“répondre aux exigences sociales de la mondialisation” e la gestion des … · 2015-03-24 ·...

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LETTRE N° 19 JUIN 2014 “Répondre aux exigences sociales de la mondialisation” Trop souvent, les politiques sociales et de gestion des ressources humaines sont conçues pour maîtriser les différents risques liés à l’activité professionnelle et à l’emploi de leurs collaborateurs : les risques professionnels en matière d’hygiène, de santé et de conditions de travail ; les risques économiques en termes de précarité, d’employabilité et gestion prévisionnelle des compétences ; les risques juridiques attachés aux contraintes législatives et réglementaires introduites au fil du temps sur l’emploi des seniors, l’égalité professionnelle et les plans sociaux ; et plus récemment, les risques d’image et de réputation en matière de responsabilité sociale et sociétale. Pourtant, si l’on raisonne en termes de performance, la gestion des risques ne concerne qu’une toute petite partie de l’iceberg des gains possibles. En effet, les travaux, conduits par l’Observatoire Social International montrent chaque jour davantage que les politiques de bien-être au travail accroissent l’engagement des salariés qui va de pair avec leur efficacité professionnelle et la satisfaction des clients. La qualité de vie au travail ne réduit pas seulement les risques psychosociaux, elle renforce la qualité des produits, elle favorise le développement de l’innovation et de la créativité. Dans un autre domaine, une gestion véritable et pertinente de la diversité conduit à faire émerger des pratiques plus coopératives au sein de l’entreprise, qui favorisent l’intelligence et l’efficacité collective. Un management plus participatif permet que le développement du digital se traduise effectivement par une performance accrue. Ce souci de la performance, aiguisée par la concurrence internationale, conduit donc à repenser la gestion du capital humain pour passer à des politiques de développement humain. Il s’agit de prendre en compte les potentialités intrinsèques de chacun des collaborateurs, la globalité de leur personne, elle-même en devenir, et le capital social des collectifs de travail. La recherche de l’excellence sociale pour elle-même devient ainsi un préalable de plus en plus incontournable pour produire de la valeur, satisfaire les clients, innover et assurer le développement international de l’entreprise. La performance sociale est un facteur de plus en plus essentiel pour la performance globale de l’entreprise, y compris pour sa performance financière. Les émissions de « green bonds » qui viennent d’être émises sur les marchés financiers par plusieurs entreprises en témoignent particulièrement. Tels sont les principaux enseignements que tire l’OSI de ses travaux les plus récents sur le capital humain et sur les dimensions socialement responsables qu’exige le développement international des entreprises. Dans des contextes différents, les mêmes enjeux sont posés au Maroc, au Brésil, au Chili et en Chine, pays dans lequel plusieurs partenaires viennent de créer l’OSI-Chine. La déclaration sur la responsabilité sociale et la gouvernance des entreprises qu’ils ont rendue publique, montre combien la prise en compte des exigences écologiques, la qualité du management et la prise en compte du vieillissement sont perçues comme des exigences incontournables en termes de performance et de compétitivité. Muriel Morin, Président de l' OSI D e la gestion des risques à la recherche de performance

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LETTRE N° 19 ■ JuiN 2014“ Répondre

aux exigences sociales de la mondialisation”

Trop souvent, les politiques sociales et de gestion des ressources humaines sont conçues pour maîtriser les différents risques liés à l’activité professionnelle et à l’emploi de leurs collaborateurs : les risques professionnels en matière d’hygiène, de santé et de conditions de travail ; les risques économiques en termes de précarité, d’employabilité et gestion prévisionnelle des compétences ; les risques juridiques attachés aux contraintes législatives et réglementaires introduites au fil du temps sur l’emploi des seniors, l’égalité professionnelle et les plans sociaux ; et plus récemment, les risques d’image et de réputation en matière de responsabilité sociale et sociétale.Pourtant, si l’on raisonne en termes de performance, la gestion des risques ne concerne qu’une toute petite partie de l’iceberg des gains possibles. En effet, les travaux, conduits par l’Observatoire Social International

montrent chaque jour davantage que les politiques de bien-être au travail accroissent l’engagement des salariés qui va de pair avec leur efficacité professionnelle et la satisfaction des clients. La qualité de vie au travail ne réduit pas seulement les risques psychosociaux, elle renforce la qualité des produits, elle favorise le développement de l’innovation et de la créativité.Dans un autre domaine, une gestion véritable et pertinente de la diversité conduit à faire émerger des pratiques plus coopératives au sein de l’entreprise, qui favorisent l’intelligence et l’efficacité collective. Un management plus participatif permet que le développement du digital se traduise effectivement par une performance accrue. Ce souci de la performance, aiguisée par la concurrence internationale, conduit donc à repenser la gestion du capital humain pour passer à des politiques de développement humain. Il s’agit de prendre en compte les potentialités intrinsèques de chacun des collaborateurs, la globalité de leur personne, elle-même en devenir, et le capital social des collectifs de travail.La recherche de l’excellence sociale pour elle-même devient ainsi un préalable de plus en plus incontournable pour produire de la valeur, satisfaire les clients, innover et assurer le développement international de l’entreprise. La performance sociale est un facteur de plus en plus essentiel pour la performance globale de l’entreprise, y compris pour sa performance financière. Les émissions de « green bonds » qui viennent d’être émises sur les marchés financiers par plusieurs entreprises en témoignent particulièrement.Tels sont les principaux enseignements que tire l’OSI de ses travaux les plus récents sur le capital humain et sur les dimensions socialement responsables qu’exige le développement international des entreprises. Dans des contextes différents, les mêmes enjeux sont posés au Maroc, au Brésil, au Chili et en Chine, pays dans lequel plusieurs partenaires viennent de créer l’OSI-Chine. La déclaration sur la responsabilité sociale et la gouvernance des entreprises qu’ils ont rendue publique, montre combien la prise en compte des exigences écologiques, la qualité du management et la prise en compte du vieillissement sont perçues comme des exigences incontournables en termes de performance et de compétitivité.

Muriel Morin, Président de l' OSI

D e la gestion des risques à la recherche de performance

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ACTIVITÉS DES DÉLÉGATIONSAmérique LAtine

1 - Le Chili en marche sur des chemins soutenables ? A la recherche d’un environnement responsable ».

L’OSI se développe en Amérique LatineAu BrésilLors de sa mission conduite en mai 2014 à Rio, l’Observatoire Social international a rencontré les responsables de l’institudo da Criança (institut de l’enfance), une association qui recueille des fonds d’entreprise pour financer des projets éducatifs et sociaux, ainsi que des membres du comité paralym-pique belge préparant les prochains jeux du Roi, la Direction de Tractebel Energia et le représentant de la branche Energie Services du groupe GDF Suez au Brésil. Tous ont indiqué leur intérêt pour contribuer au développement de l’OSi au Brésil.

Au ChiliLe 15 mai dernier, l’OSi a organisé son troisième symposium international à Santiago du Chili, sur le thème « ¿Chile avanza por caminos sustentables ? En busca de un entorno responsable1 », en parte-nariat avec le bureau OiT de Santiago du Chili. Trois tables rondes ont réuni des panelistes de talents

sur des sujets très actuels : l’acceptabilité sociale et le dialogue avec les communautés locales pour les projets énergétiques et miniers, l’intégration de cri-tères extra financiers en matière d’investissement responsable et le renforcement de la place des femmes dans les entreprises.

Javiera Blanco, Ministre du Travail et de la Prévision sociale, et Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, ont introduit le séminaire qui a réuni plus de cent per-sonnes, responsables d’entreprises, syndicalistes et responsables d’institutions sociales et d’associa-tions.

L’OSi publiera sur son site internet les actes de ce séminaire et la prochaine lettre de l’OSi rendra compte plus précisément des débats. Suite à ce symposium, une équipe opérationnelle associant les différents partenaires de l’OSi au Chili (GDF Suez, Vigeo, Mujer Opina, Bureau de l’OiT, Eurochile,…) s’est mise en place pour organiser la réflexion et les initiatives de l’OSi sur les trois thèmes abordés lors du séminaire.

Premier plan de droite à gauche : Mme Michelle Bachelet, Présidente du Chili , M. Gérard Mestrallet, Président Directeur Général de GDF Suez, et Mme Muriel Morin, Présidente de l'OSI. Au deuxième plan : M. Juan Claveria, Directeur Général de GDF Suez au Chili.

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Création de l'OSI-Chine

Le 30 mai 2014, en partenariat avec l’ins-titut de l’Audit Social, l’OSi, Sciences Po Chine, Orange, GDF Suez et Lan Bao Yang investment Management ont créé l’OSi-Chine à Pékin. Ces partenaires ont rendu publique une déclaration commune (donnée ci-après) annonçant la création d’une plate-forme de dialogue et d’échange sur la res-ponsabilité sociale des entreprises et sur la gouvernance d’entreprise.

ils appellent les entreprises présentes en Chine à les rejoindre et à contribuer aux groupes de travail qui vont se constituer sur la lutte contre la pollution et sur les liens entre performance sociale et gouvernance d’entreprise. David Wei, représentant de Sciences Po Chine à Pékin, coordonnera les activités de l’OSi-Chine.

ACTIVITÉS DES DÉLÉGATIONS

M. Marc Deluzet , Délégué général de l'OSI et M. Du Jianhua, Vice Président de Lenovo.

Mme Muriel Morin, Présidente de l'OSI, M. Shiwei Wu, Sciences Po Chine, et M. Jun Wang, Lan Bao Yang Investment Management.

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POUR UNE RESPONSABILITÉ SOCIALE AU SERVICE DE LA PERFORMANCE

服务于绩效的社会责任Déclaration commune d'entreprises en Chine

在中国的企业共同宣言

La concurrence internationale, les défis posés par la pollution et le réchauffement climatique, l’exigence grandissante des gouvernements et des popula-tions pour bâtir la croissance économique sur le développement de leur territoire, conduisent les entreprises internationales à rechercher un mode de développement qui articule performance écono-mique, respect de l’environnement et performance sociale partout où elles interviennent. Elles sont amenées à développer des stratégies de responsa-bilité sociale orientée vers la performance globale, le développement des territoires et l’innovation sociétale.国际竞争,环境污染和全球气候变暖所带来的挑战,各国政府的发展及以及不停的人口增长带来的各国自身发展所需要的经济增长的需求 ,要求国际企业在进驻国家或地区寻求一种能够衔接自身经济绩效需要以及对环境的保护和维护社会稳定的方式。因此,这些国际企业们需要发展一种综合总体绩效,地方发展和社会创新的新型社会责任战略。

Dans cette perspective, des outils de reporting, des référentiels, des systèmes de notation émergent à l’échelle mondiale. Au sein des différents continents, des politiques publiques et des règlementations se mettent en place, en respectant les histoires et les cultures spécifiques aux différentes régions. Au sein des territoires, ces dispositifs bousculent les missions des entreprises, leur gouvernance et leur rapport à leur environnement physique et social.在这样一种展望下,相应的企业社会责任报告工具,参考标准及评价系统在全球范围内开始展现。在不同大洲的不同国家,在基于尊重当地历史和特殊文化的前提下,政府制定并实施了相关的公共政策和法规,这些部署也因此改变并推动了企业的治理工作与使命,以及它们与社会和环境的关系 。

Les entreprises chinoises n’échappent pas à ces défis, qu’elles soient d’origine étrangère ou qu’elles appartiennent à des investisseurs chinois. L’ouverture économique promise et engagée par les nouveaux responsables politiques va encore accé-lérer les changements et exiger de la part des diri-

geants d’entreprises, une véritable réflexion sur la conception qu’ils se font de la responsabilité sociale de leurs entreprises et de leur gouvernance.在中国的企业也不能逃避这些挑战,不论他们是外资企业还是本土型企业。新的政府领导对于经济开放的承诺将继续加快商界领袖对于社会责任理念和企业治理的转变和需求的思考。

Connaître les meilleures pratiques, établir des par-tenariats pour anticiper les évolutions, construire des perspectives communes, représentent des axes d’action très importants aujourd’hui. C’est dans cet esprit, qu’à l’initiative de l’Observatoire Social international (OSi), l’institut de l’Audit Social (iAS), Sciences Po Chine, les responsables d’entre-prises signataires souhaitent contribuer à bâtir une plate-forme d’échanges et d’initiatives sur les sujets suivants :分享那些最佳的实践经验,建立合作伙伴关系,预测新的趋势,构筑共同的理念是当前行动的主线。基于此点的考虑,国际社会观察协会(OSI),国际社会审计协会(IAS),Sciences Po Chine以及其他签署本宣言的企业共同倡议构建一个希望有助于交流以下倡议议题的平台:

•Quelmodèlederesponsabilitésociétaleadaptéeàla société chinoise aujourd’hui ?•Quels modes de gouvernance pour l’entreprise

chinoise demain ?•Quelle articulation entre performance écono-

mique, financière et performance sociale ?•Commentmobiliserlesdifférentsacteursdel’en-

treprise (dirigeants, managers, salariés) ?•Quellesmodalitéspourlereportingetl’auditsocial

en Chine ?

•什么样的社会责任模式能适应当今的中国社会?

•明日的中国企业适合何种治理模式?

•什么是经济,金融绩效与社会绩效之间的联系?

• 如何调动公司的各种利益相关者(领导,管理层,员工)?

•在中国运用何种形式的社会报告和审计程序?

Pékin, le 26 mai 2014.

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RÉFLEXION

Leviers de progrès pour le socialement responsableL’Observatoire Social international travaille depuis sa création sur les questions de responsabilité sociale des entreprises (RSE). La dernière décennie a vu une montée en puis-sance de ce concept dans les plus grandes entreprises, avec le déve-loppement de normes internatio-nales (iSO 26000), la mobilisation de plusieurs organisations internatio-nales (OiT, OCDE, Global Compact), le positionnement plus proactif de l’union européenne en octobre 2011, la croissance d’agences de notation sociale et la mise en place d’une législation en France sur le reporting extra financier.

La crise économique et financière n’a pas véritablement fait reculer les politiques engagées même si celles-ci se sont heurtées à des politiques financières plus restrictives, surtout dans les secteurs les plus bousculés. Elle joue plutôt un rôle divergent en accélérant le développement de politiques RSE dans les entreprises leader et en freinant au contraire les politiques mises en place dans les entreprises en situation plus difficile, sous l’effet de plans de performance liés à des objectifs financiers.

Dans ce contexte, et parce que le concept de RSE a suscité des attentes parmi les clients et les consomma-teurs, la mise en œuvre concrète des engagements RSE est devenue une préoccupation et un sujet prio-ritaire. Depuis la fin 2012, l’OSi a ainsi étudié les freins qui ralentissent la mise en place des politiques de responsabilité sociale dans les entre-prises ainsi que les leviers ou les processus qui pouvaient au contraire en accélérer la réalisation. Plusieurs domaines d’action ont été exami-nés : les politiques d’investissement, les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants, la déclinaison de politiques globales (par exemple une politique de santé-sécurité) dans les unités opérationnelles, la transfor-mation d’un modèle d’affaires à tra-

vers une politique de responsabilité sociale globale.

L’Observatoire a tiré de ces travaux plusieurs enseignements :

il est tout d’abord apparu qu’à quelques exceptions près, les poli-tiques de RSE ont gagné en impor-tance mais restent des politiques périphériques qui ne remettent pas vraiment en cause le modèle d'af-faires de l’entreprise. Tel est le cas des politiques relatives à la diversité, au développement de l’apprentis-sage, à la conciliation de la vie professionnelle et personnelle. C’est d’ailleurs, dans les ETi et les PME, probablement parce que certaines d’entre elles naissent ou se diver-sifient dans le cadre de nouveaux modèles d’affaires, que les politiques de RSE les plus innovantes peuvent être observées.

Ensuite, dans les plus grandes entre-prises, la mise en œuvre des poli-tiques de responsabilité sociale défi-nies centralement reste difficile dans les unités opérationnelles. Elles ne sont pas toujours unifiées dans un ensemble cohérent et constituent des silos dont le débouché dans les unités peut se traduire par un encombrement démobilisateur. Leur concrétisation se fait souvent au prix d’un outil de reporting assez lourd et rarement synthétique, qui prive de sens les acteurs de premier niveau et entre en conflit avec d’autres injonc-tions plus financières, mais aussi plus opérationnelles.

L’obligation de communiquer « Déve- lop pement durable » peut masquer le fond des politiques réellement menées et l’écart entre les politiques affichées et leur réalisation concrète est aussi augmenté par une certaine institutionnalisation des démarches RSE, liée au développement des ser-vices dédiés au reporting et mis en place pour répondre aux agences et méthodes de notation extra finan-cière de plus en plus nombreuses.

Parmi les PME, chez lesquelles on trouve beaucoup de politiques socia-lement responsables qui ne disent pas leur nom, de nombreux labels se développent qui, là aussi, pourraient conduire à ne pas valoriser forcé-ment les plus responsables.

Enfin, la gouvernance du « sociale-ment responsable » au sein de l’en-treprise n’est pas toujours rattachée à une fonction stratégique : elle se déplace d’une direction à l’autre au gré des évolutions organisationnelles menées dans les entreprises. Son caractère périphérique par rapport au modèle d'affaires ne favorise pas, à tous les échelons et dans tous les secteurs de l’entreprise, la recherche d’une articulation pourtant souhai-table entre performance et engage-ment social.

L’enjeu est pourtant celui-là : com-ment l’entreprise doit-elle faire évo-luer l’ensemble de ses fonctionne-ments pour mieux assurer sa res-ponsabilité sociale et gagner ainsi en performance ? C’est dans cette pers-pective que l’Observatoire compte poursuivre ses travaux. Pour cela, l’OSi propose aujourd’hui aux acteurs qui le souhaitent (entreprises, orga-nisations syndicales, experts, uni-versitaires) de travailler à la mise en place d’une dynamique d’enga-gement centrée sur un parti-pris et quatre enjeux prioritaires.

Faire du socialement responsable une préoccupation transverse

Le parti pris est celui de faire pro-gresser le socialement responsable de manière transverse, de façon à ce que la responsabilité sociale de l’en-treprise ne soit pas seulement une politique relevant d’une direction et de certaines équipes chargées de son déploiement mais qu’elle conduise l’ensemble des responsables avec leurs équipes, à :

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•Articulerdansleursdifférentesacti-vités les préoccupations sociales, environnementales et écono-miques,

•Marquer leurs actions, leurs com-portements, leurs pratiques, d’une empreinte sociale et donner du sens à leur métier et à leurs mis-sions,

•Articuler à tous les échelons per-formance du modèle d’affaires et dimension sociale, pour renforcer l’engagement des salariés et le capital de confiance auprès des parties prenantes.

L’enjeu managérial et humain

La prise en compte de l’empreinte sociale des activités de l’entreprise et la mise en œuvre concrète des enga-gements de responsabilité sociale se posent aujourd’hui prioritairement dans les unités opérationnelles, au premier échelon de management. La question des managers de premier niveau représente, en effet, un réel sujet de tensions. ils supportent une pression contradictoire : piloter l’ac-tion immédiate et conduire le chan-gement, ce qui amène des conflits de priorités, et cela sous la contrainte d’un reporting éreintant. Or, chaque personne, dans sa fonction, a un bout de responsabilité sociale à assurer. Ce qui bloque, cependant, c’est la priorité donnée en matière de moyens aux investissements de capacité et technologiques sur l’amé-lioration des modalités du travail et sur l’organisation partagée du travail. C’est aussi en matière d’organisation, la priorité donnée à l’application des consignes sur l’élaboration concertée de nouvelles pratiques profession-nelles.

il y a donc à faire un lien entre la responsabilité sociale et la conduite du changement, dont elle pourrait être une des modalités, car la RSE s’intéresse au temps long. La respon-sabilité sociale serait alors un moyen pour les entreprises d’améliorer leurs processus d’innovation.

Le premier enjeu concerne donc le

domaine managérial et humain qui devrait être partagé entre les respon-sables opérationnels liés au métier et les responsables des ressources humaines, avec comme première urgence les difficultés des managers de proximité.

Cette entrée par les femmes et les hommes permettrait à l’entreprise d’assurer une meilleure transversa-lité des transformations à opérer, de refaire le lien entre sa responsabi-lité sociale et le sens du travail pour les femmes et les hommes qu’elle emploie, leur engagement et le capi-tal de confiance auprès de ses parties prenantes.

Cette entrée permettrait aussi à la fonction Ressources Humaines de se réapproprier les sujets de responsa-bilité sociale, alors qu’elle a souvent contribué à en faire un sujet dédié au lieu d’en faire un sujet transversal permettant de gérer des problèmes humains qui se posent aujourd’hui à l’entreprise, c'est-à-dire intégrant les questions liées aux managers de proximité, au bien-être au travail, à l’accroissement des compétences, à la diversité et à la dimension intergé-nérationnelle, à l’innovation.

La contribution du dialogue social à la prise en compte de cet enjeu est indispensable pour mobiliser l’en-semble des salariés et contribuer à renforcer le capital de confiance de l’entreprise envers ses parties pre-nantes externes. il peut contribuer à mieux articuler la performance éco-nomique et la responsabilité sociale à l’intérieur des différentes fonctions de l’entreprise.

Cette contribution du dialogue social donne à cet enjeu humain et mana-gérial une dimension internationale. En effet, les accords cadres inter-nationaux portent de plus en plus formellement sur les différents cha-pitres de la responsabilité sociale des entreprises : la santé et le bien-être au travail, le lien avec la sous-trai-tance, la gestion des emplois, … Se pose aujourd’hui la question des modalités de leur application et de leur suivi.

L’enjeu partenarial entre donneur d’ordre et fournisseurs au service de la performance

Les relations entre l’entreprise et ses fournisseurs constituent aujourd’hui le domaine qui est le plus interrogé en matière de responsabilité sociale. Les donneurs d’ordre ont tendance à reporter sur leurs sous-traitants des contraintes que ceux-ci ne peuvent assumer.

Cette dynamique est une impasse dans la mesure où la responsabilité du donneur d’ordre est de plus en plus mise en cause en cas d’acci-dent, de qualité ou de manquement à des engagements sociaux. Par ailleurs, le partenariat au sein d’une filière de production s’avère être un élément important de performance et de compétitivité internationale. Enfin, le respect par l’entreprise de sa responsabilité sociale envers ses fournisseurs est un élément central de réduction des inégalités sociales et de progrès au sein de la société.

Transformer les relations de sous-traitance en partenariat suppose de réfléchir aux objectifs de la fonction achats, à ses pratiques et à son empreinte sociale à l’extérieur de l’entreprise. C’est aussi favoriser les pratiques les plus socialement res-ponsables dans le tissu des PME.

une réflexion très novatrice est notamment engagée par le label de la responsabilité sociale, aujourd’hui destiné aux professionnels de la rela-tion client à distance, avec l’objectif de labéliser à la fois des prestataires mais aussi des donneurs d’ordre.

Sur cet enjeu comme sur la pré-cédent, la dimension internationale est de plus en plus présente. Les politiques d’achat responsable pour-ront de moins en moins ignorer les risques encourus en terme d’image par une entreprise pour des manque-ments éthiques chez certains de ses fournisseurs.

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RÉFLEXION

L’enjeu du financement des ETI et PME

Le financement des PME (cotées et non cotées) est un marché très étroit car il est faiblement intermédié par les banques. Or, les pouvoirs publics mettent en place de nouveaux outils pour favoriser le financement des PME, outils qui vont drainer d’impor-tants flux financiers. il va donc y avoir beaucoup d’argent à placer sur un segment étroit et donc aussi beaucoup d’argent à faire en valori-sant certaines PME.

Cette situation va donc peser sur le développement de politiques sociale-ment responsables. Les investisseurs peuvent être tentés de valoriser et de privilégier le financement des entre-prises qui offrent la meilleure renta-bilité à court terme. Mais ils peuvent aussi financer les entreprises les plus responsables, surtout si leurs inves-tissements se font à long terme.

Dans ce second cas, ils vont être à la recherche de critères, de signaux pour évaluer le potentiel à moyen ou long terme de telle ou telle entre-prise. Le développement de labels divers est évidemment une réponse qui s’est enclenchée. Mais elle n’est pas exempte de dérives, dans la mesure où ces outils sont nombreux, très divers et fondés sur quelques éléments peu homogènes d’un label à l’autre, que des entreprises insuf-fisamment vertueuses peuvent être tentées d’acquérir par une démarche peu pérenne.

il y a donc matière à élaborer des repères qui permettront de flécher les flux financiers vers les entreprises les plus responsables socialement et à peser ainsi sur la prise en charge de cette dimension par les entreprises les plus dynamiques.

Cet enjeu conduit évidemment à interroger les pratiques, les objectifs et l’empreinte sociale des acteurs financiers, de façon analogue à la fonction achats, et à introduire de nouveaux critères qui amènent à repenser la façon de concevoir la

valeur d’une entreprise. Cet enjeu a évidemment une dimension euro-péenne et internationale importante : que vaut un label français à l’échelle internationale ?

L’enjeu de la gouvernance et de la valeur de l’entreprise

La prise en charge par l’entreprise de sa responsabilité sociale conduit inévitablement à repenser ses mis-sions sociales, son projet sociétal et son modèle d’affaires. C’est du moins les questions qui sont posées par la communication « grand public » des plus grandes entreprises, à travers les objectifs socialement respon-sables qu’elles annoncent.

La transformation du modèle d’af-faire et la stratégie de l’entreprise supposent d’arbitrer entre des inté-rêts potentiellement différents, entre ceux de ses actionnaires financiers, ceux des territoires dans lesquels elle exerce ses activités, ceux de ses

à LIRE SUR CE THÈME"ISR & Finance Responsable" aux éditions Ellipses, rédigé par :•JacquesBarraux,Journaliste,AncienDirecteurde laRédactiondu journal

Les Echos •JérômeLefevre,Vice-PrésidentNational,CJD•ClémentdeSouza,DéléguéNationalpourleFinancementdesPME,CJD•NicolasMottis,Professeuràl'EssecetChercheurAssociéàl'Ecolepolytech-

nique, Coordinateur de l'ouvrage.Associant experts académiques et praticiens, cet ouvrage offre un panorama des enjeux théoriques et opérationnels du domaine. il pose les termes des débats critiques qui l’entourent et propose des voies d’amélioration pour l’avenir.Les co-auteurs : Diane-Laure Arjalies (HEC), Patricia Crifo & Vanina Forget (Ecole polytechnique), Grégoire Cousté (FiR Eurosif), Jean-Philippe Desmartin (Oddo), Léa Dunand-Chatelet (Sycomore), Valérie Bardou (Amundi), Emmanuel de la Ville (Ethifinance), Adrian Zicari (ESSEC), Benoît Lallemand (Finance Watch), Geneviève Férone.

L’iSR & Finance Responsable est une réflexion sur le thème : « il existe depuis longtemps sur les marchés financiers des acteurs poursui-vant autre chose que la stricte maximisation du profit. Mieux combiner per-formance financière et extra-financière est au cœur de ces approches souvent associées à l’appellation « investissement Socialement Responsable » (iSR). Elles inspirent de plus en plus fortement les pratiques de nombreux acteurs motivés par une finance plus responsable. Leur impact grandit rapidement et les fonds qu’ils gèrent ont déjà un poids réel sur l’économie. »

salariés, ceux de ses différentes par-ties prenantes.

Cet arbitrage pose la question de la performance globale de l’entre-prise et de la valeur qu’elle contri-bue à créer, en tenant compte de son empreinte environnementale et sociale.

L’émergence de ce qu’on appelle le rapport intégré vise effectivement à évaluer et à appréhender la valeur créée par l’entreprise, à donner aux investisseurs et aux différentes parties prenantes une idée simple et synthétique des risques écono-miques, sociaux et environnemen-taux, encourus par l’entreprise.

Cette dynamique du rapport intégré suppose que les Directions char-gées de son élaboration prennent en charge les dimensions extra finan-cières et coopèrent avec les autres Directions de l’entreprise.

Cela interroge aussi les modes de gouvernance de l’entreprise.

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« Performance des entreprises socialement responsables »Participent à la table ronde :Geneviève FERONE, Fondatrice de CASABEEJacques KHELIFF, Directeur Général en charge du Développement durable, Groupe SOLVAYCaroline de la MARNIERRE Présidente de CAPITALCOMPhilippe RIBEYRE, Directeur Général de MECELECNicolas MOTTIS, Professeur à l’ESSEC

La table ronde est animée par Marc DELUZET, Délégué général de l’Observatoire Social International.

Capitalcom, qui s’est engagée dans une promotion de la performance socialement responsable a réalisé une première enquête sur l’indice de per-formance socialement responsable qui traduit la capacité des entreprises à créer de la valeur durable pour elles-mêmes et leur écosystème. Cet indice et l’ensemble des documents qui la constituent seront rendus publics demain.

Présentation des résultats de l’Indice de Maturité de la performance responsable par Caroline de la MARNIERRECet indice, très innovant, prend en compte la capacité pour l’entreprise de créer de la valeur pour elle-même et pour son écosystème. il s’agit d’une démarche inédite. Nous avons tra-vaillé avec une dizaine d’institutions financières et extra-financières, dont l’ESSEC. Cet indice a été construit sur trois pays, la France, le Royaume-uni et l’italie. il repose sur quatre familles de questions.

L’échelle s’étale de -10 à +10. Les résultats dans les trois pays se situent entre 6,5 et 8, démontrant que les attentes des sociétés civiles quant à la capacité des entreprises à créer de la valeur se révèlent particulièrement forte. L’évaluation dans la capacité des entreprises est positive, située entre 2 et 3 dans ces trois pays. Dès lors que cette perception est positive, nous considérons que ces démarches de responsabilité et de performance sont désormais convergentes et indisso-ciables : il n’est plus possible de pro-duire de la performance économique sans une démarche socialement res-

ponsable. Le Royaume-uni se montre en avance relative mais les trois pays restent très proches, et convergent dans cette même dynamique.

Dans le détail, les indicateurs montrent, dans les trois pays, que les citoyens considèrent que les engagements en matière de développement durable profitent avant tout aux entreprises. Les citoyens attendent néanmoins que leurs engagements contribuent à la performance économique de manière plus équilibrée. Plus l’entreprise sera ancrée dans son écosystème, plus elle favorisera sa performance économique.

Nous avons abordé trois grands domaines sur lesquels les entreprises se révèlent les plus attendues et les plus reconnues. L’emploi constitue la thématique la plus prégnante. Le deuxième thème porte sur les muta-tions technologiques. Enfin le troisième concerne le développement des terri-toires. Sur la corruption, en revanche, les entreprises accusent un certain retard. En ce qui concerne la protec-tion de l’environnement, nous pouvons constater un écart important entre les attentes et les perceptions. C’est la lutte contre l’exclusion qui recueille les attentes les plus fortes.

Nous avons également analysé ces indicateurs par secteur. A cet égard, autant nous observons des conver-gences sur les thématiques, autant les secteurs d’activité montrent des disparités. Deux secteurs, la santé et les technologies de l’information, se trouvent bien référencés, avec une convergence entre les attentes et les perceptions. La finance, en revanche,

affiche de mauvais résultats tant en termes d’attentes que de perceptions.

Jacques KHELIFFJe souhaiterais croire qu’il n’est aujourd’hui plus possible de créer de la valeur sans être responsable et je pense que la responsabilité sociale et environnementale relève d’un choix clair. Dans notre entreprise, nous nous sommes engagés de longue date dans cette démarche. Nous avons ainsi lancé la démarche de développement durable à un moment où le Groupe se trouvait face à de grandes difficul-tés financières. Notre Groupe s’est depuis redressé et dans une situation plus confortable, nous continuons cette même dynamique. Etre socialement responsable exige un certain nombre de conditions. La démarche suppose une volonté claire, au plus haut niveau hiérarchique de l’entreprise tant les compromis se révèlent structurants. il convient en outre de mettre en place une Direction dédiée et définir une poli-tique formalisée, avec des modalités claires de déploiement.

Chez Solvay, la démarche Solvay Way, déployée dans une dynamique qui n’est pas optionnelle, avec 23 engagements et 48 bonnes pratiques, constitue un outil avec lequel l’ensemble des enti-tés réalisent chaque année une éva-luation de leurs pratiques, dégageant leurs forces et leurs faiblesses. Cet outil, extrêmement précis, est très largement construit sur les indicateurs et programmes existant dans l’entre-prise. il relève d’une auto-évaluation avec plusieurs niveaux de contrôle. La Direction du développement durable

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L E S R E N d E z - v O u S d E L’ O S I

reçoit l’ensemble des résultats qui sont validés et consolidés pour les présen-ter au Comité exécutif et au Conseil d’administration. L’audit interne est également en charge de l’élaboration d’un rapport sur la démarche ainsi que les auditeurs du Groupe, le cabinet Deloitte qui valident à leur tour les actions menées.

10 % de la rémunération des mana-gers sont conditionnés par les résultats de cette démarche. Deux éléments peuvent supprimer le bonus : la surve-nue d’un accident mortel de travail dans l’entité concernée et le fait que l’une des pratiques de Solvay Way n’atteigne pas le niveau 1 durant deux années consécutives. Nous avons également inventé une grille d’analyse sur le couple application-produit afin de res-ponsabiliser les décideurs. Enfin, nous finalisons un accord mondial de res-ponsabilité sociale et environnementale avec le syndicat de salariés de notre secteur, industrial, qui compte 50 mil-lions d’adhérents dans le monde. il sera signé le 17 décembre 2013. Nous nous engageons à respecter partout dans le monde les conventions sociales internationales, leur bonne application fera l’objet d’un audit annuel qui sera remis au président du Groupe. un tel engagement est bien le produit d’une volonté clairement affirmée.

Nous en sommes aux prémisses de notre démarche de reporting qui ne sera pas une compilation des indi-cateurs financiers et extra-financiers mais plutôt l’organisation d’un dialogue entre ces indicateurs pour en tirer un sens nouveau sur la création de valeur. Je milite pour que ce reporting intégré ayant vocation à devenir le nouveau reporting unique, relève de la Direction financière et non de la Direction du développement durable qui contribuera à sa définition et des indicateurs per-tinents. Ce reporting intégré constitue la deuxième étape de la démarche de développement durable. Nous devrons en outre faire en sorte que la stratégie industrielle du Groupe et de ses diffé-rentes entités intègre toujours mieux le développement durable.

Philippe RIBEYREMECELEC, qui est une société cotée, emploie plus de 300 personnes dans le domaine de la plasturgie. Nous avons engagé une politique en matière de RSE pour plusieurs raisons. Son capi-tal a changé de main en 2010 dans

le cadre d’un plan de sauvegarde. un fonds d’investissements lyonnais, Seconde chance, regroupant des entre-preneurs de la région, a rejoint notre actionnariat. Ce fonds portait en lui une dimension de responsabilité sociale et de sauvegarde de l’emploi.

Contrairement aux idées largement répandues en France, les Etats-unis ne constituent pas seulement le pays des entrepreneurs sans scrupules, la plupart des concepts qui gouvernent la RSE y sont nés. Les Etats-unis attachent également une grande importance à la notion de communau-té, notion proche de ce que nous appe-lons ici l’ancrage territorial. Cet ancrage s’avère assez naturel pour MECELEC, au fil des années, notre société s’est implantée dans une collectivité dont le nombre d’habitants se révèle proche de son effectif.

D’une manière paradoxale, nous ne disposons pas de Directeur du dévelop-pement durable. J’assure moi-même cette fonction, veillant à intégrer la politique générale et la politique de RSE. Cette intégration me paraît fon-damentale. Nous comptons de grands clients qui affichent des objectifs de RSE importants. Parfois, ces sociétés réalisent des audits de leurs four-nisseurs. Elles souffrent néanmoins, de mon point de vue, d’un manque d’intégration total. Dans mes relations avec les acheteurs de ces sociétés, je constate en effet qu’à nul moment les notions de RSE ne sont évoquées. Pour autant, la RSE constitue une démarche de longue haleine pour une petite société aux ressources limitées et nous progressons plutôt par à-coups. Notre modèle vise à intégrer peu à peu tous les paramètres du référentiel iSO 26 000 dans un système fondé sur notre certification iSO 9 000, à intégrer ces différentes notions dans notre vie quotidienne.

Sur le plan économique, notre action-naire a permis à l’entreprise de se développer. Au cours de la procé-dure de sauvegarde, nous avons acquis deux petites sociétés régionales qui auraient sans doute disparu sans cela. Nous cherchons à fédérer des entre-prises dans la région Rhône-Alpes. un investisseur classique n’aurait sans doute pas agi de cette manière.

Geneviève FERONEMon activité actuelle est très récente, je me suis interrogée sur la façon de ré-

enchanter le développement durable et la responsabilité sociale. J’avais en effet l’impression que nous avions atteint la fin d’un cycle. Le reporting intégré constitue une voie très intéressante pour passer à l’étape de la matérialisa-tion de la démarche.

Le développement durable repose-t-il sur des enjeux stratosphériques ou des enjeux locaux ? Le territoire constitue le lieu où tous les acteurs peuvent appréhender les enjeux du développe-ment durable et se les approprier direc-tement. Aborder le développement durable au niveau du territoire permet de fédérer toutes les parties prenantes et d’aller vers l’action concrète. C’est sur la base de cette réflexion qu’est née CASABEE, dans une idée de pollinisa-tion au niveau du territoire.

Nous nous trouvons dans une époque où l’innovation se révèle foisonnante. Face à ces mouvements, il convient d’opérer un tri. Je reste très atten-tive à ces innovations qui peuvent s’intégrer dans un modèle économique ou entraîner des retournements de modèle économique. Le covoiturage, le crowdfunding, tous les modèles éco-nomiques qui se passent d’intermé-diation viennent aujourd’hui heurter les modèles classiques. il s’agit désor-mais d’appeler les entreprises et les territoires à collaborer pour produire le meilleur en innovations croisées. L’économie circulaire fondée sur l’idée que « rien ne se perd, tout se trans-forme » constitue un sujet d’actualité. Certains territoires possèdent des gise-ments colossaux qu’il faut valoriser.

Pour les grandes entreprises, le déve-loppement durable peut apporter une image mais je doute que la démarche traverse le derme de l’entreprise, et touche véritablement les fonctions opé-rationnelles. il ne constitue pas forcé-ment immédiatement un facteur de différenciation, il se diffuse lentement et doit correspondre à terme à l’ADN de l’entreprise. Les attentes s’avèrent aujourd’hui très fortes sur l’emploi. Aujourd’hui, les marques mises en avant ont lancé des actions innovantes en termes de développement durable. J’ai également été frappée par la volonté des investisseurs américains de s’engager dans les territoires pour construire de l’emploi ou lutter contre la désertification économique.

Dans les secteurs de la mobilité, de la construction, ou de l’urbanisme, certains territoires se sont mobilisés.

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Les enjeux relèvent avant tout de la gouvernance. Ces territoires se sont mobilisés avec une volonté de déve-lopper une gouvernance renforcée de toutes les instances représentées, une vision architecturale, avec des espaces gérés d’une façon innovante. Ces ter-ritoires sont ainsi devenus des lieux de très fort dynamisme. A l’inverse, d’autres peinent à dégager les fruits de l’innovation, se concentrant sur les prix et laissant de côté le développe-ment durable. il faut une gouvernance forte et une vision d’avenir pour les territoires, qui engagent tous les éche-lons économiques et institutionnels. Nous n’en sommes qu’au début de la démarche de valorisation territoriale, qui pose des questions importantes en matière de gouvernance.

Nicolas MOTTISPour revenir sur un point, je ne pense pas que toutes les notions qui relèvent de la RSE proviennent des Etats-unis. D’autres courants de pensée, en Europe, avaient développé des notions proches et depuis très longtemps. Dans le modèle économique américain, le rôle de l’actionnaire est central. il est donc logique que l’approche RSE d’ori-gine américaine mette l’accent précisé-ment sur l’interface entre actionnaires et entreprises, mais la RSE ne se limite pas à cela. Je travaille depuis long-temps sur les liens entre les firmes et les marchés financiers. Lorsque vous évoquiez ce sujet il y a encore à peine 5-10 ans, vous n’étiez pas pris au sérieux. Aujourd’hui les concepts d’ESG ou d’intégration ne sont plus systé-matiquement moqués ou rejetés, ce qui marque une rupture majeure dans l’esprit des acteurs des marchés finan-ciers. il en est de même des notions de RSE. Peu de groupes en restent là aujourd’hui. La question de la RSE est vraiment entrée dans les agendas. Pour autant, s’ils adhèrent à la question de responsabilité extra-financière, les Groupes ne savent pas toujours com-ment s’engager dans la démarche et la rendre opérationnelle.

il y a au moins trois questions clés actuellement. La première est le risque de juxtaposition consistant à accoler les indicateurs de performance extra-financière aux données financières sans vraiment aller plus loin. il est désormais établi qu’on peut faire de

l’iSR sans forcément dégrader la per-formance financière. Pour autant, les entreprises peinent à articuler perfor-mance extra-financière et performance économique. Très peu d’entre elles ont réellement développé un modèle causal faisant le lien entre les deux. Sans ce modèle causal, le risque est de voir les données financières et extra-finan-cières seulement juxtaposées, sans pilotage effectif des données extra-financières.

La deuxième question est liée aux systèmes d’information, aux mesures à mettre en place pour piloter aussi la performance extra-financière. il y a là un très gros chantier à engager et peu de firmes disposent des systèmes qui permettent de gérer les deux. La troisième question est celle des inci-tations : faut-il forcément lier perfor-mance extra-financière et bonus ? Ce n’est pas sûr, les ressorts de la moti-vation dans ce domaine ne s’accom-modent pas forcément des schémas de rémunération classiques.

Le représentant de Solvay soulignait que la société avait accompli de grands progrès en conditionnant 10 % de la rémunération de ses dirigeants à des indicateurs liés à la RSE. Je ne suis pas totalement convaincu par la démarche. Sur la performance éco-nomique comme sur la performance sociale, l’expérience montre que le lien n’est pas si évident que cela. De plus, nous restons incapables de mesurer nombre de données extra-financières, mais nous devons quand même les manager. Nous sommes aujourd’hui confrontés à un manque d’outils. Ainsi, la mise en place de systèmes d’inci-tation sans modèle causal et sans mesure fiable et sans gouvernance cohérente avec une adhésion sincère des dirigeants comporte un risque de décrédibiliser la RSE.

il nous faudra encore quelques années pour clarifier les modèles causaux, dégager des indicateurs opérationnels adaptés et ajuster les systèmes d’inci-tation.

Jacques KHELIFFNous avons bien défini un modèle causal. Nous avons estimé que nous jouions un rôle dans le domaine, pres-sentant aussi un durcissement de la réglementation. Nous pensons en outre

que le développement durable n’est pas une fin mais un début. Les pro-blèmes passés résultent des actions de l’industrie et les réponses viendront également de l’industrie elle-même. Rhodia a bien cerné la cause, c’est la raison pour laquelle il a été décidé de s’engager résolument dans le dévelop-pement durable, à un moment de crise grave. Sur la base de cette vision, un programme très précis a été bâti, l’outil des bonus n’a pas été mis en place dès le début de la démarche.

Peut-être ne s’agit-il pas de la meil-leure des démarches mais je trouve-rais curieux que les managers soient notés sur tous les critères sauf ceux relevant de la responsabilité sociale de leur entreprise. Je peux vous affirmer que cette démarche a occasionné un sursaut dans l’entreprise, mobilisant certains managers jusque-là peu impli-qués. Voilà deux-trois ans, lors de la négociation annuelle sur les salaires en France, un syndicaliste s’était éton-né que l’intéressement ne soit aucu-nement fondé sur la responsabilité sociale. Nous avons donc corrélé l’inté-ressement à un indicateur de perfor-mance socialement responsable.

Geneviève FERONEPour appréhender le succès d’un tel outil, mieux vaut attendre qu’il soit utilisé sur un échantillon représentatif. il n’est pas forcément aberrant que le dirigeant de l’entreprise assume la responsabilité de la démarche de développement durable. il suffit que cette démarche soit incarnée. Nier la démarche, en outre, fait courir aux entreprises un risque de réputation.

Philippe RIBEYRELe développement durable constitue un arbitrage entre court et long terme. La RSE vise à rendre horizontales des relations naturellement plutôt verti-cales.

Nicolas MOTTISDe plus en plus de groupes s’engagent dans cette corrélation des rémunéra-tions avec les indicateurs extra-finan-ciers mais comme pour d’autres pré-occupations connectées aux systèmes d’incitation, il faut faire très attention aux nombreux effets pervers que cela génère.

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L E S R E N d E z - v O u S d E L’ O S I

« Développement et Capital Humain » Participent à la table ronde :Charles-Henri BESSEYRE des HORTS, Professeur associé, HEC Henri DUCRE, Directeur général adjoint en charge des RH, GDF Suez Nicole NOTAT, Présidente, Vigeo Bernard CHAMBON, Président de BC Conseil Philippe VIVIEN, Directeur général, Alixio

La table ronde est animée par Marc DELUZET, Délégué général de l’Observatoire Social International.

Bernard CHAMBONNous voyons la performance de l’entreprise comme une perfor-mance globale, dans une logique holistique qui englobe les dimen-sions économique, financière, envi-ronnementale, humaine et socié-tale, pour ne citer que celles-ci. Et, dans les pays occidentaux, un fac-teur majeur de compétitivité réside dans notre capacité à mobiliser les ressources d’intelligence et les capacités d’initiative.

En matière de ressources hu-maines, nous souhaitons plutôt partir de la notion de progrès et concevoir les politiques comme des investissements, et non de la mesure de la performance « res-sources humaines », souvent per-çue de façon négative, au regard de différents risques identifiés.

Nos travaux ont dégagé six grandes têtes de chapitre qui permettent d’évaluer la qualité d’une poli-tique de développement du capital humain :- la démographie, c'est-à-dire la

pyramide des âges, la diversi-té, l’égalité professionnelle entre hommes et femmes,

- les modalités de recrutement, de développement et de fidélisation,

- la gestion des compétences,- le pilotage organisationnel de la

performance, souvent sous-esti-mé,

- l’engagement des salariés,- les externalités négatives (par

exemple les rapports entre don-neurs d’ordres et sous-traitants ou les problèmes liés à l’emploi de populations défavorisées).

L’action peut s’engager sur quatre principaux leviers :- la participation des salariés, qui

favorise l’innovation et la créati-vité,

- le développement des pratiques de coopération et de co-construc-tion, en dégageant le concept de co-opétition,

- les systèmes de management,- le dialogue social, y compris

dans sa dimension internationale, notamment européenne.

Réfléchir aux indicateurs de perfor-mance conduit souvent à rapporter ces indicateurs à des résultats. il nous paraît néanmoins important, en matière de capital humain, de s’intéresser au moins autant au processus qu’aux résultats.

il reste à préciser comment justi-fier l’investissement dans le capital humain et à montrer en quoi il contribue à la performance globale de l’entreprise. Comment, en parti-culier, valoriser cette pratique vis-à-vis des investisseurs ? S’il existe des ébauches dans ce domaine, celui-ci reste encore largement à explorer et c’est l’orientation que nous souhaitons donner à la suite de nos travaux.

Nicole NOTATBernard Chambon exprime une vision qui traduit des convictions

que nous partageons. Le capital humain participe à la performance globale de l’entreprise et à la créa-tion de valeur durable. il s’agit de donner aujourd'hui de la lisibilité et de la visibilité à cette conception, qui doit se diffuser pour atteindre, au-delà de la fonction RH, l’en-semble du « top management » des entreprises.

La crise et la nécessité de pen-ser la croissance de demain dans des termes nouveaux (développe-ment durable, croissance soute-nable, etc.) mettent en lumière des mutations importantes qu’aucun acteur économique ne peut igno-rer. Les entreprises ne réaliseront pas ces mutations sans le concours important des ressources humaines et cette prise de conscience me semble se diffuser de plus en plus, au plus haut niveau des entreprises. une interrogation va de pair avec ce constat : ce discours est-il porté et entendu au niveau du COMEX des entreprises ?

Toujours est-il que des indica-teurs de bonus, dans la rému-nération des dirigeants, font une place croissante aux critères RSE qui sont souvent des critères RH. Nous allons prochainement publier une étude indiquant la façon dont l’intégration de la RSE transparaît à travers les modes de gouvernance et en particulier de la rémunération des dirigeants. Seules 4 % des entreprises européennes donnent au conseil d’administration un rôle significatif sur la RSE. On peut donc

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parler de « signaux faibles ». il me semble néanmoins que les lignes commencent à bouger.

En France plus qu’ailleurs, l’idée selon laquelle les entreprises pré-sentes à l’international sont consi-dérées comme des acteurs écono-miques qui ne remplissent pas leur fonction sociale, voire qui « volent » des emplois en les délocalisant, est assez répandue. Ce discours pèse sur les entreprises et celles-ci com-mencent, ici ou là, à se dire qu’elles doivent démontrer que ces idées sont fausses.

Sur le plan opérationnel, un enjeu essentiel me paraît résider dans le rôle du manager de proximité, qui se trouve généralement entre le marteau et l’enclume, au point parfois de recevoir des injonctions paradoxales. un signe probant de prise en compte de la dimension RH ou plus largement RSE est de voir si la rémunération variable de ces fonctions fait une place à des indi-cateurs qui ne soient pas seulement liés à des objectifs quantitatifs de business.

Enfin, je crois qu’un élément a vraiment progressé ces dernières années : la question de la diver-sité, au sens de l’égalité hommes-femmes mais aussi au sens large du terme.

Cette préoccupation participe à un climat favorable à l’innova-tion, en considérant qu’un effectif de « clones » ne formera pas les conditions les plus fécondes pour le développement de la créativité et de la richesse humaine de l’entre-prise.

Henri DUCREJe suis heureux d’avoir été convié dans ce lieu important où se ren-contrent le monde économique et le monde RH. Je suis un très jeune DRH mais un très ancien manager opérationnel et c’est à ce double titre que je vous livrerai mes convictions sur le sujet qui nous réunit. il n’y a pas de performance économique sans performance sociale et l’inverse est tout aussi vrai. L’épanouissement de chaque

salarié dans l’entreprise constitue un facteur de performance et de création de valeur.

Aujourd'hui, la réussite d’une entre-prise se mesure par la capacité à s’adapter aux transformations considérables de notre environ-nement. Nous le constatons de façon particulièrement forte dans le monde de l’énergie, du fait des attentes de nos clients, de la révo-lution digitale ou encore sous l’effet du changement des attentes de nos salariés. Si l’on veut réussir une transformation, il faut au moins s’attacher à trois aspects :

- la stratégie à déployer au regard d’un environnement qui évolue,

- les résultats opérationnels,

- le capital humain, que l’on doit savoir mobiliser au même rythme que celui qui guide les transfor-mations à accompagner.

il est donc très important que la filière RH soit aux côtés des mana-gers afin de s’assurer que chaque salarié comprenne la stratégie de l’entreprise, ce qui prend parfois du temps, afin que chaque salarié soit acteur de la transformation et y trouve du sens. il doit aussi être acteur de son propre développe-ment, car c’est de cette façon qu’il deviendra acteur de la transforma-tion de l’entreprise.

Le Groupe GDF Suez a effective-ment défini une feuille de route RH, qui ne constitue pas « l’alpha et l’oméga » de la politique de ressources humaines. Elle énonce plutôt quelques impulsions sur des problématiques qui nous semblent particulièrement importantes. il ne s’agissait pas non plus d’établir une belle plaquette mais de faire de cet outil un support qui soit réellement utilisé au plan opérationnel.

Cette feuille de route définit d'abord deux axes transversaux : la santé-sécurité (dont les résultats consti-tuent un préalable à l’ensemble de nos objectifs stratégiques) et la responsabilité sociale de l’entre-prise. Nous n’avons pas fait de la RSE un axe stratégique car nous ne souhaitions pas dissocier cet impé-

ratif de nos actions opérationnelles : elle doit imprégner chacune de nos actions et constituer une préoccu-pation de chaque instant. Je suis également convaincu que la RSE constitue un formidable vecteur de fierté pour nos salariés. il y a donc là une source de motivation et une source d’efficacité opérationnelle.

Pour le reste, nous avons fixé quatre axes dans notre feuille de route :

- être capable d’anticiper et de pré-parer l’avenir, dans un contexte d’évolution profonde de nos métiers, ce qui recouvre à la fois nos métiers « traditionnels » et la révolution digitale, qui redé-finit les modalités et parfois les contours de certaines fonctions,

- faire en sorte que la filière RH soit un acteur engagé aux côtés des managers : nous devons être des partenaires naturels des mana-gers et être associés aux déci-sions en amont de celles-ci,

- accroître la contribution des indi-vidus et des collectifs de travail, ce qui traduit une vision plus classique – mais tout aussi néces-saire – de la fonction RH, d’autant plus qu’il faut également tenir compte de problématiques nou-velles, par exemple l’intégration de la diversité,

- rendre la fonction RH plus forte, plus attractive et plus perfor-mante, ce qui suppose sans doute de mieux connaître les activités opérationnelles et de faire en sorte que les politiques RH soient réellement appliquées pour en faire un avantage concurrentiel au quotidien.

Ces axes ne seront pas déclinés méthodiquement à chaque strate de l’entreprise, car j’attends que chaque entité réfléchisse à ses propres orientations stratégiques et à ses priorités afin que nous puis-sions ensuite en discuter à l’échelle du management et non seulement au sein de la filière RH. Les respon-sables RH ont des choses impor-tantes à dire pour la réussite de l’entreprise mais sont parfois trop timides. Je les encourage à oser

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L E S R E N d E z - v O u S d E L’ O S I

s’exprimer, tout en restant modeste pour savoir écouter et percevoir les signaux faibles qui sont parfois à leur portée.

Au sein de GDF Suez, nous avons décidé de lancer une enquête sur le leadership. D'abord envisagée pour les seuls dirigeants, cette démarche a très rapidement été étendue aux 30 000 cadres de l’entreprise. Ce qu’ils nous ont dit est passionnant et nous ramène souvent à des réa-lités plus concrètes que ce qu’on peut imaginer.

Ces cadres nous ont d'abord demandé de les aider à manager. Nos managers restent fortement tournés vers les activités opération-nelles, même si 20 % des objec-tifs sont aujourd’hui managériaux. Nous devons les aider à contri-buer au développement humain et professionnel des collaborateurs dont ils ont responsabilité. ils nous demandent également de mieux reconnaître la performance, qui n’est pas seulement financière et qui doit davantage être tirée par la solidarité au sein d’un groupe. L’exemplarité dans les comporte-ments est aussi plébiscitée. Enfin, les salariés croient aux possibili-tés de développement de carrières mais attendent encore davantage sur ce terrain.

Philippe VIVIENLa notion de capital humain m’a rappelé des souvenirs de cours. Elle n’était guère nouvelle : on en parle pour la première fois en 1961, c'est-à-dire en pleine phase de crois-sance de l’économie mondiale. En 1992, des travaux réalisés autour de ce concept ont été récompensés par un Prix Nobel, ce qui n’est pas rien. La notion a continué de se diffuser par la suite pour devenir aujourd'hui l’un des éléments qui forment l’ADN de l’entreprise.

La notion de capital humain impose de se projeter dans l’avenir et il s’agit d’un autre point qui me semble essentiel. Elle traduit les perspectives de développement du capital collectif mais aussi du capi-tal de chacun d’entre nous, en

embrassant ces deux dimensions simultanément.

une grande difficulté réside dans la mesure du capital humain, qui recouvre des éléments souvent perçus, à la tête des entreprises, comme des postes de charges.

Nous devons passer d’une convic-tion de l’enjeu de développement du capital humain à une démons-tration qui permette de quantifier les choses. La pire des choses serait de se contenter de substituer le vocable de capital humain à celui de « ressources humaines ».

Plusieurs éléments me rendent opti-miste. Je constate une forte évolu-tion des entreprises du point de vue de la prise en compte de la collec-tivité et de la nécessité de rendre les entreprises « inclusives ». Nous l’avons particulièrement vu à travers la notion de diversité. La notion de capital humain s’est éga-lement développée au travers de la prise en compte des exigences de mobilité professionnelle : une entreprise n’est pas propriétaire de ses salariés et va les aider à développer leurs compétences en traçant des parcours. Ce que nous avons vécu à travers le transfert des connaissances me semble éga-lement avoir joué un rôle essentiel dans le développement de la notion de capital humain. Souvenons-nous de tout ce qu’on ne se disait pas à propos de l’apprentissage il y a dix ou quinze ans. L’inclusion de nouvelles compétences et le transfert de compétences entre différentes générations ont consi-dérablement progressé. Enfin, les réseaux sociaux ont introduit une nouvelle appréhension du capital humain, qui ne s’apprécie plus de manière verticale. Les entreprises ont accompagné et parfois accéléré ce mouvement.

Certains éléments, néanmoins, n’ont sans doute pas suffisamment bougé. Si le capital humain ren-voie à un investissement, celui-ci traduit une projection dans l’ave-nir. C’est la raison pour laquelle la dimension prospective (sur les métiers, sur la démographie, etc.)

me semble devoir être développée afin d’accroître la diffusion de la notion de capital humain, pour la rendre crédible. Nous devons avoir le courage de nous demander quels seront les métiers d’avenir, quels sont ceux appelés à évoluer, etc. Les DRH n’ont peut-être pas osé aller aussi loin, de ce point de vue, que d’autres ont pu le faire dans des métiers plus techniques.

Le capital humain me paraît éga-lement indissociable du co-inves-tissement (par le salarié et par l’entreprise), dans lequel des pro-grès importants peuvent encore être réalisés. J’ai l’impression que ce sujet a quelque peu été délaissé, ce qui me paraît dommage. Sans doute faut-il y revenir.

Enfin, la formation et la profes-sionnalisation demeurent un des grands éléments constitutifs du capital humain. Le nouveau compte individuel de formation va-t-il nous permettre de réintroduire une vraie logique dans le système ? J’aimerais le croire mais je n’en suis pas encore totalement convaincu.

Charles-Henri BESSEYRE des HORTSNicole Notat fut la première à citer la notion de la diversité. Notre panel ne fournit pas le meilleur exemple de ce point de vue. J’aurais aimé voir un « geek » à la tribune pour évoquer certainement mieux que moi certains des sujets que je vais évoquer.

La notion de capital humain est effectivement très ancienne. On voit qu’elle a perdu un peu de son prestige dans les années 70 et 80 avant de revenir en grâce dans les années 90. Je suis responsable, à HEC, de la chaire « capital humain et performance ».

Nous avons recensé 1 500 articles, essentiellement depuis 1995, sur ce thème, dont 300 ont pour cœur les questions qui nous réunissent ce soir.

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Nos collègues de stratégie, qui détiennent souvent le pouvoir, dans les entreprises comme à HEC, ont découvert l’importance du position-nement. une question me semble cruciale : pourquoi des entre-prises indiennes telles que HCL, ou d’autres, américaines, comme SAS institute, connaissent-elles une explosion durable de leurs per-formances, mesurable à travers de multiples indicateurs (dont l’ab-sence de licenciement) ? A partir des années 90, les courants de la pensée économique en stratégie nous ont invités à rechercher les raisons de telles réussites à l’inté-rieur des entreprises et le capital humain constitue l’un des facteurs de cette performance.

Deux bonnes nouvelles sont à signa-ler. On parle depuis près de quinze ans de la RSE. il est vrai qu’il s’agit d’un levier important. Si les entre-prises sont jugées sur des critères autres que financiers, un véritable changement peut s’enclencher car nous sommes tous des chiens de Pavlov. Nous ferons ce sur quoi nous sommes attendus.

J’ai découvert en juin 2010, à l’oc-casion d’un séminaire avec une entreprise indienne qui repré-sente un peu l’équivalent d’EDF en inde, NHPC, un livre qui venait de paraître : « employees first, cus-tomers second ». Je suis retourné voir cette entreprise en novembre 2012, durant près d’une semaine. Mes interlocuteurs indiens ont attiré mon attention sur un élément que je n’avais pas suffisamment perçu : l’entreprise est capable de générer une formidable innovation à tous les niveaux, sans attendre qu’une difficulté soit constatée.

La question de la digitalisation me paraît également très importante. Les jeunes générations que nous voyons tous les jours à HEC sont constamment connectées et toute entreprise qui tient un discours qui ne se traduirait pas dans ses actions est rapidement disquali-fiée ou décrédibilisée. La « marque employeur » constitue presque du passé, car il ne faut pas seulement annoncer ce que l’on fait : il faut

aussi faire ce que l’on dit et gérer sa réputation. une étude, qui donnera lieu à un ouvrage appelé à paraître au mois de mars, a été réalisée en 2013 sur les DRH des CAC 40. il en ressort qu’une bonne partie des DRH des CAC 40 nommés ces dernières années ne viennent pas de la fonction RH pour une raison soulignée à juste titre par Philippe Vivien : les DRH doivent connaître les métiers opérationnels.

Lorsque je rends visite à des entre-prises américaines, les gens nous décrivent leur parcours dans la fonction RH et j’observe que les parcours y semblent plus longs. En revanche, les interlocuteurs qu’on y rencontre parlent beaucoup plus « business ». ils citent fréquem-ment des chiffres, des KPi (key performance indicators), habitude plus rare en France.

Notre école avait un peu oublié la dimension du capital humain dans ses enseignements depuis quelques années et il n’y avait plus de cours de GRH. il y a une vingtaine d’an-nées, j’avais déjà recherché un jeu d’entreprise autour du capital humain, c'est-à-dire une simulation permettant à des élèves, constitués en petites équipes, de se mettre dans la peau d’un manager pour prendre différents types de déci-sions telles que celles auxquelles on est confronté dans une entreprise.

il y a deux ans, j’ai rencontré les dirigeants d’une petite entreprise belge qui s’est lancée dans ce travail et qui doit nous présenter demain le résultat de cette démarche, à travers un jeu auquel participeront 300 étudiants durant cinq jours. Nous allons parler de planning, de stratégie et de performance.

Nicole NOTATLa notion de mesure de la perfor-mance a été mentionnée par dif-férents intervenants et il est vrai que la mesure est nécessaire pour objectiver la performance. Nous sommes loin d’avoir défini tout ce qui permet de mesurer le capital humain et son développement. une interrogation se fait jour, cepen-dant, lorsqu’il est question de quan-

tifier cette approche. Certes, nous avons besoin d’indicateurs permet-tant d’attester du chemin parcouru par une entreprise. Peut-on pour autant chercher à monétiser les gains réalisés ? Je crois qu’il faut prendre garde à une telle concep-tion, qui semble vouloir dire que la performance globale pourrait se résumer à l’intégration, dans les indicateurs traditionnels, de résul-tats obtenus sur des paramètres uniquement financiers

Prenons l’exemple de la formation. Quelsserontlesélémentsmesuréspour définir un indicateur pertinent en matière de formation ? il me semble que l’on doit se référer et donc pouvoir mesurer avec de bons indicateurs, à ce à quoi doit servir la formation. Le nombre d’heures de formation réalisées durant une année nous dit-elle beaucoup sur le développement des compétences d’un salarié, sur son employabilité, etc. ? L’effort de formation a long-temps été mesuré par le pourcen-tage de la masse salariale qui y était consacré. Cet indicateur peut présenter un intérêt s’il est proche de zéro. A l’inverse, un niveau de 4 % ou 5 % ne garantit en rien que l’ensemble des catégories de l’entreprise bénéficient de l’effort de formation par exemple.

il est beaucoup plus aisé de définir des indicateurs en ce qui concerne les accidents du travail, le coût d’un très mauvais climat social ou encore le coût des congés maladie. En d’autres termes, nous savons mesurer l’impact de ce qui ne va pas. Faire accepter la reconnais-sance de tels indicateurs par les directeurs financiers constituerait déjà un progrès significatif.

Henri DUCREJe partage totalement cette ana-lyse. Je crois néanmoins que nous avons beaucoup de progrès à réali-ser du point de vue des instruments de mesure. Même des indicateurs partiels traduiraient une avancée. La compétence d’un salarié, dans un emploi donné, me semble pou-voir être mesurée. Je suis convain-cu que l’on peut trouver des indica-teurs pertinents.

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b u R E a u d E L ' O S I

Le bureau : nouvelle composition La vie des entreprises partenaires de l'OSi, l'évolution de leurs structures ainsi que celle des membres du Bureau, ont amené à revoir la composition du Bureau et élargir le cercle de ses acteurs, responsables au sein d'entreprises partenaires portant un intérêt marqué aux questions sociales, sociétales et environne-mentales.

C’est ainsi que Monsieur Dominique Bailly, Madame Valérie Bardou, Monsieur Bernard Chambon, Monsieur Jean-Pascal Darriet, et Madame Anne-Sophie Godon ont rejoint le Bureau.

Madame Valérie Bardou

Responsable de la promotion de l’Epargne Entreprise ISR chez AMUNDI Asset Management, préside le groupe de travail « leviers de progrès pour

le Socialement Responsable ».

Monsieur Jean-Pascal Darriet

Directeur Général de Lydec assure la représentation de la Délégation

marocaine de l’OSI.

Monsieur Bernard Chambon

Ex DGA de Rhodia et Président de BC conseil, mène la réflexion

du groupe de travail sur « le capital humain » dont il est président.

Monsieur Dominique Bailly

Conseiller du Directeur Général, Directeur du pilotage stratégique RH

du Groupe La Poste est président du groupe de travail « les politiques

sociales des entreprises européennes »

Madame Anne-Sophie Godon

Directrice des nouveaux services et prévention chez Malakoff Médéric

est présidente du groupe de travail « Bien-être au Travail

et Santé ».

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Le site de l'OSi déjà opérationnel en langue française est opérationnel en anglais et en espagnol.

un code personnel est confié aux participants des groupes de travail pour un accès particulier aux documents et compte-rendus concernant les travaux menés et ne faisant pas encore l’objet de diffusion officielle. N’oubliez pas d’en

faire la demande auprès de Marc Deluzet.

L'ensemble des publications est consultable sur le site.

LE SItE dE L’OSI

COMMENT FONCTIONNE l’OSI ?

Le bureau exécutif est composé de : Muriel Morin GDF Suez, Présidente de l’OSIJean Kaspar JK Consultant – Vice-Président de l’OSIPhilippe Moncourrier RATP – Vice-Président de l’OSIMarc Deluzet Délégué Général de l'OSIJean-Pascal Darriet LYDEC - OSI MarocDominique Bailly Groupe La PosteValérie Bardou Amundi Asset MamagementBernard Chambon BC ConseilAnne-Sophie Godon Malakoff Médéric

• Cinq délégations (Europe, Argentine, Maroc, Chili, Chine)• Un conseil d’orientation de 15 membres• Une assemblée générale annuelle• Un symposium international tous les deux ans

QUELLES SONT SES PRINCIPALES PUBLICATIONS ?

• Actes du Symposium de Rome - janvier 2000

• Actes du Symposium de Marrakech - juin 2002

• Engagement pour un « Droit à l’éducation et à la formation tout au long de la vie » - mai 2002

• Les indicateurs sociaux de performance - mars 2003

• Les indicateurs sociaux de performance - novembre 2003

• Responsabilidad social empresaria – Buenos Aires - novembre 2003

• Actes de la rencontre européenne de Bruxelles - mars 2004

• Du dialogue social au dialogue sociétal - mai 2005

• L’Entreprise confrontée à la question du sens - février 2006

• Actes du Symposium Chine - juin 2006

• Actes de la Rencontre Formation - juillet 2007

• Actes du Symposium de Paris « Les Gouvernances en question » - mars 2008

• Actes du Symposium de Casablanca - 11 juin 2008

• Contribution au débat "Gouvernance des entreprises" - Mai 2012

• Actes du Symposium de Buenos Aires - 18 juin 2008

• Actes du Rendez-vous « Crise financière » - 20 janvier 2009

• Actes du Rendez-vous « Gouvernance d’entreprise » - 29 avril 2009

• Actes du Rendez-vous « Accès à l’eau … » - 11 mai 2009

• Actes du Rendez-vous « Seniors » - 9 juin 2009

• Actes du Symposium « Union pour la Méditerranée » - 23 juin 2009

• Actes du Symposium « Lancement de l’OSI au Chili » - 20 octobre 2009

• Actes du Rendez-vous « le bien être au travail et le droit à la santé… » - 7 avril 2010

• Actes du Rendez-vous « quelle régulation pour le social ? - 12 avril 2010

• Actes du Rendez-vous « le social en Europe » - 30 juin 2010

• Actes du Rendez-vous « de la croissance économique au développement humain » - 30 septembre 2010

• Actes du Rendez-vous « des risques psychosociaux au bien-être au travail » - 17 mai 2011

• Actes du Rendez-vous « quand les managers s’intéressent au travail et aux hommes » - 14 novembre 2011

• Actes du Symposium de Casablanca - 2 décembre 2011

• Actes du Rendez-vous « Dialogue social et régulation de la mondialisation » - 1er mars 2012

• Actes du Rendez-vous « Dans la tempête financière et économique, quelle place pour le social ? » - 6 mars 2012

• Actes du Rendez-vous « Concrétiser les engagements RSE » - 22 mars 2012

• Actes du Rendez-vous « Santé, travail et société » - 13 juin 2012

• Contribution au débat « Gouvernance des entreprises - Enjeux et perspectives » - Mai 2012

• Le Grand Dialogue de la Poste - Novembre 2012

• Actes du Rendez-vous « Comment l’Union Européenne participe-t-elle à la construction d’un nouvel ordre mondial ? » - 30 mai 2013

• Actes du Rendez-vous « Santé, Travail et Société » - 11 juin 2013

• Quelle stratégie nationale de RSE - Juillet 2013

• Actes du Rendez-vous « Mobiliser en faveur des politiques de prévention » - 3 octobre 2013

• Actes du Rendez-vous « Performance des entreprises socialement responsables » - 9 décembre 2013

• Actes du Rendez-vous « Développement et capital humain » - 29 janvier 2014

• Actes du Rendez-vous « Transformer la vie au travail » - 17 juin 2014

COMMENT VOUS INFORMER ET NOUS REJOINDRE ?

Association Observatoire Social InternationalDélégué Général - Marc Deluzet

1, place Samuel de Champlain - Faubourg de l'Arche 92930 PARIS LA DEFENSE cedex - France

Tél. : 33 1 44 22 66 00 - Port. : 33 6 47 83 40 70www.observatoire-social-international.com [email protected]

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