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Rapport de Monsieur Jean-Pierre MICHEL Sénateur de la Haute-Saône Parlementaire en mission Auprès de Madame la Garde des Sceaux Ministre de la Justice LA PJJ AU SERVICE DE LA JUSTICE DES MINEURS 18 décembre 2013

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Page 1: Rapport Sénateur MICHEL19 12 2013 NV3

Rapport de Monsieur Jean-Pierre MICHEL Sénateur de la Haute-Saône

Parlementaire en mission

Auprès de Madame la Garde des Sceaux

Ministre de la Justice

LA PJJ AU SERVICE DE LA JUSTICE

DES MINEURS

18 décembre 2013

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A Dominique CHARVET

Directeur de la PJJ

1991-1995

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Lettre de mission

Paris, le 2 0 JUIN 2013

2027/13 SG

Monsieur le Sénateur,

Le Président de la République a fait de la jeunesse une priorité de son mandat.

Au sein du ministère de la justice, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est en charge de l'ensemble des questions intéressant la justice des mineurs et de la concertation entre les institutions intervenant à ce titre. Elle apporte, directement ou par son secteur associatif habilité, une aide aux décisions de l'autorité judiciaire, assure, dans les services et établissements de l'Etat, la prise en charge de mineurs sous main de justice et garantit à l'autorité judiciaire, par le contrôle, l'audit et l'évaluation, la qualité de l'aide aux décisions et celle de la prise en charge quel que soit le statut des services et établissements sollicités.

La garde des sceaux, ministre de la justice, a fait des missions de cette direction une priorité pour 2013 en créant 205 emplois, en augmentant ses crédits de fonctionnement de 2,4 % et en assurant la remise à niveau des services associatifs qui concourent au service public à hauteur de 10 M€.

Néanmoins, cette direction a connu une application particulièrement rigoureuse de la révision générale des politiques publiques, qui a entraîné une forte baisse de ses effectifs et de sa capacité de financement du 'secteur associatif habilité; assortie d'une restructuration de son organisation territoriale. Parallèlement, un recentrage sur les seules missions pénales a été conduit.

Malgré la stabilisation récente de la situation et un effort important des personnels, un bilan des politiques mises en œuvre ces dernières années apparaît nécessaire afin de dégager les voies et moyens pour progresser dans les directions suivantes :

- assurer un haut niveau de prise en charge et une capacité de perfectionnement des pratiques éducatives, tant sur le plan pénal que civil;

Monsieur Jean-Pierre MICHEL Sénateur SÉNAT Palais du Luxembourg 75291 PARIS CEDEX 06

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- développer la qualité des relations entre les services de la P JJ et l'autorité judiciaire dans le cadre de l'exécution de ses mandats;

- assurer la présence et la capacité de la PJJ en matière de travail en commun, d'animation et de concertation avec les conseils généraux, et l'ensemble des partenaires au plan local ainsi qu'au plan national et interministériel, tant en ce qui concerne la protection de l'enfance qu'en matière pénale et sur le champ de la prévention de la délinquance;

- asseoir la qualité du contrôle, de l'audit et de l'évaluation, comprenant la mission d'inspection, afin de garantir la qualité de l'aide à la décision et de la mise en œuvre des décisions de l'autorité judiciaire et de concourir à l'égalité de traitement entre tous les mineurs et jeunes majeurs sous main de justice.

Il conviendra également de faire un bilan des conséquences du recentrage sur les missions pénales et de la forte réduction du nombre des mesures civiles et de protection judiciaire des jeunes majeurs prises en charges par les services de la PJJ, tant au regard des objectifs précités qu'au regard de la qualité des prises en charge, en termes de continuité notamment.

Enfin, les fonctions supports et de contrôle des directions territoriales devront être analysées, sur le plan de la prise en charge des publics mais aussi au regard des missions de l'administration de la PJJ en direction de ses personnels.

Vos réflexions s'articuleront avec l'évaluation de la politique de la petite enfance actuellement engagée dans le cadre de la modernisation de l'action publique. Elles s'inscriront dans le respect de notre trajectoire de finances publiques, qui nécessite d'améliorer l'efficience de nos politiques publiques.

Pour accomplir votre mission, vous pourrez bénéficier de l'appui technique des services du secrétariat général et de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice.

Un décret vous nommera, en application des dispositions de l'article L.O 297 du code électoral, en mission auprès de Madame Christiane TAUBlRA, garde des sceaux, ministre de la justice.

Vous voudrez bien remettre vos propositions avant le 31 décembre 2013.

Je vous prie de croire, Monsieur le Sénateur, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.

Jean-Marc AYRAULT

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SOMMAIRE

INTRODUCTION .................................................................................................................................................. 8

CHAPITRE I ........................................................................................................................................................10

L’EVOLUTION HISTORIQUE DE LA PJJ ET SA SITUATION ACTUELLE .............................................10

1. L’EVOLUTION HISTORIQUE DE LA PJJ .........................................................................................10

a. 1945/1980 : développement du modèle protectionniste et affirmation de l’autonomie de l’action éducative ........................................................................................................................................10

b. La fin des trente glorieuses, le développement de la délinquance juvénile et l’amorce du recentrage pénal.........................................................................................................................................12

c. 2002/2012: 10 années de politique pénale répressive ...............................................................14

2. SITUATION ACTUELLE DE LA PJJ ..................................................................................................16

a. Une évolution répondant aux exigences de la cour des comptes et de la RGPP, mais aussi aux nouvelles orientations de politique pénale ......................................................................................16

b. Mais cette évolution a entraîné une forte déstabilisation des personnels et des partenaires 17

c. Des changements récents porteurs d’espoir ................................................................................17

CHAPITRE II .......................................................................................................................................................19

REDEFINIR LES MISSIONS DE LA PJJ AUTOUR DE L’ENSEMBLE DES QUESTIONS CONCERNANT LA JUSTICE DES MINEURS ..............................................................................................19

1. LES NORMES DE REFERENCE .......................................................................................................19

a. Les normes internationales .............................................................................................................19

b. Les normes françaises .....................................................................................................................21

2. LES TROIS DOMAINES DE COMPETENCE DE LA JUSTICE DES MINEURS. ......................21

a. L’enfance délinquante ......................................................................................................................21

b. L’assistance éducative .....................................................................................................................28

c. La protection judiciaire des jeunes majeurs..................................................................................31

3. REDEFINIR LES MISSIONS DE LA PJJ A PARTIR DES COMPETENCES DE LA JUSTICE DES MINEURS ...............................................................................................................................................34

CHAPITRE III ......................................................................................................................................................37

RETABLIR DES RELATIONS EQUILIBREES AVEC L’AUTORITE JUDICIAIRE...................................37

1. LA MISE EN ŒUVRE DES DECISIONS JUDICIAIRES INDIVIDUELLES ET LE SUIVI INDIVIDUEL DES MINEURS .......................................................................................................................38

a. La recherche d’un hébergement immédiat ...................................................................................38

b. Le retard dans la mise en œuvre des décisions ..........................................................................39

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c. Les rapports et la présence à l’audience ......................................................................................41

d. Les relations avec les responsables d'unité éducative (RUE) ou les directeurs de service (DS) 41

e. Les services éducatifs auprès des tribunaux (SEAT) .................................................................42

f. Les trinômes ......................................................................................................................................42

2. LES RELATIONS INSTITUTIONNELLES .........................................................................................43

a. Au niveau territorial, la PJJ a rationalisé et modernisé ses structures administratives, mais l’autorité judiciaire reste morcelée ...........................................................................................................43

b. Les relations institutionnelles nationales .......................................................................................48

CHAPITRE IV......................................................................................................................................................51

PARTICIPER A LA COORDINATION DES POLITIQUES CONCERNANT LA PROTECTION DE L’ENFANCE ET LA PREVENTION DE LA DELINQUANCE.......................................................................51

1. LA CONCERTATION ET LA COORDINATION DES POLITIQUES PUBLIQUES EN MATIERE DE PROTECTION DE L’ENFANCE ............................................................................................................51

a. La coordination locale...........................................................................................................................51

b. La coordination nationale de la protection de l’enfance ..................................................................54

2. LA PARTICIPATION A LA POLITIQUE DE PREVENTION DE LA DELINQUANCE.................56

CHAPITRE V.......................................................................................................................................................58

AMELIORER LES MOYENS ET LES METHODES EDUCATIVES POUR REPONDRE PLUS EFFICACEMENT AUX DIFFICULTES PRESENTEES PAR LES MINEURS ..........................................58

1. L’AMELIORATION DES PRATIQUES EDUCATIVES ....................................................................58

2. LES MESURES D’INVESTIGATION..................................................................................................60

a. L’investigation est un élément essentiel de la justice des mineurs...........................................60

b. Les différents types de mesure d’investigation ............................................................................61

c. Le recours privilégié aux mesures courtes en matière pénale ..................................................62

d. L’impossibilité d’exercer des RRSE civils .....................................................................................63

e. La mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE) ................................................................64

f. L’organisation et la compétence des services d’investigation ................................................... 65

g. Les autres mesures d’investigation................................................................................................66

3. LES MESURES DE MILIEU OUVERT ..............................................................................................68

a. La diversité des mesures.................................................................................................................68

b. Les modalités d’intervention en milieu ouvert...............................................................................71

4. LES MESURES DE PLACEMENT .....................................................................................................74

a. L’échec du dispositif de placement actuel.....................................................................................75

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b. Préconisations ...................................................................................................................................82

5. L’ACTION EDUCATIVE DANS LE CADRE DE LA DETENTION ET LES AMENAGEMENTS DE PEINE ........................................................................................................................................................84

6. LES ACTIVITES DE JOUR ET L’INSERTION PROFESSIONNELLE..........................................87

7. LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS PRESENTANT DES TROUBLES DU COMPORTEMENT ........................................................................................................................................88

8. LES MINEURS ISOLES ETRANGERS .............................................................................................90

CHAPITRE V.......................................................................................................................................................94

POURSUIVRE L’ADAPTATION DE L’ORGANISATION ET DE LA FORMATION DE LA PJJ A SES MISSIONS ...........................................................................................................................................................94

1. LA NOUVELLE ORGANISATION DE LA PJJ AU NIVEAU CENTRAL ET TERRITORIAL ......94

a. L’organisation de l’administration centrale....................................................................................94

b. L’organisation territoriale..................................................................................................................95

2. LES RESSOURCES HUMAINES .......................................................................................................98

3. LA FORMATION..................................................................................................................................100

4. AUDITS ET INSPECTIONS ..............................................................................................................103

a. L’audit ...............................................................................................................................................103

b. L’inspection ......................................................................................................................................104

CHAPITRE VI....................................................................................................................................................106

DEFINIR UN PARTENARIAT EQUILIBRE ET STABLE............................................................................106

AVEC LE SECTEUR ASSOCIATIF HABILITE ............................................................................................106

1. LA PLACE IMPORTANTE DU SECTEUR ASSOCIATIF HABILITE...........................................106

2. LE CONTROLE ET LA FORMATION ..............................................................................................107

3. LA QUESTION FINANCIERE ...........................................................................................................108

4. LA REPARTITION DES MISSIONS ENTRE LE SECTEUR PUBLIC ET LE SECTEUR ASSOCIATIF HABILITE ..............................................................................................................................109

CONCLUSION ..................................................................................................................................................113

RECAPITULATIF DES PROPOSITIONS.....................................................................................................114

ANNEXE PERSONNES RENCONTREES ET CONSULTEES ................................................................119

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INTRODUCTION

Par décret du 20 juin 2013, le Premier ministre m’a confié une mission temporaire auprès de Madame Christiane TAUBIRA Garde des Sceaux, ministre de la Justice qui concerne l’ensemble des questions intéressant la justice des mineurs et notamment la situation, les missions, l’organisation et les moyens de la direction de la Protection judiciaire de la Jeunesse (DPJJ). La mission s’élargit cependant, à l’évaluation de la politique de protection de l’enfance, qui est de la compétence des conseils généraux.

Pour mener à bien, cette tache importante et difficile j’ai pu bénéficier de l’appui logistique de la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (DPJJ), notamment de sa directrice Catherine SULTAN et de son chef de cabinet Monsieur Nicolas VALET que je tiens tout spécialement à remercier pour sa grande disponibilité. En outre Monsieur Jean-Michel PERMINGEAT qui a exercé les fonctions de juge des enfants pendant plus de vingt ans , puis celles conseiller délégué à la protection de l'enfance auprès de cour d'appel d’Aix-en-Provence et qui venait d’être nommé Président de chambre à la cour d’appel de Versailles, a été détaché auprès de la DPJJ, pour m’assister tout au long de cette mission, nous avons travaillé en totale confiance et en partageant les mêmes conceptions du droit des mineurs. Sa parfaite connaissance de la justice des mineurs au sein de laquelle il a exercé jusqu'à sa nomination à Versailles, a été d’une importance capitale pour la tache qui m’a été confiée. Je tiens à le remercier tout particulièrement et ce rapport est notre œuvre commune. Pour ma part, je garde un souvenir très aigu de la direction de l’Education Surveillée, ainsi s’appelait-elle quand j’exerçais la fonction de magistrat ; les rencontres de VAUCRESSON sont encore dans ma mémoire et je veux rentre hommage aux juges des enfants, qui m’ont formé à l’école de la magistrature, comme Pierre MARTAGUET, ou à ceux qui ont été des amis comme Henri GAILLAC et Pierre SAVINAUD. Nous avons trouvé la DPJJ dans un état de profonde interrogation – pour ne pas dire plus – sur ses missions et les moyens qui lui sont allouées. D’ores et déjà, nous voulons saluer la très grande implication des personnels, notamment des éducateurs qui exercent avec un profond engagement au service des mineurs qui leur sont confiés. Le métier d’éducateur est un métier d’épreuves et il convient de prendre en compte leur isolement souvent, et la difficulté de leur tâche. En effet, la dernière décennie a été désastreuse pour la justice pénale des mineurs ; d’une part à cause d’un rapport de la Cour des comptes appliqué strictement à la lettre et de la révision générale des politiques publiques (RGPP) conduite avec un acharnement aveugle dans ce secteur, d’autre part pour des raisons purement idéologiques, qui ont conduit à aligner progressivement la justice pénale des mineurs sur la justice des majeurs : fichage, procédures expéditives, atteinte de la notion

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de responsabilité, peines planchers, tribunal correctionnel des mineurs …, ce faisant, la dimension protectrice et éducative de la justice des mineurs a été progressivement abandonnée. La nouvelle DPJJ en concertation avec la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) a entrepris une réécriture de l’ordonnance de 1945 ; la Protection judiciaire de la Jeunesse constitue le moyen privilégié pour appliquer la loi, et donc, elle devra suivre de nouvelles orientations. Tout au long de ce rapport, nous avons essayé de réaliser un constat aussi objectif que possible de la situation actuelle et nous faisons des propositions pour retrouver l’esprit de l’ordonnance de 1945 signée par le général Charles DE GAULLE, fondée sur des principes de spécialisation, de priorité à l’éducation et de protection renforcée. Cette justice des mineurs ne doit plus être sacrifiée sur l’autel de la tolérance zéro. En 1945, le général Charles DE GAULLE faisait de la jeunesse une priorité pour la reconstruction du pays, c’est aussi la priorité qu’a donnée à son mandat le président de la République, François HOLLANDE. Nous voulons nous inscrire dans la même lignée.

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CHAPITRE I

L’EVOLUTION HISTORIQUE DE LA PJJ ET SA SITUATION AC TUELLE

1. L’EVOLUTION HISTORIQUE DE LA PJJ

L’évolution des dix dernières années doit être replacée dans un contexte historique plus large, qui permet de mieux mesurer les mouvements de fond. Sans prétendre à l’exhaustivité, il paraît important de retracer les grandes étapes de l’évolution de la PJJ, qui montre les tensions dans lesquelles cette administration a toujours dû se situer.

L’ordonnance du 2 février 1945, qui fonde la justice des mineurs, s’inscrit elle-même dans un contexte historique marqué par la reconnaissance progressive d’une spécificité de la prise en charge des enfants ou des adolescents délinquants.

Dès le début du XIX° siècle, sont créés des quartie rs spéciaux pour mineurs dans les maisons d’arrêt. En 1833, est ouverte la première institution de rééducation, celle de Neuhoff, qui sera suivie par la célèbre colonie de Mettray, en 1840. La loi sur l’éducation et le patronage des jeunes détenus du 5 aout 1850 crée trois types d’établissements pour accueillir les mineurs1. Le fonctionnement de ces établissements, utilisant des pratiques de soumission et de dressage, sera sévèrement critiqué, et aboutira à des révoltes dans les « bagnes d’enfants ».

La loi du 19 juillet 1912 qui crée les tribunaux pour enfants et la liberté surveillée, institue les prémisses d’une action éducative spécifique aux mineurs : les enquêtes sur la situation morale et matérielle des mineurs et de leur famille, le délégué à la liberté surveillée, qui rend compte au juge de l’évolution du mineur. 2 Enfin, en 1927, les colonies pénitentiaires et correctionnelles sont rebaptisées « maisons d’éducation surveillée », plus connues sous le nom de « maisons de correction ». Un corps professionnel des moniteurs éducateurs est créé en 1937.

a. 1945/1980 : développement du modèle protectionn iste et affirmation de l’autonomie de l’action éducative

L’ordonnance du 2 février 1945 définit les grands principes du fonctionnement de la justice des mineurs. Elle affirme la primauté de la réponse éducative et l’éducabilité du mineur délinquant; elle institue le juge des enfants comme clé de voûte de l’organisation de la justice des mineurs. Pour mettre en œuvre les décisions de ces derniers, est créée, par ordonnance du 1° septembre 1945, une administration publique spécifique au sein du ministère de la justice : la direction de l’Education Surveillée, détachée de l’administration pénitentiaire.

1 Les établissements pénitentiaires reçoivent les jeunes enfermés au titre de la correction paternelle et ceux condamnés à une peine inférieure à six mois

d’emprisonnement ; les colonies pénitentiaires accueillent les mineurs acquittés par manque de discernement et ceux condamnés à moins de six mois d’emprisonnement ;

enfin, les colonies correctionnelles sont destinées aux jeunes condamnés à plus de deux ans d’emprisonnement

2 Francis Bailleau et Philip Milburn, la protection judiciaire de la jeunesse à la croisée des chemins, dans « les cahiers de la justice », 2011/3

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De l’enfance délinquante à l’enfance en danger

Les années qui suivent verront se développer un modèle de justice protectionniste ou thérapeutique3. L’Education Surveillée hérite de grands internats, accueillant plusieurs dizaines de jeunes, situés en zone rurale 4: Elle met également en place des centres d’observation destinés à connaître la personnalité des mineurs. Dès 1951, est créé le centre de formation et d’études de l’éducation surveillée (CFEES), à Vaucresson, qui sera le creuset de la réflexion et de la construction des conceptions et des méthodes éducatives de prise en charge des mineurs délinquants, associant les juges des enfants et les éducateurs de justice dans une culture commune.

La compétence des juges des enfants est élargie aux mineurs en danger par l’ordonnance du 23 décembre 1958. Cette extension apparaît naturelle. L’exposé des motifs de l’ordonnance de 1958 montre que l’objet du texte est en fait d’étendre aux mineurs en danger les capacités d’action éducative et de protection dont dispose déjà le juge des enfants en matière pénale. Le juge des enfants se voit confier une compétence globale de protection de l’enfance en danger et de l’enfance délinquante. Les juges des enfants vont utiliser l’une et l’autre procédure, dans une perspective éducative, en s’appuyant largement sur l’Education Surveillée.

Ce sera l’occasion d’un incontestable enrichissement de la pratique professionnelle des magistrats de la jeunesse et des éducateurs, qui interviennent désormais aussi dans un cadre préventif et de protection. L’action éducative sous mandat judiciaire prend de ce fait des distances avec la contrainte, la contention, la répression.

La dialectique du judiciaire et de l’éducatif

La note d’orientation de 1975 de Simone ROZES, directrice de l’Education Surveillée, confirme la conception thérapeutique de la justice des mineurs, en soulignant que l’acte délinquant est avant tout le symptôme de difficultés personnelles, familiales ou sociales, qu’il s’agit de traiter. Cette note dépénalise l’acte délictueux, préconise l’évolution des méthodes éducatives, avec le développement des mesures de milieu ouvert5, la disparition des gros internats au profit de foyers d’action éducatives situés en zone urbaine. En outre, il est clairement souligné qu’une action éducative suppose l’adhésion, et ne peut être conduite sous la contrainte.

Cette évolution va conduire à l’affirmation d’une autonomie de l’éducatif par rapport au judiciaire. L’administration de l’Education Surveillée laisse une large place aux initiatives locales des éducateurs et des professeurs techniques ; la cour des comptes parlera plus tard d’une culture de « l’automissionnement » fondée sur une revendication6 de l’autonomie de l’acte éducatif.

Les moyens de l’Education Surveillée s’accroissent : alors qu’il n’y avait que 250 éducateurs en 1947, ils sont 3000 en 1980, gérant 200 établissements et services. Le secteur privé se développe également dans les mêmes proportions, passant de 100 à 900 établissements habilités entre 1948 et 1978. 3 L’expression de justice thérapeutique est employée notamment par Dominique YOUF, « juger et éduquer les mineurs délinquants », Dunod, octobre 2009

4 Les institutions professionnelles d’éducation surveillée et les institutions publiques d’éducation correctionnelle

5 Dans les années 70, l’action en milieu ouvert se développe comme un principe général de l’action sociale et médico sociale, dans tous les domaines : la rééducation, mais

aussi l’action en direction des personnes malades ou handicapées.

6 Rapport de la cour des comptes sur la protection judiciaire de la jeunesse, juillet 2003

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Le développement s’accompagne d’une organisation administrative, avec la création des délégués départementaux dont les pouvoirs se renforcent progressivement.

b. La fin des trente glorieuses, le développement d e la délinquance juvénile et l’amorce du recentrage pénal

La fin de la période de prospérité économique a d’importantes conséquences sociales. Avec l’apparition de la crise, les jeunes se trouvent en difficulté. L’image de la jeunesse se dégrade dans une société inquiète. Le sentiment d’insécurité s’installe, au point qu’un comité d’études est constitué sous la responsabilité d’Alain Peyrefitte7(1976), qui propose de nombreuses recommandations dans diverses directions. Le nombre de mineurs mis en cause dans des affaires pénales, qui avait fortement augmenté au début des années soixante sans que cela suscite de réactions sociales particulières, s’accroît de 20 % : il passe en effet de 82 151 mineurs en 1977 à 98 864 en 1982.

La justice des mineurs et l’Education Surveillée sont critiquées pour leur inefficacité dans la prise en charge des mineurs délinquants. Le rapport COSTA 8 avait constaté la disparition progressive des mesures éducatives exercées à partir d’une infraction pénale. Comme l’action éducative ne peut s’exercer dans un cadre contraint, on assiste au développement de la pratique du double dossier. Cette pratique conduit paradoxalement à l’accroissement des sanctions pénales et de l’incarcération ; le nombre de peines ferme explose : il passe de 255 en 1956, à 3159 en 1974, et à 5880 en 1984 !

Le rapport MARTAGUET (1984)9, sans remettre en cause les grands principes de l’ordonnance de 1945, affirme la nécessité de concilier la logique de la réaction sociale et de la réparation du dommage causé aux victimes, avec celle d’une action éducative au long cours. Il préconise la reconnaissance de la responsabilité pénale du mineur délinquant.

En 1986 un rapport d’audit remis à Albin CHALANDON, Ministre de la justice, constate que les juridictions pour mineurs et l’Education Surveillée prennent en charge massivement des enfants en danger dans le cadre de l’assistance éducative, au détriment des mineurs délinquants. Il relève des carences de gestion et d’organisation de l’administration de l’Education Surveillée.

Le recentrage pénal

C’est en même temps qu’elle change de nom, en devenant la direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse par décret du 21 février 1990, que des orientations nouvelles sont décidées, qui vont aboutir à une profonde mutation.

Le nombre de mineurs mis en cause par les services de police ou de gendarmerie augmente à nouveau fortement (+ 79 %) entre 1994 et 200110. La question de la délinquance des mineurs s’installe durablement dans le paysage social et politique.

7 Réponses à la violence, rapport du comité d’études sur la violence, la criminalité et la délinquance, présidé par ALAIN PEYREFITTE ; 1976

8 Rapport de la commission d’études sur la protection judiciaire de la jeunesse, présidée par Jean-Louis COSTA, premier directeur de l’Education Surveillée, 1976.

9 Rapport de la Commission de réforme du droit pénal des mineurs, 1984, présidé par Pierre Martaguet.

10 Il passe de 109 338 à 177 017 mineurs mis en cause dans cette période. Toutefois, l’augmentation de ce chiffre peut aussi être la conséquence du changement de

politique pénale, qui conduit à établir des procédures pour des affaires de faible gravité, qui n’étaient jusqu’alors pas comptabilisées. Voir l’article de Bruno Aubusson de

Cavarlay, chercheur au CESDIP: « les mineurs mis en cause selon les statistiques de police. » dans questions pénales, avril 2013.

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Au début des années 90, la politique pénale se durcit, sous l’effet d’influences anglo-saxonnes. Les circulaires du ministre de la justice, Michel VAUZELLE, du 15 octobre 1991 et du 2 octobre 1992, généralisent le traitement en temps réel par les parquets et recommandent que tout acte délictueux reçoive une réponse judiciaire, pour éviter le développement d’un sentiment d’impunité. C’est la tolérance zéro.

Pour la première fois, sont étendues aux mineurs des réponses pénales prévues pour les majeurs, comme le sursis avec mise à l’épreuve ou le travail d’intérêt général.

La loi du 4 janvier 1993 crée la mesure de réparation. Elle se distingue des autres mesures éducatives de l’ordonnance de 1945, par sa visée restauratrice, ou réparatrice, attachée avant tout au rétablissement du lien social.

La Loi TOUBON du 1° juillet 1996 affirme clairement une volonté de lutter contre le sentiment d’impunité imputé à l’ordonnance du 2 février 1945. Elle crée la procédure de convocation par officier de police judiciaire et les convocations à délai rapproché, pour favoriser des réponses rapides. Les UEER11 sont mises en place dès janvier 1996

Suite au rapport LAZERGES BALDUYCK12 de 1998, ces orientations de politique pénale sont reprises par Elizabeth GUIGOU, ministre de la justice et actées par le Conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998.

La circulaire de Sylvie PERDRIOLLE, directrice de la PJJ, en date du 24 février 1999 récapitule ces orientations. Elle s’inscrit dans une logique totalement différente de cette de Simone ROZES en 1975. La mission principale de la PJJ redevient la prise en charge des mineurs délinquants. Il est nécessaire de renouveler les méthodes de l’action éducative. Lorsqu’elle est menée dans le cadre pénal, elle doit se distinguer de celle conduite pour le mineur en danger. Le mineur délinquant doit accéder à la conscience de sa responsabilité et l’action éducative se déployer à partir de l’acte commis.

La PJJ est ainsi invitée à se recentrer sur le pénal, sans abandonner totalement l’assistance éducative, et à envisager une prise en charge éducative spécifique pour les délinquants, appuyée sur leur responsabilité pénale. Education et sanction ne doivent plus être antinomiques.

La part de l’assistance éducative diminue dans l’activité de la PJJ, au profit de celle des mineurs délinquants : celle-ci, qui était de 34 % en 1994, passe à 65 % en 1997 et à 70 % en 1998.

Dans le même temps, des moyens importants sont mis à la disposition de la PJJ. De 1996 à 2000, ses crédits de fonctionnement augmentent de 38 %. Les effectifs croissent de façon spectaculaire : 1290 emplois d’éducateurs supplémentaires sont créés entre 1998 et 2002. Le nombre d’agents de la PJJ s’élève à 7 43213.

11 UUER = Unités à encadrement éducatif renforcé

12 Rapport de la mission interministérielle sur la prévention et le traitement de la délinquance des mineurs, de Mme Christine LAZERGES et Jean-Pierre BALDUYCK 1998 ;

13 Rapport 2003 de la cour des comptes

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Le conseil de sécurité intérieure de janvier 1999 décide la création de 100 CER14 (48 seront ouverts fin 2001) et de 50 CPI15 (43 étaient ouverts dès 2001)16.

c. 2002/2012: 10 années de politique pénale répress ive

L’alternance politique de 2002 conduit à la mise en œuvre d’une politique pénale répressive envers les mineurs et à un profond bouleversement des missions de la PJJ.

La réforme globale de l’ordonnance du 2 février 1945 et la création d’un code de justice des mineurs, proposées en 2008 par la commission VARINARD17, mise en place par la garde des sceaux, Mme Rachida DATI, ne seront pas mis en œuvre, mais l’ordonnance de 1945 sera modifiée plus d’une douzaine de fois, dans un sens toujours répressif.

Pourtant, dans sa décision du 29 août 2002, le conseil constitutionnel consacre, comme principe fondamental reconnu par les lois de la république, l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge (cf. page 15).

Mais il souligne aussitôt que ce principe ne s’oppose pas à la possibilité de prononcer des sanctions éducatives et des peines.

De fait, la reconnaissance constitutionnelle de la spécificité de la justice des mineurs n’empêchera pas le conseil constitutionnel de valider la quasi-totalité des textes qui seront votés au cours de cette décennie, dès lors notamment qu’est préservée la possibilité pour le juge d’écarter l’automaticité de certaines sanctions et l’obligation, pour pouvoir utiliser des modes de jugement rapide, de disposer de renseignements de personnalité récents. Toutefois, le Conseil constitutionnel écartera la possibilité de prononcer des peines minimales pour des mineurs qui n’ont jamais été condamnés18, ou de placer le mineur de 13 à 16 ans sous assignation à résidence avec surveillance électronique, ou encore de renvoyer un mineur devant le tribunal correctionnel des mineurs sans instruction préparatoire19.

Ainsi, la loi du 9 septembre 2002, dite loi Perben I, modifie le code pénal en affirmant que les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits, contraventions dont ils été reconnus coupables. Toutefois, leur responsabilité est atténuée en raison de leur âge. Ce changement de présentation et de vocabulaire traduit un déplacement substantiel de l’équilibre éducation/répression posé par le préambule de l’ordonnance de 1945: on parle désormais de responsabilité pénale atténuée plutôt que de primauté de l’éducatif et de présomption d’irresponsabilité pénale.

14 CER : centre éducatif renforcé, qui prend la suite des UEER.

15 CPI : centres de placement immédiat

16 Rapport d’activité 2001 de la DPJJ

17 Rapport de la commission de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 présidée par Jean-Pierre VARINARD, décembre 2008.

18 Décision 2011-625 DC du 10 mars 2011

19 Décision du conseil constitutionnel du 4 août 2011

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15

La loi crée la procédure de présentation immédiate, les sanctions éducatives, applicables aux mineurs âgés de plus de 10 ans, les centres éducatifs fermés (CEF) et les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM).

La loi du 9 mars 200420 transfère aux juges des enfants les compétences de juge de l’application des peines pour les mineurs détenus. La PJJ devient compétente pour le suivi, mais aussi la préparation et la mise en œuvre de l’ensemble des mesures pénales, y compris l’aménagement des peines pour les mineurs incarcérés.

La loi du 5 mars 2007 écarte l’atténuation automatique de la peine pour les mineurs de 16 à 18 ans qui se trouvent en état de récidive légale ; elle étend la composition pénale aux mineurs, ainsi que les possibilités de comparution pour jugement immédiat, et de placement sous contrôle judiciaire.

La loi du 10 août 2007, renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, crée les « peines plancher », applicables aussi bien aux majeurs qu’aux mineurs.

La loi du 10 août 2011 parachève cette évolution en créant les tribunaux correctionnels pour mineurs et la comparution du mineur dans des formes proches de la citation directe.

En même temps, le conseil constitutionnel, par deux décisions du 8 juillet et du 4 août 201121, déclare contraire à la constitution la possibilité pour le juge des enfants qui a instruit une affaire, de présider le tribunal qui la juge, portant un coup sévère à la pratique installée du suivi du parcours judiciaire d’un mineur par un même juge. La loi du 26 décembre 2011 inscrit cette impossibilité dans le code de l’organisation judiciaire, en même temps qu’elle institue la possibilité d’un service citoyen effectué dans les établissements publics d’insertion de la défense (EPIDE).22

Dans ce contexte, faisant suite aux préconisations de la cour des comptes et du rapport SCHOSTECK23, la PJJ est dans l’obligation d’investir pleinement le champ de l’action éducative sous contrainte et de prendre en charge les mineurs faisant l’objet des nouvelles mesures pénales. L’abandon de l’assistance éducative s’accélère, en même temps que celui de l’aide aux jeunes majeurs, sous l’effet d’orientations politiques, mais également économiques dans le contexte de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

L’accentuation du recentrage pénal se traduit par une augmentation de 9% sur la période 2007/2012 du nombre de mineurs pris en charge au titre d’une mesure pénale. Dans le même temps, le nombre de mineurs en danger diminue de 32 %, et celui des jeunes majeurs de 88 %.

Sous l’effet de la RGPP, les crédits diminuent de près de 6% sur la période 2008-2012, passant de 804,4 millions d’euros à 757,6 millions d’euros. Hors titre 2 (frais de personnel), les crédits ont connu une diminution de 16,7 % et ceux affectés au secteur associatif, de 21,2%.

20 Loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

21 Décision du conseil constitutionnel du 8 juillet 2011 suite à une QPC (2011-147 QPC) et du 4 août 2011, suite au vote de la loi qui sera publiée le 10 août.

22 Loi du 26 décembre 2011

23 Rapport de la commission d’enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs, présidé Mr Jean-Pierre SCHOSTECK, remis le 26 juin 2002.

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Il en est de même des emplois, dont le plafond se réduit de 9027 à 8395 (- 632 ETP)24 – voir page 86.

2. SITUATION ACTUELLE DE LA PJJ

Si elle a effectivement répondu aux injonctions de réorganisation émanant de la cour des comptes ainsi qu’aux exigences de la RGPP et aux nouvelles orientations de politique pénale concernant les mineurs, la PJJ a été fortement déstabilisée par des évolutions imposées à un rythme soutenu, qui ont également déconcerté ses partenaires.

a. Une évolution répondant aux exigences de la cour des comptes et de la RGPP, mais aussi aux nouvelles orientations de politique pénale

La cour des comptes, dans son rapport de juillet 2003, se montre particulièrement critique. Elle estime que la PJJ est largement sous administrée, et qu’il est nécessaire de remettre en cause son organisation, ses procédures et ses méthodes ; elle constate une absence de pilotage de l’administration centrale, un émiettement des services, une absence de contrôle et d’évaluation de l’action des établissements.

En réponse, la DPJJ a lancé un processus de modernisation et de rationalisation de grande ampleur, la mettant quelquefois en avance sur d’autres directions. La structure administrative nationale et régionale a été adaptée à la taille de la PJJ, aux moyens et aux besoins de pilotage de la politique publique de la PJJ. Les directions inter régionales ont été réduites de 15 à 9, les 100 directions départementales ont été remplacées par 54 directions territoriales. Les services et établissements ont été restructurés. La réorganisation administrative est aujourd’hui achevée.

L’action éducative sous contrainte est désormais admise et acceptée par le corps éducatif. Officiellement, la PJJ revendique, au niveau de sa hiérarchie supérieure et intermédiaire, la mission de prendre en charge les mineurs les plus difficiles, c’est à dire les mineurs délinquants, y compris dans un cadre contraint comme les CEF ou les EPM. De nombreux documents de référence on été produits pour conforter cette action.

La PJJ a également engagé des efforts substantiels pour améliorer son efficacité : réduction progressive des délais de prise en charge des mesures, efforts pour optimiser le taux d’occupation des structures, efforts pour donner un contenu éducatif à l’action menée dans le cadre pénal

Elle a totalement abandonné l’action opérationnelle dans le domaine de l’assistance éducative, sauf les mesures d’investigation, et refusé de poursuivre le financement des mesures civiles d’aide aux jeunes majeurs.

Elle a publié des textes relatifs à la réorganisation de la justice des mineurs et de la coordination des politiques publiques dans le domaine de la protection de l’enfance.

24Avis de la commission des lois du Sénat du 22 novembre 2012 sur le projet de budget 2013 de la PJJ.

Avis de la commission des lois de l’AN sur le projet de budget 2014.

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Ces nouvelles orientations ont été formalisées dans les projets stratégiques nationaux (PSN), élaborés à partir de 2006, qui permettent de structurer l’action, de rendre visibles les objectifs, d’évaluer les résultats de l’ensemble de la PJJ.

Le PSN 1 : 2004 / 2007 actualisé et réaffirmé en 2006, donne dix axes de travail, qui traduisent le changement de cap de la PJJ.

Le PSN 2 : 2008/2011 porte trois axes principaux : conseiller (aide à la décision, mise en place de la MJIE), éduquer (priorité au pénal, réduction des délais et adaptation des méthodes), évaluer (installation d’un dispositif d’audit territorial). En outre, il prévoit la réorganisation territoriale et administrative des services.

Le PSN 3 : 2012/2014, intitulé « l’ambition éducative comme ligne de force, » vise à approfondir les réformes initiées précédemment, dans trois directions : le renforcement du rôle et de la place de la PJJ au sein des acteurs de la justice des mineurs, l'évolution des méthodes et pratiques de l'action éducative, la réforme de l'organisation territoriale. L’objectif est l’appropriation des orientations par les unités et services dans tous les territoires.

b. Mais cette évolution a entraîné une forte déstab ilisation des personnels et des partenaires

La restructuration s’est faite à marche forcée, amplifiée par les contraintes de la RGPP, sans la préparation et l’accompagnement nécessaires au regard des mutations profondes imposées à la PJJ.

Des personnels ont perdu leurs repères habituels, dans une avalanche de réformes, une redéfinition des missions éducatives, la multiplication des taches administratives. Les troubles ont été multiples, jusqu’à la spectaculaire tentative de suicide d’une directrice de la PJJ de Paris.25

Les tentatives de rénovation , de modélisation, ou d’encadrement des méthodes éducatives n’ont pas permis de faire face aux difficultés de prise en charge des adolescents déstructurés, manifestant des troubles du comportement, surtout dans le cadre du placement

Les partenaires habituels de la PJJ sont déconcertés par la nouvelle organisation, l’abandon unilatéral de missions légales (aide aux jeunes majeurs, mesures d’assistance éducative), la brutalité du recentrage pénal : les relations avec les juges des enfants sont altérées ; elles sont dubitatives avec les conseils généraux qui contestent la légitimité de la PJJ à intervenir sur le terrain de la protection de l’enfance, compte tenu de son retrait de l’assistance éducative. Elles sont fortement troublées avec le secteur associatif habilité qui exprime le sentiment d’avoir été maltraité et de servir de « variable d’ajustement ».

c. Des changements récents porteurs d’espoir

L’alternance politique et le changement de gouvernement en mai 2012 ont introduit de nouvelles orientations.

25 Le monde du 5 novembre 2009.

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La ministre de la justice, Christiane Taubira, a clairement fait part de son intention de restaurer pleinement les principes fondateurs de la justice des mineurs, et de proposer l’abrogation des dispositions pénales les plus contestables, comme les tribunaux correctionnels pour mineurs et les peines plancher.

Le projet de budget 2013 est décrit comme une rupture salutaire pour la PJJ, avec une augmentation des autorisations d’engagement de 1,09 % et de 2,41 % des crédits de paiement, (voir page 97)

De même, le plafond d’emploi augmente de 205 en 2013.

Toutefois, le projet de budget 2014 est présenté à nouveau en baisse des autorisations d’engagement de 2,3 % et des crédits de paiement de 0,6 %. Cette baisse affecte notamment les dépenses de fonctionnement, de 9,2 % en autorisations d’engagement et de 4,5 % pour les crédits de paiement, par rapport à la loi de finances de 2013. Les organisations syndicales ont exprimé la crainte que cette baisse entraine soit une augmentation de la dette de la PJJ à l’égard du secteur associatif habilité, soit l’interruption du financement de certaines actions éducatives fin 2014.

Le budget 2014 prévoit également une hausse modeste des moyens : + 99 emplois pour les mesures judiciaires, mais – 62 pour les actions de soutien et de formation, soit un solde positif de 37 emplois seulement.

La nomination d’une nouvelle directrice, en juin 2013, manifeste plus fortement la volonté politique de donner de nouvelles orientations à la PJJ. Elle a lancé une évaluation interne de l’ensemble des services de la PJJ, sous la forme d’un diagnostic partagé.

Il paraît aujourd’hui nécessaire de redonner du sens à la politique de protection judiciaire de la jeunesse.

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CHAPITRE II

REDEFINIR LES MISSIONS DE LA PJJ AUTOUR DE L’ENSEMB LE DES QUESTIONS CONCERNANT LA JUSTICE DES MINEURS

La justice des mineurs intervient chaque année auprès de 260 000 nouveaux mineurs : 100 000 environ en assistance éducative et 160 000 dans le cadre de procédures pénales.

La raison d’être de la PJJ est, avant tout, de mettre en œuvre les décisions judiciaires concernant les mineurs. Trop souvent, ces dernières années, on a pu penser que la PJJ fonctionnait de façon autonome, préoccupée seulement par des considérations politiques ou économiques, s’émancipant du cadre légal qui, seul, est susceptible de fonder son intervention. Or, seule la loi peut fixer le cadre d’action de la justice des mineurs.

Ces décisions qui s’appliquent à des enfants ou à des adolescents, doivent nécessairement avoir une visée éducative et être appliquées avec des méthodes éducatives adaptées à l’âge et à la personnalité des mineurs.

1. LES NORMES DE REFERENCE

La justice des mineurs obéit elle-même à des normes contraignantes, notamment internationales, mais aussi nationales.

a. Les normes internationales

La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) du 20 novembre 1989, ratifiée par la France le 7 août 1990, est d’application immédiate concernant certaines de ses dispositions : ainsi l’article 3.1, qui expose que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».26

Il en est de même du droit d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative le concernant (article 12).

Concernant le domaine spécifique du mineur délinquant, l’article 40 demande aux Etats de « s’efforcer de promouvoir l’adoption de lois, de procédures et la mise en place d’autorités et institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés, ou convaincus d’infractions à la loi pénale, en particulier :

26 Le Conseil d’Etat a annulé, pour violation de ce texte, qu’il a considéré comme d’effet direct dans le droit interne, l’article 1° du décret du 21 mars 2006 relatif à la mise

à l’isolement d’un détenu en tant qu’il pouvait s’appliquer à des mineurs ( CE. 31 octobre 2008, section française de l’observatoire des prisons )

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- un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés ne pas avoir la capacité pénale

- de prendre des mesures, chaque fois que cela est possible, pour traiter ces enfants sans recourir à la procédure judiciaire. »

Ces dispositions ont pour objet de garantir à l’enfant le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui renforce son respect pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales d’autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci. Ce texte résume la finalité de l’action éducative au profit d’un mineur faisant l’objet de poursuites pénales.

D’autre part, l’article 37 de la CIDE impose également des règles concernant la détention des enfants privés de liberté, notamment la séparation avec les adultes et le droit de rester en contact avec sa famille

Le comité des droits de l’enfant des Nations Unies sur l’application de la CIDE examine la manière dont est appliquée la convention dans chaque pays. Dans son rapport de 2009, elle recommande notamment à la France de ne pas traiter différemment les enfants de 16/18 ans et de moins de 16 ans, et d’établir un âge minimum de responsabilité pénale.

L’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing de 1985) constituent un guide sur la façon de protéger les droits de l’enfant et de respecter leurs besoins, lorsque les Etats développent des systèmes séparés et spécialisés de justice pour mineurs. Les lignes directrices du comité des ministres du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants, adoptées le 17 novembre 2010, préconisent de nombreuses recommandations, notamment compris en ce qui concerne la formation des professionnels travaillant avec des enfants (formation interdisciplinaire, à la communication, cadres communs d’évaluation).

La convention européenne des droits de l’homme, dont certaines dispositions concernent spécifiquement les mineurs. L’article 5 soumet la détention des mineurs à certaines conditions ; l’article 6 admet une restriction au principe de publicité des débats judiciaires lorsque la protection des intérêts du mineur l’exige.

Les décisions de la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) La Cour européenne des droits de l’homme estime que le droit à un procès équitable suppose que le mineur soit traité « d’une manière qui tienne pleinement compte de son âge, de sa maturité et de ses capacités sur le plan intellectuel et émotionnel, et de prendre des mesures de nature à favoriser sa compréhension de la procédure et sa participation effective à celle-ci. » d’où l’obligation d’être assisté d’un avocat tout au long de la procédure et la possibilité de déroger à la publicité des débats 27.

27 CEDH 16 décembre 1999, affaires T et V c/R.U, 15 juin 2004, affaire S.C c/R.U

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La convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant du 25 janvier 1996, ratifiée par la France le 10 janvier 2008, accorde un certain nombre de droits procéduraux au mineur, dont celui d’être entendu dans toute procédure le concernant.

b. Les normes françaises

Par la décision du 29 août 200228 déjà évoquée, le conseil constitutionnel consacre un nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République. Ce principe à valeur constitutionnelle s’impose au législateur.

Selon le conseil, « l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du XX° siècle ». Ce principe n’a cependant pa s pour effet d’écarter la responsabilité pénale des mineurs, et n’exclut pas de prononcer, en cas de nécessité des mesures de placement, de surveillance, de retenue, ou la détention pour les plus de 13 ans.

2. LES TROIS DOMAINES DE COMPETENCE DE LA JUSTICE D ES MINEURS. Aujourd’hui, l’action de la protection judiciaire de la jeunesse doit légalement concerner les trois domaines de compétence de la justice des mineurs : l’enfance délinquante, l’assistance éducative, l’aide aux jeunes majeurs.

a. L’enfance délinquante : est la compétence originelle de la justice des mineurs. Le cadre législatif a subi d’importantes évolutions ces dernières années ; si la primauté de la réponse éducative est toujours affirmée, les mesures à caractère pénal se sont développées, et la spécificité de la justice des mineurs s’est estompée.

Il nous paraît important, dans le cadre de la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 aujourd’hui envisagée, de réaffirmer les principes fondateurs de la justice des mineurs, dont l’objet est d’assurer l’ordre social, tout en prenant en compte la spécificité de la délinquance des enfants et des adolescents. Nous estimons nécessaire de rappeler avec conviction que le moyen le plus efficace d’assurer la protection de la société est d’exercer une action éducative auprès des jeunes, permettant la compréhension et l’intégration progressive de la loi, de prendre des mesures appropriées pour faire face aux carences personnelles et familiales, d’engager une démarche d’insertion scolaire et professionnelle, dans l’objectif de connaître, comprendre et respecter les règles de vie sociale. La sanction pénale, et notamment la prison, si elles sont nécessaires dans certains cas, notamment pour les mineurs multiréitérants, ont des effets négatifs sur la récidive, qui sont reconnus par tous les professionnels.

28 Conseil constitutionnel, 29 aout 2002, n°2002-461 DC, JO 10 se ptembre 2002.

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Il est également nécessaire de prendre en compte le fait que les mineurs délinquants sont avant tout des adolescents, qui réagissent de façon émotionnelle, comme tout adolescent, et d’adapter l’action judiciaire et éducative à cette spécificité.

L’action éducative est efficace. La plupart des professionnels de justice estiment à partir de leur propre expérience qu’environ 80 % des mineurs qui font l’objet de mesures strictement éducatives ne récidivent pas. Une étude effectuée auprès des mineurs suivis par les tribunaux pour enfants de Caen et Pau montre des résultats proches29. S’appuyant sur une analyse effectuée depuis 2002 à partir d’un panel de mineurs suivis, la PJJ évalue à 66 % la part de ceux qui ne font pas l’objet d’une poursuite ou d’une alternative aux poursuites pour une infraction commise dans l’année suivant la fin de leur prise en charge 30

Sans doute faut-il distinguer pour la détermination d’une politique pénale efficace, les situations les plus nombreuses, où une action éducative suffit à rétablir le parcours d’un mineur, et celles, moins nombreuses, mais plus difficiles à traiter, exigeant une combinaison de mesures éducatives et de mesures contenantes, y compris la prison, ainsi que des moyens appropriés et renforcés de la part des services judiciaires et éducatifs.

Sans entrer dans le détail d’une réforme, actuellement préparée par les services de la DPJJ, voici quelques propositions de réforme ou d’aménagement de l’ordonnance du 2 février 1945, susceptibles d’avoir des conséquences sur l’action des services de la PJJ :

a.1. Affirmer et renforcer la spécialisation effective des juridictions pour mineurs, des magistrats et des procédures spécifiques aux mineurs : nous pensons nécessaire d’aller plus loin que la décision du conseil constitutionnel de 2002, et d’affirmer l’obligation d’une justice rendue par des magistrats spécialisés et selon des procédures appropriées aux mineurs.

Dans cette optique, la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, qui ne fonctionnent que depuis le 1° janvier 2012, mais q ui complexifient et ralentissent le jugement des mineurs récidivistes, en désorganisant gravement le fonctionnement des juridictions, sans apporter aucun avantage en termes d’efficacité, est une urgente nécessité et ne doit plus être différée.

Il en est de même des peines plancher automatiques.

La spécialisation des magistrats est effective pour les juges des enfants qui reçoivent une formation initiale spécifique à l’ENM, mais également, pour ceux qui changent de fonctions, au début de leurs nouvelles fonctions.

Elle doit être impérativement étendue aux magistrats du parquet. Se souvient-on encore que cette spécialisation est une exigence constitutionnelle pour certaines mesures spécifiques ?. Ainsi, le conseil constitutionnel n’a validé la retenue des mineurs de moins de 13 ans que

29 Étude du trajet judiciaire des mineurs des tribunaux pour enfants de Pau et de Caen, septembre 2003, qui montre que, plus de 7 mineurs sur 10 ayant eu affaire à la

justice ne réitèrent aucune infraction cinq ans après leur majorité. Etude disponible sur le site de l’AFMJF (http://www.afmjf.fr/Anciens-mineurs-delinquants-bilan.html)

30 Tableau de bord du DPJJ septembre 2013. Le panel est composé de tous les mineurs ayant eu affaire avec la justice entre le 1° et le 15 octobre de chaque année. Il

représente ainsi 1/24° de la population des mineurs connus de la justice. C’est un instrument utile pour évaluer l’impact des décisions de justice sur le parcours des mineurs, au moins

jusqu’à l’âge de 18 ans.

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dans la mesure où elle était autorisée et contrôlée notamment par un magistrat spécialisé dans la protection de l’enfance31. Pourtant, la plupart du temps, ces mesures sont autorisées dans le cadre de la permanence pénale générale, par des magistrats du parquet non spécialisés. Actuellement, les substituts des mineurs sont des magistrats chargés spécialement des affaires concernant les mineurs, mais ils ne bénéficient d’aucune formation spécialisée lors de leur entrée en fonction, ni en cours d’emploi. En outre, ils restent rarement longtemps sur le même poste.

Les délégués du procureur, qui agissent auprès d’environ 50 000 mineurs délinquants32 , ne bénéficient pourtant d’aucune formation spécialisée. Or, lors de leur intervention auprès des mineurs, ils peuvent apprécier l’existence d’éventuelles difficultés personnelles et familiales du jeune et jouer ainsi un rôle préventif, à condition que leur formation et leur expérience le permette.

Les juges d’instruction des mineurs33 et les juges des libertés et de la détention, qui prennent les mesures les plus graves envers les mineurs, ne sont pas davantage des magistrats spécialisés. Une formation spécifique, au moment de l’entrée en fonction, dans le cadre de la formation continue obligatoire, nous paraît le minimum à exiger pour être en mesure de prendre en compte la spécificité des mineurs et des mesures éducatives dans les décisions prises.

Au niveau des cours d’appel, il n’existe souvent pas de spécialisation effective des chambres de l’instruction, en raison de l’indisponibilité chronique du conseiller délégué à la protection de l’enfance, qui n’est d’ailleurs pas nécessairement un magistrat spécialisé.

Il nous parait également important d’intégrer, dans une réflexion sur la spécialisation des juridictions, la question du tribunal de police ou de proximité et celle des cours d’assises pour mineurs.

Nous proposons donc, pour garantir le respect de la spécialisation des juridictions pour mineurs d’assurer la spécialisation des magistrats du siège et du parquet, et d’étendre cette exigence aux délégués du procureur intervenant auprès des mineurs.

a.2. Redonner de la cohérence aux interventions suc cessives des différentes autorités judiciaires .

Les réponses judiciaires dépendent de l’orientation donnée par le parquet.

La part des poursuites devant les juridictions pour mineurs, principalement les juges des enfants, ne cesse de diminuer depuis 2002, alors que les procédures alternatives aux poursuites ne cessent d’augmenter.

31 Décision du conseil constitutionnel du DC 29 août 2002, JO 10 septembre, cons 35 et 36

32 Il y a eu 52 594 rappels à la loi en 2012 et 55 183 en 2010 pour la plupart effectués par les délégués du procureur

33 Même si le nombre d’affaires transmises au juge d’instruction ne cesse de diminuer. Il est passé de 2563 en 2002 à 1333 en 2012.

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En 2003, le nombre des poursuites et des procédures alternatives était à peu près identique (57 831 poursuites et 53 505 procédures alternatives). En 2012, 45 057 affaires (soit 32,8% de l’ensemble) ont fait l’objet de poursuites, alors que 81 579 (soit 59,3 %) ont été classées après avoir fait l’objet d’une procédure alternative aux poursuites, dont, pour les deux tiers, des rappels à la loi.34

L’intervention du parquet dans le cadre du traitement en temps réel a pour objet d’apporter une réponse rapide à tout acte de délinquance. Il est regrettable qu’aucune étude ne permette de connaître l’efficacité de ce dispositif , mis en place depuis plus de vingt ans, sur l’évolution de la délinquance juvénile

En outre, il a été signalé à plusieurs reprises à la mission des situations d’incohérence des décisions prises, pour des mineurs faisant déjà l’objet d’autres mesures ordonnées par d’autres magistrats, notamment les juges des enfants. Les décisions des magistrats du parquet sont prises téléphoniquement dans le cadre de la permanence pénale et exigent des réactions immédiates. Or, les magistrats du parquet disposent de peu d’éléments d’information, hormis ceux donnés par les services de police. Le logiciel Cassiopée ne permet pas d’avoir rapidement une vision de l’historique des mesures éducatives ou pénales prises pour ces mineurs, car il oblige à entrer dans chaque dossier pour connaître les décisions prises. Enfin, très souvent les mineurs concernés sont des primo délinquants.

Nous proposons de renforcer les moyens d’aide à la décision du parquet , en améliorant le logiciel Cassiopée pour permettre l’accès immédiat à l’historique des mesures judiciaires et éducatives prises, mais aussi en organisant l’intervention des services éducatifs dès qu’un mineur est placé en garde à vue ou retenu dans les commissariats, dans le but de recueillir des renseignements socio éducatifs, communiqués au magistrat du parquet préalablement à la décision d’orientation qu’il doit prendre. La mise en place future du dossier unique de personnalité35 pourra renforcer les moyens d’information du parquet.

Par ailleurs, dans le but d’éviter autant que possible le recours à une procé dure judiciaire , conformément à l’article 40 de la CIDE, il semble possible d’envisager que les actes peu graves, commis par des mineurs inconnus de la justice, soient traités par les parquets comme des informations préoccupantes, relevant de la compétence générale de protection de l’enfance des conseils généraux, qui sont en mesure d’évaluer la problématique des mineurs concernés et de proposer éventuellement des mesures de soutien éducatif aux familles et aux mineurs.

Afin d’éviter les incohérences, nous proposons, si le juge des enfants est déjà saisi de la situation d’un mineur, d’écarter la possibilité de recourir à une alternative aux poursuites dans une affaire ultérieure et de rendre la saisine du juge des enfants obligatoire pour la nouvelle affaire.

Enfin, afin d’éviter les confusions dans l’esprit des jeunes et des familles, comme des services éducatifs, nous proposons de distinguer les mesures alternatives prises par le parquet des

34 Note de synthèse de l’activité judiciaire en 2012 établie par la sous direction de la statistique et des études du Ministère de la Justice en aout 2013.

35 Le dossier unique de personnalité créé par la loi du 10 aout 2011 n’est toujours pas mis en place dans la plupart des juridictions, dans l’attente de la publication d’un

décret, et de moyens supplémentaires donnés aux greffes.

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mesures qui peuvent être prises ensuite par le juge des enfants ou le tribunal pour enfants, dans leur nature, comme dans la terminologie employée (exemple des mesures de réparation).

a.3. Simplifier les procédures tout en garantissant une réponse judiciaire rapide, n’occultant pas de prendre le temps nécessaire pour permettre aux mineurs d’évoluer et de progresser : il nous parait indispensable de simplifier et clarifier les modes de saisine des juridictions pour mineurs.

Aujourd’hui, outre l’ouverture d’une information devant le juge d’instruction, le procureur de la République peut saisir le juge des enfants par une requête, accompagner celle-ci d’un déferrement, convoquer le mineur par officier de police judiciaire devant le juge des enfants pour mise en examen, ou devant le tribunal pour enfants pour jugement, présenter immédiatement le mineur devant le tribunal pour enfants, en demandant éventuellement la césure du procès pénal . La multiplicité des modes de saisine est source de complexité et d’incompréhension, et nous proposons de revenir prioritairement à la saisine du juge des enfants.

Il faut faire confiance à ce magistrat spécialisé et mettre fin aux procès d’intention qui ont couru : il lui appartient de jouer un rôle pivot , d’orienter la procédure selon la personnalité du mineur, la gravité des faits. Il est le garant d’une cohérence qui, aujourd’hui, vole en éclats. Le principe de continuité du suivi d’un même jeune par un même juge devrait être intégré dans la loi, sous une forme permettant de concilier cette singularité et les exigences d’impartialité posées par le conseil constitutionnel dans sa décision du 8 juillet 2011.

Toutefois, dans un souci d’efficacité, nous proposons de conserver, exceptionnellement, pour les mineurs déjà connus et suivi ayant commis des faits en état de récidive légale, la possibilité de saisine immédiate d’une juridiction de jugement.

Dans les affaires simples, il est possible de statuer rapidement sur la culpabilité, et sur l’indemnisation des victimes. En revanche, les mesures éducatives doivent pouvoir se développer dans le temps pour être efficaces.

La proposition de césure du procès pénal, proposée dès 1983 par la commission Martaguet, et depuis 2008 par l’Association Française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF), apparaît adaptée aux exigences d’une justice des mineurs à la fois rapide et éducative.

a.4. Limiter et clarifier les mesures de milieu ouv ert qui peuvent être prononcées par les juridictions pour mineurs.

Un grand nombre de mesures spécifiques à différentes tranches d’âge, peuvent être prononcées, aux différentes stades de la procédure et selon les juridictions saisies. Ces mesures sont souvent très proches l’une de l’autre, dans la terminologie employée comme dans leur contenu, ce qui entraîne, là encore, beaucoup de confusion pour les mineurs et leurs familles, mais aussi pour les services éducatifs (voir chapitre 5).

Ces mesures pourraient être limitées :

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- à une mesure unique de suivi éducatif en milieu ouvert, qu’elle soit prononcée à titre provisoire ou par jugement au fond. Plutôt que de conserver le terme de liberté surveillée provisoire, qui n’a plus beaucoup de signification et ne correspond pas à la réalité objective du mineur, pourraient être instaurés un suivi éducatif provisoire en milieu ouvert – SEPMO, prononcé à titre provisoire avant le jugement, et une mesure éducative générique post-sentencielle (cette mesure éducative pourrait être la mise sous protection judiciaire pour une durée fixée par le juge).

- à des mesures de contrôle et de sûreté préalables au jugement (contrôle judiciaire et détention provisoire) et post sentencielles (sursis avec mise à l’épreuve).

- Les mesures éducatives et les mesures de sûreté peuvent être exercées par le même service éducatif, sous la réserve de déterminer des modalités d’exercice spécifique pour chacune des mesures, qui ne sont pas de même nature .

Ces mesures pourraient être effectuées sous une forme renforcée pour les mineurs les plus difficiles, pour permettre une intervention plus fréquente de l’éducateur en milieu familial (voir chapitre 5)

Dans le cadre de ces mesures, le juge pourrait demander la mise en œuvre d’autres actions (participation à des stages de citoyenneté, de formation civique, obligation de suivre une scolarité ou une formation, etc… sans avoir à les ordonner par des décisions distinctes, comme c’est le cas aujourd’hui, ce qui complexifie et limite leur utilisation. Ces mesures seraient intégrées aux actions éducatives conduites, en donnant davantage d’initiatives aux équipes éducatives pour les adapter aux besoins et capacités de chaque jeune.

Il serait également nécessaire d’éviter la superposition et l’empilement de mesures différentes : dès lors qu’une mesure est déjà prononcée pour un mineur, et que celui commet une autre infraction, il serait simplement possible de confirmer la mesure précédente , éventuellement en ajoutant des modalités nouvelles, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une nouvelle mesure ; toutes les mesures éducatives de milieu ouvert s’inscriraient dans une unique mesure de suivi éducatif, manifestant un unique parcours éducatif du mineur, plutôt que de donner lieu à des mesures multiples et des rapports successifs. Cela renforcerait la cohérence et la conduite des actions.

Cette possibilité ne fait pas obstacle à la possibilité de prendre des mesures de contrôle ou de sûreté plus contraignantes si elles apparaissent nécessaires.

Dès lors qu’un mineur fait l’objet d’une mesure éducative pré ou post sentencielle, le juge des enfants devrait pouvoir ordonner son placement dans un établissement, selon les nécessités et besoins liés à la situation personnelle du jeune ou à l’évolution de la procédure, dans le cadre d’un « incident à une mesure éducative », sans attendre qu’il ait commis une nouvelle infraction pénale.

En outre, il nous paraît nécessaire de donner la possibilité de prononcer des mesures d’aide éducative en faveur des jeunes délinquants devenus majeurs, mais qui ne sont pas encore jugés, par la création d’une mesure de mise sous protection judiciaire provisoire, permettant

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notamment de les accueillir en hébergement. Plusieurs situations d’interruptions regrettables de prise en charge ont été évoquées devant la mission.

a.5. Garantir les droits du mineur : dans le prolongement de la convention signée entre la DPJJ et le conseil national des barreaux36, il y a lieu de prévoir, en cas de désignation d’office, que le bâtonnier désigne le même avocat tout au long de la procédure et des différentes procédures comme le recommande le conseil national des barreaux.

Il apparaît également nécessaire de définir les modalités d’organisation d’un placement prononcé dans le cadre pénal, afin de garantir les droits des mineurs et des familles. Les modalités fixées en assistance éducative dans le décret du 14 mars 2002 et le code de procédure civile, ne sont pas applicables en matière pénale, alors qu’il est également nécessaire, dans ce cadre, de règlementer, par exemple, les droits de visite et d’hébergement des parents, les droits de communication et de correspondance, etc...

PROPOSITIONS

Renforcer la spécialisation des magistrats interven ant envers les mineurs, notamment du parquet

Supprimer les juridictions non spécialisées, les pr océdures de jugement accélérées ou automatiques comme les peines plancher

Fixer un cadre précis à l’utilisation par le parque t des mesures alternatives aux poursuites

Déjudiciarisation : traiter les incivilités, comme des informations préoccupantes relevant éventuellement de la protection de l’enfance.

Donner au juge des enfants un rôle pivot dans le dé roulement des procédures, pour garantir la continuité et la cohérence de l’action judiciaire envers un mineur

Instaurer une mesure éducative unique et modulable, éventuellement assortie ou complétée d’obligations particulières.

Assurer la défense du mineur par le même avocat pou r l’ensemble des procédures qui le concernent

Préciser les modalités juridiques des placements da ns le cadre pénal

36 Convention signée le 8 juillet 2011

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b. L’assistance éducative

La PJJ a estimé que la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 allait conduire à réduire le champ de l’intervention judiciaire et à diminuer l’activité civile des juges des enfants au profit des conseils généraux. Elle a également estimé qu’elle n’avait plus, à l’exception des mesures d’investigation, à exercer elle-même des mesures d’assistance éducative, dont le financement devait être exclusivement assuré par les conseils généraux.

L’abandon de l’assistance éducative a été avant tout le fruit d’une politique déterminée, le recentrage pénal, qui a été décidé et effectué par le ministère de la justice, sans modifier les textes, qui prévoyaient l’exercice par la PJJ de mesures d’assistance éducative, Il a également été imposé sans concertation ni ménagement aux juridictions, aux personnels de la PJJ et à ses partenaires du Conseil général comme du secteur associatif..

Or, six ans après la mise en œuvre de la loi, la justice continue d’être un acteur majeur de la protection de l’enfance et la subsidiarité de l’action judiciaire, recherchée par la loi de 2007, est loin d’être obtenue.

Le nombre de mineurs dont les juges des enfants ont été saisis augmente régulièrement depuis 2008, après avoir atteint un point bas en 2007 (96 744). En 2012, il s’est élevé à 102 607.37

D’après le tableau de bord des juridictions pour mineurs, le nombre de procédures d’assistance éducative ouvertes par les parquets sur signalement des conseils généraux ne cesse, lui aussi, d’augmenter à nouveau après s’être stabilisé en 2007/2008. Ainsi, le nombre de saisines des juges des enfants effectuées par le parquet après réception d’un signalement des services du conseil général s’est élevé à :

- 45 286 en 2009

- 49 2626 en 2010

- 50 285 en 2011

- 56 315 en 201238

Le nombre de mineurs suivis par les juges des enfants ne cesse également d’augmenter pour atteindre 223 392 au 31 décembre 2012.

De ce fait, l’activité judiciaire des juges des enfants en assistance éducative reste très soutenue. On constate même que la part de l’activité judiciaire des juges des enfants consacrée aux mineurs en danger a augmenté régulièrement depuis cinq ans, puisqu’elle est passée dans cette période de 54,7% à 60,1 % en 2012.

Les décisions judiciaires prises par les juges des enfants représentent l’essentiel des mesures de protection de l’enfance. D’après les derniers les chiffres de l’ONED, qui concernent l’activité de protection de l’enfance en 2010, la part des décisions judiciaires reste très élevée en ce qui concerne les décisions de placement (87,2 % après avoir atteint 89,1 % en 2007). La part des mesures de

37 Note de synthèse 2013, cf note 21

38 Tableaux de bord des juridictions pour mineurs publiés par la sous direction de la statistique et des études du Ministère de la Justice en octobre 2013.

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milieu ouvert diminue plus sensiblement, mais reste encore très élevée (70,9 % après avoir atteint 76,2 % en 2005).39

La PJJ s’est dégagée de l’assistance éducative, à l’exception des mesures d’investigation, principalement exercée, dans cette matière, par le secteur associatif habilité (voir page 60 sur l’investigation).

Toutefois, malgré son « recentrage » pénal, la PJJ a conservé des compétences civiles limitées : elle exerce des mesures civiles d’investigation, accueille des mineurs suivis par le conseil général dans les dispositifs d’accueil et d’accompagnement ; elle participe au fonctionnement des classes relais, ou des internats relais, par la mise à disposition d’éducateurs. Certains services sont autorisés ponctuellement à exercer des mesures d’AEMO.

Enfin, elle est récemment intervenue dans l’organisation du dispositif de prise en charge des mineurs isolés étrangers, qui pose des problèmes spécifiques (cf. infra page 89). La mission de pilotage fonctionne au niveau central de la DPJJ.

Or, s’il est apparu nécessaire de maintenir la double compétence, civile et pénale, des juges des enfants, dans un souci de donner une plus grande cohérence à leur action, et de leur permettre de mieux connaître les familles et les mineurs, mais aussi les établissements, équipements et services se trouvant sur son territoire d’intervention, il en va de même pour la PJJ.

L’arrêt de l’intervention en matière civile a pour effet de provoquer une rupture dans le parcours des jeunes les plus en difficulté. Celui-ci est souvent chaotique, et alterne des actes de délinquance et des temps d’apaisement. A l’issue d’une mesure pénale, et alors qu’aucune autre infraction ne justifie la poursuite d’une action éducative de la PJJ, celle-ci doit avoir la possibilité de continuer d’accompagner le jeune dans un cadre civil. Nous considérons comme nécessaire et indispensable de favoriser une prise en charge globale des adolescents, au-delà des actes de délinquance ponctuels. L’assistance éducative, qui intervient dans la durée, est aussi un moyen de prévention de la délinquance. Les mêmes adolescents difficiles se retrouvent sur les deux champs. Tous les intervenants s’accordent en outre à reconnaître les compétences de la PJJ en matière de prise en charge des adolescents.

Par ailleurs, il semble souhaitable que la PJJ puisse assurer une fonction d’aide à la décision auprès des parquets en matière civile, non pour apprécier le bien fondé des signalements transmis par les conseils généraux, mais pour apporter un éclairage sur les situations qui parviennent directement au parquet : violences intrafamiliales dans lesquelles des enfants sont victimes, violences sur mineurs, etc… (Voir page 63 sur les RRSE civils).

La volonté de la PJJ d’assumer un rôle en matière de coordination de la protection de l’enfance ne peut s’exercer que si elle tire une légitimité de son action sur le terrain et donc d’une connaissance et d’une expérience en direction des enfants en assistance éducative.

En permettant à chaque éducateur affecté à une UEMO (environ 3 000) de prendre en charge 3 mineurs adolescents en assistance éducative, on arrive à une capacité annuelle de l’ordre de 9 000 mineurs, qui constitue une part non négligeable des mesures d’AEMO exercées dans le champ de la

39 8° Rapport de l’ONED remis au gouvernement et au parlement en ma i 2013.

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protection de l’enfance40, et qui ne se trouveraient plus à la charge du financement des conseils généraux. Il faut rappeler que la PJJ exerçait 10 000 mesures d’AEMO en 200141.

Cette évolution peut se faire à moyens constants pour la PJJ, dans un contexte de réduction régulière du nombre de mineurs délinquants dont sont saisies les juridictions depuis 200642.

Les mesures judiciaires d’aide à la gestion du budg et familial.

Depuis 1966, les juges des enfants pouvaient prononcer la mise sous tutelle des prestations familiales lorsqu’elles n’étaient pas utilisées dans l’intérêt des enfants.

La loi du 5 mars 2007 a remplacé la tutelle aux prestations familiales par la mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial. Les dispositions qui régissent cette mesure sont désormais intégrées dans le code civil, dans une section qui suit immédiatement le texte sur l’assistance éducative, montrant qu’il s’agit d’une disposition qui s’inscrit dans la même dimension d’assistance aux familles.

Dans la même logique que la loi sur la protection de l’enfance, l’article 375-9-1 du code civil prévoit la possibilité d’une intervention judiciaire seulement lorsque les mesures d’accompagnement social ne sont pas suffisantes. : lorsque les prestations familiales ne sont pas employées pour les besoins liés au logement, à l’entretien, à la santé ou à l’éducation des enfants et que l’accompagnement en économie sociale et familiale prévu à l’article L 222-3 du code de l’action sociale et des familles n’apparaît pas suffisant, le juge des enfants peut ordonner qu’elles soient versées à un délégué aux prestations familiales.

En pratique, le nombre de mesures d’aide à la gestion du budget familial ne cesse de diminuer, sans que l’on puisse déterminer si les conseils généraux ont mis en place des moyens d’accompagnement en économie sociale et familiale.

Le nombre de mesures nouvelles prononcées s’est élevé à 3801 en 2012 et le nombre de mesures renouvelées à 12 193.

L’évaluation et le bilan de cette mesure de protection de l’enfance devrait également être assurée par l’Etat, notamment dans la perspective de garantir une égalité de traitement dans tout le territoire (voir chapitre sur la coordination de la protection de l’enfance p 51).

40 En 2010, il y a eu environ 100 000 AEMO ordonnées par les juges des enfants d’après le rapport de l’ONED, et 103 000 d’après les chiffres clés de la justice 2012.

41 Les chiffres clés de la justice - 2012

42 Alors qu’ils avaient été saisis de 57 250 affaires en 2006, chiffre le plus haut de la période 2002/2012e, les juges des enfants n’ont été saisis que de 51 800affaires en 2011

(correspondant à 71 871 mineurs) et 41 129 en 2012. Ce dernier chiffre doit cependant être apprécié avec prudence compte tenu des péripéties liées à la mise en place du logiciel Cassiopée.

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PROPOSITIONS

Abandonner la politique d’une action pénale exclusi ve de la PJJ

Permettre aux services éducatifs de la PJJ d’exerce r à nouveau des mesures d’AEMO ou d’accueillir dans ses établissements des mineurs co nfiés en assistance éducative, au profit d’adolescents en grande difficulté

Maintenir les capacités de participation de la PJJ aux à des missions de protection de l’enfance (classes relais, prise en charge des mine urs isolés étrangers)

Rétablir des RRSE civils pour apporter une aide à l a décision des parquets en matière civile

c. La protection judiciaire des jeunes majeurs

Le décret du 18 février 197543 permet au juge des enfants de prononcer des mesures de protection judiciaire des mineurs émancipés et des jeunes majeurs de 18 à 21 ans.

Ce texte était destiné initialement à compenser les effets de la loi du 5 juillet 1974 abaissant à 18 ans l’âge de la majorité civile, auparavant fixée à 21 ans, envers des jeunes majeurs éprouvant de graves difficultés d’insertion sociale. Avec l’accord du jeune majeur, le juge des enfants peut ordonner des mesures d’observation ou d’aide éducative en milieu ouvert, ou de maintien ou d’admission dans un établissement spécialisé assurant des fonctions d’accueil, d’orientation, d’éducation ou de formation professionnelle. Les dépenses résultant de la mesure, si elles ne sont pas supportées par le jeune majeur, sont imputées sur le budget du ministère de la justice.

En application de ce texte, un nombre important de jeunes majeurs ont été pris en charge par la justice, au point que le budget de la PJJ s’en est trouvé fortement déséquilibré. En 1999, le financement de l’hébergement des jeunes majeurs représentait 53% des dépenses en faveur des associations du secteur privé44. Il est également apparu que certaines mesures étaient ordonnées pour de longues durées, ne donnaient pas lieu à des évaluations régulières, et n’exigeaient pas d’action éducative soutenue en faveur des jeunes pris en charge.

La PJJ a également estimé que ce type de mesures d’aide devait relever de la compétence des conseils généraux. L’article L 222-5 du code de l’action sociale et des familles permet en effet la prise en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance, des majeurs de moins de 21 ans éprouvant des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisant. Le texte reprend pratiquement les mêmes termes que le décret de 1975. En outre, le financement de ces

43 Décret 75-96 du 18 février 1975 fixant les modalités de mise en œuvre d’une action de protection judiciaire en faveur des jeunes majeurs.

44 Rapport de la cour des comptes 2003.

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mesures était contraire à la politique du recentrage pénal engagée à la fin des années 1990 et à la RGPP.

La DPJJ s’est efforcée vainement d’obtenir l’abrogation du décret de 1975. La décision d’abrogation a été actée lors du conseil de modernisation des politiques publiques de juin 2008, mais elle s’est heurtée à l’opposition d’autres ministères et à l’avis négatif du Comité des finances locales.

La DPJJ a engagé des actions en vue de réduire le nombre de jeunes majeurs pris en charge. Des démarches incitatives ont été engagées auprès des juges des enfants pour les inviter à modifier leurs pratiques. Plusieurs circulaires ont été publiées, notamment celle du 21 mars 2005, qui prévoit que les directions territoriales de la PJJ doivent être sollicitées sur la poursuite de prise en charge d’un mineur à sa majorité préalablement à la décision du magistrat. Ces dispositions, difficilement admissibles pour des magistrats, ont été peu appliquées. La PJJ a décidé de réduire drastiquement le financement disponible, puis de le supprimer totalement. Aucune ligne de crédit n’est ouverte depuis 2011. Le nombre des mesures d’aide aux jeunes s’est considérablement réduit, et a quasiment disparu aujourd’hui.45

Dans le même temps, le nombre de jeunes majeurs pris en charge par les conseils généraux est passé de 19 174 en décembre 2003 à 21 828 l’année suivante. Il enregistre, depuis cette date, une légère décrue (21 309 au 31 décembre 2010).46 La plupart des prises en charge s’exercent en hébergement (82,9 %). Mais le conseil général n’a aucune obligation de prendre en charge les jeunes majeurs, s’agissant d’une démarche contractuelle. Il dispose d’un pouvoir totalement discrétionnaire dans ce domaine. Les juges des enfants entendus par la mission constatent des refus de plus en plus fréquents opposés à des demandes de prise en charge de jeunes qui étaient auparavant suivis en assistance éducative. Ces refus entraînent une interruption des prises en charge, qui peut gravement compromettre la situation déjà fragile de nombreux jeunes.

Les juges des enfants entendus et les organisations professionnelles soulignent l’intérêt d’une telle mesure pour consolider les évolutions, brutalement interrompues à la majorité, étant rappelé qu’un grand nombre de démarches administratives ne peuvent être effectuées qu’une fois la majorité civile atteinte.

La poursuite d’une aide au-delà de la majorité apparaît en effet indispensable pour consolider des évolutions amorcées, stabiliser des orientations d’insertion professionnelles, accompagner et soutenir des démarches que ne parviennent pas à effectuer seuls des jeunes qui se trouvent isolés et sans soutien familial, et qui manifestent une immaturité ou des carences, surtout au regard de l’aggravation de la crise économique et sociale, qui frappe en premier lieu ceux qui sont le plus en difficulté. Contrairement à ce qui a été avancé par la PJJ, il entre bien dans les missions du juge des enfants, comme le prévoit toujours le décret du 18 février 1945, de consolider les actions qu’il a engagées en faveur de jeunes en grande difficulté, même si l’objectif doit incontestablement être l’utilisation, dès que possible, des dispositifs de droit commun.

45 La part des placements judiciaires par rapport au total des placements de jeunes majeurs, est passée de 16,4 % en 2004 à 0,7 % en 2010 ; celle des mesures de milieu

ouvert, de 51,2 % en 2004 à 12,6 % en 2010. Le total des jeunes majeurs suivis par la PJJ était de 741 en 2011 et seulement de 257 en 2012. Au 30/09/2013, 16 mesures

de placement et 116 mesures d’AEMO seulement ont été ordonnées. pour l’année 2013

46 Rapport ONED 2003

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Il est d’ailleurs paradoxal que le juge des enfants puisse ordonner des mesures de protection judiciaire, y compris sous forme de placement, pour des jeunes majeurs faisant l’objet d’une procédure pénale47, mais qu’il ne puisse prononcer la même mesure d’aide pour des jeunes en danger qu’il suivait dans le cadre de l’assistance éducative.

Il est donc proposé de maintenir la possibilité pour le juge des enfants d’intervenir dans le cadre de la protection judiciaire pour les jeunes majeurs.

Toutefois, pour tenir compte des dérives constatées dans le passé, il est proposé de limiter à un an la durée de ces mesures, ce délai devant prioritairement mis à profit pour permettre un passage de relais auprès des dispositifs de droit commun.

La question du financement de ces mesures se pose. En effet, les lois de décentralisation de 1983 ont transféré aux départements la charge financière des mesures d’assistance éducative confiées au secteur associatif. Il semblerait cohérent qu’il en aille de même pour les mesures d’aide aux jeunes majeurs exercées par le secteur associatif ou par le secteur public départemental. En outre, le financement des mesures par le département permettrait de garantir la continuité des interventions éducatives pour un jeune déjà pris en charge par l’aide sociale à l’enfance avant sa majorité, alors qu’un changement de financeur induirait nécessairement un changement d’établissement.

Si la mesure est confiée au secteur public de la PJJ, celle-ci assurerait également le financement.

Il est donc proposé de maintenir la possibilité pour le juge des enfants d’ordonner, pour une période limitée à un an, des mesures d’aide en faveur de mineurs émancipés et de jeunes majeurs, qui faisaient l’objet, avant leur majorité, soit d’une mesure d’assistance éducative, soit d’une mesure éducative ordonnée dans le cadre pénal.

Une modification du décret du 18 février 1975 est donc nécessaire pour intégrer ces limitations. Il serait d’ailleurs souhaitable qu’elles fassent l’objet d’un texte législatif et soient insérées dans le code civil, après les dispositions relatives à l’assistance éducative et aux mesures judiciaires d’aide à la gestion du budget familial.

PROPOSITION

Modifier le décret du 18 février 1975 en prévoyant que le juge des enfants pourra ordonner, au profit de jeunes majeurs qui faisaient l’objet avant leur majorité d’une mesure d’assistance éducative, ou d’une mesure éduc ative ordonnée dans le cadre pénal, et qui rencontrent encore de graves difficul tés d’insertion sociale et professionnelle, une mesure d’aide, sous la forme d ’une action éducative en milieu ouvert ou d’une prise en charge en hébergement, po ur une durée maximale d’un an.

47 En prononçant une mesure de protection judiciaire prévue par l’article 16 bis de l’ordonnance du 2 février 1945.

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3. REDEFINIR LES MISSIONS DE LA PJJ A PARTIR DES CO MPETENCES DE LA JUSTICE DES MINEURS

Le terme de protection judiciaire de la jeunesse désigne à la fois l’administration qui est organiquement chargée d’organiser, de gérer et contrôler les services publics et privés en charge des mineurs ou des jeunes majeurs confiés par les juridictions pour mineurs, mais également la politique de protection judiciaire de la jeunesse décidée par l’Etat, et qui est mise en œuvre à travers ses institutions, notamment l’autorité judiciaire.

Le décret du 9 juillet 2008 relatif à l’organisation du ministère de la justice, s’efforce de traduire ces missions. Il prévoit que la DPJJ est chargée, dans le cadre de la compétence du ministère de la justice, de l'ensemble des questions intéressant la justice des mineurs et de la concertation entre les institutions intervenant à ce titre.

A ce titre, La DPJJ, - en liaison avec les directions compétentes, conçoit les normes et les cadres d'organisation de la justice des mineurs ; - garantit, directement ou par son secteur associatif habilité, une aide aux décisions de l'autorité judiciaire ; - assure directement, dans les services et établissements de l'Etat, la prise en charge de mineurs sous main de justice ; - garantit à l'autorité judiciaire, par le contrôle, l'audit et l'évaluation, la qualité de l'aide aux décisions et celle de la prise en charge quel que soit le statut des services et établissements sollicités ; - en liaison avec le secrétariat général, elle définit et conduit la politique des ressources humaines menée au profit des personnels des services déconcentrés et élabore les règles statutaires applicables aux corps propres à la protection judiciaire de la jeunesse. Elle développe les outils de gestion prévisionnelle. Elle assure un suivi individualisé des carrières. Elle conduit la politique de formation mise en œuvre par l'Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) ; - détermine les objectifs stratégiques et opérationnels, définit les besoins de fonctionnement et d'équipement, répartit les ressources et les moyens entre les différents responsables fonctionnels et territoriaux.

Cette présentation récapitule les missions organiques de la PJJ. Toutefois, on peut s’étonner de l’importance donnée à l’aide aux décisions de l’autorité judiciaire. Elle est considérée comme devant être nécessairement conduite par la PJJ dans sa mission de soutien aux magistrats. Elle est présentée comme une sorte de mission régalienne, qui devrait nécessairement être assumée par le secteur public. Mais ce principe tardif, qui n’a été affirmé qu’en 2008, n’est pas intangible et mérite d’être débattu. En effet, lors de l’apparition de la justice des mineurs, dès 1912, la nécessité d’une enquête sur la situation matérielle et morale de la famille a été posée. Celle-ci a été réalisée grâce à des initiatives privées créant des services spécialisés pour mettre en œuvre ces mesures auprès des tribunaux pour enfants48. La mission spécifique du secteur public était plutôt de mettre en œuvre des

48 Ainsi la création en 1923 de l’association Olga Spitzer créée en 1923 auprès du tribunal pour enfants de Paris, ou celle du service social de l’enfance en danger moral.

Voir l’article « justice des mineurs et investigation » de J.P Jurmand, dans « les cahiers dynamiques », juin 2011.

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mesures pénales ordonnées (avec les délégués à la liberté surveillée, les établissements d’hébergements, IPES, ISES).

Dans le cadre de la décentralisation, le financement des mesures d’investigation, qu’elles soient exercées par le secteur public ou le secteur associatif, et qu’elles concernent des mesures civiles ou pénales, est resté à la charge de l’Etat. Il semble qu’en plaçant l’aide à la décision au rang d’une mission régalienne, la PJJ a cherché un moyen de lui maintenir une place dans le champ de l’assistance éducative, puisque c’est le seul domaine où elle conserve une action opérationnelle auprès des enfants et des familles, en même temps qu’elle assure un financement exclusif, aussi bien en ce qui concerne les mesures confiées au secteur public qu’au secteur associatif.

Cette place centrale donnée à l’investigation peut avoir pour conséquence de légitimer le désengagement de l’Etat d’autres domaines, comme les jeunes majeurs.

Il convient donc de rappeler que la mission de la PJJ est d’assurer la mise en œuvre de toutes les décisions de l’autorité judiciaire, qu’il s’agi sse des mesures d’investigation, de milieu ouvert ou de placement, dans tous les domaines de compétence de la justice des mineurs, soit directement, soit par l’intermédiaire du secte ur associatif habilité . Par ailleurs, la PJJ doit exercer un rôle de contrôle sur le bon fonctionnement des services associatifs habilités qui exercent des mesures civiles, et qui font l’objet d’une tarification conjointe Etat/départements.

Il convient d’observer qu’il n’existe aucun dispositif de régulation adapté en ce qui concerne le contrôle de l’exécution des décisions d’assistance éducative, par lesquelles le juge des enfants confie un enfant à un service de l’aide sociale à l’enfance. Plusieurs juridictions ont fait état de situations préoccupantes, résultant de la non exécution de décisions de justice. La cour des comptes avait déjà relevé cette lacune dans le rapport de 2009 sur la protection de l’enfance. Elle avait suggéré d’aménager la faculté, pour les services de l’Etat, de se substituer aux départements dans l’exécution des mesures, la charge financière restant à ce dernier.49

Au sein des services de l’Etat, il semble que seule la DPJJ puisse assurer cette mission, ce qui suppose qu’elle soit reconnue, à la fois par les conseils généraux, mais aussi par l’autorité judiciaire, comme investie d’une légitimité à intervenir à ce titre. Le rétablissement d’une intervention opérationnelle dans le cadre de l’assistance éducative et la restauration de relations institutionnelles satisfaisantes avec l’autorité judiciaire (cf chapitre 3), devraient lui permettre d’être en mesure d’assumer cette fonction.

Il conviendrait d’ailleurs de préciser dans le décret que la mission de coordination des institutions concourant à la protection judiciaire de la jeunesse confiée à la PJJ doit nécessairement s’exercer en lien avec l’autorité judiciaire.

Afin de garantir une plus grande cohérence dans l’organisation et le fonctionnement de la justice des mineurs, il serait souhaitable que la DPJJ puisse apporter une aide et un soutien dans le fonctionnement des juridictions pour mineurs et leur organisation. Certaines de ces missions sont aujourd’hui assurées par la DSJ. Si l‘organisation générale et les moyens de fonctionnement des juridictions pour mineurs doivent être gérées par la DSJ, pour garantir une cohérence d’ensemble concernant les services judiciaires, le fonctionnement opérationnel des juridictions pour mineurs

49 Rapport de la cour des comptes sur la protection de l’enfance, 2009, page 123

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pourrait être placée sous la responsabilité de la DPJJ pour favoriser la mise en œuvre des réflexions et des mesures concernant les mineurs, ainsi que la coordination avec les autres acteurs de la protection de l’enfance.

La cour des comptes avait réclamé la mise en place d’un document de politique transversale, regroupant l’ensemble des missions de la justice des mineurs, qui pourrait utilement être mis en place par la DPJJ.

Un changement de nom de la DPJJ, associé à une représentation adaptée de l’autorité judiciaire permettant de mieux prendre en compte les besoins des juridictions (voir page 45), pourrait manifester de façon plus sensible que la PJJ est au service de la justice des mineurs et ne peut agir sans l’autorité judiciaire.

La DPJJ pourrait, par exemple, prendre le nom de : direction de l’administration de la justice des mineurs.

Enfin, il devrait être intégré dans les missions de la PJJ une mission d’évaluation des politiques suivies en matière de protection judiciaire de la jeunesse, aucune évaluation n’étant actuellement mise en place.

PROPOSITIONS

Redéfinir les missions de la PJJ à partir de l’ense mble des compétences légales des juridictions pour mineurs : assurer la mise en œuvr e de toutes les décisions de l’autorité judiciaire, qu’il s’agisse des mesures d’investigat ion, de milieu ouvert ou de placement, soit directement, soit par l’intermédiaire du secteur as sociatif habilité

Rappeler que l’intervention de la PJJ s’exerce prio ritairement sous un mode éducatif quel que soit le lieu où se trouve le mineur pris en cha rge

Désigner la PJJ comme la direction de l'administrat ion de la justice des mineurs (DAJM) chargée de l'organisation et du fonctionnement glob al de la justice des mineurs.

Intégrer dans les missions de la PJJ celle de l’éva luation de la politique de protection judiciaire de la jeunesse

Donner à l’administration de la PJJ la responsabili té d’assumer, pour le compte de l’Etat, le respect des décisions judiciaires prises en assista nce éducative.

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CHAPITRE III

RETABLIR DES RELATIONS EQUILIBREES AVEC L’AUTORITE JUDICIAIRE

Les magistrats entendus se plaignent de relations difficiles avec les services de la PJJ. L’AFMJF indiquait que les magistrats ne comprenaient plus les orientations de la PJJ, tournées depuis plusieurs années vers des préoccupations organisationnelles et matérielles internes, bien éloignées des besoins des juridictions pour mineurs. Les autres organisations professionnelles de magistrats font le même constat de dégradation des relations entre l’administration de la PJJ et les juges des enfants. Lors des rencontres ou consultations de la mission avec les magistrats, ces derniers constatent souvent la distance qui s'est installée avec les services de la PJJ ces dernières années, notamment depuis la suppression des services éducatifs auprès des tribunaux, mais aussi du fait de l’éloignement des lieux de décisions par rapport aux juridictions.

En même temps, la PJJ reproche aux juges de ne pas prendre en compte les contraintes matérielles et financières qui pèsent sur elle. Dans un contexte particulièrement contraint, elle estime avoir fait le maximum pour préserver l’essentiel, c'est-à-dire le maintien de moyens éducatifs permettant de prendre en charge les mineurs délinquants.

La tension entre le judiciaire et l’éducatif a longtemps caractérisé les rapports entre l’autorité judiciaire et la PJJ. Après une période de grande proximité, l’Education Surveillée, puis la PJJ, a revendiqué une autonomie par rapport au judiciaire. Mais le judiciaire et l’éducatif sont étroitement imbriqués dans le fonctionnement de la justice des mineurs, et dépendent l’un de l’autre. Il est indispensable de passer d’une relation antagoniste, voire dialectique, à une articulation fonctionnant de façon souple et coordonnée, puisque l’autorité judiciaire confie des mesures à la PJJ, qui a l’obligation de les mettre en œuvre. Même si l’action éducative se déploie ensuite nécessairement de façon autonome, il n’en demeure pas moins que la PJJ est dans l’obligation de prendre en compte la nature et la finalité des décisions judiciaires. La PJJ doit savoir faire preuve de compétence à la fois dans l’action éducative, mais aussi être capable de se situer dans un parcours judiciaire, qui peut avoir d’importantes conséquences pour un jeune.

Le juge, de son côté, doit connaître et comprendre le fonctionnement des établissements et des services et les problématiques éducatives de prise en charge des mineurs les plus en difficulté. Il doit également prendre en compte l’effet des décisions qu’il prend, notamment par rapport à leur coût, et par rapport aux capacités des établissements.

Les relations se sont tendues ces dernières années, du fait de l’incompréhension par les juges des enfants du non respect de certains textes et donc d'un positionnement politique de la PJJ, mais cette administration ne pouvait sans doute pas faire autrement que d’obéir aux injonctions politiques. La PJJ avait elle-même bien apprécié ces difficultés : dans le dossier remis aux magistrats participant à la réunion nationale des magistrats coordonnateurs, en décembre 2010, elle relevait que « les juges

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des enfants cristallisent la plus vive opposition aux orientations mises en œuvre par la PJJ, et ce de la manière la plus homogène, quels que soient les contextes rencontrés ».50

Cette situation a renforcé l'antagonisme justice/PJJ, d’autant que la PJJ a délibérément écarté l’application de certains textes qui , seuls, fondent la compétence de la justice des mineurs : il en est ainsi de l’impossibilité de prononcer des mesures d’aide aux jeunes majeurs alors que le décret du 18 février 1945 est toujours en vigueur, de confier des mesures d’assistance éducative à la PJJ du fait d’une décision politique de « recentrage » pénal, alors que le décret du 6 novembre 2007 assigne toujours ce type de mission aux services d’UEMO, d’ordonner des enquêtes sociales ou des IOE, remplacées par simple arrêté par la MJIE, alors que ces mesures figurent toujours dans le code de procédure civile et même l’ordonnance du 2 février 194551, de procéder à une profonde réorganisation territoriale des services sans tenir compte du découpage judiciaire, ou encore, de retirer les services éducatifs auprès des tribunaux (SEAT) des juridictions.

En même temps, le recentrage pénal n’a pas permis à la PJJ de mettre en place les moyens nécessaires aux besoins judiciaires, notamment en termes de placement. Il y a une insatisfaction sur la qualité des prestations fournies et sur les délais d’attente. Enfin, la PJJ s’est investie de la responsabilité de coordonner la justice des mineurs, y compris avec les conseils généraux dans le cadre de la protection de l’enfance, et s’est donnée les moyens administratifs et réglementaires d’assurer cette mission, sans nécessairement respecter les spécificités et le rôle de l’autorité judiciaire.

On peut examiner les relations de la PJJ avec l’autorité judiciaire à deux niveaux : 1. la mise en œuvre des décisions judiciaires individuelles 2. les relations institutionnelles entre l’autorité judiciaire et les services de la PJJ

1. LA MISE EN ŒUVRE DES DECISIONS JUDICIAIRES INDIV IDUELLES ET LE SUIVI INDIVIDUEL DES MINEURS

Dans le fonctionnement quotidien des juridictions, la question de la relation des magistrats et des services de la PJJ se révèle cruciale en ce qui concerne la mise en œuvre des mesures ordonnées. La relation passe souvent par le SEAT, qui est le service le plus proche des juridictions, mais qui s’en est éloigné du fait des restructurations récentes.

Plusieurs situations doivent être relevées :

a. La recherche d’un hébergement immédiat

Les juges se plaignent de la difficulté de trouver des places d'hébergement, notamment permettant de garantir immédiatement un hébergement et une mise à distance, pour des mineurs délinquants déférés. Ces mesures sont généralement proposées et mises en œuvre par l'intermédiaire des permanences éducatives auprès du tribunal (PEAT) ou des SEAT, et la plupart d’entre elles sont

50 Dossier remis lors de la réunion des magistrats coordonateurs du 14 décembre 2010 à la cour d’appel de Paris

51 Alors que la MJIE a remplacé l’enquête sociale dès janvier 2011, par simple circulaire, l’enquête sociale n’a disparu de l’article 8 de l’ordonnance du 2 février 1945 que

par la loi du avril 2002.

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ordonnées dans le cadre de défèrements. Le reproche récurrent concerne l’insuffisance ou l’inadaptation des places disponibles. Il est exprimé non seulement par les juges des enfants, mais aussi par les magistrats du parquet, les juges d’instruction pour mineurs et les juges des libertés et de la détention.

L’insuffisance de places est également liée à la diminution des capacités globales d’hébergement et à l’attractivité des CEF, souvent présentée comme la seule solution permettant de garantir un placement immédiat.

Au-delà de la question des places disponibles, se pose le problème de l’adéquation entre l’attente judiciaire et les possibilités éducatives. En matière pénale, le placement immédiat répond de plus en plus à un besoin judiciaire de réponse sociale à un acte délinquant, rendant impossible le maintien du mineur dans son milieu habituel, plutôt qu’à une mesure éducative permettant de permettre au mineur de bénéficier d’un autre cadre de vie et d’un encadrement éducatif ferme et bienveillant, plus structurant que celui que lui offre son milieu familial. Très souvent ce type de placement n’est encore offert au mineur que s’il adhère au projet éducatif de l'établissement susceptible de l’accueillir, même si cette exigence a beaucoup faibli ces dernières années.

Or, le placement éducatif, à part dans les CEF, n’a pas été envisagé pour répondre à la demande de protection sociale.

Il s’ensuit une distorsion et une insatisfaction fréquente, en même temps qu’un recours quasi systématique aux CEF, y compris dans les propositions d’alternative à l’incarcération faites par les services de la permanence éducative.

Une connaissance plus précise des attentes et possibilités de chacun permettrait de diminuer cette distorsion, mais aussi de rechercher des solutions plus adaptées (cf. chapitre 5 sur le placement).

b. Le retard dans la mise en œuvre des décisions

Le retard dans la mise à exécution des décisions confiées à un service de la PJJ est un autre motif d’insatisfaction. La réduction des délais constitue un objectif essentiel, parce qu’une mesure éducative a vocation à éviter le renouvellement d’infractions pénales par une prise en charge éducative adaptée, exercée dans un temps proche de la commission des faits et de la décision judiciaire qui l’ordonne, pour qu’elle ait un sens pour le mineur.

La loi du 9 septembre 2002 avait posé comme objectif de réduire les délais de prise en charge des mesures éducatives et des peines à 15 jours à la fin de l’année 2007. La cour des comptes avait relevé des retards importants dans son rapport de 2007. Le rapport TABAROT52 constatait que le taux de mesures en attente53, après avoir atteint 9% du total des mesures en 2000, ne cessait de diminuer et n’était plus que de 3% en 200654. En revanche, si le délai de prise en charge des

52 Rapport d’information de l’assemblée nationale déposé en juin 2008 par Mme Michèle TABAROT, sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les

personnes mineures.

53 Les mesures en attente sont les mesures qui ne sont pas prises en charge par un service de la PJJ dans les 15 jours de leur notification

54 Ce qui représente quand même 1239 mesures de milieu ouvert et 196 mesures d’investigation.

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mesures de placement et d’investigation était satisfaisant55, celui des mesures pénales en milieu ouvert restait élevé, et atteignait en moyenne 53,58 jours56.

En 2012 le délai de prise en charge des mesures d'investigation dans le secteur public est de 4,8 jours, celui d'un RRSE de 1,1 jour, celui d'une mesure d'hébergement de 1,5 jour. Il atteint 11,3 jours pour une mesure de MO soit 36,4 jours au total si on y ajoute les délais imputables aux juridictions57. Des magistrats nous ont fait observer que le mode de comptage du délai est inadapté : en effet le délai de la « structure », pour la PJJ, est le nombre de jours entre la date de notification au service de la PJJ, et la date de prise en charge effective par le service, c'est-à-dire la désignation d’un éducateur référent. Mais la désignation d’un éducateur ne signifie pas une première rencontre effective avec le mineur, qui devrait être le vrai point de départ de la mesure.

Une partie de ce délai est imputable aux juridictions. La PJJ l’évalue en 2012 à 25,1 jours, ce qui est considérable, mais vraisemblable. En effet, les délais de mise en forme et de transmission des décisions peuvent être, dans certains cas, particulièrement longs en raison de l’insuffisance des moyens des greffes, qui est régulièrement soulevée. Elle a été constatée dans le rapport SCHOSTECK et elle est régulièrement rappelée dans les rapports des juridictions pour mineurs. Toute tentative d’amélioration des délais sera vouée à l’échec tant que la grave insuffisance de moyens des greffes ne sera pas traitée comme il convient.

La loi du 27 mars 2012 58prévoit désormais l'obligation, à partir du 1° janv ier 2014, de prendre en charge une mesure dans le délai de 5 jours, des lors qu'elle est assortie de l'exécution provisoire et qu'elle a été notifiée au mineur au cours d'une audience. La PJJ a mis en place une organisation pour atteindre cet objectif, elle a publié une circulaire pendant l'été 2013, mais de nombreux juges des enfants s’estiment insuffisamment informés des modalités de mise en œuvre de cette mesure par les services locaux de la PJJ à quelques jours de son entrée en vigueur.

Mais la mise en œuvre rapide des décisions n’est pas qu’une affaire de procédure, mais aussi de moyens. L’amélioration des délais de prise en charge des mesures, constatée dans plusieurs juridictions, résulte avant tout d’un renforcement significatif des moyens. L’objectif ne pourra pas être atteint par la seule optimisation des moyens existants. Un renforcement ciblé des éducateurs est prévu dans 29 départements retenus comme prioritaires. La création de 120 ETP d’éducateurs était estimée nécessaire pour y parvenir.

La prise en compte de la rapidité pour la prise en charge des mesures de milieu ouvert est aussi une vraie révolution culturelle dans les pratiques professionnelles de la PJJ. La prise en compte de l’urgence rejoint les préoccupations de la société, en même temps que la rapidité d’intervention est, manifestement, un critère d’efficacité dans l’action auprès des mineurs. Il faut rompre avec l’habitude trop répandue de prendre son temps.

55 A savoir, 7,17 jours en moyenne pour une mesure d’investigation, et 2,03 jours en moyenne pour un placement

56 Il atteignait 74 jours pour la mise sous protection judiciaire, 63 jours pour la liberté surveillée, 77 jours pour le sursis avec mise à l’épreuve, 86 jours pour les mesures

éducatives, 40 jours pour une liberté surveillée préjudicielle.

57 Tableau de bord DPJJ 31 octobre 2013

58 Loi du 27 mars 2012 relative à l’exécution des peines

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Notons que cet objectif n’est pas considéré par les juges comme une priorité dans les départements où les mesures sont prises en charge dans un délai raisonnable. Un effet pervers peut même être attendu d’une convocation intervenant cinq jours après une audience, qui risque de susciter aussi des réactions négatives des parents comme des mineurs. Certains juges des enfants envisagent de ne pas assortir leurs décisions de l’exécution provisoire pour éviter ce phénomène, ou éviter des phénomènes d’engorgement des greffes.

Les bureaux d’exécution des peines : les bureaux d’exécution des peines sont des services du greffe, situé au tribunal, ouvert pendant le temps de l’audience ou dans la continuité de celle-ci . Il s’agit nécessairement d’audiences pénales du tribunal pour enfants ou juge des enfants siégeant en audience de cabinet. En l’absence de BEX, une mission BEX peut être exercée par les services de la PJJ. Au 31 décembre 2012, il existe 46 BEX et 78 missions BEX. Sur 153 tribunaux pour enfants, seuls 29 n’étaient pas couverts par un BEX ou une mission BEX. La généralisation des BEX mineurs est prévue par la loi du 27 mars 2012. La mise en place des BEX a eu pour effet de raccourcir le délai de convocation au service de milieu ouvert pour les mineurs qui n’étaient pas suivis.

L’USM estime préférable, plutôt que de rajouter des délais non tenus, de généraliser les BEX, comme cela a été préconisé par le groupe de travail relatif à la charge de travail et à l’organisation des juridictions pour mineurs. Ces bureaux offrent l’avantage de recevoir le jour même le mineur et sa famille, sans nouvelle convocation, sans charge de travail supplémentaire pour les greffes et sans risque d’absence, comme cela sera prévisible quelques jours après une audience.

c. Les rapports et la présence à l’audience

Le rapport éducatif est le mode privilégié de relation entre le juge et le service. Il constitue l’outil de la mise en relation et de l'articulation, mais aussi de la mise en tension de l'éducatif et du judiciaire. Il doit permettre au magistrat de disposer d’éléments objectifs pour appuyer ses décisions. Le compte-rendu de la mission doit présenter la fois la réalité de l’action menée envers un jeune et montrer quelle a été son évolution. Il constitue également un des éléments essentiels du débat judiciaire, et participe à la dimension contradictoire de celui-ci. L’adaptation et l’amélioration des écrits font l’objet d’échanges et de concertation entre les magistrats et les services.

La présence des éducateurs à l’audience est également un moment privilégié des relations entre le juge et l’éducateur, permettant d’approfondir et d’actualiser les rapports, mais aussi de faire constater au mineur la cohérence de l’action des adultes qui le prennent en charge. La présence éducative aux audiences dépend largement de la charge de travail, mais aussi de l’organisation des audiences.

Les magistrats, malgré les contraintes organisationnelles, devraient prendre en compte l’objectif de réduire le temps d’attente des services éducatifs aux audiences, pour favoriser leur présence, et rationaliser le fonctionnement des services.

d. Les relations avec les responsables d'unité éduc ative (RUE) ou les directeurs de service (DS)

Les juges des enfants sont, individuellement, en relation avec les éducateurs chargés des mesures, et, éventuellement avec les responsables d’unité éducative. Ils ont quelquefois accès aux directeurs de service. Les questions de politique générale ne sont pas abordées dans ces rencontres, mais

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plutôt le suivi individuel des situations, et les difficultés rencontrées par le service pour mettre en œuvre les mesures ordonnées. Les magistrats entendus par la mission indiquent avoir peu de contact avec les DT ou des DS, mais plutôt avec les RUE. La disparition d’un responsable proche du juge, dans les SEAT, est cause d’une dégradation sensible de la qualité des relations entre l’autorité judiciaire et la PJJ, du fait de l’éloignement d’une rencontre et d’un échange quotidien des pratiques professionnelles.

e. Les services éducatifs auprès des tribunaux (SEA T)

Faisant suite aux services d’orientation éducative (SOE), les services éducatifs auprès des tribunaux ont été institués en 1987. Victimes de la RGPP, ils ont été supprimés dans la quasi totalité des juridictions. Ils ont été remplacés par des unités éducatives auprès des tribunaux (UEAT) ou des permanences éducatives auprès des tribunaux (PEAT). La présence d’éducateur au tribunal n’est plus garantie de façon permanente mais seulement ponctuelle, notamment lorsqu’un défèrement est annoncé. Or, la présence d’éducateur au sein même des juridictions permettait de recevoir les mineurs et leur famille, souvent en urgence, dans un lieu bien identifié, et d’intervenir rapidement. Elle favorisait les échanges entre les magistrats et les différents services éducatifs. Presque toutes les magistrats entendus et les associations professionnelles réclament le rétablissement de ces services

Nous proposons le rétablissement dans les tribunaux comportant au moins six juges des enfants, de services permanents auprès des tribunaux, disposant de bureaux au sein du tribunal, placés sous la responsabilité d’un chef de service qui puisse être l’interlocuteur des magistrats, en même temps qu’il assure l’interface avec les responsables administratifs de la PJJ. Dans les juridictions plus petites doit être établie une UEAT.

f. Les trinômes

Pour améliorer la cohérence de l’action éducative envers les mineurs les plus difficiles, la DPJJ a proposé la mise en place d’instance tripartites par circulaire conjointe du DPJJ et du DACG en date du 22 juillet 201059 ; celle-ci appelle les magistrats du siège et du parquet à mettre en place des « trinômes judiciaires » constitués du procureur de la République, d’un juge des enfants et du directeur du service de la protection judiciaire de la jeunesse pour « renforcer le suivi des mineurs délinquants les plus exposés par une action coordonnée des services judiciaires et éducatifs , .. repérer précocement les mineurs présentant un risque important de réitération dans le but d’apporter une réponse pénale graduée et proportionnée ..., s’assurer de la mise en œuvre effective et rapide des mesures ordonnées…, se concerter sur les stratégies judiciaires adaptées en matière de déferrement, jugement et condamnation ».

La liste des mineurs dont la situation est ainsi examinée est établie par concertation des membres de l’instance.

Il s’agit d’une instance opérationnelle chargée d’examiner des situations individuelles de mineurs exposés aux risques de désocialisation, dont la généralisation a été proposée à tous les tribunaux après une expérimentation menée à Bobigny.

59 Circulaire du DPJJ et de la DAGC du 22 juillet 2010 relative à la mise en œuvre d’instances tripartites de coordination des acteurs de la justice des mineurs

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Pourtant, cette circulaire a suscité de nombreuses réactions des organisations professionnelles de magistrats et de personnels de la PJJ, mais aussi des avocats, car ces instances peuvent porter atteinte aux droits des mineurs qui en font l’objet. A la suite des réactions suscitées par cette circulaire, des modifications ont été apportées par une nouvelle circulaire du 30 juin 2011, qui rappelle que les trinômes ne portent pas atteinte aux pouvoirs de chacune des autorités qui y participent, que le mineur, ses parents et son avocat doivent être informés de la démarche, et que les documents issus de chaque réunion du trinôme doivent être versés au dossier de personnalité du mineur

Les rapports des juridictions pour mineurs montrent que les trinômes sont mis en place de façon très inégale sur le territoire national, de nombreux magistrats du siège estimant ne pas avoir à déférer aux prescriptions d’une circulaire. Selon un bilan de la DPJJ, il y en aurait 45 au 31 décembre 2012. Ils sont souvent effectifs dans les petites juridictions, où les relations entre les magistrats et la PJJ sont plus simples à organiser. En outre, ces rencontres sont de nature à porter atteinte à l’indépendance institutionnelle de chacune des autorités qui y participe, et qui peut s’estimer liée par une réflexion commune, qui n’est prévue par aucun texte.

Une concertation existe fréquemment, sans être institutionnalisée, dans la plupart des juridictions, dès lors que la prise en charge d’un mineur pose des difficultés sérieuses. Mais il y a une différence entre un échange informel sur la situation d’un mineur, et l’organisation d’un dispositif structuré d’échanges d’informations en vue d’orienter une action, en présence du parquet, autorité qui oriente ensuite les poursuites.

Nous proposons la suppression de ces instances. La coordination et la concertation doivent être organisées dans un cadre légal, comme celui qu’offre la procédure d’application des peines, ou encore le suivi des mesures post sentencielles (incident à la liberté surveillée). Chacun des acteurs peut alors donner son avis sur les mesures à prendre, mais un cadre légal défini, et c’est au juge qu’il appartient de prendre la décision finale, dans des conditions garantissant sa neutralité et son impartialité. La jurisprudence du conseil constitutionnel sur l’impartialité conduit nécessairement à adopter la même position.

2. LES RELATIONS INSTITUTIONNELLES

a. Au niveau territorial, la PJJ a rationalisé et m odernisé ses structures

administratives, mais l’autorité judiciaire reste m orcelée

La réforme de l’organisation des services déconcentrés de la PJJ lui a permis de disposer d'une structure hiérarchique plus repérable et bénéficiant de moyens conséquents.

- Au niveau inter régional, les neuf DIR PJJ sont investies de la mission d’organiser et de coordonner les politiques de protection judiciaire sur le territoire de l‘inter région. Les directeurs territoriaux appliquent cette mission au niveau de leur territoire; celui ci, sauf dans les départements les plus importants, ne se limite pas à un seul département, mais peut en regrouper, deux, trois ou quatre. Le nombre de DT a en effet été réduit à 51 dont 45 en métropole (cf chapitre 5 sur la réorganisation administrative de la PJJ ).

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- l’absence d’un interlocuteur départemental stable et clairement identifié est très fortement regrettée par les juridictions pour enfants, surtout quand le directeur territorial doit intervenir sur le ressort de plusieurs départements et tribunaux, ce qui réduit nécessairement sa connaissance des situations et sa disponibilité.

- Les DIR disposent de moyens administratifs adaptés à leur mission et d'une équipe structurée. Les DIR sont investis d'une mission de représentation et de coordination de la justice des mineurs. Les DIR sont les interlocuteurs des premiers présidents et des procureurs généraux de leur territoire.

- Les DT sont les interlocuteurs habituels des chefs de juridictions, même s'ils peuvent avoir plusieurs correspondants.

- Les directeurs de service dirigent nécessairement plusieurs unités éducatives. Ils sont en général en relation avec les magistrats coordonnateurs des TGI, voire avec l'ensemble des juges des enfants d’une juridiction.

En revanche, l'autorité judiciaire reste morcelée .

Dans un tribunal de grande instance, les tribunaux pour enfants ne constituent pas des juridictions autonomes. Le ou les juges des enfants du tribunal de grande instance sont des magistrats du siège indépendants, qui statuent en tant que juges unique en matière civile, ou en matière pénale ; ils peuvent aussi présider un tribunal pour enfants, statuant exclusivement, en matière pénale, alors constitué avec deux autres assesseurs. Mais il n’existe pas, juridiquement, de service du tribunal pour enfants, même si, dans la pratique, ce terme est fréquemment utilisé pour désigner le service constitué par l’ensemble des juges pour enfants d’un TGI. En outre, il faut compter parmi les juridictions pour mineurs les juges d’instruction des mineurs et les juges des libertés et de la détention, susceptibles de prononcer des mesures qui sont ensuite confiées à la PJJ.

Le substitut chargé des mineurs est placé sous l’autorité du procureur de la République, qui définit l’organisation et les moyens donnés à ce service, mais aussi la politique du Parquet, en matière pénale et civile.

La PJJ a soutenu la mise en place d’une organisation des juridictions pour mineurs. Le décret du 4 février 200860 s’est efforcé de donner des moyens d’organiser la coordination de l’action judiciaire : au sein de chacun des tribunaux pour enfants composés d’au moins deux magistrats, un juge des enfants coordonnateur.est désigné par le président du TGI, après avis de l’assemblée générale des magistrats du siège. Sa mission, précisée par une circulaire du 20 octobre 2008, est d’organiser le service de la juridiction des mineurs, de représenter le service du tribunal pour enfants et de coordonner les relations de la juridiction avec les services chargés de mettre en œuvre les mesures qu’elle prend.

La circulaire prévoit également la possibilité d’élaborer des projets de service des juridictions pour mineurs dans les tribunaux pour enfants de chaque TGI, ce qui permettrait de définir un mode de fonctionnement et des objectifs communs pour l’ensemble de la juridiction et d’assurer ainsi une plus grande cohérence. L’élaboration d’un projet de service est encore très peu répandue.

60 Décret 2008-107 du 4 février 2008, dont les dispositions figurent dans l’article R 251-3 du code de l’organisation judiciaire

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Le morcellement de la représentation de l’autorité judiciaire résulte également de l’existence, dans un même département de plusieurs tribunaux de grande instance, indépendants les uns des autres. Il existe actuellement 446 juges des enfants répartis en 153 tribunaux pour enfants. 34 (8%) ne disposent que d’un seul juge des enfants ; 52 (23 %) comptent deux juges des enfants et 33 (22 %), en comptent 3. Les 34 autres tribunaux pour enfants comptent de 5 à 14 juges. Les politiques et les pratiques judiciaires peuvent varier de façon significative d’un tribunal à l’autre. (Exemple : la politique envers les mineurs étrangers isolés, le traitement des signalements considérés comme insuffisants pour saisir le juge des enfants, etc…).

Au niveau de chaque cour d’appel existe un magistrat délégué à la protection de l’enfance, dont l’activité juridictionnelle consiste à présider la chambre des mineurs, mais qui a également la mission de favoriser l’échange des pratiques entre les juridictions du ressort et de développer les relations avec les interlocuteurs institutionnels de la justice des mineurs, à l’échelon de la cour. Il en est de même que pour le substitut général chargé des mineurs pour les magistrats du Parquet.

La faiblesse structurelle de l’organisation de la justice des mineurs résulte d’une part d’un morcellement des niveaux de décisions, mais également, de l’absence d’identification d’autorités en mesure de coordonner effectivement la justice des mineurs.

Face à ces difficultés, les mesures mises en place en 2008 se révèlent insuffisantes.

Un groupe de travail sur l’organisation et le fonction nement des juridictions pour mineurs , constitué en octobre 2011, a rendu un rapport tout à fait intéressant en mai 2012. S’il constate que le décret du 4 février 2008 a posé les bases d’un fonctionnement plus structuré des juridictions pour mineurs, il souligne également la nécessité d’aménager l’activité juridictionnelle des magistrats coordonnateurs pour qu’ils puissent exercer leurs fonctions. Il détermine des normes concernant la charge de travail et les moyens à mettre en place, notamment pour les juges coordonnateurs, mais aussi les greffiers.61

Il est regrettable que les propositions consensuelles de ce groupe de travail n’aient pas été reprises et mises en œuvre.

Par ailleurs la DPJJ a mis en place, en lien avec la DSJ, un groupe de travail sur la fonction de magistrat coordonnateur afin d’élaborer des outils utiles à l’organisation et au fonctionnement des juridictions. Ce groupe s’est réuni à trois reprises en 2012. Il a abordé la présentation d’outils informatiques de gestion des données, le référentiel de la PJJ, sur les BOP, sur la construction d’un tableau de bord des juridictions pour mineurs, sur une trame de projet de service.

Certaines pistes d’amélioration peuvent être propos ées :

- Renforcer et structurer la représentation de l’autorité judiciaire

Face à l’enchevêtrement des structures administratives, il semble souhaitable de définir plusieurs niveaux d’organisation :

61 Rapport du groupe de travail relatif à la charge de travail et à l’organisation des juridictions pour mineurs, remis au garde des sceaux, en mai 2012

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• L’activité judiciaire elle-même soit se dérouler au plus près des justiciables, dans son cadre actuel. Il n’est pas souhaitable de supprimer ou de regrouper des juridictions pour mineurs. De même, la cour d’appel doit rester le lieu d’appel des décisions de première instance.

• En revanche, le niveau départemental parait pertinent pour assurer les fonctions de coordination et de représentation de la justice des mineurs. Les politiques et les moyens de protection de l’enfance sont définis à ce niveau. Les structures de la PJJ sont généralement fixées dans le cadre départemental. Lorsqu’il y a plusieurs TGI, il est nécessaire d’assurer une coordination départementale de la justice, qui peut être soutenue voire impulsée, par l’intermédiaire de la cour.

• On peut aussi envisager à terme une réforme structurelle plus importante avec la création d’un tribunal pour enfants départemental ou d’un s ervice départemental de la justice des mineurs, qui pourrait être localisé au tribunal situé au chef lieu du département, et qui serait présidé par un magistrat spécialisé; à défaut, il conviendrait au moins de confier au vice-président du tribunal situé au chef lieu du département les fonctions de coordination départementale de la justice des mineurs. Cette coordination administrative n’affecterait pas la répartition des juges des enfants dans tous les TGI du département, pour favoriser la proximité des justiciables.

Les magistrats désignés pour assurer ces fonctions de président du tribunal pour enfants départemental ou du service départemental de la justice des mineurs, ou encore ceux chargés d’une mission de coordination départementale, doivent être choisis en fonction de leurs compétences, de leur expérience, et de leur intérêt pour cette mission. Des postes de vice-président Bbis voire HH pourraient être prévus dans les départements les plus importants. Les nominations seraient effectuées à partir d’un profil de poste, établi et diffusé par la chancellerie. Un texte réglementaire du code de l’organisation judiciaire prévoirait que ces magistrats assurent une mission de coordination et d'organisation des juridictions pour mineurs du département ( juges des enfants, juges d’instruction des mineurs, juges des libertés et de la détention), de représentation de la justice des mineurs, auprès des services de la PJJ et des services du conseil général en lien avec les présidents du TGI ou des TGI, en cas de pluralité de juridictions dans un même département. Ils disposeraient d'une décharge de leur activité juridictionnelle.

• Les parquets des mineurs seraient également coordonnés sous l'autorité d'un procureur de la République adjoint chargé des mineurs.

• Du côté de la PJJ, il est important que, dans les territoires comportant plusieurs départements, l’équipe de direction de la DT soit renforcée de façon à ce qu’un adjoint du DT soit spécifiquement affecté à chacun des départements, afin de garantir la visibilité, la continuité et la cohérence des actions de la PJJ. Cette mission peut aussi être déléguée à un directeur de service.

• En ce qui concerne les cours d’appel , elles sont de taille et d’importance très inégale. La plupart d’entre elles ne disposent pas d’une taille critique suffisante permettant que le conseiller délégué à la protection de l’enfance (CDPE), dispose du temps nécessaire à des missions de coordination en plus de ses missions juridictionnelles.

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L’avis des conseillers consultés est tout à fait concordant sur l’absence de disponibilité pour exercer les missions prévues par la circulaire.

Le mieux aurait été de pouvoir accroître la taille des cours d’appel, pour correspondre au moins au ressort des régions administratives. A défaut de cette organisation, qui suppose un redécoupage de la carte judiciaire qui n'est pas d'actualité, la meilleure solution semble être de maintenir les missions confiées au CDPE comme prévues par la circulaire de 2008, mais de conforter leur rôle par des nominations sur des postes à profil, comme pour les présidents départementaux des tribunaux pour enfants et par une organisation de leur temps de travail, permettant d’exercer les fonctions de coordination et d’animation .

En outre, afin d’assurer une représentation institutionnelle de la justice des mineurs de façon opérationnelle, il est proposé d’attribuer des fonctions de coordination et de soutien aux présidents des chambres des mineurs des cours d’appel situées au siège de DIR.

• Il est donc propose de créer, dans les neuf cours d'appel correspondant aux actuelles directions inter régionales de la PJJ, de s postes de présidents de chambre chargés des mineurs, et d’avocats généraux chargés des mineurs, qui auraient pour mission de coordonner l'action des juridictions pour mineurs des cours d'appel de leur inter région, de représenter les juridictions pour mineurs auprès des DIR et des DT de la PJJ, mais aussi des présidents de conseils généraux, comme des directeurs des agences régionales pour la santé. Ces magistrats seraient également recrutés sur des postes à profil. Ils exerceraient leur mission en concertation avec les chefs de cour des juridictions de l’inter région.

- Organiser la coordination au niveau des départements et des régions :

Plusieurs cours d’appel ont mis en place des dispositifs de concertation (c’est le cas notamment de celles d’Aix en Provence, d’Amiens ou de Douai), sous forme de rencontres ou de conférences régionales, qui réunissent les juges des enfants, les parquets des mineurs, la PJJ, et éventuellement d’autres partenaires comme l’aide sociale à l’enfance ou l’Education Nationale.

Ces réunions régulières doivent impérativement être organisées pour favoriser les échanges entre les pratiques et les difficultés des juges des enfants, le partage et la diffusion d’informations, la clarification du positionnement de l’institution judiciaire.

Elles peuvent être organisées sur une journée, permettant la tenue de réunions successives et qui s’emboitent, avec des partenaires successifs, de façon à éviter la multiplication des réunions, qui est particulièrement chronophage. Elles pourraient réunir successivement :

• D’abord l’autorité judiciaire proprement dite (juges des enfants et substituts des mineurs

• L’institution judiciaire : les magistrats du siège et du parquet, le DIR et les DT PJJ

• Les partenaires de la justice des mineurs : conseils généraux, et, éventuellement selon les sujets traités, les représentants du secteur associatif, l’éducation nationale, les services de santé.

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Ces conférences de coordination de la justice des mineurs pourraient être tenues soit au niveau des cours d’appel, soit au niveau des départements, avec la présence des magistrats spécialisés de la cour, si les réunions au niveau de la cour concernent un effectif trop important pour travailler utilement.

Nous proposons, comme le groupe de travail sur l’organisation et le fonctionnement de la justice des mineurs, d’inscrire dans le code de l’organisation judiciaire, l’organisation semestrielle de réunions de la justice des mineurs au niveau des cours d’appel, soit sur le modèle des conférences semestrielles régionales d’aménagement des peines.

b. Les relations institutionnelles nationales

La DPJJ n'intègre pas, dans son organisation nationale, de représentation de l'autorité judiciaire. Si des magistrats participent à son administration, ce n'est pas en tant que représentant de l'autorité judiciaire, mais comme magistrats détachés à l’administration centrale du ministère de la justice. Cette fonction de représentation a été implicitement assurée lorsque le directeur de la PJJ était en même temps lui même magistrat, mais cet usage a été rompu depuis une dizaine d'années62, et vient à peine d'être repris en juin 2013 avec la nomination de l'actuelle directrice de la PJJ. Toutefois, il lui incombe de diriger une administration, dont la mission n'est pas seulement de représenter les magistrats spécialisés.

L’absence de représentation de ces derniers au niveau de l’administration centrale renforce la coupure et le sentiment de décalage existant entre les magistrats et l’administration centrale de la PJJ.

Créer un conseil de la justice des mineurs

Nous proposons d'institutionnaliser une représentation de l'autorité judiciaire au sein de l’administration centrale, de manière à favoriser la prise en compte réciproque des contraintes et des attentes de l’autorité judiciaire et de l’administration de la PJJ. Cette institutionnalisation pourrait prendre la forme d'un conseil de la justice des mineurs, composé des 9 présidents de chambre et des 9 avocats généraux coordonnateurs, qui pourrait être réuni deux à trois fois par ans par la Directrice de la PJJ, éventuellement en même temps que le comité de direction national (CDN) de la PJJ. Ce conseil aurait une légitimité à représenter l’institution judiciaire, dans ses deux composantes du parquet et du siège, au niveau de l’administration centrale.

Les réunions nationales de magistrats spécialisés

Elles sont nécessairement plus ponctuelles, mais elles participent à l’amélioration des relations institutionnelles entre l’autorité judiciaire et la PJJ.

La DPJJ a ainsi organisé à plusieurs reprises ces dernières années, conjointement avec la DSJ, et quelquefois la DACG, des rencontres des conseillers délégués à la protection de l’enfance et des magistrats coordonnateurs de juridictions pour mineurs, avec un périmètre d’invitations variable

62 Sylvie Perdriolle est le dernier magistrat judiciaire qui a exercé les fonctions de directrice de la PJJ de 1998 à 2002.

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- Le 30 juin 2010, le 28 septembre 2011 et le 26 mars 2013 : réunion des conseillers délégués à la protection de l’enfance, des avocats généraux, des directions interrégionaux, portant notamment sur le rôle des juges coordonateurs et le rôle de l’Etat en matière de protection de l’enfance, l’inscription du juge dans les territoires, , la présentation du référentiel de la PJJ;

- le 14 décembre 2010 et le 14 mars 2012, les réunions étaient élargies aux juges coordonateurs et consacrées à la nouvelle mesure judiciaire d’investigation éducative, aux instances tripartites de coordination de la justice des mineurs, ou aux conséquences de la décision du conseil constitutionnel sur l’impartialité des juridictions.

- Le 28 janvier 2011 et le 2 décembre 2013, réunion spécifique aux magistrats du parquet spécialement chargés des mineurs, au niveau des CA et des juridictions : le nouveau rôle du parquet en matière de protection de l’enfance, la prévention de la délinquance.

Ces réunions qui permettent des échanges, sont intéressantes, mais elles ont longtemps permis de constater le fossé existant entre les préoccupations nationales de la PJJ et la situation des juridictions pour mineurs. Il serait souhaitable que les besoins et attentes de celles-ci soient davantage pris en compte lors de ces rencontres.

Les rapports des juridictions constituent également un moyen pour la PJJ de connaître le fonctionnement et les difficultés des juridictions.

Le décret du 4 février 2008 oblige les magistrats coordonnateurs à transmettre un rapport annuel sur l’activité du tribunal pour enfants. Les rapports sont transmis par l’intermédiaire du conseiller délégué à la protection de l’enfance de la cour d’appel, qui est lui-même chargé d’établir un rapport sur le fonctionnement des juridictions pour mineurs de la cour.

Au niveau national, les rapports sont centralisés à la PJJ et traités par le bureau des partenaires institutionnels et des territoires qui les analyse et produit une synthèse annuelle, qui permet de collecter les données sur l’activité des juridictions, de recenser les difficultés de fonctionnement, en lien avec la DSJ, de repérer les difficultés institutionnelles avec les autres partenaires de la justice des mineurs, ainsi que les difficultés d’application des nouvelles dispositions légales, ou encore l’identification des pratiques innovantes.

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PROPOSITIONS

Assurer une présence éducative dans tous les TPE av ec des SEAT dirigés par un responsable éducatif

Généraliser les BEX dans tous les tribunaux pour en fants

Supprimer les trinômes judiciaires

Renforcer les moyens d’action des magistrats coordo nnateurs conformément aux préconisations du groupe de travail sur la justice des mineurs de mai 2012

Renforcer la représentation et la coordination des juridictions pour mineurs par :

- La nomination de magistrats aux postes de présid ents de tribunaux pour enfants départementaux ou coordonnateurs départemen taux de la justice des mineurs, recrutés à partir d’un profil de poste

- La nomination des conseillers délégués à la protect ion de l’enfance à partir d’un profil de poste

- La nomination de présidents de chambres, et d’avoca ts généraux coordonnateurs de la justice des mineurs au niveau des neuf actuels inter régions de la PJJ

Associer l’autorité judiciaire aux décisions et ori entations nationales de la PJJ par la création d’un conseil national de la justice des mineurs ;

Créer l’obligation dans le code de l’organisation j udiciaire, de conférences semestrielles de la justice des mineurs, dans chaque cour d’appel

Garantir une représentation départementale de la PJ J

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CHAPITRE IV

PARTICIPER A LA COORDINATION DES POLITIQUES CONCERN ANT LA PROTECTION DE L’ENFANCE ET LA PREVENTION DE LA DELINQUANCE

Une circulaire du garde des sceaux en date du 2 septembre 201063 précise les modalités de participation de la PJJ aux politiques publiques menées par d’autres ministères ou collectivités publiques, dans le but de diversifier la palette des supports de l’action éducative menée auprès des mineurs qui lui sont confiés, et de s’assurer que l’action publique des autres ministères et collectivités locales tienne compte des besoins spécifiques des mineurs placés sous protection judiciaire.

En outre, l’action de la justice des mineurs et celle de la protection judiciaire de la jeunesse, rendue nécessaire à un moment donné par la commission d’un acte délictueux, ou par une situation de danger, a vocation à être temporaire et limitée dans le temps. Dès que possible, il est nécessaire que ces jeunes puissent être à nouveau pris en charge dans des dispositifs de droit commun.

La PJJ participe ainsi aux politiques publiques en matière d’éducation, notamment dans le cadre d’un partenariat avec l’Education nationale sur la base d’une circulaire conjointe du 21 aout 1985, en cours de réécriture, mais aussi en matière d’insertion professionnelle, de sport, de culture, de santé.

Ces actions multiformes, menées sous la responsabilité des directeurs inter-régionaux de la PJJ, par les directeurs territoriaux et les directeurs de service, s’avèrent tout à fait importantes pour renforcer les moyens nécessaires à l’action éducative auprès des jeunes pris en charge.

Il n’est pas dans l’objet de ce rapport d’aborder toutes les politiques publiques de la PJJ, mais seulement celles concernant la protection de l’enfance et la prévention de la délinquance.

1. LA CONCERTATION ET LA COORDINATION DES POLITIQUE S PUBLIQUES EN

MATIERE DE PROTECTION DE L’ENFANCE

a. La coordination locale

La loi du 5 mars 2007 donne compétence au président du Conseil Général pour mettre en œuvre la protection de l’enfance dans son département. La justice intervient lorsqu’un enfant est en danger et que les mesures d’aide administrative ne peuvent être mises en place, ou que la situation de l’enfant ne peut être évaluée.

Alors que la loi avait pour objectif la déjudiciarisation de la protection de l’enfance, l’évolution des mesures de protection (cf chapitre 2) montre qu’il n’en est rien.

63 Circulaire du garde des sceaux du 2 septembre 2010 relative à l’inscription de la PJJ dans les politiques publiques.

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La protection judiciaire de l’enfance s’exerce à travers les décisions judiciaires, prises d’une part par les parquets, qui jouent un rôle de filtre des signalements transmis, et les juges des enfants, qui ordonnent les mesures judiciaires.

La PJJ, jusqu’à son recentrage pénal assurait des mesures d’investigation civiles, soit directement, soir le secteur associatif habilité, mais exerçait aussi des mesures d’AEMO et pouvait accueillir des mineurs en danger dans ses établissements.

Toutefois, en même temps qu’elle opère ce retrait, la PJJ a été investie d’une mission de coordination en matière de protection de l’enfance.

En effet, la circulaire de la Ministre de la Justice, Mme ALLIOT MARIE, du 6 mai 201064 précise que le ministère de la justice doit prendre toute sa place dans la coordination du dispositif de protection de l’enfance, qui s’étend de la protection administrative à la protection judiciaire civile comme pénale.

Dans cette vision, la participation de la justice à la protection de l’enfance s’exerce à travers trois acteurs :

- Le parquet, dans sa fonction de saisine du juge des enfants, pour la mise en place de la cellule de recueil des informations préoccupantes, le contenu des signalements, l’harmonisation des critères de saisine et leur conformité à l’article L 226-4 du code de l’action sociale et des familles

- Les juridictions pour mineurs à travers les effets sur l’activité judiciaire et pour les liens avec les prises en charge dans le cadre pénal

- La PJJ pour permettre une meilleure articulation des prises en charge civiles et pénales et dans le cadre de sa politique de coordination des acteurs de la justice des mineurs.

La PJJ doit contribuer, de sa place, à une meilleure coordination des acteurs de la protection de l’enfance. Elle préconise la construction d’articulations institutionnelles solides et concertées entre les cadres administratifs et judiciaires du dispositif de protection de l’enfance.

Cette coordination se traduit par la demande faite aux DIR et aux DT de réunir les autres institutions de protection de l’enfance.

Développant les éléments contenus dans la circulaire du 6 mai 2010, le directeur de la PJJ a adressé aux DIR une nouvelle circulaire, le 27 décembre 201265, demandant la mise en place notamment d’instances territoriales de suivi et de régulation de l’activité, dédiées à la régulation et au suivi de l’activité secteur public /secteur associatif. Les DT sont chargés de la mise en place de ces instances, en lien avec le ou les conseils généraux du territoire, les juridictions, pour leur permettre une meilleure lisibilité des capacités de prise en charge du secteur public et du secteur associatif, et les associations, pour assurer leur information et permettre l’anticipation et la régulation de l’activité secteur public et secteur associatif dans le cadre des options de la DIR.

64 Circulaire d’orientation du garde des Sceaux, du 6 mai 2010, relative au rôle de l’institution judiciaire dans la mise en œuvre de la réforme de la protection de l’enfance.

65 Circulaire du directeur de la PJJ du 27 décembre 2012 relative à la mise en place d’instances territoriales de suivi et de régulation de l’activité

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La plupart des territoires sont encore dans une phase de mise en place et d’élaboration d’outils de suivi et de gestion de l’activité et de lisibilité de l’analyse

Cette orientation nationale de la PJJ se heurte à p lusieurs difficultés dans les départements :

- sur le plan pratique, la réorganisation territoriale de la PJJ ne permet pas aux directeurs territoriaux d’être présents et disponibles dans chacun des départements de son territoire, dans la mesure où seuls 20 territoires correspondent à un seul département (dont les 6 de l’outre mer). 18 territoires regroupent deux départements, 8 en regroupent 3, et 4 en regroupent même 4. Nous avons rappelé plus haut les difficultés relations avec les juridictions qu’entraîne cette situation. Nous avons aussi pu constater à plusieurs reprises (notamment en Franche Comté et en Auvergne) la difficulté d’assurer cette mission de représentation auprès des conseils généraux.

Nous recommandons donc que chaque DT soit assisté d’un ou plusieurs adjoints , qui peuvent être des directeurs de service, mais clairement identifiés, chargés spécialement de représenter de façon permanente la PJJ dans un département (voir chapitre 5).

- sur le plan juridique, la PJJ n’a aucune légitimité à coordonner l’action des magistrats du parquet comme du siège. Ces derniers disposent de compétences autonomes, fixées par la loi, et eux seuls prennent des décisions judiciaires : orientation des signalements et ouverture des procédures d’assistance éducative pour le parquet, décisions juridictionnelles d’assistance éducative pour les juges des enfants. La PJJ, légalement, n’est tenue que d’exécuter des décisions. Nous avons vu en outre qu’elle avait réduit en matière civile, son action opérationnelle aux seules MJIE. Dès lors, en matière de coordination judiciaire, elle ne peut qu’assurer une fonction de soutien technique et administratif de l’autorité judiciaire, qui seule peut définir localement une politique judiciaire de protection de l’enfance. Les circulaires produites en matière de coordination doivent être reprises en intégrant cet élément, dont l’absence de prise en compte a constitué un important facteur de blocage de la part des magistrats du parquet et du siège.

- sur le plan de la coordination avec les services du Conseil Général, la même remarque peut être faite. L’implication et la présence forte de l’autorité ju diciaire est nécessaire pour apporter de la légitimité à toute instance de coordination. Là encore, le retrait de la PJJ des dispositifs opérationnels de protection de l’enfance a pour conséquence de fragiliser fortement sa position. Si elle est écoutée par courtoisie, elle ne pèse pas d’un poids suffisant pour que sa parole porte. Le rétablissement d’une capacité d’action significative dans la prise en charge de mineurs en assistance éducative, que nous proposons, est de nature à modifier cette perspective, même si la place de la PJJ restera toujours modeste, en termes de moyens, par rapport à ceux que peut avancer le conseil général. En revanche, sa dimension nationale lui permet de contribuer de façon utile par une analyse et une expertise des pratiques professionnelles, notamment en ce qui concerne la prise en charge des adolescents difficiles, mais aussi avec l’objectif d’assurer une égalité de traitement dans les prises en charge sur tout le territoire national.

- les instances de concertation doivent être prévues de façon à assurer une représentation équilibrée des trois composantes de la justice des mineurs : les magistrats du parquet,

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les juges des enfants et la PJJ, qui constituent une sorte de trépied, qui devient bancal si l’un des éléments manque.

b. La coordination nationale de la protection de l’ enfance

Actuellement, elle n’est pas assumée de façon institutionnelle.

Dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP), le gouvernement a décidé de procéder à une évaluation de la politique publique de la gouvernance de la protection de l’enfance. Le pilotage de cette mission est assuré conjointement par le ministère de la justice, de la famille, en lien avec l’assemblée des départements de France. La mission a été confiée en octobre 2013 à l’inspection générale des affaires sociales et à l’inspecteur des services judiciaires.

Les travaux d’évaluation de la mission devront rechercher un double objectif :

- Améliorer la gouvernance du dispositif : renforcement du pilotage national et local et de la qualité de l’intervention entre les différents acteurs, la complémentarité des interventions administratives et judiciaires, la clarification des champs de compétence du conseil général et de l’autorité judiciaire, définition du rôle de l’Etat comme garant de l’égalité de traitement des usagers,…

- Améliorer l’efficience de la réponse coordonnée apportée aux besoins des enfants et de leur famille ; adéquation de l’offre territoriale aux besoins locaux et identification des leviers pour adapter l’offre aux besoins ; etc…

La mission de la MAP recouvre en partie celle de la présente mission. En effet, les difficultés de gouvernance nationale ont été mises en évidence au cours de celle-ci. La DPJJ a été investie de cette mission pour le compte du ministère de la justice. Mais la Direction générale de la Cohésion sociale (DGCS) intervient également à ce titre pour le compte pour le ministère de la santé et de la famille, tout en considérant que la détermination de la politique de protection de l’enfance ne peut être fixée au niveau national, puisqu’elle peut se décliner de façon différente dans 100 conseils généraux, qui agissent souverainement, selon le principe de libre administration des collectivités locales. La DGCS et la DPJJ ont organisé plusieurs rencontres nationales, en lien avec les conseils généraux, représentés par l’Association des départements de France. D’autres institutions sont amenées à intervenir dans le cadre de la coordination de la politique de protection de l’enfance. Le GIPED (groupement d’intérêt public de l’enfance en danger) a pour mission66 de gérer le SNATED, service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger67, et l’ONED, Observatoire de l’enfance en danger.68

66 Article L 226-6 du code de l’action sociale et des familles

67 Le SNATED a été créé par la loi du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs, et à la protection de l’enfance

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L’ONED exerce une mission importante en matière de coordination de la protection de l’enfance. Chaque année, il produit un rapport annuel regroupant les données de l’activité de protection de l’enfance, à partir notamment des informations qui lui sont transmises par les départements, mais aussi l’activité des juridictions pour mineurs. Il produit également des rapports thématiques, soit autonomes, soit à l’occasion des rapports annuels. Ainsi, en octobre 2011, il a réalisé une enquête nationale sur les informations préoccupantes, 2011, en décembre 2012, il a publié une étude sur les enfants exposés aux violences conjugales, en 2003 sur l’AEMO. La PJJ représente l’Etat au sein des instances dirigeantes du GIPED aux côtés de La DGCS et de la DGESCO (direction générale de l’éducation scolaire). Les rapports de l’ONED sur l’activité des différents départements montrent une grande inégalité entre eux. Le COFRADE (conseil français des associations pour les droits de l’enfant) préconise la création d’une mission interministérielle Enfance où siègeront les associations de Défense des Droits de l’Enfant, avec pour objectifs de réaliser un état des lieux des Droits de l’Enfant dans les lois existantes, mettre en œuvre les préconisations du Comité des Droits de l’Enfant, évaluer, au regard de la CIDE, les résultats des politiques en faveur de l’enfance Concernant les droits de l’enfant, la Défenseure des enfants, accomplit un important travail dans la protection des droits de l’enfant au niveau national. Trois missions principales lui ont été conférées :

- Traiter des réclamations individuelles relatives au non-respect des droits de l’enfant, non résolues de manière satisfaisante par les services compétents ;

- Promouvoir les droits de l’enfant ;

- Proposer des modifications législatives ou réglementaires et rendre des avis sur tous les projets de lois qui concernent les mineurs.

Néanmoins, ces différentes interventions sont limitées dans leur objet, et aucune institution n’est légalement investie d’un rôle de pilotage et de coordination de la protection de l’enfance. La clarification des compétences et la coordination des différents acteurs ministériels ou institutionnels et des collectivités publiques nous paraissent absolument nécessaire, pour donner de la cohérence à la politique nationale de protection de l’enfance, mais aussi déterminer les moyens d’assurer une égalité de traitement sur le territoire national. 68 L’ONED a été créé par la loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance.

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PROPOSITIONS

Au niveau national, mettre en place une instance in terministérielle de coordination de la protection de l’enfance, associant les départements et les ministères concernés. Au niveau des départements, mettre en place des ins tances de coordination inter institutionnelle de la protection judiciaire de l’e nfance réunissant l’autorité judiciaire, dans ses deux composantes du siège et du parquet, la DTPJJ, et le Conseil Général. La PJJ doit se situer à une place de conseil technique et être en mesure d’intervenir au niveau de chaque département.

2. LA PARTICIPATION A LA POLITIQUE DE PREVENTION DE LA DELINQUANCE

La prévention de la délinquance est depuis longtemps une préoccupation de la justice des mineurs.

Le procureur de la République a été désigné comme autorité opérationnelle de nombreuses actions, en coordination avec les préfets.

La PJJ a participé à l’élaboration du plan national de lutte contre la délinquance, publié le 2 octobre 2009, et applicable de 2010 à 2012. Ce plan national a été suivi de plans départementaux de prévention de la délinquance, révisés sous l’autorité des préfets, et élaborés avec le PR et l’Inspecteur d’Académie.

La prévention de la délinquance est une politique publique pilotée par le Premier ministre. Une circulaire du 4 juillet 2013 invite à mettre en place un nouveau plan départemental de prévention de la délinquance, pour la période 2013/2017, en s’appuyant notamment sur les zones de sécurité prioritaires et les quartiers de politique de la ville.

La justice des mineurs participe à la prévention de la délinquance par l’action individuelle conduite auprès des mineurs qui ont commis une infraction pénale. L’action éducative vise en effet à prévenir la récidive et le renouvellement des infractions. L’action en assistance éducative auprès de mineurs dont les conditions d’éducation sont gravement compromises participe aussi à la prévention de la délinquance, même si ce rôle est difficile à mesurer.

La PJJ participe également aux dispositifs mis en place dans les départements et les villes, qui sont généralement réunis conjointement par les préfets et les procureurs de la République. Les juges du siège sont quelquefois invités à ces réunions de coordination et de concertation, mais sont très peu présents.

1.Au niveau départemental, les conseils départementaux de prévention de la délinquance (CDPD)

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2.Au niveau des communes : groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD) et conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD, CISPD)

3.Des actions conjointes ou complémentaires peuvent être menées dans le cadre des contrats locaux de sécurité (CLS) pour construire un partenariat entre les force de sécurité et les éducateurs de la PJJ pour la mise en œuvre de mesures judiciaires (stage de citoyenneté ou de formation civique, ou mesures de réparation).

4.La PJJ peut aussi participer à des actions conjointes de prévention menées par les services de police, par la mise à disposition d’éducateurs (actions de formation à la sécurité routière, activités sportives, présentation de l’exposition 13/18 questions de justice, opérations Ville Vie vacances)

La participation et l’implication de la PJJ dans ces instances, dépend largement de la disponibilité de ses responsables au niveau départemental, ou dans les communes.

La réorganisation territoriale des services déconcentrés de la PJJ, par l’éloignement des responsables des territoires et bassins de vie, notamment les lieux où sont traitées les questions de prévention de la délinquance, peut constituer un obstacle à une participation utile.

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CHAPITRE V

AMELIORER LES MOYENS ET LES METHODES EDUCATIVES POUR REPONDRE PLUS EFFICACEMENT

AUX DIFFICULTES PRESENTEES PAR LES MINEURS

L’action éducative s’exerce au profit d’un enfant ou adolescent en difficulté

Quel que soit le mode d’entrée, pénal ou civil, l’action éducative se déploie nécessairement auprès d’un enfant ou d’un adolescent en difficulté, parce qu’il est en conflit avec la loi ou parce qu’il doit être protégé en raison du comportement inadapté de ses référents parentaux.

L’action éducative doit en premier lieu prendre en compte toutes les spécificités du comportement d’un enfant ou d’un adolescent les phases de son développement, et celui du contexte social, culturel, économique, dans lequel ils vivent, et, en premier lieu, celui de leur propre famille.

L’action éducative se déploie nécessairement auprès des familles. Le risque existe, dans l’action éducative pénale, qu’une attention trop forte portée à l’acte et à la responsabilisation d’un adolescent auteur d’une infraction, conduise à oublier son de cadre de vie de proximité et le travail nécessaire auprès des parents.

Si la relation éducative individuelle est essentielle, une action éducative s’inscrit nécessairement dans un travail d’équipe.

Elle doit aussi se dérouler pendant une certaine durée, pour être efficace et produire des résultats, qui doivent nécessairement être appréciés au regard de la maturation d’un adolescent, qu’on ne décrète pas.

Les jeunes les plus en difficulté sont aussi sont ceux qui ont connu le plus grand nombre de rupture. L’action éducative doit éviter de les reproduire, et garantir une présence rassurante et structurante, le temps nécessaire. La PJJ évoque souvent la notion de « fil rouge » pour traduire cette permanence et cette continuité.

1. L’AMELIORATION DES PRATIQUES EDUCATIVES

En même temps qu’elle s’engageait dans un recentrage pénal, la PJJ a engagé un ambitieux programme d’amélioration des pratiques éducatives.

L’ensemble du secteur social a été soumis à de profonds changements, qui concernent aussi la PJJ.

Ainsi la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médicosociale, qui affirme et organise les droits des usagers, prévoit la mise ne place d’un document individuel de prise en charge (DIPC) et impose une évaluation interne et externe des services. Cette loi a entraîné une transformation des pratiques institutionnelles des services comme des pratiques individuelles.

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Elle s’est manifesté par l’élaboration d’outils de référence au niveau central et par des efforts d’amélioration des délais d’exécution des mesures (déjà examinées dans chapitre 2). Pour la PJJ, l’enjeu actuel est la qualité des interventions éducatives et des gestes professionnels, et l’individualisation des pratiques

L’amélioration des pratiques et méthodes éducatives est acté dans le PSN 3. Elle a fait l’objet de nombreux documents d’étude de la part de l’administration centrale et des DIR. Des documents de référence ont été produits dans pratiquement tous les domaines.

C’est ainsi qu’on été élaborés notamment les documents suivants :

- le guide PJJ : parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire, février 2011

- le recueil de références des pratiques professionnelles en investigation et action d’éducation, élaborés à partir du travail de groupes régionaux janvier 2012) compléter

- Le référentiel des pratiques de la PJJ, qui récapitule l’ensemble des références normatives et éducatives ; il constitue le cadre de l’action de chaque professionnel. Il comporte un cadre juridique, un cadre organisationnel, un cadre méthodologique concernant les pratiques professionnelles. L’ensemble des documents est regroupé dans un espace unique disponible sur l’intranet PJJ du ministère de la justice.

- Le guide de l’audit, août 2013.

De nombreuses circulaires ont fixé le cadre et les méthodes d’intervention dans différents domaines, comme l’action éducative dans le cadre pénal (circulaire du 2 février 2010), la mesure judiciaire d’investigation éducative (circulaire du 31 mai 2010), l’action éducative structurée par les activités de jour ( circulaire du 3 avril 2012), etc....

Par ailleurs, un des objectifs affichés du recentrage pénal était d’ailleurs de permettre de disposer de davantage de moyens pour agir sur le plan pénal, tout en diminuant globalement la capacité d’action.

Des outils d’évaluation et de contrôle des prises en charge éducative ont été progressivement mis en place, et font la fierté de l’administration centrale et des échelons administratifs de la PJJ : tableaux de bord régulièrement mis à jour, évaluation chiffrée des résultats obtenus dans les différents objectifs (réduction des délais de prise en charge des mesures, taux d’occupation des établissements, développement du dispositif accueil et accompagnement, etc...)

Des dispositifs d’évaluation ont été mis en place, notamment par l’intermédiaire des audits. L’outil GAME, qui n’était qu’un outil de gestion a été modifié pour pouvoir intégrer des critères d’appréciation de l’évolution du mineur, à partir de différents éléments comme les savoirs de base (les items identiques à ceux de l’Education Nationale) pour mesurer l’impact de la prise en charge des jeunes. Cet élargissement de GAME est techniquement prêt à être utilisé. Il est en attente d’une décision de la CNIL. Il est envisagé qu’il soit étendu au secteur associatif habilité.

Mais le développement et la mise en place de référentiels et d’outils de mesure et d’évaluation, ne suffit pas pour améliorer les pratiques de terrain.

Nous avons perçu un décalage entre les objectifs affichés au niveau central, les structures administratives de soutien et de contrôle au niveau administratif, les outils méthodologiques, et les

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difficultés de mise en œuvre des actions éducatives auprès des enfants et des familles, relayées par de nombreux utilisateurs, notamment les magistrats.

Nous examinerons les différents types de mesures mises en œuvre par la PJJ, en distinguant les mesures d’investigation et de milieu ouvert, dont les finalités nous paraissent distinctes, même si elles sont souvent présentées de façon globale dans la présentation de l’activité de la PJJ.

2. LES MESURES D’INVESTIGATION

a. L’investigation est un élément essentiel de la j ustice des mineurs , aussi bien pour

éclairer la décision judiciaire que pour fonder les actions éducatives.

En matière pénale, l’obligation pour le juge de disposer d’éléments d’information sur la personnalité a été posée dès la loi de 1912.

L’ordonnance de 1945 a renforcé cette obligation. L’article 8 imposait au juge des enfants de recueillir « par toute mesure d’investigation,69 des renseignements relatifs à la personnalité et à l’environnement social et familial du mineur. Le juge des enfants ordonnera un examen médical et, s’il y a lieu un examen médico-psychologique. Il décidera, le cas échéant, le placement du mineur dans un centre d’accueil ou dans un centre d’observation.” Le juge peut ne prescrire que l’une de ces mesures ou aucune, mais il doit alors rendre une ordonnance motivée justifiant sa décision.

L’obligation de recueillir des informations sur la personnalité du mineur et de sa famille a été renforcée par la loi du 10 aout 2011, qui a ajouté à l’ordonnance du 2 février 1945 un article 5-1, qui prescrit : « avant toute décision prononçant des mesures de surveillance et d’éducation ou, le cas échéant, une sanction éducative ou une peine à l’encontre d’un mineur pénalement responsable d’un crime ou d’un délit, doivent être réalisées les investigations nécessaires pour avoir une connaissance suffisante de sa personnalité et de sa situation sociale et familiale et assurer la cohérence des décisions pénales dont il fait l’objet. »

La réalisation des mesures d’investigation conditionne également la possibilité d’utiliser des procédures de comparution rapide. La connaissance de la personnalité est déterminant pour choisir entre le prononcé d’une sanction éducative ou d’une peine, pour écarter ou non l’atténuation de la peine, ou encore écarter l’application d’une peine plancher. Mais, fondamentalement, la finalité de la mesure d’investigation est de connaitre la situation personnelle et familiale du mineur de manière à prendre les mesures les plus adaptées.

En matière d’assistance éducative, la procédure prévoit que le juge des enfants peut, avant de statuer au fond, ordonner toute mesure d’information concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents, en particulier par le moyen d’une enquête sociale, d’examens médicaux, d’examens psychiatriques et psychologiques, ou d’une mesure d’investigation et

69 Le texte prévoyait jusqu’en 2012 l’enquête sociale à la place de l’expression « toute mesure d’investigation »,

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d’orientation éducative (IOE)70. La connaissance de situation personnelle et familiale du jeune est nécessaire pour analyser justement les difficultés familiales et prendre les mesures les plus adaptées.

Le temps de l’investigation n’est pas du temps perdu, mais il permet de fonder la meilleure décision du juge, notamment en favorisant la réflexion du mineur et de sa famille.

Enfin, en matière de protection judiciaire des jeunes majeurs, le juge des enfants peut également prononcer une mesure d’observation, mais cette possibilité n’est plus utilisée.

b. Les différents types de mesure d’investigation

Le développement historique des mesures d’investigation

Limité initialement à la seule enquête sociale, la mesure d’investigation a ensuite été envisagée, pour les mineurs délinquants, sous la forme d’un placement dans un centre d’observation. Le texte actuel de l’ordonnance du 2 février 1945 comporte d’ailleurs toujours cette possibilité. Au début des années soixante, s’est développé l’observation en milieu naturel, hors de tout placement, par la création des consultations d’orientation éducative (COE), caractérisées par une approche multidisciplinaire de la personnalité. La consultation fait appel à différentes mesures, toujours utilisées aujourd’hui : l’enquête sociale, à l’examen médical, l’examen psychologique, et l’examen psychiatrique. L’Education Surveillée a alors développé des centres d’orientation et d’action éducative (COAE) regroupant les COE et des foyers d’action éducative (FAE). Les COAE assurent ainsi une fonction d’accueil et d’observation. Outre l’enquête sociale, le Juge des enfants peut également ordonner des consultations ou des mesures d’observations en milieu ouvert (OMO), s’exerçant sur une durée suffisante (six mois renouvelables) pour observer et accompagner l’évolution d’un mineur. En même temps les mesures d’enquête rapide se développent dans les SEAT, suite à l’obligation de recueillir l’avis du service éducatif avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire. En 1991, la mesure d’investigation et d’orientation éducative (IOE) remplace la consultation et l’OMO, et devient l’unique mesure d’investigation pluridisciplinaire. L’enquête sociale est maintenue. A partir du constat d’une baisse constante des mesures d’investigation civiles depuis 2004, corrélée à une augmentation constante des mesures d’investigation pénale71, la PJJ, après avoir engagé une large concertation avec les fédérations associatives, les experts, a procédé à une refonte complète des outils d’investigation, en fusionnant les enquêtes sociales et les IOE en une seule mesure, la MJIE (mesure judiciaire d’investigation éducative).

70 Article 1183 du code de procédure civile

71 Etude de l’évolution de l’activité des mesures d’investigation réalisées par le secteur public et le secteur associatif de la PJJ,SDK-K2, 1°février 2010.

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Actuellement, les magistrats ne peuvent donc prononcer que deux mesures d’investigation : - une mesure courte, le recueil de renseignements socio éducatif (RRSE), effectué

dans un cadre strictement pénal par des équipes non pluridisciplinaires (éducateurs des UEAT et SEAT) et quasi exclusivement utilisée par les parquets,

- une mesure interdisciplinaire et modulable, la MJIE.

Importance quantitative de chaque type de mesures: En 2011, 98 773 mesures d’investigation ont été ordonnées, dont 43 227 RRSE (dont 215 civils) et 55 546 mesures d’IOE et d’enquêtes sociales.

En 2012, 98118 mesures d’investigation ont été ordonnées dont 43 929 RRSE (dont 16 civils) et 54 189 mesures d’IOE et d’enquêtes sociales.

Les mesures d’investigation, hors RRSE, (enquêtes sociales + IOE, puis MJIE seules) ont concerné 55 646 mineurs en 2011, 54 116 en 2012. Ces mesures concernent, à 90 % des mesures civiles. Elles sont exercées à près de 60 % par le secteur associatif.72

Il faut observer que le nombre total de mesures est très supérieur à l’activité moyenne des années 2001/200873. Pendant cette période, le nombre de mesures a toujours été inférieur à 90 000, sauf en 2005 et 2006 où il a légèrement dépassé ce chiffre.

c. Le recours privilégié aux mesures courtes en mat ière pénale

Le RRSE et la MJIE ont des finalités et des modalités d’exécution totalement différentes.

Le RRSE est un recueil d’informations, principalement déclaratives, car souvent apportées par le mineur et sa famille, ou recueillies par téléphone par le service éducatif sans vérification sur le terrain. C’est une photographie plus qu’une analyse. Il est mis en œuvre immédiatement (délai moyen de 1,2 jour au plan national). Sa durée moyenne est de 7 jours. Quelquefois il a simplement pour objet d’étudier la faisabilité d’une mesure (par exemple, une réparation).

En revanche, l’IOE, ou la MJIE, est réalisée par une équipe pluridisciplinaire, composée au moins d’un éducateur, d’une assistante sociale et d’un psychologue, éventuellement un psychiatre, comportant une étude approfondie de la situation familiale, des rencontres et visites en famille ainsi que de l’environnement familial, social, scolaire, médical, du jeune.

Un éducateur d’UEMO peut être amené à réaliser 196 RRSE dans l’année, ou suivre 25 mineurs en milieu ouvert, y compris des MJIE. Mais, dans de nombreux services comportant des UEAT74, il peut être amené à exercer les deux types de mesures,

Il semble peu pertinent de présenter ensemble les deux types de mesures, ce qui est souvent le cas dans les statistiques de la PJJ ou du ministère de la justice. Il convient de les distinguer pour éviter

72 Tableau de bord du DPJJ 31 octobre 2013

73 Voir l’étude sur l’évolution de l’activité des mesures d’investigation réalisée par la DPJJ 2001/2008

74 Unité éducative auprès du tribunal

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des erreurs d’appréciation significatifs dans les besoins des magistrats prescripteurs, comme, par suite, dans l’évaluation des besoins et l’organisation des services.

Ainsi, les mesures d’investigation pénales sont, à 90 % des RRSE ; pour la plupart, ces derniers sont ordonnés par les parquets (36 410, soit 81 %). On ne sait pas si elles concernent des mineurs faisant l’objet de mesures alternatives aux poursuites (77 426 en 2012) ou de mineurs renvoyés devant les juridictions (68 100 mineurs pour 42 963 affaires).75 Près de 8000 RRSE sont par ailleurs ordonnés par les juges des enfants.

Le chiffre qui doit retenir l’attention est celui du très faible nombre de mesures d’investigation pénales approfondies, répondant aux exigences de l’article 8 de l’ordonnance du 2 février 1945, qui ne représentent que 10 % du total des mesures d’investigation. En valeur absolue, le nombre de mesures d’investigation est très faible par rapport au nombre de mineurs ayant fait l’objet d’une procédure devant les juridictions pour mineurs : un peu plus de 5000 mesures (ES, IOE puis MJIE) pour 68 100 mineurs ayant fait l’objet de poursuites devant le juge des enfants.

La question qu’on doit se poser est de savoir pourquoi les juridictions utilisent si peu les mesures d’investigation pénales approfondies et se contentent de simples RRSE ? Les mineurs sont-ils déjà suivis et connus en assistance éducative ? Ou bien, l’investigation est-elle considérée comme inutile, dans la mesure où des renseignements suffisants sont fournis dans le cadre des mesures de milieu ouvert (CJ, LSP).

Cette faiblesse des mesures d’investigation approfondies au pénal doit interroger, car l’investigation pénale approfondie ne paraît plus considérée comme nécessaire, malgré les prescriptions légales. Elle s’inscrit dans la dérive d’une justice de plus en plus rapide. Le nombre élevé de RRSE pose également la question de savoir si ces mesures, effectuées dans des conditions de rapidité, apportent vraiment un éclairage utile à la prise de décision. Une évaluation approfondie de l’intérêt de ces mesures serait à conduire.

d. L’impossibilité d’exercer des RRSE civils

La PJJ a décidé de ne plus effectuer de RRSE civils, en considérant que l’évaluation des situations de mineurs en danger est désormais de la compétence des conseils généraux, et que les signalements parvenus à l’autorité judiciaire sont généralement bien étayés et ne nécessitent pas d’investigation complémentaire.

Cependant, tous les magistrats du parquet entendus par la mission ont regretté la disparition de cette mesure, qui représentait encore en 2008, 23 % des RRSE. En 2013, les RRSE civils ont quasiment disparu.

En effet, certaines situations portées à la connaissance des parquets dans le cadre d’enquêtes pénales (parents en garde à vue, violences conjugales, violences sur enfant, non représentation d’enfants) peuvent nécessiter une évaluation rapide de la situation de l’enfant. Les parquets regrettent l’obligation, en l’absence de tout moyen d’investigation, de passer par la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) pour évaluer en urgence ce type de situation, alors que le

75 Note de synthèse 2012 2013 Secrétariat Général

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parquet dispose déjà d’une vue partielle de la situation de l’enfant. En outre, les CRIP ne disposent pas nécessairement de moyens d’évaluation rapides, notamment les nuits et week-ends. Dans de nombreux endroits, la seule autorité qui assure une permanence permettant de prendre des mesures urgentes, est l’autorité judiciaire, en l’espèce le substitut de permanence.

D’autre part, les juges des enfants peuvent également être saisis par d’autres voies qu’un signalement du conseil général. Dans ce cas, ils ne disposent plus de la possibilité d’une évaluation rapide, autrefois exercée par les SEAT ou UEAT, et doivent recourir à des mesures d’investigation plus longues, et plus chères.

La PJJ avait envisagé d’utiliser des MJIE de courte durée au civil. Cela est possible seulement lorsque le juge des enfants est saisi. Mais le parquet ne peut ordonner de MJIE et se trouve donc dépourvu de moyens d’investigation.

Pour répondre aux attentes des magistrats, notamment ceux du parquet, mais aussi les juge des enfants, nous proposons le rétablissement de la possibilité d’effectuer des investigations civiles rapides, mise en œuvre par la PJJ ou les services privés habilités.

e. La mesure judiciaire d’investigation éducative ( MJIE)

Cette mesure a été présentée comme une mesure innovante, capable d’améliorer les pratiques, car elle est modulable dans son contenu et dans sa durée, pour s’adapter aux demandes des magistrats dans un contexte général de retrait des mesures d’investigation. Elle peut être accompagnée de modules d’approfondissement complémentaires.

Or, les juridictions semblent avoir été majoritairement satisfaites des enquêtes sociales et des IOE.

Les associations (FN3S) expriment un fort sentiment de déception par rapport aux ambitions qualitatives attendues de la MJIE (caractère pluridisciplinaire, module complémentaire). En fait, le souhait du secteur aurait été de maintenir deux profils d’investigation : l’enquête sociale et l’IOE.

L’enquête sociale avait un objectif de vérification de la situation sociale de la famille, sans exiger de moyens pluridisciplinaires d’investigation. Ce besoin d’investigation existe toujours.

En pratique, les juges des enfants ordonnent des MJIE d’une durée courte, mais le coût de celle-ci, fixé de façon forfaitaire pour toutes les MJIE, est nettement plus élevé que celui des enquêtes sociales. Selon les documents fournis pour le budget 2014, le coût unitaire d’une MJIE dans le secteur associatif s’est élevé à 2630 euros en 2013. A Besançon, des mesures très courtes (un mois) sont quelquefois ordonnées par les juges des enfants. Les juges des enfants indiquent avoir besoin de mesures d’investigation simples. Elles répondent à un besoin de vérification rapide (situation d’un enfant placé en urgence, vérification d’une situation matérielle), et n’exigent pas toujours un caractère pluridisciplinaire.

Les MJIE devaient être accompagnées de modules d’approfondissement selon les situations, qui ont suscité un réel intérêt de la part des juges des enfants. A la connaissance de la FN3S, ces modules n’ont été mis en place nulle part en France dans le secteur associatif. En revanche, des modules d’approfondissement commencent à être prescrits dans le secteur public : sur 13 430 MJIE ordonnées par les juges des enfants depuis le début de l’année 2013, 2531, soit 18 %, contenaient

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au moins un module d’approfondissement. Le module le plus utilisé est celui de « l’approfondissement du système familial », le second : « le mineur auteur de passage à l’acte violent »76.

Le nombre de MJIE reste élevé en matière civile

La mise en place de la MJIE et la réduction des capacités globales d’investigation ont été justifiées par la mise en place de la loi du 5 mars 2007, l’hypothèse d’une justice des mineurs devenue subsidiaire, et la capacité des conseils généraux de produire des signalements étayés et complets, ne nécessitant pas des mesures d’investigation judiciaires ultérieures. Or, l’on constate que, même si des signalements au contenu plus étoffés sont produits par les services des conseils généraux, les juges ordonnent toujours des mesures d’investigation judiciaire. Le nombre de mesures nouvelles ou renouvelées est toujours resté au dessus de 50 000 depuis 2007. 77 En 2012, 48 770 ont fait l’objet d’une mesure de MJIE civile, dont 58 % ont été confiées au secteur associatif.

En effet, les deux mesures n’ont pas la même nature ni la même finalité. Le signalement effectué par les services sociaux est un recueil d’information, alors que la mesure d’investigation judiciaire est un travail avec la famille ; son but est de rechercher la capacité de la famille à « produire du changement ». Elle s’effectue dans un cadre contradictoire. En outre, dans 25 % à 30 % des cas, un non lieu à assistance éducative est prononcé après une MJIE.78

f. L’organisation et la compétence des services d’i nvestigation

Les MJIE sont exercées aussi par le secteur public que par le secteur associatif habilité. Pour celui-ci, la mise en place de la MJIE a entraîné un bouleversement des services d’enquêtes sociales et d’IOE qui existaient. Il a été nécessaire de procéder à une refondation et une réorganisation des services. Les effectifs ont été réduits, notamment le personnel administratif.

Dans le secteur public en revanche, il n’existe pas de service spécialisé. Les MJIE sont exercés par les UEMO, à côté d’autres missions. En pratique, la pluridisciplinarité se limitait quelquefois à une double intervention : éducateur et psychologue. Un effort de recrutement d’assistants de services sociaux a été décidé pour garantir la pluridisciplinarité. Il est prévu que 75 % des 267 UEMO soient dotés d’assistants de service social fin 2013. La création de 60 postes d’assistants de service sociaux devrait permettre de compléter les équipes en juin 2014.

La plupart des services d’UEMO répartissent les mesures de MJIE en fonction des disponibilités des éducateurs, comme pour les autres mesures. Il y a une différence entre l’organisation spécialisée des services d’investigation du secteur associatif habilité (SAH) et les missions généralistes assurées par les UEMO du secteur public. Les éducateurs sont également chargés d’exercer les autres mesures de milieu ouvert. Il n’y a pas d’équipes d’investigation permanentes dans les UEMO. L’ossature de ces dernières est constituée par l’assistant de service social, et elle est complétée en fonction des besoins et de la disponibilité.

76 Eléments de réponse SDK/K2 du 3 décembre 2013

77 Tableaux de bord des juridictions pour mineurs et chiffres clés de la justice 2011 et 2012

78 Entretien avec la FN3S.

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Les juges des enfants manifestent leur attachement à la possibilité de mandater le secteur associatif, qui peut faire valoir une expérience et une compétence, qui n’est pas partagée par toutes les UEMO, généralistes, même si les magistrats reconnaissent des efforts significatifs de formation du personnel de la PJJ et l’amélioration du contenu des MJIE effectuées par celle-ci.

Cette compétence du secteur associatif est particulièrement importante dans le domaine de la petite enfance. Du fait de son recentrage pénal, la PJJ n’exerce plus de mesures éducatives pour les jeunes enfants. La petite enfance ne doit d’ailleurs pas être le domaine de prédilection de la PJJ, plus tournée vers les adolescents. La question de sa compétence pour exercer des MJIE concernant des jeunes enfants est donc posée, même si une formation spécifique a été initiée dans certains pôles territoriaux de formation.

La mise en place de la MJIE est récente et provoque une modification des pratiques professionnelles, comme des missions et des charges. Les acteurs, décideurs et opérateurs, commencent à s’approprier ce nouvel outil.

Il ne convient pas de revenir en arrière, mais de d’évaluer les pratiques et les effets de cette mesure, afin d’envisager d’éventuelles évolutions, notamment en ce qui concerne la possibilité de limiter le caractère interdisciplinaire pour des situations simples, de mieux définir les modules d’approfondissement, et d’en assurer la généralisation.

g. Les autres mesures d’investigation

Expertises et examens psychologiques et psychiatriques : ces mesures ne sont pas confiées à la PJJ mais à des experts inscrits sur les listes des cours d’appel.

Les magistrats de l’enfance regrettent l’insuffisance chronique d’experts psychiatres compétents en matière d’adolescents. La PJJ aurait peut-être un rôle à jouer pour amener des psychiatres à accepter d’effectuer des évaluations dans le cadre des services d’investigation, voire à demander leur inscription comme expert judiciaire.

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PROPOSITIONS

Mettre en place un groupe de travail associant secteur public et secteur asso ciatif (fédérations associatives) pour faire le bilan de l a MJIE et proposer d’éventuels aménagements

Elaborer des protocoles ou des conventions dans cha que ressort territorial, permettant de répartir les compétences entre secteur associatif h abilité et secteur public sur une base objective (âge des mineurs, civil, pénal)

Mettre en place des équipes spécialisées dans l’inv estigation, pour effectuer des MJIE au sein des UEMO

Prévoir une MJIE de courte durée pour répondre aux besoins des magistrats, à un coût inférieur à celui de la MJIE « normale ».

Rétablir la possibilité pour les UEAT et PEAT d’eff ectuer des RRSE civils

Modifier le code de procédure civile pour y intégre r la MJIE et supprimer des textes de l’assistance éducative les termes d’enquête sociale et d’investigation et orientation éducative.

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3. LES MESURES DE MILIEU OUVERT

Les mesures dites de milieu ouvert sont celles qui sont exercées en milieu familial.

D’après les statistiques de la PJJ, 60 663 mineurs ont été suivis en 2012 dans le cadre de mesures et sanctions éducatives, et 20 625, dans le cadre de mesures de probation et de peines. Les mesures et sanctions éducatives sont en baisse par rapport à l’activité de 2011 où 61 707 mineurs avaient été suivis. En revanche, les mesures probatoires et les peines augmentent légèrement : 20 387 mesures en 2011).

Types de mesures Ordonnance 2 février 1945

Article 375 Du code civil

Protection des jeunes majeurs

Observations

Mesures et sanctions éducatives (total)

60 184 373 194 60 663

Mises sous protection judiciaire 8 429 + 110 % depuis 2007

AEMO + suivi jeune majeur 373 194 dont 145 SAH

Liberté surveillée 5 905 Liberté surveillée préjudicielle 18 272 Réparation 33 890 Dont

10 980 sah

Sanctions éducatives 3 277 Mesures d’activité de jour 924 Stage sensibilisation stupéfiants 890 Mesures de probations et peines

20 625

Contrôle judiciaire 11 363 Liberté conditionnelle 0 Sursis mise à l’épreuve 7 897 Suivi socio judiciaire 79 Travail d’intérêt général 3 774 Stages de citoyenneté 2 791 Aménagements de peine 202

98 % des mesures de milieu ouvert sont des mesures pénales. Elles sont toutes exercées par le secteur public, à l’exception des mesures de réparation.

Les mesures pénales de milieu ouvert représentent 58 % de l’ensemble des mesures effectuées par le secteur public.

a. La diversité des mesures

Du fait du recentrage pénal, les AEMO sont de fait exclues de la pratique de la PJJ. Le nombre de mesures d’AEMO suivies en 2013 continue de diminuer : seulement 188 mesures ont été ordonnées au 30 septembre 2013.

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Il y a une grande variété de mesures de milieu ouvert : la liberté surveillée préjudicielle, la liberté surveillée prononcée par jugement, la mesure de protection judiciaire de l’article16 bis, le contrôle judiciaire, le sursis avec mise à l’épreuve, la mesure de réparation, la mesure d’activité de jour, les stages de citoyenneté, le travail d’intérêt général.

En outre, ces mesures peuvent se combiner entre elles. L’article 20-10 de l’ordonnance permet ainsi à la juridiction qui a prononcé un sursis avec mise à l’épreuve, de prononcer également le placement dans un établissement, une mesure de liberté surveillée, une mesure d’activité de jour.

Un même mineur peut donc faire l’objet de plusieurs mesures. En 2011, 79 028 mesures et sanctions éducatives ont été ordonnées, concernant 61 707 mineurs ; 30 963 mesures de probation et de peines, concernant 20 387 mineurs 79 ;

La situation peut varier selon les régions. Ainsi, à l’UEMO Bougainville à Marseille, chaque jeune faisait l’objet de 2,70 mesures en moyenne.

Pour chaque mesure, l’éducateur doit déterminer le fondement juridique de son intervention, qui devrait le conduire à adopter des attitudes et des postures différentes dans la conduite de l’action éducative.

Le référentiel des mesures de milieu ouvert distingue notamment les mesures strictement éducatives, de celles qui comportent une dimension de contrainte.

La liberté surveillée permet, à partir de la mise en examen ou du jugement (selon qu’il s’agit d’une LSP ou d’une LS) d’engager un travail sur le passage à l’acte et une action éducative auprès du mineur et de son environnement familial.

La mesure de protection judiciaire de l’article 16 bis est prononcée lorsque l’acte de délinquance est le révélateur d’une problématique plus large, justifiant une intervention proche de celle de l’assistance éducative.

Si l’acte délictueux doit être pris en compte, les mesures éducatives se développent selon les techniques de mise en œuvre d’une relation éducative personnelle entre l’éducateur et le jeune, qui doit être marquée à la fois par une certaine empathie, mais aussi une certaine distance, une fermeté bienveillante, permettant d’aider le jeune à se structurer par la présence d’un adulte cohérent auprès de lui.

Pour qu’elles soient efficaces et puissent favoriser une évolution du jeune, ces mesures doivent durer un certain temps ; six mois paraissant la durée minimale. La durée souhaitable est plus longue, de un an à 18 mois, avec des interventions et rencontres régulières permettant de conforter la relation éducative et l’évolution du mineur.

Les mesures de contrôle et de probation (contrôle judiciaire, sursis avec mise à l’épreuve) confiées à la PJJ accompagnent des obligations fixées par la loi ou le juge qui les a ordonnées. Elles consistent le plus souvent en des limites ou interdictions de déplacement ou de rencontres, l’obligation de se présenter régulièrement dans un service et de répondre aux convocations, d’exercer une activité professionnelle, une formation de suivre des soins, éventuellement d’effectuer un travail d’intérêt

79 Statistiques Activité PJJ 1997/2011

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70

général (TIG). Le non respect des obligations peut être sanctionné par une mesure d’emprisonnement.

Dans ce cas, l’intervention éducative a surtout pour objet d’aider le mineur à prendre conscience de l’importance du respect des obligations, d’accompagner sa réflexion sur l’acte commis ou le jugement prononcé, et de lui permettre de respecter ses obligations. Elle n’apparaît pas de même nature que la relation d’accompagnement présente dans les mesures éducatives.

Les mesures de contrôle judiciaire, prononcées dans le cadre d’une information judiciaire, sont valables jusqu’au jugement. Les sursis avec mise à l’épreuve sont prononcés pour une période d’un à trois ans.

Paradoxalement, l’accompagnement de la PJJ dans le cadre d’une mesure de contrôle ou de probation peut ainsi avoir une durée plus longue que dans le cadre d’un suivi éducatif.

Enfin, certaines mesures consistent en des interventions ponctuelles, limitées dans un temps plus bref, comme la mesure de réparation, le stage de citoyenneté, l’activité de jour prévue par l’article 16 ter ou encore l’une des nombreuses sanctions éducatives énumérées à l’article 15-1 : la confiscation d’un objet, l’interdiction de paraître dans un lieu, l’interdiction de rencontrer ou de recevoir la victime, les coauteurs ou complices éventuels, l’obligation d’effectuer une mesure d’aide ou de réparation, de suivre un stage de formation civique d’une durée d’un mois, une mesure de placement pour une durée de trois mois maximum, l’exécution de travaux scolaires, un avertissement solennel, un placement dans un établissement scolaire doté d’un internat, l’interdiction d’aller et venir sur la voie entre 23 h et 6 H00. Toutes ces mesures doivent être exécutées dans le délai de trois mois après le jugement, sans que la loi ne fixe de sanction à la non exécution de ce délai, qui ne devient qu’indicatif. Lors de nos déplacements, tous les services ont fait part de la grande difficulté de gérer cette diversité de mesures, qui s’empilent sans nécessairement apporter de la cohérence au parcours du jeune. Elles obligent également à rendre fréquemment des rapports et à consacrer un temps administratif au détriment de l’action éducative.

La superposition de mesures résulte de réponses judiciaires données à des procédures pénales successives. Mais elles peuvent être ordonnées à contre temps par rapport à l’évolution du jeune, selon le mode de traitement des procédures. Elles rendent plus compliquée la détermination d’une action éducative globale.

Heureusement, en général, c’est le même éducateur, celui qui connaît déjà le mineur, qui est désigné pour exercer les différentes mesures.

Il nous semble souhaitable, dans la perspective de la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945, de remplacer les mesures éducatives par une mesure éducative unique et modulable (voir page 26) : un suivi éducatif en milieu ouvert, provisoire s‘il est prononcé avant le jugement, ou, s’il est prononcé par jugement, pour une durée pouvant aller au moins jusqu’à deux ans. Cette durée est identique à celle prévue pour les mesures d’assistance éducative.

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Ce suivi unique n’empêcherait pas de prononcer des obligations particulières ajoutées par le magistrat, dépendant de l’évolution et des besoins du mineur, mais qui s’intégreraient dans la mesure unique.

De même, des mesures de contrainte ou de sûreté (contrôle judiciaire, détention provisoire) pourraient également prononcées parallèlement au suivi éducatif, sans que celui-ci ne soit remis en cause.

L’important nous paraît être de bien distinguer une intervention éducative véritable, s’inscrivant nécessairement dans une certaine durée, et la mise en œuvre d’autres décisions judiciaires, qui n’ont pas la même finalité.

b. Les modalités d’intervention en milieu ouvert

L’action éducative en milieu ouvert est quelquefois critiquée pour son opacité ou son manque de contenu. Il peut être difficile de savoir qu’est ce qui est véritablement fait auprès du jeune, à quel rythme ont lieu les rencontres.

Pourtant les services éducatifs sont décrits comme impliqués dans leur mission auprès des mineurs, et les qualités professionnelles sont globalement reconnues par les partenaires. C’est ce que la mission a pu vérifier au cours de ses déplacements. En outre, il est désormais fait obligation aux services éducatifs d’élaborer avec le mineur et ses représentants légaux un document individuel de prise en charge (DIPC), précisant les modalités de l’action. Toutefois, celui-ci semble limité à une obligation formelle et pas nécessairement utilisé comme appui à l’action éducative

La motivation réelle des équipes ne doit pas masquer de nombreuses difficultés.

La nécessité de mettre en œuvre rapidement les mesures et d’éviter les mises en attente a déjà été soulignée (cf. page 39).

Les mesures sont généralement attribuées par les DS ou les RUE dans le cadre d’une réunion d’équipe. L’attribution d’une mesure est suivie d’un travail de recueil d’informations (relevé de dossier au tribunal, contacts entre les services et partenaires) avant le premier entretien, qui est un moment essentiel de l’intervention éducative.

Les UEMO sont généralement composées de façon interdisciplinaire, avec la présence d’assistants de service social et de psychologue. Mais la réalité d’un véritable travail interdisciplinaire dépend beaucoup de la manière dont sont organisés les services : nombre d’unités, distance entre les unités, composition des équipes. Le minimum semble être d’éviter les interventions solitaires, et de favoriser le travail en équipe, mis en place dans de nombreuses UEMO.

La charge de travail : actuellement, la norme fixée est de 25 mineurs suivis par éducateur. Cette moyenne est atteinte au niveau national d’après les tableaux de bord du DPJJ ; elle a été légèrement dépassée (25,5 en septembre 2013), mais avec des variations significatives d’une région à l’autre, ce qui peut expliquer, dans de nombreuses unités, et auprès de nombreux partenaires judiciaires, un sentiment de saturation des capacités.

En outre, cette norme est difficile à apprécier, l’intensité de l’action menée nous paraissant très différente pour un mineur faisant l’objet d’un suivi éducatif au long cours ou d’une mesure courte,

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comme un stage de citoyenneté ou un mesure de réparation. L’organisation des services d’UEMO n’a pas permis de comprendre comment était prise en compte cette grande hétérogénéité des prises en charges et des missions

Plusieurs équipes ont fait part de pertes de temps considérables.

Celles-ci peuvent être liées à l’éloignement du mineur, notamment lorsqu’il fait l’objet d’un placement très éloigné. Lorsqu’il existe une mesure de milieu ouvert, il arrive que ce soit l’éducateur qui assure l’accompagnement du jeune dans la structure d’accueil, même si elle est éloignée. Il doit en tout cas se déplacer régulièrement pour rencontrer le jeune et l’équipe. La modernisation de la transmission des informations, notamment par des procédés numériques, ne compensera pas le temps nécessaire aux rencontres personnelles.

Mais l’éloignement résulte également du regroupement d’unités éducatives, autrefois implantées sur des sites plus proches des lieux d’habitation. Le temps perdu en déplacement semble très important et est relevé comme une importante difficulté de l’action éducative

Le maintien d’un rythme soutenu d’activité, les problèmes d’éloignement, et la multiplication de tâches vécues comme purement administratives constituent des obstacles à la recherche de la cohérence et de la continuité des parcours entre différents intervenants, assigné au milieu ouvert. Il en est de même de la complexité grandissante des dossiers judiciaires, de plus en plus souvent répartis entre plusieurs magistrats.

Enfin, plusieurs équipes ont fait part du développement d’un sentiment d’insécurité lors des visites à domicile.

La PJJ a réaffirmé la place centrale du milieu ouvert et fait de celui-ci une des priorités de 2013 dans le cadre du PSN 3. Une mission d’évaluation a été confiée à la sous direction des missions de protection judiciaire et d’éducation, dans l’objectif de mettre en cohérence les problématiques rencontrées par les jeunes et leurs familles avec les évolutions des cadres réglementaires et législatifs, les contextes sociaux, les nouvelles technologies et les connaissances en sciences humaines. Cette évaluation a été engagée et est bien avancée, mais elle n’est pas encore terminée à la date du présent rapport.

Le dispositif accueil accompagnement

Un des objectifs de la PJJ est de faire bénéficier d’une activité de jour tous les mineurs se trouvant sans activité ou ne pouvant bénéficier d’emblée des dispositifs de droit commun.

Deux dispositifs ont été mis en place : le dispositif accueil accompagnement (DAA), dans les UEMO, ou dans les UEHC, et le module des acquisitions organisé dans les unités éducatives de jour (UEAJ) (voir page 84)

L’objectif est de mettre en place le DAA dans toutes les UEMO. Au 30 septembre 2013, il était effectivement installé dans 183 UEMO sur 237 (77 %)

Certains jeunes suivis en milieu ouvert peuvent aussi bénéficier d’une prise en charge plus soutenue dans une UEAJ.

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Les deux dispositifs sont des moyens d’entrer en relation avec le jeune et sa famille, d’établir le contact et de l’accompagner à travers une action concrète. Ils constituent aussi le support du diagnostic initial de la situation du jeune. Ils permettent de remobiliser les jeunes en vue de les inscrire dans des dispositifs de droit commun. En outre, l’introduction d’activités collectives dans les UEMO apporte une dynamique différente et a permis de valoriser les compétences de certains personnels

L’hypothèse d’une mesure éducative renforcée

En assistance éducative, des mesures d’AEMO renforcées ont été imaginées par le secteur associatif habilité pour permettre une prise en charge plus soutenue de mineurs, souvent des adolescents, traversant des difficultés particulièrement lourdes. La loi du 5 mars 2007 permet d’accompagner des mesures d’AEMO d’un hébergement exceptionnel ou périodique80. Plusieurs services ont développé une expérience et une compétence certaine dans ce type de prise en charge, et il serait utile que la PJJ se mette en rapport avec ces derniers. En tout cas, la possibilité d’une intervention renforcée en milieu familial , par une limitation du nombre de jeunes suivis et par une intervention pluridisciplinaire, est de nature à permettre une action plus efficace, susceptible d’empêcher la dégradation de la situation de certains jeunes et de recourir à des mesures plus contraignantes, et plus coûteuses pour la collectivité comme un placement. Il semble au moins nécessaire de l’expérimenter rapidement, de façon active.

L’élargissement des possibilités d’intervention au profit du mineur en milieu ouvert

Pour favoriser l’émulation dans la recherche de solutions innovantes, nous proposons que le secteur associatif habilité puisse être habilité à exercer des mesures pénales de milieu ouvert, comme la liberté surveillée ou la protection judiciaire. La disponibilité de plusieurs équipes mieux réparties sur le territoire permettrait également de parvenir à un équilibre dans les différents secteurs géographiques, et de diminuer les problèmes liés aux déplacements.

En outre, par rapport à la charge globale de mesures, nous pensons qu’il pourrait être utile de s’appuyer également sur des personnes dignes de confiance, comme des membres de la famille ou des personnes de son environnement, pour accompagner des mineurs. Ces ressources sont trop souvent ignorées lors des mesures d’investigations, et on s’oriente rapidement sur des solutions institutionnelles. On pourrait ainsi utiliser également en matière d’accompagnement en milieu ouvert, le recours à une personne « digne de confiance ». Il y a lieu d’observer, même si ce texte n’est pas souvent utilisé, que l’article 375-2 du code civil permet au juge de désigner une « personne qualifiée » pour apporter aide et conseil à la famille en assistance éducative. C’est aussi parmi des bénévoles qu’ont été recrutés les premiers délégués à la liberté surveillée.

80 Article 375-2 alinéa 2 du code civil

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PROPOSITIONS

Instaurer une mesure de milieu ouvert unique et mod ulable, pouvant être assortie d’obligations particulières

Mieux distinguer les mesures éducatives et les mes ures de contrôle ou les mesures courtes dans l’organisation des services et la charge des é ducateurs.

Mettre en place une mesure de milieu ouvert renfor cé, permettant une intervention soutenue en milieu familial

Permettre au secteur associatif d’exercer des mesur es de milieu ouvert dans le cadre pénal

Examiner la possibilité de confier des mesures éduc atives à des personnes dignes de confiance

4. LES MESURES DE PLACEMENT

La PJJ est, depuis de nombreuses années, en difficulté pour assurer sa mission d’hébergement. Historiquement d’ailleurs, il n’est pas sûr que cette mission ait pu être assurée de façon satisfaisante. Les crises ont jalonné le fonctionnement des différentes institutions mises en place.

Pourtant, l’hébergement est une nécessité aussi bien en matière pénale qu’en assistance éducative.

Le placement judiciaire pénal répond à plusieurs finalités : l’une relève de la protection sociale : après un crime ou un délit, il peut être nécessaire de retirer le mineur de son lieu de vie, pour prendre en sa faveur des mesures de sécurité, le protéger éventuellement de pressions, mais aussi de maintenir des relations avec des complices ou des personnes qui l’incitent à commettre des infractions ; très souvent, les difficultés personnelles du jeune s’accompagnent de graves carences des titulaires de l’autorité parentale, qui ne sont pas en état d’assumer leurs responsabilités.

Le placement peut aussi s’inscrire dans un projet éducatif, préparé et construit dont le but est de permettre à un mineur de disposer d’un cadre de vie structurant et bienveillant, lorsque le milieu familial présente des carences importantes, ou encore de lui permettre d’acquérir une formation professionnelle ou de suivre des soins.

Un groupe de travail sur le placement judiciaire a été mis en place par la PJJ en 2011. Une mission a été confiée à Mr BRZEGOWY qui a rendu un rapport en juin 201281.

81 Marc BRZEGOWY, “Mission relative à la place du dispositif d’hébergement collectif dans l’ensemble du placement judiciaire de la PJJ et aux difficultés qu’il rencontre”,

juin 2012

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a. L’échec du dispositif de placement actuel

Dans les années 80, le placement était assuré principalement par les foyers d’action éducative. En 1999, ont été créés les centres de placement immédiat (CPI) destinés à répondre à la fonction d’accueil d’urgence, en même que les UEER puis les CER (centres éducatifs renforcés).

Actuellement, le dispositif de placement dans le secteur public a été remanié. Le décret du 6 novembre 2007 simplifie la typologie des structures d’hébergement et ne distingue que deux grandes catégories : les établissements de placement éducatif (EPE) et les CEF .Les EPE sont constituées d’au moins deux unités éducatives parmi les suivantes :

- les UEHC : unité éducatives d’hébergement collectif, qui ont remplacé les FAE et les CPI (toutefois, il reste encore des CPI dans le secteur associatif)

- les UEHD : unité éducative d’hébergement diversifié

- les UE- CER : unités éducative en centre éducatif renforcé

- Les CEF, centres éducatifs fermés.

Actuellement, la capacité installée est de 1695 places, dont 526 en CEF, 351 en CER et 818 en UEHC/CPI.

Le taux d’occupation des CEF est de 79 % dans le secteur associatif, de 65 % dans le secteur public, celui des UEHC de 66 %, celui des CER est de 82 %.82

Les différents types de placement actuels

a.1 L’hébergement collectif classique : On constate l’échec du placement collectif traditionnel

La PJJ a progressivement abandonné l’hébergement en foyer classique.

Les capacités d’hébergement du secteur public qui étaient de 3190 places en 1977 sont tombées à 1392 en 1995, et à 784 en septembre 2013.

L’échec de ces prises en charge, souligné par les utilisateurs au début des années 2000, est confirmé aujourd’hui. Le rapport SCHOSTECK décrivait déjà une prise en charge minimaliste et des jeunes livrés à eux-mêmes. L’action ne paraît plus éducative, mais simplement occupationnelle. Les équipes peinent à imposer des règles de vie collective. « Du fait du manque d’organisation ou de chaleur, de la stratégie d’évitement employée par les personnels, rien ne peut inciter les jeunes à demeurer dans ces établissements. »

Cette situation était imputée à la faiblesse des compétences des éducateurs, s’agissant de jeunes éducateurs à peine sortis de formation ; le départ des éducateurs expérimentés vers le milieu ouvert a conduit à une déperdition rapide des savoir-faire élémentaires.

Aujourd’hui, les FAE ont été remplacés par les UEHC. Mais la situation reste préoccupante.

82 Tableau de bord DPJJ, septembre 2013

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La faiblesse des taux d’occupation des EPE /UEHC pose question. Les visites de la mission n’ont pas permis de discerner une véritable mobilisation dans la prise en charge éducative des jeunes, mais donnent plutôt le sentiment d’une grande lassitude. Les UEHC ont, de fait, héritées de la fonction d’accueil d’urgence confiée aux CPI au début des années 2000, sans qu’elle soit véritablement inscrite dans leur cahier des charges.

La plupart des UEHC sont dans l’incapacité d’assumer la fonction d’accueil d’urgence ni d’ailleurs celle d’accueil de moyen séjour, puisque le taux d’occupation n’est que de 67 %, ce qui signifie que près de 300 places ne sont pas occupées par rapport à la capacité théorique, mais aussi que près de 160 mineurs ne sont pas effectivement pris en charge alors que des mesures de placement sont ordonnées.

a.2 Le placement diversifié : les UEHD

Le mineur est accueilli dans des structures ou lieux diversifiés, avec intervention d’un service éducatif.

Le plus souvent, l’hébergement diversifié se réalise dans les familles d’accueil.

Les accueillants sont considérées comme des collaborateurs occasionnels du service public, et des bénévoles indemnisés.

La famille perçoit une indemnité journalière, qui a été augmentée de 31 à 36 euros en 2013. Elle partage sa vie quotidienne avec l’adolescent en lui donnant des repères pour l’aider à se construire. C’est un mode de placement pertinent dans le cadre pénal. Cette prise en charge individualisée, casse les phénomènes de groupe qu’on rencontre dans les structures collectives ; elle favorise l’établissement d’une relation duelle et personnalisée entre le jeune et un adulte.

354 familles ont accueilli 472 mineurs en 2011.

En 2012. 432 familles d’accueil participent à la prise en charge des mineurs confiés aux services ; les ¾ sont des familles vivant en couple, plus d’une sur 4 reçoit les mineurs sans préparer leur arrivée. Dans 84 % des cas, une convention est conclue entre la famille et la PJJ pour fixer les droits et obligation de chacun pendant la prise en charge. 55% des familles d’accueil ont une ancienneté inférieure à 2 ans, et 80 % à 5 ans.

Aucune formation spécifique n’est organisée, mais les familles sont épaulées par éducateurs du service d’UEHD qui interviennent régulièrement, des réunions d’information, des groupes de paroles.

Les magistrats considèrent que le passage dans ces familles est souvent très bénéfique pour le jeune.

Malgré la fragilité inhérente à son caractère non professionnel, ce mode de prise en charge, individualisé et adapté, qui permet de réduire les contraintes géographiques par une plus grande diversité, et qui s’avère au moins aussi efficace que l’hébergement collectif, mais à moindre coût, doit selon nous être favorisé et fortement développé.

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a.3 Les CER

Les CER ont été créés à la suite du conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999, en s’appuyant sur l’expérience des unités à encadrement éducatif renforcé (UEER) lancées en 1996.

Le projet du CER est celui de faire vivre au jeune un séjour de rupture, d’une durée courte mais intense. Il doit lui permettre de rompre non seulement avec son lieu de vie, mais aussi avec ses habitudes de vie, vivre une expérience positive et valorisante, lui permettant de prouver sa valeur et l’estime de soi, pour préparer les conditions d’une scolarité ou d’une formation professionnelle réussie.

Les CER fonctionnent sous forme de sessions d’une durée de 4 ou 5 mois, au cours desquels jeunes et adultes vivent ensemble et partagent des moments d’aventure, d’activités sportives, d’expériences fortes et diverses.

La plupart des CER fonctionnent sous forme de sessions collectives, avec un groupe formé et stable. Mais d’autres ont mis en place un fonctionnement continu, en file active, à partir d’une prise en charge plus sédentaire. Cela permet une ouverture 365 jours par an.

Selon les équipes rencontrées, le bon fonctionnement des CER est le fruit de l’action d’une équipe motivée, manifestant une grande cohésion et cohérence, aussi bien à l’égard des jeunes qu’à l’égard des familles. En outre, le jeune connaît le contrat dès le départ. Il sait quand la prise en charge s’arrête.

Actuellement, 56 CER sont en fonctionnement, dont 51 sont gérés par le SAH. Ils ont une capacité d’accueil de 420 mineurs. Le taux d’occupation est le plus élevé de tous les établissements : 83 %. L’équipe est constituée de 9,2 ETP par structure dans le secteur public et 12,3 ETP dans le SAH. Le prix de journée réalisé en 2012 est de 501 euros83.

Le cahier des charges des CER a été actualisé en 2009 et validé en CTP en 2011. Il instaure un comité de pilotage national du dispositif, et préconise l’harmonisation de la programmation des sessions au niveau régional, pour garantir les possibilités d’accueil tout au long de l’année.

Les visites de la mission ont permis de constater la forte mobilisation des équipes constituées autour d’un projet éducatif. Les fédérations associatives soulignent également l’intérêt de ces mesures.

Toutefois, il est nécessaire de maintenir en permanence un dispositif de contrôle et d’évaluation. Plusieurs exemples montrent que des difficultés de fonctionnement peuvent survenir à tout moment, en fonction de l’évolution des équipes et de la composition du groupe.

La CNAPE souligne également la nécessité d’assurer la continuité pour accompagner les jeunes sortants de CER vers l’insertion sur le long terme, en élaborant un projet personnel axé sur la scolarité, la formation, l’autonomie, l’aide au logement…. Cet accompagnement peut se faire sous différentes formes selon les besoins de chaque jeune (hébergement, accueil de jour, suivi en milieu ouvert).

83 Documents budgétaires sénat, budget 2014.

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a.4 Les CEF

Créés par la loi de 2002, les CEF ont été conçus pour offrir aux magistrats une solution alternative à l‘incarcération, pour les mineurs délinquants les plus difficiles, récidivistes ou multiréitérants. Les CEF répondent en fait à un besoin de sécurité notamment, au besoin d’éloignement d’un quartier ou d’un groupe. Ils traduisent combien notre société est désemparée face à certains mineurs délinquants, qu’elle ne sait plus prendre en charge dans les structures traditionnelles habituelles.

La dénomination des CEF introduit d’emblée une ambiguïté : les CEF sont des centres fermés qui sont en réalité…ouverts… Le caractère fermé résulte des modalités du placement : celui-ci ne peut être prononcé que s’il assortit une mesure judiciaire contraignante : un contrôle judiciaire, un sursis avec mise à l’épreuve, un placement à l’extérieur dans le cadre d’un aménagement de peine ou d’une libération conditionnelle fixant l’obligation de résider dans un CEF. La violation des obligations, notamment celle de résider dans un CEF, est susceptible d’entraîner l’incarcération. Il s’agit donc plutôt de centres éducatifs contenants que de centres fermés. Les possibilités d’admission ont été progressivement élargies .Ces évolutions législatives ont modifié l’esprit initial des textes, en prenant en compte la gravité des actes commis par les mineurs sans tenir compte de leurs antécédents judiciaires. La création de ces établissements nouveaux a suscité des interrogations et des critiques. De nombreux rapports ont été publiés sur le fonctionnement des CEF. La Défenseure des enfants 84, en juin 2010, confirmait l’intérêt du programme mais soulevait également de nombreuses questions dont les deux principales tiennent au profil des adolescents accueillis et à l’appauvrissement du dispositif éducatif global de la PJJ. En effet, face à l‘augmentation progressive du nombre de CEF, les autres structures de la PJJ et du secteur associatif habilité sont en baisse constante. La Défenseure des enfants a pu constater que le profil des adolescents confiés aux CEF ne correspondait pas forcément à celui de jeunes récidivistes ou multiréitérants.

Cette dérive tient à plusieurs causes parmi lesquelles l’absence d’autre solution alternative à l’incarcération, du fait des nombreuses fermetures d’établissements autres que les CEF, et la volonté de marquer symboliquement la gravité de l'acte par une réponse ferme et immédiate sans prendre en compte la réalité de la personnalité de l’adolescent, de son environnement et de son parcours. Il en résulte, pour la défenseure des enfants, un dommage direct pour ces adolescents qui se trouvent ainsi stigmatisés, étiquetés « délinquants difficiles » et se voient souvent fermer la porte des autres types d’établissements. Le 1er décembre 2010, le contrôleur général des lieux de privation de libert é a émis des recommandations à l'issue des visites de quatre CEF : renforcement du recrutement et de la formation des personnels, renforcement de la participation du mineur aux décisions qui lui sont applicables et de l'information des parents, élaboration d'une " doctrine » à la suite du constat du

84 Enfants délinquants pris en charge dans les CEF : rapport de la défenseure des enfants, juin 2010

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recours abusif aux moyens de contrainte physique et amélioration des soins. Le contrôleur général est vigilant sur le fonctionnement des CEF. Deux autres rapports ont été rendus publics récemment, en utilisant une procédure d’urgence, à la suite de dysfonctionnements constatés dans deux établissements pendant l’été 2013.85 En 2011, les sénateurs JC Peyronnet et F Pillet 201 186, ont estimé nécessaire de mieux évaluer le dispositif, notamment sur ses effets sur la réitération ou la récidive. Le dispositif mérite d’être conservé et étendu, car il est fortement sollicité. Mais un certain nombre d’aménagements doivent être apportés. Ils proposent d’améliorer le pilotage du dispositif et le soutien aux équipes, de développer les échanges de bonne pratique entre les établissements ; de conserver la mission de prendre en charge les adolescents les plus difficiles, et enfin, de permettre le maintien de la prise en charge au-delà de la majorité Situation actuelle Au 1° janvier 2013, 45 CEF sont ouverts pour une c apacité totale de 476 places. 1362 mineurs ont été accueillis en 2012. 33 établissements sont gérés par le secteur associatif, et 12 par le secteur public. La capacité a été portée à 526 places au 30 septembre 2013. Le taux d'occupation du dispositif est de l'ordre de 79% pour le secteur associatif, et de 65 % pour le secteur public, ce qui manifeste des difficultés de fonctionnement. La part des CEF dans le budget total de la PJJ ne cesse de s’élever, atteignant en 2012 11,6 % de son budget total. Un programme de création de 20 CEF supplémentaires par transformation d’UEHC existantes a été décidé en 2012. Mais un moratoire sur ce programme a été décidé en juillet 2012, dans l’attente du rapport de la mission d’inspection confiée par la ministre de la justice à l’inspection générale des affaires sociales, à l’inspection générale des services judicaires et à l’inspection de la protection judicaire de la jeunesse.

Fonctionnement

Les CEF sont des petites structures pouvant accueillir 12 mineurs, encadrés par une équipe de 24 à 27 éducateurs, auxquels s’ajoute éventuellement un enseignant, et, le cas échéant, un ou plusieurs personnels de santé, notamment dans les CEF dits de santé mentale renforcée.

Ils assurent une prise en charge renforcée pendant une durée de 6 mois, éventuellement renouvelables, alternant une phase d’accueil et d’adaptation, une phase de mise en œuvre d’un programme intensif et une phase d’accompagnement pour la préparation de la sortie.

Le coût d’un placement est élevé : 607 euros par jour en 2011, contre 510 en CER et 536 en EPE. Il est prévu de faire baisser le prix unitaire à 572 euros en 2013, notamment en diminuant les effectifs des CEF gérés par le secteur associatif de 27 à 24 personnes, sur le modèle des CEF publics.

85 Recommandations du 17 octobre 2013 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté prises en application de l’article 9 de la loi du 30 octobre 2007 et relatives

aux centres éducatifs fermés d’Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) et de Pionsat (Puy-de-Dôme) , publiées au JO du 13 novembre 2013

86 Rapport d’information du groupe de travail sénatorial sur l’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des centres éducatifs fermés et des établissements

pénitentiaires pour mineurs, établi par Jean-Claude PEYRONNET et François PILLET le 12 juillet 2011. http://senat.fr/notice-rapport/2010/r10-759-notice.html

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La mission de l’IGAS / IGSJ87 a relevé des difficultés sur la gestion de la consommation de tabac par les mineurs, et sur la consommation de cannabis, nécessitant une collaboration renforcée avec les professionnels de la santé.

Elle a constaté que ces structures présentent une très grande hétérogénéité dans leur fonctionnement, quel que soit leur mode de gestion et leur statut. Ce sont, par ailleurs, des établissements fragiles qui assurent une mission difficile, car leur équilibre repose sur « une organisation interne structurée, basée sur des procédures référencées et partagées, d’autre part, sur des ressources humaines qualifiées, formées et en nombre suffisant, et enfin, sur une dynamique de prise en charge contenante et cohérente des mineurs. La mission a constaté, à cet égard, que le dispositif existant n’était pas, dans sa totalité, en capacité de réunir l’ensemble de ces facteurs de réussite et ne bénéficiait pas d’un accompagnement toujours adapté et surtout homogène. »

La mission a formalisé des propositions concrètes concernant la direction des établissements, la composition des équipes et de l’encadrement. Elle a également effectué des recommandations sur la prise en charge des mineurs, pour assurer une plus grande cohérence entre les établissements

Elle a estimé indispensable l’élaboration d’un cahier des charges uniques aux CEF du secteur public et associatif.

Elle recommande également une amélioration du pilotage des CEF, à la fois sur le plan national, et le plan local, par le renforcement de l’action des directeurs territoriaux. Elle préconise la mise en place d’un dispositif d’alerte, pour prendre en compte la succession d’incidents dans un même établissement.

Enfin, elle évalue à 13 établissements, le nombre de nouveaux CEF nécessaires pour faire face aux besoins, en les implantant prioritairement dans les interrégions d’Ile de France et du Sud est.

Les CEF dans le dispositif de placement Les centres éducatifs fermés sont devenus un outil à part entière et incontournable dans le champ du placement judiciaire, qu'ils ont contribué à faire évoluer, en posant clairement la question du caractère contenant du placement pénal.

Aucune évaluation globale de l’efficacité des CEF n’a encore été établie, notamment sur le parcours des jeunes après leur passage en CEF, ce qui reste regrettable. Pourtant les utilisateurs de ces établissements, considèrent qu’ils sont utiles, qu’ils correspondent aux besoins des juridictions, et constituent une alternative crédible à l’incarcération, qu’ils ont contribué à diminuer. Mais la banalisation de l’usage des CEF, du fait de l’extension des possibilités d’admission risque de les transformer en solution unique de prise en charge efficace. Nous avons constaté que les CEF polarisent la quest ion du placement. Malgré les critiques et observations relevées, ils sont considérés comme le s seuls établissements capables

87 I.G.S.J. - I.G.A.S.- I.P.J.J. Mission d’évaluation des CEF Janvier 2013 dans le dispositif de prise en charge des mineurs délinquants

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d’assurer une prise en charge contenante. L’évaluat ion de l’action des autres structures est quasi systématiquement effectuée par comparaison av ec les CEF, et nécessairement en faveur de ces derniers.

a.5 Les EPPOO : établissements de placement proviso ire d’observation et d’orientation.

Créés en décembre 2011 à la suite du rapport LACHAUD, leur objectif était d’apporter une réponse éducative supplémentaire et innovante à des mineurs primo délinquants, mais déjà repérés dans leur environnement social. Le placement est ordonné suite à un déferrement, afin de permettre notamment la cessation des troubles répétés à l’ordre public.

Il était prévu un accueil sans délai de 10 jours seulement pour des mineurs primo délinquants de 13 à 18 ans ; la prise en charge était assurée par une équipe contenante et renforcée, pluridisciplinaire, comptant de 24 professionnels. L’évaluation était conduite avec l’équipe UEMO du secteur. Une orientation était proposée en fin de placement

Trois structures ont été expérimentées

Une évaluation de l’expérience a été effectuée par le Service d’audit central national (SACN)88 à partir d’une prise en charge faible, mais portant tout de même sur 231 mineurs.

Le rapport d’évaluation constate que ce dispositif a permis d’expérimenter une réponse éducative supplémentaire et inédite, et a souligné la pertinence de plusieurs principes, notamment dans la conduite de l’action éducative :

- Un cadre de placement dont la durée, courte, est connu par le mineur et sa famille

- Des règles précises formalisées dès le début, une surveillance et un contrôle strict, qui sécurisent le mineur comme l’équipe

- Une action éducative soutenue et un programme d’activités intensives, qui est fortement mobilisatrice et conforte l’expérience de nombreuses relations positives avec les adultes en collectif

L’expérimentation a été arrêtée en décembre 2012 et n’a pas été reconduite. Les établissements concernés ont retrouvé leurs fonctions d’origine.

a.6 Les autres structures

Centres éducatifs et professionnels : un grand nombre d’autres structures, notamment gérées par le secteur privé, existent, et contribuent à la prise en charge globale des mineurs délinquants. Il en est ainsi des centres éducatifs professionnels, qui assurent une prise en charge professionnelle interne, ou encore des établissements expérimentaux, comme les ISEMA (cf. infra), mais aussi des maisons d’enfants, qui peuvent accueillir les mineurs délinquants.

Il n’a pas été possible de visiter toutes ces structures dans le temps imparti à la mission.

88 Rapport d’évaluation relatif à l’action d’éducation dans le cadre des établissements de placement provisoire et d’observation du 30 novembre 2012.

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a.7 Le dispositif de placement intégré (DPI)

A partir de 2011 trois interrégions ont expérimenté la mise en place d’un DPI.

Ce dispositif vise, à partir d’une seule décision judiciaire de placement, confiée à un EPE composé d’au moins une UEHD et une UEHC, à adapter le parcours du mineur placé au sein de celles-ci, en fonction de l’évolution de sa situation, et de ses besoins, sans qu’une nouvelle décision judiciaire ne soit nécessaire.

L’objectif est de faire bénéficier le mineur d’un placement modulable, grâce à des passerelles entre les différents modes de prise en charge existant, ou à développer, notamment à partir des innovations introduites dans le domaine de la protection de l’enfance par la loi du 5 mars 2007 ;

Dans le cadre du DPI, on peut utiliser, non seulement les différents modes de prise en charge disponibles au sein des UEHC et UEHD, mais aussi ceux des services du milieu ouvert du secteur public et associatif habilité et éventuellement d’autres partenaires (hôpitaux).

L’intérêt de ce dispositif est de s’adapter aux évolutions du mineur, tout en réduisant les risques de rupture ou d’échec pour les adolescents les plus difficiles et/ou les plus en souffrance.

b. Préconisations

b.1 Construire un dispositif régional diversifié ce ntré autour de la fonction d’accueil et d’orientation assurée par le secteur public

La situation actuelle se caractérise par la contradiction entre la recherche d’un placement immédiat, pour des raisons d’ordre public, souvent pour des jeunes qui font l’objet d’un déferrement, et à la nécessité de permettre une prise en chargé éducative de moyenne et longue durée.

Ces dernières années, les prises en charge immédiate ou de court séjour ont été privilégiées, au détriment de prises en charge éducatives au long cours.

Dans ce contexte, il faut examiner la possibilité de redéployer les moyens par rapport aux missions et mettre en place, dans chaque région définie à partir des bassins d’activité judiciaire, et donc à proximité de la région d’origine des mineurs, une palette de moyens diversifiés comportant :

- Un dispositif d’accueil immédiat et d’orientation : la solution pourrait être de retirer aux UEHC la fonction d’accueil immédiat et de créer des établissements d’accueil immédiat, permettant une orientation immédiate, sur le modèle des EPPOO, mais en élargissant leurs champs de compétences. Ces établissements assureraient un d’accueil de courte durée, (15 jours, renouvelable une fois), connue dès le départ avec un encadrement éducatif renforcé, et s’appuyant sur une UEMO pour effectuer le travail d’investigation, sous la forme d’une courte MJIE avec proposition d’orientation.

- Pour les mineurs non connus, les orientations seraient faites à partir de cette structure.

- Des unités d’hébergement de moyen et long séjour, basées sur un petit collectif de 5/6 mineurs, et s’appuyant sur un réseau diversifié, avec des familles d’accueil, des places en foyer de jeunes travailleurs, ou même des hébergements autonomes, etc…

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- Ces structures de moyen et long séjour pourraient utilement être recherchés auprès du secteur associatif, qui dispose d’établissements capables de fournir des prestations de ce type (MECS, réseau de familles d’accueil).

- Des structures favorisant des séjours de rupture, type CER.

- Des structures contenantes, type CEF.

- Éventuellement des établissements spécialisés pour la prise en charge d’adolescents présentant des troubles du comportement, comme des ISEMA.

- Des établissements proposant une formation professionnelle intégrée, type centre éducatifs et professionnels proposés par le secteur associatif.

- Enfin, il faut insister pour que toute prise en charge en établissement soit accompagnée d’une mesure de milieu ouvert, car c’est le service de milieu ouvert qui est le garant de la continuité de la prise en charge éducative, au-delà des péripéties de la vie jeune, et d’éventuels changements de lieux de vie.

b.2 une réflexion sur la gestion des ressources hum aines

L’avenir des structures d’hébergement repose avant tout sur un personnel qualifié, volontaire, pouvant acquérir de l’expérience et une équipe recrutée et formée autour du projet de l’établissement. Un recrutement par contrat pour des missions limitées dans le temps pourrait permettre de sortir du dilemme actuel.

PROPOSITIONS

Définir un plan régional d’équipement pour l’accuei l de mineurs assurant la disponibilité d’un équipement diversifié

Créer des centres publics d’accueil et d’orientatio n de courte durée

Renforcer les capacités de prise en charge en famil les d’accueil

Favoriser le placement dans la région d’origine du mineur et éviter les placements éloignés

Assurer un contrôle systématique des CEF et CER pa r les directeurs territoriaux

Renforcer la formation des personnels affectés dans des structures d’hébergement

Constituer les équipes des établissements autour du projet d’établissement

Mettre en place systématiquement une mesure de mili eu ouvert lors d’un placement

Prévoir la possibilité d’accueillir au pénal au-del à de la majorité

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5. L’ACTION EDUCATIVE DANS LE CADRE DE LA DETENTIO N ET LES AMENAGEMENTS DE PEINE

La loi d’orientation et de programmation de la justice du 9 septembre 2002 a renforcé l’action éducative auprès des mineurs détenus, en posant le principe d’une intervention continue des éducateurs de la PJJ au sein des quartiers des mineurs des maisons d’arrêt, et en créant les établissements pénitentiaires pour mineurs.

L’intervention de la justice des mineurs auprès des mineurs détenus a été renforcée par la loi du 9 mars 2004, qui confie au juge des enfants les fonctions de juge de l’application des peines d’emprisonnement.

Au 1er janvier 2013, 729 mineurs étaient placés en détention. Sur l’ensemble de l’année 2012, 735 mineurs étaient, en moyenne incarcérés au premier jour de chaque mois. Le nombre total d’incarcérations effectuées dans l’année s’est élevé à 3 011.

Depuis 10 ans, le nombre de mineurs incarcérés a tendance à décroître : ils étaient 808 au 1er janvier 2003, puis ce nombre a oscillé entre 623 et 739. Cette baisse, dans un contexte de nombre élevé de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie, s’explique en partie par le développement d’alternatives crédibles à la détention, notamment le programme des CEF.

La capacité d’accueil des mineurs dans l’ensemble des établissements pénitentiaires pénitentiaire est de 1095 places. Le taux d’occupation est de 67 %. Il n’y a pas de surpopulation carcérale en ce qui concerne les mineurs.

Les places sont réparties entre les quartiers des mineurs (745 places dans 43 établissements) et les établissements pénitentiaires pour mineurs (350 places réparties en 6 établissements). En moyenne les 2/3 des mineurs sont incarcérés en quartiers des mineurs et un tiers en EPM.

Les EPM : six établissements ont été construits. Ils sont répartis sur l’ensemble du territoire. Ils sont placés sous la responsabilité de l’administration pénitentiaire, mais la prise en charge des mineurs est assurée conjointement avec la PJJ, qui a mis en place des services éducatifs dans les EPM.

Seul l’EPM de la VALENTINE, à Marseille, connaît une situation de saturation chronique, résultant à la fois d’une forte activité judiciaire, et de faibles capacités d’accueillir des mineurs en hébergement en alternative à l’incarcération.

90 % des mineurs sont incarcérés dans le cadre d’une procédure correctionnelle ; 60 % dont prévenus et 40 % condamnés. La part des prévenus a baissé de 13 %.

La durée de détention est brève : 2,8 mois en 2012 ; elle n’est pas sans incidence sur les prises en charge éducatives, puisqu’elle oblige les éducateurs de la PJJ à mettre en œuvre sans délai la préparation de projets de sortie dans le cadre des aménagements de peine

La part des mineurs incarcérés dans le total des mineurs suivis par PJJ en 2012 ne représente que 1,7 % de l’activité de la PJJ.

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L’intervention éducative en détention

La PJJ s’est engagée fortement dans la prise en charge des mineurs détenus. Elle a créé des moyens nouveaux pour les EPM et renforcé les moyens d’intervention en QM.

En 2011, 228 éducateurs étaient affectés en EPM et 126 en QM. L’équipe éducative d’un EPM se compose d’un directeur, de deux RUE, deux professeurs techniques, un psychologue, un adjoint administratif, 36 éducateurs.

Au total, plus de 400 emplois sont consacrés à l’intervention continue de la PJJ en détention.

Même si la détention n’est pas en elle-même éducative, l’objectif est d’utiliser le temps de la détention pour tenter de faire évoluer un mineur.

L’intervention éducative contribue à donner un sens à la peine, à aider le mineur à se reconstruire et à élaborer un projet de sortie. L’action éducative en détention prend en compte tous les éléments de personnalité recueillis avant l’incarcération et pendant la détention, afin de présenter au magistrat une évaluation et une proposition individualisée.

De façon plus précise, il s’agit d’élaborer un emploi du temps pour chaque mineur, de l’aider à réfléchir sur l’acte qui l’a conduit en prison, de garantir l’accès à l’enseignement et à des activités socio-éducatives, de prendre en compte sa santé, de construire un projet d’insertion sociale et professionnelle, de maintenir les liens familiaux, de préparer la sortie.

Les EPM fournissent un encadrement éducatif renforcé : 5 journées d’activités socio-éducatives hebdomadaires peuvent être organisées, contre 2,5 en quartier des mineurs.

En outre, les mineurs disposent d’un accès à un plateau adapté : scolarité, activités sportives et socio culturelles, activités de groupe. Il faut souligner la très forte implication de l’éducation nationale, qui a mis des moyens conséquents et adaptés dans les EPM.

Les mineurs vivent dans des unités de 12 places. La prise en charge quotidienne est assurée par un binôme éducateur/surveillant.

La prise en charge éducative en EPM étant plus soutenue qu’en QM, la circulaire du 24 mai 2013 a rappelé qu’il convenait de privilégier l’affectation en EPM pour des durées longues (durée prévisible d’une instruction, notamment en matière criminelle, ou lorsqu’un mineur est condamné).

Le coût d’une journée en détention s’élève à 496,05 euros auquel il faut ajouter le cout des actions menées par l’éducation nationale et la santé.

L’évaluation des EPM.

Il est difficile de pouvoir évaluer l’efficacité du dispositif sur le comportement d’un mineur.

Il serait toutefois nécessaire d’y procéder, notamment pour analyser la situation des mineurs après leur passage en EPM, par rapport aux quartiers des mineurs.

Une étude nationale, éventuellement établie en concertation avec des laboratoires de recherche en sciences sociales, permettrait de disposer d’une analyse précise.

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Des améliorations semblent pouvoir être apportées au fonctionnement des EPM :

- Garantir et renforcer la cohésion du binôme éducateur surveillant

- Elaborer un projet d’établissement conformément à la circulaire du 24 mai 2013;

- Rendre plus effective la pluridisciplinarité entre l’éducation nationale, les professionnels de la santé, la PJJ, l’administration pénitentiaire. Dans certains EPM, on constate une juxtaposition des interventions, plutôt qu’une réelle synergie.

- Faire fonctionner la commission pluridisciplinaire unique (CPU) animée en principe conjointement par la PJJ et l’administration pénitentiaire

Le cas particulier des mineures détenues

Le nombre de mineures détenues est très fluctuant. Il a oscillé entre 17 et 47 les 10 dernières années. Le nombre maximum a été de 35 mineures détenues en 2013.

Cette grande irrégularité des entrées en détention rend difficile une organisation appropriée. 7 établissements peuvent accueillir des mineures ; 4 établissements pour femmes comportant des places réservées pour les mineures, qui ne sont pas véritablement des quartiers séparés (Rennes, Les Baumettes, Fleury Mérogis et Epinal) et 3 EPM (Lavaur, Meyzieu et Quiévrechain).

Cette situation entraîne des difficultés, notamment liées à l’éloignement du lieu de vie habituel qui complique le maintien des liens familiaux et favorise un sentiment d’isolement.

Bilan

Les EPM apportent une amélioration notable au régime de détention des mineurs. Ils permettent de respecter les règles pénitentiaires européennes, comme la stricte séparation des majeurs et des mineurs. Ils favorisent une prise en charge globale axée sur les activités socio-éducatives, l’enseignement, la santé.

Mais le fonctionnement des binômes reste difficile. Des incidents ont lieu ponctuellement.

Faut-il conserver les EPM ?

La question du rapport coût efficacité de ces structures mérite d’être posée. Si l’intérêt éducatif est manifeste, et la prise en charge mixte PJJ/AP satisfaisante, il n’en est pas moins vrai que l’affectation d’un nombre aussi élevé d’éducateurs pour une durée de prise en charge moyenne de 2,8 mois pose question. D’autant plus que la prise en charge plus modeste assurée dans les QM (5 éducateurs en moyenne pour 20 mineurs) apparaît également satisfaisante et de qualité. Si le maintien de l’intervention de l’éducation nationale en EPM doit nécessairement être maintenu, une évolution du projet de l’établissement pourrait être envisagée, permettant d’affecter un nombre substantiel d’éducateurs à d’autres missions.

Les aménagements de peine pour mineurs

On constate une augmentation significative des aménagements de peine prononcés : 35 en 2006, 200 en 2012, même si ce nombre reste modeste, compte tenu du faible nombre de mineurs condamnés, et de la faible durée des détentions.

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Le placement à l’extérieur a représenté 35 % des aménagements de peine, la surveillance électronique, 36 %, la libération conditionnelle, 21 %. La semi liberté est restée résiduelle (7%) notamment en raison de l’insuffisance ou de l’absence du nombre de places dédiées.

La PJJ a publié le 5 juillet 2005 une circulaire relative aux missions de la PJJ en matière d’application des peines prononcées à l’égard des mineurs ; elle a publié en juin 2007 un référentiel des mesures.

Tous les services de la PJJ peuvent accueillir des mineurs en aménagement de peine.

Les DIR participent aux conférences d’aménagement régionales semestrielles d’application des peines.

Nous ne formulons pas de préconisations particulières concernant les aménagements de peine.

PROPOSITIONS

Procéder à une évaluation de l’efficacité des EPM en termes de récidive et de réitération

Garantir et renforcer la cohésion du binôme éducate ur surveillant dans les EPM

6. LES ACTIVITES DE JOUR ET L’INSERTION PROFESSIONN ELLE

En 2007, un rapport de l’inspection des services de la PJJ sur le dispositif d’insertion constatait que 20 à 25 % des jeunes sous mandat judiciaire se trouvaient sans activité d’insertion sociale ou professionnelle.

La circulaire du 25/02/2009 relative à l’action éducative structurée par les activités de jour pose le principe d’une prise en charge éducative structurée par des activités de jour pour tous les mineurs ne pouvant bénéficier d’emblée des dispositifs de droit commun. Elle prévoit :

- un dispositif accueil accompagnement, DAA, d’une durée moyenne de 1 à 3 mois, mis en place dans tous les services, établissements et unités, excepté les permanences auprès des tribunaux ;

- un module des acquisitions de 6 mois, qui vise à développer des compétences dans les seules unités dédiées à l’activité de jour (UEAJ) qui comprennent au minimum 6,5 ETP pour 24 mineurs

Ce dispositif n’étant que peu ou partiellement mis en œuvre, il a été relancé par une nouvelle circulaire du 3 avril 2012.

Si elle a le mérite d’insister sur la nécessité d’assurer une activité de formation aux mineurs pris en charge par la justice, il convient de rappeler que la dégradation des capacités de formation professionnelle et scolaire des mineurs accueillis est critiquée depuis plusieurs années.

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Le rapport SCHOSTECK constatait dès 2002 le désengagement de la PJJ la suite de la fermeture des gros internats. Dans 33 départements, la fonction insertion professionnelle et scolaire n’était plus assurée au sein d’une structure du secteur public. Des activités de jour étaient auparavant proposées dans 155 centres d’action éducative, dont 82 disposaient d’un agrément de la formation professionnelle. L’insertion professionnelle a baissé en 4 ans de 44 % au profit d’activités plus occupationnelles comme la préqualification ou la réadaptation. Le rapport s’interrogeait sur l’intérêt de disposer de professeurs techniques pour assurer ce type de formation.

L’inspection générale de la PJJ de 2007 comptait encore 128 UEAJ, composées de 1 à 5 agents, rattachés à des services de milieu ouvert, d’insertion ou des foyers. Les formations étaient assurées par des professeurs techniques.

On ne peut que constater une dégradation importante des dispositifs d’insertion puisqu’il ne reste plus que 81 UEAJ au 31 décembre 2012 soit 47 de moins qu’en 2007. Seule une dizaine de STEI (services territoriaux éducatifs d’insertion) subsistent. La plupart des UEAJ sont rattachées à un UEMO ou à un établissement de placement, ce qui entraine une perte en cohérence. En même temps, le nombre de personnels techniques continue de diminuer.

Lors des visites et rencontres de la mission, le fonctionnement des UEAJ, qui peuvent accueillir 24 jeunes, apparaît satisfaisant et est généralement apprécié par les magistrats. Il faut rappeler que l’admission en UEAJ ne fait l’objet d’une décision judiciaire.

Il serait souhaitable de renforcer le dispositif d’insertion de la PJJ pour qu’il soit accessible à un plus grand nombre de jeunes.

Il convient également de repenser le recrutement des éducateurs et de reprendre un recrutement ciblé d’éducateurs techniques, dans des domaines correspondant aux besoins actuels de formation professionnelle.

PROPOSITIONS

Renforcer le dispositif d’insertion de la PJJ par l a création de nouvelles UEAJ adossées à des STEI

Repenser le recrutement ciblé d’éducateurs techniqu es

7. LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS PRESENTANT DES TR OUBLES DU COMPORTEMENT

La prise en compte de la santé des mineurs faisant l’objet de décisions judiciaires est une préoccupation récurrente. L’accroissement des mineurs souffrant de troubles du comportement est constaté dans tous les établissements et services, aussi bien en ce qui concerne les mineurs délinquants que dans le cadre de la protection de l’enfance. De grandes difficultés sont relevées dans des foyers de l’enfance, y compris pour de très jeunes enfants. Les mineurs difficiles présentent des

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troubles du comportement (violences et mise en échec de toute solution les concernant) dont la prise en charge se situe toujours à la limite de la psychiatrie et de l’éducatif.

Des dispositifs de concertation et de coordination avec le secteur psychiatrique ont été mis en place, comme le préconise la circulaire santé justice du 3 mai 2002 mais fonctionnent avec difficulté, faute de disponibilité et de moyens de l’ensemble des acteurs.

Dans ce contexte, nous avons pensé utile de relever des expériences menées en collaboration entre la protection judiciaire de la jeunesse, les conseils généraux, le secteur associatif et le secteur de la santé

Les instituts sociaux éducatifs médicalisés pour ad olescents (ISEMA)

Ce sont des établissements sociaux ou médico-sociaux (ESSMS) expérimentaux autorisés au titre du 12° alinéa du I de l’article L.312-1 du code de l’a ction sociale et des familles. Ils accueillent 12 mineurs de 13 à 18 ans. Ils sont financés par le conseil général et la protection judiciaire de la jeunesse pour ce qui concerne l’hébergement éducatif et par l’agence régionale de santé (ARS) pour le volet soins. Il existe deux ISEMA à l’heure actuelle en France :

� Illiers-Combray (28) � Saint Michel de Montjoie (50)

Le projet des ISEMA est d’apporter une réponse alternative aux jeunes manifestant des troubles du comportement importants et qui ont mis en échec les prises en charge éducatives antérieures.

Les ISEMA assurent une prise en charge global qui associe une triple compétence : éducative, sociale et thérapeutique.

L’équipe comporte non seulement des éducateurs mais la présence permanente de personnels médicaux (6,5 ETPT dont 1 psychiatre et 2 psychologues).

Les établissements accueillent des mineurs confiés par l’aide sociale à l’enfance ou les juges des enfants, dans le cadre de l’assistance éducative ou dans le cadre de l’enfance délinquante, après évaluation et avis d’une commission médicale.

La SIPAD

Il s’agit d’une structure intersectorielle d’accueil, d’observation et d’évaluation pour l’élaboration d’un projet fédérateur, à la fois thérapeutique et éducatif, autour de l’adolescent. Il permet l’orientation et la mise en route de prises en charge concertées (santé/éducation). Ce service dépend de l’hôpital Sainte Marie de Nice, il est intégré au pôle spécialement aménagé de psychiatrie. Il est ouvert depuis le 1ier octobre 2000. Il a une capacité de 9 lits pour des jeunes garçons et filles de 13 à 18 ans présentant des difficultés éducatives et des troubles comportementaux.

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La prise en charge allie l’accompagnement éducatif et les soins. Les jeunes sont accueillis pour une période de 1 mois, renouvelable une fois pour 15 jours. La PJJ participe au fonctionnement de l’établissement par la mise à disposition d’éducateurs. L’accroissement du nombre de mineurs manifestant des troubles du comportement associés à des conduites délinquantes ou dangereuses rend nécessaire de réfléchir, dans toutes les régions, à la mise en place d’un équipement adapté, interdisciplinaire, permettant d’élargir la palette des capacités d’intervention auprès de ces jeunes.

PROPOSITION

Développer dans chaque région, un établissement int er institutionnel Justice/santé/aide social e à l’enfance capable de prendre en charge des mine urs souffrant de troubles du comportement

8. LES MINEURS ISOLES ETRANGERS

La question des mineurs isolés étrangers

La question prise en charge des mineurs isolés étrangers est un problème ancien. Le rapport SCHOSTECK la considérait comme une problématique spécifique, en rappelant que, dans son rapport pour 2001, la Défenseure des enfants avait estimé à 25 000 le nombre de ces mineurs sur le sol français. Certains juridictions se trouvaient en grande difficulté devant leur afflux, mais d’autres avaient pu mettre en place des solutions originales, comme l’association « jeunes errants » à Marseille.

Le flux d’arrivée de ces jeunes ne s’est pas tari, au contraire, devant la dégradation de la situation économique internationale et le développement de crises entrainant des conflits armés. L’amplification du phénomène et l’accroissement de charges généré pour les départements, a conduit le gouvernement à charger Mme Isabelle DEBRE, sénatrice, d’une mission parlementaire. Dans son rapport déposé en mai 2010, Mme DEBRE évalue le nombre de mineurs isolés étrangers entre 4 000 et 8 000, dont la moitié bénéficie d’une prise en charge par les conseils généraux.

Une partie de ces derniers estime que la prise en charge de ces mineurs ne relève pas de la protection de l’enfance, mais de celle de l’Etat, dans le cadre de sa responsabilité de gestion des flux migratoires. Le problème se pose avec beaucoup d’acuité dans certains départements : le Pas de Calais, le Nord, Paris, la Seine St Denis.

Le 31 décembre 2010, le Premier Ministre confie au ministre de la justice une mission de coordination de l’ensemble des acteurs afin d’améliorer l’accueil et la prise en charge de ces jeunes. La mission a été confiée à la PJJ, qui a mis en place une direction de projet en janvier 2011.

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Celle-ci a engagé une concertation avec l’ensemble des ministères et incité à a mise en place de plateformes territoriales de coordination. En septembre 2011, le refus du conseil général de Seine Saint Denis d’accueillir les mineurs confiés par décision de justice a aggravé la crise. Une convention a été passée avec l’Etat pour réorienter les mineurs vers d’autres départements. Les décisions prises, contestées par certains conseils généraux, ont été validées sur le plan judiciaire.

Un groupe de travail, mis en place par la PJJ, a abouti à un protocole d’accord signé le 31 mai 2013 entre le ministre de la justice, de l’intérieur, des affaires sociales et de la santé et l’association des départements de France, représentant les Conseils généraux. Ce protocole organise un dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers.

Il vise à limiter les disparités entre les départements, à harmoniser les pratiques des départements lors de la période de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des jeunes, et à apporter aux jeunes toutes les garanties liées à la protection de leurs intérêts et au respect de leurs droits.

Une circulaire a été adressée le 31 mai 2013 aux parquets pour le mettre en œuvre sur le plan judiciaire.

Présentation du dispositif national de mise à l’abr i , d’évaluation et d’orientation

Ce protocole permet de confirmer que les mineurs isolés sont avant tout des mineurs en danger, et qu’ils relèvent à ce titre de la protection de l’enfance. Ils doivent bénéficier des mesures d’aide et d’assistance prévues par la loi pour les mineurs en danger, s’agissant de jeunes qui se trouvent privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

La circulaire prévoit dans un premier temps une phase de mise à l’abri et d’évaluation effectuée par les services du conseil général du département dans lequel le mineur a été repéré ou pris en charge. Les frais sont remboursés par l’Etat dans la limite de 5 jours et 250 euros par jour.

Si la minorité est confirmée et la situation de danger établie (l’isolement), le parquet peut prendre une mesure de placement provisoire. Pour limiter les disparités entre les départements, et répartir la charge des flux d’arrivée, la circulaire prévoit une cellule nationale d’orientation gérée par la PJJ ; le placement définitif est guidé par le principe d’une péréquation nationale ; les mineurs sont orientés entre les départements sur la base d’une clé de répartition correspondant à la part de la population de moins de 19 ans dans chaque département. Le procureur de la République est invité à confier le mineur au service de l’aide sociale à l’enfance du département désigné, lequel doit le juge des enfants de son siège département dans le délai de huit jour prévu par la loi.

La cellule nationale d’orientation a été mise en place au ministère de la justice, à la DPJJ, ainsi qu’un comité de suivi.

Bilan de fonctionnement après quelques mois

1539 mineurs ont été accueillis entre le 1° juin et le 28 octobre.

Une trame d’évaluation type a été élaborée pour évaluer l’âge. L’évaluation a été confiée à diverses associations, comme France terre d’asile, la CIMADE, ou la Croix Rouge.

Le flux d’arrivée se révèle plus important que prévu. Les quotas ne prennent en compte que les mineurs accueillis à partir du 1° juin, sans compte r ceux qui étaient déjà pris en charge avant cette

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date. Dès le mois de juillet, des départements avaient atteint l’effectif annuel qui leur était assigné selon la clé de répartition. La cellule a géré ces difficultés. Certains départements ont refusé d’appliquer le protocole et d’admettre des mineurs dans leur service de l’ASE.

Dans plusieurs départements, l’arrivée des mineurs provoque une diminution des places disponibles pour les autres accueils dans le cadre de la protection de l’enfance. Des juges des enfants ont signalé des refus des conseils généraux d’accueillir d’autres mineurs confiés en assistance éducative, par manque de place. Certains Conseils généraux paraissent au bout de leurs possibilités, en raison de l’insuffisance des capacités et des besoins

Les parquets ont posé la question du financement des réquisitions d’interprète ou de frais médicaux, qui n’est pas réglé.

On ignore la part de jeunes qui n’ont pas été admis dans le dispositif, mais plusieurs associations l’évaluent au moins à la moitié. La question des recours de ces mineurs reste en suspens. En effet, l’évaluation et le rejet d’admission ne sont encadrés par aucun texte, sinon ceux de l’accueil temporaire de cinq jours prévu par l’article L 223-2 du Code de l’action sociale des familles (CASF). Cela parait regrettable s’agissant d’enfants particulièrement vulnérables, qui ne sont assistés par aucun conseil.

Propositions

Plutôt que de répartir ces mineurs sur l’ensemble du territoire, il nous paraîtrait plus adapté de mettre en place des structures spécialisées de prise en charge des MIE au titre de la protection de l’enfance, à proximité des lieux où ils arrivent. Ces structures seraient dotés de moyens adaptés, en terme d’interprètes, d’évaluation de l’âge, d’analyse des documents produits, de contacts avec les pays d’origine, de prise en charge éducative et d’orientation, d’établissement des prises en charge administrative, de soins…). La concentration de ces moyens spécialisés dans l’évaluation et la prise en charge serait un moyen de rationnaliser les efforts, aujourd’hui répartis dans des départements souvent démunis.

Le financement de ces mesures serait assuré dans le cadre de la protection de l’enfance, mais avec une aide de l’Etat, pour contrebalancer le déséquilibre existant entre les départements. L’aide de l’Etat pourrait être réalisée sous forme d’une dotation spécifique du fonds de protection de l’enfance créé par la loi du 15 mars 2007.

L’intervention de la PJJ est légitime dans le cadre de sa mission de garantir la prise en charge des mesures ordonnées en assistance éducative. Elle pourrait être clairement étendue aux missions d’accueil. Le recrutement par le SEAT de Paris de deux éducateurs roumains est un exemple de bonne pratique. Il est regrettable qu’elle se limite pour l’instant à la prise en charge des seuls mineurs délinquants.

La PJJ pourrait participer plus fortement à l’effort national, et encourager les Conseils généraux dans cette voie, en mettant en place une ou deux structures d’hébergement spécialisé, accueillant les mineurs isolés au titre de l’article 375 du code civil.

Elle pourrait également assurer les fonctions d’administrateur ad-hoc.

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Enfin, il est nécessaire de réfléchir aux modalités de régularisation de la situation administrative de ces jeunes à leur majorité, pour que l’action éducative ne soit pas exercée en vain.

PROPOSITIONS

Créer un nombre limité de structures spécialisées de prise en charge des mineurs isolés étrangers, à proximité des lieux où ils arrivent, d isposant des moyens adaptés, en termes d’interprètes, d’évaluation de l’âge, d’analyse des documents administratifs, de contact avec les lieux d’origine, de prise en charge et d’orient ation éducative et administrative

Demander à la PJJ de contribuer à l’effort national de prise en charge de ces mineurs, non seulement en pilotant la cellule nationale d’orient ation, mais aussi en assurant des fonctions d’accueil, d’évaluation et de prise en charge des m ineurs isolés étrangers, d’exercice des fonctions d’administrateurs ad hoc

Engager une réflexion sur les modalités de régulari sation de la situation administrative des jeunes ayant fait l’objet d’un suivi éducatif.

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CHAPITRE V

POURSUIVRE L’ADAPTATION DE L’ORGANISATION ET DE LA FORMATION DE LA PJJ A SES MISSIONS

Dans son rapport 2007, la cour des comptes, qui avait souligné la fragilité de l’administration centrale de la DPJJ, constatait que sa recommandation avait été suivie dès 2003 avec la création d’une sous direction des ressources humaines et des relations sociales .Des efforts importants ont été conduits en matière d’organisation et de structuration de l’administration centrale de la PJJ et des services déconcentrés.

1. LA NOUVELLE ORGANISATION DE LA PJJ AU NIVEAU CEN TRAL ET TERRITORIAL

a. L’organisation de l’administration centrale résulte d’un arrêté du 9 juillet 2008 qui prévoit

trois sous-directions :

• la sous-direction des missions de protection judiciaire et d’éducation (SDK)

• la sous-direction du pilotage et de l’optimisation des moyens (SDPOM)

• la sous-direction des ressources humaines et des relations sociales (SDRHRS)

Outre le service de communication et des relations extérieures, deux directions de projet sont rattachés directement à la directrice :

• la direction du projet stratégique national

• la direction de projet des mineurs isolés étrangers

L’inspection des services de la PJJ est rattachée à la directrice.

La DPJJ réunit un comité de direction composé des sous-directeurs de l’administration centrale. Elle réunit également une fois par mois un Comité de Direction National (CDN) composé des sous directeurs de l’administration centrale, de l’inspectrice de la PJJ et des neuf directeurs inter régionaux de la PJJ.

Cette organisation permet des échanges et une animation régulière par les acteurs en situation de responsabilités.

L’administration centrale a également mis en place des outils de pilotage, conformément aux recommandations de la cour des comptes.

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Une cellule de contrôle de gestion et d’appui au pilotage a été créée. Un réseau de contrôleurs de gestion a été créé dans les DR.

L’administration centrale a également voulu donner une cohérence d’ensemble à l’action de la PJJ avec l’élaboration, en 2006, d’un projet stratégique national (PSN 1). Elaboré d’abord de façon centralisée, les PSN suivants ont fait l’objet d’une plus large concertation.

Des outils de pilotage permettant de connaître la capacité d’accueil des établissements et le nombre de jeunes présents ont été conçus, intégrés dans un tableau de bord mensuel

Une nouvelle version du logiciel GAME 2010 (gestion des activités et des mesures éducatives) a été mise en service en 2012 .Elle permet de disposer d’une base de données nationale alimentée et consultable en temps réel sur tous points du territoire.

Il est projeté d’intégrer le logiciel IMAGE (qui recense l’activité du secteur associatif) dans GAME 2010 pour connaître la totalité des parcours éducatifs.

b. L’organisation territoriale

La Cour des comptes avait relevé que le maillage territorial de la PJJ était peu compatible avec ses moyens. Les effectifs des services départementaux consacrés à la gestion et au contrôle, n’étaient pas en rapport avec ceux des agents affectés dans les structures d’accueil, le ratio allant de 100 % en Corrèze, à 7 % dans le pas de calais.

La PJJ a maintenu ses structures départementales jusqu’en 2008, date à laquelle, sous l’effet de la RGPP, elle les a réduites.

Le décret du 2 mars 2010 fixe le ressort territorial, l’organisation et les attributions des services déconcentrés de la PJJ. Il prévoit deux niveaux hiérarchisés et fonde leurs attributions, étant rappelé que les services déconcentrés du ministère de la justice ne relèvent pas des préfets.

Le niveau régional est compétent pour les actions d’administration, de gestion et d’évaluation. Il est chargé de la déclinaison en objectifs stratégiques des orientations nationales. Il est responsable d’un budget opérationnel de programme (BOP) et doit décliner les orientations nationales dans un programme stratégique interrégional (PSIR). Il est notamment chargé de l’évaluation des besoins de prise en charge des mineurs, de l’organisation de la complémentarité des interventions du secteur public et du secteur associatif habilité, de l’instruction, pour le compte des préfets, des procédures d’autorisation de création, d’habilitation, de tarification et de fermeture des établissements et des services, de la programmation et la conduite des missions de contrôle et d’audit.

Le choix a été fait de rattacher les départements et territoires d’Outre-mer à la DIR d’Ile-de-France. Un directeur adjoint est spécialement chargé de l’Outre-mer. Ce rattachement administratif est apprécié des directeurs territoriaux d’outre mer, qui constatent une meilleure prise en compte de leurs besoins, une amélioration des procédures de travail, un appui technique plus efficace des services de la DIR.

Le directeur interrégional dispose d’une équipe composée de trois directions correspondant aux trois sous-directions fonctionnelles nationales :

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- la direction des politiques éducatives et de l’audit (DPEA)

- la direction des ressources humaines (DRH)

- la direction de la programmation, des affaires financières et de l’immobilier (DEPAFI)

Le niveau territorial est dédié au pilotage de l’action éducative des structures de prise en charge des mineurs, au déploiement des politiques institutionnelles au sein des politiques publiques, à la participation de la coordination des acteurs de la justice des mineurs.

Les directeurs territoriaux (DT) ont notamment la charge du suivi et du contrôle de l’activité des établissements du secteur public et du secteur associatif habilité de la PJJ, afin de garantir l’exécution des décisions judiciaires.

Le DT dispose d’une autorité hiérarchique sur les directeurs des services et établissements implantés sur son territoire.

L’émiettement des structures infra départementales

Pour remédier à l’émiettement des unités et des services, qui n’atteignaient quelquefois pas une taille critique, il a été décidé de créer des unités disposant d’une taille minimale, et de les regrouper sous l’autorité d’un directeur de service. Le regroupement d’unités appartenant au même cadre d’intervention est privilégié à la proximité géographique. La constitution des unités n’est pas limitée par le département mais par le territoire. Un même service peut donc être constitué d’unités se trouvant dans plusieurs départements.

Excepté pour les SEAT, les CEF et les SE-EPM, les établissements et services comprennent nécessairement plusieurs unités éducatives. L’objectif est de constituer des structures de taille plus importantes.

La typologie des établissements et services est la suivante :

- les établissements de placement éducatif (EPE)

- les établissements de placement éducatif et d’insertion (EPEI)

- les CEF

- les services territoriaux éducatifs de milieu ouvert (STEMO)

- les services territoriaux éducatifs de milieu ouvert et d’insertion (STEMOI )

- les services éducatifs auprès du tribunal (SEAT)

- les services territoriaux éducatifs d’insertion (STEI)

- les services éducatifs en établissements pénitentiaires pour mineurs (SE-EPM)

Cette organisation a été mise en place par décret du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur public de la PJJ.

Le choix de la nouvelle organisation a été effectué à partir d’une logique de rationalité et d’économie. Mais n’aurait-il pas fallu plutôt partir des besoins du jeune, rester au niveau des départements et

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permettre de suivre le parcours complet d’un mineur à partir du département d’origine ? A l’inverse de ce qui a été décidé, les services pourraient être constitués d’unités assurant des missions transversales et complémentaires.

Dans un souci de rationalisation, il a été décidé que les UEMO devraient avoir une taille minimale de 6 ETP d’éducateurs et que les UEHC ne devraient pas accueillir moins de 12 mineurs, les UEHD, 24. Cette décision a entraîné la fermeture des services trop petits et l’augmentation des capacités d’autres établissements pour optimiser leur utilisation.

Le nombre de structures de la PJJ a diminué significativement : - 14 UEHC, -26 UEHD, mais le nombre de places n’a pas varié dans les mêmes proportions.

Nombre UEHC Places UEHC Nombre UEHD Places UEHD

01/01/2009 107 1064 41 479

01/12/2012 93 1041 15 336

Pour diriger les unités, une nouvelle fonction a été créée : celle de responsable d’unité éducative. C’est un cadre de premier niveau exerçant les fonctions hiérarchiques de l’unité dont il a la responsabilité.

Cette organisation, qui paraît rationnelle sur le plan des moyens, ne nous paraît pas adaptée, lorsqu’elle aboutit à confier à un même directeur territorial plusieurs départements, ou à confier à un directeur de service, des unités réparties sur de longues distances, quelquefois entre deux départements.

Un rapprochement géographique des unités et des responsables administratifs nous paraît souhaitable, de même que la nécessité de la représentation institutionnelle de la PJJ dans chaque département.

Celle-ci peut être assurée par la désignation de directeurs territoriaux adjoints, clairement identifiés dans chaque département, mais aussi par des délégations permanentes de responsabilité confiées à un directeur de service.

PROPOSITIONS

Assurer de façon institutionnelle la représentation de la PJJ dans tous les départements au niveau d’un DT adjoint ou d’un Directeur de service pourvu d’une délégation

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2. LES RESSOURCES HUMAINES

Les moyens humains et financiers

La réorientation des missions et la réorganisation de la PJJ dans les années 2002/2012 se sont accompagnées d’importantes diminutions des crédits et des moyens, surtout entre 2008 et 2012. Les crédits sont passés de 796 à 757 millions d’euros avant d’augmenter à nouveau légèrement en 2012 (dans le but de financer un nouveau programme de construction de 20 CEF).

La PJJ a décidé de faire porter l’effort sur les services administratifs centraux et territoriaux, plutôt que sur les postes éducatifs. L’administration centrale a ainsi perdu 62 emplois, et les territoires, 560 emplois. Les fonctions de gestion ont été retirées aux DIR. Cette situation a entraîné un effet de choc et de sidération.

La PJJ indique que des cellules d’accompagnement ont été instituées au sein de chaque DIR autour des DRH pour recevoir les personnels concernés par une fermeture de service ou de poste, et rechercher avec eux les solutions les plus satisfaisantes pour leur évolution de carrière. Ces cellules ont été soutenues par l’administration centrale En outre, 700 primes de restructuration en 3 ans ont été versées pour un montant total de 8 975 000 euros.

Malgré cela, des témoignages nombreux concordent sur la brutalité des réaménagements, la souffrance des personnels, les départs de la PJJ en direction et surtout, du secteur privé ou d’autres ministères.

Evolution des crédits alloués à la PJJ en LFI depuis 2008 et du plafond d’emplois autorisés au titre du programme 182 « protection judiciaire de la jeunesse »

2008 2009 2010 2011 2012 2013

Crédits alloués - titre 2 - PAP (M€)

409,3 417,5 424,9 428,1 433,4 442,2

Crédits alloués - hors titre 2 - PAP (M€)

395,0 367,2 349,1 329,4 339,2 347,7

Total des crédits alloués en PAP (M€)

804,3 784,7 774,0 757,5 772,6 789,9

Plafond autorisé d’emploi (PAP)

9 027 8 951 8 618 8 501 8 395 8 507

ETPT financés 8 797 8 652 8 485 8 352 8 146 8 150

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La PJJ a fait face à ces restrictions par le recentrage pénal et par une importante restructuration des services déconcentrés (cf. supra). En outre, des mesures de mutualisation des fonctions support ont été engagées en 2012 dans les régions, en créant des plateformes de gestion communes avec d’autres services du ministère.

Cette réorganisation a limité l’impact de la réduction des effectifs sur les fonctions éducatives, dont la part est passée de 79,4 à 82,2 %, alors que la fonction pilotage et soutien baissait de 20,58 % à 17, 74 %.

En décembre 2003, la PJJ a obtenu la possibilité de recruter des éducateurs contractuels (10 % des effectifs) sur des durées stables, de 3 ans renouvelables. Cette souplesse a permis une ouverture professionnelle intéressante, le non effondrement des foyers, l’ouverture des CEF et des EPM.

Les contractuels représentent en 2012 5,75 % de l’effectif des agents affectés au placement, et 4,64 % de ceux affectés au milieu ouvert et à l’investigation.

Les personnels de la PJJ sont affectés aux missions suivantes :

AC 199

DIR/DT 1045,7

Dispositifs particuliers (classes et internats relais, éducateurs remplaçants, mises à disposition, tuteurs de formation, DERPAD/SIPAD,…)

218,1

MO et investigation (UEMO, UEAT, PEAT)

3061,4

Détention (QM, CJD et EPM) 398,1

Activités de jour (UEAJ + DAA) 817,8

Placement (CEF, CER, UEHC, UEHD, missions HD)

2230,4

ENPJJ (Titulaires et stagiaires) 296,5

Total 8267,0

La part du personnel féminin est majoritaire, y compris dans les postes de direction (53,1%) ou de chefs de services éducatifs ou d’éducateurs (53%)

Le travail de nuit des éducateurs

Le travail de nuit était assuré dans les établissements de la PJJ par des agents techniques d’éducation (ATE). La suppression de ce corps a été décidée en 2007, dans le cadre général de la rationalisation des moyens, mais également pour des considérations pédagogiques. La nuit était considérée comme un temps éducatif, devant être assurée par des éducateurs.

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Toutefois, ce sujet continue de faire débat. Un groupe de travail a été mis en place, qui n’a encore abouti à des décisions concrètes.

Certains éducateurs estiment que l’absence de spécialisation des éducateurs sur le travail de jour ou de nuit permet de donner plus de variété et de richesse au travail. Cela permet aussi d’assurer une présence éducative à tout moment dans l’établissement.

D’autres relèvent que le travail de nuit a pour effet de compliquer la gestion des emplois du temps. Ces derniers ne permettent pas au personnel éducatif d’assurer une présence diurne continue auprès des mineurs. Ce rythme de travail n’est pas rassurant pour les mineurs en charge. Paradoxalement, ce sont d’autres professionnels, qui travaillent le jour, comme les cuisiniers, la maîtresse de maison, les RUE, qui assurent les fonctions de continuité au sein des établissements.

Il nous semble que la question la plus importante est celle de la continuité de l’action auprès d’un mineur, et la possibilité qu’il puisse établir et entretenir une relation de qualité auprès d’un éducateur référent, qui doit donc être présent la journée.

Il nous paraît important de reprendre la réflexion sur cette question en partant des besoins du mineur.

La politique indemnitaire

La question des indemnités de fonction a été posée par plusieurs organismes professionnels qui sollicitent qu’elle soit remise à plat, pour garantir une plus grande équité.

PROPOSITIONS

Reprendre la réflexion sur le travail de nuit des é ducateurs à partir des besoins du mineur.

Remettre à plat la politique indemnitaire

3. LA FORMATION

Dès les débuts de l’Education surveillée, une formation spécifique a été mise en place à l’intention des éducateurs.89

Très vite, un débat s’est instauré sur les qualités attendues de l’éducateur de justice90. A l’époque de l’immédiat après guerre, où la France compte moins de titulaires du baccalauréat que du master aujourd’hui, Henri JOUBREL affirme que « l’éducateur est un homme d’action, plus que de recherche et de pensée ». Pourtant, l’Education surveillée tranche en sens inverse. Henri MICHARD, fondateur

89 On lira avec intérêt sur l’histoire de la formation le numéro hors série des cahiers dynamiques, 2012, « 60 ans de formation, de Vaucresson à l’ENPJJ », sous la direction

de Dominique Youf et Jean-Jacques Yvorel

90 Ce débat s’est notamment développé dans la revue “rééducation, revue française de l’enfance délinquante, déficiente et en danger moral », n° 16 et 18, juillet août 1949,

avec des articles d’H. Joubrel et de G. Sinoir : « le baccalauréat est-il nécessaire aux éducateurs ? ».

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et directeur du centre de Vaucresson de 1951 à 1974 exige que le candidat aux fonctions d’éducateur soit titulaire du baccalauréat. L’objectif est que l’éducateur soit un homme ou une femme d’action, mais également qu’il conduise son action, à partir de connaissances dans des disciplines comme la psychologie, la neuropsychiatrie, le psychanalyse, le droit, les sciences sociales, la criminologie. La formation initiale est dispensée au centre de Vaucresson. L’apprentissage de compétences pratiques s’acquiert ensuite au cours d’un stage de longue durée (un an).

Rapidement, une formation continue est également mise en place. Vaucresson est aussi un centre de recherche et de documentation, où se rencontrent juges, éducateurs en formation initiale et continue, responsables d’établissement ou de service.

L’accroissement de l’effectif des promotions, qui passe d’une douzaine par an à 120 en 1963, et jusqu’à deux promotions totalisant 350 éducateurs en 1975, entraine la création des écoles de Savigny sur Orge et Toulouse, qui assurent désormais la formation initiale. Sous l’effet des remises en cause des organisations hiérarchiques et centralisées, généré par les évènements de mai 1968, l’essentiel de la formation est décentralisée dans les centres régionaux de formation, où l’expérimentation est privilégiée.

En 1992, cette organisation est remise en cause. Le directeur de la PJJ, Dominique CHARVET décide la création du Centre National de formation (CNFE-PJJ), pour redonner une cohérence nationale à la formation. Il relève les conditions de recrutement des éducateurs à bac + 2 ; les enseignements théoriques retrouvent une place importante. La rédaction d’un mémoire sur les pratiques professionnelles est instaurée. Les CRF sont maintenus, avec l’objectif d’analyser les pratiques vécues pendant les stages.

Ce dispositif de formation sera maintenu pendant plus de 20, sans modification majeure.

Une nouvelle organisation de la formation est mise en place par arrêtés du 28 juin 2011, pour prendre en compte les évolutions législatives intervenues depuis le début des années 2000, et le nouveau rôle assigné à la PJJ, mais aussi la réforme du recrutement et de la formation des fonctionnaires, résultant du rapport Le bris. Celui-ci recommande la réduction des formations et la mise en place de la formation permanente tout au long de la vie. La formation théorique est concentrée la première année et est dispensé dans la nouvelle ENPJJ, installée à Roubaix depuis 2008. Dès la seconde année, les stagiaires sont placés, de fait, en situation de pré-affectation.

1. La politique de formation dépend de l’Administration centrale, et notamment de la sous direction des ressources humaines ; elle est mise en place en fonction des orientations stratégiques de la PJJ. L’école est l’outil de mise en place de cette formation.

2. Le recrutement et les candidats. Jusqu’en 2010, on a constaté une baisse constante du nombre de candidats aux concours. Le phénomène s’est inversé, et on constate depuis 2011 une hausse du nombre des candidats. Ceux-ci sont majoritairement issus des filières juridiques, quelquefois des métiers du domaine de l’éducation et du sport. Les femmes sont très présentes aux concours. 80 % des candidats reçues au concours de directeur sont des femmes, et 62 % de celles reçues au concours d’éducateur.

Il convient de noter qu’un nombre important d’agents qui avaient fait l’objet d’un recrutement contractuel, ont réussi les concours d’éducateur. Il est engagé une politique de titularisation des

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agents contractuels qui donnent satisfaction afin de favoriser leur réussite aux concours. La reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle a été introduite dans les épreuves des concours internes.

3. L’organisation de la formation est confiée à l’ENPJJ. La délocalisation du CNFE PJJ à Roubaix a été décidée en 1994 par le conseil interministériel d’aménagement du territoire. l’école s’est effectivement installée sur le site en 2008. Elle dispose d’un site moderne, un ensemble de 6500 m2 en deux bâtiments, une ancienne filature et une extension contemporaine. Les locaux sont modernes, agréables et fonctionnels.

Sous l’autorité de la directrice générale, travaillent trois directions :

- la Direction de l’ingénierie de formation pour l’ensemble des métiers et fonctions

- la Direction des enseignements et de la recherche,

- la Direction des affaires administratives et financières : ressources humaines, budget, logistique. Les fonctions d’hôtellerie, restauration, maintenance, sont confiées à des opérateurs privés.

L’ENPJJ est une école moderne, dont le fonctionnement a paru tout à fait satisfaisant à la mission. Elle accueille des promotions de 120 à 150 éducateurs et assure la formation simultanée de 500 agents, dont 70 % en formation statutaire et 30 % en formation continue. Son corps professionnel est composé d’une équipe de chercheurs, qui font partie du personnel permanent de l’école, et de formateurs recrutés sur profil pour une durée déterminée.

L’ENPJJ intègre la recherche à la formation. Elle dispose d’un centre de recherche de qualité. Elle dispose notamment des archives de Vaucresson, et assure des éditions régulières.

En ce qui concerne la formation, il nous semblerait souhaitable de veiller à ne pas transformer la 2e année, qui se déroule sous la forme d’un stage sur le site de la future affectation, en une véritable préaffectation.

D’autre part, il serait également opportun de modifier le statut de l’école, pour qu’elle dispose d’une plus grande autonomie pédagogique. La cour des comptes 91 avait constaté que le CNFE était très autonome au sein de la PJJ, sans disposer pour autant de la personnalité morale ni d’un budget propre. Elle avait estimé souhaitable sa transformation en établissement public à l’image des autres grandes écoles d’application du ministère de la justice (ENM, ENG, ENAP).

La formation continue

La loi de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007 et le décret du 15/10/2007 refond le dispositif global, avec une formation tout au long de la vie (FTLV) + loi du 3 aout 2009 sur la mobilité et les parcours professionnels.

Certaines formations ont été mutualisées dans des plateformes régionales de formation communes à d’autres services du ministère de la justice.

91 Rapport 2003

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Mais l’essentiel de cette formation est assurée dans les pôles territoriaux de formation (PTF) dépendant de l’école.

Les efforts de formation continue doivent être poursuivis : on constate une inégalité d’accès puisqu’entre 35 et 40 % des agents ne participent à aucune formation.

PROPOSITIONS

Envisager le changement de statut de l’ENPJJ en éta blissement public administratif

Modifier le programme de formation de 2° année pour que le stage ne corresponde pas à une préaffectation

Assurer des formations en lien avec l’ENAP sur la p révention et la gestion de la violence

4. AUDITS ET INSPECTIONS

a. L’audit

Dans le cadre du PSN 2, est mis en place d’un dispositif d’audit pour améliorer son organisation et la qualité de la prise en charge éducative.

A cette fin des services d’audit et des équipes d’auditeurs ont constitués dans chaque DIR avec des agents de catégorie A provenant du redéploiement des cadres territoriaux, à la suite de la diminution des effectifs des directions départementales.

L’objectif est d’offrir aux directeurs de service une aide au pilotage de leurs établissements ou services. La mission audit participe à l’amélioration du pilotage territorial et permet de s’assurer de la mise en œuvre des orientations nationales dans chaque DIR.

Elle est l’une des composantes de la démarche « qualité » dans laquelle la PJJ s’est engagée pour offrir une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité.

Au niveau national a été créé un service d’audit central national (SACN) en 2010.

Il établit les référentiels d’audits, en assure la synthèse, élabore les modalités d’évaluation de la qualité des actions éducatives engagées dans les services, conjointement avec l’ANESM, assiste les pilotes de chaque nouvelle orientation nationale (EPPOO, EPIDE, MJIE, DPI) par la mise à disposition d’outils d’évaluation.

De nombreuses suites ont été données aux audits avec une analyse transversale de leurs contenus afin d'en tirer des données exploitables pour les politiques éducatives.

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Ainsi des journées de formation, des réunions thématiques, des supports à la communication, des documents de travail ont été conçus au sein des pôles des politiques éducatives et audit (DPEA) à partir de ces rapports, ce qui constitue une réelle valeur ajouté assurée par la fonction audit au sein des DIR.

Au niveau territorial, 550 audits ont été réalisés. 53 conventions ont été passées avec des conseils généraux et 139 audits conjoints ont été menés depuis 2009.

Au 31 décembre 2011 : 68 auditeurs territoriaux et 100 personnels ont été formés à la fonction d’audit, ainsi que 27 personnels du conseil général.

Les services d’audit peuvent contrôler les DT. En revanche, l’audit des DIR relève de l’inspection générale de la PJJ.

La politique d’audit initiée par la PJJ participe à l’amélioration de la qualité des pratiques et méthodes éducatives, ainsi qu’au bon fonctionnement des établissements. Elle mérite d’être poursuivie et soutenue.

b. L’inspection

Il avait été envisagé en 2009, dans le cadre de la RGPP, de fusionner les trois inspections sectorielles du ministère de la justice, au sein d’une inspection générale du ministère de la justice. Une inspection autonome a finalement été maintenue.

L’inspection de la PJJ est réglementée par un arrêté du 29 décembre 2010.

Sans préjudice de la compétence générale en matière d'inspection de l'inspecteur général des services judiciaires et des pouvoirs de coordination qui lui sont dévolus, l'inspection de la protection judiciaire de la jeunesse assure le contrôle des structures, quel qu'en soit le statut, relevant de la protection judiciaire de la jeunesse, en matière administrative, pédagogique et financière.

Son programme annuel d'actions est élaboré conjointement par le directeur de la Protection judiciaire de la Jeunesse et l'inspecteur général des services judiciaires, qui veille notamment à en assurer la cohérence avec le programme d'inspection de l'inspection générale. Il est soumis à l'approbation du Garde des sceaux.

Dans le cadre de ses missions, l'inspection de la Protection judiciaire de la Jeunesse assure la liaison avec les services d'inspection dépendant des autres administrations.

L'inspecteur général des services judiciaires est tenu régulièrement informé des missions en cours à l'occasion d'une réunion mensuelle qu'il tient avec le directeur de la Protection judiciaire de la Jeunesse. L'inspecteur général des services judiciaires est rendu destinataire des rapports de l'inspection de la Protection judiciaire de la Jeunesse. Il peut demander quelles suites leur ont été réservées.

L'inspection de la Protection judiciaire de la Jeunesse peut être requise par la Garde des sceaux, ministre de la justice, ou par l'inspecteur général des services judiciaires pour assister ce dernier dans l'exécution de ses missions.

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De nombreuses inspections ont été effectuées, notamment dans les établissements ayant été le théâtre d’incidents graves.

L'inspection de la Protection judiciaire de la Jeunesse est placée sous l'autorité d'un inspecteur général adjoint des services judiciaires désigné à cet effet par arrêté du Garde des sceaux, ministre de la Justice. Il est assisté par 9 inspecteurs. Les rapports d‘inspection contribuent à la bonne connaissance du fonctionnement des établissements et services de la PJJ. Ils mettent en évidence les insuffisances et favorisent l’amélioration globale de la qualité des prises en charge.

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CHAPITRE VI

DEFINIR UN PARTENARIAT EQUILIBRE ET STABLE

AVEC LE SECTEUR ASSOCIATIF HABILITE

Les grandes fédérations associatives entendues constatent, pour le regretter, que les relations se sont distendues ces dernières années entre la PJJ et le secteur associatif habilité (crise de confiance, tensions et suspicions permanentes...).

1. LA PLACE IMPORTANTE DU SECTEUR ASSOCIATIF HABILI TE

C’est un partenaire ancien et reconnu, réparti de façon inégale sur le territoire national en fonction du développement historique des associations. Il est, par exemple, très implanté dans le Nord. Le secteur associatif habilité est un partenaire incontournable de la PJJ, non seulement parce qu’il dispose d’un savoir faire et d’une expérience ancienne, mais aussi que la souplesse relative de ses structures, par rapport à celles du secteur public, lui permet d’adapter plus rapidement son organisation pour répondre aux missions. Le secteur associatif s’est ainsi mobilisé pour maintenir (CEP) ou mettre en œuvre les nouveaux modes de placement (CER, CEF), mais aussi pour créer des outils alternatifs (services et mesures de réparation). La plupart des associations assurent également des missions d’hébergement ou de milieu ouvert au profit des Conseils Généraux, là encore en faisant preuve d’innovation (services d’AEMO renforcée, modulation des prises en charge en hébergement, allant jusqu’à un maintien à domicile dans le cadre d’un placement, services d’adaptation progressive en milieu naturel, services de points rencontres, etc…). La PJJ finance exclusivement les mesures pénales (réparations, hébergement) et les mesures d’investigation, qu’elles soient civiles ou pénales. Le budget du secteur associatif habilité représente environ le tiers du budget total de la PJJ. Le secteur associatif habilité est éclaté entre de multiples associations (environ 500). Mais un grand nombre d’entre elles se sont fédérées au niveau national à travers des grandes fédérations :

- la CNAPE, (convention nationale des associations de protection de l’enfance, a pris la suite de l’UNASEA).

- L’UNIOPSS, (union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux)

- la FN3S (fédérations nationales des services sociaux spécialisés de protection de l’enfance et de l’adolescence en danger)

- Citoyens et justice, qui exercent surtout des mesures de réparation pénale et de contrôle judiciaire. Des associations ont été créées au niveau national et gèrent des établissements sur

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tout le territoire : les apprentis d’Auteuil, le groupe SOS, le mouvement des villages d’enfants, etc…

Le secteur associatif prend en charge 93 % des 264 000 mesures d’assistance éducative suivies en 2010 au titre des mineurs en danger,76 % des mesures d’aide aux jeunes majeurs, et 12 % des mesures concernant les mineurs délinquants. Il a une place essentielle en ce qui concerne les placements au pénal, puisqu’il gère la majorité des CER (60 sur 65 en mars 2012) et des CEF (34 sur 43 en mars 2012).

Il gère 1178 établissements et services éducatifs, dont 248 financés exclusivement par l’Etat.

- 873 établissements de placement, dont: 34 CEF, 3 CPI, 54 CER, avec un taux d’occupation de 87 % ; 212 foyers, 317 maisons d’enfants à caractère social, 41 centres d’hébergement diversifiés, 38 centres de placement familial et socio-éducatif, 54 centres scolaires et professionnels, 113 lieux de vie, 7 foyers de jeunes travailleurs ;

- 305 services de milieu ouvert, d’insertion et d’investigation, 178 services d’AEMO, 75 services d’investigation, 44 services de réparation pénale, 8 services d’insertion

2. LE CONTROLE ET LA FORMATION

Les établissements du secteur associatif habilité ont le statut d’établissements sociaux et médico-sociaux (ESSMS). A ce titre, ils sont soumis à la loi du 2 janvier 2002, et sont autorisés par l’Etat et le conseil général ou l’Etat seul selon le type de missions assumées. En outre, les établissements accueillant des mineurs confiés habituellement par les juges des enfants font l’objet d’une habilitation délivrée par le préfet, après instruction du dossier par la PJJ.

Chaque année, un prix de journée est établi par les autorités de tarification (en général, double tarification Conseil Général/justice). Le fonctionnement des établissements est soumis aux dispositions de la loi du 2 janvier 2002 en ce qui concerne l’évaluation interne et le contrôle externe. En outre, ils sont intégrés dans le plan pluri annuel d’audit mis en place par les services de la PJJ.

La formation

Les agents du secteur du secteur associatif habilité dont recrutés à partir de diplôme d’Etat :

- CAFDES (certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement social) pour les directeurs,

- Diplôme d’état d’éducateur spécialisé pour les éducateurs - CAFERUIS (certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité

d’intervention sociale).

La formation est assurée dans les IRTS et n’est pas prise en charge par l’ENPJJ

Des formations spécifiques à certaines missions ont été mises en place ; c’est le cas des CER. Une convention établie en 2008 entre la PJJ et les fédérations associatives a permis une formation des personnels, appuyée sur les centres de formation du travail social, (IRTS) par une coopération

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Il paraît nécessaire d’intensifier la formation du secteur associatif habilité notamment dans les hébergements comme les CER ou les CEF. Il serait souhaitable que la PJJ prenne en compte la formation des éducateurs associatifs exerçant de missions de service public.

3. LA QUESTION FINANCIERE

La question des moyens est devenue une question prééminente, voire exclusive, qui a occulté les questions de fond et contribué largement à dégrader les relations. Le contexte financier a mis en exergue les fragilités, les faiblesses et les dysfonctionnements.

En effet, la dotation affectée au secteur associatif n’a cessé d’être réduite depuis 2008.

Crédits affectés au secteur habilité de 2008 à 2013 en millions d’euros

En 2008, 48 millions d’euros environ étaient encore affectés à la prise en charge des jeunes majeurs.

Depuis plusieurs années, les crédits votés en loi de finances sont insuffisants et ne couvrent pas les charges des exercices. La PJJ n’est pas en mesure d’assurer le paiement aux associations de l’ensemble des mesures ordonnées par les magistrats et effectivement réalisées par elle. Cette situation conduit à des différés de paiement de l’ordre de six mois, ce qui constitue une lourde charge pour les finances associatives.

Dans la loi de finances 2013, 10 millions d’euros ont été affectés à la résorption des arriérés de paiement de l’Etat. Mais cette somme ne permettra de résorber qu’une partie des dettes de l’Etat et elle ne constitue qu’une solution ponctuelle.

La DPJJ a pris conscience des difficultés.

2008 2009 2010 2011 2012 2013 Evolution 2013/2008

Loi finances initiale 307 277,4 254,2 240 242 250 -18,57%

Crédits disponibles avec réserve 291,6 263,5 244 228 227,4 225,6 -22,63%

Dépenses mandatées par nature d'activité

Hébergement traditionnel mineurs délinquants 50,0 50,9 50,8 52,3 44,3 40,5 -19,06%

Hébergement Jeunes Majeurs 44,0 21,3 6,5 1,6 0,2 0,7 -98,38%

Action éducative en milieu ouvert jeunes majeurs

4,0 3,1 1,9 0,5 0,1 0,3 -93,50%

Investigation Orientation Educative 56,0 56,8 55,8 55,9 39,2 1,1 -97,97%

Enquêtes sociales 15,0 14,5 13,9 13,0 4,0 0,1 -99,02%

MJIE 17,6 68,3

Réparations pénales 7,5 7,4 7,5 7,6 8,0 7,7 2,89%

CER et CPI 51,4 48,7 51,8 48,9 47,9 52,7 2,45%

Centres éducatifs fermés 49,0 55,3 56,3 61,8 71,2 63,0 28,53%

Mesure d’activité de jour 0,1 0,1 0,3 0,4 0,5 0,4 316,25%

Total Dépenses mandatées N 277,0 258,1 244,7 241,9 233,0 234,8 -15,24%

Report de charge n+1 estimé 22.9 27.8 34.4 35,5 26,48

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Elle a initié une réforme permettant un financement par dotation globale de fonctionnement : le budget est alors financé indépendamment du niveau d’activité, mais il est susceptible d’entrainer un ajustement du volume d’activités et une réduction de celle-ci. Il devrait toutefois sécuriser la programmation des dépenses de la PJJ et les ressources des associations. Le décret du 26 décembre 2011, qui concerne le financement des CEF sous cette forme, pourrait être étendu à tous les services à partir de 2014.

4. LA REPARTITION DES MISSIONS ENTRE LE SECTEUR PUB LIC ET LE SECTEUR ASSOCIATIF HABILITE

La question de la complémentarité du secteur public et du secteur associatif se pose dans les départements. C’est le juge des enfants ou le substitut qui choisit le service, en fonction de ses compétences et de ses capacités effectives à intervenir rapidement, mais aussi de la qualité des prestations. Mais la tendance de la PJJ est de demander au juge des enfants de lui confier des mesures, pour ne pas dépasser le quota attribué au secteur associatif dans le cadre des plafonds de mesure annualisés.

Les représentants du secteur associatif sont particulièrement préoccupés du financement de certaines activités :

a) les mesures de réparation pénale : le secteur associatif s’est engagé dès 1990 dans le

domaine des réparations pénales, et a développé un savoir faire incontestable, apprécié des magistrats et des élus. Il considère cette mesure comme efficace en termes de prévention de la récidive. Mais la PJJ a engagé ses services dans la prise en charge de ces mesures, ce qui a entrainé un transfert d’activité.

La part des mesures prises en charge par le secteur public s’est accrue au détriment de celle du secteur associatif : en 2008, 15 105 mesures ont été exercées par le secteur public et 10 338 par le secteur associatif ; en 2010, 17 949 mesures ont été exercées par le secteur public et 9 251 par le secteur associatif.

En 2013 est prévue une nouvelle baisse de 6 % du nombre des mesures confiées au secteur associatif (8 587)92. La baisse des mesures s’accompagne toutefois d’une revalorisation de son prix unitaire (893 euros en 2013). Un travail conjoint réalisé entre le secteur associatif et la PJJ avait abouti à l’adoption d’un nouveau référentiel de la mesure de réparation. La variation d’une année sur l’autre entraine des à coups dans la gestion des associations. Les variations des capacités résultent du nombre de mesures réalisées, qui est fixé en raison des moyens budgétaires et non des besoins réels des territoires. Les DT PJJ ont invité les magistrats à confier leurs décisions au service public plutôt qu’au secteur associatif.

92 Observations interfédérales CNAP, UNIOPSS, FN3S, Citoyens et justice, sur le projet de loi de finances 2013

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b) le financement de la MJIE : il est en légère hausse en 2013, mais 0,90 millions sont destinés à

couvrir les frais de restructuration et 2,8 millions à résorber les arriérés de paiement. Le secteur associatif considère que la mise en œuvre de la MJIE a généré une perte importante de cadres et de postes administratifs, mais également de travailleurs sociaux et psychologues. L’allongement des délais d’exécution des MJIE confiées au secteur associatif s’explique en partie par la réduction des moyens. Celle-ci porte atteinte aux postes du « cœur de métier », ce qui compromet la réussite de la réforme et fragilise les services, risquant de passer à côté de situations graves. Là encore, la réduction des moyens et des capacités du secteur associatif s’accompagne d’un transfert au profit de la PJJ.

On constate, entre 2009 et 2012, une augmentation de l’activité du secteur public de 8,5 % et une baisse de celle du secteur associatif habilité, de 8,2 %. Il y a donc eu un transfert de charge vers le secteur public, essentiellement au niveau des mesures civiles.

Cette évolution a impacté le secteur associatif. Les organigrammes ont été revus à la baisse ; les enquêtes sociales deviennent pluridisciplinaires, mais des restrictions ont entrainé la diminution du temps de travail des secrétariats (de moitié d’après la FN3S), et donc des capacités d’accueil ; il en est de même de l’encadrement. La charge des psychologues du secteur associatif habilité s’est accrue, passant de 135 à 180 mineurs par an. Celle des travailleurs sociaux est passée de 18 à 22/23. Le temps moyen de réalisation d’une MJIE est de 61 heures, mais avec des mesures dont la durée est variable. Les mesures confiées au secteur associatif habilité sont majoritairement (80 %) des mesures longues.

Il a d’ailleurs été constaté une différence sensible de la durée des mesures. En 2012, concernant les mesures civiles, elle est de moins de 5 mois dans le secteur public mais atteint près de 8 mois pour le secteur associatif habilité.

c) la réduction des moyens de l’hébergement : pour le secteur associatif habilité, les CEF

constituent une réponse adaptée pour certains mineurs, à condition qu’ils s’insèrent dans un dispositif global. Il regrette aussi la décision de réduire le personnel des CEF de 27 à 24 ETP, acté dans la circulaire de tarification du 17 février 2012. Elle a suscité beaucoup de réactions des fédérations d’associations et des parlementaires. Des recours contentieux ont été engagés fin 2012. La réduction des crédits du secteur associatif habilité conduit celui-ci à réduire les capacités de prise en charge en hébergement de mineurs délinquants dans les structures bénéficiant d’une double habilitation ou à les transformer en places au titre de l’assistance éducative.

L’hébergement devient une variable d’ajustement et aboutit à transférer une partie des charges de l’Etat vers les Conseils généraux.

Mettre en place un partenariat équilibré et durable

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Le secteur associatif habilité constate que la PJJ assume une double fonction : elle habilite, finance et contrôle le secteur associatif, et en même temps, est un opérateur de certains mesures communes (MJIE, réparations, hébergement) dans un système quasi concurrentiel. Cette situation d’inégalité tend les relations dans un contexte de diminution des finances publiques.

Aujourd’hui, les associations attendent :

� un cap, de grandes orientations, des priorités définies, des décisions claires, des choix

affirmés et exprimés clairement (sincérité et vérité),

� lisibilité et transparence.

� une cohérence entre le discours porté au niveau national et les décisions appliquées sur les territoires,

� un respect mutuel et notamment le respect de l’identité associative ,

� une réelle concertation ,

� des lieux d’échanges et de concertation non pas consacrés à la question des moyens mais du fond (réponses et contenu, dispositifs…),

� des formations communes à l’intention des professionnels des deux secteurs, élaborées conjointement,

� des données fiables (quantitatives et qualitatives) et une observation nationale et régionale plus régulières et plus précises sur l’ensemble des actions menées au titre de la protection judiciaire concernant la délinquance juvénile.

Pour atteindre ces objectifs, il serait souhaitable de mettre en place une instance de concertation auprès du garde des sceaux, pour co-construire la justice des mineurs et clarifier la politique du ministère de la justice à l’égard des addictions.

Il ne nous paraît pas possible de faire droit à la demande de désigner un tiers entre la PJJ et le secteur associatif habilité pour réguler les mesures exercées par les deux services. La PJJ est nécessairement le représentant du garde des sceaux dans la coordination des missions.

En revanche, il nous paraît nécessaire de sécuriser la situation des associations par une meilleure formulation de leur association au fonctionnement du service public de la justice.

Nous recommandons la mise en place :

� d’une instance nationale de coordination entre la PJJ et les grandes associations du secteur associatif habilité, avec la participation de l’autorité judiciaire, qui définisse de façon concertée la répartition des missions et des moyens sur une période pluriannuelle (trois ans). Cette instance aboutirait à la signature d’une convention nationale de régulation des missions et des moyens.

� d’instances départementales de régulation et de coordination, entre la DT PJJ, les associations représentant localement le secteur associatif habilité, et l’autorité judiciaire pour définit la mission et la charge du secteur associatif par rapport aux besoins exprimés par

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les juridictions, les capacités respectives de la PJJ, qui aboutisse également à une convention départementale de régulation des missions et des moyens.

PROPOSITIONS

Réaffirmer l’importance du secteur associatif pour le secteur de la protection judiciaire de la jeunesse

Créer un outil de planification des besoins pour la PJJ (schéma de la protection judiciaire de la jeunesse), une instance nationale et des inst ances régionales de concertation avec l’ensemble des acteurs concernés pour l’élaboration de ce schéma

Solder la dette et les reports de crédit

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CONCLUSION

La PJJ est une administration riche d’hommes et de femmes qui souhaitent agir auprès des jeunes en difficulté. Elle a un savoir faire et une compétence spécifique qu’elle doit maintenir et revitaliser, à partir d’un projet institutionnel renouvelé. Il faut lui redonner une plénitude de compétence dans l’action éducative auprès des mineurs qui sont en conflit avec la loi, prioritairement, mais pas seulement les mineurs délinquants, et lui donner des moyens humains et financiers pérennes pour accomplir ses différentes missions

Le recentrage pénal a eu au moins le mérite de rappeler que l’une des spécificités de l’action éducative dans le cadre judiciaire était de partir d’un acte ou d’une situation de danger judiciairement reconnu. La décision de justice, pénale ou civile, fonde l’intervention de l’éducateur, même dans un cadre contraint.

En sortant de l’antagonisme stérile entre le judiciaire et l’éducatif comme entre l’éducation et la contrainte, la PJJ peut retrouver un rôle d’animation et d’impulsion, car elle est la seule administration nationale agissant dans le domaine de la protection de l’enfance.

Cela suppose qu’elle soit capable de construire de nouvelles relations avec l’autorité judiciaire, dans le respect des compétences de chacun, ainsi qu’avec les Conseils généraux et le secteur associatif.

La réorganisation administrative à laquelle elle a été contrainte l’a obligée à renouveler ses structures et à préciser ses méthodes. Elle dispose d’un cadre référentiel riche et complet, mais dont l’application se heurte, sur le terrain, aux difficultés de fonctionnement liées à une organisation mal adaptée à la réalité des jeunes et des familles comme de ses principaux partenaires

Tout projet de réforme ne doit être envisagé qu’à partir des besoins et dans l’intérêt supérieur des mineurs qui lui sont confiés.

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Les domaines d’intervention : le pénal

• Réaffirmer et renforcer la spécialisation des juridictions pour mineurs ; supprimer les juridictions non spécialisées, les procédures de jugement accélérées ou automatiques comme les peines plancher

• Fixer un cadre précis à l’utilisation par le parquet des mesures alternatives aux poursuites

• Redonner au juge des enfants un rôle pivot, garantissant la continuité et la cohérence de l’action judiciaire envers un mineur

• Réduire et simplifier le nombre de mesures qui peuvent être prononcées à titre pénal

• Assurer la défense du mineur par le même avocat pour l’ensemble des procédures qui le concernent

• Préciser les modalités juridiques des placements dans le cadre pénal

• Déjudiciarisation : traiter les incivilités, comme des informations préoccupantes relevant éventuellement de la protection de l’enfance

RECAPITULATIF DES PROPOSITIONS

Les missions

• Redéfinir par décret les missions de la PJJ à partir de l’ensemble des compétences légales des juridictions pour mineurs : assurer la mise en œuvre de toutes les décisions de l’autorité judiciaire, qu’il s’agisse des mesures d’investigation, de milieu ouvert ou de placement, ordonnées dans le cadre civil ou le cadre pénal, soit directement, soit par l’intermédiaire du secteur associatif habilité

• Rappeler que l’intervention de la PJJ s’exerce prioritairement sous un mode éducatif quel que soit le lieu où se trouve le mineur pris en charge

• Désigner la PJJ comme la direction de l'administration de la justice des mineurs (DAJM) chargée de l'organisation et du fonctionnement global de la justice des mineurs.

• Intégrer dans les missions de la PJJ celle de l’évaluation de la politique de protection judiciaire de la jeunesse

• Donner à l’administration de l a PJJ la responsabilité d’assumer, pour le compte de l’Etat, le respect des décisions judiciaires prises en assistance éducative

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Les relations avec les juges pour enfants et l’auto rité judiciaire

• Assurer une présence éducative dans tous les TPE avec des SEAT dirigés par un responsable éducatif

• Généraliser les BEX dans tous les tribunaux pour enfants

• Supprimer les trinômes judiciaires

• Renforcer les moyens d’action des magistrats coordonnateurs conformément aux préconisations du groupe de travail sur la justice des mineurs de mai 2012

• Renforcer la représentation et la coordination des juridictions pour mineurs par :

- La nomination de magistrats aux postes de présidents de tribunaux pour enfants départementaux ou coordonnateurs départementaux de la justice des mineurs, recrutés à partir d’un profil de poste

- La nomination de présidents de chambres, et d’avocats généraux coordonnateurs de la justice des mineurs au niveau des neuf actuelles interrégions de la PJJ

• Associer l’autorité judiciaire aux décisions et orientations nationales de la PJJ par la création d’un conseil national de la justice des mineurs ;

• Créer l’obligation dans le code de l’organisation judiciaire, de conférences semestrielles de la justice des mineurs, dans chaque cour d’appel

Les domaines d’intervention : l’assistance éducative et de la protection judici aire des jeunes majeurs

• Abandonner la politique d’une action pénale exclusive de la PJJ

• Permettre aux services éducatifs de la PJJ d’exercer à nouveau des mesures d’AEMO ou d’accueillir dans ses établissements des mineurs confiée en assistance éducative, au profit d’adolescents en grande difficulté ;

• Maintenir les capacités de participation de la PJJ aux à des missions de protection de l’enfance (classes relais, prise en charge des mineurs isolés étrangers)

• Rétablir des RRSE civils pour apporter une aide à la décision des parquets en matière civile

• Modifier le décret du 18 février 1975 en prévoyant que le juge des enfants pourra ordonner, au profit de jeunes majeurs qui faisaient l’objet avant leur majorité d’une mesure d’assistance éducative, ou d’une mesure éducative ordonnée dans le cadre pénal, et qui rencontrent encore de graves difficultés d’insertion sociale et professionnelle, une mesure d’aide, sous la forme d’une action éducative en milieu ouvert ou d’une prise en charge en hébergement, pour une durée maximale d’un an.

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La coordination de la protection de l’enfance

• Au niveau national , mettre en place une instance interministérielle de coordination de la protection de l’enfance, associant les départements et les ministères concernés.

• Au niveau des départements , mettre en place des instances de coordination inter institutionnelle de la protection judiciaire de l’enfance réunissant l’autorité judiciaire, dans ses deux composantes du siège et du parquet, la DTPJJ, et le Conseil Général. La PJJ doit se situer à une place de conseil technique et être en mesure d’intervenir au niveau de chaque département.

Améliorer les pratiques éducatives : l’investigation

• Mettre en place un groupe de travail associant secteur public et secteur associatif habilité pour faire le bilan de la MJIE

• Elaborer des protocoles ou des conventions dans chaque ressort territorial, permettant de répartir les compétences entre secteur associatif habilité et secteur public sur une base objective (âge des mineurs civil, pénal)

• Mettre en place des équipes spécialisées dans l’investigation, pour effectuer des MJIE au sein des UEMO

• Prévoir une MJIE de courte durée pour répondre aux besoins des magistrats, à un coût inférieur à celui de la MJIE « normale ».

• Rétablir la possibilité pour les UEAT d’effectuer des RRSE civils.

• Modifier le code de procédure civile pour y intégrer la MJIE et supprimer des textes de l’assistance éducative les termes d’’enquête sociale et d’investigation et orientation éducative

Améliorer les pratiques éducatives : les mesures de milieu ouvert

• Instaurer une mesure de milieu ouvert unique et modulable, pouvant être assortie d’obligations particulières

• Mieux distinguer les mesures éducatives et les mesures de contrôle ou les mesures courtes dans l’organisation des services et la charge des éducateurs.

• Mettre en place une mesure de milieu ouvert renforcé, permettant une intervention soutenue en milieu familial

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• Permettre au secteur associatif d’exercer des mesures de milieu ouvert dans le cadre pénal

• Examiner la possibilité de confier des mesures éducatives à des personnes dignes de confiance.

Améliorer les pratiques éducatives : le placement

• Définir un plan régional d’équipement pour l’accueil de mineurs assurant la disponibilité d’un équipement diversifié

• Créer des centres publics d’accueil et d’orientation de courte durée

• Renforcer les capacités de prise en charge en familles d’accueil

• Favoriser le placement dans la région d’origine du mineur et éviter les placements éloignés

• Assurer un contrôle systématique des CEF et CER par les directeurs territoriaux

• Renforcer la formation des personnels affectés dans des structures d’hébergement

• Constituer les équipes des établissements autour du projet d’établissement

• Mettre en place systématiquement une mesure de milieu ouvert lors d’un placement

• Prévoir la possibilité d’accueillir au pénal au-delà de la majorité

La prise en charge des mineurs détenus

• Procéder à une évaluation de l’efficacité des EPM en termes de récidive et de réitération

• Garantir et renforcer la cohésion du binôme éducateur surveillant dans les EPM

Les activités de jour et l’insertion professionnell e

• Renforcer le dispositif d’insertion de la PJJ par la création de nouvelles UEAJ adossées à des STEI

• Reprendre le recrutement ciblé d’éducateurs techniques

Les mineurs souffrant de troubles du comportement

• Développer dans chaque région, un établissement inter institutionnel Justice/santé/aide

sociale à l’enfance capable de prendre en charge des mineurs souffrant de troubles du comportement

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L’organisation et la formation

• Assurer de façon institutionnelle la représentation de la PJJ dans tous les départements par la création de postes de DT adjoint ou de délégation auprès d’un directeur de service

• Reprendre la réflexion sur le travail de nuit des éducateurs à partir des besoins du mineur.

• Remettre à plat la politique indemnitaire des personnels

• Envisager le changement de statut de l’ENPJJ en établissement public administratif

• Modifier le programme de formation de 2° année pour que le stage ne corresponde pas à une pré affectation

• Assurer des formations en lien avec l’ENAP sur la prévention et la gestion de la violence

Engager un partenariat équilibré avec le secteur as sociatif habilité

• Réaffirmer l’importance du secteur associatif pour le secteur de la protection judiciaire de la jeunesse

• Créer un outil de planification des besoins pour la PJJ (schéma de la protection judiciaire de la jeunesse), une instance nationale et des instances régionales de concertation avec l’ensemble des acteurs concernés pour l’élaboration de ce schéma

• Solder la dette et les reports de crédit

La prise en charge des mineurs isolés étrangers

• Créer un nombre limité de structures spécialisées de prise en charge des mineurs isolés étrangers, à proximité des lieux où ils arrivent disposant des moyens adaptés, en termes d’interprètes, d’évaluation de l’âge, d’analyse des documents administratifs, de contact avec les lieux d’origine, de prise en charge et d’orientation éducative et administrative

• Demander à la PJJ de contribuer à l’effort national de prise en charge de ces mineurs, non seulement en pilotant la cellule nationale d’orientation, mais aussi en assurant des fonctions d’accueil, d’évaluation et de prise en charge des mineurs isolés étrangers, d’exercice des fonctions d’administrateurs ad hoc

• Engager une réflexion sur les modalités de régularisation de la situation administrative des jeunes ayant fait l’objet d’un suivi éducatif.

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ANNEXE PERSONNES RENCONTREES ET CONSULTEES

JURIDICTIONS Cour d’appel de Douai Mme Dominique LOTTIN, Première Présidente M Olivier de BAYNAST Procureur Général TGI Paris M Thierry BARANGER, Président du tribunal pour enfants M Sylvain BARBIER SAINTE-MARIE, Vice procureur TGI de Bobigny M Jean-Pierre ROSENCVEIG, Président du tribunal pour enfants TGI Strasbourg Mme Claude DOYEN, Vice-présidente coordinatrice du tribunal pour enfants Mme LEFEBVRE, Vice-présidente Mme Lydia PFLUG Vice procureur Mme Nathalie KIELWASSER, Substitut chargé des mineurs TGI Marseille M Jean-Michel MALATRASI, Président M Brice ROBIN, Procureur de la République

Mme Véronique SOULIER, Vice-présidente coordinatrice du tribunal pour enfants

Mme Agnès ROSTOKER, Vice procureur de la République TGI Nîmes M. Didier SUR, Vice-président coordinateur,

Mme Elisabeth CHAUVET, Vice-présidente Mme Béatrice JACOB, juge des enfants

TGI Douai Mme Fabienne LE ROY, Présidente Mme HEIDSECK juge des enfants M Eric VAILLANT, Procureur de la République TGI Laon M Marc SAUVAGE, Président TGI Lyon Mme Laurence CHRISTOPHLE, Vice-procureur Juges coordonnateurs Les juges des enfants participant à la session ENM sur les juges coordonnateurs : Mme Sandra LUX (TE Saintes), Mme Marie-Hélène ATHARI (TE Melun), M Patrice DEYRAT (TE Limoges), M Bruno LE BECACHEL (TE Cherbourg), M Simon GILOT (TE Béthune), Mme Emmanuelle DIRASSE (TE Le Havre), M Emmanuel ROCHARD (TE St Brieuc), M David ROUSSEAU (TE le Mans), Mme Marie-Béatrice THIERCELIN (TE Orléans) Avis recueillis par consultation écrite : TE Lille Mme MARQUANT, Vice-présidente coordinatrice du TE de LILLE TE Avignon M Xavier PIDOUX, Vice-président coordinateur du TE d’AVIGNON Mme Anne KIRIAKIDES, Vice Présidente TE Aix en Provence Mme Marie-Bernadette CALAS, Vice présidente coordinatrice TE Lyon Mme Laurence BELLON, Vice-présidente coordinatrice TE Bordeaux Mme Véronique LEBRETON, Vice-présidente coordinatrice CA Versailles Mme Lise GERAUD-CHARVET, Présidente de chambre, déléguée à la

protection de l’enfance CA Nîmes Mme Christine JEAN, conseiller déléguée à la protection de l’enfance

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CA Nancy Mme Florence FROISSART conseiller déléguée à la protection de

l’enfance CA Bastia Mme Marie-Paule ALZEARI, conseiller déléguée à la protection de

l’enfance CA Reims Mme Anne Lefèvre, conseiller déléguée à la protection de l’enfance CA Bourges M Alain COSTANT, Président de chambre, délégué à la protection de

l’enfance CA Orléans Mme Martine AUBERT, conseiller déléguée à la protection de l’enfance Conférence des procureurs M Robert GELLI, procureur de la République du TGI de Nanterre Conseil national des barreaux Me Dominique ATTIAS PJJ ADMINISTRATION CENTRALE Directrice Mme Catherine SULTAN, directrice

Inspection de la PJJ Mme Françoise TOME, inspectrice générale Direction de projet PSN Mme Christiane GEORGETTI, directrice de projet Sous Sous Direction du pilotage et de l’optimisation des moyens (SDL)

M Dominique VARRY, sous directeur M Ludovic FOURCROY, adjoint

Sous direction des missions de protection judiciaire et d’éducation (SDK) Mme Anne-Sylvie SOUDOPLATOFF, sous directrice

Bureau de la législation et des affaires juridiques (K 1) Mme Anne-Françoise ASTRUC, chef de bureau

M Alexandre YOU-KHEANG, attaché principal Bureau des méthodes et de l’action éducative (K2) M Frédéric PHAURE, chef de bureau, Bureau des partenaires institutionnels et des territoires (K3)

Mme Pascale MOSSAN, chef de bureau. Mme Claire DANKO, adjointe Mme Cécile GRANGE, MACJ Service de l’audit central national(SACN) M Vincent HUBAULT, chef du service Sous direction des ressources humaines et des relations sociales

M Yves ROUSSET, sous directeur Mme Laurence VENET, adjointe

Mission Mineurs isolés Mme Laurence VANNIER, directrice de projet

ENPJJ Mme Rosemonde DOIGNIES, directrice générale M Christian LEMOINE, directeur général adjoint PJJ SERVICES DECONCENTRES DIR Sud Mme Nicole LORENZO, directrice interrégionale DT Hérault M Gilles REGES, directeur territorial adjoint DT Gard Lozère M Franck ARNAL, directeur territorial DIR Sud Ouest M Yves DUMEZ, directeur interrégional

DT Aquitaine Nord M Yves VANDENBERGH, directeur territorial

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DIR Ile de France et Outre mer M Eloy DORADO, directeur interrégional M Jean MENJON, directeur adjoint

M Xavier MAURATILLE, directeur adjoint, chargé de l’outremer DT Paris M Dominique GUERY directeur territorial DT Seine Saint Denis Mme Mireille HIGINNEN, directrice territoriale DIR Grand Est M Dominique SIMON, directeur inter-régional Mme Marie-Dominique ROMOND, adjointe du DIR DT Alsace M Jean ZILLIOX directeur territorial DT Franche Comté M Claude DIDIOT, directeur territorial adjoint DIR Sud Est Mme Sylvie SLODZIAN, DIR adjointe DT Bouches-du-Rhône M Luc CHARPENTIER directeur territorial DIR Grand Nord M Christian BASTIEN, directeur interrégional M Patrick BEAUDOIN, directeur adjoint DT Nord M Jacques LABORDE, directeur territorial M Jean-louis DORIBREUX, directeur territorial adjoint DT Pas-de-Calais Mme Monique JOSSEAUX, directrice territoriale adjointe DT Somme Aisne M Philippe REYROLLE, directeur territorial DT Essonne M Abdeslam KESSAR, directeur territorial DT Auvergne M Noël LE GALL, directeur territorial DT La Réunion Mme Christiane TETU-WOLFF, directrice territoriale DT Martinique M Laurent GREGOIRE, directeur territorial DT Mayotte Mme Hélène NICOLAS DT Guadeloupe – St Martin M Claude HILD, directeur territorial DT Polynésie Française Mme Sonia JOACHIM-ARNAUD, directrice territoriale DT Guyane Mme Brigitte GORSLIER-THIERY, directrice territoriale Services de milieu ouvert du secteur public Visites et rencontres avec l’équipe éducative : PEAT de Nîmes UEMO (STEMO Gironde) à Bordeaux UEAT/UEMO (STEMO Paris Centre) UEAT de Paris UEMO de Strasbourg UEAJ de Strasbourg STEMOI Nord Franche Comté STEMO Sud Franche Comté UEMO Montbéliard UEMO Belfort UEMO Besançon UEAJ Montbéliard Aire Urbaine

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STEMO de Pantin Mme Marion FIRER, directrice STEMO de Douai UEMO Bougainville, à Marseille Établissements et services de placement du secteur public Visite et rencontre avec l’équipe éducative EPE (UEHC/UEHD) de Montpellier EPEI/UEHC de Pessac EPE/UEHC Salomon de Caus, à Paris UEHC de Douai CEF de Savigny sur Orge CEF de Bruay la Buissière, EPM de Marseille

AUTRES SERVICES DU MINISTERE DE LA JUSTICE

Direction des services judiciaires M Jean-François BENEYL, directeur

Direction des Affaires criminelles et des grâces

Sous direction de la justice pénale générale M François CAPIN-DULHOSTE, sous directeur

Bureau de l’action publique générale Mme Stéphanie BAZART, magistrat

AUTRES MINISTERES ET INSTITUTIONS

Ministère des Affaires sociales et de la santé

Direction Générale de la Cohésion sociale

Sous direction de l’Enfance et de la famille Mme GRIMAULT, sous directrice

Mme BRIAND, chef de bureau

Ministère de l’Education Nationale

DGESCO : direction générale de l’enseignement scolaire,

Bureau de la politique d’éducation prioritaire et des dispositifs d’accompagnements

M Marc BOBLET

Ministère de l’Intérieur

Direction Centrale de la sécurité Publique Mme Stéphanie BOISNARD, Chef de la division de la prévention et du partenariat

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GIP Enfance en danger Mme Marie-Paule MARTIN-BLACHAIS, directrice générale ONED M Gilles SERAPHIN, directeur ANESM M CHARLANNE, directeur ODAS M Didier LESUEUR, directeur général adjoint M Alain GREVOT, conseiller enfance famille SENAT

Rapporteur du budget de la PJJ M Nicolas ALFONSI, sénateur

FNATPE (Fédération nationale des assesseurs de trib unaux pour enfants) M Jean-Pierre ROQUES, président

Mme Clara FRANCO, déléguée régionale Ile de France

M Louis WALLE, trésorier

ORGANISATIONS SYNDICALES ET PROFESSIONNELLES SNPES-PJJ-FSU Mme Marie INES et M Michel FAUJOUR CFDT M Patrice CHOLLIER, secrétaire général CGT PJJ M DRU, secrétaire général UNSA SPJJ M Laurent HERVE secrétaire général Mme Catherine BERTHE, secrétaire générale adjointe SM M Eric BOCCIARELLI secrétaire national AFMJF Mme Marie-Pierre HOURCADE, présidente Mme Anne PUIG COURAGE vice-présidente USM Mme Virginie DUVAL, secrétaire général M Olivier JANSON, secrétaire national FEFERATIONS ASSOCIATIVES ET GRANDES ASSOCIATIONS DU secteur associatif CNAPE Mme Fabienne QUIRIAU Directrice Générale

Mme Audrey PALLEZ, conseillère technique justice des mineurs FN3S M Michel FOLLIOT, président M Denis BENAINOUS, vice-président UNIOPSS M Dominique BALMARY, président, M Benoit MESNARD, directeur général Mme Samia DARANI, conseillère technique enfance jeunesse Citoyens et Justice M Denis L’HOUR, Directeur Général Mme Jeanne CLAVEL Groupe SOS M Maxime ZENNOU, Directeur général adjoint secteur jeunesse M Charles SZTULCMAN, directeur CER Apprentis d’Auteuil Mme Nicole D'ANGLEJEAN, directrice des politiques et

ressources éducatives Magali SCARAMUZZINO, chef de projet protection de l'enfance

Mme Priscille GARET, chargée de mission

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Établissements et services de placement. Secteur as sociatif habilité Visites et rencontres avec l’équipe éducative Service d’investigation SIE de Montpellier CER Insertion et alternatives, Aubervilliers M Charles SZTULCMAN directeur M HABBEDINE, chef de service. UEHD la fabrique de mouvements, Aubervilliers Mlle ZIDI, coordinatrice action éducative MECS Calendal, Marseille M EYNAUD, directeur Centre éducatif la cordée, Soissons M Philippe MAIRESSE, président AAPE Paris, Service de réparation et d’activités de jour Mme Anne LESUEUR, directrice CONSEILS GENERAUX Service enfance Département du GARD Mme la directrice du service Enfance Conseil général de l’Aisne M Georges FOURRE, vice président chargé des

solidarités M Jack LANGLOIS, Directeur général aux affaires sociales M Didier PARIS, directeur des politiques sociales et familiales Mme Caroline BURONFOSSE, chef du service Ase

Conseil Général de Seine et Marne Mme Christine BOUBET, directrice générale

chargée de la solidarité, M Franck SASSIER, Directeur Enfance, adolescence et famille

Mme Laure DURANT, directrice ASE Mme DA SILVA coordinatrice CRIP PERSONNALITES QUALIFIEES Mme Sylvie PERDRIOLLE, ancienne directrice de la PJJ M Pierre-Philippe CABOURDIN, ancien directeur de la PJJ

Mission protection de l’enfance M Pierre NAVES, inspecteur général des affaires sociales

Mme Pascale BRUSTON et M Benoît DESCOUBES, inspecteurs des services judiciaires