quelles rÈgles essentielles pour comprendre...

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Institutionnalisation de la disci- pline en France La discipline s'implante en France grâce à l'association de gymnastique de Merlebach (seul club affilié, à l'IFSA) qui alors sous l'impulsion de son président Mathieu Roz, permet à l'acro- sport français de s'élever au niveau international. En 1985, l'acrosport intègre la fédération française de trampoline et sports acrobatiques (FFTSA). Pour dynamiser la discipline, cette fédération organise les cham- pionnats du monde en 1986 et 1992. Dès lors, la discipline prend son essor. De jeunes pas- sionnés la développent au sein de clubs. Des centres d'entraîne- ment et le centre national de sports acrobatiques de Rennes voient le jour sous l'impulsion des disciplines voisines (le tram- poline et le tumbling). La médaille obtenue par un duo mas- culin (2) en coupe du monde à Sofia en 1989, atteste de ce déve- loppement. Sa reconnaissance comme discipline de haut niveau en 1994 par la commission natio- nale du sport de haut niveau (CNSHN) conforte sa place. L'acrosport est intégré depuis 1999 à la FIG qui s'occupe désor- mais de son organisation et sa promotion, relayée en France par la FFG. Codification de l'acrosport Le développement international des compétitions exige que soit établi un code de pointage (règle- ment). On passe ainsi d'une logique de recherche d'effets spectaculaires à une logique de conformation aux exigences du code de pointage. Ce dernier (3), est d'ailleurs en constante évolu- tion. Dans l'état des recherches actuelles sur l'émergeance de l'acrosport, nous voyons deux points de départ : l'un centré sur des activités de démonstration de force, de puissance et d'équilibre à effectif réduit et l'autre basé sur des pratiques de grand nombre organisées dans un esprit de cohésion sociale et de convivia- lité. C'est dans ce creuset qu'ap- paraît l'organisation sportive de l'acrosport. Cette activité, en constante évolution (figures tou- jours plus acrobatiques, interna- tionalisation des compétitions), devient de plus en plus populaire et riche à enseigner. Notes (1) Rencontres internationales regroupant des participants de tous âges qui réalisent des démonstrations gymniques et acroba- tiques collectives (de 10 à 300 gymnastes) sur fond de chorégraphie. (2) Yannick Le Longeais et Gilles Billard. (3) Voir pp. 20-24. QUELLES RÈGLES ESSENTIELLES POUR COMPRENDRE L'ACROSPORT ? Au travers d'une relecture des codes de pointages internationaux, l'enjeu consiste à identifier la logique de l'activité motrice des acrosportifs. Un jeune enseignant, confronté à la lecture du code de pointage international d'acrosport doit trier un nombre important d'in- formations de natures différentes. En effet, ce document définit à la fois les conditions de la réussite et du jugement et donne un inven- taire des savoir-faire techniques. Ainsi, le règlement est conçu pour permettre le travail des juges, mais aussi pour faciliter les choix pédagogiques et straté- giques des entraîneurs. Cet article a un double objectif : - présenter les règles essentielles qui organisent l'acrosport au niveau international ; - aider les intervenants à repérer les caractéristiques essentielles de l'activité nées des règles spéci- fiées par le code de pointage. LES FONDEMENTS DU CODE DE POINTAGE 2001 L'organisation internationale de l'acrosport donne lieu aux com- pétitions de référence suivantes : tournois, championnats d'Europe juniors et seniors, SAWAGG (sports acrobatics world age group games), coupes du monde, championnats du monde et jeux mondiaux. Ces compétitions sont régies par un règlement très pré- cis, défini par un code de poin- tage et des tables de difficulté. Bien que la réglementation inter- nationale soit appliquée stricto sensu à l'élite de chaque pays, il semble incontournable de l'ana- lyser afin de mieux appréhender la logique de l'activité ; l'enjeu, ici, étant d'être en capacité de décliner cette réglementation en vue de l'adapter à tous les niveaux et milieux de pratique. Les pratiquants Les types de formation Les formations autorisées en compétition (règlement FIG) sont limitées à deux, trois ou quatre gymnastes. Cinq types de forma- tions sont définis en fonction des sexes : les duos féminins, les duos masculins, les duos mixtes (un porteur et une voltigeuse uni- quement), les trios féminins, les quatuors masculins. Aucune autre combinaison n'est autori- sée. Cette organisation collective suppose une différenciation des rôles et des fonctions de chacun, impliquant une motricité spéci- fique à chaque statut. Ainsi, on distingue les porteurs (P), les vol- tigeurs (V) et les « semi » (semi- porteurs et semi-voltigeurs). Les catégories Elles sont établies en fonction de l'âge. En « junior », les parte- naires composant la formation doivent avoir entre 12 et 18 ans dans l'année civile de compéti- tion. La définition des limites d'âge a récemment subi des modifications et en subira de nou- velles prochainement. L'âge minimum de participation aux compétitions internationales en catégorie « senior » est passé de 13 à 14 ans en 2001, à 15 ans en 2003, il est programmé à 16 ans en 2007. Cette évolution entraîne une modification des pratiques acrobatiques liées essentielle- ment aux changements des mor- phologies des voltigeuses. L'aspect artistique des enchaîne- ments collectifs prend une impor- tance grandissante. Depuis l'ap- parition des SAWAGG, une autre catégorie a été créée pour les espoirs : les 11-16 ans. Elle a été conçue dans une optique de for- mation des acrosportifs (figures imposées et limitation du niveau 20 Revue EP.S n°305 Janvier-Février 2004 c. Editions EPS. 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Institutionnalisation de la disci­pline en France

La d i s c ip l i ne s ' i m p l a n t e en France grâce à l 'association de gymnastique de Merlebach (seul club affilié, à l'IFSA) qui alors sous l'impulsion de son président Mathieu Roz, permet à l 'acro­spor t f rançais de s ' é l eve r au niveau international. En 1985, l'acrosport intègre la fédération française de trampoline et sports a c r o b a t i q u e s ( F F T S A ) . Pour dynamiser la d isc ip l ine , cet te fédération organise les cham­pionnats du monde en 1986 et 1992. Dès lors, la d i sc ip l ine prend son essor. De jeunes pas­sionnés la développent au sein de clubs. Des centres d 'ent ra îne­ment et le cen t re na t iona l de sports acrobatiques de Rennes voient le jour sous l ' impulsion des disciplines voisines (le tram­po l ine et le t u m b l i n g ) . La médaille obtenue par un duo mas­culin (2) en coupe du monde à Sofia en 1989, atteste de ce déve­loppement. Sa reconnaissance

comme discipline de haut niveau en 1994 par la commission natio-nale du sport de haut n iveau ( C N S H N ) confor te sa p lace . L 'acrosport est intégré depuis 1999 à la FIG qui s'occupe désor­mais de son organisation et sa promotion, relayée en France par la FFG.

Codification de l'acrosport Le développement international des compétitions exige que soit établi un code de pointage (règle­men t ) . On passe ainsi d ' u n e logique de recherche d 'effets spectaculaires à une logique de conformation aux exigences du code de pointage. Ce dernier (3), est d'ailleurs en constante évolu­tion.

Dans l ' é t a t des r e c h e r c h e s actuelles sur l ' émergeance de l 'acrosport , nous voyons deux points de départ : l'un centré sur des activités de démonstration de force, de puissance et d'équilibre à effectif réduit et l'autre basé sur des pratiques de grand nombre o rgan i sées dans un espr i t de cohésion sociale et de convivia­lité. C'est dans ce creuset qu'ap­paraît l'organisation sportive de l ' ac rospor t . Cette act ivi té , en constante évolution (figures tou­jours plus acrobatiques, interna­tionalisation des compétitions), devient de plus en plus populaire et riche à enseigner.

Notes (1) Rencontres internationales regroupant des participants de tous âges qui réalisent des démonstrations gymniques et acroba­tiques collectives (de 10 à 300 gymnastes) sur fond de chorégraphie.

(2) Yannick Le Longeais et Gilles Billard.

(3) Voir pp. 20-24.

QUELLES RÈGLES ESSENTIELLES POUR COMPRENDRE L'ACROSPORT ? Au travers d'une relecture des codes de pointages internationaux, l'enjeu consiste à identifier la logique de l'activité motrice des acrosportifs.

Un jeune enseignant, confronté à la lecture du code de pointage in ternat ional d ' ac rospor t doit trier un nombre important d'in­formations de natures différentes. En effet, ce document définit à la fois les conditions de la réussite et du jugement et donne un inven­taire des savoir-faire techniques. Ains i , le règlement est conçu pour pe rme t t r e le t ravai l des juges, mais aussi pour faciliter les choix pédagogiques et straté­giques des entraîneurs. Cet article a un double objectif : - présenter les règles essentielles qui o rganisen t l ' a c rospor t au niveau international ; - aider les intervenants à repérer les caractéristiques essentielles de l'activité nées des règles spéci­fiées par le code de pointage.

LES FONDEMENTS DU CODE DE POINTAGE 2001

L'organisation internationale de l'acrosport donne lieu aux com­pétitions de référence suivantes : tournois, championnats d'Europe juniors et seniors, SAWAGG ( spor ts a c roba t i c s world age group games), coupes du monde, championnats du monde et jeux mondiaux. Ces compétitions sont régies par un règlement très pré­cis, défini par un code de poin­tage et des tables de difficulté. Bien que la réglementation inter­nationale soit appliquée stricto sensu à l'élite de chaque pays, il semble incontournable de l'ana­lyser afin de mieux appréhender la logique de l'activité ; l'enjeu, ici, étant d 'être en capacité de décliner cette réglementation en

vue de l'adapter à tous les niveaux et milieux de pratique.

Les pratiquants

Les types de formation Les format ions au to r i sées en compétition (règlement FIG) sont limitées à deux, trois ou quatre gymnastes. Cinq types de forma­tions sont définis en fonction des sexes : les duos féminins , les duos masculins, les duos mixtes (un porteur et une voltigeuse uni­quement), les trios féminins, les qua tuo r s m a s c u l i n s . A u c u n e autre combinaison n'est autori­sée. Cette organisation collective suppose une différenciation des rôles et des fonctions de chacun, impliquant une motricité spéci­fique à chaque statut. Ainsi, on distingue les porteurs (P), les vol­tigeurs (V) et les « semi » (semi-porteurs et semi-voltigeurs).

Les catégories Elles sont établies en fonction de l 'âge. En « junior », les parte­naires composant la formation doivent avoir entre 12 et 18 ans dans l'année civile de compéti­tion. La définition des limites d ' â g e a r é c e m m e n t subi des modifications et en subira de nou-vel les p r o c h a i n e m e n t . L ' â g e minimum de participation aux compétitions internationales en catégorie « senior » est passé de 13 à 14 ans en 2001, à 15 ans en 2003, il est programmé à 16 ans en 2007. Cette évolution entraîne une modification des pratiques acrobatiques liées essentiel le­ment aux changements des mor­phologies des voltigeuses. L'aspect artistique des enchaîne­ments collectifs prend une impor­tance grandissante. Depuis l 'ap­parition des SAWAGG, une autre ca tégor ie a été créée pour les espoirs : les 11-16 ans. Elle a été conçue dans une optique de for­mation des acrosportifs (figures imposées et limitation du niveau

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de difficulté présenté). La créa­tion d'une autre catégorie, les 12-19 ans, est actuellement en cours de discussion. La définition du type de forma­tion (nombre d'acrosportifs) et l'âge des pratiquants sont lar­gement influencés par des contraintes éthiques, scienti­fiques, culturelles et médiatiques. Ces paramètres agissent égale­ment sur les exigences de compo­sition des enchaînements.

Les exercices présentés en com­pétition Les formations doivent présenter des enchaînements en musique, d'une durée maximale de 2 min 30. Ces exercices sont réa­lisés sur un praticable de 12 mètres sur 12, identique à celui utilisé en gymnastique artis­tique. Les enchaînements com­prennent impérativement des pyramides, des éléments indivi­

duels de type gymniques, acroba­tiques et chorégraphiques et des liens chorégraphiques. Les pyramides Appelées aussi « éléments collec­tifs », elles constituent la spécifi­cité de cette discipline. Elles sont classées en deux catégories. Les pyramides statiques Elles se caractérisent par un contact permanent entre les parte­naires. Il s'agit essentiellement de postures à maintenir (au mini­mum 3 s) et d'éléments de transi­tion les reliant. Ces changements de position peuvent être effectués soit par le voltigeur, soit par le ou les porteur(s).

Les pyramides dynamiques Elles se caractérisent, elles, par un contact bref entre les parte­naires et un envol obligatoire. Dans les phases aériennes, le vol­tigeur peut réaliser toutes les formes de rotations (saltos

et vrilles) utilisant différentes formes de corps (groupé, carpé, tendu) à partir de positions variées. Les éléments de « rat­trape » (éléments dont la récep­tion se fait sur le ou les parte­naire(s) : debout, à l'ATR, etc.) constituent également la diffi­culté de ce travail. Cinq catégories sont définies. • De partenaire à partenaire (rat­traper). Exemple en trio : salto arrière tendu, départ et arrivée dans les mains des porteurs en prise carrée (1). • Du sol au partenaire (rattraper). Exemple en duo : chandelle départ du sol en prise rigodon (2), arrivée debout sur les épaules de P. • Du partenaire au sol (sortie). Exemple en duo : vrille arrière, départ dans les mains du porteur, arrivée au sol. • Du sol (élément dynamique) avec une aide brève du partenaire, arrivée au sol. Exemple en duo : rondade salto arrière, avec pous­sette de P à l'impulsion. • Idem à partir du partenaire (sor­tie). Toutes les pyramides dynamiques doivent montrer un contrôle à la réception, soit sur partenaire, soit au sol.

Les éléments individuels De type gymnique et acrobatique (rondade flip, souplesse avant, etc.) et chorégraphique (unique­ment pivots et sauts), les éléments individuels sont classés en deux

catégories : la catégorie 1 définie comme « statique » et la catégo­rie 2, « dynamique » (éléments de « tumbling », flips, saltos, etc.). Les liens chorégraphiques Ce sont tous les pas qui permet­tent de lier les éléments indivi­duels et collectifs entre eux. Trois types d'enchaînements L'exercice statique Il comprend uniquement des pyramides statiques et des élé­ments individuels de catégorie 1. Les qualités de force, d'équilibre, de souplesse et d'agilité doivent y être démontrées. L'exercice dynamique Il comprend uniquement des pyramides dynamiques et des élé­ments individuels de catégorie 2. Les éléments de tumbling et les séries comprenant des sauts et des saltos sont caractéristiques de ces derniers. L'exercice combiné Il comprend des pyramides sta­tiques et dynamiques et des élé­ments individuels de catégories 1 et 2. • Les exigences de composition de chacun des enchaînements (nombre de pyramides, de main­tiens minimum, de sorties maxi­mum, etc.) sont précisées dans le code de pointage.

LA NOTATION

L'évaluation des enchaînements collectifs d'acrosport est critériée

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EPS № 305 - JANVIER-FÉVRIER 2004 Revue EP.S n°305 Janvier-Février 2004 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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depuis plus de trente ans. Le règlement, qui initialement avait repris la logique des codes de pointage de la gymnastique artis­tique, a subi des transformations régulières. Comme dans les autres activités sportives, il donne un cadre rigide et définit le nombre de joueurs, l'espace de jeu (circonscrit à un praticable de gymnastique) et les droits des joueurs. Celles ou ceux qui mar­quent le plus de points gagnent. Comment marquer des points ? Trois grands domaines sont pris en compte pour déterminer la note finale : la difficulté, l'exécu­tion et l'artistique. Les exigences de difficulté et d'exécution sont fondamentales. En effet, si un collectif d'acrosportifs veut gagner une compétition, il doit exécuter davantage d'éléments techniques difficiles que les autres et/ou mieux maîtriser et organiser les difficultés tech­niques. Ces deux exigences dominent l'activité et la structu­rent.

La difficulté relative aux élé­ments collectifs et individuels Les valeurs en difficulté de chaque élément sont définies par le code de pointage FIG. Ainsi, en les additionnant les juges obtiennent un total correspondant à une note de difficulté pour l'exercice. Cette note est illimi­tée : plus un groupe présente d'éléments de haute difficulté, plus elle est élevée. Le code de pointage n'est pas seulement un outil d'évaluation, ses concepteurs veulent égale­ment en faire un outil pédago­gique. Les entraîneurs étudient les tables de difficulté pour orien­ter le travail de leur formation, à tous niveaux de pratique. Leur analyse permet de définir les positions de référence et les évo­lutions favorisées.

Exemples d'indicateurs pour la définition de la valeur de l'élément En statique, on tend vers plus dif­ficile si : - les positions sont plus instables (V sur un bras ou sur les pieds de P, etc.), - les positions sont plus renver­sées, - la hauteur d'évolution est plus importante. En dynamique, on tend vers plus difficile en augmentant :

- la quantité de rotations en salto et en vrille, - l'instabilité des positions de départ et d'arrivée. La logique de la règle relative à la difficulté Plus le collectif d'athlètes réalise d'acrobaties, plus il gagne de points. Il s'agit d'une logique additive. Cette exigence, propre aux activités acrobatiques, met en jeu leur intégrité physique (« ça peut faire mal ») et psychique (« ça peut faire peur »). Les ath­lètes sont tenus de « prendre des risques ». • L'esprit de cette règle a pour but d'encourager la présentation d'acrobaties complexes, ce qui conditionne l'avenir de la disci­pline. Sans cette exigence, l'acro­sport ressemblerait davantage à une chorégraphie proche de la danse, avec ou sans engins.

L'exécution relative à la maî­trise des éléments Les erreurs techniques (fautes de tenue du corps, déséquilibres, tremblements, chutes) sont déduites de la note de 10 points. La maîtrise quasi parfaite des élé­ments présentés est caractéris­tique du haut-niveau. La logique de la règle relative à l'exécution Pour les pratiquant(e)s, la capa­cité à réaliser des enchaînements collectifs avec facilité, grâce et aisance, prouve leur maîtrise technique. La tenue des équi­libres, l'amplitude des acrobaties, la qualité des formes de corps, la stabilité des réceptions, sont des indicateurs pertinents pour éva­luer cette aisance. C'est ce qui donne sens à l'esthétique gym­

nique. Ainsi les athlètes en com­pétition sont tenus de « contrôler les risques pris ». Les juges en apprécient le degré de maîtrise. Ils vérifient si ce qui est présenté est techniquement bien exécuté et maîtrisé. Chaque fois qu'une faute est identifiée, elle est péna­lisée. Il s'agit d'une logique sous-tractive. • L'esprit de cette règle a pour but d'encourager la maîtrise tech­nique en garantissant la sécurité des sportifs. Sans cette exigence, ils produiraient une grande quan­tité d'éléments sous des formes « anti-techniques », aboutissant à une pratique dangereuse de « sur­enchère acrobatique ». A cette étape, apparaît donc une unité contradictoire entre l'obli­gation de prendre des risques acrobatiques et l'exigence de maîtriser ces derniers. La note attribuée à l'issue d'un enchaîne­ment rapporte la façon dont le collectif a été capable de gérer cette contradiction.

La valeur artistique d'un exercice Elle relève des critères suivants : - la structure et la composition de l'enchaînement, - la chorégraphie et l'interpréta­tion musicale, - la présentation et l'allure géné­rale de l'enchaînement, - l'originalité et la créativité. Pour les fautes artistiques, des déductions sont faites de la note maximale de 5 points. Cette note a largement contribué à l'évolu­tion des chorégraphies. On observe ainsi un véritable travail de recherche et de précision dans l'exécution des enchaînements complets.

Contrairement à ce que l'on pour­rait croire, la note « artistique » est étroitement liée à la technique et donc aux deux autres critères de notation. Les exigences artis­tiques de composition conduisent à une grande variété de pyra­mides et de positions. A ce jour, seules quelques formations dans le monde se distinguent par l'expression artistique et sont en mesure de faire naître des émo­tions chez le spectateur. Cela s'explique en partie par l'arrivée récente de la notation « artistique » (2001), mais égale­ment par le lien très fort existant entre la difficulté, la maîtrise technique et « l'artistique ». La logique de la règle relative à l'artistique Il s'agit pour les pratiquant(e)s de respecter une alternance harmo­nieuse des éléments techniques et chorégraphiques, de coordonner la prestation avec la musique et enfin d'être originaux et créatifs. • Cette règle a donc pour but de développer la dimension specta­culaire de l'activité. La musique, la danse et l'acrobatie sont les ingrédients qui permettraient conjointement l'expression d'émotions dramatiques. Cette règle encourage une plus grande variété de productions.

La note du jury Dans le cadre de la pratique fédé­rale de l'acrosport, la note finale se calcule de la façon suivante : • note finale = note moyenne à l'exécution (sur 10 points), + note moyenne à l'artistique (sur 5 points), + note de difficulté (illimitée), - pénalités éventuelles du juge arbitre. Les stratégies induites par le règlement Actuellement, le fossé existant entre les quatre ou cinq nations phares (Russie, Chine, Ukraine, Grande-Bretagne, etc.) et les autres provient des différences de note de difficulté. En effet, la maîtrise technique est telle qu'elle ne permet plus au haut niveau de différencier les groupes. De fait, tous les spécia­listes contrôlent les éléments techniques qu'ils présentent. Ils ne se mettent pas en danger, ils exécutent ce qu'ils savent déjà faire. C'est la difficulté qui fait la différence : pour gagner, les acro-

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sportifs doivent rivaliser en prouesses acrobatiques. • Dans cette logique de construc­tion des difficultés, le mode d'en­trée privilégié de la discipline est essentiellement acrobatique, à l'inverse d'autres disciplines dont la partie expressive est favorisée comme la danse ou la gymnas­tique rythmique (voir encadré ci-dessous). Ainsi, dans les premiers niveaux de pratique, il apparaît avec évi­dence que la maîtrise des élé­ments doit permettre la construc­tion progressive de l'acrobatie. En d'autres termes, la construc­tion d'une motricité plus aérienne, plus tournée et plus ren­versée doit avant tout s'appuyer sur une technique maîtrisée avant de pouvoir faire place à une aug­mentation du niveau de difficulté.

LES RÔLES SOCIAUX

Leur distinction permet d'une part, de finaliser les apprentis­sages et d'autre part, à ce « jeu sportif » de se dérouler dans de bonnes conditions.

Les juges Responsabilités Ils ont pour mission d'établir une hiérarchie entre les concurrents en attribuant une note de perfor­mance dans le respect des exi­gences du règlement. Ils sont les garants de l'égalité des chances et de la sécurité des participants. Le code de pointage définit des res­ponsabilités particulières en fonction du rôle assumé par le juge : juge arbitre, juge à la diffi­culté, juge à l'exécution ou juge à l'artistique. Les juges évaluent donc dans un domaine particulier l'ensemble des partenaires. Par exemple, le tremblement d'une pyramide est pénalisé par le juge à l'exécution pour la formation complète. Il n'est pas possible, sauf à avoir un regard de techni­cien et d'entraîneur particulière­ment aguerri, de définir si le tremblement provient de l'un ou l'autre des partenaires. La spécia­lisation des juges se fait par sec­teur et non par individu.

Composition et rôle du jury en compétition : Un juge arbitre doit : - contrôler avec l'aide du juge à la difficulté les cartes de compé­tition avant le début de la compé­tition ;

- mettre en place la réunion du jury avant le début de la compéti­tion ; - organiser son jury et contrôler le travail des juges ; - contrôler l'entrée et la sortie des juges de la salle de compétition ; - donner aux gymnastes le signal de départ de chaque exercice ; - contrôler les écarts de notes ; - contrôler la difficulté de l'exer­cice avec le juge de difficulté ; - indiquer les pénalités spéci­fiques et les déduire de la somme de la note d'exécution, la note artistique et la note de difficulté ;

- donner au jury des indications précises concernant les fautes majeures. Un juge à la difficulté doit : - assister le juge arbitre pour le contrôle des cartes de compétition ; - en collaboration avec le juge arbitre, contrôler la durée des élé­ments de maintien (fautes de temps) ; - contrôler la réalisation des élé­ments collectifs et individuels ; - pendant la compétition, vérifier que toutes les exigences spéci­fiques sont bien respectées ;

- contrôler le total et la note de difficulté ; - afficher la note de difficulté. Trois ou quatre juges à l'exécu­tion et à l'artistique doivent : - suivre les instructions du juge arbitre et les recommandations faites au cours de la réunion du jury ; - évaluer (noter) les exercices conformément au règlement de compétition ; - à partir de la note de 10 en exé­cution, de 5 en artistique, et tenant compte des indications du juge arbitre, calculer la note après déduction des fautes techniques et artistiques ; - au signal du juge arbitre, affi­cher la note ; - pendant la compétition, ne pas converser avec les spectateurs, les entraîneurs ou les compétiteurs ; - participer au contrôle des cartes de compétition ; - rester courtois envers les com­pétiteurs et les entraîneurs ; - respecter le règlement sous peine d'être relevés de leurs fonc­tions.

Les autres acteurs Les acrosportifs Droits et devoirs Le code de pointage définit les droits des compétiteurs (par exemple, les conditions de l'échauffement) et leurs devoirs (respect du règlement, comporte­ment, etc.). Ils ont pour mission de présenter un enchaînement techniquement difficile, contrôlé et artistiquement élaboré. Distinction des rôles Les partenaires respectent les rôles de porteur, de voltigeur et de « semi ». Ils ont aussi la res­ponsabilité de l'aide et de la parade, s'inscrivant dans la logique de construction et de déconstruction des acrobaties collectives (les pyramides). La confrontation indirecte avec les adversaires induit des straté­gies particulières.

Les entraîneurs, les enseignants Ils ont pour mission de guider et d'aider à la préparation des enchaînements d'acrobaties col­lectives. Le plus souvent, ce sont eux qui choisissent les stratégies à développer en fonction des enjeux. Le code de pointage demande que les entraîneurs rem-

L'acrobatie en acrosport L'acrobatie, souvent limitée dans ses définitions aux rotations aériennes du corps dans l'espace, mérite d'être à nouveau précisée au regard de la dis­cipline acrosport.

L'acrobatie, constitutive des élé­ments individuels et collectifs (pyra­mides statiques et dynamiques) Elle se caractérise par une diversité des appuis, qui correspondent à la mul­tiplicité des zones de contact entre les partenaires (mains/mains, pieds/ mains, etc.). Toutes les parties du corps sont des zones de contact poten­tielles et peuvent servir de point d'ap­pui pour la réalisation des acrobaties : ventre, dos, tête, épaules, cuisses, etc. La référence aux zones de contact renvoie à la spécificité de la dimension collective en acrosport : le rôle des par­tenaires et l'importance de la synchro­nisation des actions, La recherche de hauteur, de renversements, d'appuis manuels, d'équilibres complexes, de rotations, de rattrapes, etc., constituent les composantes de la difficulté.

La finalité de l'acrosport Elle consiste à faire apprécier un enchaînement par des juges et des spectateurs. Au travers de la notation des exercices (note d'exécution, artis­tique et de difficulté), l'acrobatie en

acrosport s'exprime sous ses multiples facettes. Dans un enchaînement, il s'agit d'augmenter le niveau de diffi­culté au travers d'une réalisation maî­trisée et contrôlée. La notion de « maî­trise du risque » est un aspect fondamental de la discipline.

La définition de l'acrobatie Il s'agit d'une adaptation de la définition de George Rivoal (3) : « Faire de l'acrobatie, c'est : - se mouvoir dans l'espace en remet­tant en cause de manière fondamen­tale son équilibre de terrien défini comme la conservation d'un équilibre vertical, tête en haut ; - utiliser par alternance ou simultané­ment des appuis divers (pieds, mains, ventre, dos, fessiers, tête, cuisses, épaules, etc.) ; - pour s'élever à partir d'un support rigide, semi-élastique, élastique ou humain ; - afin de multiplier et diversifier les posi­tions d'équilibres instables, de départ, d'arrivée et les rotations du corps dans l'espace ; - dans une perspective esthétique et artistique ; - afin d'être vu et apprécié (jugé) et de faire naître si possible une émotion chez l'observateur ».

EPS № 305 - JANVIER-FÉVRIER 2004 23 Revue EP.S n°305 Janvier-Février 2004 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé