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LE DEVOIR, LE MERCREDI 5 OCTOBRE 2011 QUEBEC-FRANCE LE 50 E DE LA DÉLÉGATION À PARIS La Délégation doit servir de tremplin à l’étranger pour le Québec Page 3 La chambre des machines à Québec numérique Page 5 Après la culture, les relations économiques Page 2 CAHIER C CHRISTIAN CHEVALIER ASSEMBLÉE NATIONALLE Le président français Nicolas Sarkozy et le premier ministre Jean Charest lors de la signature de l’entente historique en 2008 pour la mobilité de la main-d’œuvre. PATRICK LAZIC Les bureaux de la Délégation québécoise à Paris En 1961, le Québec devient un nouveau joueur sur la scène internationale. Pas seulement en paroles, mais aussi en actes. N’affiche-t-on point «maison» à l’intérieur du territoire parisien? NORMAND THÉRIAULT S’ il avait fallu une preuve que ce n’était plus comme avant dans la «Belle Province», que le temps d’un régionalisme à la Duplessis, où un territoire d’Amérique se défendait contre toute influence étrangère, cela fut amené quand un 5 octobre — on était en 1961 — un pre- mier ministre du Québec, récemment élu, se rendit à Pa- ris pour inaugurer, au 9, rue Barbet-Jouy, la Maison du Québec. Et celui qui accueillit alors Jean Lesage avait un nom dont le prestige s’était étendu jusque de ce côté-ci de l’Atlantique: André Malraux. Et quand, un soir de 1967, Gilles Vigneault et consorts reçurent les ovations d’une foule dans cet Olympia parisien, il y eut plus d’un Québé- cois et d’une Québécoise pour croire que le succès de ce Vive le Québec! rejaillissait sur elles et eux. En ces jours du «réveil» québécois, l’attente était grande d’une réaction du «grand frère», qui sera dit plus tard «cousin», devant les aspi- rations de grandeur d’un peuple qui ne se vou- lait plus résigné. Et le soutien de la France fut déterminant. Que ce soit en culture, en poli- tique, tout appui recherché fut obtenu. Et cela, au-delà même de la demande, jusqu’au jour où le général fit en- tendre une déclaration fracassante du haut du balcon de l’hôtel de ville montréalais. Auparavant, en ces jours-là, le Québec découvrit toute- fois qu’il y avait chez lui une littérature de qualité. Le suc- cès, et les prix qui s’ensuivirent, en témoignait. Fierté donc quand Marie-Claire Blais reçut en 1966 le Médicis. Et qui a donc lu alors, comme par obligation, les pages de L’Avalée des avalées, car la critique française encensait l’écriture de ce Réjean Ducharme, cet auteur qui se cache si bien? Aussi, si les films québécois sont produits avec enthou- siasme, le succès d’un Pour la suite du monde semble confirmé quand, outre-Atlantique, on associe cette œuvre à la grande tradition cinématographique documentaire. Et ainsi de suite, avec un point d’orgue lorsque Charlebois et Forestier entonnent un Lindberg dont, près d’un demi- siècle plus tard, l’air et les paroles reviennent avec aisance dans les mémoires. Une Maison du Québec avait donc à Paris pignon sur rue. Elle sera toutefois identifiée avec une connotation plus diplomatique en se transformant en Délégation géné- rale du Québec à Paris. Mais qui y séjourne en poste a presque un statut de diplomate: les échanges seront d’ailleurs acerbes entre le représentant canadien et le por- te-parole du fleurdelisé. Coup d’éclat Et on voyait grand, avec de belles réalisations dont, en culture, le dernier coup d’éclat fut sans doute cette entente sur le biculturalisme que la troïka franco-cana- do-québécoise a imposée aux Nations Unies, obtenant gain de cause face aux impérialistes du bloc anglo- saxon: ce qui n’est pas une mince victoire. Toutefois, cinquante ans plus tard, si on jette un regard sur cette «maison-délégation», on peut dire que, après le mot «révolution», c’est «tranquille» qu’il faut maintenant choisir pour décrire la situation actuelle. Une normalisation s’opère, mais qui s’y oppo- serait quand on voit la signature d’ententes comme celle portant sur la reconnaissance pro- fessionnelle? Et, pour les entreprises d’ici, de nouveaux marchés s’ouvrent, d’autant plus que l’ancrage français fait qu’on parle maintenant d’une politique d’échanges commerciaux qui déborderaient sur toute l’Europe et incluraient la confédération canadienne. Aussi, le présent délégué nous informe que cette orientation est voulue par les actuels dirigeants qué- bécois: «La dimension culturelle est très importante et bien reconnue, mais la dimension économique de la relation franco-québécoise, elle, est moins connue, relate Michel Robi- taille. Alors, je me suis donné pour mandat d’être très près des gens d’affaires et d’appuyer, par exemple, le cercle des dirigeants d’entreprises franco-québécoises qui réunit des dirigeants d’en- treprises qui sont à la fois implantées au Québec et en France, et de les mettre en valeur.» Voilà! Parlait-on d’affaires il y a 50 ans? Quand Shawini- gan Water and Power n’avait pas encore été nationalisé au profit d’une future Hydro-Québec? Quand le Québec n’était en rien un lieu dit de pointe, encore moins dans l’univers numérique ou celui du génie aéronautique? Quand les fleurons en éducation n’avaient pas pour nom «institut» ou «chaire de recherche»? Mais, en ces jours-là, il y eut des gens de paroles et d’images qui portaient la voix naissante de ces Français d’Amérique: le premier Québec international ne fut-il pas ainsi culturel? Le Devoir Un 5 octobre glorieux pour le Québec En 1961, le Québec débarquait au 9, rue Barbet-Jouy Que ce soit en culture, en politique, tout appui recherché fut obtenu

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Page 1: QUEBEC-FRANCE...QUEBEC-FRANCE LE DEVOIR, LE MERCREDI 5 OCTOBRE 2011 LE 50E DE LA DÉLÉGATION À PARIS La Délégation doit servir de tremplin à l’étranger pour le Québec Page

L E D E V O I R , L E M E R C R E D I 5 O C T O B R E 2 0 1 1

QUEBEC-FRANCELE 50E DE LA DÉLÉGATION À PARIS

La Délégation doit servir de tremplin à l’étranger pour le Québec Page 3

La chambre des machinesà Québec numérique Page 5

Après la culture,les relations économiques

Page 2

CAHIER C

CHRISTIAN CHEVALIER ASSEMBLÉE NATIONALLE

Le président français Nicolas Sarkozy et le premier ministre Jean Charest lors de la signature de l’entente historique en 2008 pour la mobilité de la main-d’œuvre.

PATRICK LAZIC

Les bureaux de la Délégation québécoise à Paris

En 1961, le Québec devient un nouveau joueur surla scène internationale. Pas seulement en paroles,mais aussi en actes. N’af fiche-t-on point «maison» àl’intérieur du territoire parisien?

N O R M A N D T H É R I A U L T

S’il avait fallu une preuve que ce n’était pluscomme avant dans la «Belle Province», quele temps d’un régionalisme à la Duplessis,où un territoire d’Amérique se défendaitcontre toute influence étrangère, cela fut

amené quand un 5 octobre — on était en 1961 — un pre-mier ministre du Québec, récemment élu, se rendit à Pa-ris pour inaugurer, au 9, rue Barbet-Jouy, la Maison duQuébec. Et celui qui accueillit alors Jean Lesage avait unnom dont le prestige s’était étendu jusque de ce côté-ci del’Atlantique: André Malraux.

Et quand, un soir de 1967, Gilles Vigneault etconsorts reçurent les ovations d’une foule danscet Olympia parisien, il y eut plus d’un Québé-cois et d’une Québécoise pour croire que lesuccès de ce Vive le Québec! rejaillissait surelles et eux.

En ces jours du «réveil» québécois, l’attenteétait grande d’une réaction du «grand frère»,qui sera dit plus tard «cousin», devant les aspi-rations de grandeur d’un peuple qui ne se vou-lait plus résigné. Et le soutien de la France futdéterminant. Que ce soit en culture, en poli-tique, tout appui recherché fut obtenu. Et cela, au-delàmême de la demande, jusqu’au jour où le général fit en-tendre une déclaration fracassante du haut du balcon del’hôtel de ville montréalais.

Auparavant, en ces jours-là, le Québec découvrit toute-fois qu’il y avait chez lui une littérature de qualité. Le suc-cès, et les prix qui s’ensuivirent, en témoignait. Fiertédonc quand Marie-Claire Blais reçut en 1966 le Médicis.Et qui a donc lu alors, comme par obligation, les pages deL’Avalée des avalées, car la critique française encensaitl’écriture de ce Réjean Ducharme, cet auteur qui se cachesi bien?

Aussi, si les films québécois sont produits avec enthou-siasme, le succès d’un Pour la suite du monde sembleconfirmé quand, outre-Atlantique, on associe cette œuvreà la grande tradition cinématographique documentaire. Etainsi de suite, avec un point d’orgue lorsque Charlebois etForestier entonnent un Lindberg dont, près d’un demi-siècle plus tard, l’air et les paroles reviennent avec aisancedans les mémoires.

Une Maison du Québec avait donc à Paris pignon surrue. Elle sera toutefois identifiée avec une connotationplus diplomatique en se transformant en Délégation géné-rale du Québec à Paris. Mais qui y séjourne en poste apresque un statut de diplomate: les échanges serontd’ailleurs acerbes entre le représentant canadien et le por-te-parole du fleurdelisé.

Coup d’éclatEt on voyait grand, avec de belles réalisations dont,

en culture, le dernier coup d’éclat fut sans doute cetteentente sur le biculturalisme que la troïka franco-cana-do-québécoise a imposée aux Nations Unies, obtenantgain de cause face aux impérialistes du bloc anglo-saxon: ce qui n’est pas une mince victoire.

Toutefois, cinquante ans plus tard, si on jette un regardsur cette «maison-délégation», on peut dire que, après lemot «révolution», c’est «tranquille» qu’il faut maintenant

choisir pour décrire la situation actuelle.Une normalisation s’opère, mais qui s’y oppo-

serait quand on voit la signature d’ententescomme celle portant sur la reconnaissance pro-fessionnelle? Et, pour les entreprises d’ici, denouveaux marchés s’ouvrent, d’autant plus quel’ancrage français fait qu’on parle maintenantd’une politique d’échanges commerciaux quidéborderaient sur toute l’Europe et incluraientla confédération canadienne.

Aussi, le présent délégué nous informe que cetteorientation est voulue par les actuels dirigeants qué-bécois: «La dimension culturelle est très importante

et bien reconnue, mais la dimension économique de la relationfranco-québécoise, elle, est moins connue, relate Michel Robi-taille. Alors, je me suis donné pour mandat d’être très près desgens d’affaires et d’appuyer, par exemple, le cercle des dirigeantsd’entreprises franco-québécoises qui réunit des dirigeants d’en-treprises qui sont à la fois implantées au Québec et en France,et de les mettre en valeur.»

Voilà! Parlait-on d’affaires il y a 50 ans? Quand Shawini-gan Water and Power n’avait pas encore été nationalisé auprofit d’une future Hydro-Québec? Quand le Québecn’était en rien un lieu dit de pointe, encore moins dansl’univers numérique ou celui du génie aéronautique?Quand les fleurons en éducation n’avaient pas pour nom«institut» ou «chaire de recherche»?

Mais, en ces jours-là, il y eut des gens de paroles etd’images qui portaient la voix naissante de ces Françaisd’Amérique: le premier Québec international ne fut-il pasainsi culturel?

Le Devoir

Un 5 octobre glorieux pour le QuébecEn 1961, le Québec débarquait au 9, rue Barbet-Jouy

Que ce soiten culture,en politique,tout appuirecherché fut obtenu

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L E D E V O I R , L E M E R C R E D I 5 O C T O B R E 2 0 1 1C 2

L E Q U É B E C À PA R I S

J E S S I C A N A D E A U

Arrivé en poste il y a moins d’un an, le déléguégénéral s’est donné pour mandat prioritaire de

mettre en valeur la dimension économique qui unitla France et le Québec. «La dimension culturelle esttrès importante et bien reconnue, mais la dimensionéconomique de la relation franco-québécoise, elle, estmoins connue. Alors, je me suis donné pour mandatd’être très près des gens d’affaires et d’appuyer, parexemple, le cercle des dirigeants d’entreprises franco-québécoises, qui réunit des dirigeants d’entreprisesqui sont à la fois implantées au Québec et en France,et de les mettre en valeur.»

Selon lui, les gens commencent à peine à com-prendre l’importance de la relation économiquefranco-québécoise. Et pourtant, la France est le troi-sième partenaire européen, après l’Allemagne et leRoyaume-Uni, en matière d’import-export. La rela-tion est encore plus importante, soutient-il, en cequi concerne la présence des entreprises françaisesau Québec.

À ce jour, quelque 400 entreprises françaisessont établies au Québec et 140 entreprises qué-bécoises sont présentes sur le territoire français.«Dans la relation franco-québécoise, il y a plu-sieurs grandes entreprises françaises qui ontchoisi le Québec pour point d’ancrage en Amé-rique du Nord, explique Michel Robitaille. Jepense par exemple à Ubisoft, un des plus grandsemployeurs français au Québec. Et c’est la même

chose pour les entreprises québécoises, commeBombardier et SNC-Lavalin, qui ont leur pointd’ancrage en France.»

Le délégué se réjouit de voir s’achever le dos-sier de la reconnaissance mutuelle de la forma-tion professionnelle. C’était le dossier prioritairedes trois dernières années après la signature, en2008, d’une entente par le premier ministre duQuébec, Jean Charest, et le président français, Ni-colas Sarkozy. «En un peu moins de trois ans, nousavons réussi à signer 80 ententes qui couvrent àpeu près tous les secteurs de formation profession-nelle pour des métiers qui pourraient être touchéspar une telle entente.»

De la centaine d’ententes possibles, 80 ont déjàété signées et une soixantaine sont déjà enœuvre, ce qui permet une meilleure mobilité destravailleurs et favorise les entreprises travaillantsur les deux territoires.

Cap sur le Plan NordL’autre facteur qui va aider le délégué général

dans sa mission de mise en valeur des relationséconomiques entre le Québec et la France, c’estle fameux Plan Nord de Jean Charest. «Les Fran-çais sont très intéressés par le Plan Nord, assure ledélégué général. Il y a le ministre [chargé de l’in-dustrie] Éric Besson qui a effectué une mission il ya quelques semaines au Québec, et cette coopéra-tion franco-québécoise pour le développement duNord québécois va certainement être un élémentqui sera au centre de notre coopération franco-qué-bécoise pour les prochaines années.»

Selon lui, le Plan Nord va permettre de dévelop-per de multiples liens entre la France et le Québecsur le plan de la recherche et de la coopération éco-nomique dans le secteur de l’environnement, dudéveloppement durable et de l’écotourisme, entreautres. «Il y a présentement six chercheurs du Centrenational de la recherche scientifique (CNRS) qui sontà l’Université Laval, à la chaire d’études nordiques, etqui travaillent avec les chercheurs québécois sur desenjeux du développement du Grand Nord. C’est unepremière pour le CNRS.»

Même Monaco, qui est couvert par la Déléga-tion générale du Québec à Paris, s’est mis de lapartie avec la fondation du prince Albert II qui fi-nance un projet d’atlas de la biodiversité duGrand Nord québécois.

DiversitéEntre les activités de représentation auprès

des instances politiques, l’organisation de mis-sions économiques, les rencontres de négocia-tions avec des partenaires et le développementd’un réseau de contacts dans tous les domaines àl’intention des Québécois qui se rendent en Fran-ce, le délégué général du Québec à Paris veille àassurer une plus grande visibilité du Québec surl’ensemble du territoire français. Et, sur ce plan,le 50e anniversaire de la délégation lui permet dedéployer tous ses atouts.

Depuis avril dernier, on ne compte plus les ac-tivités qui se déroulent dans la capitale et en ré-gion. Il y a eu le spectacle musical Le Québecprend la Bastille, la restauration de la place du

Québec à Saint-Germain-des-Prés, la créationd’un concours radiophonique sur les chansonsfrancophones les plus appréciées du public fran-çais, l’organisation de colloques qui rappellentles hauts faits de la coopération, la création d’unprix d’excellence pour les entrepreneurs franco-québécois et même l’organisation d’un festivaldes arts numériques pour faire valoir l’expertisequébécoise dans ce domaine.

À travers toutes ces festivités, Michel Robitailletente de faire briller le Québec à tous les niveaux etsur tout le territoire. «Mon objectif était de mettre envaleur ce qui est fait par la coopération, les secteursd’excellence et de grandes réussites, mais également derefléter la diversité de la délégation franco-québécoise,alors j’ai trouvé des partenaires tant des secteurs privéque public pour l’organisation de manifestations quitouchent tous les secteurs.»

Et, pour sortir de la région parisienne et fairerayonner le Québec dans toute la France, la déléga-tion mise notamment sur l’Association France-Qué-bec, composée de milliers de bénévoles amoureuxdu Québec qui organisent, dans 63 régions de laFrance, des activités visant à faire la promotion duQuébec. «Ce sont des gens qui, par dévouement et parintérêt du Québec, deviennent des relayeurs de la Délé-gation générale, soutient Michel Robitaille. C’est unréseau très précieux pour nous, parce que ses membressont sur l’ensemble du territoire, ils connaissent trèsbien les associations et ils font vivre cette relation fran-co-québécoise au quotidien.» C’est, selon lui, l’un desfleurons de la délégation, avec l’Office franco-québé-cois pour la jeunesse (OFQJ), qui a fait voyagerquelque 140 000 jeunes depuis sa création en 1968.

La délégation a bien vieilli, selon lui, car elle asu s’adapter à l’évolution des sociétés française etquébécoise. Et ce qu’il voit, aujourd’hui, au seinde la Délégation générale du Québec à Paris, luidonne bon espoir pour le futur. Car, comme il ledit si bien, un cinquantième anniversaire, c’est àla fois une vitrine sur le passé et une occasion dese projeter vers l’avenir.

Collaboratrice du Devoir

Relations Québec-France

Après la culture, les relations économiques

SOURCE MINISTÈRE DES RELATIONS INTERNATIONALES

Michel Robitaille

Après 50 ans de présence en France, la Délé-gation du Québec à Paris a réussi à faire re-connaître, indéniablement, la dimension cul-turelle qui unit les deux nations. Elle tenteaujourd’hui d’aller chercher la même recon-naissance dans le secteur économique etcompte, notamment, sur le Plan Nord pour yarriver. C’est du moins le défi que s’est fixéle délégué général du Québec à Paris, MichelRobitaille.

Marcel Masse, de 1996 à 1997, et MichelLucier, de 1997 à 2000, se sont succédé auposte de délégué général du Québec en Fran-ce, du milieu des années 1990 jusqu’à l’aubede l’autre siècle. S’ils ont témoigné de cetteexpérience professionnelle dans le site du50e anniversaire de la Délégation générale duQuébec à Paris (DGQP), ils ont aussi répon-du aux questions du Devoir.

R É G I N A L D H A R V E Y

Pour un, Michel Lucier considère le déléguécomme un véritable ambassadeur du Qué-

bec. Marcel Masse, sans pour autant se montrerréducteur dans sa vision de la fonction, pose unregard moderne sur un tel poste: «La montée destransports — et là, je ne parle pas seulement desavions mais aussi d’Internet et de tout ce qui s’estdéveloppé depuis une trentaine d’années — fait fi-nalement que le rôle des représentants à l’extérieura été dans un sens diminué d’autant.»

Selon lui, «la définition du mot “ambassadeur”suit la courbe de la relation directe entre les pays.Prenons l’exemple du premier ministre du Québec.À son époque, Duplessis n’a jamais pu venir enFrance; pour ce faire, il aurait dû effectuer le trajetpar bateau ou prendre un vol qui durait de 14 à15 heures à la fin des années 1950. Aujourd’hui, lepremier ministre du Québec vient à Paris cinq ousix fois par année et il a des relations di-rectes avec le chef du gouvernement, leprésident. Ces deux-là peuvent se télé-phoner, ils s’écrivent par courriel et ils seconnaissent. Le même mode d’opérations’applique dans le G8, dans le G20 etdans tout ce que vous voulez sur le plandes échanges internationaux», expliqueM. Lucier.

Ce constat posé, il dépeint ce qui sepasse maintenant: «Les bureaux àl’étranger, les délégations et les ambas-sades doivent d’abord tenir le contactavec les Québécois ou les Canadienssur le sol de leur juridiction. Deuxiè-mement, dans le cas d’un délégué duQuébec, il doit en faire la promotion sur lesplans économique, culturel, universitaire et desinvestissements; il lui faut développer des rela-tions de bon voisinage et, quand de plus il s’agitdu Québec, cela doit se faire dans le sens d’unbon voisinage qui se vit dans un esprit de coopé-ration depuis une cinquantaine d’années; coopé-ration d’État à État, de corporations, d’artistes,de médecins, etc. Enfin, tout le monde a tissé desliens exceptionnels depuis ce temps, qui se sontbeaucoup modifiés.»

Ce point de vue exprimé, il va de soi que Mar-cel Masse a pris la direction de la Délégationdans un climat de lendemain de référendum per-du et d’attentes envolées: «Il y a eu une sorte debaisse de température de ce côté-là et il fallait nepas baisser les bras à Paris; c’est l’une des raisonspour lesquelles M. Parizeau m’a nommé à ce pos-te.» Il considère que ce fut une ligne de force quia laissé son empreinte sur son mandat.

Il fait ressortir un autre aspect de son travail:«J’ai vécu un tournant où les régions de la Franceont pris une importance de plus en plus marquée,ce qui n’était pas encore inscrit dans nos habitudesde coopération; c’était très palpable et visible ici.»

«Être délégué général à Paris ou ailleurs, ce n’estpas la même chose», signale en premier lieu Mi-chel Lucier. Il poursuit: «C’est la seule place où ledélégué a vraiment un rôle diplomatique et poli-tique. Tout comme un ambassadeur, on l’appelle“chef de mission diplomatique”. Impossible d’acco-ler le mot “ambassade” à cette réalité, parce qu’ilne s’agit pas d’un pays souverain, mais c’est un sta-tut diplomatique et politique reconnu. La chose laplus visible et la plus claire, c’est que les relationsse déroulent de gouvernement à gouvernement defaçon directe.»

Il reconnaît, à la suite de cette assertion, que ledélégué est un véritable ambassadeur: «Un telétat de fait suppose un certain nombre de nuanceset de remarques qui peuvent varier en fonction desépoques, selon les tempéraments des gens qui sontnommés ou de ceux qui les nomment.»

Retour sur un printempsAprès avoir affirmé, selon les mots de l’écri-

vain Alain Peyrefitte, que le diplomate «ne faitpas la parole mais porte la parole», il résume lemandat d’un délégué: «Il lui faut respecter des ba-lises qui sont les orientations qu’il reçoit de l’hom-me politique et du gouvernement qu’il représente.Après quoi, il lui revient d’utiliser les connais-sances du terrain qu’il possède et le réseau qu’il adéjà établi sur le territoire, s’il ne s’agit pas de quel-qu’un qui est parachuté dans ses fonctions. Voilà cequi va servir à guider les stratégies à mettre en pla-ce et à exécuter les mandats reçus.»

Sur le plan des satisfactions qu’il tirede son passage comme chef de file de ladélégation, Michel Lucier identifie enpremier lieu le succès que fut la tenuedu «Printemps du Québec en France», quis’est échelonnée sur une période dequatre mois en 1999: «C’est la plus gran-de activité culturelle que le Québec a pré-sentée à l’étranger.» À ce propos, il rendhommage à un groupe: «J’ai toujours ditet je répète que les délégués généraux duQuébec en France doivent avoir la simpli-cité et la lucidité de reconnaître que nospremiers ambassadeurs, ce sont nos ar-tistes et notre monde culturel.»

Il considère également que la reprisedes visites alternées des premiers ministres enFrance et au Québec a marqué positivement sonséjour à Paris. «Elles ont réorienté la coopération etc’est réellement une des choses les plus importantesqui se sont produites et qui se sont traduites par desrelations politiques et diplomatiques.»

Il a de plus inscrit ses activités profession-nelles dans la foulée de celles de son prédéces-seur, Marcel Masse, en accentuant le rapproche-ment amorcé avec les régions: «On a assisté àl’ouverture sur le territoire par le biais de conven-tions et de collaborations intervenues entre les ré-gions françaises et la Délégation du Québec; on ena signé six du temps que j’ai été là.»

À l’époque, autant de plans d’action ont été para-phés avec les territoires de Rhône-Alpes, du Pas-de-Calais, de l’Auvergne, de Poitou-Charentes, del’Aquitaine et de l’Alsace: «Et, dans la foulée de cesententes, il y a également eu le renouvellement desliens avec l’Association France-Québec, qui regrou-pait 6000 adhérents, dont le travail à accomplir estde faire connaître et aimer le Québec en France»,souligne encore l’ancien délégué.

Collaborateur du Devoir

En poste à Paris

Et Michel Lucier succéda à Marcel Masse

En quelques phrases tirées de leurs témoi-gnages rendus à l’occasion du 50e anniversai-re de la Délégation, cinq anciens délégués es-quissent leur point de vue sur des tempsforts vécus lors de leur séjour à Paris.

R É G I N A L D H A R V E Y

Pour Louise Beaudoin, déléguée de 1983 à 1985,«mon grand œuvre a été le rapprochement avec les

socialistes et la bataille, gagnée, pour le statut du Qué-bec au sein du Sommet de la Francophonie».

Jean-Louis Roy, de 1986 à 1990, indique qu’«êtredélégué du Québec en France constitue un privilègecertain. Je l’ai été au moment où cette relation officiel-le demi-centenaire, fondée sur une proximité certaineentre deux sociétés dont les destins culturels et spirituelssont indissociables, se conjugue et s’enrichit d’une rela-tion plus vaste encore, celle qui nous lie aux pays etgouvernements francophones du monde. Le Québec, laFrance et la Francophonie en étroite association!»

Claude Roquet le fut en 1985 et 1986 et de 1993à 1996: «En février 1986 se déroule à Versailles,sur un canevas largement québécois, le premierSommet francophone, où le premier ministre, M.Robert Bourassa, représente le Québec. Le deuxiè-

me Sommet, en 1987, se tiendra à Québec. Et sur-tout intervient en 1995 le référendum sur la souve-raineté du Québec. Cet événement majeur susciteen France un intérêt que doit gérer la Délégation.»

Clément Duhaime sera en poste de 2000 à 2005:«Le hasard des calendriers diplomatique et politiquea voulu que je prenne mes fonctions, rue Pergolèse,au moment où le nouvel ambassadeur du Canada,Raymond Chrétien, s’installait dans les siennes, ave-nue Montaigne. Nos rapports auraient pu être ten-dus, il n’en a rien été, sans qu’aucun de nous renieses convictions ou manque à son devoir envers le gou-vernement qu’il représentait.»

Wilfrid-Guy Licari lui succède en 2006 et poursuitjusqu’en 2010: «L’un des moments forts aura été ledossier des ententes sur la reconnaissance des qualifi-cations professionnelles. Développement majeur, voirehistorique, devant permettre une large mobilité profes-sionnelle entre le Québec et la France. Ce pont trans-atlantique marque une première et va servir les inté-rêts économiques du Québec. Le souvenir le plus mar-quant restera toutefois celui des célébrations du 400e

anniversaire de la fondation de Québec, événementhistorique fort réussi qui aura suscité en France unemobilisation exceptionnelle.»

Collaborateur du Devoir

D’anciens délégués témoignent

«J’ai vécu un tournant,où les régionsde la Franceont pris uneimportance deplus en plusmarquée»

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L E D E V O I R , L E M E R C R E D I 5 O C T O B R E 2 0 1 1 C 3

L E Q U É B E C À PA R I S

T H I E R R Y H A R O U N

O n aura compris que MmeGagnon-Tremblay est aux

premières loges lors des célé-brations du 50e anniversaire dela Délégation générale du Qué-bec à Paris. «C’est une grandefête. On célèbre les 50 ans de laprésence du Québec à Paris. Et,quand on regarde le passé etqu’on regarde l’avenir, vous com-prendrez qu’il s’est fait beaucoupde choses en 50 ans», lance d’en-trée de jeu la ministre.

«Ce qui est exceptionnel au su-jet de notre Délégation à Paris,c’est qu’elle jouit des avantagesqu’on accorde habituellement àune ambassade. Elle se démarqueainsi de toutes les autres Déléga-tions que nous avons dans le mon-de. Elle profite d’une relation di-recte et privilégiée entre le Québecet la France, qui s’exprime à tra-vers ce dispositif diplomatique envertu duquel le Consulat généralde la France à Québec et la Délé-gation générale du Québec à Pa-ris assurent sans intermédiaire lescommunications de gouverne-ment à gouvernement.»

Le fait françaisL’autre élément qui distingue

cette Délégation par rapport àses consœurs québécoises àl’échelle internationale est lefait du parrainage de l’EntenteQuébec-France sur la recon-naissance mutuelle des qualifi-cations professionnelles. Cetteentente, qui s’inscrit commel’un des chantiers importantsdu nouvel espace économiquedu Québec, selon la ministreGagnon-Tremblay, a été signéele 17 octobre 2008 par le pre-mier ministre du Québec, JeanCharest, et le président fran-çais, Nicolas Sarkozy.

L’entente vise à faciliter et àaccélérer l’acquisition d’un per-mis pour l’exercice d’une pro-fession, d’une fonction ou d’unmétier réglementé au Québecou en France par l’adoptiond’une procédure commune dereconnaissance des qualifica-tions professionnelles. La docu-mentation gouvernementalenote que, depuis sa mise en ser-vice, une centaine d’autoritésprofessionnelles ont appliquécette procédure, permettant, làoù une équivalence globaleexistait, la conclusion d’un ar-rangement de reconnaissancemutuelle des qualifications. «C’aété un moment historique, la si-gnature de cette entente», tient àrappeler la ministre.

La Délégation générale duQuébec à Paris ne se distingue-t-elle pas par le fait français?«Oui, c’est vrai qu’il y a le faitfrançais. Mais je vous diraisque, si c’est le cas pour Paris, cel’est également à l’échelle inter-nationale. Quand on parle du

fait français, il faut rappeler quec’est avec la France que nousavons cheminé dans l’optique denos relations internationales àl’échelle de la Francophonie. Sinous sommes considérés commedes partenaires à part entière ausein de l’Organisation interna-tionale de la Francophonie, c’estgrâce aux Français, qui nous ontdonné un coup de main.»

Un tremplinSi la Délégation générale du

Québec à Paris a servi de carre-four politique, culturel et écono-mique au cours des 50 der-nières années, le bagage d’ex-périence accumulée «doit servirde tremplin non seulement pourconsolider nos acquis, mais aussipour consolider l’image que leQuébec projette à l’échelle inter-nationale. Le Québec est bienperçu dans le monde. Le Québecest présent dans 17 pays et dans28 villes. Nous célébrons les 50ans de la présence du Québec àParis, mais nous célébrons deplus les 40 ans de la présence duQuébec en Allemagne, en Baviè-re. Nous sommes au Japon aussidepuis 40 ans. Nous sommes enItalie depuis longtemps, noussommes présents en Angleterre etnous sommes présents à NewYork depuis 60 ans.»

La ministre Gagnon-Trem-blay tient à souligner que legouvernement du Québec nepourrait plus se passer de sesbureaux internationaux et deses Délégations. «Ils sont abso-lument essentiels, dit-elle en ra-menant, par la même occasion,la conversation vers la France.Ce qui est intéressant en ce quiconcerne la France, c’est que leQuébec travaille étroitementavec les régions françaises en dé-veloppant des programmes de co-opération et en misant sur eux.Et cette coopération emprunte lavoie des visites ministérielles.»

Cette collaboration, observeencore Mme Gagnon-Trem-blay, est rendue possible parl’entremise de la Commissionpermanente de coopérationfranco-québécoise. «Cette an-née, précise-t-elle, une centainede projets de collaboration [au-ront lieu] qui totalisent 1,4million de dollars. Cela mettraà contribution des chercheurs,des ministères, des artistes, descréateurs, des représentants desmilieux associatifs et privés etd’autres encore.»

En conclusion, Monique Ga-gnon-Temblay rappelle que leparcours de la Délégation géné-rale du Québec à Paris a posé«de grands jalons pour que laprochaine génération puisse àson tour mener encore plus loincette relation unique que nousentretenons avec la France».

Collaborateur du Devoir

Relations internationales

La ministre Gagnon-Tremblay est des célébrationsLa Délégation «doit servir de tremplinpour consolider l’image que le Québecprojette à l’échelle internationale»

La Délégation générale du Québec à Paris doit consolider sesacquis tout en poursuivant ses actions à l’échelle politique,culturelle et économique. Tel est l’essentiel du message deMonique Gagnon-Tremblay, titulaire du ministère des Rela-tions internationales. Entretien.

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Monique Gagnon-Tremblay

P I E R R E V A L L É E

R emontons au début des an-nées 1960. Le Québec est

en pleine Révolution tranquilleet le Parti libéral de Jean Lesa-ge est au pouvoir. Pour la pre-mière fois de son histoire, legouvernement du Québeccompte au sein de son cabinetun ministre de l’Éducation,Paul Gérin-Lajoie, et un mi-nistre des Affaires culturelles,Georges-Émile Lapalme.

Ce dernier se rend à Parispour rencontrer son homo-logue français, André Malraux.«Malraux lui fait alors part del’intérêt que de Gaulle porte en-vers le Québec, explique RobertAird, auteur et historien. Il luisuggère fortement d’augmenterla présence du Québec à Paris.C’est ainsi qu’est née la Maisondu Québec à Paris. C’est l’actefondateur des relations interna-tionales québécoises.»

Cette présence diplomatiquequébécoise à Paris, combinée àla sympathie du gouvernementde Gaulle envers le Québec, favo-rise les échanges entre les deuxcapitales. En 1965, Paul Gérin-La-joie se rend à Paris pour signerune toute première entente Fran-ce-Québec, portant sur l’éduca-tion. «À cette époque,les besoins en éduca-tion au Québec sontimmenses», rappelleRobert Aird.

La doctrineÀ son retour de

Paris, Paul Gérin-La-joie est accueilli àl’aéroport par AndréPatry, alors juriste etconseiller du pre-mier ministre Lesa-ge. «C’est bien beau,cette entente, lui ditPatr y, mais surquelles bases juri-diques repose-t-elle?» C’estqu’André Patr y a déjà beau-coup réfléchi à la question. Ilpropose alors à Paul Gérin-La-joie de prononcer un discours,qu’il écrira lui-même en grandepar tie, dans lequel serontétayées ces bases juridiques.On convient de prononcer lediscours devant un par terrecomposé du corps consulaireen poste au Québec. Le 12 avril1965, Paul Gérin-Lajoie pronon-

ce son discours historique et ladoctrine Gérin-Lajoie voit lejour.

On décrit généralement ladoctrine Gérin-Lajoie en cestermes: c’est le prolongementinternational des compétencesinternes du Québec. Dans sondiscours de 1965, Paul Gérin-Lajoie explique les bases juri-diques qui rendent cette thèsepossible. Il s’appuie d’abord surun jugement du Conseil privédatant de 1883 qui stipule queles provinces canadiennes nesont d’aucune façon les délé-guées du gouvernement cana-dien et qu’elles n’agissent pasen vertu d’un mandat reçu dece dernier. Elles sont donclibres de légiférer comme ellesl’entendent dans les champs decompétence qui sont les leursen ver tu de l’Acte de l’Amé-rique du Nord britannique.

Il poursuit en soulignant unecontradiction constitutionnelle,confirmée par un jugement ren-du trente ans plus tôt par le comi-té judiciaire de Conseil privé et ja-mais invalidé depuis. Si le Cana-da possède le droit de signer destraités internationaux, ce qu’onnomme le jus tractatuum, il nepeut en revanche appliquer cestraités si leur mise en œuvre

touche les champs decompétence provin-ciaux.

En d’autres mots,les provinces sont par-ties prenantes ou nonde tout traité canadienportant sur leurschamps de compéten-ce. Dans ce cas, pour-quoi les provinces,donc le Québec, nepourraient-elles pas si-gner leurs propres en-tentes internationalesdans leurs champs decompétence, avancealors Gérin-Lajoie.

D’autant plus que le Statut deWestminster de 1931 est muetsur la question des relations in-ternationales et nulle part n’est-ilmentionné qu’elles relèvent de lacompétence exclusive du gou-vernement du Canada.

Ce sont les raisons pour les-quelles Gérin-Lajoie avance quele Québec, comme les autresprovinces canadiennes, d’ail-leurs, possède lui aussi le justractatuum. Il va même plus loin

en déclarant «qu’il n’est plus ad-missible non plus que l’État fédé-ral puisse exercer une sorte desurveillance et de contrôle d’op-portunité sur les relations inter-nationales du Québec».

D’hier à aujourd’huiDepuis ce discours, tous les

gouvernements du Québec,peu importe leur allégeancepolitique, ont adhéré à cettedoctrine. «Depuis cette premiè-re entente en 1965 sur l’éduca-tion, le Québec a signé 687 en-tentes internationales, dont 383sont toujours en vigueur», rap-pelle Stéphane Paquin, profes-seur à l’ÉNAP et spécialistedes relations internationales.

Si la doctrine Gérin-Lajoie faitl’unanimité au Québec depuis sanaissance, le gouvernement fé-déral a réagi de différentes fa-çons au fil des ans. «En 1965, legouvernement Pearson avait unecertaine ouverture, mais celle-cis’est rétrécie avec l’arrivée du gou-vernement Trudeau, souligneStéphane Paquin. Le ton s’estdurci chaque fois que le PQ étaitau pouvoir et que les libéraux di-rigeaient le gouvernement cana-dien. On peut dire aujourd’hui,même s’il n’y a jamais eu de re-connaissance of ficielle du justractatuum provincial par le Ca-nada, que la question ne poseplus vraiment de problème, le

gouvernement Harper étant plusouvert à la présence internatio-nale des provinces.»

Il en donne pour preuve lesnégociations entourant l’enten-te de libre-échange entre le Ca-nada et l’Union européenne.«Toutes les provinces cana-diennes sont assises aux tablesde négociations.»

Un autre bel exemple de ladoctrine Gérin-Lajoie à l’œu-vreest l’entente France-Québec surla reconnaissance mutuelle desqualifications professionnelles.«Cette entente a été signée par laFrance et le Québec, sans la par-ticipation du Canada. C’estd’ailleurs la première fois qu’uneentente France-Québec est signéepersonnellement par le présidentfrançais; auparavant, les en-tentes étaient signées par des mi-nistres du gouvernement fran-çais.»

Ce type de relations interna-tionales gagne même du ter-rain. «C’est une tendance qu’onobserve maintenant dans la plu-par t des États fédérés. Parexemple, en Espagne, la Cata-logne signe maintenant sespropres ententes internationales.Et le Québec, à cet égard, faitaujourd’hui figure de précurseuret de modèle grâce à la doctrineGérin-Lajoie.»

Collaborateur du Devoir

Acte fondateur

Le 12 avril 1965, Paul Gérin-Lajoie prononce un discours historiqueOn ne saurait aborder le sujet des relations internationalesdu Québec sans évoquer la doctrine Gérin-Lajoie qui en a tra-cé la voie. Dans quelles circonstances cette doctrine est-ellenée? Sur quoi repose-t-elle? Et quelles en sont les consé-quences, hier comme aujourd’hui?

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Paul Gérin-Lajoie

«Le Québecfaitaujourd’huifigure deprécurseur et de modèlegrâce à ladoctrineGérin-Lajoie»

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L E D E V O I R , L E M E R C R E D I 5 O C T O B R E 2 0 1 1C 4

L E Q U É B E C À PA R I S

1961Le premier ministre Jean Lesage effectue sa pre-mière visite officielle en France et inaugure le 5 oc-tobre 1961 à Paris, en présence d’André Malraux, laMaison du Québec, qui deviendra trois ans plustard la Délégation générale du Québec, assimilée àune représentation diplomatique avec immunité dejuridiction, privilèges douaniers et fiscaux.Le premier ministre du Québec, Jean Lesage,est reçu par le général de Gaulle.

1964Ratification de la première entente de coopéra-tion technique franco-québécoise entre le minis-tère de la Jeunesse du Québec et l’Associationpour l’organisation des stages en France.

1965Le ministre de l’Éducation, Paul Gérin-Lajoie,signe avec son homologue français, ChristianFouchet, la première entente internationale duQuébec: l’Entente sur un programme d’échangeset de coopération dans le domaine de l’éducation.La Commission permanente de coopération fran-co-québécoise voit le jour pour veiller à l’applica-tion des programmes prévus dans cette ambi-tieuse entente.Le ministre de l’Éducation, Paul Gérin-Lajoie,formule une doctrine qui fonde en droit la libertéd’action du Québec, sur le plan international,dans ses champs de compétence exclusifs.

1966L’écrivaine Marie-Claire Blais remporte le prixMédicis pour son roman Une saison dans la vied’Emmanuel, publié chez Grasset en France.

1967VViivvee llee QQuuéébbeecc!! à l’Olympia. Ce «premier spec-tacle officiel du Québec» regroupe une douzainede Québécois dont Gilles Vigneault, Pauline Ju-lien, Claude Gauthier, Clémence Desrochers etGinette Reno.Félix Leclerc triomphe à Bobino.Visite au Québec du général de Gaulle à l’occa-sion d’Expo 67. Sa déclaration faite sur le balconde l’hôtel de ville de Montréal a des répercus-sions tant au Québec qu’au Canada et en France.Signature des accords Peyrefitte-Johnson cou-vrant plusieurs domaines, dont la culture etl’éducation

1968Création de l’Office franco-québécois pour lajeunesse.À l’invitation de la France, le ministre de l’Éduca-tion du Québec participe à la conférence des mi-nistres de l’Éducation à Libreville, une première enmatière de relations multilatérales.

1969Depuis son passage fulgurant en 1969 à l’Olym-pia, Robert Charlebois est devenu une icône dela chanson québécoise en France.

1970Avec l’appui du gouvernement français, le Qué-bec obtient le statut de gouvernement partici-pant à l’Agence de coopération culturelle et tech-nique, devenue aujourd’hui l’Organisation inter-nationale de la francophonie.

1973LLeess BBeelllleess--SSœœuurrss, de Michel Tremblay, est pré-sentée par la Compagnie des Deux Chaises àl’Espace Cardin, à Paris. Elle est considérée com-me la meilleure production étrangère de la sai-son théâtrale parisienne.

1974Visite en France du premier ministre RobertBourassa, au cours de laquelle est convenue,avec le premier ministre Jacques Chirac, la créa-tion du Groupe franco-québécois de coopérationéconomique.

1977Le premier ministre du Québec, René Lé-vesque, et le premier ministre français, Ray-mond Barre, instaurent les missions alternéesdirigées par les premiers ministres québécoiset français.

1979Création de Starmania, de Luc Plamondon etMichel Berger, au Palais des congrès de Paris.Cette production met notamment en vedette Dia-ne Dufresne, France Gall, Fabienne Thibault, Na-nette Workman, Claude Dubois et Daniel Bala-voine. Starmania fut l’un des tout premiers opé-ras rock francophones entièrement chantés.Joué partout dans le monde, cet opéra a connude nombreuses adaptations.

1986LLee ddéécclliinn ddee ll’’eemmppiirree aamméérriiccaaiinn, de Denys Ar-cand, remporte le Prix de la critique internationa-le au Festival de Cannes et attire 1,2 million despectateurs en France.

1994Signature d’un premier plan d’action avec unerégion française, Rhône-Alpes.

1996La Commission franco-québécoise sur les lieuxde mémoire communs voit le jour.

1997La semaine «Cinéma du Québec à Paris» estcréée, sous la présidence d’honneur de CaroleLaure, qui sera chaque année fidèle au rendez-vous. De Paris, la manifestation essaimera jus-qu’à Lyon, Nîmes, Cannes, et jusqu’à Liège enBelgique.

1998Création du Groupe franco-québécois sur la di-versité culturelle.

1999Inauguration du «Printemps du Québec enFrance».

2000Lancement du club économique France-Québec.

2001Premiers ateliers portant sur «la France et sacoopération décentralisée avec le Québec».

2003Pour LLeess IInnvvaassiioonnss bbaarrbbaarreess, Denys Arcandremporte au Festival de Cannes le prix du scéna-rio. Le prix d’interprétation féminine est remis àMarie-Josée Croze. En 2004, il reçoit trois Cé-sars: meilleur film, meilleur réalisateur etmeilleur scénario original ou adaptation.

2004Mission commerciale conjointe France-Québecau Mexique, dirigée par les premiers ministresJean Charest et Jean-Pierre Raffarin.

2005Le Théâtre national de Chaillot inaugure sa sai-son avec la version intégrale revisitée de La trilo-gie des dragons, de l’auteur et metteur en scèneRobert Lepage. Création du Fonds franco-québécois pour la co-opération décentralisée.

2008Création du Conseil franco-québécois de coopé-ration universitaireVisite au Québec du président Nicolas Sarkozy.Pour la première fois, le président de la Répu-blique française prononce un discours à l’Assem-blée nationale du Québec.Signature de l’entente Québec-France sur lareconnaissance mutuelle des qualificationsprofessionnelles, par Nicolas Sarkozy et JeanCharest.Visite au Québec du premier ministre FrançoisFillon à l’occasion des fêtes du 400e anniversairede Québec. Célébrations en France du 400e anniversairede la fondation de Québec par Samuel deChamplain, navigateur et cartographe originai-re de Brouage, en Charente-Maritime.

2009L’auteur, metteur en scène et comédien WajdiMouawad est artiste associé du Festival d’Avi-gnon. Sa trilogie Le sang des promesses, consti-tuée des pièces Littoral, Incendies et Forêts,inaugure la 63e édition du festival.Wajdi Mouawad reçoit la même année leGrand Prix du théâtre de l’Académie françaisepour l’ensemble de son œuvre dramatique.Dany Laferrière remporte le prix Médicis pourson roman L’énigme du retour, publié aux édi-tions du Boréal, au Québec, et chez Grasset, enFrance.Création du Club des dirigeants d’entreprisesfranco-québécoises, dont le principal objectifconsiste à favoriser l’entraide parmi les acteurséconomiques œuvrant dans l’axe France-Qué-bec, notamment en jouant un rôle de mentorat eten favorisant la mise en commun de réseaux d’in-formations et d’expériences.

2010Xavier Dolan se retrouve, à 21 ans, en Sélectionofficielle au Festival de Cannes avec son deuxiè-me film autoproduit, Les amours imaginaires. En2009, Dolan avait remporté trois prix à la Quin-zaine des réalisateurs avec son premier long mé-trage, J’ai tué ma mère.

2011Denis Marleau signe la mise en scène d’Aga-memnon présentée à la Comédie-Française. Il estle premier metteur en scène québécois invité parla Comédie-Française à fouler les planches de laSalle Richelieu.

Le Devoir, d’après le ministère desRelations internationales.

Un demi-siècle d’échanges

Le Québec reçoit de la France une reconnaissance internationaleL’écrivaine Marie-Claire Blais signe un premier coup d’éclat en obtenant en 1966 le MédicisEn 50 ans, le Québec a reçu de la France plus d’un appui. Le mot «État» s’inscrivit dans leséchanges et les artistes d’ici reçurent outre-Atlantique un accueil plus que favorable. Plustard, des échanges économiques, mais toujours des liens suivis. Le ministère des Relationsinternationales se souvient.

R É G I N A L D H A R V E Y

Qu’en-est-il au juste de ceslieux de mémoire qui sont

la raison même d’exister de cet-te commission? Coprésident decelle-ci pour le Québec, AndréDorval apporte cet éclairage:«C’est un repère culturel qui té-moigne de leur histoire commu-ne aux Français et aux Québé-cois; c’est un concept qui a été dé-veloppé par l’historien françaisPierre Nora, et on a l’adapté ànotre réalité et à notre usage, se-lon la pratique. Il peut s’agiraussi bien d’un patrimoine im-mobilier que d’éléments cultu-rels. Pour résumer, je dirais quece sont toutes les traces tangibleset intangibles de notre histoirecommune.»

Dans quelles circonstances laCommission est-elle mise surpied? «Marcel Masse a proposécette idée-là à une autre commis-sion qui existait déjà depuis denombreuses années, celle de la co-opération permanente franco-québécoise; il en fut d’ailleurs lepremier coprésident avec, pourpendant français, Henri Réthoré,ex-consul général à Québec.»

Il se tourne vers l’objectifvisé et apporte un certain éclai-rage sur celui-ci: «Dans le fond,l’idée, c’était de créer un pointd’ancrage qui se préoccuped’identifier, de faire connaître etde mettre en valeur ces lieux demémoire. Il faut bien voir lecôté bilatéral et bénévole d’untel organisme: du côté français,si on regarde le statut formel,c’est une association, et au Qué-bec, c’est un organisme à butnon lucratif. La Commission,c’est donc, essentiellement et à

la fois de part et d’autre de l’At-lantique, une sor te de forum,un lieu de concer tation,d’échanges, de propositions etd’initiatives; c’est aussi parfoisun endroit de coordination, par-ce qu’on réalise des choses. Lesgens sont là à titre de bénévolequi s’intéresse au thème quinous réunit; ils peuvent être en-core au travail dans des établis-sements culturels comme desmusées, des services d’archives,etc.; dans d’autres cas, ils nousappuient à titre individuel.C’est un engagement citoyen;plusieurs de ces personnes sontégalement à la retraite et, com-me elles ont œuvré dans ces uni-vers-là, elles mettent leurs com-pétences à notre service.»

Élément déclencheurPlusieurs moyens d’action ont

été mis de l’avant pour mener àbien la mission. «Ils sont plutôthumbles. On dispose d’une petitesubvention de la Commission per-manente, mais notre force, c’estd’être la mouche du coche; c’estdonc dire qu’on va voir des ac-teurs institutionnels à qui on pro-pose des choses; finalement, noussommes un peu des animateurs»,explique André Dorval.

Dans d’autres circonstances, ilest question d’un engagementplus poussé. «On peut faire desdémarches pour solliciter des fondsen vue de réaliser des projets.» Ildonne un exemple reflétant lespréoccupations et les grandsthèmes de la Commission, quisont associés à la connaissanceet à la mise en valeur des lieuxfranco-québécois. «Il y a quelquesannées, on a par conséquent mobi-lisé des universités: pour la Fran-

ce, on a recruté l’Université de LaRochelle, et pour le Québec, ce fu-rent l’Université Laval et l’Univer-sité du Québec à Trois-Rivières. Ils’en est suivi un énorme chantierqui a résulté en des produits trèsimportants: on a réussi à publieren 2008 le document Les tracesde la Nouvelle-France au Québecet en Poitou-Charentes.»

Et l’originalité de la dé-marche doit être soulignée.«Voilà un exemple d’interventionqui a donné des résultats extrê-mement tangibles; c’est unebrique et un travail d’inventairequi existe à la fois en version pa-pier et électronique. On identifielà des traces de nature patrimo-niale qui témoignent de notre his-toire commune.»

En fondant toujours son ac-tion sur la même thématique,

la Commission se lance main-tenant dans le développementdu tourisme mémoriel et cul-turel. «Dans ce sens, on a unprojet avec l ’Université duQuébec à Trois-Rivières. L’andernier, on a réalisé un tron-çon-pilote dans notre site Webpour voir comment on pouvaitstimuler davantage cette activi-té touristique; on sait que celle-ci existe déjà et qu’on n’inventepas la roue, mais on veut quele thème de la mémoire franco-québécoise soit encore plus pré-sent dans des situations lu-diques. On est en train de faireavancer la roue dans cette di-rection et, l’an prochain, il yaura un colloque internationaltrès important à ce sujet, sousles auspices de l’UNESCO, quisera organisé en collaboration

avec nos par tenaires et quiaura lieu à Québec.»

CommémorationsIl arrive de plus que la Com-

mission se tourne vers les évé-nements commémoratifs pours’acquitter de sa mission. «En2009, à l’occasion du 150e an-niversaire de la création duconsulat général de la Franceou du premier établissement di-plomatique français au Qué-bec. On en a profité pour tenirun colloque sur ce thème etpour inviter des gens à parlerdu consulat comme tel et de sonmandat, qui est devenu très dif-férent au fil du temps, notam-ment à la suite du voyage de DeGaulle.»

Un autre colloque s’est tenuhier, à Paris cette fois, dans le

but de souligner le 50e anniver-saire de la Délégation québé-coise. André Dorval en résu-me la présentation. «C’est re-connu comme un temps fort en-tourant les manifestations au-tour de cet événement. Il vise àretracer l’histoire de la coopéra-tion franco-québécoise, et beau-coup des acteurs qui l’ont écriteseront présents, ce qui donneun accent tout à fait particulierà ce rassemblement.»

Entre-temps, la Commissions’est mise à l’ouvrage et prépa-re une publication sur les cin-quante ans de la Délégation,qui sortira en novembre. Elle apour titre provisoire Les textesmarquants de la relation franco-québécoise.

Collaborateur du Devoir

Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs

Ces lieux qui ne seront jamais oubliés«On identifie des traces de nature patrimoniale qui témoignent de notre histoire commune»

XAVIER LEOTY AFP

Le port de La Rochelle, dans le département de la Charente-Maritime. Des chercheurs de l’Université de La Rochelle ont participéà la réalisation de l’inventaire des lieux de mémoire de la Nouvelle-France dans la région du Poitou-Charentes.

Depuis 1996 existe un organisme nommé la Commissionfranco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CF-QLMC) qui a vu le jour sous l’impulsion de la Délégationquébécoise à Paris, au moment où Marcel Masse en était ledélégué général. Elle souligne les qualités, en les dif fusant dedif férentes manières, de ces lieux à la fois matériels et imma-tériels qui ont engendré des richesses culturelles et histo-riques dispersées sur deux continents.

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L E D E V O I R , L E M E R C R E D I 5 O C T O B R E 2 0 1 1 C 5

L E Q U É B E C À PA R I S

J É R Ô M E D E L G A D O

U n petit Elektra, entière-ment québécois, animera

cette semaine le ciel parisien.Pendant quatre jours, de ce jeu-di à dimanche, notre savoir-fai-re en arts numériques bénéfi-ciera des meilleures vitrines dela France, voire de toute l’Euro-pe. L’événement s’intitule «Qué-bec numérique» et fait partiedes célébrations du 50e anniver-saire de la Délégation généraledu Québec à Paris.

Performances, exposition etjeux vidéo, ainsi que le Marchéinternational de l’ar t numé-rique (MIAN), volet désormaisincontournable au festival Elek-tra, tiendront le haut du pro-gramme de deux importantsdiffuseurs de la Ville lumière, laGaîté lyrique et le Centquatre.Une quinzaine de créateurs, is-

sus du monde des arts techno-logiques ou de celui de la mu-sique électronique, composentle contingent.

Une telle campagne, aussispécifique à Elektra, n’avait ja-mais eu lieu. «En 2006, il yavait eu une grande opérationautour de la francophonie, authéâtre du Châtelet, se souvientAlain Thibault, directeur artis-tique d’Elektra, mais il ne s’agis-sait que d’une soirée. Cette fois,ce sont quatre jours. Et ils s’arti-culent autour d’une activité detype marché.»

Québec au NémoPour le compositeur et artis-

te sonore, un marché commecelui qu’Elektra tient en margede sa programmation depuis2007 est maintenant indispen-sable et presque aussi impor-tant que les événements de dif-

fusion. Qu’il se reproduise enEurope, là où les arts électro-niques tiennent le fort, le ravit.

«Ce sera un échange, dit-il,entre des artistes d’ici et des pro-ducteurs internationaux. Les unsprésentent des tests, les autres,des lieux. Ça aidera beaucoup.En création numérique, Mont-réal a un bon bassin créatif, leplus important en Amérique duNord, mais le marché [les diffu-seurs] est limité.»

Autrement dit, pour queMontréal continue à être cetteplaque tournante des arts élec-troniques, il faut multiplier lesoccasions de faire circuler lesœuvres à l’étranger.

«Québec numérique» s’ins-crit dans le cadre du festivald’arts numériques Némo, quien est à sa quatrième édition.C’est avec lui, et avec les pro-grammateurs de la Gaîté ly-rique et du Centquatre,qu’Elektra a monté le program-me de cette semaine. Parmi lesperformances retenues, quatresont «audiovisuelles», dont Lachambre des machines, du duo

Nicolas Bernier et Martin Mes-sier. L’œuvre, qui s’inspire desmachines à bruit des futuristesitaliens — les intonarumori —ne passe jamais inaperçue. Elleavait d’ailleurs reçu en mai unemention d’honneur lors duprestigieux festival Ars Electro-nica, à Linz, en Autriche.

Purform, un autre duo, for-mé celui-ci d’Alain Thibaultlui-même et de Yan Breuleux,présentera White Box, œuvreimmersive créée en février.Pour l’occasion, et pour bienoccuper la vaste salle de laGaîté lyrique, les deux com-parses l’ont «améliorée». Laversion parisienne, spécifiqueau lieu, «sera à 360 degrés eten quadriphonie».

Louis-Philippe Demers y seraavec la seule performance ro-botique au menu, celle qui atant fait de bruit en mai lors dudernier Elektra montréalais.Vingt petits automates s’acti-vent dans une chorégraphiedigne des per formances lesplus extrêmes qu’on exigeaitdes interprètes humains à uneautre époque. L’œuvre intituléeThe Tillers Girls offre un clind’œil à la troupe de danse épo-nyme du début du XXe siècle.

Côté exposition, il n’y en auraqu’une seule aussi. Et c’est auMontréalais Rafael Lozano-Hemmer, grande figure interna-tionale en arts interactifs, quereviendra cet honneur. L’installa-tion Trackers réunit douzepièces qui allient projections etdétecteurs de mouvement.

La manifestation «Québecnumérique» découle d’une sé-rie d’échanges et de collabora-tions entre Elektra et Arcadi,l’organisme derrière le festivalNémo. La présence québécoiseà Paris n’est en réalité que lapremière partie d’une plus vas-te opération.

En 2012, Montréal renverral’ascenseur à sa ville cousineet accueillera en juin une fortedélégation de créateurs fran-çais pendant la première Bien-nale internationale d’arts nu-mériques, le nouveau rejetond’Elektra.

Collaborateur du Devoir

Québec numérique

Elektra débarque en force dans la Ville lumièrePerformances et exposition se retrouvent dans le festival Némo

C L A U D E L A F L E U R

I l y a quarante ans se créaientde part et d’autre de l’Atlan-

tique deux regroupements de ci-toyens dans le but de promouvoirles échanges entre la France et leQuébec. «Nous regroupons plus de2000 Québécois et nous sommes cequ’on pourrait appeler la “partiecivile” de la coopération franco-québécoise, énonce Pierre Pro-vost, président de l’AssociationQuébec-France. À cer tainségards, la coopération franco-qué-bécoise, c’est très administratif, gou-vernemental et politique, alors quenous, nous sommes la société civilede participation à la coopération.»

Ce regroupement est avanttout une association d’amitié quivise à développer les relationsentre la France et le Québec.Constituée de 20 «régionales» quitapissent le Québec — de la Gas-pésie à l’Abitibi, de l’Outaouais àl’Estrie, illustre M. Provost —l’Association Québec-France ason équivalent français, constituéde 69 «régionales». L’une des ca-ractéristiques des deux regroupe-ments est de ne pas être centréssur les grands centres urbains —Paris, Montréal — mais de cou-vrir les régions.

Tous deux non seulement fontla promotion des échanges cultu-rels et touristiques, mais ces as-sociations constituent un véri-table réseau d’amitié et d’entrai-de qui facilite l’accueil des visi-teurs d’outre-mer, peu importequelles régions ils visitent, demême que les échanges de mai-sons (avec, en outre, l’accueil parles résidants locaux), ainsi queles échanges d’étu-diants et de profes-sionnels. Pierre Pro-vost a lui-même béné-ficié d’un échange pro-fessionnel inédit. «En1988-89, raconte-t-il,durant un an, j’ai faitun échange profession-nel. J’étais alors organi-sateur communautaireen CLSC (dans laBaie-des-Chaleurs) et j’ai changéde poste avec une conseillère enéconomie sociale et familiale deBourgogne. On voulait alors voircomment des professionnels pou-vaient intervenir en territoire com-plètement différent.»

«Ç’a été tout un dépaysementpour la famille, poursuit-il. Pensezdonc, mes quatre enfants ont pas-sé une année dans des écoles enmilieu rural français. Ce fut poureux une belle expérience… Pourma part, sur le plan professionnel,ç’a été une expérience extraordi-naire, parce que les façons de tra-vailler sont très différentes. Entreautres, j’ai pris une foule d’initia-tives qui ont par fois beaucoupétonné les Français, puisque je nerespectais pas la hiérarchie! Demon côté, j’ai beaucoup appréciél’étroite collaboration qui existeentre les mairies et les écoles — cequ’on ne voit pas ici!»

Depuis vingt ans, les échan-ges professionnels de part etd’autre de l’Atlantique se sontamplifiés. Actuellement, cinqcentres jeunesse du Québec etautant d’instituts régionaux detravail social de la France parta-gent des professionnels. «Ce sontdonc des travailleurs sociaux, deséducateurs, des psycho-éducateurs,qui partent de la France pour ve-nir ici voir comment on travaille,et vice-versa, résume M. Provost.On a actuellement des stagiairesfrançais à Québec, à Gaspé et enMontérégie, et d’autres s’en vien-

nent.» Les membres de l’Asso-ciation Québec-France bénéfi-cient d’une foule d’avantages.Non seulement les membresd’une régionale reçoivent-ils lavisite de «cousins» venus leurprésenter leur coin de pays etleur mode de vie mais, lorsquevient le temps d’explorer lacontrée française, ils bénéficientde l’accueil des membres de larégionale française.

«On a aussi un programmed’échange de maisons, relatePierre Provost. L’un de nous vachez un membre de France-Qué-bec et lui vient ici pour un mois.Les membres de la régionale enétant informés, ils accueillent ets’occupent du visiteur. C’est direque, en plus d’un échange demaisons, il y a tout un réseaud’accueil en place.» De même,un membre qui décide de visi-ter dif férentes régions de laFrance peut demander à êtrehébergé par des membres de larégionale. «On ne fait alors pasle voyage d’un touriste qui résidedans des hôtels, note Pierre Pro-vost, mais on va chez des gensqui nous accueillent et nous fontdécouvrir leur coin de pays.»

Par ailleurs, dans le cadredu programme «Découvertedu pays d’en face», l’Associa-tion Québec-France organisedes délégations (d’une vingtai-ne de personnes) qui visitentune suite de régions de laFrance durant une année.«Nos membres sont reçus pardes régionales françaises afinde découvrir dif férents coins dela France et sont hébergés chezl ’habitant (des membres de

France-Québec), ex-plique le président del’association. L’annéesuivante, ce sont desFrançais qui décou-vrent le Québec enfaisant une tournéedes régions.» M. Pro-vost souligne au pas-sage qu’«on n’a ja-mais de problèmeavec l’accueil; il y a

toujours des membres prêts àaccueillir d’autres membres».

L’association offre aussi desprogrammes pour jeunes, dontle programme «Intermunicipali-té», qui permet à de jeunesQuébécois et Français de tra-vailler dans une municipalité du«pays d’en face». «Actuelle-ment, on a environ 150 jeunesqui vivent de par t et d’autreune expérience qui leur permetde découvrir la France ou leQuébec, relate-t-il. On a aussides ententes avec des vigneronsfrançais qui accueillent desjeunes, les hébergent et lespaient pour leur faire faire desvendanges.»

Les deux associations organi-sent également chacune un prixlittéraire. Des livres sont envoyésdans chacune des régionales,rapporte M. Provost, les mem-bres de celles-ci les lisent et vo-tent. L’écrivain français qui rem-porte le prix vient ensuite faireune tournée organisée au Qué-bec — de même pour le lauréatquébécois en France. «On de-vient membre de notre associa-tion pour plusieurs raisons, in-dique avec enthousiasme leprésident, soit par amour de laFrance, pour accueillir desFrançais et échanger avec eux,découvrir des régions et desmodes de vie, se lier d’amitié etvoir du pays!»

Collaborateur du Devoir

Association Québec-France

Pour l’amitié etl’amour de la FranceLe Québec et la France sontorganisés en «régionales»

Elektra, pour les Montréalais, ce sont des soirées de maibien remplies d’images et de sons. Et voilà que le festivald’arts électroniques s’établit à Paris, le temps d’une semaineautomnale.

L’Association France-Québec est d’abord une associationd’amitié. Pierre Provost, son président, témoigne.

SOURCE ISABELLE GARDNER

La chambre des machines, du duo Nicolas Bernier et Martin Messier

SOURCE GRÉGORY CHATONSKY

Capture, de Grégory Chatonsky, sera présenté à Paris cet automne dans le cadre du Festival d’artsélectroniques.

SOURCE SEPAQ

Le Parc national de la Gaspésie, un «grand espace» fort appréciédes Français

La promotiondes échangesculturels ettouristiquessont à l’honneur

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