rétention et taux de roulement du personnel : les … · des ressources humaines se répercutera...

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HIVER 2004 JOURNAL IGF 39 A vec la croissance des économies canadienne et mondiale en 2004, les employés insatisfaits de leur situ- ation actuelle n’hésiteront pas à aller voir ailleurs. Et à moins que les organisations prennent des mesures concrètes pour vrai- ment comprendre les motifs de leur déci- sion de partir ou de rester, le saignement des ressources humaines se répercutera directement sur le chiffre d’affaires. L’analyse de rentabilisation Dans un sondage réalisé en août 2003 par la Society for Human Resource Manage- ment (SHRM) et CareerJournal.com, 83 p. 100 des employés et 56 p. 100 des profes- sionnels des RH ont indiqué qu’ils s’at- tendaient à ce que le roulement volontaire augmente en 2004 en raison de la croissance généralisée des économies dans le monde. Les coûts du roulement représenteraient entre 30 et 150 p. 100 du salaire annuel des employés horaires (Université Cornell) selon le Saratoga Institute (Price Waterhouse Coopers). En prenant pour acquis, selon une estimation prudente, que les pertes finan- cières engendrées par le départ d’un employé égales son salaire annuel, l’incidence finan- cière négative du roulement sur le chiffre d’affaires pourrait être substantielle. Pour une entreprise dont le salaire moyen des employés est 40 000 $ et dont le taux de roulement est de 3 p. 100, par exemple, les coûts seraient de 1,2 million de dollars. Et une réduction d’un demi-pour cent seule- ment du taux de roulement entraînerait des économies de 200 000 $. Ces chiffres démontrent assez clairement que les entre- prises auraient tout à gagner en investissant dans des moyens qui leur permettraient d’améliorer la rétention du personnel! Facteurs de motivation et de démotivation des employés Pour comprendre les facteurs sous-jacents de la rétention du personnel, il est utile de revoir une étude classique menée par Fre- derick Herzberg en 1968 dont les résultats ont été revus par le Harvard Business Review. Herzberg a cerné les facteurs intrin- sèques de la motivation des employés tels que la réussite, la reconnaissance de la réus- site, le travail lui-même, la responsabilité, la croissance et l’avancement; et les facteurs extrinsèques tels que la politique et l’ad- ministration de l’entreprise, la supervision, les relations interpersonnelles, les condi- tions de travail, le salaire, la situation et la sécurité. Il a découvert que non seulement les facteurs qui engendraient la satisfaction au travail étaient distincts de ceux qui étaient à l’origine de l’insatisfaction, mais que les facteurs intrinsèques (ou de motiva- tion) étaient à la base même de la satisfac- tion tandis que les facteurs extrinsèques (ou de démotivation) étaient à la base même de l’insatisfaction. Il est important de com- prendre, puisque ces facteurs sont distincts, que la satisfaction et l’insatisfaction ne sont pas des contraires. Le contraire de la satis- faction au travail n’est pas l’insatisfaction mais plutôt l’absence de satisfaction; et, de façon analogue, le contraire de l’insatisfac- tion n’est pas la satisfaction, mais l’absence d’insatisfaction. En d’autres termes, c’est la présence des facteurs de démotivation (insatis- faction) ET l’absence des facteurs de motiva- tion (absence de satisfaction) qui incitent les employés à quitter le navire. Sans entrer dans les détails de l’étude Herzberg, les faits suivants pourraient être utiles. Les deux premiers facteurs de motivation menant à la satisfaction au travail sont le sentiment de réussite et la reconnaissance de cette réussite. • Les deux premiers facteurs de démotivation menant à l’insatisfaction au travail sont les politiques et une administration bureaucratiques et injustes de l’employeur ainsi que la piètre supervision. Le salaire est un facteur extrinsèque : par conséquent, un salaire moyen ou généreux n’engendre pas la satisfaction, mais bien l’absence d’insatisfaction. Un salaire insuffisant, par ailleurs, se traduit par une insatisfaction au travail. Même s’il est un facteur extrinsèque, le salaire vient au cinquième rang dans la liste, après les politiques et l’administration de l’entreprise, la qualité de la supervision, les rapports avec le superviseur et les con- ditions de travail. • Les employés interrogés dans douze études différentes au cours de l’examen (et d’études subséquentes menées entre 1968 et 2003), provenaient d’une grande variété d’industries, occupaient dif- férentes catégories d’emplois, compre- naient des superviseurs de premier niveau, des femmes professionnelles, des administrateurs agricoles, des gestion- naires masculins sur le point de prendre leur retraite, du personnel d’entretien d’hôpitaux, des superviseurs dans des manufactures, des infirmières, des pré- posés à la manutention des aliments, des officiers militaires, des ingénieurs, des Rétention et taux de roulement du personnel : Les motifs réels de la décision de partir ou de rester Merge Gupta-Sunderji Merge Gupta-Sunderji Conférencière professionnelle, auteure, commenta- trice à la radio et consultante en formation, Merge Gupta-Sunderji aide les membres d’organisations à devenir de meilleurs communicateurs et leaders. Pen- dant plus de 14 ans, elle a occupé divers postes de direction au sein de l’une des entreprises pétrolières et gazières les plus connues du Canada, et elle a dirigé le conseil d’administration d’une coopérative de crédit pendant trois ans. Sa chronique Savoir-être paraît régulièrement dans CGA Magazine, en anglais et en français. Mme Gupta Sunderji présente des outils concrets et pratiques pour aider les gens à communi- quer et à travailler avec leurs employés et leurs col- lègues. Elle allie réalisme et humour avec originalité, pour inspirer et divertir ses auditoires et les inciter à passer à l’action! Dans le cadre de son travail, elle vi- site des entreprises et participe à des conférences au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Vous pouvez communiquer avec elle par l’entremise de son site Web (www.mergespeaks.com) ou par téléphone au (416) 629-4453.

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HIVER 2004 JOURNAL IGF 39

Avec la croissance des économiescanadienne et mondiale en 2004,les employés insatisfaits de leur situ-

ation actuelle n’hésiteront pas à aller voirailleurs. Et à moins que les organisationsprennent des mesures concrètes pour vrai-ment comprendre les motifs de leur déci-sion de partir ou de rester, le saignementdes ressources humaines se répercuteradirectement sur le chiffre d’affaires.

L’analyse de rentabilisationDans un sondage réalisé en août 2003 par

la Society for Human Resource Manage-ment (SHRM) et CareerJournal.com, 83 p.100 des employés et 56 p. 100 des profes-sionnels des RH ont indiqué qu’ils s’at-tendaient à ce que le roulement volontaireaugmente en 2004 en raison de la croissancegénéralisée des économies dans le monde.Les coûts du roulement représenteraiententre 30 et 150 p. 100 du salaire annuel desemployés horaires (Université Cornell) selonle Saratoga Institute (Price WaterhouseCoopers). En prenant pour acquis, selon uneestimation prudente, que les pertes finan-cières engendrées par le départ d’un employéégales son salaire annuel, l’incidence finan-cière négative du roulement sur le chiffred’affaires pourrait être substantielle. Pourune entreprise dont le salaire moyen desemployés est 40 000 $ et dont le taux deroulement est de 3 p. 100, par exemple, lescoûts seraient de 1,2 million de dollars. Etune réduction d’un demi-pour cent seule-ment du taux de roulement entraînerait deséconomies de 200 000 $. Ces chiffresdémontrent assez clairement que les entre-prises auraient tout à gagner en investissantdans des moyens qui leur permettraientd’améliorer la rétention du personnel!

Facteurs de motivation et dedémotivation des employés

Pour comprendre les facteurs sous-jacentsde la rétention du personnel, il est utile de

revoir une étude classique menée par Fre-derick Herzberg en 1968 dont les résultatsont été revus par le Harvard BusinessReview. Herzberg a cerné les facteurs intrin-sèques de la motivation des employés telsque la réussite, la reconnaissance de la réus-site, le travail lui-même, la responsabilité, lacroissance et l’avancement; et les facteursextrinsèques tels que la politique et l’ad-ministration de l’entreprise, la supervision,les relations interpersonnelles, les condi-tions de travail, le salaire, la situation et lasécurité. Il a découvert que non seulementles facteurs qui engendraient la satisfactionau travail étaient distincts de ceux quiétaient à l’origine de l’insatisfaction, maisque les facteurs intrinsèques (ou de motiva-tion) étaient à la base même de la satisfac-tion tandis que les facteurs extrinsèques (oude démotivation) étaient à la base même del’insatisfaction. Il est important de com-prendre, puisque ces facteurs sont distincts,que la satisfaction et l’insatisfaction ne sontpas des contraires. Le contraire de la satis-faction au travail n’est pas l’insatisfactionmais plutôt l’absence de satisfaction; et, defaçon analogue, le contraire de l’insatisfac-tion n’est pas la satisfaction, mais l’absenced’insatisfaction. En d’autres termes, c’est laprésence des facteurs de démotivation (insatis-faction) ET l’absence des facteurs de motiva-tion (absence de satisfaction) qui incitent lesemployés à quitter le navire.

Sans entrer dans les détails de l’étudeHerzberg, les faits suivants pourraient êtreutiles.• Les deux premiers facteurs de motivation

menant à la satisfaction au travail sont lesentiment de réussite et la reconnaissancede cette réussite.

• Les deux premiers facteurs dedémotivation menant à l’insatisfaction autravail sont les politiques et uneadministration bureaucratiques etinjustes de l’employeur ainsi que la piètresupervision.

• Le salaire est un facteur extrinsèque : parconséquent, un salaire moyen ougénéreux n’engendre pas la satisfaction,mais bien l’absence d’insatisfaction. Unsalaire insuffisant, par ailleurs, se traduitpar une insatisfaction au travail. Mêmes’il est un facteur extrinsèque, le salairevient au cinquième rang dans la liste,après les politiques et l’administration del’entreprise, la qualité de la supervision,les rapports avec le superviseur et les con-ditions de travail.

• Les employés interrogés dans douzeétudes différentes au cours de l’examen(et d’études subséquentes menées entre1968 et 2003), provenaient d’une grandevariété d’industries, occupaient dif-férentes catégories d’emplois, compre-naient des superviseurs de premierniveau, des femmes professionnelles, desadministrateurs agricoles, des gestion-naires masculins sur le point de prendreleur retraite, du personnel d’entretiend’hôpitaux, des superviseurs dans desmanufactures, des infirmières, des pré-posés à la manutention des aliments, desofficiers militaires, des ingénieurs, des

Rétention et taux de roulement dupersonnel : Les motifs réels de la

décision de partir ou de rester

Merge Gupta-Sunderji

Merge Gupta-SunderjiConférencière professionnelle, auteure, commenta-trice à la radio et consultante en formation, MergeGupta-Sunderji aide les membres d’organisations àdevenir de meilleurs communicateurs et leaders. Pen-dant plus de 14 ans, elle a occupé divers postes dedirection au sein de l’une des entreprises pétrolières etgazières les plus connues du Canada, et elle a dirigé leconseil d’administration d’une coopérative de créditpendant trois ans. Sa chronique Savoir-être paraîtrégulièrement dans CGA Magazine, en anglais et enfrançais. Mme Gupta Sunderji présente des outilsconcrets et pratiques pour aider les gens à communi-quer et à travailler avec leurs employés et leurs col-lègues. Elle allie réalisme et humour avec originalité,pour inspirer et divertir ses auditoires et les inciter àpasser à l’action! Dans le cadre de son travail, elle vi-site des entreprises et participe à des conférences auCanada, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Vouspouvez communiquer avec elle par l’entremise de sonsite Web (www.mergespeaks.com) ou par téléphoneau (416) 629-4453.

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scientifiques, des aides ménagères, desenseignants, des techniciens, des mon-teuses, des comptables, des contremaîtresfinnois et des ingénieurs hongrois.

Éliminez les facteurs de démotivation et lesfacteurs de motivation combleront le vide

Fait intéressant, de nombreuses étudesrécentes ont démontré que gérer dans l’op-tique de réduire les facteurs de démotiva-tion est souvent meilleur marché et plusefficace que gérer dans l’optique d’accroîtreles facteurs de motivation; et que réduire lesfacteurs de démotivation se traduit souventindirectement par une augmentation desfacteurs de motivation. Il s’ensuit par con-séquent que les entreprises devraientobtenir un meilleur rendement sur leurinvestissement en cherchant d’abord à élim-iner les facteurs de démotivation pourensuite stimuler la création de facteurs demotivation. Malheureusement, la plupartdes modèles de gestion traditionnels font lecontraire en ciblant davantage la créationde facteurs de motivation au lieu d’éliminerles facteurs de démotivation.

Les trois grands facteurs de motivationintrinsèques sont la réussite, la reconnais-sance de la réussite et le travail lui-même; lestrois grands facteurs de démotivation extrin-sèques sont les politiques et l’administrationbureaucratiques des entreprises, la piètresupervision et de mauvais rapports avec lesuperviseur. Ce qui est important ici c’estque les six grands critères évoqués par lesemployés lorsqu’ils se demandent s’ilsdoivent rester ou partir sont des éléments àl’égard desquels un bon chef (qu’il s’agissed’un superviseur ou gestionnaire officiel oud’un mentor) peut exercer un contrôle. Leschefs exercent une influence directe sur lesentiment de réussite d’un employé, lareconnaissance de cette réussite, la structureet le contenu de l’emploi, les techniques desupervision et les rapports avec les employés.Ils exercent également une influence et uncontrôle partiels sur la bureaucratie associéeaux politiques et à l’administration de l’en-treprise au moins dans la mesure où ils peu-vent protéger leurs employés contre le pleineffet de telles politiques.

Bref, la rétention et le roulement du per-sonnel relèvent du contrôle direct des chefsde l’organisation (ou de la division ou duser-vice). Et bien que cibler la réussite, lareconnaissance et la structure/le contenu de

l’emploi donne de bons résultats, il estbeaucoup plus efficace de réduire les fac-teurs de démotivation en améliorant lestechniques de supervision et les rapportsavec les employés, et en réduisant la bureau-cratie associée aux politiques de l’entreprise.En fait, améliorer les techniques de supervi-sion et les rapports avec les employés touten réduisant la bureaucratie se traduira, pardéfaut, par une augmentation des facteursde motivation également.

Passez aux actesAlors, comment un bon gestionnaire

peut-il réduire les facteurs de démotivationafin de garder ses employés? Il existeplusieurs solutions, et il est probable qu’au-cune d’entre elles ne vous surprendra. Enfait, plusieurs sont si évidentes qu’en leslisant vous serez peut-être tenté de vous dire: « Ouais. Je le savais. » Si c’est le cas, jevous encourage à vous poser la questionsuivante. « Oui, je le sais peut-être, maisest-ce que je les mets en pratique? » Mal-heureusement, bon nombre d’entre noussavons ce que nous devrions faire, mais nousne savons pas toujours comment donnersuite à nos bonnes intentions. Il nous arrivesouvent de lâcher pied lorsque vient letemps de passer aux actes. Comme vous leconstaterez à la lecture du reste de cet arti-cle, je vous propose plusieurs tactiques pra-tiques et précises pour améliorer vos tech-niques de supervision et vos rapports avecvos employés, et pour simplifier vos pra-tiques administratives. Je vous invite àréfléchir sur ce que vous allez faire en vued’en mettre quelques-unes en pratique. Etnaturellement, la prime imprévue pourraitêtre la réduction des facteurs extrinsèquesde la démotivation et l’augmentation desfacteurs intrinsèques de motivation.

Tactique no 1 : Définissez les objectifsUne des caractéristiques fondamentales

d’une bonne supervision est l’établissementd’objectifs biens définis clairement compriset acceptés par les troupes. Aucun employéne devrait avoir à demander ce que l’onattend de lui. Une des meilleures façons debien faire comprendre les objectifs consiste às’assurer que ces objectifs et lesresponsabilités dont ils sont assortis sontconstamment visibles et que les progrès sontsuivis afin que le personnel puisse voir où ilse dirige et ce qui reste à faire. Vous pourriez

par exemple publier vos objectifs et attentesdans le bulletin de l’entreprise; épingler desaffiches sur le tableau d’affichage dans lessalles où les employés prennent leurs pauses;exposer votre énoncé de mission dans tousles postes de travail; et discuterrégulièrement des objectifs avec lepersonnel. Les avantages sont doubles :lorsque les objectifs sont établis etmaintenus, les employés sont témoins desréussites et ont le sentiment d’être reconnus.Voyez-vous comment mettre l’accent sur laréduction des facteurs de démotivation (enl’occurrence, en améliorant les techniquesde supervision) se traduit par la création defacteurs de motivation?

Tactique no 2 : Créez un sentiment de raison d’être

Une autre caractéristique d’un bon chefconsiste à aider les employés à comprendreleur rôle dans l’ensemble du tableau.

Permettez-moi de vous donner un exem-ple. À titre de conférencier et d’encadreurprofessionnel, je visite des centaines de villespour prononcer des discours ou donner desséminaires. Malheureusement, je passe beau-coup de temps dans les aéroports, normale-ment en train de courir pour attraper un volque je rate invariablement à cause d’unemauvaise correspondance ou à attendre leprochain vol. Il m’arrive souvent d’avoiraffaire avec des employés surmenés dont laqualité du service baisse au fur et à mesurequ’avance la journée. Bref, ils sont de mau-vaise humeur et, par conséquent, pas faciled’approche dans bien des cas. Arrivé finale-ment à ma destination, il m’arrive trop sou-vent de manger des repas mal préparés outrop cher, puis de dormir dans un lit incon-fortable. En un mot, la mauvaise humeurs’installe et j’ai de la difficulté à voir la vied’un bon œil! Voici ma question – aimeriez-vous faire mon travail après avoir entenducette description? J’ai bien l’impression quebon nombre d’entre vous répondriez «Absolument pas. Je ne veux rien savoir. Vouspouvez le garder votre emploi! »

Je vous invite maintenant à réfléchir surcette autre description de mon travail. À titrede conférencier et d’encadreur professionnel,je visite des centaines de villes pour pronon-cer des discours ou donner des séminaires.J’aide les gens à optimiser leurs résultats àtitre de particulier et de membre d’uneéquipe en leur proposant des outils précis et

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pratiques pour communiquer et travailler plus efficacement avec leursemployés et collègues. Je divertis les gens, les regonfle, les engage et lesinspire en leur donnant la confiance et les connaissances non seule-ment pour gérer des situations potentiellement difficiles, mais égale-ment pour amener les autres vers la réussite professionnelle et person-nelle. Voudriez-vous de mon emploi après cette description? Je croisque la réponse serait oui pour plusieurs parmi vous. La regrettablevérité toutefois est que les deux descriptions sont vraies! Tous lesemplois ont leur part d’éléments négatifs, et je vous en ai énuméréquelques-uns dans la première description. Qu’à cela ne tienne, si lesemployés n’ont aucune notion de leur rôle dans l’entreprise (ma deux-ième description), les éléments négatifs peuvent l’emporter sur le resteet engendrer la démotivation. C’est la deuxième description qui définitma raison d’être et qui me permet de composer avec les aspects néga-tifs de mon travail.

Créer une raison d’être favorise le travail d’équipe et fait naître unsentiment de fierté. Aidez les employés à comprendre la raisond’être de leurs emplois et pourquoi leurs postes sont importantspour l’entreprise. Commencez par leur poser la question puis aidez-les à trouver les réponses eux-mêmes. Lorsqu’ils auront compris laraison d’être de leur emploi et de celui de leurs collègues et com-ment fonctionne l’organisation en vue de réaliser la mission de l’en-treprise, non seulement les facteurs de démotivation s’estomperont,mais les facteurs de motivation feront surface.

Tactique no 3 : Habilitez vos employésLorsque vous habilitez vos employés, vous établissez de meilleurs

rapports avec eux et vous leur permettez d’assumer la responsabilitéde simplifier les activités et l’administration de l’entreprise. Lorsquevous autorisez vos employés à agir, vous créez chez-eux un senti-ment de fierté et d’appartenance. Attribuez la paternité d’une tâcheassortie des ses responsabilités à un employé afin de lui permettre del’accomplir. Par exemple, si vous voulez créer une meilleuremachine, adressez-vous aux employés qui utilisent celle que vousavez. Laissez-les trouver la façon de l’améliorer. Montrez-leur où setrouve le coffre à outils et laissez-les faire. Dans la mesure du possi-ble, même si ce n’est qu’à l’intérieur de votre cercle d’influence,élimez les règlements et la bureaucratie, et laissez les employés seservir de leur propre jugement pour atteindre un objectif.

Essayez ceci. Lorsque votre entreprise ou service est confronté àun problème, envoyez un courriel ou des fiches signalétiques à tousles employés en les invitant à suggérer des façons de le régler. Vouspourriez être étonné de la source de vos meilleures solutions. À toutle moins, vous leur ferez sentir qu’ils font partie de l’équipe et quevous appréciez leurs opinions. Encore mieux, laissez l’employé ou leservice ayant proposé la meilleure solution la mettre en œuvre en luidonnant la liberté et les ressources nécessaires pour accomplir le tra-vail. L’autonomie inspire la motivation personnelle et renforce laconfiance en soi. Autoriser les employés à donner suite à leurs idéesleur inculquera un sentiment profond de réalisation. Vous verrezalors le taux d’insatisfaction chuter et le taux de sa-tisfaction mon-ter en flèche!

Tactique no 4 : Apprenez à connaître vos employésCelle-ci est facile! Si vous voulez établir d’excellents rapports avec

vos employés, le mieux que vous puissiez faire c’est d’apprendre à les

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connaître. Et je veux dire ne pas vous lim-iter au travail. Intéressez-vous à ce qu’ilsfont en dehors des heures de travail, à qui ilssont vraiment, leur nom, leur âge et l’âge deleurs enfants, leur animal de compagnie,leurs passe-temps, leurs intérêts. Certainsme diront qu’ils ne sont pas vraimentintéressés à créer des liens avec leursemployés en dehors des limites du travail –je ne vous demande pas d’aller au restaurantavec eux, mais simplement d’en apprendredavantage à leur sujet. Non seulement celavous aidera à mieux les comprendre, maisvous contribuerez à améliorer leur estime desoi et leur confiance en soi. Je connais uncadre supérieur qui prend note des ren-seignements personnels au sujet de chacunde ses 300 employés – ainsi lorsqu’il ren-contre le contremaître dans l’atelier, il peuttout de suite établir un lien en lui deman-dant comment son fils s’en est tiré dans ledernier tournoi de hockey. Inutile de direque ses 300 employés l’aiment énormé-ment, et même s’ils ne sont pas toujoursd’accord avec ses décisions, ils le respectentparce que leurs rapports avec lui sontfondés sur autre chose que simplement letravail.

Tactique no 5 : Communiquez, communiquez, communiquez

Je travaille dans le domaine de la consul-tation depuis bientôt quinze ans maintenantet je n’ai encore jamais rencontré d’organisa-tion qui créait de la bureaucratie pour lesimple plaisir de le faire. Chaque fois, sansexception, les politiques et procédures misesen place visaient à gérer une fonction ou uneactivité légitime de l’organisation. Mal-heureusement, dans bien des cas, ces nou-velles procédures étaient perçues par lesmembres de l’organisation comme de la «bureaucratie », et combien de fois ai-jeentendu des commentaires comme « Encoreune fois, le siège social nous impose desnouvelles règles qui n’ont aucun sens! » Ilarrive que de telles mesures soient perçuescomme des « chinoiseries administratives »parce que la logique de la décision à leurorigine échappe aux employés ou tout sim-plement parce que personne n’a songé àexpliquer leur raison d’être aux employés.

Permettez-moi de vous donner un exem-ple. Il y a plusieurs années, une organisationpour laquelle je travaillais a adopté pour sesusines de nouvelles règles qui autorisaient le

personnel de sécurité à demander auxemployés de soumettre leurs sacs à uneinspection en arrivant ou en partant. C’étaitbien avant les actes de terrorisme du 11 sep-tembre, à une époque où l’inspection dessacs n’était pas pratique courante. Le per-sonnel a été horrifié. « On viole ma vieprivée » et « On ne me fait pas confiance »sont quelques-uns des commentaires enten-dus, et le moral a commencé à chuter. C’estparce que personne n’avait expliqué auxemployés les motifs de ces nouvellesmesures. Heureusement, les dirigeants del’entreprise se sont rapidement renduscompte de leur erreur et les gestionnairesindividuels ont pris le temps d’expliquer auxemployé qu’un employé dans une autreusine avaient volé des outils graduellementsur une période de six mois et que la policeet les enquêteurs avaient recommandé lesmesures en question. Les changements n’ontpas fait l’unanimité chez les employés, loins’en faut, mais ils savaient maintenant aumoins pourquoi, et leur irritation a diminué.

Lorsque vous prenez le temps de commu-niquer avec vos employés et de discuter aveceux les rapports ne peuvent que s’améliorer.Encore mieux, ils pourraient vous suggérerde nouvelles approches pour simplifier lesprocédures administratives encore plus quevous ne l’auriez cru possible.

Un autre aspect de la communication quidonne de bons résultats consiste à fournirune rétroaction opportune et constructiveaux employés. N’importe quel ouvrage trai-tant de la gestion vous dira que fournir de larétroaction utile fréquemment aux gens quitravaillent pour vous est la marque d’unebonne supervision. Les gens veulent qu’onleur dise s’ils sont appréciés et ils ont besoinde l’entendre plus souvent qu’une fois oudeux par année dans le cadre de la l’entrevueobligatoire sur le rendement. En fait, enrègle générale, un employé devrait recevoirde la rétroaction (positive ou négative) dansles 24 heures suivant un évènement. Pardéfaut, il ne devrait donc pas y avoir de sur-prise durant l’entrevue périodique sur le ren-dement puisque l’employé aurait dûrecevoir la rétroaction bien avant. La discus-sion sur le rendement devrait uniquementservir à revoir les points qui ont déjà étésoulevés auprès de l’employé. Si un employéest sidéré par ce que vous avez à lui diredurant l’entrevue, vous saurez qu’il y amanque de communication ou que les com-

munications ne sont pas assez fréquentes.Communiquer avec les employés prend

du temps, mais ce n’est pas du temps perdu.Cela améliore la qualité de votre supervi-sion et des rapports avec votre personnel, etsimplifie les procédures administratives. End’autres termes, la communication réduitles facteurs de démotivation extrinsèquestout en augmentant les facteurs de motiva-tion intrinsèques. Commencez-vous à voirle scénario qui se répète?

Tactique no 6 : Écouter intensémentUn mentor et ami que je respecte m’a

déjà dit : « Nous avons deux oreilles et unebouche pour une raison. Nous devonsécouter deux fois plus que nous parlons. »Rien ne contribue à tisser des liens autantqu’une oreille attentive, et cela vaut dans lavie de tous les jours et dans vos rapportsavec vos employés. La nature humaine estfaite de façon telle qu’il nous arrive souventde nous empresser de répondre à une inter-vention (normalement avec la bonne inten-tion de venir en aide); malheureusement, ilserait préférable de nous contenter d’é-couter. Notre interlocuteur ne cherche pasnécessairement une solution à son pro-blème ou dilemme; il est simplement à larecherche d’une oreille attentive.

Si vous vous reconnaissez comme n’étantpas un bon écouteur, ne désespérez pas.Écouter est une technique qui s’acquiert, etvous pouvez apprendre à mieux écouter.Pratiquez l’exercice suivant. Ouvrez la radioou la télévision, et trouvez une station ouun poste qui diffuse un discours ou undébat qui ne vous intéresse pas du tout. Don-nez-vous cinq minutes au minuteur aucours desquelles vous devez vous obliger àécouter l’intervenant. Chaque fois que vousconstatez que vous vous êtes laissez dis-traire, ramenez votre esprit à l’intervenant.Plus vous ferez l’exercice, plus vous vousaméliorerez. C’est promis.

Écoutez intensément. Ouvrez votre espritaux suggestions de vos employés et, plusimportant encore, encouragez tous lessecteurs à participer. Non seulement vouscréerez de meilleurs rapports, mais vousrecevrez des renseignements précieux ausujet de ce qui fonctionne ou non et desaméliorations qui pourraient être apportéesau service ou à l’entreprise. Si vous mettezcette tactique en pratique vous atteindrezen prime l’objectif de la tactique no 4, soit

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RÉTENTION ET TAUX DE ROULEMENT DU PERSONNEL

apprendre à mieux connaître vos employés en les écoutant attentive-ment.

Tactique no 7 : Célébrez vos réussitesJ’ai eu l’occasion de constater beaucoup trop souvent que nous ne

prenons pas le temps de célébrer nos réalisations. Pourtant, je n’aijamais rencontré de patron qui trouvait que les réalisations de l’organ-isation et des employés ne méritaient pas d’être soulignées. En fait, ilsagissent toujours avec la meilleure des intentions. Toutefois, KarlMarx a dit que « L’enfer est pavé de bonnes intentions ». La tristevérité est que nous ne prenons par le temps de nous arrêter. Sitôt unprojet terminé, nous nous lançons dans le suivant. Nous n’avons toutsimplement pas le temps de célébrer, à moins naturellement de pren-dre le temps.

Voici pourquoi vous ne devriez pas hésiter à célébrer : cela crée debonnes relations de travail, c’est une bonne pratique administrative, etsi vous célébrez l’élimination d’une tâche inutile, cela encourage lesgens à en faire autant. En d’autres termes, cela réduit les trois princi-paux facteurs extrinsèques de démotivation dont nous discutonsdepuis le début. Et c’est peut-être aussi devenu, non surprenant, unfacteur intrinsèque de motivation puisque les réalisations desemployés sont reconnues.

Voici quelques idées : Dites merci verbalement. Dites merci parécrit (un courriel suffit). Demandez à un cadre supérieur de dire merciverbalement ou par écrit. À la prochaine réunion, invitez tous les par-ticipants à se vanter pendant une ou deux minutes d’une réalisationdont ils sont parti-culièrement fiers. Réservez un mur où afficher lesréussites : un tableau d’affichage pour y épingler des photos et deslégendes un peu bizarres soulignant des faits qui valent la peine d’êtrecélébrés. Commandez de la pizza ou des sandwichs pour tout lemonde. Apportez des beignes et des muffins pour célébrer une étapeimportante d’un projet. Je crois que vous avez compris! J’espère quevous aurez constaté que célé-brer n’exige pas un budget énorme (mêmesi avancer de l’argent à l’occasion ne fait pas mal).

En conclusionLe roulement peut engendrer des coûts énormes. Et dans une

économie où les employés insatisfaits de leur situation peuvent facile-ment trouver autre chose ailleurs, la perte financière risque d’être sub-stantielle. Ne perdez toutefois pas de vue où commence la responsabil-ité : chez les dirigeants de l’organisation (division ou service) qui peu-vent exercer un contrôle direct sur la rétention ou le roulement. Ilsexercent un contrôle direct sur les techniques de supervision et les rap-ports avec les employés. Et ils exercent au moins un contrôle partielsur la bureaucratie associée aux politiques et à l’administration de l’en-treprise. Ils ont également la possibilité d’influer sur le sentiment deréalisation d’un employé et sa reconnaissance ainsi que sur la structureet le contenu d’un emploi. Si vous occupez un poste de direction ausein de votre organisation, faites-vous ce que vous devez faire pourgarder vos employés ou les envoyez-vous chez vos concurrents parinadvertance? Je vous ai fourni quelques trucs pour garder vosemployés. C’est à vous de les mettre en pratique. J’attends de vos nou-velles pour me dire comment vous vous en tirez. ■