psychopathologie confusion traumatique

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PSYCHOPATHOLOGIE STRUCTURALE

de la CONFUSION TRAUMATIQUE

© Éditions Universitaires, 1974.

Denise OSSON

PSYCHOPATHOLOGIE STRUCTURALE

de la CONFUSION

TRAUMATIQUE Préface de Didier Anzieu

« encyclopédie universitaire »

ÉDITIONS UNIVERSITAIRES 10, rue Mayet - 75006 PARIS

Préface

Mme Osson a réalisé un travail doublement important. Sur le plan diagnostique et thérapeutique, elle apporte la compréhension de ce qui se passe dans le psychisme d'un individu commotionné et donc de ce qu'il convient de faire pour lui.

Notre civilisation de machines et de techniques multiplie les occasions d'accidents - du travail, de la circulation - (Mme Osson a examiné 160 cas) et une meilleure connaissance des effets post-trauma- tiques sur le fonctionnement mental et sur le vécu subjectif de l'intéressé était devenue indispensable. Mais la recherche de Mme Osson présente une portée scientifique plus générale. Un traumatisme cérébral, qui, sans produire une lésion organique, entraîne une désorganisation durable de la conscience, constitue en quelque sorte une expérimentation invo- lontaire qui permet d'analyser les facteurs entrant en jeu dans l'unité globale propre à l'homme en bonne santé, de l'organisme et du psychisme. La pathologie sert ici à éclairer la normalité. La confusion mentale réversible constatée chez les sujets ainsi traumatisés fournit une pré- cieuse administration de la preuve dans un domaine difficile d'accès.

Ce que Mme Osson appelle le syndrome post-commotionnel (pré- férant cette expression à celle de névrose traumatique) confirme l'exis- tence de deux mécanismes originaires de la vie mentale — la coupure, le lien — que les regrettés Françoise Minkowska et Eugène Mins- kowski avaient mis en évidence par l'analyse des peintures et des dessins aussi bien que l'observation des malades et l'application à ceux-ci et à des sujets normaux du test des tâches d'encre de Rorschach. La cou-

pure (Spaltung), on le sait, caractérisait pour eux le type de pensée ration- nel et sa forme pathologique qu'est la schizophrénie, tandis que le lien définissait le type sensoriel et la forme pathologique qu'il prend dans l'épilepsie. Les recherches de Mme Helman, comparant systématique- ment le Rorschach, le dessin et l'électro-encéphalogramme, avaient confirmé ces vues. L'apport original de Mme Osson est de démontrer que ces deux mécanismes, qu'on oppose habituellement et qu'on a tendance à traiter de façon séparée, coexistent au cours du processus de récupé- ration survenant dans les états de confusion post-traumatique, (Mme Osson, par des tests et retests réguliers pendant six mois, a pu suivre de près les étapes et les forces de cette récupération) : preuves que ces deux mécanismes sont également premiers et également indispensables à l'existence psychique.

Mme Osson travaille dans une perspective phénoménologico-struc- furale. Sa convergence avec les hypothèses psychanalytiques est d'au- tant plus frappante qu'elle ne l'a nullement recherchée. Que les mêmes taits soient établis à partir d'approches méthodologiques et théoriques différentes est la meilleure confirmation de leur existence. Là où elle parle de coupure, nous pensons avec Mélanie Klein, au clivage de l'objet et de la pulsion en bon et mauvais. Là où elle suppose « un dynamisme primitif et cosmique », nous retrouvons l'idée de pulsions de vie. Quand elle décrit la période d'onirisme confusionnel, marquée par la réappa- rition des kinesthésies au test de Rorschach, le psychanalyste pense que le Moi du malade, jusque là désorganisé dans l'espace et le temps et vita- lement atteint dans le sentiment de son corps et de son être, retrouve la capacité de fantasmatiser. Quand elle constate qu'alors la vision en image s'accompagne d'un début de symbolisation, en même temps que d'expressions d'agressivité et d'or alité, nous effectuons un rapproche- ment avec le processus de restauration, décrit par M. Klein, où, les dom- mages du sadisme oral étant réparés, la pensée symbolique peut naître. Puisse la fécondité de tels rapprochements continuer, grâce à des travaux de ce genre, de s'affirmer!

Didier Anzieu.

« . . . Qu'est ce que l'esprit posi- tif sinon l'ouverture à toute l'expé- rience . . . »

E. MOUNIER

« . . . Images ... racines de réalité . . . »

G. BACHELARD

Préambule

Essayer de dégager les mécanismes psychologiques de la confusion traumatique et les rapports de celle-ci avec les troubles mentaux post- traumatiques durables, tel était le projet initial qui a suscité cet ouvrage.

L'étude de cette situation pathologique particulière conduit à des problèmes psychologiques fondamentaux.

La conscience, ses formes, son organisation sont mises en question par la confusion. L'étiologie traumatique peut caractériser certains aspects cliniques, mais ne spécifie pas le phénomène confusionnel, elle crée des conditions favorables à son expression comme peuvent le faire d'autres facteurs (toxiques, infectieux, émotionnels); comme eux elle laisse appréhender ce phénomène pour lui-même, et à travers lui, la conscience altérée.

L'organisation de la vie psychique est bouleversée par le trauma- tisme cérébral dans ses assises biologiques, l'existence est altérée dans sa totalité organo-psychique. L'investigation psychologique doit porter sur ce trouble global essentiel. L'analyse phénoméno-structurale lui donne des bases conceptuelles, qui permettent de saisir, au moyen des méthodes propres à la psychologie, un fonctionnement psychique d'ensemble et ses mécanismes.

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OBJET ET MÉTHODES DE L'ÉTUDE

« La confusion est au centre des problèmes psychiques des trau- matisés crâniens, son étude peut nous mener au-delà » (H. Hecaen) (1).

Cette invitation à s'attacher à l'étude de la confusion initiale pour comprendre les troubles psychiques post-traumatiques crâniens est d'emblée séduisante. Elle donne l'espoir de cerner le nœud proces- suel qu'il suffirait peut-être de démêler ou de trancher pour inter- rompre le développement de la maladie traumatique.

Elle promet aussi de dépasser le cas particulier des troubles psychiques post-traumatiques pour aborder le plan des problèmes fondamentaux de la psychopathologie. La confusion traumatique réalise d'évidence une situation quasi-expérimentale analogue à celle créée par certains toxiques : elle met en présence d'un être à la conscience désorganisée; ce fait, pour Henri Ey, fonde l'unité de la pathologie mentale en même temps qu'il révèle par cette désorga- nisation elle-même, la structure de l'être conscient. La dynamique du phénomène confusionnel traumatique et la durée relativement courte de son évolution permettent, dans la grande majorité des cas, d'assister à la reconstitution d'une existence consciente; cette reconstitution n'apparaît pas symétrique de la désorganisation, ne serait-ce que dans son déroulement temporel, brutal dans un sens, progressif dans l'autre.

C'est la réalité concrète des traumatisés crâniens confus qui est l'objet de notre étude. La remarque de Hecaen a le mérite de poser de façon synthétique et originale le problème touffu, sinon inextri- cable des troubles psychiques après traumatisme crânien; elle implique qu'il doit exister un mécanisme psycho-pathologique commun à tous les syndromes et symptômes psychiques observés dans la période

(1) Les névroses traumatiques.

post-traumatique des traumatisés crâniens, qu'ils aient présenté un état confusionnel durable et à fortiori un état comateux, qu'ils aient présenté un état commotionnel, les aspects psychiques de celui-ci pouvant être assimilés à une confusion fugace. Cette approche syn- thétique des troubles psychiques évite l'écueil des deux tendances qu'on retrouve dans maints travaux : celle du démantèlement noso- graphique et celle de l'interprétation psychogénétique exclusive, référant plus ou moins à des concepts psychanalytiques. L'une et l'autre négligent la nature propre du phénomène traumatique initial et l'altération de la conscience qui en est l'expression psychique. Par contre, dans la formulation de Hecaen, le vécu psychique de ce phénomène initial ne se limite pas à être un simple facteur déclen- chant extrinsèque et passager, les troubles ultérieurs lui sont rattachés dans une relation de simultanéité qui naît de son retentissement dans le temps; la nécessité d'une étude de la dynamique temporelle du phénomène confusionnel se profile ainsi.

En s'inscrivant dans la réalité clinique concrète des traumatisés crâniens, le phénomène général de la désorganisation de la conscience, qu'est la confusion, va prendre un cachet particulier : les troubles psychiques post-traumatiques crâniens sont bien spécifiques dès leur point de départ confusionnel et dans leur devenir. La confusion traumatique, parce que « traumatique » a des caractères qui lui sont propres; ces caractères sont liés bien sûr au substratum organique conjoint, mais il ne semble guère que l'expression électroencépha- lographique des altérations cérébrales permette de spécifier la confu- sion traumatique par rapport aux confusions d'autres origines; il faut peut-être penser qu'ils dépendent, au moins en partie, de la soudaineté brutale du facteur pathogène qui ne se trouve pas dans les autres étiologies confusionnelles; la matérialité de l'événement soudain n'est qu'une de ses dimensions, il en a de psychiques, voire de vitales. Les descriptions classiques des confusions traumatiques mettent l'accent sur la fréquence des formes asthéniques et la rareté de l'onirisme clinique. L'expérience clinique acquise au long de notre travail retrouve cette fréquence, la majorité des traumatisés confus que nous avons examinés étaient torpides et n'extériorisaient pas spontanément d'expérience onirique; l'agitation est le fait des confusions traumatiques concomitantes d'importantes lésions céré- brales prédominant dans la région frontale : traumas ouverts, foyers d'attrition, hématomes ou d'un épisode psychopathique (qui a pu être la cause du trauma, par tentative de suicide par exemple) ou d'un autre facteur pathogène notamment toxique et surtout alcoolique. Dans l'étude des troubles postérieurs, quelles que soient les schéma- tisations cliniques adoptées pour leur analyse, l'altération du dyna- misme psychique a toujours une place prépondérante; la parenté clinique de ces faits pathologiques distants dans le temps demande de poser le problème de la dynamique temporelle d'un processus, comme l'a fait la réflexion théorique.

Ainsi donc, ce qui s'offre à la recherche psychopathologique, c'est

Denise OSSON, neuro-psychiatre, Maître-assistant de psychologie pathologique à l'Université Lille III, a élaboré cette étude dans le service de Neuro-chirurgie du Professeur E. Laine au Centre Hospitalier régional de Lille. L'étude de l'Expression dans les perspectives ouvertes par la psycho- pathologie structurale, unifie ses travaux, poursuivis dans les domaines de la pathologie cérébrale et mentale et de la psychologie de l'enfant.

Ce travail se proposait de mieux cerner les mécanismes de la confusion traumatique et les rapports de celle-ci avec les troubles mentaux post- traumatiques durables. Il s'est trouvé confronté, de par son objet, au problème fondamental de la conscience. La confusion traumatique réalise une situation quasi-expérimentale : elle met en présence d'un être à la conscience désorganisée qui progressivement va retrouver une existence consciente. L'observation clinique a été complétée par le Rorschach et des épreuves graphiques. Centrés sur la perception et l'expression qui nouent le psychique au biologique, ces instruments d'analyse phénoméno-structu- rale ont paru particulièrement indiqués pour refléter les mécanismes des perturbations mentales de la confusion conjointe d'altérations du substra- tum neurologique. Sur le terrain de la pathologie cérébrale, prend tout son relief la question de la totalité et de l'unité organo-psychique de l'homme.

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