questions la maitrise d’ouvrage publique

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De 1 à 6 DÉFINITION ET ORGANISATION « Loi MOP », maître d’ouvrage (MOA), mandataire… P. III De 7 à 19 LA MOA ET SES PARTENAIRES Le maître d’œuvre, les AMO ; organisme gérant l’OPC… P. V De 20 à 37 LA MOA ET LES ENTREPRISES Marchés, paiement, réception des ouvrages… P. VIII De 38 à 50 LA GESTION DU CONTENTIEUX Résiliation, indemnisation, garanties… P. XII Cahier n° 49 - Novembre 2011 - N o 251 - www.courrierdesmaires.fr QUESTIONS LA MAITRISE D’OUVRAGE PUBLIQUE

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Page 1: QUESTIONS LA MAITRISE D’OUVRAGE PUBLIQUE

De 1 à 6DÉFINITION ET ORGANISATION« Loi MOP », maître d’ouvrage (MOA), mandataire… P. III

De 7 à 19LA MOA ET SES PARTENAIRESLe maître d’œuvre, les AMO ; organisme gérant l’OPC…P. V

De 20 à 37LA MOA ET LES ENTREPRISESMarchés, paiement, réception des ouvrages…P. VIII

De 38 à 50LA GESTION DU CONTENTIEUXRésiliation, indemnisation, garanties…P. XII

Cahier n° 49 - Novembre 2011 - No 251 - www.courrierdesmaires.fr

QUESTIONS

LOGO_CDM_50Q.indd 1 4/12/06 15:31:02LA MAITRISE D’OUVRAGE PUBLIQUE

Page 2: QUESTIONS LA MAITRISE D’OUVRAGE PUBLIQUE

II Le Courrier des maires l N° 251 l Novembre 2011

Principal actionnaire : Groupe Moniteur Holding. Société éditrice : Groupe Moniteur SAS au capital de 333 900 euros. RCS : Paris 403 080 823 - Siège social : 17, rue d’Uzès 75108 Paris cedex 02. Numéro de commission paritaire : 1008 T 83807 - ISSN : 0769-3508 - Président / Directeur de la publication : Guillaume Prot - Directeur général : Olivier de la Chaise. Impression : Imprimerie de Champagne, ZI Les Franchises, 52200 Langres - Dépôt légal : novembre 2011.

◗ Les sites et documents à consulter« Guide des maîtres d’ouvrage pour le choix d’un conducteur d’opération ou d’un mandataire », MIQCP ; www.miqcp.gouv.fr

« Droit public des affaires », sous la direction de L. Rapp, P. Terneyre et N. Symchowicz, éd. Lamy 2009.

« Droit de contrats administratifs », L. Richer, éd. Dalloz

« Les marchés de maîtrise d’œuvre dans la construction publique », éd. Le Moniteur, p. 89, § 4.40

◗ Les référencesLoi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée (JO du 13 juillet 1985, p. 7914)

Ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004 portant modification de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée (JO du 19 juin 2004, p. 11020)

Décret n° 86-520 du 14 mars 1986 pris pour l’application de l’article 1 de la loi n° 85704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée (JO du 16 mars 1986, p. 4395)

Décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par les maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé (JO du 1er décembre 1993, p. 16603)

Décret n° 2011-1000 du 25 août 2011 modifiant certaines dispositions applicables aux marchés et contrats relevant de la commande publique (JO du 26 août 2011, p. 14453)

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Le Courrier des maires l N° 251 l Novembre 2011 III

DE 1 À 6 MAITRISE D’OUVRAGE PUBLIQUE : DÉFINITION ET ORGANISATION

Par Sophie Banel, Cyril Coupe et Eve Line Bernardi, sous la direction d’Yvon Goutal, cabinet d’avocats Goutal, Alibert et associés

A la fin d’un mandat, que reste-t-il du passage d’une équipe municipale, départementale ou régionale ? Pour une bonne part, ce sont les ouvrages réalisés : un équipement culturel, un établissement scolaire, une halle, un centre social, une piscine… Pour mener à bien ces projets, les collectivités sont investies d’une mission de « maîtrise d’ouvrage publique » (MOA) dont les caractéristiques sont définies par la loi. Il convient de recenser les principales questions que suscite ce rôle particulier, qui suppose des réflexes spécifiques, une prudence particulière, mais comporte également des atouts précieux.

Qu’est ce que la « loi MOP » ?La loi du 12 juillet 1985 s’applique à la réalisation de tous ouvrages de bâtiment ou d’infrastructure ainsi qu’aux équipements industriels destinés à leur exploitation. Elle ne s’applique qu’aux maîtres d’ou-vrage (MOA) expressément visés : l’Etat et ses établissements publics ; les collectivités territoriales, leurs établissements publics, parmi bien d’autres. Relever de la MOP suppose le respect d’un régime juridique contraignant : octroi de prérogatives impor-tantes au MOA dont il ne peut, en principe, se départir ; obligation pour le MOA de dissocier conception et construction des ouvrages ; obligation, lorsqu’elle n’est pas directement exercée en interne, d’associer la présence d’un maître d’œuvre à la plu-part des opérations dans des conditions et selon des modalités encadrées. Cependant, les dispositions de la MOP ne s’appliquent pas, notamment, « aux ouvrages de bâtiment ou d’infrastructure destinés à une activité industrielle dont la conception est déterminée par le processus d’exploitation (décret du 14 mars 1986) ». La personne publique en charge de la construction d’un incinérateur de déchets, peut, par exemple, recourir à la procédure de dialogue compétitif pour confier sa conception, sa construction et éventuellement son exploitation.

1Qui est « maître d’ouvrage » ?Aux termes de l’article 2 de la loi du 12 juillet 1985, le maître d’ouvrage « est la personne morale, mentionnée à l’article premier, pour laquelle l’ouvrage est construit » ; dans le même registre aux termes de l’article 2 du CCAG Tra-vaux, le MOA « est le pouvoir adjudicateur pour le compte duquel les travaux sont exécutés ». La notion de maîtrise d’ouvrage est liée à la « pro-priété » finale des travaux réalisés. L’identification du maître d’ouvrage peut s’avérer un exercice délicat. Ainsi en est-il notamment des travaux réalisés par un occupant régulier du domaine d’une collectivité. L’occupant réalise-t-il des tra-vaux pour son propre compte ou pour celui de la collectivité qui, in fine, sera potentiellement propriétaire ? Selon le Conseil d’Etat, lorsqu’un occupant du domaine réalise des travaux pour les besoins de son activité, il est maître d’ouvrage des travaux qu’il met en œuvre, ce qui conduit, parfois, à écarter le Code des marchés publics (CE, 3 décembre 2010, Ville de Paris, req. n° 338272 et 338527, publié au Recueil Lebon). Cette solution ne doit évidemment pas inciter à la fraude…

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LA MAITRISE D’OUVRAGE PUBLIQUE

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IV Le Courrier des maires l N° 251 l Novembre 2011

DE 1 À 6 LA MAITRISE D’OUVRAGE PUBLIQUE : DÉFINITION ET ORGANISATION

Peut-on librement disposer de sa qualité de MOA ?Assurément non : être MOA confère des préroga-tives dont la personne publique ne peut disposer librement. Ainsi ressort-il de l’article 2 de la loi MOP que le MOA, « responsable principal de l’ouvrage, (…) remplit dans ce rôle une fonction d’intérêt général dont il ne peut se démettre ». Cette solution de principe connaît cependant deux exceptions. La première exception est bien connue des maîtres d’ouvrage : c’est le mandat de maîtrise d’ouvrage. Concrètement, il s’agit de permettre à une collectivité qui ne dispose pas de l’expérience et des ressources – humaines et techniques – nécessaires à la prise en charge d’une maîtrise d’ouvrage complète, de confier à un tiers le soin de mettre en œuvre une partie de ses attributions. La deuxième exception (lire question 8) consiste dans la possibilité offerte à un maître d’ouvrage public, co-maître d’ouvrage dans une opération, de se dessaisir temporairement de ses préroga-tives au profit de l’autre MOA (ordonnance de 2004 qui figure à l’article 2-II de la loi MOP).

Quelle est la place du MOA sur le chantier ?Le maître de l’ouvrage désigne une personne physique chargée de le représenter. En pratique, cette fonction est généralement assurée par le représentant légal de la collectivité dans les limites de ses attributions (maire, président de conseil général…) qui acquiert la qualité de « personne responsable du marché » (PRM).Cette personne notifie le marché, en délivre une copie officielle à l’entrepreneur, accepte les sous-traitants, signe les avenants, résilie le marché. Durant l’exécution des travaux, elle intervient également, mais uniquement pour adopter des décisions importantes : poursuivre au-delà du montant prévu, prolonger les délais d’exécution, décider de la « réception » de l’ouvrage. Enfin, la PRM intervient sur le plan financier : elle effec-tue les mandatements, elle signe le décompte général et définitif et, en cas de différend, propose à l’entrepreneur une solution pour son règlement.

A NOTERClassiquement, le MOA s’entoure d’autres partenaires : maître d’œuvre, OPC, coordonnateur SPS, bureau de contrôle…

Quelles sont les attributions du mandataire de MOA ?Elles sont mentionnées à l’article 3 de la loi MOP : « 1° Définition des conditions administratives et tech-niques selon lesquelles l’ouvrage sera étudié et exécuté ; 2° Préparation du choix du maître d’œuvre, signature du contrat de maîtrise d’œuvre, après approbation du choix du maître d’œuvre par le maître de l’ouvrage, et gestion du contrat de maîtrise d’œuvre ; 3° Approbation des avant-projets et accord sur le projet ; 4° Préparation du choix de l’entrepre-neur, signature du contrat de travaux, après approbation du choix de l’entrepreneur par le maître de l’ouvrage, et gestion du contrat de travaux ; 5° Ver-sement de la rémunération de la mission de maîtrise d’œuvre et des travaux ; 6° Réception de l’ouvrage.Les relations MOA/mandataires de MOA sont ins-crites dans une convention.

ATTENTIONLe mandataire de MOA ne peut se voir confier d’attributions relatives à la définition du programme des travaux ainsi qu’à la fixation de l’enveloppe financière. Il appartient exclusivement au maître d’ouvrage de choisir (ou a minima d’approuver le choix) du maître d’œuvre de l’opération et des titulaires des marchés de travaux.

Comment désigner un mandataire de MOA ?L’ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004 portant modification de la loi du 12 juillet 1985 a supprimé le droit d’exclusivité offert aux SEML. Ce sont à pré-sent les sociétés publiques locales (SPL), souvent issues de la transformation de SEML, qui pourront espérer devenir mandataires de maîtrise d’ouvrage hors de toute contrainte de publicité et de mise en concurrence. En dehors de cette hypothèse bien précise, les man-dats de maîtrise d’ouvrage, en tout cas ceux dont le contenu dépasse le cadre strict de la représentation juridique – les plus nombreux en pratique –, sont soumis au droit commun de la commande publique (les rares autres relevant de l’article 30 du CMP). Ces marchés doivent être conclus selon une pro-cédure adaptée dès lors que le montant du besoin est inférieur à 193 000 euros HT, avec un seuil intermédiaire à 90 000 euros HT emportant une obligation de publicité formalisée, et un appel d’offres de seuil communautaire dès lors que le seuil de 193 000 euros HT est atteint ou franchi.

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Le Courrier des maires l N° 251 l Novembre 2011 V

DE 7 À 19 LES RELATIONS ENTRE LA MOA ET SES DIFFÉRENTS PARTENAIRES

Comment les marchés sont-ils passés par le mandataire de MOA ?Le mandataire est soumis aux mêmes règles que le mandant (article 4 de la loi MOP). Le MOA conserve la prérogative du choix du maître d’œuvre et des titulaires des marchés de travaux. Le mandataire de maîtrise d’ouvrage se charge de toute la phase administrative d’orga-nisation des procédures de consultation : élaboration et diffusion des avis d’appel public à la concurrence, élaboration des pièces de la consultation, analyse des offres, établisse-ment des différents rapports… mais il appartient toujours, in fine, à la collectivité de choisir les attributaires.

A NOTERLe meilleur moyen de garantir le respect de cette règle est de faire intervenir dans les procédures lancées par le mandataire les organes collégiaux de la collec-tivité : jury, commission d’appel d’offres (CAO) et organe délibérant pour le choix final ou l’exécutif éventuelle-ment titulaire d’une délégation en la matière.

Quelles sont les missions confiées à un MOE ?L’article 7 de la loi MOP les énumère : les études d’esquisse ; les études d’avant-projets ; les études de projet ; l’assistance pour la passation du contrat de travaux ; les études d’exécution ou l’examen de la conformité au projet ; l’exécu-tion du contrat de travaux ; le pilotage et la coordination du chantier ; l’assistance lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement.Les missions « de base » doivent être confiées au maître d’œuvre, au travers d’un marché unique (article 15 du décret du 29 novembre 1993) qui distingue à grands traits entre la construction de bâtiments neufs et la réhabilita-tion ou la réutilisation de bâtiments existants.

A NOTERS’agissant des infrastructures, il n’existe aucun impératif de type « mission de base ». La mission de maîtrise d’œuvre peut parfaitement donner lieu à différents marchés publics.

Comment coordonner l’intervention de plusieurs MOA ?L’ordonnance du 17 juin 2004 introduit un « II » à l’article 2 de la MOP, aux termes duquel, « lorsque la réalisation, la réutilisation ou la réhabili-tation d’un ouvrage ou d’un ensemble d’ouvrages relèvent simultanément de la compétence de plu-sieurs maîtres d’ouvrage, ces derniers peuvent désigner, par convention, celui d’entre eux qui assu-rera la maîtrise d’ouvrage de l’opération. Cette convention précise les conditions d’organisation de la maîtrise d’ouvrage exercée et en fixe le terme ». Le bénéficiaire du transfert conclura donc, dans ce cadre, comme pour répondre à ses besoins propres tous les contrats nécessaires à la bonne fin de l’opéra-tion. La convention organisant le transfert de maîtrise d’ouvrage en fixera les conditions, notamment financières.

Qu’est-ce que la maîtrise d’œuvre (MOE) ?Le maître d’œuvre est a minima celui qui va représen-ter le MOA sur le chantier. La maîtrise d’œuvre peut parfaitement être prise en charge en interne par la personne publique, si cette dernière dispose des ressources humaines nécessaires. Le plus sou-vent, cependant, la maîtrise d’œuvre est confiée à un tiers, architecte ou bureau d’études techniques. En fonction des opérations concernées, l’étendue de la mission de maîtrise d’œuvre variera, intégrant ou non des missions de conception. C’est alors, obli-gatoirement, un architecte qui interviendra.Le maître d’œuvre est un partenaire de la maîtrise d’ouvrage chargé du suivi de l’opération, dans ces aspects techniques (réalisation des études nécessaires à l’accomplissement du projet, élaboration des plans d’exécution ou validation de ces plans…) et finan-ciers (réception et traitement des demandes d’acomptes, préparation du projet de décompte, trai-tement des réclamations des entreprises, traitement des pénalités…). En pratique, la maîtrise d’œuvre est souvent prise en charge par une équipe pluridisciplinaire.

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VI Le Courrier des maires l N° 251 l Novembre 2011

DE 7 À 19 LES RELATIONS ENTRE LA MOA ET SES DIFFÉRENTS PARTENAIRES

Comment évalue-t-on un marché de MOE ?En application de l’article 9 de la MOP et de l’ar-ticle 29 du décret du 29 novembre 1993, la rémunération du maître d’œuvre prend impéra-tivement en compte trois paramètres : l’étendue de la mission confiée, la complexité de l’opération et le montant des travaux à réaliser. La rémunéra-tion est le plus souvent forfaitaire. Il n’existe pas de barème permettant de déterminer à l’avance combien « coûtera » une mission de maîtrise d’œuvre pour une opération donnée. Il existe néanmoins des orientations auprès des ordres d’architectes et de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP). L’évaluation s’opère sur la base de l’enveloppe financière prévisionnelle des travaux déterminée par le MOA lui-même. Le marché de MOE est conclu initialement à prix provisoire. Un avenant fixe le montant définitif de la rémunération du maître d’œuvre lorsqu’est arrêté le montant prévi-sionnel des travaux, tel qu’il résulte des études du maître d’œuvre qui s’engage sur ce montant.

Quel est le rôle des AMO ?L’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) a pour mission d’aider le maître d’ouvrage :– à suivre le projet réalisé par un maître d’œuvre ;– à prendre de multiples décisions qui lui incom-bent durant son déroulement .– à réceptionner l’ouvrage.En principe, il n’intervient que pour suppléer l’absence de compétences techniques du maître d’ouvrage. L’AMO a un rôle de conseil et de proposition vis-à-vis du maître d’ouvrage, à l’exclusion de toute fonction de représentation. Il ne prend pas de décision à la place du maître d’ouvrage. Vis-à-vis du maître d’œuvre, il se contente d’exprimer ce que veut le maître d’ouvrage, il lui permet de remplir pleinement ses obligations.

A NOTERLes prestations demandées par le maître de l’ouvrage à son cocontractant dans une convention d’assistance à la maîtrise d’ouvrage peuvent être proches en pra-tique de celles prévues dans un contrat de conduite d’opération. Mais, selon la doctrine, alors que le conducteur d’opération aurait une mission générale d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, le contrat d’AMO porterait sur des missions plus spécifiques.

Quelle est la différence entre conduite d’opération et mandat de maîtrise d’ouvrage ?La personne publique peut recourir à un contrat dit « de conduite d’opération » (article 6 de la loi MOP).Le conducteur d’opération choisi fournira au maître de l’ouvrage une assistance générale à caractère administratif, financier et technique. Contrairement au mandataire, le titulaire d’une mission de conduite d’opérations ne se substitue pas à la personne publique maître de l’ouvrage ; il ne dispose donc d’aucun pouvoir de représentation.Le contrat de conduite d’opération est soumis au Code des marchés publics (article 29).La MIQCP indique que « si la collectivité souhaite conserver l’ensemble de son pouvoir de décision (…) tout en se faisant aider et conseiller, elle devra s’entourer d’un conducteur d’opération. En revanche, si elle souhaite confier une partie de ses attributions, notamment dans la gestion de son opération, elle devra opter pour un mandat (…). » (Guide préc., www.archi.fr/MIQCP).

Quelle place pour l’OPC ?Dans le cas d’un marché de travaux passé à une entre-prise générale, cette dernière assure la coordination et le pilotage des travaux.Dans le cas de marchés de travaux par corps d’état séparés, il peut être nécessaire de confier à un orga-nisme spécialisé les missions d’ordonnancement, de pilotage et de coordination (OPC) des tâches de l’ensemble des intervenants à l’acte de construire.Concrètement, l’OPC est chargé d’examiner le dérou-lement et l’harmonie entre les différentes étapes de réalisation des travaux, avec un bon enchaînement dans le temps et dans l’espace. Il s’agit de coordonner les multiples intervenants dans l’exécution du projet, et d’arrêter les mesures d’organisation qui s’imposent.La mission « OPC » ne faisant pas partie de la « mis-sion de base » qui doit obligatoirement être confiée au MOE, le MOA a le choix : soit il confie cette mis-sion optionnelle au MOE, soit il la confie à un tiers, qui devient un assistant du MOA (AMO).

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Le Courrier des maires l N° 251 l Novembre 2011 VII

DE 7 À 19 LES RELATIONS ENTRE LA MOA ET SES DIFFÉRENTS PARTENAIRES

Peut-on confier librement à un opérateur la concep-tion et la construction d’un ouvrage ?Assurément non. Cependant, le maître de l’ou-vrage peut confier par contrat à un groupement de personnes de droit privé ou, pour les seuls ouvrages d’infrastructure, à une personne de droit privé, une mission portant à la fois sur l’établisse-ment des études et l’exécution des travaux, « lorsque des motifs d’ordre technique ou d’engagement contractuel sur un niveau d’amé-lioration de l’efficacité énergétique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage ». L’article 37 du CMP apporte notamment un éclai-rage quant aux motifs techniques susceptibles de conduire à confier à un même opérateur une mission de conception réalisation. L’article 69 fixe les règles de passation des mar-chés de conception-réalisation. L’article 73, issu de la réforme intervenue le 25 août 2011, insère dans la réglementation les marchés globaux de performance.

Une collectivité peut-elle recourir au BEA ou à la VEFA ?Dans un bail emphytéotique administratif (BEA - article L.1311-2) et dans une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA - article 1601-3 du Code civil), emphytéote et vendeur sont maîtres d’ou-vrage des travaux qu’ils réalisent. Le premier l’est pendant toute la durée de validité de son titre d’occupation (de 18 à 99 ans), constitutif de droit réel ; le second l’est jusqu’à la réception des tra-vaux qui marque l’achèvement de la transmission de la propriété du bien construit à l’acquéreur. Les deux techniques contractuelles sont à la dis-position des collectivités territoriales, mais la légalité du schéma est subordonnée, à grands traits, au fait que dans le cadre de l’un comme de l’autre des contrats, l’objectif ne peut être la réalisation d’un ouvrage destiné à être remis dans son intégralité à la collectivité et construit en fonction des besoins de cette collectivité (CE, 14 mai 2008, Communauté de communes de Millau-Grands Causses, req. n° 280370 ; CE, 24 février 1994, SA Sofap Marignan, Rec. 94).

Comment conclure le marché de maîtrise d’œuvre ?Entre 4 000 et 193 000 euros HT, les marchés de maî-trise d’œuvre sont passés au terme d’une procédure adaptée (article 28 du CMP). Si la procédure s’inspire du concours de MOE, notamment en termes de remise de prestations (une esquisse par exemple), cette remise de prestations doit impérativement don-ner lieu au versement d’une prime calculée selon les mêmes modalités que celles applicables au concours (article 74-II). Lorsque la valeur du marché atteint 90 000 euros HT, le pouvoir adjudicateur doit, tout en restant soumis à la procédure adaptée, publier un avis d’appel public à la concurrence au BOAMP ou dans un journal habilité à recevoir des annonces légales et sur son profil d’acheteur.Dès lors que son montant atteint 193 000 euros HT, le marché de maîtrise d’œuvre doit être conclu selon une procédure formalisée : le concours anonyme et restreint de maîtrise d’œuvre (article 74-II du CMP), organisée dans les conditions fixées à l’article 70 du Code, avec l’intervention à titre consultatif d’un jury de concours (question 17) et une obligation de rému-nération des candidats ayant remis des prestations.

Quel est le rôle d’un jury ?Le jury de concours de maîtrise d’œuvre est un organe collégial qui a un rôle purement consultatif. Il a vocation à intervenir dans le cadre des concours et toutes les procédures ayant pour objectif de sélec-tionner un maître d’œuvre (article 74 du CMP). Ses règles de composition résultent de l’application des dispositions des articles 24 (règles propres au jury) et 22 (règles propres à la CAO) du Code des mar-chés publics. Pour chaque procédure organisée par une collectivité, dans laquelle il doit intervenir, un jury de concours doit faire l’objet d’une désignation spécifique. Les élus doivent d’abord être désignés selon les mêmes règles que celles gouvernant la désignation des membres de la CAO. Puis vont s’ajouter à ces élus (3 ou 5 si la commune compte moins ou plus de 3 500 habitants), le président (l’exécutif local, le maire pour une commune ou son représentant) qui pourra convier au sein du jury des personnalités dont la participation présente un intérêt pour la consultation (par exemple, les utilisateurs du futur équipement, ou des financeurs), dans la limite de cinq et des personnalités présentant, le cas échéant, les mêmes qualifications que celles atten-dues des candidats (par exemple, des architectes).

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Concours anonyme Ce type de procé­dure se déroule en trois étapes : d’abord une sélec­tion (3 au minimum) de can­didats sur la base de critères pré­définis dans l’avis de concours ; ensuite, le choix d’un projet (le plus souvent une esquisse) ; enfin, une négociation avec l’auteur ou les auteurs du ou des projets lauréats afin de finaliser le contrat de maî­trise d’œuvre.

Person-nalitésLes personnalités qualifiées doivent représenter au moins le tiers des membres ayant voix délibérative. Or, comme dans un jury, les élus comme les person­nalités invitées ont voix délibératives, le tiers de person­nalités qualifiées s’apprécie tous membres élus ou désignés confondus (à l’exclusion, invi­tés potentiels, des agents de la collec­tivité, du comptable public et représen­tant du directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).

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VIII Le Courrier des maires l N° 251 l Novembre 2011

DE 20 À 37 LA MOA PUBLIQUE ET SES RELATIONS AVEC LES ETP

Quels sont les risques pour la MOA d’arrêter des choix techniques en lieu et place du MOE ?L’immixtion du maître d’ouvrage dans une opéra-tion de construction ne doit pas être fautive. Dans un tel cas, la sanction est réelle, bien que limitée : les constructeurs peuvent être exonérés, au moins en partie, de leurs responsabilités. Schématiquement, la faute du maître de l’ouvrage est reconnue par le juge administratif lorsqu’il a imposé un procédé de construction particulier et l’utilisation de son personnel et de son matériel (CE Sect. 21 octobre 1977, Monge et le Sénéchal, Rec. p. 400 ; CE, 21 novembre 1980, Delair, Rec. pp. 793, 795). Au demeurant, en toute logique, les choix tech-niques imposés par un maître d’ouvrage ne peuvent avoir d’incidences sur sa responsabilité que si le dommage est partiellement imputable au procédé lui-même, qu’il faut distinguer de sa mise en œuvre (CE, 26 février 1982, Monge, req. n° 12951).

Quelles sont les contraintes des marchés globaux ?Les maîtres d’ouvrage peuvent conclure des mar-chés globaux de travaux dits à « l’entreprise générale » (sur le contrôle opéré en la matière : CE, 11 août 2009, Communauté urbaine Nantes Métropole, req. n° 319949, mentionné dans les Tables du Recueil Lebon ; CE, 21 mai 2010, Com-mune d’Ajaccio, req. n° 333737, mentionné dans les Tables du Recueil Lebon). Au-delà des exceptions déjà mentionnées figu-rant à l’article 10 du Code des marchés publics, des contrats globaux de « construction-exploita-tion » sont possibles notamment s’ils s’inscrivent dans le cadre spécifique précédemment décrit introduit à l’article 73 du Code des marchés publics (contrats globaux de performances).

ATTENTIONAinsi qu’il est prescrit à l’article 10 du Code des mar-chés publics, ces contrats globaux de construction et d’exploitation ou maintenance devront clairement distinguer les prix afférents aux différents volets de la prestation et la rémunération des prestations d’exploitation ou de maintenance ne pourra en aucun cas contribuer au paiement de la construction.

Le CCAG Travaux est-il une norme impérative ?Dès que les parties contractantes incorporent les sti-pulations du cahier des clauses administratives générales (CCAG) dans leurs marchés, ce document acquiert une force contraignante à leur égard. Cepen-dant, si le CCAG Travaux existant ne convient pas aux collectivités locales contractantes, rien ne leur interdit d’élaborer leurs propres documents généraux ou de déroger à ceux qui leur sont proposés (CE, 14 décembre 1988, Assistance publique à Mar-seille, rec. Tables p. 900 ; art. 58 de la loi du 2 mars 1982 ; CE Sect. 6 déc. 1995, Départ. de l’Aveyron, req. nos 148964, 149403 ; concl. M. Fratacci).

A NOTERAux termes du CCAG Travaux, toute dérogation aux disposi-tions des CCTG et du CCAG qui ne serait pas clairement définie et, en outre, récapitulée comme telle dans le dernier article du CCAP est réputée non écrite. Certes la jurispru-dence ne sanctionne pas systématiquement de nullité le non-respect de cette obligation. Mais il reste de bonne administration de les présenter comme telles et de les réca-pituler dans le cahier des clauses particulières (art. 3.12 du CCAG Travaux).

CCAG anciens et nouveaux (travaux / PI) : comment choisir ?Il était devenu essentiel que le CCAG Travaux issu du décret du 21 janvier 1976, pour une bonne part obsolète, soit réformé, tout en préservant les grands schémas, et en respectant la jurisprudence. Le nouveau CCAG Travaux, que l’on baptise le plus souvent « CCAG 2010 », a été instauré par l’arrêté ministériel du 8 septembre 2009 portant approbation du CCAG Travaux. De la même manière, et pour les mêmes causes, le CCAG PI et le CCAG FCS ont également connu un récent toilettage.Si les marchés de travaux dont la consultation a été engagée, ou l’avis de publicité envoyé, avant l’entrée en vigueur de l’arrêté instaurant le nouveau CCAG demeurent régis, s’ils se réfèrent à un CCAG, par la version antérieure à l’arrêté du 8 septembre 2009, les parties peuvent tout aussi librement déclarer faire application de l’ancien CCAG, même postérieurement au 1er janvier 2010 (voir sur ce point la confirmation de Catherine Bergeal, DAJ du MINEFE, dans une interview parue sur www.achatpublic.com).

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Le Courrier des maires l N° 251 l Novembre 2011 IX

DE 20 À 37 LA MOA PUBLIQUE ET SES RELATIONS AVEC LES ETP

Le MOA doit-il notifier les OS aux entreprises ?En principe non. Une fois désigné, le maître d’œuvre est l’interlocuteur obligé et l’intermé-diaire financier de l’entrepreneur sur le chantier. En d’autres termes, il détient le pouvoir de direc-tion du marché ; à ce titre il appartient à lui seul, et non au maître de l’ouvrage, de notifier les ordres de service (OS), qui auront été signés par lui seul, cosignés par le maître d’ouvrage pour les plus importants.Les ordres de service sont écrits, signés par le maître d’œuvre, datés et numérotés. Ils sont adressés en deux exemplaires à l’entrepreneur ; celui-ci renvoie immédiatement au maître d’œuvre l’un des deux exemplaires après l’avoir signé et y avoir porté la date à laquelle il l’a reçu. Par principe, l’entrepreneur est tenu de se confor-mer strictement aux ordres de service qui lui sont notifiés, qu’ils aient ou non fait l’objet de réserves de sa part. A défaut, il se placerait en situation fautive. Pour préserver ses droits par rapport à un ordre de service qui lui est notifié, l’entrepreneur devra le signer « avec réserves » et expliciter celles-ci sous 15 jours (art. 2.5 du CCAG Travaux).

Peut-on payer directement un sous-traitant ?Saisi d’une demande en paiement direct, le maître de l’ouvrage doit mettre le titulaire du marché en demeure de lui faire la preuve, dans un délai de quinze jours, qu’il a opposé un refus motivé à son sous-traitant (art. 116 du CMP).A l’expiration du délai, au cas où le titulaire ne serait pas en mesure d’apporter cette preuve, la personne désignée au marché paie les sommes dues aux sous-traitants.Le montant de ces sommes ne peut excéder le montant des sommes restant dues à l’entre-preneur au titre des projets de décompte qu’il a présentés (art. 13-5 du CCAG Travaux).

A NOTERLe juge administratif a reconnu au maître de l’ouvrage la possibilité de refuser de payer le sous-traitant s’il estime que les prestations n’ont pas été exécutées de manière satisfaisante (CE, 28 avril 2000, Sté Peinture Normandie, req. n° 181604, publié au Recueil).

Quels sont les pouvoirs de modification du marché de travaux par le MOA ?Le pouvoir de modification unilatérale du contrat fait partie des « règles générales applicables aux contrats administratifs » (CE, 2 février 1983, Union transports publics, Rec. CE p. 33). Pour autant, il est largement aménagé, en particulier par les cahiers des clauses administratives générales inclus dans les marchés publics. Ainsi, par exemple, L’article 15-22 du CCAG Travaux autorise-t-il l’entre-preneur à refuser l’exécution des modifications dont le montant excéderait le dixième de la masse initiale des travaux. Par ailleurs, ainsi que le rappelle l’article 20 du Code des marchés publics un avenant au marché ne peut avoir pour effet de « bouleverser l’économie du mar-ché, ni en changer l’objet ». S’agissant en particulier des marchés dont la conclusion est soumise à publi-cité et mise en concurrence, le juge vérifiera que les modifications apportées au contrat ne conduisent pas une remise en cause de la mise en concurrence d’origine. Une exception est néanmoins prévue par le CMP, qui correspond à l’hypothèse des sujétions techniques imprévues extérieures aux parties.

Le MOA peut-il refuser de verser les acomptes ?L’article 91 du CMP dispose que les prestations dont l’exécution a commencé ouvrent droit à des acomptes. Ainsi, comme l’avance forfaitaire et à la différence de l’avance facultative, le versement d’un acompte par l’administration au titulaire d’un marché est une obligation pour la personne publique dès lors que les prestations prévues au marché ont commencé à être exécutées.Dans cette logique, le CCAG Travaux (article 48 du CCAG T 1976 et article 49.2 du CCAG T 2010) organise la possibilité pour le titulaire du marché de demander la résiliation du marché pour défaut de mandatement des acomptes. Lorsque trois acomptes mensuels successifs n’ont pas été mandatés, l’entrepreneur peut informer le maître d’ouvrage, trente jours après la date limite de mandatement du troisième acompte, de son intention d’interrompre les travaux au terme d’un délai de deux mois.

A NOTERNi les acomptes, ni les avances ne revêtent le caractère de paiements définitifs, si bien qu’ils constituent, une fois versés, des dettes du titulaire à l’égard de la personne publique.

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Délai de deux moisPendant ces deux mois, le maître d’ouvrage peut ordonner la pour­suite des travaux. Il s’expose alors à une majoration de 50 % des inté­rêts moratoires dus sur acomptes, en sus de l’éven­tuelle indemnité compensatoire qu’il pourra être amené à verser à l’entreprise. Si cet ordre n’intervient pas, l’entrepreneur pourra interrompre les travaux pendant un an puis deman­der la résiliation du marché aux torts du maître d’ouvrage si le mandatement des acomptes en retard n’est pas intervenu au cours de l’année d’interruption.

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X Le Courrier des maires l N° 251 l Novembre 2011

DE 20 À 37 LA MOA PUBLIQUE ET SES RELATIONS AVEC LES ETP

Qu’est-ce que la réception des ouvrages ?La réception des travaux est définie par l’ar-ticle 1792-6 alinéa 1 du Code civil comme « l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves », et est organisée, s’agissant des marchés publics de tra-vaux, par les dispositions de l’article 41 du CCAG Travaux dans ses versions de 1976 et de 2010. Cet acte de réception est précédé d’une phase dite « d’opérations préalables à la réception », au cours de laquelle le maître de l’ouvrage s’as-sure de l’exécution correcte des prestations prévues au marché, et le cas échéant, demande à l’entrepreneur un complément de travaux pour remédier à d’éventuels vices visibles. Ce dernier aspect est essentiel, dès lors que les vices réputés visibles lors de la réception ne seront pas couverts par les différentes garan-ties post-contractuelles, s’ils n’ont pas été relevés à ce stade.

Pourquoi ne faut-il pas « jouer » avec les dates de réception ?La date retenue pour la réception des ouvrages est d’une grande importance sur la suite des relations entre les parties au contrat. En effet, la réception des travaux marque, d’abord, la fin des relations contractuelles entre le maître d’ouvrage et son cocontractant. Elle opère, ensuite, le transfert de la garde de l’ouvrage et des risques correspon-dant au maître de l’ouvrage. Enfin, elle constitue le point de départ du règlement des obligations financières des parties et des différentes garanties post-contractuelles, à savoir, la garantie contrac-tuelle de parfait achèvement, la garantie de bon fonctionnement et la garantie décennale. Dans ce contexte, il faut bannir une pratique « dangereuse » et trop souvent usitée par certains maîtres d’ouvrage qui, constatant que la réception des ouvrages intervient tardivement par rapport au calendrier prévisionnel de travaux, lui donne un effet rétroactif. Ce procédé prive en réalité le maître de l’ouvrage d’un délai de garantie, pourtant précieux dans certains cas.

Comment réceptionner les ouvrages ?L’entrepreneur avise par écrit le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre de la date prévisionnelle d’achè-vement des travaux. Dans un délai de 20 jours, le maître d’œuvre est tenu de procéder aux opérations préalables à la réception. Une attention toute parti-culière doit être portée à la détection de l’ensemble des désordres apparents.Au terme des opérations préalables à la réception, le maître d’œuvre doit dresser un procès-verbal « sur le champ » (article 41.2). Dans les 5 jours suivant la signature du PV, le maître d’œuvre est tenu d’indi-quer à l’entrepreneur s’il a proposé au maître de l’ouvrage de prononcer la réception et, dans l’affirma-tive, la date d’achèvement des travaux qu’il a proposé de retenir ainsi que les réserves dont il a éventuelle-ment préconisé d’assortir la réception.Le maître de l’ouvrage dispose d’un délai de 45 jours à compter du PV, pour notifier à l’entrepreneur sa décision. A défaut de décision notifiée dans ce délai, les propositions du maître d’œuvre sont considérées comme acceptées (article 41.3 du CCAG Travaux). Dans l’hypothèse où le maître de l’ouvrage prononce expressément la réception, sa décision doit fixer la date retenue pour l’achèvement des travaux.

La réception peut-elle intervenir à l’insu du MOA ?Deux situations peuvent y conduire. En premier lieu, lorsque la personne publique fait preuve à ce sujet d’une inertie coupable, le constructeur peut, afin d’éviter une prolongation indéfinie de sa respon-sabilité contractuelle, saisir le juge du contrat, afin qu’il prononce lui-même la réception des travaux et en fixe la date (CE, 17 octobre 1986, Cne de Mareuil-sur-Arnon, req n° 35341, Rec. tables p. 614).En deuxième lieu, une « prise de possession » antici-pée de l’ouvrage par le maître de l’ouvrage, en principe autorisée qu’en cas d’urgence (article 4.8 du CCAG Travaux), est susceptible d’emporter récep-tion partielle de la partie d’ouvrage concernée, et, par suite, le déclenchement des délais de garanties post-contractuelles.Dans une telle situation, le juge recherchera les indices, qui, en l’absence de décision expresse, sont de nature à établir que les parties ont eu l’intention de réceptionner les travaux (CE, 11 février 1991, Département des Ardennes c/ MM Dupré et autres, Rec. tables, p. 1050 ; CE, 8 mars 2000, Régie immobi-lière de la ville de Paris ; CAA Paris, 23 nov. 2004, Société Bati Rénov, req. 00PA01338 ; CAA Paris, 23 nov. 2004, Société Bati Rénov, req. 00PA01338).

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Désordres apparentsS’ils n’ont pas été détectés à la réception, ces désordres, qui devront être signalés par des « réserves » à la réception ne seront pas couverts par la garantie décennale, qui n’est susceptible d’être mise en jeu que pour les désordres ayant pour cause des malfaçons non apparentes lors de la réception de l’ouvrage.

Procès- verbal L’établissement du PV des opéra­tions préalables à la réception constitue une étape importante, dès lors qu’à défaut d’avoir fixé la date d’achèvement des travaux dans la décision de réception expresse, la date retenue est celle de la signature du pro­cès­verbal (CE, 19 juin 1991, Cne de Charleville­Mézières c/ Sté « Scroth et Cie », req. n° 78977). Par ailleurs, le PV ouvre le délai dans lequel la décision de réception pro­prement dite doit être notifiée à l’entrepreneur.

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Le Courrier des maires l N° 251 l Novembre 2011 XI

DE 20 À 37 LA MOA PUBLIQUE ET SES RELATIONS AVEC LES ETP

Pourquoi émettre des réserves à la réception ?Les désordres ayant fait l’objet de réserves demeurent couverts par la garantie contractuelle aussi longtemps que celles-ci n’ont pas été levées. Et le point de départ des garanties post-contrac-tuelles pour ces parties d’ouvrages est différé jusqu’à la date à laquelle les travaux de reprise ou d’achèvement sont exécutés (CE, 21 février 1986, Sté Peinture et reconstruction, Rec. p. 44).Les désordres qui étaient apparents ou décelables au jour de la réception, mais qui n’ont pas fait l’objet de réserves ne sont pas couverts par les garanties post-contractuelles, qui couvrent seule-ment les désordres résultant de vices indécelables à la réception. Passée la réception, la responsabi-lité du constructeur ne peut plus être mise en jeu.Lorsqu’il prononce la réception avec réserves, le maître d’ouvrage doit fixer le délai imparti à l’en-trepreneur pour réaliser les travaux nécessaires. Ce délai ne peut excéder 3 mois (art. 41.5, CCAG).

A NOTERSi les réserves ne sont pas levées par le maître de l’ou-vrage, les obligations contractuelles de l’entrepreneur sont maintenues sur les parties d’ouvrage concernées.

Comment anticiper les contentieux avec les entreprises ?Que les difficultés proviennent de décisions du maître de l’ouvrage ou du maître d’œuvre, de l’exécution par l’entreprise, ou d’événements extérieurs, il est vivement conseillé de conserver une trace précise (donc bien souvent écrite) des événements et circonstances dans lesquels elles sont intervenues. Dans cet esprit, les réserves, les courriers d’infor-mation ou de précaution adressés au maître d’œuvre ou à un autre interlocuteur compétent devront susciter une réponse : accord, refus, demande de précisions, au fond, les circons-tances dicteront le sens de la réponse. Ce qui compte, en premier lieu, c’est de conserver la mémoire de l’événement, afin qu’il ne soit pas déformé quelques années plus tard.A cet égard, les comptes rendus de chantier constituent des éléments de preuve d’une grande valeur.

Comment établir le décompte général du marché ?C’est au titulaire du marché qu’il appartient de prendre l’initiative, après l’achèvement des tra-vaux, d’établir un projet de décompte final établissant les sommes auxquelles il peut prétendre (art. 13.31 CCAG-T ancien, art. 13.3.1 CCAG-T 2010). Le maître d’œuvre intègre le « décompte final » ainsi établi au projet de décompte général (art. 13.41).Ce projet de décompte général est adressé à la per-sonne responsable du marché (PRM).La PRM vise le projet qui devient alors officiellement le « décompte général » du marché, qui doit en prin-cipe être transmis au titulaire du marché, par ordre de service, avant la plus tardive des deux dates men-tionnées à l’article 13.42 :– 45 jours après la date de remise du projet de décompte final (délai ramené à un mois pour les tra-vaux dont l’exécution est inférieure à 3 mois) ;– 30 jours après la publication de l’index de référence permettant la révision du solde.

Quel est le rôle du MOE dans le règlement du marché ?Le maître d’œuvre doit examiner le projet transmis, l’accepter ou le rectifier et surtout le compléter par diverses opérations (dont la déduction des pénalités, et des avances, acomptes, l’actualisation, la TVA, la retenue de garantie, etc.) pour aboutir au projet de « décompte général » transmis au maître de l’ouvrage.Si le décompte a été établi d’office par le maître d’œuvre, il devra être notifié à l’entrepreneur avec le décompte général (art. 13.32 al. 4 A-CCAG-T, art. 13.4.1 N-CCAG-T). Sous le régime du CCAG-Tra-vaux 1976, c’est cette notification qui met fin, s’il y a lieu, à l’application des pénalités (art. 13.32, al. 5 CCAG T). Sur la base du décompte final et des autres documents financiers (art. 13.41 CCAG-T ancien, art. 13.4.1 CCAG-T nouveau), le maître d’œuvre établit ensuite le décompte général et le notifie à la « personne responsable du marché » ou au « représentant du pouvoir adjudicateur ».Le rôle joué par le maître d’œuvre est à ce stade déter-minant car le représentant du pouvoir adjudicateur aura tendance à s’en remettre à la compétence de son maître d’œuvre et donc accepter, tel qu’il lui est pré-senté, le projet de décompte général du marché, qui deviendra alors le décompte général.

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DélaiA défaut de délai fixé par le maître d’ouvrage dans sa décision, les tra­vaux nécessaires à la levée des réserves doivent être exécutés trois mois avant l’expira­tion du délai de garantie de parfait achèvement, soit, au plus tard 9 mois après la date d’ef­fet de la réception. Si les travaux ne sont pas réalisés dans les délais prescrits, le maître de l’ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques de l’entrepreneur (article 41.6 du CCAG Travaux).

Levée de réservesLorsque les travaux requis sont ache­vés, le maître de l’ouvrage doit pro­céder à la « levée » des réserves, conformément aux propositions du maître d’œuvre. Celle­ci prend la forme d’un pro­cès­verbal de levée de réserves, qui emporte en prin­cipe renonciation du maître de l’ou­vrage à rechercher la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur sur les points considérés.

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XII Le Courrier des maires l N° 251 l Novembre 2011

DE 38 À 50 LA GESTION DU CONTENTIEUX

Comment gérer les réclamations ?Aux termes de l’article 50.1.1 du CCAG Travaux 2010, l’entrepreneur est dans tous les cas tenu de remettre au représentant du pouvoir adju-dicateur un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations, une copie de ce mémoire étant adressée égale-ment au maître d’œuvre. Il appartiendra ensuite à la maîtrise d’ouvrage, après avis du maître d’œuvre, de notifier au titu-laire sa décision motivée dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date de récep-tion du mémoire en réclamation (article 50.1.2 du CCAG-T 2010). L’absence de proposition dans ce délai équivaut à un rejet de la demande de l’entrepreneur (article 50.1.3). Lorsqu’il n’accepte pas la proposition de la per-sonne responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande, le titulaire saisit le tribunal admi-nistratif compétent mais alors, et ce point est d’importance, il ne peut porter devant cette juri-diction que les chefs et motifs énoncés dans les mémoires en réclamation.

Quels sont les motifs de résiliation du marché de travaux ? Le pouvoir de résiliation unilatérale d’une convention moyennant indemnisation du cocon-tractant procède d’une « règle générale applicable aux contrats administratifs » (CE, Ass., 2 fév. 1987, Société TV6, rec. p. 29). Le motif d’intérêt général constitue un premier motif légitime de résiliation (abandon d’un projet, considérations liées à l’organisation ou au fonctionnement du service public, voire d’ordre financier). La résiliation du contrat peut ensuite être pronon-cée dès lors qu’une faute d’une particulière gravité est caractérisée dans son exécution (CE, 18 fév. 1983, Sté française du tunnel routier du Fréjus, Rec. CE tables 1983, p. 781). Le cocon-tractant n’a pas droit à une indemnité en cas de faute avérée dans l’exécution du contrat (CE, 8 nov. 1985, Entrep. Ozilou, rec. p. 317 ; CE, 20 janv. 1988, Société d’étude et de réalisation des applications du froid, rec. p. 29). Il revient même au cocontractant de supporter les éven-tuelles conséquences onéreuses de la résiliation.

Comment le décompte général devient-il définitif ?L’entrepreneur doit, dans le délai de 45 jours suivant la notification du décompte général (délai arrêté à 30 jours par le CCAG Travaux de 1976 lorsque le délai d’exécution ne dépassait pas 6 mois), le renvoyer au maître d’œuvre, revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer (art. 13-44 du CCAG-T 2010).Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties sauf en ce qui concerne le montant des intérêts mora-toires, ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché (art. 13.44 al.2).Le silence du titulaire vaut acceptation tacite : par-tant, faute pour le titulaire du marché de renvoyer au maître d’œuvre le décompte général signé ou de le contester dans les délais impartis, ce décompte est réputé être accepté par lui et devient ainsi le « décompte général et définitif » du marché (art. 13.45 CCAG-T ancien, art. 13.4.5 CCAG-T 2010). Par voie de conséquence, ce décompte ne peut plus être contesté ; il lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires afférents au solde (art. 13.44, al. 2 CCAG-T ancien, art. 13.4.4, al. 3 CCAG-T 2010).

Quels sont les effets du décompte général et définitif ?Outre le rôle qu’il peut jouer dans la détermination de la date à laquelle a pu intervenir une réception tacite (CE, 29 avril 1983, Société « Établissements Roure », req. n° 19.798, Rec. T. 784 ; CE, 16 nov. 1983, Le Meme, req. n° 22.284, Rec. T. 784 ; CAA Bordeaux, 6 nov. 1990, OPHLM de Millau, Rec. T. 866), le DGD fixe en principe le droit à paiement des parties et fait courir le délai des intérêts moratoires. Le DGD achève d’éteindre les obligations contrac-tuelles nées d’un marché public de travaux : en effet, si la réception met en principe fin aux rapports contractuels entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs pour ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage, elle reste toutefois sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché – à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires –, dont la détermination n’intervient définitivement qu’au stade de l’établisse-ment du solde du décompte définitif. (CAA Nancy, 31 déc. 1992, CCI de Lille-Roubaix-Tourcoing, Rec. 608 ; CE, 6 avril 2007, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer, req. nos 264.490 et 264.491).

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38Décompte générale et définitif (DGD) Le caractère défini­tif du décompte général, notifié par l’autorité res­ponsable au sein de l’administration maître de l’ouvrage et non contesté par le cocontrac­tant dans le délai et les formes requises, fait obstacle aux récla­mations ultérieures de l’entreprise mais également du maître de l’ou­vrage. En pratique, le juge rejette donc comme irrecevable toute demande de l’une des parties présentée alors que le décompte est devenu définitif (CAA Bordeaux, 15 novembre 2007, Centre hospitalier Esquirol, req. n° 04BX00162).

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Le Courrier des maires l N° 251 l Novembre 2011 XIII

DE 38 À 50 LA GESTION DU CONTENTIEUX

Quels sont les droits à indemnisation du titulaire en cas de résiliation pour motif d’intérêt général ?Le cocontractant a le droit d’être indemnisé pour la perte qu’il subit du fait des achats qu’il a pu faire, des investissements qu’il a réalisés et, à condition de démontrer qu’il aurait réalisé un bénéfice, il a aussi droit à la réparation du gain manqué. Par ailleurs, si les conditions de la résiliation ont été prévues entre les parties, et notamment les conditions d’indemnisation du cocontractant, le contrat administratif devra être régulièrement résilié dans les conditions qu’il prévoit. Sur ce dernier point, le Conseil d’Etat est venu préciser, dans un récent arrêt très commenté, que le prin-cipe général selon lequel la personne publique ne doit jamais payer ce qu’elle ne doit pas fait toutefois obstacle au paiement d’une indemnité contractuelle en cas de résiliation excédant mani-festement le montant du préjudice subi par son cocontractant du fait de la résiliation du contrat (CE, 4 mai 2011, CCI de Nîmes, req. 334280).

Peut-on appeler le MOE en garantie en cas de réclamation de l’entreprise ?En cas de difficultés relatives à l’exécution ou au règlement d’un marché de travaux, les entreprises titulaires rechercheront le plus souvent la responsabilité du maître de l’ouvrage, avec lequel elles sont, ou ont été, contractuelle-ment liées.Dans le cadre d’une telle instance, le juge admi-nistratif considère toutefois que le maître d’ouvrage est recevable à appeler en garantie le maître d’œuvre (CE, 17 mars 2010, Commune de Saint-Rémy-sur-Durolle, req. n° 319563 ; CE, 5 juillet 2010, Commune de Dijon, req. n° 314089). Dans ce cas, la répartition finale de la charge de la condamnation entre le maître de l’ouvrage et le maître d’œuvre s’opérera en proportion des fautes commises par chacun d’entre eux ou, en l’absence de toute faute, en fonction de leur degré de participation dans la survenance du dommage à réparer.

Quelles sont les conditions de mise en régie du marché ?La personne publique peut adopter à l’encontre de son cocontractant défaillant une sanction de type « coercitive », telle que la mise en régie provisoire de l’exécution du contrat.Le juge administratif contrôle les motifs et une indemnisation du cocontractant est due si la mesure se révèle injustifiée (CE, 28 avril 1976, Chambre des métiers de la Haute-Saône, Rec. Tables, p. 996).La mise en régie provisoire est une sanction provi-soire et maintient les relations contractuelles initiales liant la collectivité à son cocontractant (CE, 23 janvier 1981, Commune d’Aunay sur Odon et autres, Rec. p. 25).En pratique, le service est alors assuré aux frais et charges du titulaire.Pendant toute la durée de la régie, l’exploitant n’a plus droit à aucune rémunération. Il doit suppor-ter le montant des dépenses engagées par la personne publique. En revanche, la personne publique ne peut commander des prestations différentes de celles qui étaient prévues au contrat. La mise en régie cesse dès que le titulaire du contrat est à nouveau en mesure de remplir ses obligations.

Le MOA est-il limité dans l’application des pénalités de retard ?La personne publique peut, avant d’aboutir à une sanction plus radicale telle que la résiliation ou la mise en régie du marché, adopter une sanction pécuniaire : la personne publique met alors à la charge de son cocontractant des pénalités dont les conditions et modalités d’application sont en prin-cipe prévues par le contrat lui-même.Les pénalités de retard ont ainsi une portée incitative mais également réparatrice en ce qu’elles remplacent forfaitairement les dommages et intérêts dont la personne publique aurait pu solliciter le versement en réparation du préjudice causé par le retard dans l’exécution du marché. Depuis quelques années le juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, accepte de modérer ou d’augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s’inspire l’article 1152 du Code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché (CE, 29 déc. 2008, Office public d’habitations à loyer modéré Puteaux, req. n° 296930).

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Mise en régieCe pouvoir de l’administration existe même dans le silence du contrat (notam­ment : L.Richer, Droit des contrats administratifs, Ed. LGDJ, 5e éd., p. 263 ; CE, 6 mai 1985, OPHLM d’Avignon c/ M. Guichard, RDP 1985, p. 1706). En pratique, il est cependant fréquent que le contrat précise les moda­lités d’exercice de ce pouvoir et ses consé­quences, notam­ment financières.

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XIV Le Courrier des maires l N° 251 l Novembre 2011

DE 38 À 50 LA GESTION DU CONTENTIEUX

Qu’est-ce que la garantie décennale ?La garantie décennale a pour objet de « garantir », en principe pendant dix ans après la réception des ouvrages achevés, le maître de l’ouvrage pro-priétaire contre les conséquences des désordres qui pourraient résulter des vices de construction, non apparents au moment de la réception, en mettant la réparation de ces désordres à la charge des constructeurs, cocontractants du maître de l’ouvrage. Elle s’applique, d’une part, à tous les ouvrages – de bâtiment et de génie civil – lorsque les dommages compromettent sa « solidité ». D’autre part, aux éléments constitutifs ou aux éléments d’équipement de ces ouvrages lorsque les dommages qui les affectent les ren-dent « impropres à leur destination ». Elle ne s’applique pas aux désordres de peu d’importance.La garantie décennale ne peut jouer qu’après la réception des ouvrages. Les désordres connus et apparents lors de la réception des travaux ne peuvent engager la responsabilité décennale des constructeurs après cette réception si celle-ci n’a été assortie par le maître de l’ouvrage d’aucune réserve (art. 45 du CCAG-T ; art. 2270 Code civil).

Comment faire constater des malfaçons sur l’ouvrage ?Lorsque des malfaçons affectent l’ouvrage exécuté ou en cours de construction, il importe de faire établir, contradictoirement entre les parties, la preuve de leur existence, de leur étendue, de leur nature et, le cas échéant, de leur origine.A cet effet, il arrive fréquemment que la compa-gnie d’assurance du maître d’ouvrage fasse appel à son expert.Dans la mesure néanmoins où l’impartialité de cet homme de l’art risque d’être débattue par la suite, une mesure « d’expertise » ou de « constat » judiciaire peut être préférée par les parties.

Qu’est-ce que la garantie biennale ?La loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 a institué une garantie post-contractuelle de deux ans de bon fonc-tionnement au bénéfice de certains éléments d’équi-pement de bâtiment, codifiée aux articles 1792-3 et 2270 du Code civil. Le point de départ de la garantie court à compter de la réception de l’ouvrage achevé. Tous les constructeurs ainsi que le fabricant sont tenus à la garantie biennale.Le maître de l’ouvrage doit établir que le désordre est « imputable » au constructeur ou au fabricant respon-sable (CE, 14 mai 1990, Sté CGEE Alstom, rec. p. 124).Il a droit, non seulement à la réparation du préjudice résultant des désordres apparus avant l’expiration du délai de garantie, mais encore à celle du préjudice résultant des désordres qui se sont manifestés ulté-rieurement, à la seule condition qu’ils aient la même origine.

A NOTERSi le mauvais fonctionnement d’un élément d’équipement rend l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, le maître de l’ouvrage dispose d’un droit d’option entre la garantie biennale de bon fonctionnement et la garantie décennale (CE, 12 janvier 1983, Auffret et autres, rec. p. 160).

Qu’est-ce que la garantie de parfait achèvement ?Bien qu’intervenant après la réception de l’ouvrage, l’obligation de « parfait achèvement » est de nature contractuelle ; elle ne pèse que sur l’entrepreneur (CAA Bordeaux, 10 juin 1996, Sté Esmery-Caron, req. n° 94BX01527).Celui-ci doit remédier aux malfaçons ayant fait l’objet de réserves lors de la réception. Les dépenses correspondant aux travaux complé-mentaires prescrits par le maître de l’ouvrage ou le maître d’œuvre ne sont à la charge de l’entre-preneur que si la cause de ces déficiences lui est imputable. Le délai de garantie est, sauf stipulations différentes du marché et sauf prolongation décidée, d’un an à compter de la date d’effet de la réception, ou de six mois à compter de cette date si le marché ne concerne que des travaux d’entretien ou de terrassement. En cas de réception partielle de tranches de travaux, ouvrages ou parties d’ouvrages, le délai court, sauf stipulations contraires, à compter de la date d’effet de cette réception. A l’expiration du délai de garantie, l’entrepreneur est « dégagé de ses obligations contractuelles » (art. 44.1 al. 5 du CCAG Travaux).

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Désordres de peu d’importance S’ils ne compro­mettent pas la solidité de l’ou­vrage ou ne le rendent pas impropre à sa des­tination, ils ne sont pas susceptibles d’être couverts par la garantie décen­nale : désordres partiels, de simples traces d’humidité, des microfissures, le décollement de la peinture…

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Le Courrier des maires l N° 251 l Novembre 2011 XV

DE 38 À 50 LA GESTION DU CONTENTIEUX

Comment une expertise judiciaire se déroule-t-elle ?La partie demanderesse, qui sera fréquemment le maître de l’ouvrage, saisira, selon la nature du litige auquel le désordre constaté est suscep-tible d’aboutir, les juridictions administrative ou judiciaire compétentes d’une requête aux fins de désignation d’un expert.Si cette requête est acceptée, le tribunal compé-tent désignera l’expert de son choix aux fins de réaliser la mission d’expertise ordonnée, dans un délai déterminé.Des réunions d’expertise seront alors organisées par l’expert auxquelles l’ensemble des parties à l’expertise est tenu d’assister. L’expert désigné remettra au cours de l’expertise des « notes aux parties ». Les parties pourront quant à elles formuler des observations sur le déroulement de la mission d’expertise par la production de « dires » communiqués à l’expert et à l’ensemble des autres parties.Au terme de sa mission, l’expert rendra au tribu-nal un rapport synthétisant ses conclusions, qui sera communiqué aux différentes parties.

Faut-il souscrire une assurance dommage ouvrage ?En principe, tout maître d’ouvrage est tenu de la souscrire (article L.242.1 al. 1er du Code des assurances). Les maîtres d’ouvrage publics échappent pourtant largement à cette obligation. Au demeurant, un réel intérêt existe à souscrire dans certains cas une telle garantie eu égard à l’importance des travaux de bâtiment à réaliser.Ce choix sera dicté par trois paramètres :– la capacité financière du maître de l’ouvrage à réparer intégralement et rapidement le sinistre susceptible de survenir ;– les risques techniques présentés par les travaux envisagés ;– le coût de l’assurance, qui pose actuellement d’importantes difficultés aux opérateurs.

A NOTERL’assurance de dommages « prend effet après expiration du délai de garantie de parfait achèvement visé à l’ar-ticle 1792.6 du Code civil ». Avant l’expiration de ce dé-lai, le maître de l’ouvrage doit, dans un premier temps, demander directement à l’entrepreneur la réparation des dommages (art. L.242.1 du Code des assurances).

Quel est l’intérêt du référé constat par rapport au référé expertise ?Alors que l’expertise aura très souvent pour objet de déterminer les causes des désordres et l’ampleur du préjudice en résultant, le constat ne constitue qu’une « photographie » des malfaçons affectant l’ouvrage.Si le référé constat ne conduit qu’à une analyse superficielle de la situation à un instant donné, il présente néanmoins plusieurs avantages pratiques par rapport au référé expertise. En premier lieu, la mission de constat ne nécessite bien souvent qu’un seul déplacement sur les lieux, ce qui réduit le coût et les délais de la mission.En outre, dès lors que le constat n’a pas vocation, contrairement à la mission d’expertise, à déterminer l’origine et donc l’imputabilité à tel ou tel intervenant des désordres constatés, il permet à la maîtrise d’ouvrage, alors même que les travaux sont toujours en cours de réalisation, de pouvoir préserver la preuve de son préjudice tout en évitant de tendre les relations entre les parties, ce qui serait préjudi-ciable à la poursuite du chantier.

Quels sont les intérêts du référé provision ?La procédure de référé provision est régie par l’article R.541-1 du Code de justice administrative. Il est nécessaire – et par ailleurs suffisant, l’urgence n’étant notamment pas requise – que l’obligation poursuivie ne soit pas sérieusement contestable pour que le juge des référés accorde une provision au demandeur. Le montant des provisions allouables en référé n’est, en revanche, pas déterminé par les textes ; il n’a, en pratique, pas d’autre limite que « le montant non sérieusement contesté de la dette alléguée » (Cass. com., 20 janvier 1981). Toutefois, le juge du principal peut ne pas partager l’opinion du juge des référés qui a cru justifiée la demande de provision : il importe donc que cette dernière puisse, le cas échéant, être remboursée à la partie qui l’a versée. En pratique, le maître de l’ouvrage peut, sans attendre la décision du tribunal saisi sur le fond, faire réaliser les travaux nécessaires par une tierce entreprise et, parallèlement, tenter d’obtenir en référé une provi-sion qui lui permettrait de ne pas avancer la totalité des sommes nécessaires au financement desdits travaux et dont elle escompte le remboursement.

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ObligationSeuls les désordres de nature décen­nale sont soumis à l’obligation d’assurance. Sont donc visés les dommages qui compromettent la solidité des ouvrages, affectent les ouvrages dans l’un de leurs élé­ments constitutifs ou l’un de leurs éléments d’équi­pement, les rendant impropres à leur destination, affec­tent la solidité de l’un des équipe­ments indisso­ciables des ouvrages de viabi­lité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert (art. 1792.2 du Code civil).

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