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Le praticien en anesthésie réanimation© 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

rubrique pratique

Quelles sont les indications actuelles du MEOPA chez l’enfant : comment l’utiliser ?

Ricardo Carbajal

Correspondance :

Ricardo Carbajal, Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur, Hôpital d’enfants Armand Trousseau, 26, avenue du Dr Arnold Netter, 75012 [email protected]

a réalisation des actes diagnostiques et thérapeutiques doulou-reux chez l’enfant doit se faire sous couvert de médicamentspermettant d’obtenir une anxiolyse, une analgésie, une séda-

tion et un contrôle de l’activité motrice durant l’acte. Durant lesdernières 20 années, ces actes se sont multipliés, avec un nombrecroisant d‘indications et de lieux de réalisation (1). Ces gestes, stres-sants et douloureux, peuvent être réalisés aux urgences, en pédiatriegénérale, en réanimation, en oncologie ou dans divers services despécialité. Tous les soignants doivent s’attacher à prévenir et soulagerla douleur induite par ces actes. Le choix de l’agent analgésique doittenir compte du rapport bénéfice/risque selon chaque situation, et iln’est pas toujours aisé pour des gestes souvent assez douloureux maisrelativement brefs. Le mélange équimoléculaire de protoxyde d’azoteet d’oxygène (MEOPA) est, pour beaucoup d’auteurs, le médicamentqui se rapproche le plus de l’agent idéal dans ces circonstances :grande efficacité analgésique avec effet sédatif et anxiolytique, débutd’action rapide, durée d’action brève après la fin de l’administration,facilité d’administration et peu d’effets indésirables (2). Le mélange50/50 de protoxyde d’azote/oxygène est utilisé en dehors du blocopératoire dans plusieurs pays depuis les années 60. En France, sonutilisation remonte aux années 80 dans le transport médicalisé etdans les salles d’accouchement ; son emploi chez l’enfant date dudébut des années 90.

Historique

Le protoxyde d’azote a été synthétisé pour la première fois parPriestley en 1772 ; ses effets analgésiques furent notés dès 1800 par

L

Davy et utilisés en dentisterie à partir de 1844. En 1868, Andrewsproposa de mélanger le protoxyde d’azote à de l’oxygène, ce quipermit de prolonger l’administration de ce gaz. En 1881, Klikovichrapporta la première administration pour contrôle de la douleur aucours du travail obstétrical, puis pour celle de l’infarctus du myo-carde (2). Depuis la fin du

XIX

e

 siècle, le protoxyde d’azote est trèsutilisé en anesthésie et en dentisterie (3). Son emploi en dehors dubloc opératoire date du début des années 1960. En effet, en 1961,un mélange fixe 50/50 de protoxyde d’azote et d’oxygène a été pré-paré dans un même cylindre ; ce système introduisit le principe del’auto-administration par l’intermédiaire d’une valve auto-déclen-chée et il fut initialement utilisé pour les douleurs du travail del’accouchement (4). Depuis, de très nombreux travaux ont étépubliés sur l’utilisation du mélange protoxyde d’azote/oxygènedans différentes circonstances cliniques.

Propriétés physiques

Le protoxyde d’azote est incolore et quasiment inodore (5). LeMEOPA est stable au-dessus de – 13 °C à la pression de 170 bars etau-dessus de – 5 °C à la pression de 135 bars. À des températuresinférieures, le protoxyde d’azote se liquéfie et tombe au fond de labouteille. Elle doit alors être réchauffée avant d’être utilisée. Sanscette précaution, les premières inhalations risquent de contenirmoins de 50 % de protoxyde d’azote et les inhalations ultérieures plusde 50 %. En pratique, et pour des raisons de sécurité, il convient destocker les bouteilles à une température supérieure à 0 °C.

Propriétés pharmacologiques

L’utilisation du protoxyde d’azote à une concentration de 50 % nerentre pas dans le cadre de l’anesthésie car cette concentration estinsuffisante pour induire une anesthésie générale. La concentra-tion alvéolaire minimale dépasse 100 % à 1 atmosphère pour leprotoxyde d’azote (3) ; le MEOPA est donc loin de cette concentra-tion. Parbrook a décrit les niveaux d’analgésie du protoxyde

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d’azote. Il signale que la perte de conscience peut survenir lorsquela concentration du protoxyde d’azote est supérieure à 66 % (6).Ce gaz n’est pas métabolisé par l’organisme et il est éliminé telquel par les poumons. Ses effets en dehors du système nerveuxcentral sont minimes (5). Un début d’analgésie peut être noté àpartir de 20 secondes d’inhalation, mais le pic d’effet analgésiquesurvient entre 3 et 5 minutes. La fonction corticale est rapidementdiminuée et toutes les formes de sensation sont affectées. Ainsi,ce gaz induit une diminution de l’audition, du goût, de l’odorat,de même que de la sensibilité au toucher, à la chaleur, à la pres-sion, et à la douleur. Il engendre également une relaxation géné-rale, une anxiolyse, une amnésie et une euphorie.

Les fonctions sous-corticales sont très peu modifiées. Les réflexesde toux et de protection du larynx ne sont pas notablement altérés(5). Roberts et Wignall ont montré que des enfants sédatés avec duprotoxyde d’azote pour des soins dentaires maintenaient desréflexes laryngés intacts et ne présentaient pas d’inhalation laryn-gée lorsque l’on introduisait 10 ml d’un liquide radio-opaque surla langue pendant l’analgésie (7).

Mécanisme d’action

Le mode d’action analgésique du protoxyde d’azote n’est pasencore complètement connu, même si des études récentes ontpartiellement élucidé ce mécanisme. On a ainsi montré que le pro-toxyde d’azote avait un effet inhibiteur sur les récepteurs NMDAqui jouent un rôle important dans la transmission du messagenociceptif et de l’hypersensibilisation à la douleur (8, 9). Parailleurs, on a mis en évidence un effet stimulateur du protoxyded’azote sur les neurones dopaminergiques. L’ensemble des résul-tats récents a fait émettre l’hypothèse selon laquelle le protoxyded’azote entraînerait une libération d’opioïdes endogènes dans lasubstance grise périaqueducale ; ces opioïdes stimulent les voiesneuronales noradrénergiques descendantes, lesquelles à leur tourbloquent la transmission nociceptive en libérant de la noradréna-line sur les adrénorécepteurs alpha 2 de la corne dorsale de lamoelle épinière (8).

Études cliniques

Tout récemment, Krauss et Green ont décrit sommairement lesindications pour la sédation-analgésie lors des gestes réalisés chezles enfants (1). On distingue ainsi trois catégories : la traumatolo-gie mineure, les gestes instrumentés et les gestes d’imagerie dia-

gnostique. Un certain nombre des gestes ne nécessite pas l’admi-nistration de médicaments et peut être accompli avec un simplesoutien psychologique. Lorsqu’un médicament est nécessaire, on lechoisit en suivant un processus multifactoriel. Le MEOPA constitueune option de première ligne pour bon nombre de ces gestes. Leniveau d’analgésie obtenu avec le mélange protoxyde azote/oxygènevarie en fonction du geste réalisé et du patient. Les premièresétudes réalisées chez l’enfant ont été publiées dans les années 80.Griffin et coll. ont rapporté en 1983 une étude rétrospective surune période de 9 ans concernant environ 3 000 enfants quiavaient reçu des concentrations de protoxyde d’azote allant de 50à 66 % pour des gestes de petite chirurgie tels que sutures, fractures,ablation de verrues et de naevus, entre autres. Ces auteurs ontsignalé que la plupart des patients avaient présenté une diminu-tion de la douleur et de l’anxiété ; cependant, malgré le nombretrès important de patients, il était difficile d’en tirer des conclu-sions formelles, étant donné le caractère rétrospectif de ce travailet l’absence de critères précis d’évaluation de la douleur (10).Mais, depuis cette étude, plusieurs autres ont été publiées, englo-bant divers contextes cliniques.

Sutures de plaies et autres actes de petite chirurgie

La première étude prospective chez l’enfant traité en ambula-toire a été rapportée par Garmis et coll. en 1989 (11). Trente-quatre enfants devant être suturés ont été randomisés pourrecevoir soit un mélange de protoxyde d’azote (30)/oxygène(70), soit de l’oxygène à 100 %, suivi d’une infiltration locale delidocaïne. La douleur, évaluée à l’aide de l’échelle comportemen-tale CHEOPS, était inférieure dans le groupe recevant du pro-toxyde d’azote à 30 % par rapport à celle du groupe oxygène pur,mais la différence n’a été statistiquement significative que chezles enfants de plus de 8 ans. Il faut néanmoins signaler que lesconcentrations de protoxyde d’azote étaient faibles et que lessous-groupes comportaient peu d’enfants. Une autre étude pros-pective randomisée a montré que l’administration du mélangeprotoxyde d’azote/oxygène était plus efficace que le midazolampour calmer l’anxiété des enfants âgés de 2 à 6 ans lors de ferme-tures de plaies cutanées (12). Burton et coll. ont publié en 1998une étude prospective randomisée et en double aveugle mon-trant l’efficacité du mélange équimoléculaire de protoxyded’azote/oxygène pour diminuer la douleur et l’anxiété desenfants de 2 à 7 ans lors de la fermeture de plaies cutanées (13).En 2004, Burnweit et coll. ont rapporté une utilisation sûre etefficace du protoxyde d’azote (< 50 %) pour l’analgésie des gestesde petite chirurgie (excision de kystes/nævus, drainages d’abcès,etc.) réalisés en ambulatoire (14).

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Ponctions lombaires, myélogrammes

Une étude prospective française, ouverte, non randomisée, a étéréalisée chez 200 enfants recevant le mélange gazeux pour desponctions lombaires ou des myélogrammes. Une anesthésie localepar Emla

®

ou lidocaïne accompagnait l’administration de MEOPA.La douleur a été absente ou faible pour 78 % des ponctions lom-baires et 73 % des myélogrammes (15). Une très bonne analgésieet un effet anxiolytique du MEOPA ont été constatés lors de laréalisation d’actes invasifs chez 80 enfants hospitalisés dans unservice de neuropédiatrie ; 23 de ces patients étaient des poly-handicapés sévères, et 80 % des gestes étaient des ponctionslombaires (16).

Ponctions veineuses

Le MEOPA assure une bonne analgésie lors des ponctions veineuses(17), notamment en association à la crème Emla

®

(18). L’efficacitéanalgésique du MEOPA est même supérieure de 70 % par rapport àcelle de la crème Emla

®

chez des enfants âgés de 6 à 12 ans lorsd’une ponction veineuse (19). Chez des enfants de plus de 7 ans,une efficacité comparable de la crème Emla

®

et du MEOPA a étéretrouvée dans un autre travail (20) mais les enfants ayant reçu duMEOPA ont présenté moins de signes évocateurs de douleur queceux n’ayant reçu que de la crème Emla®. Par ailleurs, la combinai-son crème Emla®/MEOPA a été plus efficace que chacune desinterventions isolées (20). En fait, les réactions de douleur varienten fonction de l’âge de l’enfant. Ainsi, Gall et coll. ont rapporté demeilleurs résultats avec la crème Emla® qu’avec le MEOPA chez desenfants âgés de 1 à 4 ans (21). D’autres auteurs ont rapporté l’effi-cacité analgésique du MEOPA lors de ponctions veineuses chez desenfants en ambulatoire (22).

Réduction des fractures

L’efficacité du MEOPA dans ce contexte est moindre qu’au coursd’autres situations cliniques. Dans une série de 22 réductionsde fracture de l’enfant, essentiellement de l’avant-bras (23),19 enfants ont présenté une douleur minime ou modérée. Dansune autre étude, la douleur a été intense chez 46 % des enfants(24). Cette étude montre les limites du mélange gazeux pourcette indication orthopédique. Une autre étude avait rapportéune efficacité analgésique et amnésique comparable dumélange protoxyde d’azote/oxygène

versus

une injection intra-musculaire de mépéridine et prométhazine lors de la réductiondes fractures fermées chez l’enfant (25), mais les injectionsintramusculaires pour l’administration d’un analgésique sont àproscrire.

Fibroscopie bronchique

Dans une étude prospective randomisée, le mélange protoxyded’azote/oxygène s’est aussi avéré efficace, en complément d’uneprémédication et d’une anesthésie locale, pour réduire la douleuret l’anxiété induite par la réalisation d’une fibroscopie bronchique(26).

Biopsie rénale percutanée

Sur un collectif de 107 enfants âgés de plus de 3 ans (sauf 2), etayant subi une biopsie rénale percutanée, un protocole d’analgé-sie comportant le mélange équimoléculaire protoxyde d’azote/oxygène a été efficace dans 86,5 % des cas (27).

Ponction articulaire

L’emploi du MEOPA a donné des résultats intéressants lors d’uneinjection intra-articulaire de corticoïdes chez 55 enfants âgés deplus de 7 ans et souffrant d’une arthrite chronique juvénile idio-pathique (28).

Autres gestes

Le MEOPA a été utilisé efficacement pour soulager l’anxiété et ladouleur induites par l’examen otoscopique avec réalisation degestes invasifs mineurs (29), ainsi que par les injections des uro-graphies intraveineuses chez les garçons et les filles, et les cysto-graphies rétrogrades chez les filles (30). Il a également permis deréduire la douleur secondaire à l’administration intraveineuse depropofol chez l’enfant (31). En revanche, en ophtalmologie, Bhattet coll. ont montré que le MEOPA était inefficace pour soulager ladouleur et l’inconfort induits par l’injection d’un anesthésiquelocal sur les paupières en vue d’une petite chirurgie (32).

Expériences des équipes de pédiatrie

En pédiatrie générale, les principaux motifs d’utilisation sont lesponctions lombaires, les soins de brûlures, les ponctions veineuseset les fermetures de plaies (33). La douleur est absente ou trèsfaible dans 83,4 % des cas sous MEOPA. Dans une cohorte de90 enfants ayant reçu du protoxyde d’azote à des concentrationsde 50 à 70 % pour des ponctions lombaires, des ponctions de myélo-gramme et des réfections de pansements, une nette diminutiondes scores de stress a été constatée durant la réalisation des gestes(34). L’effet était plus net chez les enfants âgés de 6 ans et pluscomparés aux plus jeunes ; 65 % des enfants ne gardaient aucunsouvenir du geste. Cet effet amnésique est particulièrement utilepour éviter un traumatisme psychologique induit par le geste et

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faciliter la réalisation de gestes itératifs chez des enfants souffrantd’une maladie chronique telle qu’un cancer.Une vaste enquête française, prospective, multicentrique, concer-nant 1 019 enfants a montré que le MEOPA était utilisé commeanalgésique pour une grande variété de gestes douloureux (35).Les gestes les plus fréquents étaient les ponctions lombaires,l’aspiration de moelle osseuse et la suture de plaies. Pour l’ensembledes actes, l’évaluation de la douleur a montré une médiane (inter-quartile) de 9 (0-30) sur une échelle visuelle analogique allant de0 à 100. Globalement, le personnel soignant a été très satisfait ousatisfait de l’efficacité analgésique du mélange protoxyde d’azote,dans 88 % des cas. Quant aux enfants eux-mêmes, 93 % ont signaléqu’ils accepteraient le mélange gazeux comme analgésique si unnouveau geste devait être refait.

Indications

(5, 36)

Tout acte diagnostique ou thérapeutique douloureux qui nécessiteune analgésie de courte durée chez l’enfant est une indication poten-tielle du MEOPA. Il est tout particulièrement indiqué pour l’analgé-sie lors de l’aide médicale d’urgence, les ponctions lombaires, lesponctions de moelle osseuse, les ponctions veineuses chez l’enfantphobique ou ne pouvant pas bénéficier d’une analgésie de contact,les sutures superficielles (associé à une infiltration locale de lido-caïne), l’ablation des drains et des corps étrangers, les pansementsdes plaies et des brûlures peu étendues, l’ablation des drains trans-tympaniques, la fibroscopie bronchique, l’endoscopie gastrique, labiopsie rénale ou hépatique percutanée, le cathétérisme vésical, laréduction de hernie inguinale, entre autres.

Tout acte diagnostique ou thérapeutique douloureux qui nécessite une analgésie

de courte durée chez l’enfant est une indication potentielle pour l’utilisation du MEOPA

Le MEOPA utilisé seul est globalement efficace dans environ 80 %des cas. Certaines équipes de réanimation ou des unités de grandsbrûlés l’associent à de la morphine et/ou du midazolam pour amé-liorer l’acceptation de l’inhalation et son efficacité analgésique,quand les gestes sont particulièrement douloureux. S’il est vraique ces associations améliorent l’efficacité du MEOPA, elles aug-mentent également les effets secondaires. Le recours à ces asso-ciations doit être réservé aux équipes préparées à prendre encharge une dépression respiratoire.

Contre-indications

(37)

Le MEOPA est contre-indiqué en cas de traumatisme crâniennon évalué, d’altération de la conscience, d’hypertension intra-crânienne, d’embolie gazeuse, d’emphysème, devant un accidentde plongée, un traumatisme maxillofacial empêchant une étan-chéité entre le masque et la face, un pneumothorax non drainé ouune distension gastrique ou abdominale, car ces cavités peuventse distendre par diffusion rapide du protoxyde d’azote. Une tem-pérature ambiante < – 5 °C constitue aussi une contre-indication.

Effets indésirables

Ils sont rares et très rapidement réversibles après l’arrêt de l’inha-lation. Au cours de 7 511 administrations de MEOPA chez l’enfant,le temps moyen (SD) d’inhalation a été de 11 (6,6) min (38). Deseffets indésirables considérés comme majeurs (désaturation, obs-truction des voies aériennes, apnées, bradycardie ou perte ducontact verbal) ont été observés chez 25 (0,33 %) enfants. Tousces effets ont disparu à l’arrêt de l’inhalation du mélange gazeuxet aucun patient n’a nécessité d’intervention pour assurer le main-tien de la perméabilité des voies aériennes. Ces effets ont été plusfréquents chez les enfants de moins d’un an et lorsque le mélangegazeux était associé à du midazolam et de la morphine. L’adjonc-tion d’un seul de ces deux médicaments n’augmentait pas leseffets indésirables majeurs.

D’autres effets mineurs sont aussi possibles : paresthésies à typede picotements et fourmillements, nausées et vomissements necomportant pas de danger en raison de la préservation des réflexeslaryngés, excitation paradoxale semblable à celle observée avecd’autres produits sédatifs ou anxiolytiques. Il faut porter uneattention toute particulière à l’excitation induite par une analgé-sie insuffisante. On peut observer aussi une sensation de paniquechez quelques enfants qui se « sentent partir ».

Dans une étude, l’incidence des vomissements a été de 7,8 % tan-dis que 4,4 % des enfants ont présenté un état d’excitation et 2 %de dysphorie (34). Dans une autre, 6 % des enfants ont présentédes vomissements (12).

Sécurité des patients

Aucun accident grave n’a été rapporté malgré une très large utilisa-tion du MEOPA dans plusieurs pays. Dans l’étude rapportée par Griffinet coll., portant sur 3 000 enfants ayant reçu du protoxyde d’azote

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à des concentrations allant de 50 à 70 %, aucun effet indésirablemajeur n’a été rapporté (10), comme dans une autre série de7 511 administrations (38). Nous disposons actuellement en Franced’une très grande expérience sur des milliers d’enfants et, à ce jour,nous n’avons pas connaissance d’accidents graves dus à l’inhalationde MEOPA utilisé comme seul agent analgésique.

Modalités d’administration

(36)

La prescription du MEOPA est une prescription médicale nominative.

Équipement

– Le MEOPA se présente en bouteilles contenant 50 % de pro-toxyde d’azote et 50 % d’oxygène. Les bouteilles à 170 bars de5 litres (Kalinox

®

170) apportent 1,5 m

3

de gaz sous une pressionde 1 bar à 15 °C ; les bouteilles à 135 bars de 5 litres (Medimix

®

50) apportent 1,0 m

3

de gaz sous les mêmes conditions. Une bou-teille de 20 litres remplie à 170 bars apporte 6,0 m

3

de gaz sousune pression de 1 bar à 15 °C, et une bouteille de 15 litres à135 bars apporte 3,0 m

3

de gaz.

– Un manodétenteur permet la sortie du gaz soit vers une valvese déclenchant avec la respiration du patient lorsque l’inspira-tion atteint une pression négative de 2-3 cmH

2

O, soit vers unréservoir gonflable-dégonflable d’une capacité de 2 à 3 litres etmuni d’une valve anti-retour. Dans ce deuxième cas, on doitrégler avec un débitmètre la quantité de gaz qui doit remplir leréservoir.

– Un filtre anti-bactérien (à usage unique), doit être interposéentre la valve auto-déclenchante ou la valve anti-retour, selon lesystème utilisé, et le masque facial.

– Il faut disposer de masques faciaux de différentes tailles.

Administration du MEOPA

– Il faut toujours prendre le temps de convaincre l’enfant.

– Commencer toujours en expliquant à l’enfant et à ses parents lafinalité de l’administration du mélange gazeux. Cette explicationse voudra rassurante et mettra en exergue les effets analgésiquesque l’administration du gaz va procurer à l’enfant ; le prévenirqu’il ne dormira pas mais qu’il se sentira comme « dans un drôlede rêve ».

– Montrer ensuite le masque que l’enfant appliquera sur sonvisage et lui demander, si cela est disponible, de choisir un parfumparmi ceux qui existent dans le service ; il faut autoriser l’enfant

à manipuler, voire à jouer avec le masque avant de brancher le sys-tème d’inhalation.

– Ouvrir ensuite le robinet de la bouteille et vérifier la pression.

– Une erreur à éviter est de commencer une application du masqueet l’inhalation avec une bouteille fermée ou vide. Cette erreurpeut parfois passer inaperçue pour du personnel peu habitué à laméthode, quand on utilise une valve auto-déclenchante, maiselle est impossible lors de l’utilisation d’un réservoir, car celui-ciresterait dégonflé. Il ne faut jamais utiliser des réservoirs rigidesqui empêchent de s’assurer que leur remplissage est correct.

– Une personne doit s’occuper exclusivement de surveiller etd’aider à l’administration du MEOPA.

– Attendre au moins 3 minutes d’inhalation du MEOPA avant dedébuter le geste. En cas d’inefficacité totale au bout de 5 minutesd’inhalation, il faut savoir changer de moyen analgésique.

– À la fin de l’inhalation, fermer le robinet de la bouteille afind’éviter les fuites accidentelles.

Surveillance

Du personnel médical ou paramédical formé à l’utilisation dumélange protoxyde d’azote/oxygène doit assurer une sur-veillance continue de l’enfant durant l’acte. La surveillance esttout d’abord clinique et concerne l’état de conscience, la respi-ration et la coloration cutanée. En cas de perte de contact avecl’enfant, l’inhalation est interrompue. Il faut être vigilant en casde vomissements pour pouvoir placer l’enfant en position laté-rale de sécurité.

Conclusions

La douleur engendrée par les gestes invasifs est pour l’enfant unedes expériences les plus pénibles et insupportables au cours deson passage à l’hôpital. Les soignants doivent veiller, à toutmoment, à la prévention et au soulagement de cette douleur. LeMEOPA constitue une excellente solution pour l’analgésie des gesteslégèrement ou modérément douloureux, mais il ne doit pas êtreutilisé pour des gestes très algiques tels que la réduction d’unefracture complexe ou le drainage d’un abcès. Lorsqu’il s’avère inef-ficace au bout de 5 minutes, il faut savoir changer d’analgésique. LeMEOPA est d’une utilisation très simple et son administration esttrès sûre lorsqu’il n’est pas associé à d’autres médicaments. L’asso-ciation du MEOPA à d’autres médicaments tels que la morphine oule midazolam doit être réservée aux équipes de réanimation ou àcelles habituées à la prise en charge d’éventuelles dépressionsrespiratoires.

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