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CHAPITRE I La règle de droit Diversité et spécificité Le singulier ne doit pas faire illusion: la règle juridique est en réalité éminemment variable et fluctuante et bon nombre de précisions et de distinctions seront nécessaires pour rendre compte de cette diversité. Le singulier est néanmoins justifié car la règle juridique présente certaines constantes et certains caractères qui en assurent l’unité et surtout la spécificité. Section I – La diversité de la règle de droit. Section II – La spécificité de la règle de droit. SECTION I LA DIVERSITÉ DE LA RÈGLE DE DROIT Triple diversité On présentera successivement: d’abord les divisions qu’il est nécessaire d’opérer au sein même du droit français contem- porain (§1) ; puis un aperçu historique résumant les variations de la règle juridique dans le temps (§2) ; enfin un aperçu de droit comparé témoignant de sa diversité dans l’es- pace (§3). 4/ 5/

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CHAPITRE I

La règle de droit

Diversité et spécificité

Le singulier ne doit pas faire illusion: la règle juridique est enréalité éminemment variable et fluctuante et bon nombre deprécisions et de distinctions seront nécessaires pour rendrecompte de cette diversité. Le singulier est néanmoins justifiécar la règle juridique présente certaines constantes et certainscaractères qui en assurent l’unité et surtout la spécificité.

Section I – La diversité de la règle de droit.Section II – La spécificité de la règle de droit.

SECTION I

LA DIVERSITÉ DE LA RÈGLE DE DROIT

Triple diversité

On présentera successivement: d’abord les divisions qu’il estnécessaire d’opérer au sein même du droit français contem-porain (§1) ; puis un aperçu historique résumant lesvariations de la règle juridique dans le temps (§2) ; enfin unaperçu de droit comparé témoignant de sa diversité dans l’es-pace (§3).

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§ 1 – LES DIVISIONS DU DROIT FRANÇAIS CONTEMPORAIN

A. Droit public et droit privé

Une distinction fondamentale

Héritée du droit romain, la distinction entre droit public etdroit privé reste aujourd’hui, malgré les nuances et lescritiques, un indispensable outil de classification.

Le droit public se définit comme la branche du droit qui régitl’organisation des pouvoirs publics (droit constitutionnel)ainsi que les rapports entre les pouvoirs publics et les parti-culiers (droit administratif). Ses règles, orientées vers lasatisfaction d’intérêts collectifs, sont le plus souvent impéra-tives: elles s’imposent de manière absolue (cf. infra, nº 38).Ces règles sont sanctionnées par les tribunaux de l’ordreadministratif, à la tête duquel se trouve le Conseil d’État.

Le droit privé se définit comme la branche du droit qui régitles rapports des particuliers entre eux. Ses règles, davantageorientées vers la satisfaction d’intérêts individuels, sont enprincipe supplétives: elles sont proposées et non imposées(cf. infra, nº 39). Ces règles sont sanctionnées par les tribu-naux de l’ordre judiciaire, à la tête duquel se trouve la Courde cassation.

Une distinction malaisée

Non seulement la distinction n’a pas toujours la netteté quelui prête une présentation schématique (par exemple, le droitprivé connaît un nombre croissant de règles impératives),mais surtout des incertitudes affectent le tracé exact de lafrontière séparant les deux branches du droit.

La frontière est d’abord rendue mouvante par un doublephénomène de sens contraire. Il s’agit principalement d’unmouvement de pénétration du droit public dans le domaine dudroit privé, qui se présente lui-même sous deux aspects. Lepremier, désormais classique, affecte certains secteurs: il est

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lié à l’interventionnisme économique des pouvoirs publics etse traduit par les nationalisations, par l’existence d’établisse-ments publics à caractère industriel ou commercial ou encorepar le développement des activités économiques des collecti-vités locales. Le second, plus récent, concerne de manièreplus générale les principes juridiques applicables en toutematière : ce phénomène, lié à l’avènement des droits del’homme et au rôle croissant joué par le Conseil constitution-nel, réside dans la constitutionnalisation et donc dans lapublicisation de la plupart des principes directeurs du droitprivé (cf. infra, n° 16). Mais il s’agit aussi, à l’inverse, d’unmouvement de pénétration du droit privé dans le domaine dudroit public . Il faut ici mentionner le phénomène plus récentdes privatisations (TF1, BNP, Société générale), et aussi signa-ler par exemple que la gestion de certains services publics estconfiée à des organismes privés (les caisses de Sécuritésociale notamment).

La frontière est ensuite rendue incertaine par deux sortesd’hésitations. La première est relative à certains organismes :ceux qui résultent d’une collaboration entre pouvoirs publicset particuliers (sociétés d’économie mixte) mais aussi ceuxqui associent une structure de droit privé à des prérogativesde puissance publique (par exemple les SAFER: Sociétésd’aménagement foncier et d’établissement rural) ou à l’in-verse un statut de droit public à une activité de droit privé(EDF, SNCF, La Poste). Ces organismes et leurs activités sesituent à vrai dire dans une zone intermédiaire obéissant à unrégime hybride. Quant à la seconde hésitation, elle toucheplus largement certaines matières. Tel est spécialement le casdu droit pénal: dominé par l’idée de défense de la collectivitécontre les comportements socialement dangereux, il paraîtressortir au droit public; il reste cependant que le droit pénalréprime principalement des atteintes aux droits des particu-liers et, surtout, que sa technique emprunte au droit privébeaucoup plus qu’au droit public. Le droit pénal apparaîtdonc comme une matière hybride, un droit mixte. Il est, encela, semblable aux autres droits sanctionnateurs.

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B. Droits substantiels et droits sanctionnateurs

La règle et sa mise en œuvre

Les droits substantiels – ou matériels – fournissent lasubstance – la matière – de la règle juridique: droit civil, droitcommercial, droit du travail, etc.

Les droits sanctionnateurs – ou régulateurs – pourvoient à lamise en œuvre des droits substantiels. Assurant la sanction etla coordination des règles formulées par les autres branchesdu droit, ils apparaissent en quelque sorte comme le droit dudroit. Les principales matières régulatrices sont: le droit pénalqui définit les infractions et les peines qui leur sont appli-cables; la procédure civile (ou droit judiciaire privé) qui pose lesrègles relatives à la compétence et au fonctionnement destribunaux judiciaires; le droit international privé dont l’objetprincipal est de régler les conflits de lois dans l’espace (parexemple quelle est la loi applicable au divorce de deuxAlgériens résidant en France? – voir infra, nº 64). Rappelonsque ces différentes disciplines se voient généralement recon-naître une nature mixte, à la frontière du droit public et dudroit privé.

C. Droit civil et matières spécialisées

Le droit commun et ses démembrements

Le droit civil régit les rapports entre particuliers indépen-damment de leur appartenance à un groupe social ouprofessionnel. À l’origine identifié à l’ensemble du droitprivé, il a vu peu à peu son domaine se restreindre par l’ap-parition et l’accession à l’autonomie de matières spécialisées.Le droit civil n’a donc plus la même importance quantitativequ’autrefois. Il conserve cependant un rôle primordial, et celaà deux égards: sur le plan pratique, le droit civil reste le droitprivé commun, en principe applicable à tous, sauf dérogationexpresse; sur le plan théorique, c’est du droit civil que sontissues la quasi-totalité des notions et des techniques juri-diques.

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Les matières spécialisées apparaissent par conséquentcomme des démembrements du droit civil. Le droit commer -cial régit les opérations commerciales et les rapports entrecommerçants. Issu du droit des marchands, il a acquis très tôtune autonomie consacrée par les ordonnances de Colbert surle commerce de terre (1673) et le commerce de mer (1681).Cette autonomie se trouve cependant remise en cause aujour-d’hui, le droit commercial tendant à se fondre soit dans ledroit des affaires (où il côtoie notamment le droit fiscal et ledroit comptable) soit dans le droit des professionnels(commerçants ou non). Le droit commercial est en outresubdivisé en matières plus spécialisées, qui font dans lesfacultés l’objet d’enseignements spécifiques: droit des trans-ports, droit bancaire, droit de la propriété industrielle, etc. Ledroit social, d’apparition beaucoup plus récente, n’a acquis sapleine autonomie qu’au xxe siècle. Lui aussi se subdivise: audroit du travail, qui régit les relations individuelles et collec-tives de travail, il convient en effet d’ajouter le droit de laSécurité sociale. Enfin, d’autres matières encore peuventprétendre à une autonomie partielle ou naissante: ainsi ledroit rural, le droit de la consommation ou le droit de la concur -rence.

§ 2 – LA DIVERSITÉ DE LA RÈGLE DANS LE TEMPS :APERÇU HISTORIQUE

A. Avant le Code civil

L’Ancien Droit

On désigne par cette expression le corps de règles qui était envigueur en France sous l’Ancien Régime, c’est-à-direjusqu’en 1789. L’Ancien Droit peut être schématiquementdécrit en deux mots: diversité et hiérarchie.

La diversité repose principalement sur la distinction entre lespays de droit écrit (approximativement la moitié sud de laFrance), où continuait à s’appliquer le droit romain, et les

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pays de coutumes (approximativement la moitié nord), oùs’appliquaient les coutumes orales importées par les envahis-seurs germaniques. Celles-ci étaient en outre d’une extrêmediversité: on dénombrait environ soixante coutumes princi-pales et au moins trois cents coutumes locales. Au fil dessiècles, cependant, l’évolution s’était faite dans le sens d’uneunification progressive. Plusieurs facteurs y avaientconcouru, parmi lesquels on peut citer: d’abord la renais-sance du droit romain, dont le rayonnement s’étend en paysde coutume dès le XIIe siècle; ensuite l’influence du droitcanonique, évidemment identique sur tout le territoire, quirégit directement certaines matières comme le mariage etmoralise indirectement certaines autres comme les contrats;enfin l’intervention des ordonnances royales applicables àl’ensemble du pays: spécialement les ordonnances deColbert (1673 et 1681) et du chancelier Daguesseau (1731,1735, 1747).

La hiérarchie se manifeste sur tous les plans. Hiérarchie desordres: noblesse et clergé constituent des classes privilégiées.Hiérarchie des terres: la propriété n’est pas entière et l’ex-ploitant, qui n’a que le domaine utile, reste soumis auseigneur ou au roi titulaire du domaine éminent. Hiérarchiefamiliale: les enfants sont soumis à la puissance paternelle,parfois même après leur majorité; la femme mariée, inca-pable, est placée sous la tutelle de son mari. Hiérarchieprofessionnelle enfin: les corporations contrôlent l’accès auxprofessions et en réglementent l’exercice.

Le Droit Intermédiaire

L’expression désigne le droit en vigueur entre le début de laRévolution (1789) et la promulgation du Code civil (1804). Lapériode est brève mais intense.

Les réformes, multiples, sont organisées autour de deuxidées maîtresses. Le désir de liberté, générateur d’hostilitéenvers les «corps intermédiaires», inspire la suppression descorporations – mais aussi la prohibition des associations.

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Dans l’ordre économique, la liberté contractuelle et la libertédu commerce et de l’industrie sont proclamées. Dans l’ordrefamilial, la puissance paternelle et maritale est limitée, lemariage est laïcisé, le divorce est instauré. Le désir d’égalitéconduit à l’abolition des privilèges (nuit du 4 août) maisaussi, notamment, à la réalisation de l’égalité successorale.

Des tentatives de codification sont, dans le même temps,menées. Ces tentatives sont dominées par une doubleméfiance: envers les juristes, suspects de conservatisme, etenvers les juges, suspects d’arbitraire. Elles reposent enrevanche sur la croyance en la supériorité de la loi, impartialeet porteuse de progrès, expression de la volonté générale. Cesefforts, cependant, resteront vains: quatre projets sontsuccessivement présentés (dont trois par Cambacérès) ;aucun n’est finalement retenu.

B. À partir du Code civil

I. – LA CODIFICATION NAPOLÉONIENNE

Le Code civil

L’élaboration du code est due à une commission de quatremembres, nommée en l’an VIII (1800) par Bonaparte etcomprenant deux juristes de droit écrit (Portalis et Maleville)et deux juristes de droit coutumier (Tronchet et Bigot dePréameneu). Cette commission mit au point un projet rédigéen quatre mois. Bonaparte lui-même joua essentiellement unrôle d’impulsion, notamment lors de la discussion devant leConseil d’État puis, surtout, lors du vote par le Tribunat et leCorps législatif: il assura le succès du projet en épurant leTribunat des membres qui lui étaient hostiles. Sur le fond, enrevanche, son influence fut beaucoup plus discrète, sauf dansles matières lui tenant personnellement à cœur (famille etplus spécialement, pour des raisons dynastiques, divorce etadoption). Le Code civil, d’abord voté en trente-six loissuccessives, fut promulgué en un seul code par la loi du 30

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ventôse an XII (21 mars 1804). Cette loi proclamait en outrel’abrogation, dans le domaine du code, de toutes les disposi-tions de l’ancien droit.

Le contenu du Code civil est rarement original. Il s’agit d’uneœuvre de transaction, très en retrait des projets antérieurs etlargement inspirée des juristes de l’ancien droit: Domat(1625-1696) et surtout Pothier (1699-1772). En la forme, le codeconstitue néanmoins un chef-d’œuvre de l’art législatif: ses2281 articles, ni trop philosophiques, ni trop techniques, sontrédigés dans un style clair, précis et élégant qui lui assureraun rayonnement durable, en France et dans le monde. Aufond, le Code civil consacre le triomphe de l’individualismelibéral. C’est le code des valeurs bourgeoises, d’un homo juri -dicus mâle et propriétaire. C’est ainsi notamment que le code,très prolixe sur la propriété, le contrat et les successions, esten revanche muet sur les associations et les droits de lapersonnalité. De même, il ne consacre au contrat de travailque deux articles dont l’un dispose que «le maître est cru surson affirmation» (art. 1781, abrogé en 1868). De mêmeencore, l’organisation familiale est fondée sur la puissancepaternelle et sur l’autorité maritale, la femme mariée restantincapable.

Les autres codes

Il s’agit du Code de procédure civile (1807), du Code decommerce (1808), du Code d’instruction criminelle (1809) etdu Code pénal (1810). Ces textes viennent compléter l’œuvrelégislative napoléonienne. Ils sont cependant très inférieursau Code civil en qualité et en rayonnement et, à l’exceptiondu Code pénal, ils ont été rapidement dépassés.

II. – L’ÉVOLUTION POSTÉRIEURE

De 1804 à 1884

Cette période est celle de la stabilité et du culte de la loi.

La stabilité juridique contraste avec les perturbations poli-tiques. En dépit de celles-ci, la société française reste pour

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l’essentiel semblable à elle-même, de sorte que la codificationnapoléonienne demeure relativement bien adaptée et subitpeu de modifications. Les plus spectaculaires sont sans doutecelles qui affectent le divorce, supprimé en 1816 puis rétablien 1884. Il faut mentionner également la loi du 24 juillet 1867,relative aux sociétés commerciales, qui autorise la libreconstitution de la société anonyme, ce «merveilleux instru-ment du capitalisme moderne», selon l’expression du doyenRipert (1880-1958).

Le culte de la loi est lié à l’École de l’exégèse (voir infra,nº 66). L’idée est que le droit est tout entier dans la loi écrite,de sorte que le juriste n’a d’autre rôle que de servir et d’in-terpréter les codes, au besoin en s’interrogeant sur l’intentionde leurs auteurs. Il n’existe pas, à l’époque, de cours de droitcivil mais seulement un cours de Code civil, simple commen-taire du code, article par article.

De 1884 à 1958

C’est l’ère des grands bouleversements. Bouleversementsmatériels: la révolution industrielle et les deux guerresmondiales transforment l’économie et les rapports sociaux.Bouleversements intellectuels: de nouvelles idéologies appa-raissent, inspirant un désir d’égalité de fait – et non plusseulement de droit – qui pousse à combattre les excès de l’in-dividualisme libéral.

Sur le fond les réformes sont par conséquent innombrables :la loi autorise les syndicats ouvriers (1884) et proclame laliberté d’association (1901); la liberté contractuelle estrestreinte par des réglementations impératives (par exemplecelle du contrat d’assurance: 1930); les droits des proprié-taires sont limités par les prérogatives reconnues auxlocataires, commerçant d’abord (1926), puis fermier (1945); lafemme mariée est émancipée (1938 : abolition de la puissancemaritale; 1942 : disparition de l’incapacité); enfin, on assisteau déclin de la responsabilité individuelle et à une collectivi-sation des risques marquée notamment par la loi sur les

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accidents du travail (1898) et par l’instauration de la Sécuritésociale (1946).

En la forme, la nouveauté réside dans la désaffection pour lescodes, trop rigides et peu propices aux réformes. Denombreuses lois nouvelles restent en dehors des codes, dontcertains tendent à devenir des enveloppes vides (spéciale-ment le Code de commerce). Plus généralement, lephénomène est celui du déclin de la loi. Celle-ci, descendue deson piédestal, cesse d’être tenue pour parfaite et éternelle.Corrélativement, on assiste à la montée d’autres autoritéscréatrices de droit, et spécialement de la jurisprudence (voirinfra, nº 76 et s.), plus souple et plus concrète.

Depuis 1958

La constitution de 1958 marque un tournant, ne serait-cequ’en raison de l’accroissement du rôle du pouvoir régle-mentaire au détriment de celui du Parlement: désormais laloi (au sens large) n’est plus seulement la loi parlementaire(voir infra, nº 49).

Sur le fond, cette période est, elle aussi, marquée par uneintense activité législative, dont les tendances sont pour l’es-sentiel identiques à celle des réformes précédentes. Larecherche de l’égalité est surtout sensible en droit de lafamille avec, notamment, la réforme des régimes matrimo-niaux (1965 et 1985), de l’autorité parentale (1970 et 1993), dela filiation (1972) et du divorce (1975), ainsi que l’institutiondu PACS (1999). Mais il faut également citer, dans le domainecontractuel, les lois de protection du consommateur (1978 et1979 principalement), ainsi que les textes relatifs au suren-dettement des particuliers (1989 et 1995) et à la lutte contrel’exclusion (1998). On retrouve aussi le mouvement de limi-tation du droit de propriété avec les textes renforçant lesdroits du locataire (1982, 1986, 1989), et la tendance à la socia-lisation des risques avec la loi sur les accidents de lacirculation (1985). L’activité économique n’est pas oubliée etil faut mentionner les textes fondamentaux que sont, en droit

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commercial, la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commer-ciales, les lois de 1967 et 1985 relatives aux entreprises endifficulté ou encore les lois instituant les sociétés uniperson-nelles (EURL, 1985; SAS, 1999). Plus nouvelle en revanche estla volonté de répondre à certaines questions posées par leprogrès scientifique (lois dites bioéthiques, 1994) ou techno-logique (loi sur la preuve électronique, 2000). Enfin, le droitet la procédure pénale connaissent de multiples réformesdont le point commun est de tendre au renforcement de laprésomption d’innocence mais aussi des droits des victimesd’infractions (avec, en dernier lieu, la loi du 15 juin 2000).

Quant à la méthode, deux particularités peuvent être signa-lées. D’une part, la rédaction des projets de textes estfréquemment confiée non à une commission mais à unhomme, et c’est ainsi en particulier que la plupart desréformes du droit de la famille sont dues à la plume dudoyen Carbonnier. D’autre part, la tendance à la décodifica-tion s’est, à l’époque récente, inversée et les codesconnaissent un regain de faveur qui se manifeste sous deuxaspects. Tantôt le législateur choisit de remplacer un codevieilli par un nouveau code, mieux adapté aux besoins dumoment: on a ainsi vu apparaître le Code de procédurepénale (remplaçant le Code d’instruction criminelle: 1958), leCode du travail (1973), le nouveau Code de procédure civile(1976), le nouveau Code pénal (1992, entré en vigueur le 1er

mars 1994). Tantôt il se borne, plus modestement, à rassem-bler dans un code unique des règles jusque-là éparses: c’estla codification dite «à droit constant» qui a présidé, notam-ment, à l’élaboration du Code de la propriété intellectuelle(1992), du Code de la consommation (1993) ou du nouveauCode commerce (2000).

En ce qui concerne, enfin, l’inspiration des textes nouveaux,l’influence de la doctrine des droits de l’homme se fait deplus en plus nette et emprunte techniquement deux voies. Lapremière est celle de la constitutionnalisation du doit: à l’occa-sion du contrôle qu’il exerce a priori sur les textes législatifs,

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le Conseil constitutionnel impose au législateur le respect desdroits et libertés fondamentaux directement ou indirectementconsacrés par la Constitution – ou par l’interprétation qu’endonne le Conseil (cf. infra, n° 46). La seconde voie est celle del’européanisation du droit: outre l’incidence des directives ourèglements communautaires (v. infra, n° 53), le législateurdoit en effet tenir compte, en particulier, des principes consa-crés par la Convention européenne de sauvegarde des droitsde l’homme et des libertés fondamentales (cf. infra, n° 52),ainsi que de l’interprétation qui en est donnée par la Coureuropéenne des droits de l’homme siégeant à Strasbourg.

§ 3 – LA DIVERSITÉ DE LA RÈGLE DANS L’ESPACE: APERÇU DE DROIT

COMPARÉ

« Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà »

Montaigne et Pascal ont depuis bien longtemps raillé cette«plaisante justice qu’une rivière borne», et l’observation asouvent été utilisée pour combattre l’idée d’un droit natureluniversel. De fait, les règles juridiques sont, d’un pays àl’autre, extrêmement variables, en dépit des efforts parfoisdéployés pour parvenir à une unification internationale.

L’unification, en effet, est toujours limitée soit à certainesmatières dans lesquelles elle apparaît particulièrement néces-saire (par exemple, le droit des transports internationaux oude la propriété industrielle), soit à certains secteurs géogra-phiques. S’agissant en particulier de l’Union européenne, lesdirectives européennes tendent à réaliser, sinon une véritableunification, du moins une harmonisation des législationsinternes des États membres (voir infra, nº 53). La tâche n’estd’ailleurs pas aisée, les droits des différents États n’apparte-nant pas tous à la même famille.

On distingue en effet – en s’en tenant aux droits laïcs – aumoins trois grands systèmes juridiques.

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Le système romano-germanique

C’est celui dont relèvent, outre la France, la plupart des paysd’Europe occidentale – à l’exception des îles britanniques –ainsi que l’Amérique latine et certains pays africains.

Les droits de cette famille présentent deux principaux traitscommuns. Le premier tient à leur origine : il s’agit desystèmes issus pour partie du droit romain (globalement reçuen Allemagne à partir du XIVe siècle) et pour partie descoutumes germaniques. Le second tient à leur technique: lasource première du droit se trouve dans la législation écrite,et spécialement dans des codes, ce qui confère à la règle juri-dique une généralité et une abstraction particulières.

De très importantes divergences existent néanmoins au seindu système romano-germanique. Spécialement, il estpossible de déceler schématiquement deux tendances: d’unepart la tendance française (ou latine) qui regroupe les droitsinspirés, de près ou de loin, par le Code civil français(Belgique, Luxembourg, Espagne, Portugal, Italie…); d’autrepart la tendance allemande qui regroupe les droits régis ouinspirés par le Code civil allemand de 1900 (Allemagne,Autriche, Suisse, Grèce). Ce dernier (le bürgerlicherGesetzbuch : BGB), plus récent et donc plus moderne que leCode français, est aussi à la fois plus casuistique et plusabstrait – et parfois moins clair.

Le système anglo-américain

C’est, de manière générale, celui qui régit les pays anglo-phones: îles britanniques et anciennes possessions colonialesanglaises (Amérique du nord, certains pays africains,Australie, Nouvelle-Zélande…). On peut schématiquementopposer cette famille à la précédente sur deux points.

D’abord, l’influence du droit romain étant ici inexistante, lesconcepts, classifications et institutions juridiques sont trèsdifférents de ceux qu’utilisent les juristes continentaux :même si les solutions de fond sont généralement compa-rables (car les deux systèmes reposent sur les mêmes

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principes philosophiques et économiques), les outils tech-niques sont très dissemblables.

Ensuite et surtout, la source première du droit n’est pas dansla loi écrite mais dans les décisions des juges. Ceux-ci, liés parla règle du précédent qui oblige à reproduire la solutionprécédemment donnée dans un cas identique, raisonnent soitau regard du common law, ensemble coutumier originaire, soitau regard de l’equity, corps de règles inspirées de l’équité(venant à partir du XIVe siècle corriger et aménager le commonlaw). Face à cet ensemble jurisprudentiel (case law), la loiécrite (statute law) joue un rôle traditionnellement secondairemais que l’évolution contemporaine a considérablementdéveloppé.

Le système socialiste soviétique

Fondé sur le marxisme léninisme, il englobait, depuisquelques dizaines d’années, les droits des Républiques socia-listes soviétiques et des démocraties populaires des pays del’Europe de l’Est. Les bouleversements politiques et idéolo-giques survenus dans cette région obligent cependant àparler de ce système au passé.

Quant à son inspiration, le droit soviétique était caractérisépar une volonté de rupture avec les droits bourgeois repré-sentés par les systèmes précédents: le droit était conçucomme un instrument politique provisoirement nécessaire àl’instauration de la société communiste, société sans classequi devait connaître le dépérissement du droit.

Sur le fond, l’appropriation collective du sol et des moyens deproduction conduisait à une hypertrophie du secteur publicet de la réglementation étatique. Un secteur privé subsistaitnéanmoins, qui obéissait à des règles beaucoup plus prochesde celles des droits bourgeois.

En la forme, également, un rapprochement pouvait être faitavec le système romano-germanique: la première place étaiten effet attribuée à la loi écrite et un important travail decodification a été réalisé dans les différents pays.

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SECTION II

LA SPÉCIFICITÉ DE LA RÈGLE DE DROIT

La règle de droit, règle de conduite sociale

La vie en société conditionne le phénomène juridique defaçon à la fois nécessaire (Robinson n’a que faire du droit) etsuffisante (ubi societas, ibi jus). La règle juridique n’est pas,cependant, le seul régulateur du comportement humain. Dèslors, l’affirmation de sa spécificité passe par deux étapes :d’une part, négativement, dire ce qu’elle n’est pas en ladistinguant des autres règles de conduite (§1) ; d’autre part,positivement cette fois, dire ce qu’elle est en indiquant sescaractères (§2).

§ 1 – RÈGLE JURIDIQUE ET AUTRES RÈGLES

Droit et religion

Dans les sociétés archaïques ou très religieuses, les deuxcorps de règles ne se distinguent pas: le précepte religieuxtient lieu de loi civile. Ce phénomène d’identification peutspécialement s’observer aujourd’hui dans certains paysmusulmans. Quant au droit français contemporain, il est à lafois distinct de la religion et inspiré par elle.

La distinction du droit et de la religion trouve son expressiondans la loi du 9 décembre 1905, portant séparation desÉglises et de l’État. De là découle une dualité de règles, parfoissuperposées (par exemple le mariage religieux vient s’ajouterau mariage civil), parfois contradictoires. Ainsi, le mariagechrétien est indissoluble, tandis que le mariage civil peutprendre fin par le divorce. De même, le droit ne réprime pasle péché en tant que tel: ni la luxure ni le mensonge, notam-ment, ne l’intéressent – du moins tant qu’ils ne troublent pasl’ordre social en prenant la forme du viol ou de l’escroquerie.La différence, en effet, tient essentiellement au but poursuivi :tandis que la règle religieuse vise le salut de l’individu (dans

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l’au-delà), la règle juridique se préoccupe plus modestementd’assurer (ici-bas) l’ordre et la cohésion de la société. Parsuite, alors que la religion prétend régir les pensées au mêmetitre que les actes, le droit en revanche ne s’intéresse qu’auxcomportements extérieurs.

L’inspiration du droit par la religion est néanmoinsflagrante. Le droit français actuel est imprégné de moralejudéo-chrétienne et il suffit pour s’en convaincre de constaterque la plupart des prescriptions du Décalogue sont consa-crées par le droit positif (voir spécialement l’art. 371 c. civ.:«L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père etmère»).

Droit et morale

La morale, récemment redécouverte sous le nom d’éthique,occupe à l’heure actuelle une place grandissante dans lespréoccupations du législateur et des juges.

Les deux corps de règles font pourtant l’objet d’une distinc-tion classique fondée sur leur nature même: le droit, règle decomportement essentiellement sociale, ne se confond pasavec la morale, règle de comportement essentiellement indi-viduelle. Par suite, leurs finalités s’opposent: la morale,comme la religion, se propose d’assurer la perfection de l’in-dividu; le droit vise avant tout à faire respecter un certainordre collectif. De même, leurs sanctions diffèrent: la moralen’est sanctionnée que par le tribunal de la conscience (le forintérieur); le respect du droit relève de la mission des autori-tés publiques. Enfin et surtout, leurs domaines, s’ils serecoupent, ne coïncident pas. D’un côté, il est des règlesmorales non sanctionnées par le droit qui, par exemple, nes’intéresse ni aux mauvaises pensées ni même aux mauvaisesintentions, tant que celles-ci ne se matérialisent pas dans desconditions troublant l’ordre social. D’un autre côté, il est àl’inverse des règles de droit dépourvues de fondementmoral. Et si certaines sont moralement neutres (par exempleles règles de forme ou celles du Code de la route), d’autres

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sont moralement critiquables (par exemple la possibilitéofferte au voleur de devenir propriétaire par la prescriptiontrentenaire).

D’importantes atténuations doivent cependant être appor-tées à cette opposition traditionnelle. D’une part, il fautsouligner que la plupart des règles de droit peuvent se voirassigner un fondement moral, même au sens le plus étroit del’expression: le droit, depuis toujours, sanctionne la fraude etla mauvaise foi. D’autre part, on assiste aujourd’hui à l’émer-gence d’une morale nouvelle, sociale ou collective, qui fondeun nombre croissant de règles juridiques (par exemple lesdispositions relatives au surendettement ou à la lutte contrel’exclusion). Enfin, certaines normes se situent aux confins dudroit et de la morale: il en est spécialement ainsi des règles dedéontologie que connaissent notamment les avocats ou lesmédecins et qui tendent à l’heure actuelle à régir toutes sortesde professions et d’activités.

Droit et justice

La notion de justice n’est ni simple ni même unique. Faireœuvre de justice, c’est attribuer à chacun son dû. Encore faut-il, cependant, déterminer ce dû, et c’est sur ce pointqu’apparaît une distinction fondamentale, développée parAristote. La justice commutative, fondée sur l’égalité mathé-matique, tend, dans les rapports entre particuliers etspécialement dans les échanges, à maintenir ou à rétablirl’équilibre antérieur: chacun doit recevoir l’équivalent de cequ’il donne. La justice distributive tend à faire assurer par lacollectivité la meilleure répartition possible des richesses etdes charges. Les deux notions ne se situent pas sur le mêmeplan: la première est individuelle et strictement juridique, laseconde collective et politique; elles ne reposent pas non plussur la même inspiration: l’une est statique et conservatrice,l’autre dynamique et correctrice. En outre, il est, au titre de lajustice distributive, plusieurs manières de concevoir la répar-tition optimale: celle-ci doit-elle s’identifier à l’égalitéabsolue ou bien faut-il distinguer selon les mérites dechacun ?

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En dépit de ces incertitudes, le rôle de la justice est de fournirun but vers lequel doit tendre la règle juridique: le droit estl’art du bon et du juste (ars boni et aequi). De fait, nombre derègles de droit sont fondées sur la justice, commutative (parexemple, le principe jurisprudentiel interdisant de s’enrichirinjustement au détriment d’autrui) ou distributive (parexemple, la progressivité de l’impôt sur le revenu ou la redis-tribution des richesses opérée par les prélèvements sociaux).La place de la justice connaît cependant une double limite.D’une part, la notion, quelle qu’elle soit, est trop floue pourpouvoir constituer autre chose qu’un idéal, qu’il appartientau droit de traduire en règles techniques: elle est une fin, nonun moyen. D’autre part, les impératifs d’ordre et de sécuritépeuvent conduire à consacrer non seulement des règlesétrangères à toute idée de justice (par exemple celles du Codede la route) mais aussi, à l’occasion, des règles contraires à lajustice (par exemple, le refus de principe d’annuler uncontrat sur la seule constatation du déséquilibre des presta-tions): entre l’injustice et le désordre, le choix n’est pastoujours aisé.

Droit et équité

La notion d’équité se dédouble. L’équité objective (ou norma-tive) apparaît comme un corps de règles fondées sur l’idéalde justice et venant corriger les imperfections du droit, voireconcurrencer celui-ci. C’est ainsi qu’en Angleterre l’equity estintervenue pour atténuer les excès du common law (voir supra,nº 19). L’équité subjective (ou judiciaire), en revanche, seprésente comme l’inspiratrice de solutions concrètes affran-chies des règles de droit. En ce sens, l’équité, qui s’exprimedans les décisions des juges, apparaît comme un tempéra-ment à la rigidité du droit: il s’agit, pour parvenir à lasolution juste, de modérer l’application de la règle en tenantcompte des circonstances particulières de l’espèce.

Le rôle de l’équité a varié dans le temps. Si les Parlements del’ancien régime se reconnaissaient le droit de statuer en

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équité, cette faculté était surtout génératrice d’arbitraire(«Dieu nous garde de l’équité des Parlements»). Aussi laRévolution cantonna-t-elle les magistrats dans un rôle deserviteurs de la loi, et le principe reste aujourd’hui que lejuge «tranche le litige conformément aux règles de droit quilui sont applicables» (art. 12 n.c. proc. civ.). L’équité occupenéanmoins une place non négligeable. Elle joue d’abord, etde plus en plus, un rôle officiel. D’une part il est de plus enplus fréquent que la loi, plus modeste que par le passé, assor-tisse elle-même la règle de droit de son correctif d’équité. Parexemple, si en principe l’époux aux torts exclusifs duquel ledivorce est prononcé n’a droit à aucune prestation compen-satoire, le juge peut néanmoins en décider autrement lorsquece refusapparaît «manifestement contraire à l’équité» (art.280-1 c. civ.). D’autre part l’article 12, alinéa 4, du nouveauCode de procédure civile permet aux parties, sous certainesconditions, de conférer au juge la mission de statuer commeamiable compositeur, c’est-à-dire en équité – et la mêmefaculté peut être utilisée lorsque le litige est soumis à unarbitre privé (art. 1474 n.c. proc. civ.). Mais l’équité jouesurtout, depuis toujours, un rôle occulte. Le juge, trèssouvent, statue en équité sans le dire, en choisissant d’abordla solution qui lui paraît la plus équitable et en lui donnantaprès coup l’habillage juridique nécessaire. La solution n’estpas alors déduite de la règle mais c’est au contraire la règlequi est choisie en fonction de la solution à obtenir: le jugeopère un renversement du syllogisme judiciaire (sur lequelv. infra, nº 32).

§ 2 – LES CARACTÈRES DE LA RÈGLE JURIDIQUE

Plan

Outre sa permanence, d’ailleurs relative, la règle de droitprésente trois caractères principaux: elle est générale (A),abstraite (B) et obligatoire (C).

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A. Caractère général

Caractère nécessaire mais non spécifique

La généralité est inhérente à la notion même de règle, quis’oppose à celle de décision individuelle. Par suite, cepremier caractère n’est pas véritablement distinctif: la règlejuridique le partage, notamment, avec la règle morale ou reli-gieuse. Il reste cependant qu’une loi visant une personneunique et dénommée n’édicterait pas une règle de droit :celle-ci ne peut s’entendre que d’une prescription adressée àtous en des termes identiques, ce qui implique une doublegénéralité, à la fois quant au contenu de la règle et quant àson application.

Généralité quant au contenu

Elle est rendue nécessaire par le double impératif d’égalité etde sécurité.

L’égalité explique que le contenu de la règle soit indépendantde la condition sociale et professionnelle. On sait que tel n’a pastoujours été le cas et que notamment, sous l’Ancien Régime,le droit applicable variait d’un ordre à l’autre. Aujourd’hui,en revanche, la loi est la même pour tous: la généralité de larègle est la base de l’égalité politique, c’est-à-dire de l’égalitéde droit, à ne pas confondre avec l’égalité sociale, c’est-à-direl’égalité de fait. Ce principe d’uniformité connaît cependantun certain nombre d’exceptions, que justifie précisément larecherche de l’égalité sociale: il s’agit en effet de corriger lesdéséquilibres de fait par des déséquilibres de droit de senscontraire. On voit alors apparaître des législations déroga-toires dont le but avoué est de protéger les catégoriessocio-économiques auxquelles elles s’appliquent. Il en estainsi, par exemple, des règles protectrices du salarié, du loca-taire ou du consommateur.

La sécurité explique que le contenu de la règle soit indépen-dant des particularités individuelles. L’insécurité serait grande,

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en effet, si les tiers pouvaient avoir la mauvaise surprise devoir la règle fluctuer selon les aptitudes ou les insuffisancesde celui à qui ils ont affaire. C’est pourquoi, par exemple,l’âge de la majorité est uniformément fixé à dix-huit ans, sanségard au plus ou moins grand développement intellectuel del’intéressé. De même, la faute génératrice de responsabilitéest toujours définie comme un comportement déraisonnable,sans que son auteur puisse invoquer le fait que sa sottise ousa distraction ne lui permettait pas de se comporter autre-ment.

Généralité quant à l’application

La nécessité de l’application effective de la règle explique quecelle-ci soit indépendante de la connaissance que l’on en a.Tel est le sens de l’adage «nul n’est censé ignorer la loi »(nemo censetur ignorare legem) : l’ignorance de la règle n’est pasun obstacle à son application.

Le fondement du principe doit être précisé. Il ne s’agit pas,en effet, d’une présomption de connaissance effective, qui seraittotalement irréaliste. La masse des règles est telle que mêmeles meilleurs spécialistes ne peuvent tout savoir; on ne peut afortiori ni présumer ni imposer une telle science chez lecitoyen non juriste. Il s’agit donc d’une fiction juridique desti-née à assurer l’autorité de la règle en interdisant d’échapperà son application sous prétexte d’ignorance.

Le principe comporte d’ailleurs certaines limites. Une excep -tion, franche mais de portée très limitée, résulte de l’article 4du décret du 5 novembre 1870: selon ce texte, la contraven-tion commise dans les trois jours de la publication du texted’incrimination peut ne pas être sanctionnée si le contreve-nant établit son ignorance. Une atténuation résulte égalementde la prise en considération de l’erreur de droit. D’une part ila toujours été admis, en droit civil, qu’une telle erreur peutêtre invoquée en tant que cause d’annulation d’un acte juri-dique: si par exemple une personne s’est trompée surl’étendue des droits successoraux qu’elle a cédés, elle peut

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invoquer cette circonstance sans que lui soit objecté l’adagenemo censetur. D’autre part le nouveau Code pénal faitaujourd’hui de l’erreur de droit inévitable une cause d’irres-ponsabilité pénale (art. 122-3).

B. Caractère abstrait

Caractère nécessaire mais non spécifique

Pas plus que la généralité, l’abstraction n’est la caractéris-tique exclusive de la règle de droit. Le plus souvent réunis,voire confondus, ces deux caractères sont en effet communs àtoutes les règles, juridiques ou non. Il reste cependant quel’abstraction revêt, en droit, un aspect particulier dont il fautpréciser le sens et les limites.

I. – SIGNIFICATION

Règle abstraite et données concrètes

Négativement, règle abstraite ne signifie pas règle détachéedes réalités: le droit est une science sociale; il est fait pourêtre appliqué et ne peut ignorer la matière qu’il régit. D’oùl’intérêt de la sociologie juridique, source d’informationsprécieuses sur l’application du droit et les réformes éventuel-lement nécessaires. Il convient cependant de mettre en gardecontre deux idées reçues.

Il faut d’abord se méfier de l’idée selon laquelle le droit doits’adapter au fait. Il est vrai que parfois le changement juri-dique est imposé par l’évolution des mœurs. C’est ainsi quela réforme du divorce, réalisée en 1975, a dû mettre la loi enharmonie avec la pratique, jusque-là hypocritement dissimu-lée, du divorce par consentement mutuel. Mais le droit nedoit pas se borner à refléter passivement les mœurs: sa fonc-tion normative, voire éducative, lui impose parfois de résisterà l’évolution (par exemple la multiplication des viols nedevrait certainement pas conduire à légaliser le viol), ou aucontraire de précéder l’évolution: c’est ainsi que la loi de

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1985, sur les accidents de la circulation, est en avance sur lesesprits lorsqu’elle indemnise la victime même fautive.

Il faut ensuite se méfier de l’idée selon laquelle une règlenon appliquée doit être abrogée. À cela deux raisons. D’unepart le droit ne fait souvent que proposer un modèle, dont lanon-utilisation peut n’être que provisoire. Par exemple, lasociété en commandite par actions, que l’on croyait mori-bonde et qui faillit être supprimée en 1966, connaîtaujourd’hui un regain de vitalité. D’autre part la non applica-tion de la règle est parfois souhaitable, ou tout au moinsambiguë. Il en est ainsi s’agissant des règles qui formulentdes sanctions: l’absence de sanction peut en effet être le signesoit de l’inefficacité de la règle (par exemple les vols,nombreux, ne sont pas réprimés), soit au contraire de saparfaite efficacité (par exemple aucun vol n’est commis).

Le syllogisme juridique

Positivement, règle abstraite signifie règle formulée demanière abstraite. Il faut, pour s’en convaincre, observer quele raisonnement juridique est un syllogisme. En tant que tel,il s’appuie sur deux prémisses – la majeure et la mineure –d’où se déduit la conclusion. On peut en donner l’exemplesuivant. Majeure : selon l’article 1382 du Code civil, «tout faitquelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage,oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer».Mineure: or Primus a blessé Secundus d’un coup de poing auvisage. Conclusion : donc Primus doit verser des dommagesintérêts à Secundus. On constate que, dans ce raisonnement,les aspects concrets sont contenus dans la mineure et dans laconclusion. Quant à la règle de droit, elle constitue lamajeure, proposition parfaitement abstraite («tout fait quel-conque de l’homme»… «un dommage»…). Cetteformulation abstraite présente d’indéniables avantages.D’une part il est ainsi possible d’englober une infinie variétéde situations concrètes dans une seule formule, brève etsynthétique. D’autre part l’abstraction permet dans bien des

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cas à l’intéressé de décider lui-même de l’application de larègle. Il lui suffit pour cela de se placer (ou non) dans la situa-tion abstraitement prédéfinie par le droit: souhaite-t-il êtresoumis aux obligations nées du mariage – et en bénéficier?Qu’il se marie. Ne le souhaite-t-il pas? Qu’il ne se marie pas !L’impératif juridique n’est pas catégorique mais condition-nel: la règle ne s’applique qu’autant que se rencontre, en fait,le présupposé qui la déclenche.

L’abstraction n’est pas, cependant, dépourvue d’inconvé-nients. Le principal tient à une inévitable rigidité. La règleabstraite ne peut en effet ni entrer dans toutes les nuances dufait (par exemple la faute légère oblige en principe au mêmetitre que la faute lourde) ni même intégrer l’ensemble desdonnées concrètes (par exemple le responsable, mêmepauvre, doit indemniser la victime, même riche). De là uncertain schématisme, voire une excessive brutalité.

II. – LIMITES

Summum jus, summa injuria

L’adage, emprunté au droit romain, vise l’hypothèse où, parsuite de circonstances particulières, l’application exacte de larègle de droit conduit à une solution de fait contraire à lajustice. La mise en œuvre de la règle abstraite peut alors –parfois – être tempérée ou corrigée par la prise en considéra-tion d’éléments concrets propres à la situation considérée. Telest le cas lorsque la loi ou le juge fait appel à l’équité (voirsupra, nº 25). Tel est le cas, également, lorsque trouve à s’ap-pliquer la théorie de l’apparence ou la théorie de la fraude (etaussi lorsque l’on sanctionne l’abus d’un droit subjectif: voirinfra, nº 143).

La théorie de l’apparence

Elle consiste à accorder à l’apparence les effets de la réalité, etpermet ainsi de valider les actes accomplis sur le fondementd’une croyance erronée dans la réalité de la situation appa-rente : error communis facit jus. Par exemple, la vente consentie

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par un non-propriétaire peut être néanmoins tenue pourvalable si le vendeur passait aux yeux de tous pour le véri-table propriétaire.

L’application de la théorie est soumise à deux conditions. Lapremière est objective : il faut qu’ait existé une situation denature à induire en erreur (par exemple, le propriétaire appa-rent est celui qui, semblant tenir son droit d’un héritage oud’un contrat, se comporte en propriétaire). La seconde estsubjective : il faut qu’une erreur ait été effectivement commisepar celui qui se prévaut de l’apparence (par exemple, l’ache-teur doit avoir effectivement cru qu’il avait affaire auvéritable propriétaire). Selon les hypothèses, les tribunaux oubien exigent une erreur «commune» (c’est-à-dire invincible),ou bien se satisfont d’une erreur seulement «légitime» (c’est-à-dire excusable).

Le domaine de la théorie est général. Deux exemples atteste-ront de la diversité de ses applications. Le premier est celuidu mandat apparent : le contrat conclu avec un mandataireapparent (dont le pouvoir aurait par exemple été révoqué)sera néanmoins valable et obligera le mandant apparent. Lesecond est celui du domicile apparent: l’assignation délivrée audomicile apparent (alors qu’elle doit l’être au domicile réel)sera néanmoins valable, et le tribunal de ce lieu régulière-ment saisi.

La théorie de la fraude

Elle permet de sanctionner le fait d’utiliser délibérément unerègle de droit pour faire échec à une autre règle de droit. Lasanction consiste, de manière générale, dans l’inefficacité ducomportement frauduleux: la fraude fait exception à toutesles règles (fraus omnia corrumpit). Par exemple, si une partie,mécontente de l’expert nommé par le tribunal, intente àcelui-ci un procès sous un prétexte futile et dans le seuldessein de pouvoir le récuser (comme le lui permet alorsl’art. 234 n.c. proc. civ.), cette récusation frauduleuse serasans effet.

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L’application de la théorie suppose remplies trois conditions.La première est relative à la règle mise en échec: la fraudesuppose que celle-ci présente un caractère obligatoire. Ladeuxième est relative à l’état d’esprit du fraudeur: celui-cidoit avoir l’intention d’éluder l’application de la règle. Latroisième, enfin, est relative au moyen employé pour parve-nir à ce résultat: il faut que le procédé soit en lui-même liciteet efficace – car sinon il ne serait pas nécessaire d’en corrigerles effets.

La théorie a un domaine général et inspire tant le législateurque les tribunaux. La loi sanctionne spécialement la fraudepaulienne, qui consiste à faire échec aux droits de ses créan-ciers en aliénant les éléments d’actif de son patrimoine: lesactes d’aliénation sont, sous certaines conditions, inoppo-sables aux créanciers – qui pourront donc saisir les biens endépit de l’aliénation (art. 1167 c. civ.). Quant aux tribunaux, ilsdéjouent la fraude dans les domaines les plus divers. Parexemple, en droit de la famille, est frauduleux et nul lemariage contracté à l’étranger par de jeunes français neremplissant pas la condition d’âge exigée par la loi française.De même, en droit du travail, est frauduleuse et inefficace lamanœuvre consistant à éluder les règles du licenciement parla conclusion d’une succession de contrats de travail à duréedéterminée.

C. Caractère obligatoire

Caractère nécessaire et spécifique

Si toute règle est, en tant que telle, obligatoire, la règle dedroit occupe à cet égard une place à part en ce que l’obliga-tion qu’elle impose est sanctionnée par l’autorité publique.C’est cette circonstance qui, de l’avis général, fournit lecritère décisif de la juridicité: la règle de droit est celle qui estassortie d’une contrainte étatique. Sa spécificité tient doncmoins à l’existence de l’obligation, d’ailleurs susceptible dedegrés (I) qu’à la sanction de l’obligation (II).

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I. – LE DEGRÉ DE L’OBLIGATION

Les deux fonctions du droit

Si toutes les règles juridiques sont obligatoires, toutes ne lesont pas au même degré. Une distinction essentielle doit êtrefaite, qui correspond à deux fonctions distinctes de la règlejuridique. La première est d’imposer un ordre public, c’est-à-dire un ensemble de règles considérées comme essentielles àl’organisation politique, économique et sociale voulue par lelégislateur. La seconde est de proposer certains modèles d’orga-nisation des rapports économiques, familiaux, sociaux… Ledroit n’est plus alors l’instrument d’une politique mais unoutil mis à la disposition de ses utilisateurs qui peuvent choi-sir la règle applicable. Selon la fonction considérée, les règlesde droit s’imposent de manière absolue ou seulement rela-tive: elles sont impératives ou supplétives.

Les règles impératives (ou d’ordre public)

Elles s’imposent de manière absolue en ce sens qu’il n’est paspossible aux intéressés de se soustraire à leur application,même par un accord exprès. Il en est ainsi, par exemple, del’obligation de fidélité imposée aux époux par l’art. 212 ducode civil: les conjoints, même d’accord, ne peuvent s’enaffranchir; s’ils prétendaient néanmoins le faire, leur conven-tion serait nulle et n’interdirait pas de tirer les conséquencesjuridiques de l’adultère. De manière plus générale, sont desrègles impératives non seulement celles qui sont sanction-nées par la loi pénale mais aussi toutes celles qui sontrelatives à l’ordre public et aux bonnes mœurs. L’article 6 duCode civil dispose en effet, en termes généraux: «On ne peutdéroger par des conventions particulières aux lois qui inté-ressent l’ordre public et les bonnes mœurs.»

Les règles impératives sont traditionnellement rares en droitprive, où domine l’idée de liberté (cf. supra, nº 6). Uneévolution s’est cependant produite, marquée par unemultiplication des lois impératives reposant elle-même sur une

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double extension de la notion d’ordre public. D’une part àl’ordre public traditionnel, essentiellement politique (au senslarge) et moral, s’est ajouté un ordre public économique etsocial exprimant le dirigisme étatique. D’autre part à l’ordrepublic de direction, fondé sur l’intérêt général, s’est ajouté unordre public de protection, orienté vers la correction desinégalités et donc vers la satisfaction des intérêts de certainescatégories socio-professionnelles. C’est à cet ordre publicéconomique et social de protection qu’appartiennent,notamment, les multiples règles impératives qui ont, àl’époque contemporaine, envahi le droit des contrats :réglementation protectrice du salarié, de l’assuré, dulocataire, du consommateur, etc.

Les règles supplétives (ou interprétatives) de volonté

Elles ne s’appliquent que sous la condition que les intéressésne se soient pas mis d’accord pour en décider autrement. Cesrègles ont en effet pour rôle de traduire la volonté vraisem-blable des parties ou, plus exactement peut-être, de suppléercette volonté lorsque celle-ci ne s’exprime pas. Si donc lesintéressés ont manifesté expressément une volonté différente,celle-ci doit être suivie. C’est ainsi que les époux ne serontsoumis au régime matrimonial légal (de communauté d’ac-quêts) que s’ils n’ont pas fait de contrat de mariage. Si cerégime ne leur convient pas, ils sont libres d’adopter parcontrat un régime conventionnel différent (de séparation, decommunauté universelle, etc.). Plus généralement, sontnotamment des règles supplétives la plupart des règles quele Code civil consacre aux contrats. Il en est ainsi, parmibeaucoup d’autres, de celle qui, dans la vente, attache letransfert de propriété au seul échange des consentements(art. 1583, c. civ.): les parties sont libres de convenir que cetransfert sera retardé, par exemple jusqu’au paiement de l’in-tégralité du prix. On sait cependant que le développementcontemporain de l’ordre public contractuel a, dans cettematière, réduit le domaine de la liberté (cf. supra, nº 38).

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Les règles supplétives ne sont pas pour autant des règlesfacultatives. Elles s’imposent en effet dès lors qu’elles n’ontpas été écartées expressément et en temps utile. Ainsi, fautede contrat antérieur à la célébration du mariage, c’est lerégime matrimonial légal qui s’applique, de manière cettefois-ci obligatoire (cependant, le changement de régime estaujourd’hui autorisé, mais soumis à homologation judiciaire:art. 1397 c. civ.).

II. – LA SANCTION DE L’OBLIGATION

Caractère étatique

La sanction est le fait de l’autorité publique. On sait, en effet,que la règle de droit se caractérise par la menace d’une sanc-tion prononcée et mise en œuvre par les organes de l’État :tribunaux et administrations. Plus précisément, on peutdistinguer deux sortes de sanctions.

Les sanctions civiles ou administratives répondent pour laplupart à l’une ou l’autre de deux finalités. Certaines sontorientées vers l’exécution forcée et s’expriment par unecontrainte qui peut être directe (exécution d’office par l’ad-ministration, saisie par un particulier) ou indirecte :contrainte par corps (ancienne prison pour dettes, aujour-d’hui réservée au recouvrement de certaines créances duTrésor public), astreinte (condamnation pécuniaire propor-tionnelle à l’ampleur de l’inexécution: par exemple, millefrancs par jour de retard). D’autres sont orientées vers laréparation et consistent soit en l’annulation des actes irrégu-liers (mariage ou contrat par exemple), soit en l’allocation dedommages-intérêts venant compenser le préjudice matérielou moral subi par la victime.

Quant aux sanctions pénales, elles tendent principalement àla punition des infractions déjà commises et, du même coup,à la prévention des infractions futures: réclusion, détention,emprisonnement, amende (au bénéfice du Trésor public etnon de la victime), travail d’intérêt général, confiscation,suspension ou annulation du permis de conduire ou de chas-ser, etc.

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Caractère exclusivement étatique

La sanction est le monopole de l’autorité publique. C’est cequ’exprime l’adage «nul ne peut se faire justice à lui-même».Cette règle, nécessaire dans une société organisée, traduit letriomphe de la justice publique sur la justice privée queconnaissent les sociétés archaïques. Non seulement elleprohibe le recours à la vengeance mais elle interdit aussi, parexemple, à un propriétaire de procéder lui-même et sansautorisation à la démolition d’une construction empiétant surson terrain.

On relève cependant, ici et là, quelques traces de mécanismesde justice privée. Ainsi, l’article 673 du Code civil permet aupropriétaire de couper lui-même les racines qui avancent surson fonds. De même, l’expulsion d’un perturbateur est, encas d’urgence, possible sans autorisation préalable.

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