pyomyosite du psoas-iliaque : une cause d’impotence douloureuse du membre inférieur

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Douleurs, 2007, 8, 2 91 CAS CLINIQUE Pyomyosite du psoas-iliaque : une cause d’impotence douloureuse du membre inférieur François Natali (1) (photo), Thierry Le Bivic (2) Les douleurs de la racine du membre inférieur associées à un clinostatisme ont en général une origine osseuse ou articulaire. Cependant une atteinte mus- culaire doit être recherchée dès lors que les radiographies standards sont nor- males. L’infection musculaire primitive ou pyomyosite est une étiologie rare, possible même en pays tempéré, d’autant plus que le patient a des facteurs d’immunodépression. CAS CLINIQUE Madame G.P., 73 ans, consulte le 6 septembre 2005 pour une douleur de la racine du membre inférieure gauche (MIG). Cette douleur est apparue dix jours auparavant, au décours d’une marche un peu plus prolongée qu’habituellement. Elle a un caractère insomniant et entraîne une boiterie. Les antécédents de la patiente sont nombreux : – asthme ancien, évolué vers l’insuffisance respiratoire chronique obstructive, non oxygéno-requérante, amputant de 40 % le volume expiratoire maximal/seconde ; – hypercholestérolémie, hypertension artérielle équilibrée, artériopathie des membres inférieurs stade II large ; – état axio-dépressif associé à de discrètes altérations des fonctions supérieures ; – diverticulose intestinale, colopathie fonctionnelle compli- quée d’une période diarrhéique durant le mois de juin 2005. L’asthme a été traité pendant plusieurs années par une cor- ticothérapie orale. Celle-ci a pu être progressivement arrê- tée le 31 mars 2005, et être remplacée par une opothérapie substitutive de l’insuffisance surrénale. Le traitement quotidien de Madame G.P. est conséquent : – hydrocortisone 30 mg ; nébulisations – terbutaline 5 mg/ 2 ml et ipratropium bromure 0,5 mg/ml – 3 fois/jours ; inhalations 2 fois/jour de formetorol gel 12 microgrammes et béclométasone gel 400 microgrammes ; – pravastine 40 mg ; valsartan 80 mg/hydrochlorothiazide 12,5 m ; nicardipine LP 50 mg 2 fois/jour ; clopridogel 75 mg ; – pantoprazole 20 mg ; – clomipramine 50 mg ; zolpidem 10 mg ; lormétazépam 1 mg. L’examen clinique du MIG retient : douleur provoquée à la palpation de la région inguinale, mobilité normale de la hanche, clinostatisme ou impossibilité pour la malade ins- tallée en décubitus dorsal de décoller du plan du lit le MIG en extension. L’examen du MID est normal. L’état cutané témoigne de la fra- gilité vasculaire induite par une longue corticothérapie et le clopidrogel : nombreuses ecchymoses, mais sans excoriations. La patiente est en bon état général (taille : 162 cm, poids 63 kg), sans complication respiratoire et cardio-vasculaire. La température est de 37° 2. Les clichés osseux montrent des calcifications tendineuses bilatérales sur l’os iliaque. Ils éliminent une fracture du fémur ou du bassin, une coxarthrose, une ostéonécrose patente. Cliniquement 3 hypothèses sont alors proposées : une ostéonécrose débutante de la tête fémorale gauche, des myalgies voire une tendinite liée à la pravastatine, une atteinte du muscle psoas-iliaque en particulier un héma- tome induit par le clopidrogel et la marche prolongée. La biologie donne un syndrome inflammatoire et infectieux qui est à l’encontre de ces hypothèses. Vitesse de sédimen- tation : 62/90 mm, protéine C-Réactive CRP 50 mg/l, fibri- nogène 4,96 g/l. Protides totaux 73,5 g/l, albumine 51,6 %, alpha – 2 globulines 14,5 %. Leucocytes 12 500/mm 3 dont polynucléaires neutrophiles PN 80 % (10 000/mm 3 ). Hémoglobine : 11,8 g % ml. Pla- quettes 502 00/mm 3 . Il n’y a pas d’anomalie métabolique, rénale ou hépatique. Glycémie 5,39 mmol/l, créatinine 55 micromol/l. TSH ultrasensible : 2,260 m UI/l. Les enzymes musculaires sont normales : Créatine Phospho Kinase CPK : 59 U/l (N < 135), Aldolase : 3,6 UI (N < 7,5). Une imagerie par résonance magnétique du bassin est réa- lisée le 13 septembre 2005. Sur les coupes pondérées en T1 avec gadolinium et SAT FAT (saturation ou annulation du signal de la graisse), on peut détecter 2 abcès : l’un à l’extrémité inférieure du grand psoas, l’autre dans le muscle iliaque. Ce sont des zones hypodenses entourées d’une couronne hyperdense (fig. 1). Les images pondérées T2 STIR (Short tau inversion recovery) montrent un hypersignal à ce niveau (fig. 2). Le diagnostic correspond donc à une pyomyosite du groupe musculaire psoas – iliaque gauche. 1. Service de Pneumologie, Hôpital d’Instruction des Armées Clermont-Tonnerre, Brest-Armées. 2. Service de Radiologie, Hôpital d’Instruction des Armées Clermont-Tonnerre, Brest-Armées.

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Douleurs, 2007, 8, 2

91

C A S C L I N I Q U E

Pyomyosite du psoas-iliaque : une cause d’impotencedouloureuse du membre inférieur

François Natali

(1)

(photo), Thierry Le Bivic

(2)

Les douleurs de la racine du membreinférieur associées à un clinostatismeont en général une origine osseuse ouarticulaire. Cependant une atteinte mus-culaire doit être recherchée dès lors queles radiographies standards sont nor-males. L’infection musculaire primitiveou pyomyosite est une étiologie rare,possible même en pays tempéré, d’autant

plus que le patient a des facteurs d’immunodépression.

CAS CLINIQUE

Madame G.P., 73 ans, consulte le 6 septembre 2005 pour unedouleur de la racine du membre inférieure gauche (MIG).Cette douleur est apparue dix jours auparavant, au décoursd’une marche un peu plus prolongée qu’habituellement.Elle a un caractère insomniant et entraîne une boiterie.Les antécédents de la patiente sont nombreux :– asthme ancien, évolué vers l’insuffisance respiratoirechronique obstructive, non oxygéno-requérante, amputantde 40 % le volume expiratoire maximal/seconde ;– hypercholestérolémie, hypertension artérielle équilibrée,artériopathie des membres inférieurs stade II large ;– état axio-dépressif associé à de discrètes altérations desfonctions supérieures ;– diverticulose intestinale, colopathie fonctionnelle compli-quée d’une période diarrhéique durant le mois de juin 2005.L’asthme a été traité pendant plusieurs années par une cor-ticothérapie orale. Celle-ci a pu être progressivement arrê-tée le 31 mars 2005, et être remplacée par une opothérapiesubstitutive de l’insuffisance surrénale.Le traitement quotidien de Madame G.P. est conséquent :– hydrocortisone 30 mg ; nébulisations – terbutaline 5 mg/2 ml et ipratropium bromure 0,5 mg/ml – 3 fois/jours ;inhalations 2 fois/jour de formetorol gel 12 microgrammeset béclométasone gel 400 microgrammes ;– pravastine 40 mg ; valsartan 80 mg/hydrochlorothiazide12,5 m ; nicardipine LP 50 mg 2 fois/jour ; clopridogel 75 mg ;– pantoprazole 20 mg ;

– clomipramine 50 mg ; zolpidem 10 mg ; lormétazépam 1 mg.

L’examen clinique du MIG retient : douleur provoquée àla palpation de la région inguinale, mobilité normale de lahanche, clinostatisme ou impossibilité pour la malade ins-tallée en décubitus dorsal de décoller du plan du lit le MIGen extension.

L’examen du MID est normal. L’état cutané témoigne de la fra-gilité vasculaire induite par une longue corticothérapie et leclopidrogel : nombreuses ecchymoses, mais sans excoriations.

La patiente est en bon état général (taille : 162 cm, poids63 kg), sans complication respiratoire et cardio-vasculaire.La température est de 37

°

2.

Les clichés osseux montrent des calcifications tendineusesbilatérales sur l’os iliaque. Ils éliminent une fracture du fémurou du bassin, une coxarthrose, une ostéonécrose patente.

Cliniquement 3 hypothèses sont alors proposées : uneostéonécrose débutante de la tête fémorale gauche, desmyalgies voire une tendinite liée à la pravastatine, uneatteinte du muscle psoas-iliaque en particulier un héma-tome induit par le clopidrogel et la marche prolongée.

La biologie donne un syndrome inflammatoire et infectieuxqui est à l’encontre de ces hypothèses. Vitesse de sédimen-tation : 62/90 mm, protéine C-Réactive CRP 50 mg/l, fibri-nogène 4,96 g/l. Protides totaux 73,5 g/l, albumine 51,6 %,alpha – 2 globulines 14,5 %.

Leucocytes 12 500/mm

3

dont polynucléaires neutrophilesPN 80 % (10 000/mm

3

). Hémoglobine : 11,8 g % ml. Pla-quettes 502 00/mm

3

.

Il n’y a pas d’anomalie métabolique, rénale ou hépatique.Glycémie 5,39 mmol/l, créatinine 55 micromol/l.

TSH ultrasensible : 2,260 m UI/l. Les enzymes musculaires sontnormales : Créatine Phospho Kinase CPK : 59 U/l (N < 135),Aldolase : 3,6 UI (N < 7,5).

Une imagerie par résonance magnétique du bassin est réa-lisée le 13 septembre 2005.

Sur les coupes pondérées en T1 avec gadolinium et SATFAT (saturation ou annulation du signal de la graisse), onpeut détecter 2 abcès : l’un à l’extrémité inférieure dugrand psoas, l’autre dans le muscle iliaque. Ce sont deszones hypodenses entourées d’une couronne hyperdense

(fig. 1)

. Les images pondérées T2 STIR (Short tau inversionrecovery) montrent un hypersignal à ce niveau

(fig. 2)

.

Le diagnostic correspond donc à une pyomyosite du groupemusculaire psoas – iliaque gauche.

1. Service de Pneumologie, Hôpital d’Instruction des ArméesClermont-Tonnerre, Brest-Armées.2. Service de Radiologie, Hôpital d’Instruction des ArméesClermont-Tonnerre, Brest-Armées.

Douleurs, 2007, 8, 2

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Une hémoculture aérobie s’avère positive (15 septembre2005) :

Staphylococcus hominis

résistant à la pénicilline etl’amoxicilline, sensible à l’association amoxicilline/acide cla-vulanique, à la pristinamycine, à l’ofloxacine. L’uroculture eststérile.

L’échographie pelvienne ne permet pas d’individualiser cesimages d’abcès. La ponction dirigée sous contrôle scannogra-phique s’avère risquée du fait de la petite taille des abcès, deleur situation profonde, du traitement antiagrégant.

Le traitement antalgique comporte le repos et l’associationparacétamol 400 mg/dextropropoxyphène 30 mg, 2 unités3 fois/jour.

L’antibiothérapie est double initialement :

– amoxicilline 1 g/acide clavulanique 125 mg, 3 fois/jour ;

– ciproflaxacine 500 mg, 2 fois/jour.

Le 3 octobre 2005, après 2 semaines de traitement, l’évolu-tion clinique est favorable du côté gauche et la vitesse desédimentation à la première heure (VS) n’est plus que de30 mm. Mais la patiente se plaint de l’apparition de douleursdans l’aine droite. La nouvelle IRM (7 octobre 2005), montre

que l’abcès du psoas gauche a diminué, mais qu’il existemaintenant aussi une pyomyosite du psoas droit

(fig. 3)

.

Le clopridogel étant arrêté, une ponction dirigée est tentéesur ce nouvel abcès. Elle ne ramène qu’une sérosité héma-tique, non purulente, dont la culture est stérile.

La reprise du repos, du traitement antalgique niveau 2 de l’OMS,la poursuite d’une monoantibiothérapie (amoxicilline/acide cla-vulanique) vont amener une progressive guérison clinique etbiologique. Dès le 20 octobre 2005, la patiente marche nor-malement et n’utilise plus d’antalgique. VS 1

e

heure : 25 mm ;CRP : 4 mg/l ; leucocytes 10 500/mm

3

dont PN 78 %.

L’IRM du 10 novembre 2005, montre que si il persiste encore unhypersignal des muscles iliaque, les abcès ont disparu

(fig. 4)

.

La durée totale de l’antibiothérapie est de 7 semaines. MadameG.P. suivie régulièrement n’a pas présenté de rechute.

DISCUSSION

Les pyomyosites (PM) sont des infections bactériennes d’unou plusieurs muscles squelettiques, allant jusqu’à la constitu-

Figure 1. IRM – Coupe coronale T1, SAT – FAT (annulation du signalde la graisse), Gadolinium. Abcès des muscles ilio-psoas gauches.Hyposignal entouré d’une zone d’hypersignal, rehaussée par le gado-linium. Intégrité osseuse et articulaire.

Figure 2. IRM – Coupe coronale T2 STIR (Short-tau inversion reco-very). Hypersignal des abcès gauches.

Douleurs, 2007, 8, 2

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tion d’un abcès. Elles sont à distinguer d’une plaie infectée,d’une fasciite nécrosante, d’une ostéomyélite avec réactionmusculaire associée ou fistulisation à la peau. Les PM sontendémiques en milieu tropical où elles touchent les enfantset les sujets jeunes, favorisées par les nombreux facteursqui sont le lot des populations défavorisées [1].

Cependant des cas de plus en plus nombreux sont rapportésdans les pays tempérés ou à haut niveau de vie. L’imagerie parrésonance magnétique (IRM) en permet une description précise.

La pathogénie est mal connue. L’entrée du germe dans lemuscle squelettique, réputé résistant aux infections, se faitprobablement par voie hématogène, au cours d’une bacté-riémie transitoire.

Il est décrit trois stades [2] : stade d’inflammation/infection,stade d’abcès collecté auquel est en général reconnue laPM, rarement stade des métastases infectieuses à distance,voire de choc septique.

Les PM des pays développés sont souvent associées à des fac-teurs favorisants. Nancy F. Crum [3] a établi une revue biblio-graphique des cas de PM publiés en langue anglaise de 1981 à2002, associés à une infection HIV. L’auteur en recense 84 cas,ce qui est un petit nombre compte tenu de l’ampleur de l’épi-

démie et de la durée de la période considérée. Ce sont presquetous des hommes, de moyenne d’âge 34 ans.Cet auteur [3] a aussi collecté tous les cas de PM connusaux États-Unis, pendant la même période chez des maladesnon HIV. Elle en dénombre 246, dont elle distingue 2 sous-groupes, 1 et 2 ci-dessous :– ceux ayant un facteur favorisant l’infection : 119 patients(48 %), de moyenne d’âge 43 ans ;– ceux n’ayant pas de facteur favorisant : 127 patients(52 %), de moyenne d’âge beaucoup plus jeune, 23 ans.Dans les 2 sous-groupes, Crum [3] note assez fréquemmentun traumatisme précédant la PM : 24 % dans le sous-groupe 1, 46 % dans le sous-groupe 2.Dans notre observation il est possible que la marche un peuplus prolongée ait joué un rôle traumatique.Les facteurs favorisants sont dans le sous-groupe 1 : diabètesucré (47 patients), traitement corticoïde (34 patients), chi-miothérapie (6 patients), cirrhose, insuffisance rénale, mala-die respiratoire.Cette importante incidence des facteurs favorisants estnotée par A. Hossain [4] chez 7 de ses 8 malades dont 2 HIVpositifs, et par R. Soler [5] chez 29 des 43 cas qu’il rapportedont 1 HIV positif et 5 cas de toxicomanie intraveineuse.Notre patiente associe plusieurs facteurs : insuffisance res-piratoire chronique, corticothérapie au long cours, fragilitécutanée, mauvaise vascularisation artérielle.Les localisations des PM s’observent dans plus de la moitiédes cas aux membres inférieurs, notamment les cuisses et lesfessiers [2, 3], dans 20 % des cas aux psoas [3]. Les atteintesdes membres supérieurs (région deltoïdienne) sont cepen-dant assez fréquentes et comptent pour 4 cas/8 dans la sériede Hossain [4]. D’autres localisations sont possibles : régionthoracique, muscles paravertébraux notamment.

Figure 3. IRM – Coupe coronale T2 STIR. Apparition d’un hypersignalsur le muscle psoas-iliaque droit.

Figure 4. IRM – Coupe coronale T1, SAT – FAT, gadolinium. Évolutionfavorable – Fermeture des abcès.

Douleurs, 2007, 8, 2

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Les atteintes sont multiples dans 13 % et 24 % des sous-groupes 1 et 2 de N. Crum [3].La douleur attire l’attention sur la zone malade, mais n’arien de spécifiquement musculaire. Le diagnostic peut doncêtre erratique [6-8]. Le clinostatisme douloureux du membreinférieur peut être lié soit à une pathologie ostéo-articulaire,soit à une atteinte musculaire elle-même d’étiologie variéecomme un hématome ou une tumeur.Un œdème n’est accessible à la palpation que pour des musclessuperficiels.Une fièvre supérieure ou égale à 38

°

C est notée dans 50 %[2] à 80 % des cas [3].Il existe une hyperleucocytose dans la moitié [2] à trois quartsdes cas [3]. Celle-ci est modérée, en moyenne 14 800 leucocy-tes chez les 246 patients HIV négatifs de N. Crum [3].La créatine – phosphokinase est rarement mesurée :21 fois/246 dans la série N. Crum [3]. Elle est en généralnormale : 81 % des cas notés dans cette même série [3].Il faut donc savoir penser au diagnostic de pyomyositedevant une douleur d’un membre, associée à un syndromeinfectieux, alors que les radiographiesosseuses de la région sont normales.L’imagerie par résonance magnétique(IRM) est l’examen clé, supérieure àl’échographie ou au scanner. L’écho-graphie est en difficulté pour détecterles abcès dans les muscles profonds,comme dans notre observation [2, 5].R. Soler [5] a décrit les aspects des pyo-myosites au stade inflammatoire (22 cas)et à celui d’abcès (21 cas). Au staded’infection, sans abcès, on observe sur lesséquences pondérées T2 STIR (short tauinversion recovery) un signal hyper-intense. Sur les séquences pondérées enT1, le signal est d’intensité intermédiaire,avec un rehaussement diffus par le gado-linium. Au stade d’abcès les séquences T2 – STIR montrentun signal hyperintense. Les images T1, avec saturation degraisse SAT – PAT déterminent un centre à faible ou iso-inten-sité, entouré d’une couronne hyperintense. Le gadolinium ren-force cet aspect hyperintense de l’anneau. Celui-ci correspondà la paroi de l’abcès dans laquelle s’accumulent des produitssanguins, bactéries et macrophages, du fer et des radicauxlibres.Yu [2] analyse 3 critères des abcès qu’il met en corrélationavec la clinique et le traitement :– l’épaisseur de la paroi, 3 millimètres différenciant lesabcès à paroi mince et ceux à paroi épaisse (

3 mm) ;– la taille – produit des 3 diamètres – distinguant les petitset les grands abcès de volume

100 cm

3

;– l’extension aux muscles adjacents et les réactions associées.Ces réactions, non infectantes, peuvent être une inflamma-tion osseuse (2 cas) ou un épanchement articulaire (4 cas).

L’IRM assure le diagnostic différentiel entre une pyomyositeet une ostéomyélite par l’absence d’érosion corticale, deréaction périostée ou de fistule. Elle différencie aussi la pyo-myosite d’un hématome ou d’une tumeur musculaire.Le germe en cause est identifié par hémocultures dans 30 à40 % des cas [2, 3]. La ponction dirigée de l’abcès permetd’obtenir plus sûrement le germe. Elle n’est pas toujourspossible lorsque les abcès sont de petite taille ou situés dansdes muscles profonds, comme dans notre cas clinique.Dans la série de Yu [2], la ponction de l’abcès n’a pas étéréalisée dans 10 cas/40 et l’hémoculture a été positive chez4 de ces 10 patients.

Staphylococcus aureus

est le germe prédominant dans toutesles séries : 2/3 des cas de N. Crum [3], 21/40 des cas de Yu[2]. En milieu tropical,

Staphylococcus aureus

est en causedans 90 % des pyomyosites.Les streptocoques rendent compte de 19 % des cas et diffé-rents germes gram négatif pour 11 % des cas de N. Crum [3].Plus rarement sont en cause : germes anaérobies : Barto-nella, Salmonella chez des patients HIV positifs ; bacille

tuberculeux dans les localisations mus-culaires thoraciques ou les psoas.L’identification du germe manque dans9 % [3] à près de 1/3 des cas [2].Les complications septiques à distancesont possibles dans les formes évoluées,non reconnues. Elles sont à rechercherchez les patients à risque de greffe endo-cardique.Le traitement associe la ponction – éva-cuation de l’abcès musculaire lorsqu’elleest nécessaire et possible, et une anti-biothérapie prolongée.Les techniques d’évacuation de l’abcès –incision ou drainage – sont utiliséeschez 95 % des malades de N. Crum [3],dans 75 % des cas de CW. Yu [2], et

1 fois/2 pour les 8 malades de A. Hossain [4].Yu [2] démontre que la nécessité d’un drainage est liée à lataille de l’abcès et surtout à l’épaisseur de sa paroi.L’antibiothérapie est adaptée au germe en cause lorsque celui-ci peut être identifié. Initialement elle est double, dirigéecontre le staphylocoque doré pénicilline résistant, les strepto-coques et les germes gram négatif. Elle peut être débutée parvoie intra-veineuse. La durée de l’antibiothérapie est d’au –moins 3 à 4 semaines, voire davantage selon l’évolution.Les staphylocoques méthicillino-résistants sont rarement encause dans les pyomyosites. M.E. Ruiz [9] en rapporte 4 casrécents, observés en 6 mois à l’Hôpital Central de Washing-ton : 2 chez des patients sans antécédents, 1 chez un maladesidéen, 1 chez un diabétique de type 2. Le traitement acomporté : drainage de l’abcès dans 2 cas, vancomycine pen-dant 3 à 4 semaines, associé à la clindamycine pour 2 patients.

L’IRM assure le diagnostic différentiel

entre une pyomyosite et une ostéomyélite

par l’absence d’érosion corticale, de réaction

périostée ou de fistule. Elle différencie

aussi la pyomyosite d’un hématome

ou d’une tumeur musculaire.

Douleurs, 2007, 8, 2

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Dans notre observation nous n’avons qu’une hémoculturepositive isolant

Staphylococcus hominis

dont le rôle réelpeut être discuté. Nous avons choisi initialement une bi-antibiothérapie à large spectre, compte tenu du terrain fra-gile de la patiente.Alors que l’atteinte psoas-iliaque gauchecommence à s’améliorer, la localisationsymétrique contro-latérale est mal explica-ble. La prolongation de la monoantibiothé-rapie amoxicilline/acide clavulanique aamené la guérison.Bien que rare, le diagnostic de pyomyo-site du psoas-iliaque, est à suspecterdevant un clinostatisme douloureux dumembre inférieur associé à un syn-drome infectieux et à des radiographiesstandards normales.L’IRM est le plus sûr moyen d’établir cediagnostic. Le traitement antibiotique,adapté si possible au germe, et visant en priorité le staphy-locoque doré non méthicillin résistant, doit être prolongé,4 à 6 semaines. Il est éventuellement complété par une éva-cuation de l’abcès.

RÉFÉRENCES

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Résumé

Les pyomyosites ou infections bactériennes d’un ou plusieursmuscles squelettiques sont rares en pays tempéré ou à haut ni-veau de vie. Nous en rapportons un cas touchant le groupe mus-culaire psoas-iliaque gauche, puis droit. Le signe d’appel est unclinostatisme douloureux du membre inférieur. Notre patiente,âgée de 73 ans, réunit plusieurs facteurs favorisants : insuffisancerespiratoire, corticothérapie, traumatisme d’une marche un peuprolongée. Il faut savoir évoquer le diagnostic de pyomyosite de-vant une douleur associée à une impotence régionale, un syndromeinfectieux, tandis que les radiographies osseuses et articulaires

sont normales. La localisation aux cuisses et aux muscles fessiersest la plus fréquente. Le psoas, le deltoïde, les muscles thora-ciques, paravertébraux, peuvent être aussi atteints. Les abcès sontmultiples dans 15 à 20 % des cas.L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est l’examen clé dudiagnostic. En séquence T1 avec effacement de la graisse (SAT –

FAT) et injection de gadolinium, elle détecteune zone centrale d’hyposignal, entouréed’un hypersignal correspondant à la paroi del’abcès. Le germe le lus souvent en cause est

Staphylococcus aureus

non méthi-résistant.Les streptocoques et les bacilles gram néga-tifs sont assez fréquents.Le germe peut être isolé par hémocultures (30 %des cas) ou mieux par ponction de l’abcès.Le traitement comporte une ponction draina-ge ou incision des abcès volumineux ou ac-cessibles, et une antibiothérapie adaptée etprolongée sur au moins 4 à 6 semaines.

Mots-clés :

pyomyosite, Clinostatisme dou-loureux du membre inférieur.

Summary: Iliac-psoas pyomyositis: a cause of painfullower limb clinostatism

Pyomyositis or bacterial infection of one or more skeletal muscleis an exceptional event in well-to-do populations living in tem-perate climates. We report a case of pyomyositis affecting theiliac psoas muscle group, first on the left then the right. The inau-gural sign was painful lower limb clinostatism. This 73-year-oldpatient presented several favoring factors: respiratory failure,corticosteroid therapy, trauma. The diagnosis was suggested bythe association of regional impotency with signs of infection.Bone and joint images were normal on standard x-rays. Pyomy-ositis generally affects the gluteal muscles, but also the psoas, del-toid, and thoracic and paravertebral muscles. Multiple abscessesare observed in 15-20% of patients.Magnetic resonance imaging (MRI) is the key diagnostic exami-nation. The fat saturation T1 sequence and gadolinium injectionis used to detect a central zone of low intensity signals surroundedby a high intensity signal corresponding to the abscess wall. Non-meti-R Staphylococcus aureus is the most common causal agent.Streptococci and Gram-negative bacilli are also frequent.Blood cultures are positive in 30% of patients but direct punctureof the abscess may be necessary for germ identification. Treat-ment is based on drainage or incision in the event of an accessibleor voluminous abscess together with an adapted antibiotic for atleast four to six weeks.

Key-words:

pyomyositis, painful clinostatism, lower limbs.

Correspondance : F. NATALI,Service de Pneumologie, Hôpital d’Instruction

des Armées Clermont-Tonnerre, BP 41,29240 Brest-Armées.

e-mail : [email protected]

Le diagnostic de pyomyosite du psoas-iliaque,

est à suspecter devant un clinostatisme douloureux

du membre inférieurassocié à un syndrome

infectieux et à des radiographiesstandards normales.