quel type de prélèvement diagnostique et pré-thérapeutique choisir et pour quel patient ?

3
Annales de pathologie (2010) 30S, S64—S66 SYMPOSIUM Quel type de prélèvement diagnostique et pré-thérapeutique choisir et pour quel patient ? Sabine Marco, Fabrice Barlesi Service d’oncologie multidisciplinaire et innovations thérapeutiques, Inserm U911, hôpital Nord, Assistance publique—Hôpitaux de Marseille, université de la Méditerranée, chemin des Bourrely, 13915 Marseille cedex 20, France Accepté pour publication le 25 juillet 2010 Disponible sur Internet le 15 septembre 2010 La réalisation d’un prélèvement pré-thérapeutique à visée anatomopathologique répond schématiquement à deux exigences en oncologie thoracique, soit la nécessité d’un bilan d’extension précis (lésion secondaire unique, staging ganglionnaire, etc) afin de guider la stratégie (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie), soit la nécessité d’un phénotypage (type histologique) et d’un génotypage (anomalies moléculaires) précis, afin de guider le traitement pour le choix des drogues de chimiothérapie ou d’une thérapie ciblée. Dans le premier cas, la réponse attendue est souvent binaire, présence versus absence de cellules tumorales, et l’enjeu est de choisir la technique la plus précise avec la morbi- dité, et éventuellement le coût, les plus faibles. Dans une certaine mesure, un prélèvement purement cytologique est alors suffisant. Les tableaux suivants résument les performances diagnostiques des prélèvements pul- monaires (Tableau 1) [1] et médiastinaux (Tableau 2) [2,3] et donc permettent d’approcher la capacité des différentes techniques à obtenir du matériel tumoral, au moins cytologique. Dans le second cas, la réponse attendue doit être précise. En effet, le traitement indi- vidualisé des cancers bronchiques n’est plus un idéal mais une réalité. Même si nous n’en sommes qu’aux prémices, chaque malade présentant un cancer bronchique non à petites cellules doit bénéficier, d’un typage histologique précis du fait des restrictions d’AMM pour certaines chimiothérapies, [4] et au minimum, d’une recherche de mutations de l’EGFR, voire dans un proche avenir, d’une évaluation de plusieurs bio-marqueurs, mutation de K-RAS, mutation d’HER2, mutation de B-Raf, translocation ELM4-ALK, etc. En effet, le traitement individualisé des cancers bronchiques non à petites cellules de stade IV, par gefitinib ou l’erlotinib en cas de présence de mutations activatrices de l’EGFR, [5] ou par crizotinib en cas de translocation ELM4-ALK, [6] est associé à une efficacité supérieure par comparaison à un traitement par chimiothérapie standard. Symposium présenté le mardi 23 novembre 2010, de 14 h 30 à 16 h 30 dans le grand amphithéâtre. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Barlesi). 0242-6498/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2010.07.035

Upload: fabrice

Post on 03-Jan-2017

212 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Quel type de prélèvement diagnostique et pré-thérapeutique choisir et pour quel patient ?

A

S

Qp

0d

nnales de pathologie (2010) 30S, S64—S66

YMPOSIUM

uel type de prélèvement diagnostique etré-thérapeutique choisir et pour quel patient ?�

Sabine Marco, Fabrice Barlesi ∗

Service d’oncologie multidisciplinaire et innovations thérapeutiques, Inserm U911,hôpital Nord, Assistance publique—Hôpitaux de Marseille, université de la Méditerranée,chemin des Bourrely, 13915 Marseille cedex 20, France

Accepté pour publication le 25 juillet 2010Disponible sur Internet le 15 septembre 2010

La réalisation d’un prélèvement pré-thérapeutique à visée anatomopathologique répondschématiquement à deux exigences en oncologie thoracique, soit la nécessité d’un biland’extension précis (lésion secondaire unique, staging ganglionnaire, etc) afin de guider lastratégie (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie), soit la nécessité d’un phénotypage(type histologique) et d’un génotypage (anomalies moléculaires) précis, afin de guider letraitement pour le choix des drogues de chimiothérapie ou d’une thérapie ciblée.

Dans le premier cas, la réponse attendue est souvent binaire, présence versus absencede cellules tumorales, et l’enjeu est de choisir la technique la plus précise avec la morbi-dité, et éventuellement le coût, les plus faibles. Dans une certaine mesure, un prélèvementpurement cytologique est alors suffisant.

Les tableaux suivants résument les performances diagnostiques des prélèvements pul-monaires (Tableau 1) [1] et médiastinaux (Tableau 2) [2,3] et donc permettent d’approcherla capacité des différentes techniques à obtenir du matériel tumoral, au moins cytologique.

Dans le second cas, la réponse attendue doit être précise. En effet, le traitement indi-vidualisé des cancers bronchiques n’est plus un idéal mais une réalité. Même si nous n’ensommes qu’aux prémices, chaque malade présentant un cancer bronchique non à petitescellules doit bénéficier, d’un typage histologique précis du fait des restrictions d’AMM pourcertaines chimiothérapies, [4] et au minimum, d’une recherche de mutations de l’EGFR,voire dans un proche avenir, d’une évaluation de plusieurs bio-marqueurs, mutation deK-RAS, mutation d’HER2, mutation de B-Raf, translocation ELM4-ALK, etc. En effet, letraitement individualisé des cancers bronchiques non à petites cellules de stade IV, pargefitinib ou l’erlotinib en cas de présence de mutations activatrices de l’EGFR, [5] ou parcrizotinib en cas de translocation ELM4-ALK, [6] est associé à une efficacité supérieure parcomparaison à un traitement par chimiothérapie standard.

� Symposium présenté le mardi 23 novembre 2010, de 14 h 30 à 16 h 30 dans le grand amphithéâtre.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (F. Barlesi).

242-6498/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.annpat.2010.07.035

Page 2: Quel type de prélèvement diagnostique et pré-thérapeutique choisir et pour quel patient ?

Quel type de prélèvement diagnostique et pré-thérapeutique choisir et pour quel patient ? S65Tableau 1

Type de prélèvement Sensibilité (extrêmes), % Sensibilité globale, %

Lésions broncho-pulmonaires centralesBiopsies multiples (3—5) 48—97

8099

a diffi

96 (1

8, 9

8, 9

n

ispon

Lésions broncho-pulmonaires périphériquesBiopsies transbronchiques 17—Ponction transthoracique sous TDM 69—

Tableau 2

Technique Sitesa

privilégiésSites

Vidéo-Médiastinoscopie axiale 1, 2, 3, 4, 7 5, 8,Ponctions trans-œsophagiennes

écho-guidées (histologiques,20 gauges)

5, 7, 8, 9 2, 4,

Ponction trans-muqueuses(Wang) (histologiques,19 gauges)

7, 4, 10 et 11 5, 6,

Ponction trans-muqueusesécho-guidées (cytologiques,22 gauges)

2, 4, 7, hiles(10 et 11) et 3

5, 6,

Médiastinotomie (Chamberlain) 5, 6 -Vidéochirurgie Tous Aucu

a UICC classification ; Se :, sensibilité ; Sp : spécificité ; ND : non d

Dans ce contexte, deux questions se posent alors, avecd’abord quelle lésion prélever pour réaliser ces analyses bio-logiques et ensuite, quelle technique utiliser au regard descontraintes imposées par les techniques d’analyses ?

Quelle lésion prélever ?

Si l’on considère que le génotype tumoral est le mêmeentre la tumeur primitive et ses métastases, quel que soitleur moment de survenue, alors la lésion la plus accessibleet la procédure la moins risquée devraient être choisies.

Néanmoins, 20 à 30 % de discordances sur la présence demutations de l’EGFR et de K-RAS, par exemple, ont étérapportés entre la tumeur et ses métastases, [7] avec desdiscordances plus importantes lors de métastases méta-chrones que synchrones, [8] suggérant clairement que legénotype tumoral évolue avec le temps. En conséquence, legénotype d’une nouvelle lésion métastatique ou d’une lésionprésentant une modification radiologique récente repré-sente probablement le génotype prédominant ou le plusagressif de la maladie et donc celui qui doit être évaluéafin de déterminer la ou les cible(s) contre les quelles letraitement oncologique doit être dirigé.

Quelle technique utiliser ?

Plusieurs techniques sont possibles, chirurgicale, radiolo-gique, [9] ou endoscopique, avec des contraintes d’accès etune expertise des opérateurs variables d’un centre à l’autre.Pourtant, quelle que soit la technique utilisée, les exigencesvis-à-vis du prélèvement réalisé sont multiples, avec :• contrôle diagnostique et contrôle qualité permettant

de s’assurer de la présence de cellules tumorales etdu pourcentage de celles-ci sur la lame. Un ratio cel-lules tumorales/cellules totales de 60 % est suggéré

74

5790

ciles Morbidité, % Mortalité, % Se, % Sp, %

2 0,08 90 1000, 11, 12) 0,2 0 84 99,5

0 0 78 100

ND 0 98 100

ND ND 87 1002 0 50—100 100

ible.

comme étant optimal [10]. Les techniques de microdis-section permettent de s’affranchir partiellement de cettecontrainte ;

• confirmation du diagnostic histologique, dont la difficulténotamment sur des prélèvements uniquement cytolo-giques [11] et la faible reproductibilité [12] y compris surdes pièces opératoires, sont démontrées ;

• immunohistochimie (EGFR) : une lame minimum par anti-corps, les techniques de tissue micro-array permettentnéanmoins une économie de matériel pathologique ;

• FISH ou CISH (EGFR, HER2, EML4-ALK) : une lame minimumpar anticorps ;

• extraction d’ADN pour séquencage (EGFR, KRAS, BRAF) :une lame minimum ;

• duplication des analyses (confirmation d’un résultat, par-ticipation du malade à un essai clinique ou un programmede recherche translationnelle, etc) : n lames.

Au total, la réalisation de l’ensemble des analyses peutêtre rendue difficile ou impossible du fait de la dimi-nution régulière du tissu tumoral disponible au fur et àmesure des analyses, avec parfois un épuisement du bloctumoral. Choisir une technique qui permette d’avoir àdisposition le maximum de matériel tumoral est donc impor-tant. Il n’existe néanmoins aucune donnée prospective, ànotre connaissance, évaluant la quantité moyenne de tissutumoral obtenue en fonction des techniques utilisées. Lachirurgie représente subjectivement le gold standard, maisensuite c’est la taille du matériel de prélèvement utilisé quiinfluencera la quantité de matériel tumoral disponible. Onprivilégiera donc les pinces à biopsies larges (3 × 2 × 0,9 mm)par rapport aux plus petites (2 × 1,5 × 0,6 mm) en cas deprélèvement endoscopique du fait d’un meilleur rendement[13], les techniques radiologiques ou endoscopiques permet-tant l’utilisation des aiguilles de plus gros calibre pour lesprélèvements ganglionnaires (Tableau 2) ou trans-pariétaux.

De plus, la quantité de tissu tumoral disponible influenceaussi la qualité des analyses réalisées, avec un avan-

Page 3: Quel type de prélèvement diagnostique et pré-thérapeutique choisir et pour quel patient ?

S

tdclr

sreàst

gtuslfsdtnn

C

L

R

66

age aux prélèvements chirurgicaux. En effet, des taux deiscordance de 9 et 41 % entre évaluation sur biopsies bron-hiques et prélèvement chirurgical ont été rapportés, pour’expression en immunohistochimie de l’EGFR et d’ERCC1,espectivement [14].

Demain, ces techniques seront peut être partiellementupplantées par des techniques plus simples, comme leecueil de cellules tumorales circulantes, sur lesquelles ilst déjà démontré que des analyses de biologie moléculairela recherche de mutations activatrices de l’EGFR sont pos-

ibles avec une bonne concordance avec les prélèvementsumoraux [15].

Au total, on dispose de peu de données factuelles pouruider notre réflexion et notre stratégie dans le choix duype de prélèvement à effectuer. Néanmoins, on privilégieran prélèvement actualisé sur une cible qui s’est modifiée,ur la base de la technique permettant le prélèvement de

a plus grande quantité de matériel tumoral avec la plusaible morbidité possible. Les progrès des techniques endo-copiques y contribuent de même que les efforts nationauxe structuration des analyses biologiques (plateformes sou-enues par l’INCa, STIC Ermetic, STIC Predict.amm, etc) quious fourniront à l’avenir des données solides pour guideros choix.

onflit d’intérêt

es auteurs n’ont pas de conflit d’intérêt.

éférences

[1] Rivera MP, Mehta AC. Initial diagnosis of lung cancer. Chest2007;132:131—48.

[2] Silvestri GA, Gould MK, Margolis ML, Tanoue LT, McCrory D,Toloza E, et al. Noninvasive staging of non small cell lungcancer ACCP evidenced-based clinical practice guidelines (2ndedition). Chest 2007;132:178—201.

[3] D’Addario G, Felip E. Non-small cell lung cancer: ESMO clinicalrecommandations for diagnosis, treatment and follow-up. AnnOncol 2008;19:39—40.

[4] Scagliotti GV, Parikh P, von Pawel J, Biesma B, VansteenkisteJ, Manegold C. Phase III study comparing cisplatin plus gemci-

[

[

[

[

[

[

S. Marco, F. Barlesi

tabine with cisplatin plus pemetrexed in chemotherapy-naivepatients with advanced-stage non-small-cell lung cancer. J ClinOncol 2008;26:3543—51.

[5] Maemondo M, Inoue A, Kobayashi K, Sugawara S, OizumiS, Isobe H, et al. Gefitinib or chemotherapy for non-small-cell lung cancer with mutated EGFR. N Engl J Med2010;362:2380—8.

[6] Shaw AT, Yeap BY, Mino-Kenudson M, Digumarthy SR, Costa DB,Heist RS, et al. Clinical features and outcome of patients withnon-small-cell lung cancer who harbor EML4-ALK. J Clin Oncol2009;27:4247—53.

[7] Kalikaki A, Koutsopoulos A, Trypaki M, Souglakos J, Stathopou-los E, Georgoulias V, et al. Comparison of EGFR and K-RAS genestatus between primary tumours and corresponding metastasesin NSCLC. Br J Cancer 2008;99:923—9.

[8] Monaco SE, Nikiforova MN, Cieply K, Teot LA, Khalbuss WE,Dacic S. A comparison of EGFR and KRAS status in pri-mary lung carcinoma and matched metastases. Hum Pathol2010;41:94—102.

[9] Solomon SB, Zakowski MF, Pao W, Thornton RH, Ladanyi M,Kris MG, et al. Core needle lung biopsy specimens: adequacyfor EGFR and KRAS mutational analysis. AJR Am J Roentgenol2010;194:266—9.

10] Brambilla E. Réponses aux thérapies ciblées : le cancer du pou-mon. Ann Pathol 2009;29(5S1):S77—80.

11] Lama S, Robaglia-Shlupp A, Payan M, et al. Cytology-basedtreatment decision in primary lung cancer: Is it accurateenough? J Thorac Oncol 2009;4(S487) (PD6.2.2).

12] Grilley-Olson JE, Hayes DN, Qaqish BF, et al. Diagnostic repro-ducibility of squamous cell carcinoma (SC) in the era ofhistology-directed non-small cell lung cancer (NSCLC) chemo-therapy: a large prospective study. J Clin Oncol 27:409s; 2009(suppl) [abstr 8008].

13] Loube DI, Johnson JE, Wiener D, Anders GT, Blanton HM,Hayes JA. The effect of forceps size on the adequacy of spe-cimens obtained by transbronchial biopsy. Am Rev Respir Dis1993;148:1411—3.

14] Taillade L, Penaut-Llorca F, Boulet T, Fouret P, Michiels S, Taran-chon E, et al. Immunohistochemichal expression of biomarkers:a comparative study between diagnostic bronchial biopsies andsurgical specimens of non-small-cell lung cancer. Ann Oncol2007;18:1043—50.

15] Bai H, Mao L, Wang HS, Zhao J, Yang L, An TT, et al.Epidermal growth factor receptor mutations in plasma DNAsamples predict tumor response in Chinese patients with stagesIIIB to IV non-small-cell lung cancer. J Clin Oncol 2009;27:2653—9.