méfaits qu'on lui reprochait étaient nom-breux. Le dernier sur la liste était la mort d'un de ses sol-dats transfuge. Ce soldat s'était, dans la forêt de Tt'oriçais,

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*

- 40 -livré aux derniers outrages sur la femme (leson chef. Des-héreaux, avec quelques amis, le jugea, le condamna et lependit. Combien d'autres crimes ont été commis dont per-sonne n'a fait le récit

Le siège traînait en longueur. Saint-Cérarid, somméd'aider à M. de Palluau, éludait les ordres. De plus, M.Coligny et M. de Lévy ramassaient, près de Moulins, (lestroupes destinées à secourir Moritronci. Ou était en avril.Pallium écrivit pie M. de Baradas, qui commandait souslui et Bussy-Rabutin réunissaient des soldats à Ctrilly pourtomber sur SaiiitGérand s'il n'obéissait pas. Lui-mêmese rendit à Moulins. Sa présence contint Saint-Gérand dansle devoir

En mai,les tranchées furent ouvertes. Eu juillet, les mi-rieurs commencèrent à saper les murailles. La famine fai-sait do terribles ravages au dedans et au dehors. Persan sedécida, le 15 aoftt, à capituler,- s'il n'était secouru dansquinze jours. Saint-Gérand, Côligny, Lévy et Valença y es-sayèrent bien de lui venir en aide; et ces deux dernierstaillèrent en pièces et blessèrent, près (18 Cérilly, deux gen-tilshommes du Bourbonnais, MM. de Frauchosse et de laPierre, qui se rendaient auprès de Palluau. llussy-Bahulinput déjouer la tentative. Le f er septembre, Persan ouvrit lesportes et sortit avec la garnison. - histoire d-a Berry, parRh ynal. iv; page 360. - La forteresse fut démantelée eunovembre. Au mois de février 4653, M. de Palluau fut créémaréchal de France. La Fronde était terminée en Bour-bonnais.

XIX.

Ce ne fut pas la fin (les malheurs (le la province. Se figu-rôt-on ce que la guerre civile traîne à sa suite Il faut s'ar-mer et se défendre ; il faut monter la garde, payer des, impo-sitions et des taxes extraordinaires. Le laboureur devenu

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C

- -41 -

soldat ne peut plus cultiver son dia inp. Il le protége et sepi'otége soi -môme. Mais pendant qu'il éloigne l'ennemi etl'étranger, la disette, cette ennemie domestique et sour-noise, vient. Et cette vie qu'avait épar.-liée le plomb, il laperd dans les tortures (le la faim. Que] est le sort des habi-tants des campagnes exposés aux pilleriesde bandes sans dis-cipline, qui traitent villes et bourgs en pays conquis? Quandceux-là sont passés, voici les soldats amis qui accourcit(léva-ster ce qui reste! Que deviennent , les citadins donles maisons fument et qui subissent les vexations de la sol -datesque? Un habileiiistorien, M. AlphonseFeillet, .a publiéun livre La ]lfisàreau temps de la Fronde. C'est un tableauémouvant des tortures qui assaillirent nos différentes pro-vinces : disette et famine, massacres et pillages, épidémieset mortalité. Tous ces fléaux ne fuient pas, je le sais, dan-sés par l'esprit d'opposition du parlement et par la révoltedu pince de Coudé. Mais la guerre aggrava notablementceux qu'elle n'apporta pas avec elle. Le Bourbonnais futdûrement éprouvé. Si chaque commune avait, commeMontcombroux, un chercheur aussi patient que M. VictorMeilicurat. on aurait une statistique exacte du mouvementde la population pendant ces terribles années, et cette sta-tistique serait effrayante.

A Montcombrotx , très-petite paroisse du canton du.Donjon , il y a trois mariages en 1641 , quatre en16'i9; pendant les trois années 1650, 1651 et 165, iln' y en a pas trace. Comment songer, au milieu des ruinesdes chaumières et des ravages des récoltes, comment son-ger à amener sous son toit celle qui doit étre la mère de fa-mille et élever (les enfants? Quand nul n'est sftr du lende-main, peut-on espérer donner du pain à ses enfants, lors-qu'on n'en a pas soi-môme? Est-il possible de s'attacher àune épouse qui demain sera exposée à la brutalité des sou-(lards? En 165-4, on trouve quatre unions; peu à peu avecle calme, on se remet à se marier comme auparavant. Une

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42 -seule inhumation avait lieu par an dans la paroisse; 011

en compte six en 1651 et cinq en 1652; le chiffre normalde l'unité ne revient qu'en 1651. Au Donjon. clieflicu decanton, Jes naissances qui. en 1640, s'élcvaicnta k2, ne sontplus que de 28 en 4650, 32 cri 1051, 23 en 4652, 32 en 1053et 27 CI] 1654. Les décès avaient été de 7 en 1640; l'année1650 les voit portés au chiffre de 12. et pour 1651 et 1652 ilss'élèvent à 18. Le nombre des mariages diminue considé-rablement. Il yen a (Sen 16!i9; on rien trouve plus que 4en 1650.7 en 1651,8 en 4052 et 6 e 1653.

Frondeurs et Royaux se faisaient un plaisir de dévasterà qui mieux le pays où ils passaient: Dans les temps deguerre, la force a toujours raison. Quel victorieux aigu-ment que le sabre] Personne n'était là pour réprimer.Saint-Gér'and, legouverneur (lu Bourbonnais, rançonnait laprovince qu'il était chargé de défendre. En l'absence dumaître, le berger prenait sa part du troupeau,et tondait jus-qu'au sang les agneaux confiés à sa garde. Quand il fut aulit de rhort. il se repentit, et clans son testament ordonna

• plusieurs restitutions. On le sut. Ceux qu'il avait spoliésaccoururent,réclamant la faveur de recevoir un peu de leursbiens. Le nombre était grand. Saiitt .Gérand calcula. S'ilrendait à tant de gens, son avoir, n'y suffirait pas. Il déchirason testament et garda tout.

q

xx

Les registres paroissiaux du Donjon, qu'a scrupuleuse-ment compulsés M. VictorMeilbeurat, peuvent nous donnerune idée de ce qu'endura la province entière. Ab uno disceomnes. Doce qui se souffrit là, on peut juger ce qu'on sont -frit aitleérs. Le curé du Donjon. Girard Cltai'nay, commence

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son lamentable récit des douleurs de son peuple par le versque Virgile met dans la bouche d'Enée racontant la lind'llliou, mais que le bon curé. moinsforten latin sans douteque le chantre de 1'Enéïde, estropie un peu

Infandum regina jubes novas renovare dolores.

D'abord il est frondeur ; il prend parti pour Messieurs duParlement; il a une sainte horreur du Mazarin Πnatif de

Cicile, sujet du roy dtspagne, lequel, avec ses sembla-bles, ont sans cesse invoqué des maletétes, gabelles, sub-sides et cruautés sur ce pauvre peuple, qui ne faisait que

• désirer la mortjusques à l'année dernière 168, qu'il plût« à Dieu d'hisirer et donner bon conseil à Messieurs du« Parlement et toutes les grandes vi1le et provinces de no-t tie Royaume pour y remédier. D Dans la pensée du naïfcuré, Mazarin est cause de tout mal ; et tout le niai ici,c'est l'impôt. Aussi, comme il est heureux quand Messieusdu Parlement donnent une bonne frottée aux gens deCondé, grand défenseur du cardinal. t La royne... a em-« ployé M. le prince de Condé et plusieurs autres, qui ont

envoyé (les gens de guerres autours de Paris, rompre lesu moulins et les fours, et tascher d'cmpécher les vivres qui

viennent à Paris par divers lieux et principalement versCharenton, où Messieurs du Parlement avaient logé de

t bohs soldats qui ont bien repoussé l'armée de M. le« Prince, t Plus loin, il ajoute Toujours Messieurs (lu

Parlement avec leurs amys ont battu et chassé bien loinles gendarmes du prince et du Mza]'in,qui vonten dimi-nuant. »Si les forces de la Fronde dimïnuient, on ne s'en aper-

cevait guère au Donjon. Le 4e; février 1050. il y passa, degrand matin, deux mille cavaliers que l'on disait apparte-nir auprince, et que conduisait M. de Coligny. Ils venaientde Vichy et se rendaient à Bellegarde. • M. le gouverneur

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-

« ci M. de LaFerté firent battre le tocsin par tout pour cm-« pescher les antres.

Sur l'ordre du gouverneur du Bourbonnais et de M. deLaferté, colonel d'armes pour le roi, les habitants des pa-roisses , depuis Vichy j.usquù Digoin, prirent les armespour se défendre et empêcher les troupes de Condé de pas-ser par le Bourbonnais. Au Donjon, on se barricade, oitveille jour et nuit. Les ennemis sen ntournent. On croyaittout sauvé; les Donjonai, Ø'acfi bello fatisquc repulsi, abat-tent les barrières, quittent leurs corps (le garde et remettentles ai-mes au ratelier. C'était trop se presser. Les ennemisreviennent en licite. Le 16 mars 1650, trois compagniesprennent la ville, y deineuren t sept jours et y commettent

les plus grandes extosioii,I'àtlsons et escès que per-sonne aye connus et ouy dire. Et l'ini dit que c'est M. le

t gouverneur et M. (le Gaumiit, intendant à Moulins, quinous avaient envoyé •ce déluge, afin de contraindre le

n pauvre peuple de payer toutes les tailles encourues de-ci puis 16 117, 16'tS, 16M). »

• Les malheurs de la paroisse continuent. Le jour de Saint-Claude, 6juin 1631, les régiments de Conty et de Bourgo-gne logent au Donjon et y fouit beaucoup de maux, battu

pi usicu -s hôtes, rançon né, rompu les meubles et emportét ce qu'ils ont pu et deslogé le lendemain, 7 juin iGl.

Le 20 septembre suivant, le baron d'Escuilles s'empare,avec neuf ou dix soldats, du château de Moutaigu-le-Bhi n,en chasse le concierge et tous ceux qui s'y trouvent. Cequi est bon â prendre est bon -,

Il garder. Il demande à Condé,qui était à Montrond, de lui envoyer des forces pour cou-vrir Montaigu. Il est prévenu par M. de la Roche, lieute-nant de M. deSaint-Gérand, gouverneur du Bourbonnais,qui survient avec trois ou quatre cents soldats et remet lagarde du château fi M. de l'oucenat.

La misère sévit.L'année 1651, écrit Girard Charnay,t jusques à la lin, a esté fort rude et cruelle bu pauvre

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- -

e peuple, à cause des logemenLs (les gens de guelTe, onli-t nairement fut aussi des tailles et crues excessives, et la

grêle en plusieurs lieus, de sorte que la coupe (le blede seigle, mesure du Donjon - 30 livres équivalant au clou-

hie décalitre actuel et. se vendant 10 sols - est venduet communément en ceste rit) d'année quarante sols.

Le 17 décembre, une compagnie de cavalerie etc M. etcSaiAt-Gérand, sous la conduite (le M. de liauterive, arriveau Donjon et s'y installe. Pour s'en délivrer, les habitantsfont présent à M. de Saint-Gérand de deux cents écus et dedeux cents quarterons d'avoine. Les soldats délogèrentdonc, le fl janvierlfi5t M, le marquis de Saulx-Tavannes,seigneur du lieu, se fâcha bien un peu qu'on eût misgarnison chez lui sans son consentement. Mais il était loin,habitant son château (le Suilly, en Bourgogne; ses plaintesne dédommagèrent pas les Donjonais des maux soufferts.

Ce n'est pas tout, et le Donjon n'est pas au bout de sespeines. • Cotte même année 4Q, jusqu'à la fin, a esté fortt misérable au pauvre peuple; car le blé seigle valait

communément trois francs la coupe du Donjon, et lest tailles, crues et subsistances, et les impôts de sel doubles« et davantage; les sergents des tailles et du sel sans cessee prendre et emmener avec eux toutes sortes de bestiaux,- -

excepté les boeufs, et emmener les habitants prisonnierso l'un pour les autres. Plus les armées de M. le prince dot Condé et de plusieurs autres princes et seigneurs contret notre roy et ses armées, ruyner et destruire plusieurs

pays, et encore M. de Saint-Géran, gouverneur du Bour-bonnais, a fait logeret demeurer tous ses gens de guerre,

« ses gon; d'armes, cavaliers, dedans les paroisses du Bour-bourrais depuis cinq ou six mois en ça et continuellementtous jours à chacune paroisse deux ou trois, et leur faut

t donner quarante sols à chacun tous les jours.Le narrateur ne nous laisse pas sur cotte pénible im-

t.

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- 46 -pression. Une année meilleure parait « Incontinent que

les giace3 ont cessé par la rivière de Loire, en janvier1653, il est arrivé tant de bateaux chargés de blé, seigle,froment, pois, febvres, poires confites et autres biens

£ pour nourrir le pauvre peuple, qu'il y en avait dans tous« les ports (le Loire jusqu'à Royene (Boanne), qui venaient« du royaume de Pologne, à ce qu'on dit. Il ne se pouvait

pas trouver de blé en ce pays que fort peu, et valait dix« francs le bicliet et davantage; et à présent vaut seulement

sept francs le bichet, et ne vaudra que six francs danshuit jours, et tousiours à meilleur prix.La paix revint et l'abondance. Mais le souvenir des cour-

,ses de ces pillards habillés en soldats se maintint si vivacequ'on les redoutait encore après qu'elles eurent cessé. Eu1656, le 26 février, jour do mardi gras, (les employés (le làgabelle arrivent au Montet accompagnés de soldats pourlever l'imposition et faite visite du sel cirez les habitants.Aussitit toutes les paroisses limitrophes enfouissent leurlard salé dans la terre, le cachent dans les églises et les éta-bles des animaux. Ceux de Tronget même prennent la fuiteau plus vite.

Six ans après je trouve dans les registres de llresnay lapreuve que les plaies de la guerre civile n'étaient pas con-pléternnt cicatrisées. Limoise, on l'a vu, a été ruinée par lesHuguenots, puis foulée par les Frondeurs. Les hahitafits sesont dispersés partout.

LO premier jour de janvier 1662 a esté baptisée Mar-t guerite Dclus, fille de Jehan de Lus • et de Magdalegne

Delavaut pauvre fèrnine vefvc dudit Jehau Delus qui s'est• retirée depuis deux ou trois mois en ça en cette paroisse• se disant être de la paroisse de Lymoise qu'elle a esté• contraincte dequitter à cause des malbeursdu temps et de

chercher sa vie aecompagnéede deux autres de ses enfants« âgé l'un (le à 5 ans et l'autre de 7 à S ans parmi les gens

(le bien de Chemilly, et s'étant retiFée en ceste paroisse de-

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il

- 47 -« puis deux ou trois mois en çà comme diei est, est accon--« tuée au village des Bergerasen usne maison appartenant

aux frères aeobiiis de ladite paroisse.Ma vue de ces maux, dont on ne peut quesefaire une bien

faibleidée, il faut répéter le souhait pieux du curé de Don-jon « Dieu nous garde du retour de pareils fléaux,

XXI. -

Malgré les infortunes de tout genre qu'elle causa au pays,CL en flétrissant ces révoltes, ces guerres entreprises sousde futiles prétextes, on doit étre juste envers la Fronde. Ceserait un ton de n'y voir qu'une lutte d'ambitions rapaces,de vanités froissées, et d'amours fort peu légitimes. Sous cesmesquines ou coupables passions, il faut reconnaitre unessai de résistance à'l'omnipoence administrative. C'est ladernière tentative contre la centralisation. Que veulent lesparlements, les bourgeois,les princes? Le respect de leursdroits et de leurs privilèges. Quand la main puissanteet rudede Richelieu eût cessé (le peser sur tous, tous se crurentrevenus à l'ancien état de choses. Mazarin qui prétenditContinuer son prédécesseur s'aperçut vite que le sentimentde l'indépendance n'était pas tout-à-fait mort. Le combats'engagea. Le pouvoir absolu se vit en face de la liberté,non pas la liberté à la façon du XIXO siècle, liberté de tousdans la dépendance de chacun, mais de la liberté représentéepar des corps ayant des droits, où le particulier trouvait desgaranties. Les cours souveraines .'opposaient à l'abolition(le leur droit de remontrances et à la suppression de leurveto sur les ordonnancesroyales ; les communes réclamaientle maintien de leurs antiques franchises et criaient contreles envahissements de la Monarchie. La noblesse annihilée'e

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parles intcudants, foi cée de n'être plus qu'un ornement decour, après avoir commandé les arnit'es, gouverné les pro-vinces, aspirait à prendre dans l'Etat le rôle que lui assu-raient les usages passés et ses services rendus. L'augmen-tation toujours croissante des impôts rappelait plus vive-ment l'attention sur l'emploi des revenus publics. Tout celas'agitait confusément, vaguement dans les esprits. On veutdes réformes et on ne les formule pas ; on a des désirs de

r changement, et sans les faire connaitre on se jette dans laguerre civile. De là des incertitudes, des tâtonnements sin-guliers et des évolutions vraiment incroyables. La Frondeest parlementaire au début ; Condé est avec la cour contreles bourgeois. Quand à son tour Condé se croira blessé par

. l'arbitraire, il se tournera contre la cour. Nous sommesgrands partisans de l'égalité, et nous voyons avec peine lesautres se prévaloir d'avantages que nous n'avons pas. C'estquand on touche à nous-mêmes que nous sentons vivemeiflles abus dont autrui se plaignait. -

Des villes, les unes furent frondeuse g , les autres restèrentroyalistes, selon les circonstances et les dispositions parti-culières ; preuve que le but à atteindre n'était pas claire-ment monti'é ou suffisamtuent vu. Aussi, bientôt ce quipouvait être une victorieuse revendication des libertés pro-vinciales ne fut plus qu'une échauffourée féodale. Les prin-ces, en appelant l'étranger à leur secours, montrèrent tropvisiblement leur ambition personnelle, et qu'ils ne se sou-ciaient guère des intérêts de la France. La royauté se rat-tacha bientôt ces classes bourgeoises un moment troublées,hésitantes, mais toujours si attachées à leur patrie et auxrois qui la personnifiaient et (lui les protégeaient eltes-mtmes. La Monarchie usa de son triomphe définitif; peuà peu elle enleva toutegarantie aux corps constitués, parle-ments, noblesse, communes. Il n'y eut plusqu'umie immensemachine administrative et (les grains de sable sans cohésion,

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6,1

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44 -

—49 e -tsans résistance possible, qu'elle fait tous passer sous sameule et qu'elle broie.

XXII.

En maudissant la guerre, et surtout la guerre civile,qu'elle s'appelle Réforme, Ligue ou Fronde, et en gémis-saut sur les ruines et les massacres en grand dont elle s'estrendue chez nous coupable, on ne peut s'empêcher le faireune 'ernarque consolante. Le clergé s'opposa (le tout sonpouvoir à l'invasion des idées nouvelles. La noblesse aussilutta. Ce fut le peuple surtout qui défendit le catholicisme,et la monarchie, son Dieu et son roi. Dans notre provinceen particulier, il fut héroïque. L'hérésie ne l'entame pas;ta révolte le trouve fidèle; la disette et les vexations nepeuvent ébranler sa constance. Qui n'aimerait ce vaillantpays qui puise dans son dévouement à la royauté la vo-lonté., et dans ses vieilles traditions municipales l'énergienécessaire pour résister ?A la rude école des. communes,ces bourgeois avaient appris la liberté et en appréciaientles avantages. Supposons-les abrutis par un long servage tOu simplement déshabitués de la vie publique, s'en repo-sant sur ceux qui les administrent du soin de les garantir,ils eussent tout accepté avec une longanimité fataliste, etles doctrines farouches de Calvin, et la soumission passiveaux princes rebelles. Sous la féodalité, souvent tracassièreet tyranique, ils avaient conquis, puis maintenu leurs fran-chises ; ils les surent faire respecter. (in doit admirer cettenoble indépendance. Quant àmoi, j'ai une vive sympathiepour tous ces gens de rien, ces paysans et ces artisans, la-boureurs ou marchands, drapiers ou cordonniers qui prén-rient en main leur propre cause, s'organisent et combattent-jusqu'à la mort, obscurs etsans-gloire, pour leur Dieu.pour,

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leur roi, pour leur pays. La satyre 3f énippée raillera avecesprit ces gens des métiers grotesquement affublés de pi-

ques, de hallebardes ou d'arquebuses, qui s'en vont guer-ro yer contre les reîtres et les lansquenets allemands à latournure martiale on pourra se moquer (le ces bourgeoisqui ne veulent pas échanger l'obéissance au roi pour l'O-béissance au prince de Condé; on bafouera, si l'on veut,ces chrétiens naïfs qui s'obstinaient à mourir dans la foi deleurs pères pour dormir près d'eux, dans la même église, àl'ombre de la même croix. et repoussaient ceux qui, com-patriotes ou étrangers, leur venaient ravir le Dieu de leurenfance. li n'en est pas moins vrai que nous leur devons,à dut à leur énergie, à leur constance, à leu,' foi, d'êtrerestés Françaisen France, catholiques sut, le sol de la Gaulechrétienne et libres sur la terre des Francs.

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