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14 Non-violence Actualité, mars-avril 2010 Le désir est le préalable du plaisir. Il nous invite à nous mettre en mouve- ment, à déployer nos talents. Le désir est une invitation à combler un manque. Nous sommes habitués à trouver rapi- dement une solution pour nous soula- ger, plutôt que d’éprouver le manque. « Mes copains ont tous une paire de chaussures de telle marque, j’en veux une ». Le désir est aussi une pulsion qui nous entraîne vers la satisfaction d’un besoin. Pour la Communication non-violente (CNV), nos besoins sont des énergies au service de la vie. Ils sont le cœur de ce qui nous anime. C’est par eux que la vie s’exprime en nous, pour nous permettre d’être et d’évoluer. Ils sont universels. Nous avons des besoins fondamentaux qui garantissent notre survie (nourriture, boisson, sommeil, reproduction pour assurer la survie de l’espèce). Nous avons un besoin de sé- curité dans notre environnement, ce qui est assuré quand nous trouvons un équilibre entre la protection et la liber- té. Nous avons aussi le besoin d’être identifié au sein de notre groupe so- cial, en vivant à la fois l’interdépen- dance et l’affirmation de notre diffé- rence. Et enfin, un besoin plus person- nel, celui de se sentir exister, d’être une personne singulière qui mène un pro- jet qui donne du sens à sa vie. En CNV, nous distinguons le besoin des solutions que nous utilisons pour le satisfaire. A-t-on besoin d’une voitu- re ? Non, la voiture est juste un moyen de satisfaire un besoin de liberté, de mouvement ou encore, selon les per- sonnes, de reconnaissance sociale. Cet- te distinction entre le moyen utilisé et le besoin lui-même permet de recon- naître la légitimité des besoins de cha- cun. Cette reconnaissance préserve le lien avec l’autre, même si la solution pour satisfaire les besoins de chacun n’est pas trouvée immédiatement, voi- re même s’il y a désaccord sur la solu- tion. Les conflits se situent bien sou- vent au niveau des « stratégies » et non au niveau des besoins qui eux sont communs à tous les être humains. Cette distinction nous ouvre donc un espace de compréhension mutuelle, de liberté et de créativité dans les rela- tions. L’urgence du désir Nos désirs, bien souvent, ne sont que des stratégies. Ils nourrissent un rêve, une envie, et en ce sens, il est précieux de pouvoir les entendre et les accueillir. Mais la stratégie sur laquelle nous nous focalisons est-elle la bonne ? Va- t-elle réellement combler le besoin sous-jacent et à quel prix ? Comment ce moyen, sur lequel nous sommes fi- gés va-t-il s’adapter à notre environne- ment ? Par exemple, je vous avoue que je fume : c’est un moyen de me don- ner des pauses et quand j’ai commen- cé cela me donnait une forme de sécu- rité, de contenance dans mes relations aux autres. Cela nourrit aussi mon be- soin de créer des liens et permet de la convivialité. Si j’avais su le prix (finan- cier et risque pour ma santé) que cela me coûterait pour satisfaire ces be- soins, j’aurais peut-être opté pour d’autres stratégies que celle de la ciga- DOSSIER Relations Humaines Les besoins et les désirs dans la communication non-violente Par Caroline ADER LAMY Caroline Ader Lamy – caroli- [email protected] - www.unjourjeseraimoi.com - est formatrice certifiée en Com- munication NonViolente, psy- chothérapeute et mère de famil- le. Le processus de la communication non-violente (CNV) développé par Marshall Rosenberg est une invitation à accueillir ce qui se passe en soi – ses sentiments et ses besoins - et à être conscient de ce qui compte pour soi dans la relation à l’autre. L’intention est de créer une qualité de relation qui favorise la découverte des besoins de chacun et si possible leur satisfaction…

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Page 1: Relations Humaines Les besoins et les désirs dans la … · 2017. 1. 12. · Les besoins et les désirs dans la communication non-violente Par Caroline ADER LAMY Caroline Ader Lamy

14 Non-violence Actualité, mars-avril 2010

Le désir est le préalable du plaisir. Ilnous invite à nous mettre en mouve-ment, à déployer nos talents. Le désirest une invitation à combler un manque.Nous sommes habitués à trouver rapi-dement une solution pour nous soula-ger, plutôt que d’éprouver le manque.« Mes copains ont tous une paire dechaussures de telle marque, j’en veuxune ». Le désir est aussi une pulsionqui nous entraîne vers la satisfactiond’un besoin.

Pour la Communication non-violente(CNV), nos besoins sont des énergiesau service de la vie. Ils sont le cœur dece qui nous anime. C’est par eux quela vie s’exprime en nous, pour nouspermettre d’être et d’évoluer. Ils sontuniversels. Nous avons des besoinsfondamentaux qui garantissent notresurvie (nourriture, boisson, sommeil,reproduction pour assurer la survie del’espèce). Nous avons un besoin de sé-curité dans notre environnement, cequi est assuré quand nous trouvons unéquilibre entre la protection et la liber-té. Nous avons aussi le besoin d’êtreidentifié au sein de notre groupe so-cial, en vivant à la fois l’interdépen-dance et l’affirmation de notre diffé-rence. Et enfin, un besoin plus person-nel, celui de se sentir exister, d’être unepersonne singulière qui mène un pro-jet qui donne du sens à sa vie.

En CNV, nous distinguons le besoindes solutions que nous utilisons pourle satisfaire. A-t-on besoin d’une voitu-re ? Non, la voiture est juste un moyende satisfaire un besoin de liberté, demouvement ou encore, selon les per-

sonnes, de reconnaissance sociale. Cet-te distinction entre le moyen utilisé etle besoin lui-même permet de recon-naître la légitimité des besoins de cha-cun. Cette reconnaissance préserve lelien avec l’autre, même si la solutionpour satisfaire les besoins de chacunn’est pas trouvée immédiatement, voi-re même s’il y a désaccord sur la solu-tion. Les conflits se situent bien sou-vent au niveau des « stratégies » et nonau niveau des besoins qui eux sontcommuns à tous les être humains.Cette distinction nous ouvre donc unespace de compréhension mutuelle, deliberté et de créativité dans les rela-tions.

L’urgence du désir

Nos désirs, bien souvent, ne sont quedes stratégies. Ils nourrissent un rêve,une envie, et en ce sens, il est précieuxde pouvoir les entendre et les accueillir.Mais la stratégie sur laquelle nousnous focalisons est-elle la bonne ? Va-t-elle réellement combler le besoinsous-jacent et à quel prix ? Commentce moyen, sur lequel nous sommes fi-gés va-t-il s’adapter à notre environne-ment ? Par exemple, je vous avoue queje fume : c’est un moyen de me don-ner des pauses et quand j’ai commen-cé cela me donnait une forme de sécu-rité, de contenance dans mes relationsaux autres. Cela nourrit aussi mon be-soin de créer des liens et permet de laconvivialité. Si j’avais su le prix (finan-cier et risque pour ma santé) que celame coûterait pour satisfaire ces be-soins, j’aurais peut-être opté pourd’autres stratégies que celle de la ciga-

DOSSIER

Relations Humaines

Les besoins et les désirs dans la

communication non-violentePar Caroline ADER LAMY

Caroline Ader Lamy – [email protected] -www.unjourjeseraimoi.com -est formatrice certifiée en Com-munication NonViolente, psy-chothérapeute et mère de famil-le.

Le processus de lacommunication non-violente(CNV) développé par MarshallRosenberg est une invitation àaccueillir ce qui se passe en soi– ses sentiments et ses besoins -et à être conscient de ce quicompte pour soi dans larelation à l’autre. L’intentionest de créer une qualité derelation qui favorise ladécouverte des besoins dechacun et si possible leursatisfaction…

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rette ! Ainsi les stratégies que nous dé-veloppons pour satisfaire nos besoinsne sont pas toujours écologiques pournous-même ou notre entourage. Il y a dans le désir, une forme d’urgen-ce, de pression, d’exigence, vis-à-vis denous-même ou vis-à-vis de l’autre, dela société. Notre nature humaine, lefonctionnement même de notre cer-veau nous met en lien avec cette ur-gence par le biais de nos émotions. Lapeur, la colère, la tristesse témoignentd’un manque, d’un danger, d’un be-soin insatisfait. Tandis que la joie, lapaix, la tranquillité, nous indiquentque nos besoins sont satisfaits. Ainsiles sentiments que nous éprouvonssont de précieux indicateurs. Ils nousinvitent à agir pour satisfaire nos be-soins non comblés. Peu de gens mesu-rent l’importance vitale de leurs senti-ments. Nos sociétés, notre éducation,nos parents eux-mêmes influencés parleurs parents, nous ont appris à ne paspleurer, à ne pas nous mettre en colèreet même l’expression de la tristesse n’apas bonne presse ! Alors que faire ? Vi-te, vite trouver une solution pour nepas laisser voir ce qu’il n’est pas « cor-rect » d’éprouver !

« Je suis en colère parce que mes parentsne veulent pas m’acheter la console dejeux que je désire. »Que cache ce désirinassouvi ? Des besoins que le jeunecherche à satisfaire. Probablement unbesoin d’appartenance (avoir la mêmechose que ses copains), un besoin dejeux, de détente, peut-être aussi l’enviede se rassurer en se disant qu’il pour-rait réaliser les mêmes performancesque ses camarades et ainsi nourrir sonestime de lui même. Voire s’il est plusperformant qu’eux, cela pourrait deve-nir une façon d’affirmer sa différence.Si au lieu de se focaliser sur la console,il pouvait comprendre ce qu’il chercheà satisfaire par ce moyen, une multitu-de d’autres possibilités s’offriraient àlui pour combler ses différents be-soins. Cela deviendrait une occasiond’exprimer sa créativité et de dévelop-per son autonomie pour satisfaire sesbesoins.

Perpétuelle rechercheLes êtres humains sont en perpétuellerecherche de la satisfaction de leurs be-

soins. Les désirs et les stratégies uniquesqu’ils imaginent pour y répondre leurdonnent l’illusion qu’ils vont éprouverun soulagement, une plénitude. Et ef-fectivement ils goûtent le plaisir éphé-mère du désir satisfait. Combien detemps ? Il suffit de regarder le coffre àjouet de nos enfants pour constaterque passé les premières minutes, lesjouets sont rarement la source durablede la satisfaction imaginée. Si nous neprenons pas le temps de clarifier lesbesoins qui seraient satisfaits à traverstel objet ou telle action, nous nous pri-vons de notre créativité pour nousadapter à la réalité. Est-il vraimentprofitable d’acheter à un ado un vête-

ment de marque à 100 € quand on adu mal à payer son loyer ? La prise encompte des besoins de chacun, ceuxde l’enfant et ceux de l’adulte est né-cessaire à l’harmonie. Cette équitédans la considération des besoins dechacun fait partie de l’apprentissage del’autonomie et est une voie pour poserdes limites. Quelles limites fixer ? Sur quelles bases ?Concrètement comment faire autre-ment que de céder au désir des en-fants, et se laisser entraîner dans uneescalade, une surenchère sans fin, quiinévitablement va générer des conflitset de la violence ? La CNV invite ànous appuyer sur un baromètres simple,

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Le processus de la commu-nication non-violente est uneinvitation à accueillir ce quise passe en moi (mes senti-ments et mes besoins) et àêtre conscient de ce qui comp-te pour moi dans la relation.L’intention en CNV est decréer une qualité de relationqui favorise la découvertedes besoins de chacun et sipossible leur satisfaction.C’est en étant conscient demon intention que je pour-rais tenir un cap même si la

situation est difficile. Je vaisporter mon attention sur lemoment présent et recon-naître ce qui se passe chezl’autre, quels sont ses senti-ments. Quels qu’ils soient, jesais que cette expression,parfois violente de ce qu’iléprouve, cache un besoinqui n’est pas satisfait.

Et enfin, je sais aussi que lebesoin inassouvi, une fois vuet entendu, ne va plus exer-cer la même pression. Le

manque, une fois identifié etreconnu, s’apaise. Les be-soins ne sont ni bons ni mau-vais, ils se manifestent par lebiais de nos sentiments pourgarantir notre intégrité phy-sique, psychique et nous pous-sent à nous réaliser. Si doncnous prenons le temps dedécoder quels sont les be-soins cachés par les désirs,nous accédons à un espaceoù il n’y a plus le jeu des-tructeur de qui a tort et quia raison.

Le processus decommunication non-violente

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DOSSIERcelui de l’équité dans la prise en comp-te des besoins de chacun.

Mon fils, adolescent de 15 ans, me de-mande une paire de chaussures d’unemarque précise. Effectivement, chan-ger ses chaussures serait utile. Je consta-te qu’une paire quasiment identiquecoûte 20 € de moins que celle qu’il ré-clame. Comment gérer la situation ?Je commence par me donner du tempspour écouter mon agacement et clari-fier mes besoins : prendre soin duconfort de mon enfant et en mêmetemps faire bon usage de l’argent queje gagne. Je réalise que cette situationpourrait être une occasion de partagermes valeurs avec lui. Une opportunitéde parler avec lui, par exemple, de cequi contribue ou non à la construc-tion de l’estime de soi. La seconde éta-pe est d’entendre son désir et de clari-fier, avec lui, ce que la marque de lachaussure représente de si important.Vient-elle nourrir un besoin d’appar-tenance, qu’il satisferait en adoptantles mêmes codes vestimentaires queses amis ? Si c’est autre chose nous al-lons poursuivre le dialogue pour trou-ver son besoin. La troisième étape serade lui exprimer ce que j’ai repéré d’im-portant pour moi. Enfin, nous allonsensemble chercher comment fairepour que l’un et l’autre nous soyonscontents. La solution qu’il a proposéedans cette situation a été de payer ladifférence avec son argent. Ainsi, il de-vient responsable de ses choix en assu-mant leurs conséquences. L’argent depoche devient un moyen d’apprentis-sage de l’autonomie. Les limites, quandelles sont reliées à du sens et à de la co-responsabilité, construisent la confian-ce en soi et en l’autre.

Vers l’autonomie

La gestion de la frustration est facilitéepar ce cheminement. Il est fréquentque la demande de l’enfant ne puissepas être satisfaite mais, par le dialogue,il a été reconnu et entendu dans sesbesoins. Le parent exprime un OUI àses propres besoins, plus qu’un NONà la demande de l’enfant. L’apprentis-sage de la frustration est une étape né-cessaire pour devenir un adulte auto-nome ayant la capacité de s’adapter à

son environnement de façon créativeet réaliste. La complexité vient du faitque cette construction de l’être hu-main est en perpétuel mouvement. Ala naissance les enfants sont totale-ment dépendants des adultes pour sa-tisfaire leurs besoins. Il est donc légiti-me que l’adulte soit non seulement at-tentif mais également responsable dela satisfaction de tous les besoins del’enfant. Il est tout aussi légitime quel’enfant, de façon variable selon sonstade d’évolution, soit en posture d’at-tente vis-à-vis des adultes pour la satis-faction de ses besoins. Le défi est de lesaccompagner pas à pas vers l’autono-mie, de leur apprendre à trouver lesstratégies adaptées pour satisfaire leurs

besoins. La communication est aucœur de cet apprentissage de l’autono-mie, et quand elle est focalisée sur lesbesoins, les portes du dialogue restentouvertes. Il arrive aussi que le désir soitdirectement lié à un besoin, je penseparticulièrement au désir d’apprendre,il n’y a plus qu’à inventer ensemble lesstratégies adaptées pour préserver cetélan de vie.

Caroline Ader Lamy

(1) Association pour la communication non-violente, Françoise Berry, Les Plaines, 84220Murs. Tél. 04 32 50 20 24. Site : www.nvc-eu-rope.org - Pour en savoir plus : « Les mots sontdes fenêtres ou bien ce sont des murs », Mar-shall Rosenberg, Ed. La Découverte, 1999.

Les éditions Esserci, dirigées parVilma Costetti, ont vu le jouren 2003, avec la publication enitalien du livre de MarshallRosenberg, « Le parole sonofinestre » (Les mots sont desfenêtres). Le matérielpédagogique et les livres publiés– en italien, français et anglais –visent au renforcement descompétences pour créer unmonde – intérieur et extérieur -bienveillant, et gérer le pouvoir« avec » les autres plutôt que «sur » les autres êtres humainset vivants. Les enfants et lesparents aimerontparticulièrement la série «Besoins et Stratégies » avec lesaventures de Louise et deClément. Ces livres constituentun support de choix pours'initier dès le plus jeune âge auprocessus de communicationnon-violente de MarshallRosenberg.

La Communication NonViolente, oucomment parler le langage du cœur ?Tel est bien le défi qui est proposé auxadultes lors de stages ou ateliers : ex-primer ce qui est le plus vivant en eux.Certains d'entre nous y arrivent assezspontanément, pour d'autres le ré-ap-prentissage se révèle plus difficile.Dans leur histoire personnelle, plus lespersonnes ont été encouragées, en-

ITALIE

Les Editions « Esserci » au service

de la communication non-violente

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fants, à exprimer leurs sentiments etleurs besoins et à formuler des de-mandes au lieu d'apprendre à devenirce que Marshall Rosenberg appelle de« gentils morts vivants », plus il leur estfacile, adultes, de rentrer dans une re-lation - à elles-mêmes et aux autres -vitalisante. Dans les ateliers ou livrespour enfants qui leur proposent d'ex-plorer une autre façon d'être en lienavec le monde, il est essentiel de les ai-der à comprendre qu'ils ne sont pasresponsables du bien-être ou du mal-être de leurs proches. Le message in-verse est véhiculé dans la phrase « Il estpénible, il saute partout... elle me fa-tigue avec ses questions à longueur dejournée, ça me tue ! ». Bien sûr, lesphrases prononcées n'ont pas toujourscette force, mais le « tu es gentil, tu asvraiment été très sage aujourd'hui » etla récompense qui suit, ont un effet aumoins aussi pénétrant. Le message quientre dans la tête de l'enfant est : pourfaire plaisir à ceux qu'il aime, il a inté-rêt à réviser à la baisse son niveau devitalité.

Le livre « L'arc-en-ciel des sentiments» montre particulièrement aux enfantsqu'il est plus intéressant pour la santéet le bonheur de tout le monde, pa-rents et enfants confondus, d'avoir unniveau d'expression de soi élevé. Lapalette de sentiments que nous pou-vons éprouver a une fonction particu-lièrement importante dans notre vie,celle de nous indiquer si nos besoinssont satisfaits ou non. Ces émotions etsentiments exprimés sont les voyantsqui nous indiquent si nous sommescomblés ou en état de déséquilibre. Ilssont les outils de notre autonomie. Jene me sens donc pas agacée, furieuse,découragée parce que l'autre a fait ceciou cela, mais parce que j'ai besoin derepos, de soutien, de compréhension…

Quand les enfants, lors d'ateliers ou dela lecture de « L'arc-en-ciel des be-soins », réalisent cela, ils éprouvent unsoulagement extrême… comme si lavie reprenait tout son sens ! Quand cepoids de culpabilité est enlevé, il esttrès émouvant, alors, de voir commeils retrouvent leur élan naturel de gé-nérosité, comme ils se remettent enlien avec leur créativité.

Cette créativité est aussi soutenue parune prise de conscience capitale : cellede la différence fondamentale qui exis-te entre les besoins et les moyens oustratégies que l'on met en œuvre poury répondre. Dans notre apprentissagede la vie en société, nous entendonshabituellement ce genre de phrase :« Viens vite m'aider, j'ai besoin de toipour ranger les courses ». Bien souventse cachent là trois ou quatre expres-sions qui, si elles étaient conscienti-sées, enlèveraient de la confusion. Il sepeut, quand je dis cela, que ce soit uneexigence ou bien une demande (doncnégociable) ; j'y parle aussi de mon be-soin (d'aide) et par la même occasionje dis comment j'aimerais recevoir cet-te aide ! Il est plus rassurant et éduca-tif pour un enfant de faire la clarté surce qui est exprimé. Rassurant, parcequ'il comprend exactement ce qui esten jeu. Et éducatif, parce qu'il ap-prend à faire la différence entre un be-soin dont la nature ne peut pas être re-mise en question et une stratégie qui,elle, est négociable. Cette clarté nour-rit tout le monde. Celui qui fait cettedemande un peu confuse ne sait ja-mais si, quand on lui dit non, on n'apas l'intention de répondre à son be-soin ou si c'est la stratégie qui ne nousconvient pas. Souvent je peux en-tendre cette objection « C'est bientrop compliqué pour les enfants, celaprend trop de temps d'expliquer toutcela ». Dans mon expérience, le tempsqui semble « perdu » aujourd'hui estdu temps gagné pour demain. Qui n'a

pas en mémoire les crises intermi-nables ou musclées dues à de l'incom-préhension avant de pouvoir revenir àun état plus paisible, sans parler desdommages tels que la perte de confian-ce ou d'estime de soi ? Il ne s'agit pasnon plus d'explications très longuescar si nous, adultes vivons cette clarté,elle agira par imprégnation sur nos en-fants comme lorsqu'ils ont appris àparler leur langue « maternelle ». C'esttout naturellement et sans contrainteque ce langage au service de la vie,trouvera sa place en eux car la vie ennous est structurée pour le recevoir. Ilest impressionnant de voir commentla lecture de ces livres « pour petits »qui sont dans la collection Besoins etstratégies, les « Clément et Louise »parlent aux enfants les plus jeunes. Ondirait qu'ils ne se lassent pas d'écouterune parole qui touche leur cœur aupoint qu'ils demandent à les lire, et lesrelire encore. Une parole où enfants etadultes font jouer ensemble une créa-tivité au service de chacun afin que lesbesoins de tous soient satisfaits. Nousavons le pouvoir de tisser des liens vi-vants et d'écrire notre histoire à l'encrede la vie. Alors, s'il était une fois... fe-rions-nous le pari du langage du cœur ?

Nathalie Dard

Association pour la communication non-vio-lente, région Aquitainehttp://nvc-europe.org/SPIP/_Nathalie-Dard

Edizioni Esserci - Via Silvano Caleri 14 -42100 Reggio Emilia (Italie). Tél. +39 0522943 053 - email: [email protected] – Site :www.centroesserci.it – NVA diffuse un bonnombre d’ouvrages des Editions Esserci.

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