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Revue de presse de Bureaucratie de David Graeber, Éditions Les Liens qui Libèrent.

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Revue de presse de Bureaucratie de David Graeber, Les Liens qui Libèrent. Relations presse : Agence Anne & Arnaud

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12/10/2015 La bureaucratie, conséquence paradoxale du libéralisme - Idées - France Culture

http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-2eme-partie-la-bureaucratie-consequence-paradoxale-du-liberalisme-2015-10-0 1/2

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JOURNAL DE 12H30

à venir 12h55 La Grande table (2ème partie)Caroline Broué

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34 minutes

La bureaucratie, conséquence paradoxale dulibéralisme08.10.2015 - 12:55

L'économiste et anthropologue David Graeber décrit dans son dernier ouvrageun phénomène de "bureaucratie totale", qui "domine tous les aspects de notrepropre existence" et qui annihile la créativité sociale. Pour lui, loin d'êtrel'apanage d'une administration publique s'opposant au fonctionnement libéraldu marché, la bureaucratie s'identifie de plus en plus avec la finance, et brouillela distinction entre secteur public et privé.

Comment définir le capitalismed'aujourd'hui? A-t-il évolué dans sonrapport à la bureaucratie? Où se joue laviolence sociale aujourd'hui? C'est àtravers une analyse du rôle prépondérantde la bureaucratie dans lefonctionnement capitaliste que DavidGraeber tente de répondre à cesquestions. Loïc Blondiaux est avec nouspour l'interroger.

Emission traduite par Michel Zlotowski.

Lisez ici l'article de David Graeber "Lesvoitures volantes et la baisse du taux deprofit".

David Graeber : "Les super-héros existent là où le pouvoir populaire est impossible. ce sont des hérossympathiques qui vivent dans un monde où le fascisme est la seule possibilité"

"On a créé une classe de gens payés pour observer le monde du point de vue des dirigeants."

Retrouvez ici la première partie de l'émission avec le cinéaste italien Marco Bellochio pour son film Sangue del miosangue.

Invité(s) :David Graeber, anthropologue, économiste

du lundi au vendredi de 12h55 à 13h30 Durée moyenne : 34 minutes

La Grande table (2ème partie)par Caroline Broué

Le site de l'émission

Bahn Tower SASCHA KOHLMANN © CC

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L'équipe

Production

Caroline Broué

Production Déléguée

Raphaël Bourgois

Réalisation

Philippe Baudouin

Avec la collaboration de

Jeanne Aléos, Clémence Mary, Henri Le Blanc

Prochaines diffusions

Les nouveaux territoires de résistanceA écouter le 12.10.2015

Qu'est-ce que l'histoire culturelle?A écouter le 13.10.2015

On a tous quelque chose en nous deNeandertalA écouter le 14.10.2015

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12/10/2015 La bureaucratie, conséquence paradoxale du libéralisme - Idées - France Culture

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Bureaucratie

David Graeber

Les liens qui libèrent,2015

Dette, 5000 ans

d'histoire

David Graeber

Les Liens quilibèrent, 2013

Loïc Blondiaux, professeur à l'université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), chercheur au Centre européen d'étudessociologiques et de science politique de la Sorbonne (CESSP) et au Centre de recherches politiques de la Sorbonne(CRPS).

Thème(s) : Idées| Economie| Politique| libéralisme

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prix nobel de littérature

09.10.2015 34 min.

La bureaucratie, conséquence paradoxale du

libéralisme

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12/10/2015 Bureaucrarie et humanité... / France Inter

http://www.franceinter.fr/emission-journal-des-idees-bureaucrarie-et-humanite 1/4

Le 7/9 du week-end Journal des idées

l'émission (ré)écouter à venir podcast

Bureaucratie et humanité...

Parce que la bureaucratie n’est pas l’apanage du service public mais aussi

…des entreprises, ou comment nous passons notre temps à remplir des

formulaires, fussent-ils électroniques : « Bureaucratie, l’utopie des

règles», de David Graeber, aux éditions Les Liens qui Libèrent

Pour comprendre comment nous sommes devenus humains (et comment le

rester!) : « Devenir humains », ouvrage collectif sous la direction d’Yves

Coppens, aux éditions Autrement

l'émission du dimanche 11 octobre 2015

Bureaucrarie et humanité...0 commentaire

(ré)écouter cette émissiondisponible jusqu'au 06/07/2018 07h46

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!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!Presse écrite

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L'OBSDate : 08/14 OCT 15Pays : France

Périodicité : Hebdomadaire ParisOJD : 460780

Page de l'article : p.95-97Journaliste : Éric Aeschimann/Hélène Builly

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LIENS 9458745400509Tous droits réservés à l'éditeur

DEBATS

EXCLUSIF

A QUO SERT LA PAPERASSE ?A /'occasion de la maladie de sa mère, l'anthropologue américain David Graeber découvre l'univers

impitoyable de la bureaucratie et décide d'y consacrer son nouvel essai. En voici un savoureux extrait£a ÉRIC AESCHIMANN

«à HÉLÈNE BUILLY

A nthropologue et acti-viste, David Graeberest l'une des figuressaillantes du renou-veau récent dessciences humaines.

Paru en France il y a deux ans, « Dette.5000 ans d'histoire » montrait que,contrairement à ce qu'avance la doxalibérale, l'histoire de l'humanité a étérythmée par des annulations régulièresde créances, qui furent la condition dela survie des sociétés. Son nouvelouvrage, « Bureaucratie », publié cettesemaine aux éditions Les Liens quilibèrent, met à. nu un aspect rarementétudié du capitalisme : l'inflation desprocédures administratives. Là encore,Graeber prend le contre-pied du dis-cours dominant : à ses yeux, moins quel'hypertrophie de l'Etat, c'est l'extensioninfinie du champ économique quiexplique l'existence des comptables,juristes, certificateurs, contrôleurs, éva-luateurs... «Ilfaut mille foisplus depape-rasse pour entretenir une économie demarché que la monarchie absolue deLouisXTV», écrit-il. Une réflexion pas-sionnante, qui s'ouvre par un récit à lapremière personne, où Graeber racontesa propre rencontre avec le Léviathan bureaucra-tique. Le voici, en exclusivité pour « l'Obs ».

•• En 2006, ma mère a eu une série d'infarctus. Sonassurance ne couvrant pas les auxiliaires de vie, plu-sieurs travailleurs sociaux nous ont conseillé dedemander Medicaid[l'assurance-maladie destinée auxpersonnes à faible revenu aux Etats- Unis, NDLR]. Mais,pour avoir droit à Medicaid, le demandeur ne doit pasposséder plus de 6 DOO dollars. Nous avons fait lenécessaire pour transférer son épargne. Technique-ment, je suppose que c'était une fraude, mais unefraude d'un type particulier puisque l'Etat emploie desmilliers de travailleurs sociaux à expliquer avec préci-sion aux citoyens comment la commettre - c'est appa-remment une de leurs tâches principales. Or il y avaitun problème : sa pension de retraite était virée direc-

tement sur son compte bancaire, et elle était à peinecapable de signer son nom. Donc, si je n'obtenais pasle pouvoir de mandataire sur son compte afin de pou-voir régler pour elle le montant de son loyer mensuel,l'argent allait vite s'accumuler et la disqualifier pourMedicaid, même après l'énorme masse de documentsde cet organisme que j'avais dû remplir pour lui don-ner droit au statut « en attente ».

Je me suis rendu à sabanque, j'ai pris les formulairesrequis et je les ai rapportés à la maison de repos. Lesdocuments devaient être enregistrés par un notaire.L'infirmière de son étage m'a dit qu'il y avait unenotaire au sein de l'établissement, mais que je devaisprendre rendez-vous. Elle a téléphone et m'a passé unevoix désincarnée, qui a transféré mon appel à la notaire.Celle-ci m'a indiqué que je devais d'abord obtenir l'au-torisation de la chef de service des affaires sociales.

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et elle a raccroché. Je mesuis donc procuré le nom et lenuméro de salle de cette res-ponsable et, prenant l'ascen-seur, je suis dûment descendume présenter à son bureau- où j'ai découvert que la chefde service des affaires socialesétait en fait la voix désincar-née qui m'avait passé lanotaire. La chef de service desaffaires sociales a pris sontéléphone, elle a dit : « Marjo-rie, c'était moi, vous le rendezfou, cet homme, avec cetteabsurdité, et vous me rendezfolle aussi », puis, après unpetit geste d'excuse, elle m'apris un rendez-vous pour ledébut de la semaine suivante.

La semaine d'après, lanotaire s'est dûment présen-tée, m'a accompagné à l'étage,a vérifié que j'avais remplimon côté du formulaire(comme on me l'avait maintesfois répété avec insistance),puis, en présence de ma mère,s'est mise à remplir le sien. J'aiété un peu surpris qu'elle nedemande pas à ma mère designer quoi que ce soit, seule-ment à moi, mais je me suis ditqu'elle savait ce qu'elle faisait. Le lendemain, j'ai apportéle document à la banque, où l'agent d'accueil lui a jetéun seul regard, a demande pourquoi ma mère ne l'avaitpas signé, puis l'amontré à sa supérieure, qui m'a dit dele reprendre et de le remplir correctement II était clairque la notaire, en fait, ne savait pas du tout ce qu'ellefaisait. J'ai donc demande un nouveau formulaire,dûment rempli mon côté de chaque page et pris unnouveau rendez-vous. Le jour dit, la notaire est apparueet, après quèlques remarques gênées sur les banques etleurs tracasseries (pourquoi chaque banque tient-elleà avoir son propre formulaire de demande de procura-tion, entièrement différent?), elle m'a fait monter àl'étage. J'ai signé, ma mère a signé - non sans difficulté,à cette date elle avait même du mal à se soulever dansson lit - et le lendemain je suis retourné à la banque.

Un autre agent à une autre borne d'accueil a exa-miné les formulaires et m'a demande pourquoi j'avaissigné sur la ligne où il était demande d'écrire mon nomet écrit mon nom sur la ligne de la signature. « J'ai faitça ?Eh bien, j'ai fait exactement ce que m'a dit la notaire.- Mais c'est écrit en toutes lettres, "signature", ici.-Ahoui, c'est exact! Je vois qu'elle m'a induit en erreur. Unefois déplus. Bon... toutes les informations sont là toutde même, non ? Il n'y a que ces deux petites lignes quisont inversées. Donc, est-ce vraiment unproblème ?Lasituation est urgente, en fait, et j'aimerais beaucoup nepas avoir à attendre de prendre un autre rendez-vous.

- Vous savez, normalement,nous n'acceptons même pasces formulaires si tous lessignataires ne sont pas pré-sents en personne. - Ma mèrea eu un infarctus. Elle est ali-tée. C'est d'ailleurs pour cetteraison que j'ai besoin de deve-nir mandataire. » II m'a ditqu'il allait consulter sonsupérieur, et, dix minutesplus tard, il est revenu, avec lesupérieur en arrière-plan,juste à portée d'oreille, m'an-noncer que la banque ne pou-vait pas accepter ces formu-laires dans leur état actuel- de plus, même s'ils avaientété remplis correctement, ilaurait aussi fallu une lettre dumédecin de ma mère certi-fiant qu'elle était menta-lement apte à signer cedocument

J'ai fait remarquer que,jusque-là, personne nem'avait parlé de cette lettre.« Quoi? est soudain inter-venu le supérieur. Qui vous aremis ces formulaires sansvous parler de la lettre ? »

Puisque la coupable étaitl'une des employées les plus

sympathiques de la banque, j'ai esquivé la question.(Cette tactique est si courante que je propose de l'ap-peler « Un mot de plus et le petit chat en prend une ».Si vous vous plaignez d'un problème bureaucratique,dites-vous bien que le seul résultat sera de causer desproblèmes à un subalterne - qu'il soit ou non pourquelque chose dans la création du problème initial.Presque aussitôt, le plaignant va alors retirer saplainte, sauf s'il est singulièrement vindicatif et cruel.Dans ce cas précis, quelqu'un avait effectivementoublié de me donner une information cruciale, maisj'ai vu utiliser la même manœuvre quand l'objet demes doléances était clairement de la faute du super-viseur auprès duquel je protestais.)

J'ai [donc] préféré lui faire observer que le livretd'épargne portait ces mots imprimés tout à fait clai-rement : « bénéficiaire : David Graeber ». Il m'arépondu, bien sûr, que cela comptait uniquement encas de décès. En fait, le problème est vite devenu aca-démique. Ma mère est effectivement décédéequèlques semaines plus tard.

A l'époque, cette expérience m'a totalement décon-certé. Moi qui avais longtemps mené une vie d'étudiantassez bohème et relativement coupée de ce genre dechoses, je me suis mis à demander à mes amis : est-cevraiment cela, la vie quotidienne de la plupart desgens ? Tourner en rond en se sentant idiot à longueurde journée? Etre mis, on ne sait comment, dans une

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position telle que l'on finit par agir effectivementcomme un idiot? La plupart étaient enclins à penserqu'en gros c'était bien cela, la vie. Il est clair que lanotaire s'était montrée d'une rare incompétence. Mais,peu après, j'ai dû passer plus d'un mois à faire face auxramifications croissantes des effets de l'initiative d'unfonctionnaire anonyme du service des véhicules àmoteur de New York qui avait écrit mon prénom« Daid », pour ne rien dire de l'employé de Verizon[opérateur de télécoms] qui avait orthographié monnom « Grueber ». Quelles qu'en soient les raisons his-toriques, il semble que les bureaucraties publiques etprivées soient organisées de façon à garantir qu'unimportant pourcentage des acteurs ne seront pas enmesure d'accomplir leur tâche comme prévu.

C'est en ce sens qu'il me paraît juste de dire que lesbureaucraties sont des formes utopistes d'organisation.Après tout, n'est-ce pas ce qu'on nous dit toujours desutopistes, qu'ils ont une foi naïve dans la perfectibilitéde la nature humaine et refusent de traiter avec leshumains tels qu'ils sont? C'est ce qui les conduit,ajoute-t-on, à fixer des normes impossibles, puis àreprocher aux gens d'être incapables de s'y conformerdans leur vie ? Mais en fait toutes les bureaucraties lefont, puisqu'elles posent des impératifs en jurant qu'ilssont raisonnables, puis, quand elles découvrent qu'ilsne le sont pas (puisqu'un grand nombre de gens seronttoujours incapables de se conduire comme elles l'at-tendent), concluent que ce ne sont pas les impératifsqui posent un problème, mais l'insuffisance indivi-duelle de chaque être humain particulier, qui n'arrivepas à se hausser à leur niveau.

Sur un plan purement personnel, ce qui m'a proba-blement le plus perturbé a été de constater qu'en unsens, avoir affaire à ces formulaires m'avait abêti, moiaussi. Comment avais-je pu ne pas voir que j'écrivaismon nom sur la ligne qui indiquait : « signature » ?C'était écrit en toutes lettres, là ! J'aime à penser que jene suis pas, d'ordinaire, une personne particulièrementstupide. D'ailleurs, j'ai plus ou moins passé ma vie àessayer de persuader les autres que je suis intelligent.Néanmoins, je faisais des idioties flagrantes. Tout cetemps passé à me demander comment aborder lanotaire pour ne pas avoir l'air de lui mettre le nez dans

DAVIDGRAEBER,

ne en 1961,anthropologue et

économiste americain,

qui a participeactivement au

mouvement OccupvWall Street, enseigne a

la London Schoolof Economies Son livre

«Dette 5 DOO ansd'histoire «(LLL) a connu

un grand succesll publie cette semainechez le même editeur

«Bureaucratie»

son incompétence, ou à chercher ce qui pourrait merendre sympathique aux yeux de divers responsablesde la banque, m'avait rendu moins attentif quand ilsme faisaient faire des bêtises.

En tant qu'anthropologue, tout cela avait pour moiune résonance étrangement familière. C'est un peunotre spécialité, à nous anthropologues, de traiter desrituels qui entourent la naissance, le mariage, la mort,et d'autres rites de passage du même genre. Noussommes particulièrement attentifs aux gestes rituelsqui sont socialement efficaces, puisque le simple faitde dire ou de faire quelque chose le rend vrai socia-lement. (Pensons à des expressions comme « je m'ex-cuse », « je me rends » ou « je vous déclare mari etfemme ».) Les humains étant les êtres sociaux qu'ilssont, la naissance et la mort ne sont jamais de pursévénements biologiques. Normalement, il faut un tra-vail considérable pour faire d'un nouveau-né une per-sonne - quelqu'un qui a un nom, des relations sociales(une mère, un père...), un domicile, à l'égard de quid'autres ont des responsabilités, dont on attendra unjour qu'il ait, lui aussi, des responsabilités envers eux.En général, une large part de ce travail s'effectue àtravers des rituels.

Dans la plupart des sociétés existantes actuellement,ces rituels peuvent ou non être exécutés, mais c'estprécisément la paperasse administrative, plus quetoute autre forme de rituel, qui est socialement efficacede cette façon-là, qui effectue réellement le change-ment. Ma mère, par exemple, souhaitait être incinéréesans cérémonie; néanmoins, mon principal souvenirde la maison funéraire est celui de l'aimable employégrassouillet qui m'a fait parcourir le document de qua-torze pages qu'il devait remplir afin d'obtenir un cer-tificat de décès, rédigé au stylo-bille sur papier carbonepour qu'il sorte en trois exemplaires. « Combien pas-sez-vous d'heures par jour à remplir des formulairescomme celui-ci ?» lui ai-je demandé. «Je ne fais que ça »,a-t-il soupiré, en levant une main bandée à cause d'undébut de syndrome du canal carpien. Il le fallait. Sansces formulaires, ni ma mère ni aucune autre personneincinérée dans son établissement n'auraient été juri-diquement, donc socialement, décédées. 99©David Graeher/LLL

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Date : 10/16 OCT 15

Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 578680

Page de l'article : p.4,5,6,8Journaliste : Olivier Pascal-Moussellard

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LINVITÉ

Figure de proue d'Occupy Wall Street, l'agitateuranarchiste a du s'exiler au Royaume-Uni.Dans son dernier essai, il s'en prendà la bureaucratie, ce fléau du... capitalisme.

DavidGraeber

Propos recueillis par Olivier Pascal-Moussellard Photo Kalpesh Lathigrapour Télérama

A LIREBureaucratie,de David Graebertraduit de l'anglaispar Françoiseet Paul Chemla,ed Les Liensqui libèrent,304P,22€

Anthropologue Anarchiste. Une double casquetteque l'Américain David Graeber, un des penseurs les pluslucides de notre époque, garde vissée sur la tête dans labourrasque. Pilier du mouvement Occupy Wall Street, il arendu criant, en 2011, le scandale d'une finance avide, immorale et irresponsable Plus personne, aujourd'hui,n'ignore qui sont les « 99 % » Mais l'engagement a un prixFin 2011, les camarades de Graeber ont eté expulsés manumilitari du petit parc new yorkais qu'ils occupaient depuisdeux mois, l'anthropologue avait, lui, déjà etc exclu del'université Yale, ou il enseignait, en 2007. Et il n'a jamaisretrouvé de poste dans une université américaine. Auteuren 2011 d'un essai remarquable, Dette. 5 DOO ans d'histoire,Graeber a finalement trouvé refuge à la prestigieuse Iondon School of Economies (LSE). C'est là, dans un bureautranquille, que cet agitateur non violent (mais au débit demitraillette) nous a reçu Pour évoquer son dernier livre,Bureaucratie, et plonger avec une folle vivacité dans legrand tournis du monde.

Nous vivons, Le mieux est de partir d'un exempledites-vous, dans concret. J'ai appelé ma banque l'autreune sociéte jour, pour lui demander de lever uneextrêmement fonction de sécurité qui m'empêchebureaucratique. Sur d'accéder a mes comptes depuisquoi repose cette l'étranger. J'ai passe quarante minutesaffirmation? au telephone avec différents interlo

cuteurs pour résoudre le problème -en vain Imbroglio bureaucratique classique, maîs cettefois dans le cadre d'une entreprise privée1 Quand j'ai de-mande : « comment est il possible qu'un simple change-ment d'adresse puisse dévorer quarante minutes de ma

journee - et de la vôtre -sans trouver de solution7», onm'a répondu que c'était la faute des régulations imposéespai le gouvernement. Mais la séparation entre le «public»et le «pnvé» est-elle si tranchée aujourd'hui? D'une part,le public est de plus en plus organisé comme un businesset, d'autre part, le marché privé se réfère à des règlesémises par les gouvernements. Mais surtout, aux EtatsUnis, les lois définissant les regles du marche sont toutes leresultat d'un lobbymg exerce par les entreprises sur les de-putes. Mon banquier a donc tort de se plaindre il est coresponsable de mes problèmes de bureaucratie.

Le capitalisme L'objection la plus commune adresséene ferait pas mieux au modèle socialiste, c'est sa dimen-que le socialisme sion utopique. Les marxistes imagi-en matière de nent une version idéalisée de la v ie etrèglements et de demandent aux êtres humains d'être apaperasse - fût-elle la hauteur de cet idéal... impossible àélectronique ? atteindre ! Obstinés, les régimes socia-

listes imposent des règles de conduiteà la population. Quand des individus y dérogent, plutôt quede reconnaître que les règles sont mauvaises, le régime dé-clare que tout le mal vient des hommes et les envoie augoulag Méchant défaut dans la cuirasse du projet socia-liste Maîs voyez a quel point, dans le système capitaliste,l'hiatus n'est pas si différent la dernière fois que j'ai regar-de les resultats de la premiere banque du monde (oupresque), J.P. Morgan, j'ai découvert que 75 a 80% de leursprofits venaient des frais de gestion de compte et des agiosimposés aux clients endettés. Ces banques émettent ellesaussi des règles «idéales»; et à chaque fois que noussommes pris en défaut, elles nous ponctionnent.

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Date : 10/16 OCT 15

Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 578680

Page de l'article : p.4,5,6,8Journaliste : Olivier Pascal-Moussellard

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Date : 10/16 OCT 15

Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 578680

Page de l'article : p.4,5,6,8Journaliste : Olivier Pascal-Moussellard

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«Si on avait dit aux spectateursdu premier alunissage qu'Internetserait l'invention majeuredu demi -siècle à venir, croyez-moi,ils auraient fait la moue. »

Comment se fait-il Quelqu un a réussi a faire croire a toutque personne le monde que la bureaucratie était unne reagisse? fléau du secteur public, alors que e est

un modele qui transcende la séparalion public/prive Au début du siecle dernier, tout le mondesavait que la bureaucratie de l'administration et celle desentreprises, e était pareil

Maîs instaurer des Pour que nous adhérions comme unregles claires ne seul homme au projet bureaucratique,prof ite-t-il pas a il faut qu il soit attirant Le systeme catous?Chacun les pitaliste l'a tres bien compris Aconnaît, les choses chaque fois que des regles existantessonttransparentes créent une situation ubuesque, il pro

met une solution en inventant denouvelles regles ' Peu importe que le problème ne soitjamais résolu et que le systeme se transforme en machine afabriquer des reglements, la «transparence» est sauve Aunom de ce nouvel idéal, I effort pour se libérer du pouvoirarbitraire produit encore plus de pouvoir arbitraire les reglementations nous étouffent, des cameras de surveillanceapparaissent partout, la science et la creativite sont etranglees et nous passons tous une part croissante de nos journees a remplir des formulaires

Depuis 20O8, La deregulation ne nous débarrasseon a plutôt entendu pas des regles elle en cree d autres,

beaucoup différentes Dire qu'on deregule estde critiques contre toujours une promesse idéologiquela deregulation - l'objectif reel est d'émettre ses propresde la finance regles et d être le premier a bord

Une « regle » domine Oui, et cette question est directementtous les debats liee a l'expansion de la bureaucratieaujourd'hui il faut aujourd'hui, pour payer ses dettes, lepayer ses dettes. foyer americain moyen se voit ampuQu'on soit ter chaque mois de 15 a 40 % de ses regouvernement ou venus (étrangement, il est impossiblesimple particulier... d'obtenir des statistiques exactes sur

cette question ') Encore une fois, n oubhons pas que l'essentiel des profits de Wall Street provientde dettes individuelles ou collectives - souvenez vous de lacrise des subpnmes Les politiciens auxquels s'adressentles lobbyistes sont tout a fait d'accord pour garantir un ccrtam taux de profit aux banques Ils n'ont d ailleurs jamaisprétendu agir autrement leur premiere reaction après lekrach de 2008 ne fut elle pas de déclarer qu ils ne laisseraient jamais tomber la finance '

Vous en parlez Parce que e en est un Ces hommes etquasiment comme femmes politiques votent des loisd'un complot . mille fois plus favorables aux banques

qu'a leurs clients au point que lesAméricains reversent plus d'argent, aujourd rmi, a WallStreet qu au fisc On n est pas si lom de I epoque ou la mafiafaisait voter par les députes des lois sur I ouverture descasinos Le mouvement Occupy Wall Street I a d ailleurstout de suite compris Les jeunes gens qui I ont lance, en2011, s'étaient rendu compte qu'ils avaient suivi les regles- fait des etudes poussées comme on le leur avait deinande, accumule des dettes pour des décennies (et promis deles rembourser), décroche leur diplome Pour decouvrirquoi ' Que les mêmes institutions auxquelles ils allaientdevoir rembourser des intérêts toute leur vie n avaientpas respecte les regles elles, qu elles avaient détruit I econorme par leurs combines spéculatives et s en sortaientsans une egratignure '

Barack Obama avait G est un immense gachis Combien depromis de changer fois, dans l'histoire américaine, unles choses president elu sur la promesse de s'at

taquer aux inégalités a t il eu une dussi belle occasion de modifier le systeme en profondeur ? Lacrise de 2008 a eu l'effet d'un séisme, le peuple americainétait vraiment en colere, si Obama avait dit «je nationaliseles banques», les gens auraient dit «ok > ' Maîs il n a pasbouge il a protege le systeme de sante prive (après avoirpromis de creer une forme de Securite sociale), et il a sauve la finance Quand on pense qu il a remporte les prestdentielles de 2008 grace aux jeunes, trois fois plus nombreux a voter en 2008 qu'en 2004 Etonnez vous que sapopularité ait déjà chute de 50% chez ces mêmes jeunesquatre ans plus tard

L'Amérique a laisse La societe américaine est redevenuepasser sa chance? fondamentalement conservatrice Re

gardons les trois arguments cles du« meilleur des systemes possibles > Grand un « Le capitahsme cree des inégalités, maîs les revenus des plus pauvresaugmentent toujours sur le long terme » Ce n'est mamfestement plus Ie cas Deux « Le capitalisme assure une ccrtaine stabilité politique > II faudrait etre aveugle pour nepas voir que les crises politiques se multiplient sur tous lescontinents Et trois « Les progres technologiques sont unmoteur extraordinaire pour un monde meilleur » II nereste plus qu a prouver que le monde s est améliore moralement Joli bulletin de notes '

Les technologies Ça dépend du curseur que vous choin ont-elles pas sissez Je me souviens des images derendu notre vie Neil Armstrong marchant sur la Lune -plus facile? j'avais 8 ans - et des rêves que l'on fai

sait a l'époque sur ce que I humaniteserait capable de faire trente, quarante ans plus tard Le reveil est brutal ' En 1969, les connaisseurs pensaient qu onirait sur Jupiter, que les voitures voleraient et que des robots nettoieraient nos appartements Qu a t on a la place 'Des telephones capables d envoyer et recevoir des videosSuper, surtout quand on sait que le premiei essai concluantde video telephone date des annees 1930 ' Et Internet,direz vous ? C est vrai, nous disposons tous a domicile

Page 20: Revue de presse de Bureaucratie de David Graeber, Les Liens qui Libèrent

Date : 10/16 OCT 15

Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 578680

Page de l'article : p.4,5,6,8Journaliste : Olivier Pascal-Moussellard

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d'un bureau de poste géant et immédiat Maîs si on avaitdit aux spectateurs du premier alunissage qu Internetserait l'invention majeure du demi siecle a venir, croyezmoi, ils auraient fait la moue Quand aura t on le couragede reconnaître que nous n'avons, pas ete capables de reahser nos reves, alors que nous les savions a notre portée '

A qui la faute? Le debat est ouvert Aux Etats Unis,dans les annees 1970, certains pen

seurs affirmaient que l'évolution trop rapide des technologies était responsable des problèmes sociaux qui se multiphaient dans Ie pays depuis les annees 1960, et qu il fallaitfreiner le progres Maîs ce ne sont pas les investissementsprives qui ont manque, ce sont les investissements publicsCar la recherche fondamentale aux Etats Unis reste largement financée par le gouvernement, qui a décide de luimême de reorienter ses credits vers les technologies medicales et celles de l'information Voila comment,quarante cinq ans après Apollo ll, on n est toujours pas fichusde creer un robot avec qui discuter, ou au moins capablede faire tout ce qui pourrait améliorer le quotidien d'unepersonne physiquement dépendante

lin changementpolitique peut-ilmodifier le coursde la revolutiontechnologique7

Toute I histoire le montre toute correction politique change la trajectoiredes progres technologiques Maîs permettez a l'anthropologue que je suisde poser une question simple pourquoi répète t on en boucle qu'il

n existe qu une façon efficace d'organiser l'économie alorsque I histoire en a fabrique des dizaines, suivant les lieuxet les époques' On va me rétorquer que ces modeles ontexiste longtemps avant l'industrialisation et sont aujourd hui inopérants Moi qui pensais que les technologiesdevaient nous donner plus d options dans la vie ' Au MoyenAge, il y aurait mille façons d'organiser l'économie, maîs desqu on s'équipe d'un ordinateur, il n'y en a plus qu'une '

Le capitalisme La question, pour moi, est moins de saest au bord voir comment on peut l'aider dans sade l'effondrement, chute que de s assurer que ce qui lesuggérez-vous. remplacera sera préférable Maîs ilQu'en est-il faut d'abord faire un diagnostic justede l'après- sur l'époque presente Et ce n est pascapitalisme7 si simple Dans les annees 1980, avec

des marxistes de tout poil, on s'etnpaitautour du problème suivant sachant que la date de naissance du capitalisme est plus ou moins fixée a l'an 1500,avec I urbanisation et le developpement du commerce,maîs que l'industrialisation et le travail salarie ne sont pasvraiment apparus avant 1750, qu'a t on vécu exactemententre ces deux dates ' La réponse me paraît évidente pendani deux cent cinquante ans (50% de la vie du capitalisme '), les gens ne savaient pas qu'ils avaient change demodele Si I on suit cette logique, nous poumons bien, aujourd'hui, etre déjà sortis du capitalisme sans nous enrendre compte Déjà en train de construire un nouveau modele, sans savoir de quoi il s'agit

Quel bilan faites- Les gens sont déçus qu Occupy n'aitvous d'Occupy Wall pas bouleverse Ie monde du jour auStreet' lendemain Maîs quel mouvement

social y est jamais parvenu' Uneaction comme celle ci ouvre des champs de possibilités, cen'est que dix, vingt ou quarante ans plus tard qu on voit lesquelles se sont réalisées En 1848, des révolutions se sontproduites partout et pas une seule n'a pris le pouvoir Maîsqui pourrait dire qu'elles n'ont pas prépare les révolutionsrusses de 1917' Mon sentiment personnel, cest que nousavons énormément accompli dans le tres court temps quinous a ete offert - entre six mois et un an Nous avonschange le discours politique sur les inégalités Avant nous,plus personne aux Etats Unis n'osait parler de «classes sociales » Aujourd'hui, même les républicains reconnaissentque les inégalités sont un sérieux problème - et qu'ils n'ontpas la solution Les conséquences d Occupy ne se sont peutêtre pas manifestées la ou on les attendait Beaucoup desympathisants d'Occupy espéraient qu'émergé une ribambelle de mouvements similaires ça n'a pas ete le cas Maîsqui oserait mer l'impact international des Indignes, del'Afrique du Nord au Moyen Orient'

Vous êtes un Désormais, je suis bien place pour saintellectuel voir que l'engagement a un prix Laanarchiste scrute seule chose que j'ai possédée dans mapar tous les vie, par exemple, était lappartementactivistes de la ou j'ai grandi a New York et dont j aiplanete. Comment hérite Je sais, de source sûre, que lesle vivez-vous? services de police ont parle au syndic

de mon immeuble pour me faire debarrasser le plancher (la plupart des gens qui ont participede pres a Occupy Wall Street ont subi ce type de mesaventure) Quand j'ai ete vire de I universite Yale, personne,dans les facs américaines, ne rn a propose de poste, et c'estpour cela que je suis un Americain en exil, ici, a la LondonSchool of Economies, ouj'ai ete tres bien accueilli L'universite américaine est devenue terriblement conservatriceS'ajoute peut ètre aussi, dans ce rejet, la mauvaiseconscience de certains professeurs de sciences humaines,radicaux dans l'âme maîs lucides sur le fait qu'ils partielpent eux aussi d un systeme qui exploite ehontement lesétudiants en les criblant de dettes Je les renvoie a quelquechose qu ils préfèrent ne pas voir, je suis leur vilain miroirJe ne juge pourtant personne ' Et je ne pense pas que tousles universitaires devraient se transformer en activistes lemonde deviendrait affreux '

Comment vivez- Je suis ecoute et surveille Maîs je mevous votre exil ' tiens a carreau et on ne rn embête pasVous sentez-vous plus que cela en exil, personne n'asurveille' besoin de vous censurer, vous le faites

tout seul J'ai un permis de travail parnciper a une action radicale signifierait la fin de mon visa fcfpuis je me sens bien a Londres J'ai même ete invite a parlerau Parlement anglais a plusieurs reprises Les députes m'ontecoute attentivement, et a la fin ils ont applaudi ' •

Page 21: Revue de presse de Bureaucratie de David Graeber, Les Liens qui Libèrent

Date : 09/10 OCT 15

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 122744

Page de l'article : p.11Journaliste : B. G.

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IDEES & DEBATS

focusLivres en bref

La bureaucratie, mal du XXIe siècle

BUREAUCRATIE• Depuis les années1970, le discours néo-libéral assimile Fonc-t ion pub l ique etbureaucratie. Limiterla première, en luisubstituant le secteurprivé, aurait pourrésultat d'éradiquer laseconde. Le pro-blème, c'est que cela ne marche pas : qu'ilveuille prendre un avion, prêter sa voiture ouobtenir un crédit, le citoyen du XXIe siècle seretrouve contraint de remplir sans fin desformulaires - numériques, certes, maisaussi absurdes que les paperasses d'antan.Anthropologue, économiste et proche du

mouvement OccupyWall Street, DavidGraeber consacre sonnouveau livre à cette

Bureaucratie « utopie des règles »,David Graeber, son titre original auxéditions Les liens Etats-Unis. Brillantqui libèrent, 298 mais souvent décousupages, 22 euros. (on y croise aussi bien

Batman que MichelFoucault), l'ouvrage affirme sans nuanceque la nouvelle bureaucratie est un mal ducapitalisme : « Nous assistons à la fusion pro-gressive de la puissance publique et privée enune entité unique, saturée de règles et de règle-ments, dont l'objectifultime est d'extraire de larichesse sous forme de profit. »—B. G.

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CHALLENGESDate : 29 OCT/04 NOV 15Pays : France

Périodicité : HebdomadaireOJD : 229211

Page de l'article : p.46Journaliste : B. F.

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Actualité Le livre

Moins égal plusLe capitalisme néolibéral ri 'a pas réduit la bureaucratie, bien au contraire.Telle est la thèse principale développée par un anthropologue et économiste,

ancien leader du mouvement Occupy Wall Street. Extraits (p. 24-26),

Dans le discours politique actuel,—. ^a * déréglementation » - comme

BAt, la « réforme » - est presquesj invanablement présentée sous un^F jour favorable. Avec elle, il y a

moins d'ingérence bureaucratique, moins de règleset règlements qui étouffent l'innovation et lecommerce. Cet usage du terme met la gauche enposition inconfortable : dès l'instant où l'on combatla déréglementation, on a l'air de réclamer davan-tage de règles et de règlements, donc davantaged'hommes en complet gris qui entravent la liberté,freinent l'innovation et, globalement, dictent auxgens re qu'ils doivent faire.Maîs ce débat repose sur de fausses prémisses. [ ]De quoi parle-t-on, au juste, lorsqu'on dit « dérégle-mentation » ? Dans l'usage courant, le mot semblesignifier « changement de la structure réglementairedans un sens qui me plaît ». Concrètement, il peutdésigner à peu près n'importe quoi Dans le cas dutransport aérien ou des télécommunications desannées 1970 et 1980, il voulait dire . passage d'unsystème réglementaire qui renfoice une poignée degrandes compagnies à un autre qui stimule uneconcurrence soigneusement supervisée entre firmesde taille moyenne Dans le cas des banques, engénéral, « déréglementation » a eu le sens diamétra-lement oppose : abandon d'une situation de concur-rence gérée entre des sociétés de taille moyennepour une configuration où une poignée de conglo-mérats financiers peut dominer complètement lemarché C'est ce qui rend le terme si commode Dusimple fait qu'on étiquette une nouvelle réglemen-

«Nous assistonsà la fusionprogressive

dc la puissancepubliqueet privée

en une entitéunique, saturéede regles et de

règlements dontl'objectif ultimeest d'extrairede la richesse

sous formede profits. »David Crafter

nt dix tf infn anthropologie,

économiste ct professeurii lit I milton ! inm s//i.

tation « déréglementation », on peut la faire passer,aux yeux de l'opinion publique, pour un moyen dereduire la bureaucratie et de libérer l'initiative indi-viduelle Même si son résultat réel est de quintuplerle nombre de formulaires à remplir, de rapports àrédiger, de regles et règlements à soumettre à Tinterprétation des avocats, et d'employés de bureaucontrariants qui semblent avoir pour seule missiond'expliquer par des raisonnements alambiques pour-quoi on n'a pas le droit de faire des choses.Bref, nous assistons à la fusion progressive de lapuissance publique ct privée en une entité unique,saturée de règles et de règlements dont l'objectifultime est d'extraire de la richesse sous forme deprofits. Ce processus n'a pas encore de nom. Cettelacune est en soi significative : s'il peut se dérouler,c'est en grande partie parce que nous n'avons pasles moyens d'en parler. Mais nous pouvons consta-ter ses effets partout dans notre vie II remplit nosjournées de paperasse Les dossiers d'inscriptions'étoffent et se compliquent. Des documents banals-factures, tickets, formulaires d'adhésion aux asso-ciations sportives ou culturelles - sont désormaissuivis de plusieurs pages de prose juridique enpetits caractèresA ce processus, je vais donner im nom • l'ère de la« bureaucratisation totale » Elle a fait ses premierspas au moment où le debat public sur la bureau-cratie a périclité, à la fin des an-nées 1970, et elle a sérieusement JMJaccéléré dans les annees 1980 JjBMais elle a pris son envol réel ^Wdans les années 1990. r

BUREAUCRATIE, de DavidGraeber, editions Les liens quilibèrent, 304 pages, 22 euros.

Notre avis. Toujours plusde paperasse, de formulaires,de normes, de règles etd'institutions. Nous vivonsà l'ère de la bureaucratisationgénéralisée. La faute à l'Etat?Non, au capitalisme néolibéral!« Toute initiative pour réduireles pesanteurs administrativeset promouvoir les forcesdu marché aura pour effet

d'accroître le nombre dereglementations et le volume depaperasse > telle est la * loid'airain du liberalisme », selonDavid Graeber. Ex leader dumouvement Occupy Wall Streetet anticapitaliste à tendanceanarchisante, l'anthropologuedonne à lire un essai provocantet passionnant à défaut d'êtreconvaincant. S'y enchevêtrent

ses expériences - ses déboiresavec la machine administrativeà l'occasion de la maladiede sa mere - et des digressionsinattendues, comme cellesur Sherlock Holmes et JamesBond - héros charismatiquesde la bureaucratie ». Brillantmaîs brouillon, Bureaucratiepassionnera les libertaires, degauche comme de droite. B. f.

Page 23: Revue de presse de Bureaucratie de David Graeber, Les Liens qui Libèrent

Date : 23/25 OCT 15

Pays : FrancePériodicité : Quotidien ParisOJD : 38184

Page de l'article : p.1,16Journaliste : Kareen Janselme/ Michel Zlotowski

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ENTRETIEN

David GraeberDans son nouvel essai,Bureaucratie,l'anthropologueet économisteaméricain démontrecommentla paperasseriefabriquenotre quotidien.

Pierre Pyfkowic,

Page 24: Revue de presse de Bureaucratie de David Graeber, Les Liens qui Libèrent

Date : 23/25 OCT 15

Pays : FrancePériodicité : Quotidien ParisOJD : 38184

Page de l'article : p.1,16Journaliste : Kareen Janselme/ Michel Zlotowski

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L'entretien

David Graeber«Notre économie traiteencore des problèmesdu XIXe siècle »

Dans son nouvel essai, Bureaucratie, l'anthropologue et économiste américain David Graeber démontrecomment la paperasserie, formidable outil au service de leconomie de marché, a envahi notre sociétéet fabrique notre quotidien. Exilé en Grande-Bretagne pour cause de militantisme, lancien championdu mouvement Occupy Wall Street enseigne aujourd'hui à la London School of Economies (LSE).

Quand on évoque la bureaucratie,on pense au secteur public. Orvous, vous affirmez qu'aujourd'huiles techniques bureaucratiquessont élaborées dans le cercle dela f inance et des entreprises.Expliquez-nous!

DAVID GRAEBER C'est fascinant a quel point le bonsens a changé II y a cent ans, c'était normal deparler de bureaucratie du secteur public et de bureaucratie du secteur prive Nous avons perdu cettevision même si nous sommes entoui es pai desprocessus bureaucratiques, toutes ces proceduresclassiques qui vous font courir d'un bureau a l'autrequand vous êtes dans une banque ou que vousvoulez faire reparer votre ordinateur Mar» on n'\pense pas comme étant de labureauciatie Pointant,en effectuant des recheiches sm mon livre, ]'aiconsulte le logiciel BooksNgram de Google a partii den importe quel mot, il vousdonne les occuriences apparuesdans des millions de livres J'airegarde le mot bureaucratiela courbe monte jusqu'en 1975,puis elle redescend Alors j'aiessaye d'autres termes comme« paperasse », « documentssupplémentaires i eqms» tousces mots qui font partie de labureaucratie se situent sur unecourbe exponentielle Noussommes de plus en plus entouies par la bureaucratiemars nous n'en parlons plus, car cette bureaucratieest assimilée à dè la gouvernance.

Pourquoi les entreprises élaborent-elles des tech-niques bureaucratiques très sophistiquées?DAVID GRAEBER Ce qu'on appelle la financiaiisationest l'apothéose de l'idée que la valeui est issue dela papeiasse On le constate a chaque niveau denotre societe Si vous êtes pauvre, vous deve7remplir des formulaires pour lechercher du travail,des riches pour ev allier a quel point vous êtes bi indans l'art d'élever vos enfants ll v aune armee defonctionnaires qui tentent de faire se sentir mallespauvres en les obligeant a remplir tous ces formu[aires Pour la classe moyenne, il existe des processusde transparence et d'autoevaluation Soudain, nousavons besoin de posséder un certificat ou un diplome

« Les profits de laplupart des banquesproviennent de ce qu'ilfaut payer pour ouvrir,gérer les comptes,régler des agiossur les découverts. »

qui prouve que nous sommes capables de faire tellechose Tout ce qm était un art, que l'on apprenaitavec l'expenence, doit maintenant etre valide paide la paperasse D'une certaine maniere, la flnanciarisation, c'est l'acmé de toute cette montagnede papeiasses sm laquelle nous avons fonde notreexistence ( 'est l'idée selon laquelle la forme ultimede la valeur, ce sont les foimes les plus compliquéescomme cette histoire de deriv es titrises, qm ne sontque du papier

La dérégulation et la simplification sont pourtant àla mode, autant aux États-Unis qu'en France. Enquoi la dérégulation est-elle en fait une duperie quiprofite à la bureaucratie? En quoi l'économie demarché favorise-t-elle la bureaucratie?DAVID GRAEBER La déréglementation peut vouloirdire tout et n'importe quoi En fait, ça veut sim

pigment dire changer les regles,les structures des regles Maîsca ne les élimine pas Etinvanablement, ca en cree plus« Deregulation » est un tenuetres trompeur AuxFtats Unis,la déréglementation des lignesaériennes a enti ame le passaged'un petit nombie de semimonopoles a plusieurs societesen concurrence Au contrairedans la banque, on est passe debeaucoup de petites banques àquèlques tres grosses banques

Deregulation peut donc vouloir dire n'importequoi Ce qu'un capitalisme intelligent peut faire,c'est introduire une reglementation qui lm bénéficieet ca s'appelle de la déréglementation

L'instauration de règles devrait favoriser l'égalité etla transparence, mais dans la réalité les riches nedépendent pas des mêmes règles. Pourquoi fait-onalors semblant d'y croire?DAVID GRAEBER G est le secret des societes bureaucratiques Dans les bureaucraties, vous n'êtes paspromu en raison de votre mente maîs par votrevolonté de prétendre que votre avancement estbase sur le mente Toute la societe fonctionnecomme cela Tout le monde trouve cela injustemaîs reste complice Car si l'on prétend que c'estjuste, peut etre pourra t on ajjpartemr aux elusDans une bureaucratie, a priori, tout le monde

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Date : 23/25 OCT 15

Pays : FrancePériodicité : Quotidien ParisOJD : 38184

Page de l'article : p.1,16Journaliste : Kareen Janselme/ Michel Zlotowski

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devrait etre traite de la même maniere Maîs labureaucratie est devenue, au conti aire, le mer*, ende l'extraction des pioflts par le I ° o des plus richesLes mécanismes, qui étaient egalitaires dans lepasse, ont ete transformes en mécanismes d'inegalite Quand les bureaucrates découvrent que lesgens iie se comportent pas comme ils l'ont pense,au lieu de changer les regles ils punissent les gensC'est comme ca que le capitalisme fonctionneaujourd rmi Dans le secteur bancaire, par exemple,quand les vraies gens ii arrivent pas a équilibrerlems comptes, les banquiers ne changent pas lesi ègles maîs décident de purin leui s clients Lesprofits de laplupait des banques proviennent dece qu'il faut payer pour ouvrir, gerer les comptesregler des agios sur les decom eris 70 o des piofltsdes grandes banques (comme chez JPMorgan)proviennent des honoraires et des pénalités La« bureaucratie utopique » est devenue le mo\ end'extraire du profit a travers la paperasse

En quoi la bureaucratie est-elle devenue éga-lement le bras armé du capitalisme à l'échelleplanétaire7

DAVID GRAEBER C'est le rôle de la finance Avant lesannees 1970, comme John Kenneth Galbraith l'adit, l'organisation de ces bureaucraties capitalistesétait telle que les bureaucrates d'entreprise s'identiflaient am. emploves Dans une entreprise quiconstruisait des voitures, tous avaient en communle désir de faire de meilleures voitures I es investisseurs étaient consideies comme des gens del'exterieur qui interféraient dans leptocessusMaîs a partir des annees 1970, cette idée a commence a se dissoudre Les blu eauci ales sont devenus allies des financiers Ln iiiême temps lesfinaiicieis se sont bureauciatises Et les cadressupeneui s ont commence a etre pav es en actionsEt il \ a eu une nom elle forme de bureauciatienee de ce mai lage enti e les dirigeants les cadresde I entreprise, et les financiers

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Date : 23/25 OCT 15

Pays : FrancePériodicité : Quotidien ParisOJD : 38184

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UN OUTIL DE CONTRÔLESOUS MENACE DE LA VIOLENCE

Auteur du best seller international Dette5000 ans d'histoire (2013) impressionnantdécryptage au fil des siècles de la dettecomme outil de domination des peuples,David Graeber démontre dans son nouvelopus notre addiction a la paperasserie etsa transformation par le capitalisme en uninstrument de contrôle entretenu par lamenace de la violenceB ireaLcrane dp Da id C raebpr Ed t ensLes I ens qui libèrent 29o pages 22 euros

La bureaucratie a envahi toute la societé A-t-elleaussi envahi le travail 7DAVID GRAEBER L'exemple de la fabrique de théLipton Elephant (ex Fralib, aujourd'hui ScopTIND1 R) pres de Marseille, estparfait pour lepondie a celaDans les annees 1940 50 60s'il y av ait un accroissement dela pioductivite, les salairesétaient augmentes I es travailleurs étaient alors pluspayes Maîs cela a complètement change dans les annees1970 et 1980 Maintenant, quandla productivite s'accroît, lessalaires restent a plat Les ouvi IBIS d'Eléphant ont introduit des innovations dansleur façon de ti availler et ils ont accru la productivitede l'enti éprise Maîs plutôt que de leui verserplusd'argent, d'employer plus de ti a\ ailleurs, l'entreprisea engagé de plus en plus de cadres mo> ens Lesemployes m'ont révèle qu'il n'y avait que deux colsblancs autrefois le patron et le responsable desrelations humaines Soudain, il \ en a eu huit, neufdrx et ils ii'avaient i icn a f aire Donc ils sont allesregarder dei nere le dos des employes, prendre despetites notes, nouvel des manieies de simeillei lestravailleut s, etc Ft finalement, l'entrepi isc a décidede mettre tout le monde a la porte et de déménagerla manufacture en Pologne C'est a ce moment laque les travailleurs se sont révoltes

« Plus la sociétéest inégalitaire,plus elle développedes emploisde gardien du travaildes autres. »

Vous avez justement écrit un article remorque surces « bullshit jobs » (I), qu'on peut traduire commedes « boulots à la eon », qu i fleurissent partoutVous projetez d'ailleurs de développer cette idéedans un livre De quoi s'agit-il7

DAVID GRAEBER J'ai icgaide et étudie des gens quidisent eux mêmes que leur emploi ne contribueen rien a la societe ou a l'entreprise L'agence desondage britannique \ ougov a fait une enquete dece type aupi es des salaries hu Angleterre, 37des trav ailleurs disent que leui emploi ne contribueen rien au monde Quels sont ces emplois? Prin«paiement des boulots d'administration, des « fiavaux de garde », selon le concept d'un économisteradical americain c'est a dire des travaux quiconsistent a \ enfler que les gens sont bien au boulot,qu'ils travaiHeiit correctement Or, plus la societeest rnegalitaire, plus elle développe ce genie d'emploide gardien du travail des autres Et au delà clesboulots a la eon, il existe des industries entières ala eon le lobbymg les relations publiques, lesjuristes d'entiéprise II y a des portic ins entières del'économie qui sont inutiles

Après la crise des subpnmes, puis le mouvementOccupy Wall Street, pourquoi le soufflet est-ilretombe7

DAVID GRAEBER Occupv Wall Street a cree la paniqueau sein de la classe dll igeante Celle ci a alors utilisela force La securite intérieure, le I-BI et les banquesont mis une strategie en place pour suppiimer cemouvement d'Occupy Maîs les gens ne savent pasce qu il s'est passe après notre expulsion de LibertyPtrken2011 Pend mt une annee nous avons essaiede tout fan e pour creei un nouvel espace Maîs ilsont sans cesse change la loi Nous avons trouvedans I Tmon Square un parc ouvert 24 h / 24 îmmeeclatement, us ont changé la loi et la police antimanifestation nous a évinces Puis on a rendu unjugement qui nous permettait de dormir dans lalue tant que nous pieseivions un passage sul letrottoir Nous avons installe un campement a WallStieet Maîs ils ont declaie le bas dè Manhattan« zone d'mgence » pour que le jugement ne s'yappliquepas Nous avons ensuite investi les « bedei al Steps », Fendi oit ou a ete signée la « Bill ofRiglits » (les premiers amendements de la Constitution américaine incluant le premier amendementsur la liberte d'expression et sur le di oit des uto~\ ensa se reunir pacifiquement NDLR)enl789 C'était

a cote de Wall Sti eet et sousjuridiction federale En moinsde trois jours, ils ont trouve unmi >} en legal pour nous expulser Le droit de libre assembleen'existe plus aux Etats UnisMaîs le mouvement OccupyWrall Street est toujours la,même s il est victime du blackout des medias Ses membresont ete harcelés, expulses, ontsubi de nombreuses « verrfi

cations appiofondies » des impots Moi même,l'ai perdu mon logement Et depuis que l'urm ersitede Yale n'a pas renouvelé mon contrat, sans medonner de taisons \ alables je n'ai pas retrouve dejioste aux Etats Unis Maintenant, je vis a pleintemps en Angleterre

Pensez-vous que la nnanciarisation peut arriver àun terme, que le capitalisme peut s'effondrer?DAVID GRAEBER Tout arrive a sa fin La chose la plusfacile a jpredrre c'est la chute d'un emjprre maîs laplus difficile a predire c'est quand ' Même chose ducapitalisme Dans cinquante ans, le systeme danslequel nous vivons arrivera a son terme Le capitalisme est arrive a sa limite sociale, technique eteconomique La technologie est aii]ourd'hui s} mptomatique de ce qui se passe Dans la plus grandepartie de son histoire, le cajjifuisme était une foi cede technologie progressiste Maintenant, elle estleactiomiaire elle retient le developpement Notrescience economique traite encore des problèmesdu XIX siecle comment gerer des allocations defaibles ressources7 Comment maximiser la productivite > Or, ce n'est pas le problème aujourd hut,maîs plutôt comment creer une redistributioni aisomiable des ressom ces a une période de pi odtictivite accrue, de demande i eduite pour I emploi,d une façon qui ne soit pas ecologiquement enrupture L'économie existante n'a pas de réponseJ'ai ci immeiice i parler avec des gens de ce qu'< inpouri ait appeler l'économie du XXIe siecle Lesétudiants ont commence a s'intéresser a l'économiepost crash, une nouvelle forme d'économie Casedéveloppe a tra\ eis le monde entiei Quand onétudie la sociologie ou les sciences politiques, onnous enseigne des modeles différents Maîs pas eneconomie ' Un seul modele est enseigne Or, l'éco-nomie conventionnelle n'est pas pertinente faceauxpioblemesd au]ouid'hui »

ENTRETIEN REALISE PAR KAREEN JANSELME,TRADUCTION DE MICHEL ZLOTOWSKI

(I) hîlp /slrik^mog org bullshiî jobs/

Page 27: Revue de presse de Bureaucratie de David Graeber, Les Liens qui Libèrent

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!Presse internet

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13/10/2015 La chasse aux bureaucrates est ouverte - Le Point

http://www.lepoint.fr/economie/la-chasse-au-bureaucrate-est-ouverte-13-10-2015-1973027_28.php 1/4

La chasse aux bureaucrates est ouverteDans son dernier essai, David Graeber s'en prend à ceux quiparalysent l'économie à force de "paperasse"... Pas forcément ceuxque l'on croit.PAR BAUDOUIN ESCHAPASSE (HTTP://WWW.LEPOINT.FR/JOURNALISTES-DU-POINT/BAUDOUIN-ESCHAPASSE)

Publié le 13/10/2015 à 09:47 - Modifié le 13/10/2015 à 12:10 | Le Point.fr

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Jamais là où on l'attend. L'Américain David Graeber aime brouiller les pistes.

L'universitaire controversé (il a dû quitter Yale pour ses prises de position

anarchistes) s'est fait connaître en 2011 par un livre, traduit en français deux ans

plus tard, Dette : 5 000 ans d'histoire (http://www.lepoint.fr/editos-du-point/pierre-antoine-delhommais/le-petit-livre-rouge-altermondialiste-12-09-2013-1735118_493.php#xtmc=graeber&xtnp=1&xtcr=2). Il y démontrait que les hommes

ont toujours vécu à crédit. Et ce, avant même l'invention de la monnaie. Son

message subliminal ? Il n'y a rien de grave à continuer de contracter des dettes

même si l'on vit au-dessus de ses moyens, le système financier international étant

voué à disparaître tôt ou tard. Autre sous-texte : contrairement à ce qu'avance la

doxa libérale, l'histoire de l'humanité a été rythmée par des annulations régulières

de créances, qui furent la condition de la survie des sociétés. Malgré l'outrance de

son propos, l'ouvrage avait connu un très grand succès outre-Atlantique, David

Graeber étant devenu au même moment une figure « médiatique » en prenant la

tête du mouvement de contestation Occupy Wall Street. Quatre ans (et autant de

livres) plus tard, le revoilà qui débarque en librairie avec une critique féroce de la «

bureaucratie » (1).

Désormais installé au Royaume-Uni (/tags/royaume-uni), où il enseigne

l'anthropologie à la London School of Economics, une prestigieuse école rejointe à

la rentrée par Thomas Piketty (http://www.lepoint.fr/economie/thomas-piketty-va-

collaborer-avec-la-prestigieuse-lse-de-londres-15-05-2015-

1928661_28.php#xtmc=london-school-of-economics&xtnp=2&xtcr=14), le

quinquagénaire au look d'adolescent y taille un costard sur mesure aux « ronds-de-

cuir ». Son propos est sans ambiguïté : les bureaucrates parasitent la création de

richesse et sa libre circulation dans l'économie en inventant des règles souvent

absurdes, toujours néfastes. À l'en croire, nos « hommes en gris » produiraient

aujourd'hui « mille fois plus de paperasse [...] que la monarchie absolue de Louis

XIV (/tags/louis-xiv) ».

Contrairement à ce que l'on pourrait

penser, les États-Unis (/tags/etats-unis)

sont en pointe dans ce domaine. Les

discours des responsables politiques

américains qui annoncent régulièrement

des simplifications administratives

i

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13/10/2015 La chasse aux bureaucrates est ouverte - Le Point

http://www.lepoint.fr/economie/la-chasse-au-bureaucrate-est-ouverte-13-10-2015-1973027_28.php 2/4

des simplifications administratives

s'accompagnent, dans les faits, d'un

accroissement du volume des normes

contraignantes inversement proportionnel

à l'intensité des appels à la

déréglementation. On y parle de « libre-

échange », de « marché libre » mais, en

fait, on met en place délibérément le

premier système administratif

bureaucratique mondial, explique

l'anthropologue.

Pour preuve, David Graeber cite le bilan de l'administration Reagan, où les services

de l'État se sont étendus. Une critique inattendue sous la plume d'un auteur

ouvertement de gauche ? Pas tant que ça, en réalité, si l'on considère que Graeber

fait partie de cette frange libertarienne qui voue les interventions de l'État aux

gémonies.

Public, privé : même combatDavid Graeber ne critique cependant pas seulement les errements de fonctions

publiques tatillonnes. Il vise également le « management » pléthorique de certaines

multinationales qui s'apparente, à ses yeux, à une monstrueuse administration. «

Quelqu'un a réussi à faire croire à tout le monde que la bureaucratie était un fléau

du secteur public, alors que c'est un fléau qui transcende la séparation public-privé

», confiait-il la semaine dernière dans les pages de Télérama.

Parsemé d'anecdotes autobiographiques et humoristiques, son ouvrage souligne à

grands traits comment les entreprises privées sont devenues tout aussi

bureaucratiques, sinon plus, que le service public. Dans sa ligne de mire, figurent

sans surprise les institutions financières. David Graeber nous raconte ainsi avec

force détails les démarches kafkaïennes qu'il dut entamer pour permettre à sa mère,

terrassée par une crise cardiaque, de bénéficier du programme Medicaid. La mise

en place d'une simple procuration y prend ici l'allure d'une épopée tant les services

de sa banque sont complexes.

Une tendance inéluctableMais pour quelle raison une entreprise privée se livrerait-elle à tant de contraintes ?

David Graeber avance trois hypothèses : la première, cynique à souhait, est tout

simplement la quête de revenus. Le moindre manquement à l'une des règles

édictées par nos bureaucrates de tous poils permet de facturer le client sous forme

de contravention. De la même manière que le système bancaire se goinfre des

pénalités et autres agios infligés aux particuliers dont les fins de mois sont difficiles,

les bureaucraties « privées » viseraient ainsi à ponctionner l'économie réelle.

Le deuxième motif, avancé par l'essayiste, réside dans la volonté de nos « ronds-de-

cuir » de justifier leurs existences. La multiplication de normes farfelues serait la

manière dont ces hommes et ces femmes affirmeraient leur utilité, quitte à

phagocyter le travail des autres... David Graeber cite ici, sans en donner le nom, la

mésaventure des ouvriers de Gémenos (ex-Fralib). Lors d'une visite de cette

fabrique de thé, aux abords de Marseille, en 2013, l'auteur découvrit que la centaine

d'ouvriers qui y travaillaient depuis de longues années et qui avaient contribué à

améliorer la productivité de l'entreprise en « bricolant » les machines étaient

menacés de chômage. En cause ? Le « management », devenu pléthorique et

cherchant à réaliser des économies, qui envisageait tout simplement de délocaliser

la production à l'étranger. Le regard que porte Graeber sur « ces costumes-cravates

[qui] avaient tous des titres prestigieux mais pratiquement rien à faire [et] passaient

beaucoup de temps à déambuler dans les allées pour observer les ouvriers » est

particulièrement acerbe.

À l'origine du problème...La raison ultime de ce phénomène, David Graeber l'impute au fait que « l'économie

de marché entraîne une augmentation extrême de relations qui ne sont pas basées

sur la confiance, mais sur la maximisation de l'intérêt individuel. Cela signifie qu'elle

nécessite des moyens beaucoup plus élaborés de mise en œuvre, de surveillance et

de coercition que d'autres formes de relations sociales. » Cela s'était traduit, à la

chute du système soviétique, par une surprenante rigidification de tous les échelons

de la société russe. « En Russie, après la chute du communisme, le nombre total de

fonctionnaires a augmenté de 25 % en 10 ans, sans compter bien sûr les

bureaucrates du secteur privé émergent », écrit ainsi David Graeber.

Une tendance inéluctable, selon lui. L'anthropologue constate ainsi avec désespoir

que « nous assistons à la fusion progressive de la puissance publique et privée en

une entité unique, saturée de règles et de règlements dont l'objectif ultime est

d'extraire de la richesse sous forme de profits ». Une raison de plus, pour lui, d'en

appeler au Grand Soir !

David Graeber. © Anne et Arnaud.

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13/10/2015 La chasse aux bureaucrates est ouverte - Le Point

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12/10/2015 David Graeber : « Tous les recoins de nos vies sont envahis par des formulaires » - Rue89 - L'Obs

http://rue89.nouvelobs.com/2015/10/11/david-graeber-tous-les-recoins-vies-sont-envahis-formulaires-261593 1/5

LE GRAND ENTRETIEN 11/10/2015 à 16h58

1Plus de marché veut dire plus de bureaucratie

« Bureaucratie », de David Graeber (Lesliens qui libèrent)

David Graeber : « Tous les recoins de nos vies sontenvahis par des formulaires »Xavier de La Porte | Rédacteur en chef

Rémi Noyon | Journaliste

L’anthropologue anarchisant David Graeber estime que plus on dérégule l’économie, plus il y a de paperasse etde bureaucrates. Et que le progrès technique stagne depuis un moment. Entretien.

L’Américain David Graeber s’est fait connaître dans le sillage d’Occupy Wall Street. Dans ses travaux, cet anthropologue

anarchisant touche à plusieurs thèmes centraux du mouvement :

la dette (il en a fait une monumentale histoire) ;

les « jobs à la con » (c’est son concept le plus connu) ;

la prise de décisions hors des hiérarchies (ce bouquin, personne ne l’a vraiment lu).

Ecarté de Yale, il enseigne désormais à la London School of Economics (LSE).

Nous l’avons rencontré le 9 octobre, lors d’un passage à Paris. Au moment de notre rencontre, il venait de recevoir un e-mail

de son université lui demandant de valider « je-ne-sais-pas-trop-quoi ». Voilà une parfaite introduction à son nouveau livre,

« Bureaucratie » (Les liens qui libèrent, 2015), qui décrit le déploiement de la paperasse jusque dans les plis les plus

insignifiants de nos vies.

« Brazil » de Terry Gilliam (1985)

Graeber a toutes les caractéristiques du fou génial. Son ouvrage est plus une collection d’intuitions qu’un boulot académique basé sur des observations empiriques.

Il le dit lui-même en filigrane : il s’agit de dire quelque chose de neuf sur le monde, quitte à tomber parfois à côté.

Nous avons listé les propositions déconcertantes que contient son livre et lui avons demandé de développer. C’est rafraîchissant.

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12/10/2015 David Graeber : « Tous les recoins de nos vies sont envahis par des formulaires » - Rue89 - L'Obs

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2La bureaucratie est une machine à extraire du profit

3Le pouvoir, c’est l’aveuglement

4La gauche ne doit pas être « réaliste »

5Le langage de la créativité, c’est du « bullshit »

« Comptez le nombre d’heures que nous passons chaque semaine à remplir de la paperasse, dans nos sociétés capitalistes. Aucune autre société n’a jamais

obligé ses membres à passer tant de temps dans les procédures bureaucratiques. Tous les recoins de nos vies sont désormais envahis par des formulaires. L’un

de mes amis a voulu inscrire sa fille de 12 ans à une école de musique. Il lui a fallu remplir un document de 40 pages !

C’est pour cela que je propose de définir ainsi une “loi d’airain du capitalisme” : à chaque fois qu’il y a “dérégulation”, que l’on libéralise, que l’on s’attaque aux

bureaucrates, on finit avec plus de régulations, plus de paperasse et plus de bureaucrates.

La Russie est un bon exemple. Il y a eu, entre 1994 et 2004, une augmentation de 25% du nombre de fonctionnaires, alors même que l’économie se privatisait ! Il

y a plus de bureaucrates en Russie aujourd’hui que sous le communisme soviétique ! »

« Pourquoi ce développement de la bureaucratie ? Quand le marché s’étend à tous les aspects de la vie, les relations ne sont plus basées sur la confiance, les

gens n’hésitent plus à s’arnaquer les uns les autres. Tout est donc régulé par des mécanismes impersonnels, par la bureaucratie.

D’autre part, la paperasse est vue par les grandes entreprises comme une arme compétitive dirigée vers des concurrents plus “petits”, qui n’ont pas les moyens

de payer des salariés à remplir des formulaires toute la journée.

Au fond, la bureaucratie est un moyen d’extraire du profit. De nos jours, le capitalisme me semble réaliser l’alliance des bureaucrates privés et des bureaucrates

publics. Ensemble, ils façonnent des règles pour, par exemple, imposer de lourdes pénalités aux personnes endettées. Les principales banques américaines

trouvent dans ces frais, ces pénalités, une source majeure de leurs profits. »

« C’est le pouvoir qui crée la stupidité. Une étude récente montre que plus vous êtes pauvre, plus vous avez la capacité d’identifier les émotions d’autres

personnes. Les riches n’ont aucune idée de ce que les autres peuvent ressentir. Alors que si vous êtes pauvre, vous devez savoir ce que votre patron a en tête !

Je travaillais dans un restaurant quand j’étais jeune. Quand quelque chose tournait mal, le boss descendait. Nous avions beau lui expliquer ce qui s’était passé,

lui ne voulait rien savoir : “Toi, le nouveau, tu as dû merder.” Et ça devenait la ligne officielle.

Le pouvoir rend aveugle. Cela se voit aussi dans les relations de genres. Dans les comédies des années 50, il y avait souvent des blagues sur le fait que les

hommes ne comprenaient pas les femmes. Mais on ne s’est jamais demandé si les femmes avaient des difficultés à comprendre les hommes ! Elles n’avaient pas

le choix : dans une structure patriarcale, les femmes doivent consacrer du temps à comprendre ce qui se passe dans la tête du “chef” de famille.

Le problème n’est pas tant que les procédures bureaucratiques sont intrinsèquement stupides, c’est plutôt qu’elles sont des moyens de gérer des situations qui

sont déjà stupides car fondées sur des inégalités sociales qui s’appuient en dernière analyse sur la menace de l’agression physique, sur la violence structurelle. »

« La gauche est aujourd’hui incapable de formuler une critique de la bureaucratie. Dans les années 60, elle prônait la liberté individuelle en opposition aux outils

de contrôle social qu’elle associait à l’Etat providence. Ce discours semble aujourd’hui bien désuet. Cette rhétorique de l’individualisme anti-bureaucratique a été

récupérée par la droite. Aux Etats-Unis, quand les républicains s’opposent à l’“Obamacare”, ils disent : “C’est du fascisme, du communisme” ! [...]

La gauche se sent obligée de défendre la bureaucratie. Ce qui est génial pour la droite : d’un côté, elle blâme la gauche “bureaucratique”, mais de l’autre, elle

alourdit encore cette bureaucratie (selon la loi d’airain du capitalisme). Et tout le monde finit donc par blâmer la gauche !

Pensons au slogan de Mai 68 : “L’imagination au pouvoir !”... La bureaucratie anesthésie l’imagination. Là où elle s’étend – et je parle aussi du management dans

le secteur privé –, elle oblige au conformisme. Je pense que c’est l’une des raisons à la stagnation du développement technique. [...]

Le mouvement altermondialiste était un parfait exemple de mouvement anti-bureaucratique. Nous ne faisions que dévoiler l’existence d’une bureaucratie

mondiale qui était invisible pour bien des gens. Lorsque les militants parlaient de “marché global”, ils parlaient en réalité du FMI, de la Banque mondiale, etc. Et

l’une de nos préoccupations était de prendre des décisions collectives sans passer par des experts ou par une hiérarchie. »

« Dans les années 50, la bureaucratie acceptait encore l’apport de personnes pour le moins excentriques. Je pense à Jack Parsons, le fondateur du Jet

Propulsion Laboratory de la Nasa. Il organisait des cérémonies orgiaques chez lui et pensait que la science des fusées n’était que l’une des manifestations de

principes plus profonds, magiques.

Page 33: Revue de presse de Bureaucratie de David Graeber, Les Liens qui Libèrent

12/10/2015 David Graeber : « Tous les recoins de nos vies sont envahis par des formulaires » - Rue89 - L'Obs

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6Le progrès technique stagne depuis longtemps

7La fin du travail n’a pas eu lieu

8Internet peut nous aider à sortir de la mouise

9La technique est une question de choix politiques

10Nous aimons (au fond) la bureaucratie

Aujourd’hui, ce genre d’individu n’a aucune chance d’exister dans une structure bureaucratique. L’esprit bureaucratique avance enveloppé dans un langage de

créativité, d’initiative et d’esprit d’entreprise. Lorsque vous voyez ce langage dans un document, vous savez que c’est précisément un document qui a pour

fonction de bloquer la créativité ! Il faudrait étudier l’effet de cette philosophie du “développement personnel”, un peu New Age, qui est devenue populaire dans le

“managérialisme” : l’idée que vous êtes responsable de tout ce qui vous arrive, que nous créons le monde qui nous entoure par la simple force de la volonté.

Si vous voulez vraiment encourager la créativité, vous prenez des gens intelligents, vous leur donnez ce qu’ils veulent et vous les laisser tranquilles. Mais si vous

voulez les assécher, vous leur dites : “Personne ici n’obtiendra de crédits sans m’avoir prouvé qu’il sait déjà ce qu’il va finir par trouver.” Or, c’est ce qui se passe.

Le marketing et les relations publiques finissent par engloutir la vie universitaire. »

« Regardez les générations précédentes. Régulièrement, il y avait une importante avancée technique ou scientifique qui transformait notre conception du monde :

l’ADN, etc. Cela n’arrive plus.

J’irai même plus loin : si vous regardez ce que les gens, autrefois, s’attendaient à voir dans le futur, leurs prédictions se vérifiaient au moins à moitié. Certes, nous

n’avons pas eu la machine à voyager dans le temps, mais nous avons eu le sous-marin. Or, si vous prenez ce que nous avions listé dans les années 50, 60, 70,

80, la voiture volante, la téléportation, etc., eh bien rien de tout cela ne s’est réalisé. OK, nous avons des ordinateurs. Mais à l’époque, nous nous attendions à

des ordinateurs qui pourraient vraiment penser !

Je pense même que l’on peut voir le postmodernisme comme une méditation prolongée sur les changements techniques qui n’ont jamais eu lieu.

Cela m’a frappé alors que je regardais un des récents “Star Wars”. Je me suis dit : “Wow ! Les effets spéciaux sont géniaux. Si les premiers fans de ‘Star Wars’

voyaient cela, ils seraient soufflés !” Et puis soudain, il m’est apparu que non : pour eux, ce que je voyais à l’écran devait finir par vraiment exister. Ils auraient été

déçus de savoir que nous ne savions que mieux le simuler ! Nous attendions ces changements techniques. Ils ne sont pas advenus, nous nous sentons déçus,

mais si vous formulez ce malaise, on vous répond : “Tu ne croyais quand même pas que tout cela allait se réaliser ?” »

« Dans les années 60 et 70, les élites ont commencé à s’inquiéter. Et si les turbulences politiques étaient liées aux effets perturbateurs du progrès technique ? La

recherche s’est donc réorientée vers les technologies de surveillance et de contrôle, les technologies militaires, informationnelles et médicales.

Les élites s’inquiétaient surtout de la question du travail, des retombées économiques de la mécanisation. Qu’allait-il se passer quand le prolétariat serait

remplacé par des robots ? »

« Je ne pense pas qu’Internet soit, par essence, vicié. C’est un terrain de luttes. Je suis fasciné par l’analogie avec le service postal, en Allemagne, à la fin du

XIX siècle. Berlin était connecté avec un système de tubes pneumatiques. C’était l’Internet de l’époque. On entendait des discours semblables à ceux tenus

aujourd’hui : “On a cette nouvelle forme de société, née à l’intérieur du capitalisme, mais qui n’est pas basée sur les principes du capitalisme, qui nous montre le

chemin.” Lénine était très impressionné. Kropotkine voyait dans l’Union postale universelle un modèle de l’anarchisme. Mais le service postale est aussi devenu

un moyen de surveillance.

Il y a une différence entre le service postal et Internet. Internet émerge de la recherche militaire, mais son organisation est plus “communiste” que ne l’était La

Poste. Internet offre des possibilités de collaboration et de dissémination qui pourraient nous aider à trouver la brèche. L’imprimante 3D est un bon exemple. On

en revient au stade atteint à la fin des années 60, quand la fin du travail semblait une hypothèse plausible. En Angleterre, certains parlent de communisme de

luxe, entièrement automatique. Il y a de nouveau une bataille politique qui s’engage. La dernière fois, nous avons perdu. Mais cela ne veut pas dire que ce sera le

cas ce coup-ci. »

« En 2000, aux Etats-Unis, nous avons eu un débat sur les machines à voter. On a découvert à cette occasion que ces machines avaient un pourcentage d’erreur

de 1,5% à 2,8%. Un pourcentage décrit comme incompressible.

Mais quelqu’un a dit : “Attendez. Comment pouvons-nous accepter cela, dans un pays qui se dit la plus grande démocratie du monde, alors que chaque jour, des

dizaines de millions de personnes utilisent des distributeurs de billets sans que l’on entende jamais parler d’erreurs ?”

Cette infaillibilité est une façon de rendre “réelles” des abstractions financières. Vous sortez de chez vous, passez devant des escalators ou des ascenseurs en

panne, mais le distributeur vous donne le bon montant. Tout se casse la figure, sauf la monnaie qui, elle, “fonctionne”. Rien de tout cela n’est simplement “arrivé”.

C’est le résultat de décisions politiques. »

e

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12/10/2015 David Graeber : « Tous les recoins de nos vies sont envahis par des formulaires » - Rue89 - L'Obs

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10Nous aimons (au fond) la bureaucratie

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« La bureaucratie doit bien avoir des attraits, sinon, comment expliquer qu’elle s’alourdisse alors que tout le monde dit la détester ? Quel est son secret ? Jepropose une théorie de la peur du jeu (“play”) et du plaisir des jeux (“games”).

La liberté exercée pour elle-même est le le jeu. C’est dans la nature de l’homme, dans la nature de l’univers, comme semble le suggérer la théorie quantique.Même les fourmis jouent : elles simulent des batailles entre colonies !

Mais d’un autre côté, il y a quelque chose d’effrayant dans le jeu. Les gens aiment avoir un certain de degré de prévisibilité. C’est pour cela qu’on crée des jeux,avec des règles. C’est la clarté que procurent ces règles qui vous donne du plaisir. La bureaucratie transpose ce plaisir dans la société.

La fantasy et les jeux vidéo sont aussi une illustration de cela. La fantasy imagine ce que serait une société anti-bureaucratique. Il est agréable de lire “LeSeigneur des anneaux”, mais, à la fin des fins, le lecteur n’a pas vraiment envie de vivre en Terre du Milieu. C’est un moyen subtil d’indiquer que la sociétébureaucratique n’est pas si mauvaise. »

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12/10/2015 David Graeber, l'indigné qui s'attaque à la bureaucratie libérale - Politis

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Tweeter 83 17ParSashaMitchell-Suivresurtwitter-8octobre2015IDÉES

David Graeber, l’indignéqui s’attaque à labureaucratie libérale

À la veille de son arrivée en France pour promouvoir

son dernier livre Bureaucratie, l’utopie des règles,

l’ancien leader du mouvement Occupy Wall Street,

aujourd’hui professeur à la London School of

Economics, a accordé un entretien à Politis.

Quatreansaprèslapublicationdubest-sellerDette :5000ansd’histoire,l’ancien leader du mouvement Occupy Wall Street et anthropologue américain David

Graeber s’attaque à la question de la bureaucratie. Il démontre, dans un livre

parsemé d’anecdotes aussi divertissantes que révélatrices, pourquoi les entreprises

privées sont toutes aussi, voire davantage, bureaucratiques que le service public.

Les simplifications administratives annoncées régulièrement par les responsables

politiques s’accompagnent de déréglementations ou de réformes libérales : « Nous

assistons à la fusion progressive de la puissance publique et privée en une entité

unique, saturée de règles et de règlements dont l’objectif ultime est d’extraire de la

richesse sous forme de profits », écrit-il.

Pourquoiassocie-t-ontoujourslabureaucratieaveclesecteurpublic ?

Parce que c’est ce que l’on nous a appris. Dans les années 1960, les révolutionnaires

ont commencé à expliquer que les bureaucrates et les capitalistes, c’était peu ou

prou la même chose : des hommes enveloppés, en costume trois pièces qui

contrôlaient tous les aspects de notre vie. Des ennemis de la liberté, en somme. Puis

la droite s’est appropriée l’argumentaire, en omettant la partie sur le capitalisme.

Résultat, l’état omniprésent dont les révolutionnaires des années 1960 se plaignaient

a en grande partie disparu. Pourtant tout le monde emploie encore la rhétorique des

années 1960 alors qu’elle n’a plus grand chose à voir avec le fonctionnement actuel

de la société.

Vousditesdoncquelabureaucratiepeutaussiêtrel’apanagedusecteurprivé.Cetteaffirmationn’est-ellepasparadoxale,surtoutdansunpayscommelaFranceoùlabureaucratieduservicepublicfaitpartieduquotidien ?

L’autre jour, je me suis rendu dans un Apple Store pour faire réparer l’écran de mon

ordinateur. J’ai dû faire la queue pour que quelqu’un examine mon ordinateur et me

dise « Oui, votre ordinateur est cassé ». J’ai demandé si je pouvais le déposer afin

qu’il soit réparé par le service après-vente. Là, la personne m’a répondu que non,

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bien sûr que non, et qu’il fallait d’abord faire remplir par un autre service un

formulaire attestant que l’écran était bel et bien cassé avant que l’ordinateur ne

puisse être envoyé à l’atelier. J’ai demandé si je pouvais me rendre dans ce service

sans plus attendre. On m’a rétorqué que non, qu’aucun rendez-vous ne pouvait être

pris avant la semaine suivante, à moins que je ne me lève à 8 heures chaque jour au

cas où des personnes se désisteraient. C’est une situation typique que seule la

bureaucratie peut nous réserver, et pourtant j’avais affaire à une entreprise privée.

DavidGraeberFlickr/GuidoVanNispen

Ou bien essayez d’ouvrir un compte en banque ici en Angleterre. La procédure est

tellement compliquée, les formulaires tellement nombreux que j’ai dû être payé en

liquide pour mes deux premiers mois de cours. Il fallait des factures avec l’adresse

de mon domicile, sauf que pour avoir accès au service dont j’avais besoin il fallait

verser un dépôt et donc avoir un compte en banque. Je pourrais multiplier les

exemples.

Ce que j’ai voulu montrer dans ce livre, c’est que la moitié du temps il est impossible

de distinguer le public du privé. Les deux formes de bureaucratie s’entremêlent.

Pourquoi est-ce que c’est si dur d’ouvrir un compte en banque ? Les employés vont

vous dire que c’est à cause des réglementations imposées par l’Etat. Mais qui est à

l’origine de ses réglementations ? Très souvent les avocats de ces banques, qui font

pression sur (c’est à dire corrompent) les politiques pour que leurs réglementations

soient transformées en texte de loi.

Commentexpliquerquelabureaucratiecroîtàmesurequelelibremarchés’étend ?

C’est le cas depuis un long moment. En Angleterre, par exemple, une grande partie

de l’appareil bureaucratique d’Etat, de la police au simple fonctionnaire, a été mise

en place après l’abolition des Corn Laws (série de textes encadrant le commerce de

céréales avec l’étranger et qui avait pour but de protéger les paysans anglais, NDLR)

et l’avènement du libre marché.

De l’autre côté de l’Atlantique, lorsque les Etats-Unis menaient des politiques

protectionnistes au XIXe siècle, la bureaucratie était réduite : le gouvernement fédéral

était composé presque uniquement de l’armée, qui était très petite, et de la poste.

Le secteur privé, quant à lui, était composé de petites entreprises et de coopératives.

La période de libre marché dite des barons voleurs a coïncidé avec l’émergence de

grandes firmes dotées d’une bureaucratie interne élaborée et d’un appareil d’Etat

toujours plus important. Et la tendance se poursuit. Même Thatcher, qui a fait de la

réduction du nombre de fonctionnaires un de ses chevaux de bataille, n’y est pas

parvenu.

Sous Reagan, la bureaucratie d’Etat s’est même étendue. En Russie, après la chute

du communisme, le nombre total de fonctionnaires a augmenté de 25% en 10 ans,

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NotaBene :

{Bureaucratie,l’utopiedesrègles},parDavidGraeber(Ed.LesLiens

quiLibèrent)

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s’attaque à la bureaucratie libérale

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sans compter bien sûr les bureaucrates du secteur privéémergent.

Si je devais m’avancer, je dirais que ce phénomène estdû au fait que l’économie de marché entraîne uneaugmentation extrême de relations qui ne sont pasbasées sur la confiance, mais sur la maximisation del’intérêt individuel. Cela signifie qu’elle nécessite desmoyens beaucoup plus élaborés de mise en œuvre, desurveillance et de coercition que d’autres formes derelations sociales.

Photo :SHANNONFAGAN/IMAGESOURCE

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30/10/2015 10:05Les Inrocks - David Graeber : "Nous sommes dans l’ère de la bureaucratisation totale"

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12/10/2015 | 15h17 TweeterTweeter 121 abonnez-vous à partir de 1€

Reuters - Chinese network

Économiste, anthropologue et militant altermondialiste très en vue dans l’espace

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David Graeber : “Nous sommes dansl’ère de la bureaucratisation totale”

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30/10/2015 10:05Les Inrocks - David Graeber : "Nous sommes dans l’ère de la bureaucratisation totale"

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Remplir sans cesse des papiers, des formulaires absurdes, des dossiers d’inscription de cinquante pages,attendre des heures pour obtenir une information, se perdre dans les circuits kafkaïens de l’administration…Nous étouffons sous le poids des paperasses. La littérature a fait de ces cauchemars le cadre de célèbrestextes : “Le Procès” et “Le Château” de Franz Kafka, tous les livres de Borges et d’Italo Calvino, les Mémoirestrouvés dans une baignoire de Stanislas Lem, Palais des rêves d’Ismaïl Kadaré, ou encore le livre inachevé deDavid Foster Wallace, “Le roi pâle”…

Si les ressources de la littérature peuvent aider à sonder les abîmes de la bureaucratie, les sciences socialeséchouent, elles, à en éclairer le sens et les procédures. Comme si elles ne pouvaient que s’intéresser aux zonesde densité de la vie sociale. De fait, qu’est-ce qu’il y aurait à dire de passionnant de l’analyse d’un formulaire dedemande de prêt hypothécaire ?

Un nouveau discours critique sur l’administration

Le nouvel essai cinglant de David Graeber, “Bureaucratie,” contredit avec brio cette idée reçue : l’anthropologie,la discipline de l’auteur, qui est aussi économiste, militant politique proche des mouvements libertairesaméricains (il fut l’un des leaders en vue du mouvement OccupyWallStreet), a selon lui un discours critique àporter sur le phénomène. Graeber tente de surmonter ce paradoxe selon lequel nous nageons tous dans labureaucratie sans chercher à réfléchir à ses nouveaux effets (les réglementations qui étouffent la vie, la scienceet la créativité étranglées…)

Mais, là où le livre est le plus stimulant, c’est qu’il ne se contente pas de revendiquer un regard propre auxsciences sociales : il orchestre littéralement un déplacement dans la lecture politique traditionnellement faite dela bureaucratie. “Pour le populisme contemporain, il ne peut y avoir qu’un seul antidote à la bureaucratie : lemarché, permettre aux gens de conduire leur vie, cesser de les entraver par une infinité de règles, laisser lamagie du marché apporter ses solutions”.

Une critique absente du logiciel idéologique de la gauche

politique de la gauche libertaire américaine, David Graeber renverse une idée reçuedans son dernier livre : la bureaucratie, historiquement critiquée par la droite, n’a jamaisété aussi imposante qu’à l’heure du capitalisme libéral. Plutôt que de nous en sortir, lenéolibéralisme est un accélérateur morbide de la bureaucratie.

L’expérience PERSPECTIVE PLAYGROUND

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30/10/2015 10:05Les Inrocks - David Graeber : "Nous sommes dans l’ère de la bureaucratisation totale"

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Souvent attribuée à la droite, historiquement fixée sur le rejet d’un étatisme excessif, la critique de labureaucratie serait absente du logiciel idéologique de la gauche. Pire, la gauche a cautionné ces dernièresdécennies les politiques libérales souvent conduites au nom d’un rejet de la bureaucratie. “Sous prétexte derendre l’action de l’Etat plus efficace, la gauche a approuvé et souvent impulsé la privatisation partielle desservices publics et l’intégration croissante, dans la structure de l’administration bureaucratique elle-même, desprincipes de marché, incitations de marché, et autres procédures de responsabilisation fondées sur le marché”,écrit Graeber. Et d’insister : “le résultat est une catastrophe politique”.

Car David Graeber rappelle que la haine de la bureaucratie appartient dans l’histoire des idées politiques à lalongue tradition de la droite antiétatique. La critique de la bureaucratie est issue principalement du libéralisme du19ème siècle. “Le langage de l’individualisme antibureaucratique a été repris avec une férocité croissante par ladroite qui réclame des solutions de marché à tout problème social”, souligne-t-il. La formulation populaire la plusefficace reste probablement la phrase de Reagan : “les neufs mots les plus terrifiants de la langue anglaise sont: je suis un agent de l’Etat et je suis là pour vous aider”.

Le néolibéralisme nous fait plonger dans la bureaucratie

Le cœur de la brillante démonstration de David Graeber tient au démontage de cette critique de droite, qui n’estqu’une fiction mensongère, une ruse de la raison libérale. Comme il le souligne, “le problème de toute cetteconstruction, c’est qu’elle a très peu de rapport avec ce qui s’est réellement passé”. Tout d’abord, les marchésne sont pas nés indépendamment de l’Etat et contre lui, en tant qu’espaces de liberté autonomes. Bien aucontraire. “En règle générale, ils ont été, soit suscités indirectement par certaines activités de l’Etat, notammentdes opérations militaires, soit créé directement par des politiques de l’Etat”. Mais surtout, démontre Graeber, “lespolitiques conçues pour réduire l’ingérence de l’Etat dans l’économie finissent en réalité par produire plus deréglementations, plus de bureaucrates, plus d’interventions policières”. La ruse se loge ici : plutôt que de sortirde la bureaucratie, le néolibéralisme nous y fait plonger, tête basse. Au lieu d’un garde-fou de la bureaucratie, lenéolibéralisme en est un accélérateur !

Ce constat, en forme de renversement d’une opinion commune, conduit l’auteur à livrer sa définition de la loid’airain du libéralisme : “toute réforme de marché, toute initiative gouvernementale conçue pour réduire lespesanteurs administratives et promouvoir les forces du marché, aura pour effet ultime d’accroitre le nombre totalde réglementations, le volume total de paperasse er l’effectif total des agents de l’Etat”.

Les Etats-Unis, une société profondément bureaucratique

Pour étayer sa thèse, Graeber rappelle que les Etats-Unis sont une société profondément bureaucratiquedepuis un siècle. Pire : depuis les années 90, et le début de la financiarisation de l’économie, “nous sommesdans l’ère de la bureaucratisation totale”. “Nous assistons à la fusion progressive de la puissance publique etprivée en une unité unique, saturée de règles et de règlements dont l’objectif ultime est d’extraire de la richessesous forme de profits”, écrit l’anthropologue. Les hauts dirigeants des grandes entreprises ont changé d’alliancede classe, selon lui : ils ont ainsi “rompu leur difficile coalition de fait avec leurs salariés pour faire causecommune avec les investisseurs”. La bureaucratie est ainsi “le moyen principal qu’utilise une infirme partie de lapopulation pour extraire la richesse de nous tous”. “Libre échange et marché libre signifient en réalité créationde structures administratives mondiales essentiellement destinées à garantir l’extraction de profits pour les

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par Jean-Marie Durandle 12 octobre 2015 à 15h17

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investisseurs”, insiste-t-il. Une critique appropriée de la bureaucratie, aujourd’hui, s’indexe ainsi à une critique del’économie financiarisée.

Bureaucratiser la vie quotidienne

Bureaucratiser la vie quotidienne, c’est aussi imposer des règles impersonnelles ; or, “celles-ci ne peuventfonctionner que si elles sont soutenues par la menace de la force”, suggère Graeber. Caméras de surveillance,policiers, agents formés dans les tactiques de la menace, de l’intimidation, sont partout, sur des lieux comme lesterrains de jeu, les écoles primaires, les campus, les hôpitaux, les parcs, les plages…, observe-t-il. Lafinanciarisation, la violence policière, la technologie, la fusion du public et du privé “convergent pour former unréseau unique qui s’auto-alimente”. C’est ainsi que se déploie, contre l’horreur bureaucratique, une vraie critiquede gauche, portée par l’ethos libertaire de l’auteur.

D’une plume alerte, à la mesure d’un esprit aventureux et rétif à tout principe arbitraire, David Graeber démontede manière singulière l’un des plus grands enfumages de notre présent politique : au lieu de libérer les énergieset les esprits créatifs, le néolibéralisme dominant n’est que le triomphe macabre d’une technologiebureaucratique, c’est à dire d’une scène politique et sociale définie par le contrôle, la surveillance et la menace.

Jean-Marie Durand

David Graeber, Bureaucratie (LLL, les Liens qui Libèrent, 296 p, 22 euros)

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LA POLÉMIQUE ONFRAYTOUS LES ARTICLES(/debat-onfray,100552)

LIBÉ DES GÉOGRAPHESTOUS LES ARTICLES(/Libedesgeographes2015,100559)

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I N T E R V I E W

David Graeber:«La bureaucratie permetau capitalisme des’enrichir sans fin»Par Christophe Alix(http://www.liberation.fr/auteur/1906-christophe-alix) et Anastasia

Vécrin(http://www.liberation.fr/auteur/11435-anastasia-vecrin) — 16 octobre 2015 à 17:26

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Pilier du mouvement Occupy Wall Street,l’anthropologue et économiste américainaccuse le capitalisme de faire pire que lesocialisme en matière de réglementationset de paperasse. Une «bureaucratisationdu monde» au profit des plus puissants,qui a des répercussions jusque sur lesplans technologique et climatique.

! David Graeber: «La bureaucratie permet au capitalisme de

David Graeber: «La bureaucratie permet au capitalisme des’enrichir sans fin» Dessin Sylvie Serprix

(https://www.facebook.com/sharer/sharer.php?u=http%3A%2F%2Fwww.liberation.fr%2Fdebats%2F2015%2F10%2F16%2Fdavid-graeber-la-bureaucratie-permet-au-capitalisme-de-s-enrichir-sans-fin_1405575&t=David+Graeber%3A+%C2%ABLa%C2%A0bureaucratie+permet++au+capitalisme++de+s%E2%80%99enrichir+sans+fin%C2%BB) (https://twitter.com/intent/tweet?url=http%3A%2F%2Fwww.liberation.fr%2Fdebats%2F2015%2F10%2F16%2Fdavid-graeber-la-bureaucratie-permet-au-capitalisme-de-s-enrichir-sans-fin_1405575&text=David+Graeber%3A+%C2%ABLa%C2%A0bureaucratie+permet++au+capitalisme++de+s%E2%80%99enrichir+sans+fin%C2%BB&via=libe&related=libe)

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s’enrichir sans fin»

Pantalon de flanelle à carreaux, chemise rayée : un lookanarchique parfois à l’image de sa réflexion. David Graeberaime à dynamiter la pensée unique et conformiste.Anthropologue et économiste, figure du mouvementOccupy Wall Street, il enseigne désormais à la LondonSchool of Economics. Dans son dernier essai, Bureaucratie(les Liens qui libèrent), il analyse comment la sociétélibérale, plus que les sociétés socialistes, produitprocédures, formulaires et règlements. Une «utopiebureaucratique» mise en place par les puissants pour leursseuls profits, et mettant fin au développementtechnologique.

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David Graeber (photo Agence Anne & Annaud)

Comment expliquez-vous que l’économienéolibérale, avec son discours «moins d’Etat, derégulations et de contraintes», produise toujoursplus de bureaucratie ?

Il est évident que nous passons notre temps à remplir desformulaires. Si on calculait le nombre d’heures que l’on yconsacre par jour, on serait effrayés. Il n’y a jamais rien eude tel dans l’histoire, et certainement pas en Unionsoviétique ni dans les anciens Etats socialistes. Cela vientdu fait que nous ne comprenons pas ce qu’est vraiment lecapitalisme néolibéral. En fait, la caractéristique principale

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de ce système réside dans le fonctionnementbureaucratique ! La bureaucratie d’Etat et celle desentreprises fonctionnent d’ailleurs en parfaitecollaboration, et pour cause : elles ont de plus en plustendance à fusionner, au point que c’est un modèle quitranscende désormais la séparation entre le secteur publicet le privé.

Le système bancaire capte, selon vous, dessommes colossales simplement en imposant sabureaucratie à ses clients…

La vision que l’on a de ce secteur correspond à celle d’uncasino géant, et dans un sens, c’est vrai, sauf que les jetons,ce sont vos dettes ! Tout cela est rendu possible par unegigantesque ingénierie réglementaire mise conjointementen place par les gouvernements et les banques. Quand onregarde comment ces réglementations sont créées, laplupart du temps elles sont écrites par les banques elles-mêmes. Elles ont des lobbyistes qui financent lespolitiques, des juristes qui écrivent et formalisent cesrègles, tout cela est coproduit par une seule et mêmebureaucratie combinant les intérêts publics et privés. Avecpour seul but de garantir un niveau de profits le plus élevépossible.

Que les banques gagnent de l’argent sur notre dos,est-ce si nouveau ?

Je me suis penché sur le cas de JPMorgan, la plus grossebanque américaine et la sixième plus grosse entreprise aumonde, selon Forbes. J’ai été sidéré d’apprendre que 70% de leurs revenus viennent de frais et de pénalitésappliquées aux clients. On a toujours dit que les sociétés

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socialistes étaient des utopies dont l’idéal s’est avéréinvivable. Elles ont créé des règles sans se préoccuper desavoir si elles étaient justes et vous envoyaient au goulaglorsque vous ne les respectiez pas. Si on y réfléchit bien, lesbénéfices des plus grandes entreprises capitalistes sontrendus possibles par l’édiction de règles utopistesimpossibles à respecter. Tout le monde doit être capabled’équilibrer ses comptes et de se conformer aux règles desbanques, mais elles savent très bien que la plupart desclients en sont incapables. Voilà comment leur «utopie»bureaucratique leur permet de s’enrichir sans fin.

Le numérique n’est-il pas un antidote à labureaucratie et le vecteur d’une plus grandetransparence ?

Au XIX siècle, quantité de procédés ont été inventés pouréconomiser la force de travail et, bizarrement, les gens ontpassé de plus en plus de temps à travailler dans cesentreprises, qui s’étaient pourtant industrialisées etmécanisées. Il se produit la même chose pour les colsblancs avec le règne de l’informatique. Tout le monde doitêtre agent d’assurance, comptable et réaliser de plus enplus de tâches qui autrefois étaient confiées à d’autres.Dans les universités par exemple, le temps dévolu auxprocédures et à la paperasse ne cesse d’augmenter malgréle numérique, et cela au détriment de l’enseignement. Audépart, la messagerie électronique servait à dialoguer et àéchanger des idées, aujourd’hui 95% de son usagecorrespond à des procédures qui mettent au passagequantité de personnes dans la boucle.

Comment réduire cette inflation bureaucratique ?

e

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Le piège, c’est que toute tentative de la réduire crée encoreplus de paperasse, on convoque une commission pourrésoudre le problème des commissions ! Une énormepropension de la bureaucratie consiste par ailleurs à faireque les pauvres se sentent mal du fait de leur pauvreté. Ilssont suivis à la trace : on regarde s’ils sont vraimentmariés, s’ils cherchent un travail de façon active… Onpourrait commencer par en finir avec ça.

Nous vivons dans un modèle économique erroné où lesemplois mettent en avant la fonction sans se préoccuper dece qu’ils produisent et, souvent, ce n’est rien du tout.J’avais écrit un article sur le phénomène des «boulots demerde», ces emplois qui ne produisent rien. Le sujet estévidemment tabou. Un institut de sondage en ligne avaitfait une enquête retentissante à ce sujet dans laquelle lesgens admettaient la vacuité de leur emploi. En général,plus votre travail est utile, moins vous êtes payé. Lesystème marche sur la tête alors même que le capitalismese présente comme rationnel. Et cela résulte de la façondont la rente est redistribuée et de cette bureaucratisationdu monde au profit des plus puissants, qui en maîtrisentles codes et l’orientent à leur guise.

Vous semblez très déçu du progrès technique. Onn’a certes pas encore de voitures volantes, maisInternet a bouleversé notre quotidien…

J’avais 7 ans quand le premier homme a marché sur laLune. Au regard du passé, l’attente de ma génération parrapport à l’an 2000 était très forte. La période allantde 1750 à 1950 avait donné lieu à des découvertesincroyables : l’ADN, la relativité, la vapeur, le pétrole, le

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nucléaire… Des innovations fondamentales. Lesprédictions des livres de science-fiction tels que le Choc dufutur d’Alvin Toffler ne se sont pas toutes réalisées. Parrapport à la machine à voyager dans le temps, lesmartphone est quand même très décevant.

C’est encore la faute au capitalisme néolibéral ?

Le capitalisme a été pendant très longtemps une forceprogressiste sur le plan technologique, c’est désormais lecontraire. Les «technologies poétiques», sources decréativité, ont été abandonnées au profit des «technologiesbureaucratiques». La poussée technologique exponentiellequi était attendue n’a pas eu lieu. Par exemple, c’estincroyable que la vitesse maximale à laquelle voyager aitété atteinte en 1971. Lorsque l’URSS a cessé d’être unemenace, les Etats-Unis ont réorienté leurs investissementsvers les technologies de l’information, médicales etmilitaires. Ce qui explique pourquoi nous avons desdrones, et non des robots pour promener le chien ou laverle linge.

Quelle est alors l’alternative ?

Arrêtons avec l’idée qu’il n’y a qu’une seule façon de dirigerune société sur le plan technique. En tantqu’anthropologue, j’ai pu observer qu’il y avait descentaines d’autres modèles économiques. Les gensrépondent «c’était avant». Mais pourquoi y avait-il descentaines façons d’organiser l’économie jadis et une seuleaujourd’hui avec l’informatique ? La technologie n’était-elle pas censée nous donner plus d’options ? Il y a des tasde choses à inventer pour installer une économie qui

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maximiserait la liberté individuelle. On ne sait pas encorequel modèle émergera. L’histoire ne se produit pas avecquelqu’un qui arrive avec un plan prêt à l’emploi.

Le changement climatique ne va-t-il pas nousforcer à changer de modèle ?

Je suis très inquiet à ce sujet parce que les institutionspolitiques ne sont plus capables de générer des politiques.Le chercheur Bruno Latour me disait l’autre jour que seulsles militaires américains et chinois avaient la capacitéd’intervenir contre le réchauffement climatique à un niveauglobal. Des idées circulent dans les laboratoires derecherche. Ironiquement, la façon la plus efficaced’intervenir contre le changement climatique à une échellemassive, ça serait de planter des arbres, ça serait facile àfaire et sans bureaucratie !

Etre anarchiste aujourd’hui, n’est-ce pas être seulcontre tous ?

Les gens ne voient pas l’anarchisme comme quelque chosede mauvais, je crois même qu’ils sont plutôt d’accord avecses fondements. Ils disent simplement que c’est dingue etque ce n’est pas réalisable. Mais en tant qu’anthropologue,je sais que c’est possible. Les gens sont parfaitementcapables d’arriver à des décisions raisonnables tant qu’ilscroient pouvoir le faire, mais il y a une propagandeconstante qui leur dit le contraire. Je travaille en cemoment avec un archéologue sur l’origine de l’inégalitésociale qui viendrait de la complexification des sociétés, duchangement d’échelle des villes. Tout cela est faux. Lessociétés originelles de grande échelle, comme enMésopotamie, étaient égalitaires. Alors qu’il existe des

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grandes villes qui fonctionnent sur un système égalitaire, ilest très difficile de trouver une famille égalitaire. L’inégalitévient de la base. L’échelle ne veut rien dire, le problèmevient de la petite échelle.

Agence Anne & Arnaud

Christophe Alix (http://www.liberation.fr/auteur/1906-christophe-alix) ,

Anastasia Vécrin (http://www.liberation.fr/auteur/11435-anastasia-

vecrin)

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VIOLENCE SOCIALE

David Graeber : « Le néolibéralisme nous afait entrer dans l’ère de la bureaucratietotale »

Paperasse et formulaires ontenvahi nos vies, et de plus en plus de gens pensent que leur travail estinutile, n’apportant aucune contribution au monde. Malgré ce quemartèlent les ultralibéraux, ce n’est pas la faute de l’Etat et de sesfonctionnaires, mais celle des marchés et de leur financiarisation.« Toute réforme pour réduire l’ingérence de l’État aura pour effetultime d’accroître le nombre de règlementations et le volume total depaperasse », explique ainsi David Graeber, anthropologue états-unienet tête de file du mouvement Occupy Wall Street, dans son nouvelouvrage Bureaucratie. Il appelle la gauche à renouveler sa critique decette « bureaucratie totale » avec laquelle nous nous débattons auquotidien.

Basta ! : Vous dites que nous sommes désormais immergés dans une ère de« bureaucratie totale ». Quels en sont les signes ?

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David Graeber [1] : Il suffit de mesurer le temps que nous consacrons à remplir desformulaires. Quelqu’un a calculé que les citoyens états-uniens passent en moyenne sixmois de leur vie à attendre que le feu passe au vert. Personne n’a calculé combien detemps nous passons à remplir des formulaires ! Peut-être une année entière… C’est lapremière fois dans l’histoire que nous atteignons ce niveau de bureaucratie.

Le nombre d’occurrences du mot « bureaucratie » augmente dans les livres jusqu’en1974, puis diminue. Mais les mots que l’on associe généralement aux procéduresbureaucratiques, comme « paperasse », « documents à fournir », ou « évaluation derendement », augmentent de manière continue et dramatique. Nous sommes doncencerclés par des procédures bureaucratiques, mais nous ne les identifions pluscomme telles. C’est ce que j’ai essayé d’analyser dans mon livre.

Le sociologue Max Weber affirmait déjà que le 19e siècle avait inauguré l’èrebureaucratique. En quoi la situation est-elle nouvelle ?

La différence, c’est que la bureaucratie est si totale que nous ne la voyons plus. Dansles années 1940 et 1950, les gens se plaignaient de son absurdité. Aujourd’hui, nousn’imaginons même plus une manière d’organiser nos vies qui ne soit pasbureaucratique ! Ce qui également nouveau, c’est la création de la premièrebureaucratie planétaire. Un système d’administration que personne n’identifie pourtantcomme une bureaucratie, car il est surtout question de libre-échange. Mais qu’est-ceque cela signifie réellement ? La création de traités internationaux et d’une classeentière d’administrateurs internationaux qui régulent les choses, tout en appelant ceprocessus « dérégulation ».

La bureaucratie n’est plus seulement une manière de gérerle capitalisme. Traditionnellement, le rôle de l’État est degarantir les rapports de propriété, de réguler pour éviterl’explosion sociale. Mais la bureaucratie est désormaisdevenue un moyen au service des structures d’extractionde profits : les profits sont extraits directement par desmoyens bureaucratiques. Aujourd’hui, la majorité desprofits n’ont rien à voir avec la production, mais avec lafinance. Même une compagnie comme General Motors faitplus de profits en finançant l’achat de voitures par le crédit,que par la production de voitures. La finance n’est pas un

monde irréel complètement déconnecté de l’économie réelle, où des gens spéculent etfont des paris, gagnent de l’argent à partir de rien. La finance est un processus quiextrait des rentes pour certains, en se nourrissant de la dette des autres. J’ai essayéde calculer la part des revenus des familles états-uniennes directement extraite pouralimenter le secteur de la finance, des assurances et de l’immobilier. Impossibled’obtenir ces chiffres !

Tout cela est permis par la fusion progressive de la bureaucratie publique et privée,depuis les années 1970 et 1980. Cela s’opère par une collusion bureaucratique entrele gouvernement et la finance privée. Les 1% (les plus riches) dont parle lemouvement Occupy Wall Street, sont des gens qui accaparent les profits tout enfinançant également les campagnes électorales, influençant ainsi les responsablespolitiques. Le contrôle du politique est aujourd’hui essentiel dans cette dynamiqued’accaparement des profits. Et la bureaucratie est devenue un moyen au service de ceprocessus, avec la fusion de la bureaucratie publique et privée, saturée de règles et derèglements, dont l’objectif ultime est d’extraire du profit. C’est ce que j’appelle l’ère dela « bureaucratie totale ».

Les gens opposent souvent bureaucratie étatique et libéralisme économique.Mais « il faut mille fois plus de paperasse pour entretenir une économie demarché libre que la monarchie absolue de Louis XIV », écrivez-vous. Lelibéralisme augmente donc la bureaucratie ?

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C’est objectivement vrai. Regardez ce qui se passe ! La statistique la plusimpressionnante concerne la Russie après la chute de l’Union soviétique. D’après laBanque mondiale, entre 1992 et 2002, le nombre de fonctionnaires a augmenté de25 % en Russie [2]. Alors que la taille de l’économie a substantiellement diminué, etqu’il y avait donc moins à gérer. Les marchés ne s’auto-régulent pas : pour lesmaintenir en fonctionnement, il faut une armée d’administrateurs. Dans le mondenéolibéral actuel, vous avez donc davantage d’administrateurs. Pas seulement dans legouvernement, mais aussi dans les compagnies privées.

Ce qu’on entend souvent par bureaucratie, ce sont aussi des structures socialesfiables et pérennes, qui font que le société fonctionne, comme la Sécuritésociale…

Beaucoup d’institutions sociales que l’on associe aujourd’hui à l’Etat-Providence ontété créées « par le bas ». Je l’ai découvert en discutant avec des Suédois : aucun desservices sociaux suédois n’a été créé par le gouvernement. Toutes les cliniques,bibliothèques publiques, assurances sociales, ont été créées par des syndicats, descommunautés de travailleurs. Le gouvernement a ensuite voulu les gérer à un niveaucentralisé, bureaucratique, expliquant que ce serait plus efficace. Évidemment, unefois que l’État en a pris le contrôle, il peut privatiser ces services. C’est ce qui arrive.

Vous faites aussi le lien entre le développement de la bureaucratie et celui desbullshits jobs (« job à la con » ) [3] que vous avez analysés dans un précédenttravail. Tous les « bureaucrates » font-ils des « jobs à la con » ?

Pas tous ! Mon idée sur les bullshit jobs est de demander aux gens quelle est la valeurde leur travail. Je ne veux absolument pas dire à quelqu’un : « Ce que vous faites n’estpas utile ». Mais si une personne me dit que son travail n’apporte rien d’utile, je lacrois. Qui peut mieux le savoir qu’elle-même ? Suite à mon travail sur les bullshit jobs,l’agence anglaise de statistique YouGov a fait un sondage. Résultat : 37 % des gensinterrogés pensent que leur travail est inutile et n’apporte aucune contribution aumonde [4].

J’ai été étonné d’un tel résultat ! Le plus grand nombre de personnes qui pensent queleur travail est inutile se trouve dans le secteur administratif. Peu de chauffeurs de bus,de plombiers ou d’infirmières pensent que leur travail est inutile. Beaucoup de bullshitsjobs sont « bureaucratiques », autant dans le secteur privé que public. Un exemple ?Ces gens qui vont à des réunions et écrivent des compte-rendus pour d’autres gensqui vont à des réunions et écrivent des compte-rendus. Quand mon article a été publiésur le web, je n’imaginais pas que les gens feraient de telles confessions sur leurtravail : « Je donne des ordres pour déplacer les photocopieuses d’un côté à l’autre »,ou « Mon job est de reformater des formulaires allemands dans des formulairesanglais et tout un bâtiment fait ça »… C’est incroyable. Presque tous ces jobs setrouvaient dans le secteur privé.

Comment expliquez-vous alors que nous soyons si attachés à la bureaucratie,que nous n’arrivons pas à remettre en question ce processus et que nouscontinuons même à alimenter son développement ?

J’ai analysé cela avec l’analogie de « la peur du jeu ». Il y a quelque chose de trèsattirant dans le jeu, qui est une expression de la liberté de chacun, mais aussi quelquechose d’effrayant. Si les gens aiment tant les jeux, c’est parce que c’est la seulesituation où vous savez exactement quelles sont les règles. Dans la vie, nous sommesconstamment investis dans des jeux, dans des intrigues, au travail ou entre amis. C’estcomme un jeu, mais vous n’êtes jamais sûr de savoir qui sont les joueurs, quand celacommence ou s’arrête, quelles sont les règles, qui gagne. Dans une conversation avecvotre belle-mère, vous savez bien qu’il y a des règles, mais vous ne savez pas troplesquelles, ce que vous pouvez dire ou non. Cela rend la vie difficile. Nous sommeseffrayés par l’arbitraire.

On ne veut pas du pouvoir qu’il soit arbitraire. Une école de pensée aux États-Unis, lerépublicanisme civique, dit que la liberté signifie savoir quelles sont les règles : quandl’État peut vous contraindre et quand il ne peut pas. Partant de là, il faut créer toujours

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Web docSarcellopolis :explorez la diversecité

(http://sarcellopolis.com/)

L’ObsFukushima,l’endroit où letemps s’est arrêté

(http://tempsreel.nouvelobs.com/galeries-photos/monde/20151008.OBS7295/photos-fukushima-l-endroit-ou-le-temps-s-est-arrete.html)

ITINÉRAIRE CONSEILLÉ

MÉDIAS INDÉPENDANTSLe Ravi(http://www.leravi.org/)Le Postillon(http://www.lepostillon.org/)Friture Mag(http://www.frituremag.info/)Alternativeséconomiques(http://www.alternatives-economiques.fr/)TruthOut(http://www.truth-out.org/)

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plus de régulations pour être plus libre. Paradoxalement, dans les sociétés qui seconsidèrent comme libres, beaucoup d’aspects sont régulés par la coercition, par laviolence.

La bureaucratie est-elle le symptôme d’une société violente ?

La bureaucratie n’est pas stupide en elle-même. Elle est le symptôme de la violencesociale, qui elle est stupide. La violence structurelle – qui inclut toutes les formesd’inégalités structurelles : patriarcat, relations de genres, relations de classes…– eststupide. Là où il y a une inégalité de pouvoir, il y a aussi une forme d’ignorance etd’aveuglement. La bureaucratie semble stupide en elle-même, mais elle ne cause pasla stupidité, elle la gère ! Même quand la bureaucratie est bienveillante, sous la formede l’État social, elle reste basée sur une forme d’aveuglement structurel, sur descatégories qui n’ont pas grand chose à voir avec ce dont les gens font l’expérience.Quand les bureaucrates essaient de vous aider, ils ne vous comprennent pas, ils neveulent pas vous comprendre, et ne sont pas même autorisés à vous comprendre.

Vous écrivez que la critique de la bureaucratie aujourd’hui vient de la droite etpas de la gauche. Et que les populistes ont bien compris que la critique de labureaucratie était rentable d’un point vue électoral…

C’est un des problèmes qui a inspiré mon livre. Pourquoi est-ce la droite qui tire tousles avantages de l’indignation populaire contre la bureaucratie, alors que c’est la droitequi est à l’origine d’une grande partie de cette bureaucratie ? C’est ridicule ! Aux États-Unis, la droite a découvert que si vous taxez les gens d’une manière injuste, etqu’ensuite vous leur dites que vous allez baisser les impôts, ils vont voter pour vous. Ily a quelque chose de similaire avec la bureaucratie en général. La gauche est tombéedans ce piège, avec la manière dont elle défend l’idée d’un État social tout en faisantdes compromis avec le néolibéralisme. Elle finit par embrasser cette combinaison desforces du marché et de la bureaucratie. Et la droite en tire tout l’avantage avec sesdeux ailes – d’un côté les libertariens, qui aiment le marché mais critiquent labureaucratie, de l’autre, l’aile fasciste, qui a une critique du marché. La droiteconcentre toute la rage populiste sur ce sujet. Et la gauche finit par se retrouver àdéfendre les deux, marché et bureaucratie. C’est un désastre politique.

Comment le mouvement altermondialiste a-t-il renouvelé cette critique degauche de la bureaucratie ?

Le mouvement altermondialiste cherche à identifier les structures bureaucratiques quin’étaient pas censées être visibles. Mais pas seulement pour les dévoiler, égalementpour montrer à quel point ces structures ne sont pas nécessaires, qu’il est possible defaire les choses autrement d’une manière non-bureaucratique. Pourquoi lesprocédures démocratiques sont-elles aussi importantes dans le mouvementaltermondialiste ? Parce qu’il essaie de créer des formes de décision non-bureaucratiques. Dans ce mouvement, il n’y a pas de règle, il y a des principes. C’estune négation pure de la bureaucratie. Bien sûr, ces processus ont aussi tendance à sebureaucratiser si l’on n’y fait pas attention, mais tout est fait pour l’éviter. Mon travailsur la bureaucratie vient de mon expérience d’activiste dans le mouvementaltermondialiste.

(http://www.bastamag.net/don)

Mais le mouvement altermondialiste se bat aussi pour plus de régulation, parexemple dans le secteur financier…

Le mouvement altermondialiste se bat pour des régulations différentes ! Et nous nedevrions pas tomber dans le piège de croire que nos adversaires sont favorables auxdérégulations. Vous ne pouvez pas avoir une banque non-régulée, c’est absurde : lesbanques sont entièrement basées sur des régulations. Mais des régulations en faveurdes banques ! Quand on parle de re-régulation, cela signifie mettre les

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30/10/2015 10:03David Graeber : « Le néolibéralisme nous a fait entrer dans l'ère de la bureaucratie totale » - Basta !

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consommateurs au centre plutôt que les banques. Nous devons sortir de ce langage« plus ou moins de régulation ». Le néolibéralisme crée plus de régulations que lessystèmes économiques précédents.

Voyez-vous la même critique de la bureaucratie dans l’expérience de démocratiedirecte en cours au Rojava, au Kurdistan syrien ?

L’exemple syrien est vraiment intéressant. J’ai fait partie d’une délégationd’universitaires en décembre dernier, qui a observé sur place leur processusdémocratique. Ils sont vraiment en train de créer une société non-bureaucratique (lirenotre article (http://www.bastamag.net/En-Syrie-une-experience-de-democratie-directe-egalitaire-et)). C’est le seul endroit que je connaisse où il y a une situation de pouvoir« dual » où les deux côtés ont été créés par les mêmes personnes. Avec, d’un côté,des assemblées populaires de base, et de l’autre des structures qui ressemblent à ungouvernement et à un Parlement. Des structures nécessaires, car pour coopérer avecles institutions internationales, il faut une sorte de gouvernement bureaucratiqueinstitutionnel effectif, sinon elles ne vous prennent pas au sérieux. Mais au Rojava,quiconque porte une arme doit en répondre face à la base avant d’en répondre austructures du « haut ». C’est pourquoi ils disent que ce n’est pas un État, car ils neréclament pas le monopole de la violence coercitive.

Peut-on imaginer un État sans bureaucratie ?

L’État est une combinaison de trois principes aux origines historiques totalementdifférentes : premièrement, la souveraineté, le monopole de la force dans un territoiredonné. Deuxièmement, l’administration, la bureaucratie, le management rationnel desressources. Et troisièmement, l’organisation du champ politique, avec despersonnages en compétition parmi lesquels la population choisit ses dirigeants. EnMésopotamie, il y avait beaucoup de bureaucratie mais aucun principe desouveraineté. L’idée de responsables politiques en compétition vient de sociétésaristocratiques. Et le principe de souveraineté vient des Empires. Ces trois principesont fusionné ensemble dans l’État moderne. Nous avons aujourd’hui uneadministration planétaire, mais elle n’a pas de principe de souveraineté et pas dechamp politique. Ces principes n’ont rien à faire ensemble a priori, nous sommes justehabitués à ce qu’ils le soient.

Comment expliquez-vous que, dans l’imaginaire social, les marchés, lelibéralisme, apparaissent comme les seuls antidotes à la bureaucratie ?

C’est le grand piège du 20e siècle : cette idée qu’il n’y a qu’une alternative – lesmarchés ou l’État – et qu’il faut opposer les deux. Pourtant historiquement, lesmarchés et les États ont grandi ensemble. Ils sont bien plus similaires qu’ils ne sontdifférents : les deux ont l’ambition de traiter les choses de la manière la plus rationnelleet efficace possible.

Je me souviens d’une interview d’un général sud-africain au moment où NelsonMandela est arrivé à la présidence du pays. On lui demandait : « Vous ne trouvez pasun peu étrange de recevoir des ordres de quelqu’un que vous avez combattu pendant20 ans ? ». Il a répondu : « C’est un honneur en tant que militaire de recevoir desordres, quelle que soit la personne qui les donne. » En fait, ce n’est pas uncomportement spécialement militaire, mais bureaucratique. Parce que ça ne sepasserait pas comme ça dans une armée médiévale. Être un bureaucrate, cela signifiefaire ce qu’on vous demande, et séparer les moyens et les fins. Cette séparation estdevenue une base de la conscience moderne. Seules deux institutions – marché etÉtat – opèrent de cette manière.

Propos recueillis par Rachel Knaebel et Agnès Rousseaux

Photo : CC Christian Schnettelker

Lire aussi sur Basta ! : David Graeber : « La façon la plus simple de désobéir à lafinance, c’est de refuser de payer les dettes » (http://www.bastamag.net/David-Graeber-La-facon-la-plus-simple-de-desobeir-a-la-finance-c-est-de-refuser#nb1)

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David Graeber, Bureaucratie : l’utopie des règles,Éditions Les Liens qui libèrent, 2015.

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Docteur en anthropologie, économiste, ancien professeur à l’Université de Yale, David

Graeber est actuellement professeur à la London School of Economics. Il est selon le New

York Times l’un des intellectuels les plus influents actuellement. Et est l’un des initiateurs du

mouvement Occupy Wall Street.

[1]

De 1 million à 1,25 million.[2]

Lire l’article ici (http://strikemag.org/bullshit-jobs/) (en anglais).[3]

Voir les résultats de ce sondage ici (https://yougov.co.uk/news/2015/08/12/british-jobs-

meaningless/).

[4]

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Dans ses livres Bernard Stiegler (http://arsindustrialis.org/les-pages-de-bernard-stiegler) dit que l’évolution de l’internet va supprimer la plupart des fonctions icidécrites comme bureaucratiques. Le cas de l’education nationale et la critique del’enseignement obligatoire au dela de 14 ans sont bien connues depuis Ivan Illich. Ona un nouvel exemple de bureaucratie dans l’organisation des contributions a la luttecontre le réchauffement climatique par l’ONU.

1 LE 21 OCTOBRE À 19:06 (2015-10-21T17:06:41Z) PAR MELEZE

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30/10/2015 10:07Comment la mondialisation est devenue synonyme de bureaucratisation | Slate.fr

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(http://www4.smartadserver.com/h/cc?

imgid=14431344&insid=4830251&pgid=447029&uid=0&tgt=&systgt=%24qc%3d1311396118%3b%24ql%3dmedium%3b%24qpc%3d75001%3b%24qpp%3d0%3b%24qt%3d184_1903_42652t%3b%24dma%3d0%3b%24b%3d14090%3b%24o%3d12100&go=)

Comment la mondialisation estdevenue synonyme debureaucratisationJean-Laurent Cassely Culture Economie 16.10.2015 - 0 h 33 mis à jour le 16.10.2015 à 11 h 02

Stamp Carousel / Stempelkarussell (https://www.Qickr.com/photos/manoftaste-de/9786409793/) / Christian Schnettelker via Flickr CC License By

(https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/)

Par Jean-Laurent CasselyJournaliste

Sa bio (/source/jean-laurent-

cassely), ses 851 articles

(/source/jean-laurent-cassely)

L'anthropologue et anarchiste David Graeber se penche dansson dernier livre sur les voitures volantes, l’heroic fantasy etnotre enfermement croissant dans un monde de normes, deprocédures et de formulaires à remplir, une «utopie desrègles» avec laquelle nous entretenons un rapport ambigu.

David Graeber est un anthropologue américain et un activiste anarchiste qui a participéaux manifestations altermondialistes du début du millénaire, un engagement qui lui a valude ne pas être reconduit à son poste de professeur associé à l’université américaine de Yaleen 2005 (http://www.nytimes.com/2005/12/28/nyregion/when-scholarship-and-politics-collided-at-yale.html?_r=1). Il est par la suite devenu l'une des figures desmanifestations d’Occupy Wall Street à New York en 2011.

«Réfugié» à la London School of Economics de Londres, il est l’auteur en 2011 de Dette:5000 ans d’histoire (traduit en français en 2013), et s’est fait remarquer à nouveau en2013 avec son article «A propos du phénomène des boulots à la con», qui a connu ungrand succès. Son dernier ouvrage, Bureaucratie (http://www.amazon.fr/Bureaucratie-David-Graeber/dp/B00VJJIES6), est paru en France début octobre (aux éditions Lesliens qui libèrent). Autour de ce fil rouge a priori rébarbatif de l’invasion de la vie

(/)

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30/10/2015 10:07Comment la mondialisation est devenue synonyme de bureaucratisation | Slate.fr

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quotidienne par d’innombrables procédures, documents et règlementations qui dictent lesvies modernes ordinaires, Graeber s’avance dans cet ouvrage sur des thèmes aussi variésque le culte du développement personnel, l’heroic fantasy, la science-fiction ou les fictionspolicières.

Pourquoi le capitalisme aime la bureaucratieGraeber défend une thèse contre-intuitive qui commence à faire son chemin: commel’énonce la citation en couverture de l’ouvrage, «Il faut mille fois plus de paperasse pourentretenir une économie de marché libre que la monarchie absolue de Louis XIV». Lamise en place d’un libre marché économique s’est accompagnée d’une accumulation derègles inédite, de sorte qu’aujourd’hui «“mondialisation” veut dire bureaucratisation».

Une thèse déjà défendue par la politologue Béatrice Hibou(http://www.slate.fr/story/65241/societe-aux-normes-bureaucratie) dans un ouvrage quis’interrogeait sur les sources de la bureaucratisation «à l’ère néolibérale». Or cette réalitéhistorique est systématiquement occultée par la pensée libérale, rappelle Graeber.

Les sociétés libérales, et les Etats-Unis en particulier, aiment se penser comme des lieuxoù règne l’initiative individuelle contre les pesanteurs de l’Etat et de l’administration. Enfait plus l’économie s’est complexifiée et plus les marchés ont été étendus, jusqu’à unifierle globe, plus les entreprises privées et les gouvernements ont multiplié lesrèglementations et les normes, faisant de la modernité un cauchemar bureaucratique,soutient l’auteur.

Un mouvement qu'il relie aux fausses promesses de l'industrialisation qui devait libérer leshommes du travail physique, comme il nous l'a expliqué:

«Comme John Stuart Mill disait qu’aucune machine conçue pour réduire le temps detravail n’avait vraiment réduit le temps de travail, il semble de la même manièreque plus il y a eu d’inventions industrielles, plus les gens sont devenus destravailleurs de l’industrie. Et on voit quelque chose de similaire avec les technologiesde l’information. Elles étaient supposées rendre la vie plus facile et nous libérer de lapaperasse, mais en réalité nous avons fini par en faire de plus en plus, et à mesureque la technologie se sophistique, on attend de chacun de nous d’être un agent devoyage, un comptable...»

Comment la bureaucratie «crée» de la valeurQuand on le rencontre, on tente d’y voir plus clair dans sa thèse, séduisante mais parfoisconfuse, d’une bureaucratisation générale qui se serait développée dans un monde inspirépar l’esprit managérial.

Comme il l'explique:

«Ce qui se passe dans une bureaucratie c’est qu’on fétichise les documents. Parexemple beaucoup de métiers s’apprenaient en les exerçant, maintenant tout vientdu diplôme. Les gens doivent retourner à l’école, par exemple des milliers debibliothécaires américains ont du retourner à l’école pour obtenir un diplôme debibliothécaire. Et l’effet psychologique de tout ça c’est qu’on a l’impression que cesont les documents qui créent la valeur. Et le système financier est bien entendu aupinacle de cette vaste structure. On ne sait pas combien d’heures par jour ou par semaine les gens passaient àremplir des formulaires, mais tous les indices montrent que l’on en fait de plusen plus, j’ai lu quelque part que l’Américain moyen attendait six mois dans savie que le feu passe au vert.»

Pour Graeber, une société bureaucratique a une perception étrange de la création devaleur, qui est que «nous créons le monde qui nous entoure par la simple force de lavolonté». Il fait remonter ce mythe aux écrits de développement personnel, qui sedéveloppent dans les années 1970, portés par des «gourous» d’entreprises et des penseurs

On a l’impressionque ce sont lesdocuments qui

créent la valeur. Et lesystème financier

est bien entendu aupinacle de cettevaste structure

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libertariens, pour lesquels, écrit-il, «la vieille société industrielle, matérialiste, où lavaleur venait du travail physique, cédait la place à une ère de l’information où la valeurémergeait directement de l’esprit des entrepreneurs, comme, à l’origine, le monde avaitémergé ex nihilo de l’esprit de Dieu, ou comme, en bonne économie de l’offre, la monnaieémergeait ex nihilo de la Federal Reserve pour passer entre les mains de capitalistesimaginatifs qui créaient de la valeur.

«En effet, qu’est-ce que l’univers des dérivés titrisés, obligations adossées à des actifs etautres instruments financiers exotiques du même acabit, sinon l’apothéose du principe:“en dernière analyse, la valeur est un produit du papier?”».

Graeber décrit une société obsédée par l’évaluation –où règne «la culture de l’audit, oùseul est réel ce qui peut être quantifié, tabulé, entré dans une interface ou un rapporttrimestriel», stimulant en bout de chaîne l’expansion permanente de «métiers à la con»(http://strikemag.org/bullshit-jobs/) bien analysés par l’auteur dans un essai paru en2013.

Mais il a fallu selon Graeber un long travail de persuasion pour convaincre les gens quec’était le capital lui-même qui créait de la valeur, et non le travail des gens. «De l’avisgénéral, les bonnes choses de la vie existaient parce que des gens prenaient la peine de lesproduire. On voyait la production comme une activité à laquelle devaient participer lecerveau et les muscles, en général à peu près dans les mêmes proportions.»

Comment le mouvement altermondialiste a révélél’existence d’une administration mondialeGraeber fait part de ses observations au sein du mouvement altermondialiste auquel il apris une part active avant d’être un des animateurs d’Occupy Wall Street en 2011: enfaisant le siège des grands sommets de l’OMC ou du FMI au tournant du siècle, les actionsdes altermondialistes ont «servi de baguettes magiques», écrit-il:

«Nous n’avions qu’à nous montrer et à tenter de bloquer tout accès à une réunion, etnous dévoilions instantanément l’existence d’une immense bureaucratie mondialefaite d’organisations imbriquées, sur laquelle nul n’était censé vraiment réfléchir.»

L’engouement pour l’heroic fantasy, réaction à labureaucratisationMax Weber, le sociologue qui a défini la bureaucratie au XIXè siècle, avait bien perçu lesmalaises qu’une société rationalisée à l’extrême ferait apparaître, et utilisait l’image d’une«cage d’acier». Il alertait sur «le danger de voir la société moderne devenir si bienorganisée par des technocrates sans visage que les héros charismatiques, l’enchantementet la romance en disparaîtront entièrement.»

La culture populaire a répondu à cette inquiétude de plusieurs manières: la première est lesuccès phénoménal des mondes imaginaires qui se déroulent dans le passé fantasmé del’heroic fantasy, des récits chevaleresques et des mondes régis par la magie: «la fantasyest essentiellement une tentative d’imaginer un monde totalement purgé de labureaucratie», écrit-il dans un des chapitres les plus stimulants de son recueil.

«[Ces romans] séduisent surtout parce qu’ils procurent en permanence une négationsystématique de tout ce qui représente la bureaucratie […] nous rêvons aujourd’huiaux aventures de clercs et de magiciens médiévaux agissant dans un monde où lamoindre trace de l’existence bureaucratique a été soigneusement effacée.»

C’est un monde d’énigmes à déchiffrer là où «les procédures bureaucratiques, enrevanche, sont fondées sur un principe de transparence.»

David Graeber

La fantasy estessentiellement unetentative d’imaginer

un mondetotalement purgé de

la bureaucratieDavid Graeber

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«Un objectif primordial des procédures administratives est qu’il n’y ait pasd’histoires; dans un cadre bureaucratique, il y a des histoires quand quelque chose amal tourné. Lorsque tout se passe en souplesse, il n’existe aucun arc narratif, quelqu’il soit.»

Mais la fantasy elle-même n’est pas à l’abri de la pensée bureaucratique, qui aime avanttout classer les choses et les êtres. Le jeu de rôle «Donjons et Dragons représente l’ultimebureaucratisation de la fantaisie antibureaucratique. Il y a des catalogues pour tout: lestypes de monstres […], chacun muni de pouvoirs soigneusement notés dans les tables etd’un nombre moyen de “points de vie” ‘indiquant la difficulté de le tuer; lescaractéristiques humaines (force, intelligence, sagesse, dextérité, constitution…); leslistes de sorts possibles à différents niveaux de capacité (projectile magique, boule de feu,passe-muraille…); les types de dieux ou de démons […]»

Une vision comptable des jeux qui s’est aggravée avec l’adaptation informatique de cesunivers de fiction: «les jeux informatiques ont pu faire de la fantasy une procédurepresque entièrement bureaucratique: accumulation de points, hausse de degrés, etc.»

Et cette glorification de l'heroic fantasy est ambiguë, nous rappelle l'auteur: «Ces romansvous donnent une idée de ce que serait un monde sans bureaucratie: d'un côté, c'estpalpitant, mais vous ne voudriez pas vraiment vivre dans un tel monde». L'«utopie desrègles» se révèle une option bien plus morne mais aussi plus sûre que le régime d'anarchiedans lequel évoluent les héros romantiques des histoires médiévales fantastiques.

Policiers, espions, détectives: les héros de l’ordrebureaucratiqueL’autre manifestation pop culturelle de l’invasion bureaucratique est l’apparition d’uneclasse de héros bureaucrates. La société bureaucratique a ses propres héros:commissaires, détectives, espions «qui tous ont pour métier (c’est significatif) d’agir àl’endroit précis où des structures bureaucratiques de classement de l’informationrencontrent l’usage de la violence physique.» «Des bureaucrates armés», selon la jolieformule de l'auteur.

«Les espions et les détectives, nous explique encore Graeber, sont les deux genres defiction qui sont arrivées avec la bureaucratie. A mesure que la culture s’estbureaucratisée, on a vu apparaître ces héros charismatiques de la bureaucratie. Cesont de nouvelles formes de charismes adaptées à la bureaucratie.»

Mais parce que la réalité bureaucratique est terne, elle ne montre pas l’activité despoliciers, c’est-à-dire le travail administratif sous lequel ils croulent: «ces policiersimaginaires passent presque tout leur temps à combattre des crimes violents ou às’occuper de leurs conséquences.»

S’ils étaient vraiment des reflets de l’organisation sociale, ils rempliraient des formulaires:«le vrai James Bond passerait la plupart de son temps à faire des rapports», ajoute-t-il àpropos de cet imaginaire romantique faussé des fictions policières.

Pourquoi nous n’avons pas eu la voiture volante?L’une des conséquences les plus néfastes selon Graeber de la bureaucratisation du mondeest son impact sur l’innovation scientifique. Où sont passées les voitures volantes maisaussi les champs de force, la téléportation, les androïdes, les colonies sur Mars, etc. quidans la seconde moitié du XX siècle passaient pour des inventions qui très probablementseraient en service en 2015?

A la place, on a eu Internet, détaille Graeber dans un chapitre consacré aux évolutions dela recherche scientifique:

e

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AILLEURS SUR LE WEB: NOUS RECOMMANDONS:

«Internet est sûrement un dispositif remarquable. Néanmoins, si un passionné descience-fiction des années 1950 apparaissait subitement et demandait quels ont étéles exploits techniques les plus spectaculaires des soixante années écoulées depuiscette époque, on imagine mal que sa réaction puisse être autre chose qu’une amèredéception. Il ferait sûrement remarquer que ce dont nous lui parlons, en fait, est unecombinaison extrêmement rapide et accessible partout dans le monde de labibliothèque, de la poste et du catalogue de vente par correspondance.»

Si la recherche s’est concentrée sur des produits plus immédiatement commercialisablesau détriment de ce que Graeber nomme des «techniques poétiques» comme la conquêtespatiale, on le doit à «l’introduction des techniques de management des entreprises» dansle monde académique, qui a eu un effet désastreux «pour la stimulation de la rechercheoriginale», souligne Graeber pour qui les universitaires passent désormais le plus clair deleur temps à gérer de la paperasse et à faire du marketing:

«La traduction pratique de ces méthodes de management est invariablement lamême: tout le monde finit par passer le plus clair de son temps à s’efforcer de vendreaux autres des choses –propositions de bourses; projets de livre; évaluations sur lescandidatures de nos étudiants à des bourses ou à des postes; évaluations sur noscollègues; prospectus vantant de nouvelles “majeures interdisciplinaires”, denouveaux instituts, de nouveaux ateliers préparatoires aux colloques, et lesuniversités elles-mêmes, aujourd’hui devenues des marques à commercialiserauprès des futurs étudiants ou des financeurs en perspective. Le marketing et lesrelations publiques finissent ainsi par engloutir de tous côtés la vie universitaire».

Pourtant, «il fut un temps où la sphère académique était le refuge offert par la sociétéaux esprits excentriques, brillants et manquant de ce sens pratique, regrette Graeber quifait sans doute dans ce passage son autoportrait d’outsider inadapté au systèmeacadémique. C’est terminé. Aujourd’hui, elle est devenue le champ clos des professionnelsde l’autopromotion. Quant aux esprits excentriques, brillants et manquant de senspratique, il semble que la société n’ait maintenant aucune place pour eux.»

Jean-Laurent Cassely

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Internet? Unecombinaison

extrêmement rapideet accessible partout

dans le monde de labibliothèque, de la

poste et ducatalogue de vente

par correspondance

(http://plarium.com/fr/jeux-de-

strategie/sparta-war-of-empires/?

plid=67284&pxl=outbrain)

Les joueurs du monde entier ont

attendu ce jeu ! Il est enfin arrivé

! (http://plarium.com/fr/jeux-de-

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empires/?

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(Sparta)

Des gens du voyage sommés de

partir avec leurs "ordures et

excréments… (http://secure-

uk.imrworldwide.com/cgi-

(http://www.slate.fr/story/108067/seins-

arme-ultime)

Et si les grosses poitrines

étaient l’arme de combat ultime?

(http://www.slate.fr/story/108067/seins-

arme-ultime)

Il ne s'est pas douché une fois en

douze ans (et personne ne s'en

est…(http://www.slate.fr/story/108063/david-

whitlock-homme-pas-douche-

douze-ans)

Peut-on se suicider par la seule

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