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Livre Blanc Quelle sera la protection sociale des Français en 2025 ? PROSPECTIVE À L'OMBRE DE L'ANI ET DES CONTRATS RESPONSABLES JUILLET 2015

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Page 1: PROSPECTIVE À L'OMBRE DE L'ANI ET DES CONTRATS … · offrirait donc de nouvelles perspectives aux assurés, aux assureurs et aux pouvoirs publics. L’Etat gagnerait à stabiliser

Livre Blanc

Quelle sera la protectionsociale des Français en 2025 ?PROSPECTIVE À L'OMBRE DE L'ANI ET DES CONTRATS RESPONSABLES

JUILLET 2015

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S O M M A I R E

Présentetfuturdelaprotectionsociale05

03 Éditorial

14Del'ANIàlaprotectionsocialegénéralisée:enjeuxetpremierbilan

19Impassesetsolutionsàladépendance

25Bouleversementsdumarché:au-delàdesfrontières

29Digitalisation,objetsconnectésetgénétique

36Présentationdesauteursetméthodologie

37 Lexique

04 Remerciements

ColombusConsulting

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3 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

É D I TO R I A L

La protection sociale en France, question sensible et complexe, a déjà fait l’objet de nombreux ouvrages. Toutefois, dans la plupart d’entre eux, les industriels de l’assurance y sont peu sollicités alors même que leur rôle et leur responsabilité sont essentiels au fonctionnement et à la péren-nité du système.

Considérant qu’une analyse globale et prospective du sujet requiert la vision de l’ensemble des parties prenantes, nous avons donc souhaité nous entretenir avec des dirigeants de tout horizon, mutuelles, groupes de protection sociale, assu-reurs et courtiers. Ce Livre Blanc, co-écrit par Marc Nabeth et Laurène Tallon, est le produit des témoignages, analyses et questionnements de 20 dirigeants du secteur de l'assurance et de la protection sociale. Outre la riche diversité de ses intervenants, cette étude est inédite car elle met en cohérence les différents enjeux auxquels notre système de protection sociale est confronté : chômage de masse, éclatement des trajectoires professionnelles et familiales, vieillissement de la population, augmentation des coûts de santé, révolutions technologiques… Répondre à ces enjeux nécessitait de dépasser le simple constat de l’illisibilité du système. Le prisme de l’assurance santé sur fond de tensions réglementaires entre acteurs du privé et pouvoirs publics offre déjà un premier éclairage. Mais d’autres thématiques méritaient d’être explorées afin de dresser une vision d’en-semble de notre protection sociale dans un avenir proche. Ce Livre Blanc revient donc sur la faiblesse de la prévoyance, les difficultés de financement de la dé-pendance, les bouleversements du marché de l’assurance, la révolution digitale et les retours d’expérience de l’international. Nous remercions l’ensemble des intervenants qui, avec une réelle honnêteté in-tellectuelle, le désir de partager leurs expériences et une volonté d’adopter une démarche ouverte et innovante, ont permis de bâtir cette vision consolidée. Et s’il nous faut regretter que les pouvoirs publics n’aient pas souhaité s’associer à ce dialogue constructif, il en ressort des enseignements aussi riches qu’inédits. A l’heure où la majeure partie des Français s’estiment mal couverts en dépit d’un bon niveau de protection, que bien des pays nous envient, nous sommes convaincus que le devenir de notre système revêt un enjeu citoyen majeur, au cœur de notre démocratie libérale. C’est aujourd’hui que se tracent les grandes lignes du système de protection sociale de demain.

Catherine HélaineDirectrice Générale de Colombus Consulting

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R E M E R C I E M E N T S

LivreBlancProtectionSociale

Ce travail a été possible grâce à la contribution passionnante des dirigeants

et spécialistes de l’assurance et de la protection sociale qui nous ont apporté

leur temps et leur éclairage. Recueillir leur témoignage et leurs analyses

fut un moment privilégié.

André Renaudin Directeur Général AG2R LA MONDIALE

Philippe Dabat Directeur Général Délégué AG2R LA MONDIALE

Sylvain Coriat Directeur Assurances de Personnes ALLIANZ

Philippe Barret Directeur Général APICIL

Philippe Risbourg Directeur Général ACTIL

Bruno Rousset Président Directeur Général APRIL

Didier Weckner Directeur Général Délégué AXA France

Lucie Taleyson Directrice Technique et Marketing AXA Solutions Collectives

Magaly Siméon Directrice Business Unit Protection Sociale et Services CNP Assurances

Stéphane Dedeyan Directeur Général Délégué GENERALI

Sylvain Merlus Directeur Général Adjoint de GROUPAMA Centre-Atlantique (lors des entretiens directeur assurances collectives Groupama Gan Vie et directeur Gan Eurocourtage)

Bruno Céron Directeur Général Adjoint HARMONIE MUTUELLE et Directeur Général KALIVIA

Isabelle Hébert Directrice Assurance MGEN

Arnaud Boudesseul et Gustave Pelzer Cofondateurs MIIIR

Patrick Degiovanni Directeur Général Adjoint PACIFICA

Frédéric Côme Directeur SMIP – Groupe MACIF

François-Xavier Albouy Vice-Président PLANET GUARANTEE

Edouard Bidou Directeur de la Stratégie et de la Transformation Groupe PREVOIR

Pierre-Alain de Malleray Directeur Général SANTIANE

Pascal Pigot Directeur Général UNEO

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5 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

P R É SE N T

ET

F U T U R

DE L A

P R O T E C T ION

S O C I A L E

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6 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Le système social français n’a jamais été aussi

protecteur et a joué ces dernières années son

rôle traditionnel d'amortisseur de crise.

Toutefois, tous nos intervenants estiment que la

protection sociale, articulée historiquement

autour du cycle de vie classique – éducation,

travail, retraite –, ne correspond plus à notre

société post-industrielle et à la nouvelle diversité

des trajectoires humaines et professionnelles.

UneprotectionsocialesoustensionDes facteurs structurels fragilisent le système

de protection sociale français.

Tensiondémographique

En premier lieu, l’augmentation de l’espérance de vie et la possibilité de traiter efficacement les maladies chroniques ou invalidantes

n'étaient pas envisagées dans le système qui a

été mis en place en 1945. Désormais, la protection

sociale d’une famille doit être pensée sur trois

générations.

Tensionbudgétaire

Endetté structurellement, le système actuel n’est plus viable financièrement. Le niveau

actuel des prélèvements obligatoires interdit

toute nouvelle augmentation alors même que les

dépenses de santé augmentent. Dès lors, notre

protection sociale ne peut plus couvrir avec

autant de garanties structurées une population

très large.

Au-delà du problème crucial du financement (la

dette sociale augmentant de 10 milliards d’euros

par an), le système est devenu inefficient, illisible,

pesant sur la compétitivité des entreprises.

Tensionlégislative

Soucieux de faire perdurer le système actuel, les

pouvoirs publics transfèrent une partie des

engagements vers les ménages ou les opérateurs

du privé en contrepartie d’une activité plus

réglementée. La mise en place du contrat

responsable, la généralisation du tiers payant

pour 2017 et l’ANI témoignent de la

standardisation de la protection sociale. Or,

cette uniformisation pourrait se traduire par un

asséchement de la créativité. De plus, nos

intervenants déplorent une multiplication des

effets d’annonce et l’incapacité du législateur à

apporter de la stabilité.

Tensionsocio-économique

La crise économique et sociale ainsi que

l’augmentation progressive des cotisations

d’assurance affectent naturellement les

décisions d’achats des assurés. Ces derniers

effectuent des hyper-arbitrages financiers

drastiques au détriment de l’assurance.

PRÉSENT ET FUTURDE LA PROTECTION SOCIALE

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7 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Si nous ne réformons pas spontanément notre modèle, des

réformes dures nous seront imposées. Elles seront d’autant plus drastiques qu’elles seront

tardives et dictées par les organismes qui veillent à

l’équilibre des comptes publics, la BCE, le FMI (« big bang »).

Les assurés se posent clairement la question d’un arbitrage

au niveau des soins.

Si nous n’assistons pas à un mouvement massif

de démutualisation ou d’auto-assurance, les

assureurs constatent des résiliations pour des

raisons financières. Ils observent également une

baisse de la prime moyenne en collectif, une

réorientation des assurés vers des garanties

moins protectrices ainsi que des comportements

opportunistes (prise de garantie pour couvrir des

soins dentaires puis retour à une garantie moins

élevée). Pour certaines mutuelles, le recours aux

fonds d’action sociale s’inscrit désormais dans le

cadre d’une demande de complément de

prestation plutôt que dans celui d’une aide sociale

temporaire.

LespistesderéformespréconiséesSix grands axes de développement de la

protection sociale ont été mis en lumière par nos

intervenants, chaque enjeu regroupant des

initiatives éprouvées et de nouvelles idées à

mettre en œuvre. Si la marge de manœuvre des

acteurs du régime complémentaire semble se

réduire devant l’arsenal réglementaire

aujourd’hui mis en place par l’Etat, différents

leviers d’innovation existent. Ils peuvent, sous

réserve d’être coordonnés et exploités,

démontrer la valeur ajoutée et incontournable du

régime complémentaire.

Sur la manière dont ces réformes doivent être

engagées, deux réponses envisageables sont

défendues dans ce Livre Blanc. La première

revient sur la nécessité de réformes structurelles

profondes, un « big bang » de la protection

sociale. La seconde vision préconise plutôt des

ajustements paramétriques pour des raisons

stratégiques, culturelles et financières.

La grande majorité des participants s’accorde à

penser que l’évolution du système relèvera plutôt

du glissement que du saut quantique, le corps

social français restant attaché à l’héritage de

1945.

PRÉSENT ET FUTURDE LA PROTECTION SOCIALE

Notre système a une capacité de résistance à une crise financière de 10 à 15 fois plus importante, si l’on se réfère aux proportions de

capital consacrées pour respecter les engagements ("ajustements

paramétriques")

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C’est à nous d’être présent, d’agir comme si nous étions le voisin de la famille, à faire de

l’action sociale au sens propre du terme. Nous reconstituons

d’une certaine façon « la cellule familiale » désormais

éclatée géographiquement ou du fait de la recomposition des foyers…. Nous recréons un lien

social en nous préoccupant de la garde des enfants, du

plombier qui vient réparer des fuites, de tous ces éléments qui

soulagent à distance.

8 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Enjeudepersonnalisationdesoffres:versdesagrégateursdeservicesdeproximité

Pour s’adapter aux besoins des assurés, les

assureurs souhaitent une plus grande

personnalisation de leurs offres. De nouveaux

services se créent, fondés sur l’utilisation des

nouvelles technologies (e-santé, télémédecine,

domotique, reconnaissance vocale, plateformes

digitales) ou des données comportementales

transmises par les objets connectés et réseaux

sociaux. Ces services devraient jouer un rôle

croissant dans la stratégie de différenciation des

assureurs (réseaux de soins, aide aux aidants,

etc.). En effet, les assurés demanderaient aux

assureurs de ne plus être seulement des payeurs

de sinistres mais des agrégateurs de services

susceptibles de les accompagner dans leur

parcours de vie et de santé.

Toutefois, alors que ces exigences de protection

et de services sont toujours plus élevées, le prix

demeure paradoxalement le critère d’achat

discriminant.

Certains produits et services se développent

également pour répondre à de nouveaux besoins

liés au vieillissement de la population ou aux

inquiétudes face au financement des retraites.

Des entreprises demandent déjà aux assureurs

d’intégrer dans leurs offres de nouveaux services

(télémédecine, services d’accompagnement sur

des sujets précis liés aux modes de vie) et sont

sensibles aux produits d’assurance dépendance

proposant des programmes d’aide aux aidants.

Enjeuderationalisationetdesimplification,pourl’Etat,l’assureuretl’assuré

Notre protection sociale est confrontée à un

enjeu de simplification et de rationalisation. Le

système français souffre en effet d’une grande

complexité : incompréhension des différents

niveaux de couverture possible (CMU/ACS/

PRÉSENT ET FUTURDE LA PROTECTION SOCIALE

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9 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Contrats responsables/Surcomplémentaires),

difficulté pour les assurés d’appréhender

l’architecture globale, illisibilité des contrats.

Gagner en clarté tout en optimisant le système

offrirait donc de nouvelles perspectives aux

assurés, aux assureurs et aux pouvoirs publics.

L’Etat gagnerait à stabiliser la réglementation

tant la législation volontariste et mouvante

complexifie régulièrement les offres et

l’ensemble des modèles opérationnels. Pour les

assureurs, il conviendrait d’industrialiser

processus et organisations pour réduire les coûts

et les inefficacités internes.

Le développement des réseaux de soins est

ainsi un levier central d’optimisation, voire pour

certains participants l’axe principal de

développement de l’assurance santé. En effet, en

sortant de la position imposée de payeur aveugle,

les assureurs peuvent enfin accompagner

l’assuré dans la diminution de son Reste à Charge

(RAC).

La prise en compte des réseaux serait d’ailleurs

fondamentale pour l’équilibre technique et

financier des programmes d’assurances santé,

notamment en dentaire et en optique. Véritable

outil de gestion de la charge de sinistre, les

réseaux permettraient de gagner de 6 à 7 points

de ratio combiné dans un contexte où les

assureurs sont souvent dans l’obligation

d’augmenter les cotisations ou de réduire les

niveaux de garantie.

Toutefois, certains acteurs relativisent fortement

l’apport des réseaux de soins. Perçus comme un

outil marketing, les réseaux de santé n’auraient

pas encore démontré leur efficacité. A titre

d’exemple, pour ce qui concerne l’optique, la

baisse du coût moyen des dépenses est

contrebalancée par une augmentation de la

fréquence entraînant une croissance du chiffre

d’affaire des opticiens. Ces derniers se seraient

donc parfaitement adaptés aux nouvelles grilles

tarifaires et règles du jeu. L’efficacité des réseaux

de soins est donc forcément tributaire des

niveaux de garanties définis par les assureurs.

Les assureurs s’accordent également sur la

nécessité de mieux se concerter et d’agir ensemble, plutôt que de se disperser en multiples fédérations. A l’inverse du lobby très

efficace du secteur bancaire, le morcellement

des instances représentatives rendrait en effet

inaudibles les arguments des assureurs.

PRÉSENT ET FUTURDE LA PROTECTION SOCIALE

Véritableoutildegestiondelachargedesinistre,lesréseauxpermettraientde

gagnerde6à7pointsderatiocombiné.

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Quel gouvernement va faire des efforts pour

comprendre les subtilités entre la FNMF, la FNIMH, le CETIP, le GEMA, l’AFA,

la FFSA… ? Une telle complexité est absurde !

10 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale17| ColombusConsulting

Enfin, l’enjeu pour l’assuré est bien d’accéder à la connaissance précise de la couverture à

laquelle il peut prétendre. En développant une

pédagogie auprès des assurés et du grand public,

Etat et assureurs gagneraient en productivité et

en satisfaction des citoyens tout en améliorant la

couverture sociale. Selon nos intervenants, l’accent pédagogique doit désormais porter sur la prévoyance.

Enjeud’éducationetdepédagogie:l’exempledelaprévention

Cet enjeu est un axe de développement à part

entière afin de responsabiliser et d’accompagner

l’assuré. Outre la sensibilisation à la finance

assurancielle et aux offres proposées, il regroupe

les démarches de prévention favorisant les

comportements vertueux.

La prévention, dont l’impact est encore limité,

est donc un axe de développement. Son efficacité

doit toutefois être prouvée. Les actions

préventives d’un assureur peuvent fort bien

bénéficier à un compétiteur moins investi au

regard de la durée moyenne de détention d’un

contrat : 3 ou 4 ans pour un contrat individuel, de

7 à 8 ans dans le cadre d’un contrat collectif, plus

de 8 ans pour un retraité.

La prévention en France se veut ciblée, à

l’exemple des maladies professionnelles telles

que la carie du boulanger ou la tendinite des

coiffeurs.

Elle passe donc par un accès à la donnée :

engagement des entreprises, partenariats avec

les Big Six (Google, Amazon, Facebook, Apple,

Microsoft, Samsung), utilisation des objets

connectés. La personnalisation des tarifs

clarifierait la responsabilité de l’assuré.

Toutefois, dans le collectif, la notion très forte de

mutualisation véhiculée par les accords de

branche empêche le paiement d’une surprime

pour les comportements à risque.

De plus, pour une meilleure efficacité, les acteurs

de l’assurance pourraient se partager les risques

selon une segmentation définie ensemble

(endogènes, exogènes, etc.). Par exemple, les

actions de prévention du régime complémentaire

pourraient être ciblées sur la prévention des

comportements individuels, circonstanciels,

quand l’Etat prendrait en charge la prévention

des autres risques, plus structurels, liés à la

génétique par exemple.

Enfin, au-delà de la réduction des coûts de

couverture des aléas, la prévention peut être un

levier important de fidélisation si les assureurs

raisonnent en termes de profils de vie, en

proposant des parcours de vie génériques

associés à des contrats. Le repérage en amont

permet en effet la réversibilité (fracture du col du

fémur, cholestérol, tension artérielle) et la

possibilité de proposer des produits d’assurance

pertinents liés aux parcours de prévention.

PRÉSENT ET FUTURDE LA PROTECTION SOCIALE

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11 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Enjeudeluttecontrelavulnérabilité

Les notions de trajectoire de vie permettent de

mieux appréhender la vulnérabilité et la possible

paupérisation des assurés à la suite des accidents

biographiques. Les fluctuations de revenus qui

en découlent représentent un nouvel enjeu pour

les assureurs. Ces derniers doivent désormais

lutter contre le risque de décrochage de certains

assurés en comprenant mieux les hyperarbitrages

réalisés par les assurés et en proposant de

nouvelles couvertures. Une approche

assurancielle à la fois sociologique et technique

serait donc nécessaire. Elle pourrait commencer

par la mise en place d’entretiens individuels ou

collectifs avec les forces de vente, les clients, les

prospects ou les prestataires de services.

Toutefois, c’est bien le financement de certains

risques qui devient crucial. La santé, la

dépendance ou la retraite témoignent d’un même

souci de financement de la consommation future.

Or, à ce jour, évoquer à un individu de 35 ans le

risque de dépendance ou l’importance de se

projeter dans 25 ans reste inaudible. Certes,

l’inclusion d’une garantie dépendance minimale

existe déjà dans certains contrats santé. La GAV

est un produit qui s’achète de plus en plus. La

croissance des produits retraite (article 83, voire

le Perp) et l’augmentation des versements

individuels témoignent d’une prise de conscience

des Français sur la nécessité de préparer une

période de plus en plus longue de leur vie.

Cela reste insuffisant, et à l’instar de l’assurance

vie (dont la France est le plus grand marché), de

nouveaux produits innovants devraient être

développés pour financer la dépendance et la

retraite.

Un enjeu d’intégration : concentrationetrépartitionpublic-privéplusefficace

Anticiper les fluctuations de revenus et les

hyperarbitrages des Français invite à ne plus

cloisonner les risques en fonction de chacune

des branches de l’assurance. Une approche

transverse, moins traditionnelle, axée sur la

protection du pouvoir d’achat des assurés serait

donc nécessaire. Elle passe par la transformation

en acteur global de la protection sociale, ce qui

stimule des regroupements entre acteurs

d’horizons différents.

Une meilleure articulation entre le régime

obligatoire et le régime complémentaire constitue

une autre piste d’amélioration pour le système

français. Un consensus existe sur la nécessité de

revoir la répartition des rôles entre les pouvoirs

publics et le privé. Aujourd’hui, la prise en charge

par l’assurance maladie et l’Etat d’environ 76 %

des dépenses de santé ne permet toujours pas

une maîtrise des dépenses. Cette inefficience

invite à mieux détecter dans la répartition RO/RC

les mécanismes permettant une régulation de la

base. Un modèle de concurrence régulée à

l’horizon 2025 est également discuté, voire

souhaité par quelques participants.

PRÉSENT ET FUTURDE LA PROTECTION SOCIALE

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12 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Une analyse du coût global par habitant des

dépenses de santé, incluant les complémentaires,

montrerait que le système français manque d’efficacité en comparaison à d’autres pays ayant eu le courage ou

le souci du bien commun pour se réformer.

PRÉSENT ET FUTURDE LA PROTECTION SOCIALE

Pour la plupart des dirigeants interrogés, il

n’existerait aujourd’hui aucune stratégie

concertée ou réfléchie dans la répartition RO/RC.

Les assureurs ne seraient que rarement ou

tardivement impliqués dans les négociations, y

compris celles concernant les postes faiblement

remboursés par la Sécurité sociale, comme pour

Tant que les pouvoirs publics n’auront pas acté le fait que, sur

certains plans, les assureurs complémentaires sont les

principaux payeurs, nous ne progresserons pas !

Lapriseenchargedessoinsetbiensmédicauxpar

l’Etatetl’assurancemaladieresteenmoyenneautourde

77%.Maiscettemoyennedissimule

uneaugmentationdelapriseenchargedesALDparlasécuritésocialeetdoncdestransferts

plusmassifsversleRC.

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13 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Plus de féminité conduirait à une autre approche de la protection sociale… Nous

aurions également une vision prospective différente de la santé si notre regard sortait du champ franco-français.

Nous sommes impressionnés par le programme VITALITY

de l’assureur sud-africain Discovery. C’est un modèle gagnant-gagnant, censé,

logique, compatible avec le digital, et responsable

à l'égard des clients qui connaissent parfaitement

leurs droits et leurs devoirs.

l’optique et le dentaire.

Un changement de paradigme plusglobal

L’essoufflement de notre système de protection

sociale nous invite également à trouver d’autres

voies.

Nos intervenants sont ainsi favorables à un

management plus représentatif de la diversité de

notre société au sein de leurs entreprises (jeunes,

seniors, féminisation des cadres dirigeants).

Dans des entreprises de protection sociale

américaines, les dirigeants sont par exemple des

actuaires, secondés par des médecins.

Les expériences internationales apportent un

métissage d’idées et d’innovations qui

mériteraient d’être reproduites en France :

• L’utilisation plus importante des objets

connectés ou des smartphones, y compris

dans des pays en développement (Haïti,

Cambodge, Côte d’Ivoire, Kenya…) ;

• Le disease management et les

programmes de « Wellness » ;

• Les produits dépendance ou « critical

illness » comme en Asie du Sud-Est ;

• Les médecines alternatives traitées

aléatoirement en France ;

• Les garanties par épisode de soins qui

nécessitent d’avoir une agrégation de

données…

Il est frappant de voir que tous les contributeurs

appartenant à des groupes internationaux ou

ayant travaillé à l’international citent en exemple

l’acteur sud-africain Discovery.

PRÉSENT ET FUTURDE LA PROTECTION SOCIALE

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DE

L'A N I

A L A

P R O T E C T ION

S O C I A L E

GÉ N É R A L I SÉ E

E NJ E U X

ET

P R E M I E R

BI L A N

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15 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

La protection sociale en France est régulièrement

l'objet d'ajustements réglementaires, comme

l'Accord National Interprofessionnel (ANI) signé

par les partenaires sociaux le 11 janvier 2013.

Cette législation mouvante rend le système

illisible pour les assurés, les assureurs et les

entreprises. Une seconde difficulté réside dans

la sortie parfois tardive des décrets d'application.

Sans occulter les répercussions de Solvency II, la

protection sociale en 2025 sera avant tout

marquée par les conséquences de l’ANI, des

contrats responsables ou de la généralisation du

tiers payant.

Lesenjeuxdel’ANIL’oublidelaprévoyance

L’ANI est censé réduire les inégalités entre les

grandes entreprises et les TPE, les cadres et les

non-cadres. Cet accord pourrait cependant

illustrer le décalage fréquent entre la théorie et

la complexité de la réalité opérationnelle. De fait,

l’ANI suscite des réactions contrastées parmi les

participants.

Inutile voire contreproductif pour la majorité,

considéré comme une avancé sociale pour les

autres, ce dispositif témoignerait surtout d’une

focalisation sur les problèmes d’accès aux soins.

Alors que 96 % des Français disposent déjà d’une

complémentaire santé, ce sujet ne semblait pas

prioritaire. Selon certains participants de ce

Livre Blanc, favoriser l’émergence d’un régime

de prévoyance pour les non-cadres aurait été

plus judicieux.

Les acteurs privés de la protection sociale portent un

regard circonspect sur les dernières actions de l'Etat.

Les conséquences d’une paralysie à la suite d'une chute dans un escalier restent pour beaucoup de Français une vue de l’esprit. Cet évènement est pourtant peu couvert par la

Sécurité sociale.

DE L'ANI À LA PROTECTION SOCIALE GÉNÉRALISÉEENJEUX ET PREMIER BILAN

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16 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Certains participants à cette étude considèrent

l’ANI comme un premier pas vers la généralisation

de la prévoyance. La majorité des dirigeants

interrogés réfute cependant cette possibilité. La

prévoyance ne serait pas aujourd’hui une

préoccupation des pouvoirs publics et, dans une

certaine mesure, des entreprises. Sa

généralisation serait également trop coûteuse

pour l’Etat et les TPE incapables de supporter un

alourdissement des charges.

Le souhait du président de la République de

généraliser la complémentaire santé pour les

retraités montre cependant qu’un ANI prévoyance

n’est pas inimaginable (discours du 12 juin 2015

lors du 41ème Congrès de la Mutualité française).

Risquesetopportunités

Avec plus de 600 000 entreprises à équiper en

santé collective d’ici au 1er janvier 2016, l’ANI

suscite bien des convoitises. L’assurance santé

étant un produit d’appel facilitant le multi-

équipement, le transfert massif de portefeuilles

de l’individuel vers le collectif (entre 4 et 6

millions d’assurés) se traduit par une concurrence

redoutable. En proposant des offres santé à

moins de 18 euros par mois, alors que le prix

d’équilibre d’un contrat ANI serait d’environ 30-

35 euros/mois/salarié, certains acteurs

diffuseraient même l’idée d’une assurance santé

presque gratuite.

Un assureur propose actuellement un produit à 18 euros si vous êtes en région Parisienne, 12 euros si vous

êtes en province. Cela me semble particulièrement risqué. S’équiper à perte pour conquérir des parts de marché et rentabiliser

ultérieurement est une chose, exposer les clients en est une autre. A ce prix, ces assureurs

perdent obligatoirement de l’argent. Leur pari est donc de

déstabiliser le marché, prendre des clients à leurs concurrents et viser une rentabilité grâce à une politique agressive de multi-détention de contrats.

96%desFrançaisbénéficientd’unecom-plémentairesantémais

moinsde20%d’entreeuxsontcorrec-

tementcouvertsenprévoyance.

DE L'ANI À LA PROTECTION SOCIALE GÉNÉRALISÉEENJEUX ET PREMIER BILAN

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17 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

LescontratsresponsablesDe l’avis unanime de nos intervenants, le nouveau

décret sur les contrats responsables aura un

effet plus structurant sur le marché que l’ANI.

L’imposition de plafonds et de planchers (la «

tunnelisation ») illustre la volonté de

normalisation du secteur de l’assurance par les

pouvoirs publics.

Selon certains dirigeants interrogés, cette

stratégie de contrôles des dépenses de santé

induite par le plafonnement des garanties

n’incitera pas les acteurs économiques à

dépenser moins. En effet, quel que soit le niveau

du plafond, le budget consacré à la santé croît

proportionnellement au revenu.

Le risque de surconsommation est également

évoqué, certains plafonds étant plus élevés que

dans les réseaux de soins (cas des unifocaux ou

des corrections simples). Enfin, le renoncement

aux soins en raison d’une augmentation du reste

à charge est également souligné. La mise en

place des contrats responsables devrait donc se

traduire par un fléchissement des protections et

de nouvelles inégalités.

D’autres dirigeants sont en revanche favorables

aux contrats responsables. Ces derniers

imposeraient une discipline auprès des

personnes, faciliteraient les négociations dans

les entreprises et éviteraient les dérives de coûts.

Le décret mériterait cependant quelques

ajustements : élévation des plafonds et prise en

compte des médecines douces, comme

l’homéopathie ou l’ostéopathie.

Les contrats responsables vont cadrer les garanties et

obtenir ce qu’aucun assureur ou courtier n’arrivait à

faire. En effet, lorsque nous essayions d’expliquer aux

employeurs qu’un plafond de 400 % du TC était trop élevé,

ces derniers répliquaient que les syndicats s’opposeraient

à une modification des garanties. Avec l’ANI et les

contrats responsables, nous pouvons enfin agir puisque ce sont justement les syndicats

ou les pouvoirs publics qui ont défini de nouvelles garanties plus limitatives.

Leprixd’équilibred’uncontratANIpourlesTPEsesitueraitentre30et

35eurosparmois,maiscertainsassureurspro-posentdéjàdesproduits

àmoinsde15euros.

DE L'ANI À LA PROTECTION SOCIALE GÉNÉRALISÉEENJEUX ET PREMIER BILAN

Page 18: PROSPECTIVE À L'OMBRE DE L'ANI ET DES CONTRATS … · offrirait donc de nouvelles perspectives aux assurés, aux assureurs et aux pouvoirs publics. L’Etat gagnerait à stabiliser

18 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Derrière les contratsresponsables et l’ANI, nous trouvons une même idée fausse et inutile pour nos

concitoyens : celle que l’Etat, en régentant un secteur économique privé, serait capable de faire mieux.

TransparencedesfraisdegestionetgénéralisationdutierspayantL’obligation de publication des frais de gestion est

jugée très sévèrement par nos participants.

Cette mesure répondrait à un désir de contrôle

hégémonique et de standardisation du secteur

par l’Etat. Elle pourrait enfin entraîner une

stigmatisation de l'ensemble des assureurs, en

suscitant la suspicion chez les assurés à l’égard

de leur complémentaire santé.

La généralisation du tiers payant traduit

également la volonté de la Sécurité sociale de

contrôler les complémentaires santé.

DE L'ANI À LA PROTECTION SOCIALE GÉNÉRALISÉEENJEUX ET PREMIER BILAN

Page 19: PROSPECTIVE À L'OMBRE DE L'ANI ET DES CONTRATS … · offrirait donc de nouvelles perspectives aux assurés, aux assureurs et aux pouvoirs publics. L’Etat gagnerait à stabiliser

19 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

I M PA SSE S

ET

S OLU T IONS

À L A

DÉ P E N DA NC E

Page 20: PROSPECTIVE À L'OMBRE DE L'ANI ET DES CONTRATS … · offrirait donc de nouvelles perspectives aux assurés, aux assureurs et aux pouvoirs publics. L’Etat gagnerait à stabiliser

20 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Malgré l’absence de données statistiques sur le

coût des soins directs ou indirects liés à la

dépendance, quelques chiffres témoignent déjà

des difficultés vécues par de nombreux Français.

• Plus de 1,2 million de personnes sont

aujourd’hui dépendantes ;

• La moitié des personnes âgées de plus de

85 ans se trouverait dans un état de

dépendance partielle ou totale ;

• Deux Français sur trois connaîtraient ou

ont connu un proche en situation de

dépendance ;

• Entre 4 et 8 millions de personnes seraient

actuellement concernés par la dépendance

d’un proche en tant qu’aidant familial. La

moitié d’entre eux occupe un emploi salarié.

Ladépendance:unmarchéàconquérir?Unmicromarchéàfortenjeu

La dépendance entraîne des épreuves

individuelles et familiales majeures avec des

conséquences physiologiques, psychologiques et

financières. En effet, la prise en charge publique

(moins de 500 euros en moyenne pour l’aide

personnalisée d'autonomie), le revenu mensuel

médian (1 600 euros) et la retraite moyenne

mensuelle (1 200 euros - 850 pour les aidantes)

ne permettent pas de couvrir les coûts de la

dépendance (entre 2 000 et 3 500 euros par mois).

Cette situation douloureuse devrait stimuler le

marché de l’assurance dépendance. En effet, le

nombre de personnes au moins partiellement

dépendantes progressant fortement dans les

décennies à venir, l’Etat sera probablement

amené à recentrer ses aides sur les cas de

dépendance les plus lourds et en faveur des plus

bas revenus. Les coûts croissants de traitement

de la dépendance, pourtant déjà élevés, devraient

donc devenir insoutenables pour beaucoup de

citoyens.

L’assurance dépendance permettrait alors de

compléter les aides de l'État sur les cas les plus

lourds et de prendre en charge les dépendances

les plus légères.

La réalité de mise en œuvre est toutefois plus

complexe. La dépendance reste un micromarché

de 660 millions d’euros, soit moins de 0,30 % du

marché de l’assurance en 2013, pour diverses

raisons.

Faute de s’adosser à une obligation et donc à un

périmètre de mutualisation suffisamment large,

les contrats privés d’assurance dépendance sont

onéreux et peu accessibles. Le segment de

population susceptible d’acquérir ces produits

Ladépendanceresteunmicro-marchéde

660millionsd’euros,soitmoinsde0,30%du

marchédel’assuranceen2013.

IMPASSES ET SOLUTIONSÀ LA DÉPENDANCE

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21 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

est une « classe moyenne » dont les revenus

varient entre 3,5 et 7 fois le SMIC. Les plus aisés

(au-dessus de 7 fois le SMIC) privilégieraient

plutôt l’utilisation de leur épargne ou la vente

d’une résidence pour assumer les 30 000 à

40 000 euros annuels nécessaires à une prise en

charge optimale de leur dépendance totale. Quant

aux classes populaires ou plus défavorisées, elles

arbitreraient budgétairement pour l’alimentaire,

le logement, l’habillement et l’éducation.

La dépendance est un risque suffisamment

angoissant pour qu’on refuse de s’y projeter.

Malgré l’enjeu de société, l’inertie demeure.

La couverture du risque de dépendance inquiète

les assureurs qui manquent de données

suffisantes. Les produits d’assurance dépendance

sont donc similaires (une rente faible, quelques

services, au mieux de l’aide aux aidants) et ont

peu d’attrait auprès des particuliers et des

distributeurs d’assurance.

Des facteurs d’incertitude freinent également le

développement de ces produits, comme le mode

de revalorisation des rentes et des cotisations,

ainsi que la transférabilité de la garantie

permettant à l’assuré de pouvoir changer

d’assureur en cours de contrat (collectif vers

individuel inclus).

Enfin l’absence d’orientation claire des pouvoirs

publics favorise l’inertie des agents économiques

et des citoyens. Les retours d’expérience

d’assureurs particulièrement actifs sur le marché

de la dépendance illustrent parfaitement l’impact

de l’indécision politique. Ainsi, l’annonce en 2007

de l’instauration future d’une cinquième branche

de la Sécurité sociale s’est aussitôt traduite pour

certains d'entre eux par une chute de 50 % des

ventes de produits d’assurance dépendance.

Si vous retirez tous les contrats à faible valeur (et

finalement pas très sérieux) proposant un capital décès en

dessous de 100 000 euros, vous arrivez au constat suivant :

20 % seulement des Français sont couverts en prévoyance. Ce sont essentiellement des

cadres qui en bénéficient à travers un régime de prévoyance collective

particulièrement avantageux.

L’annonceen2007del’instaurationfutured’unecinquièmebranchedela

Sécuritésociales’estaussitôttraduitepourdesassureursparunechutede50%des

ventesdeproduitsd’assurancedépendance.

IMPASSES ET SOLUTIONSÀ LA DÉPENDANCE

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22 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Avec l’éclatement géographique des familles, les aidants

interviennent le plus souvent à distance et sont perdus dans les méandres administratifs

des différentes aides. Les aidants sont débordés, épuisés par un soutien chronophage et

coûteux. Il est donc essentiel d’organiser et de structurer

les formes d’accompagnement des aidants pour se préoccuper efficacement du financement

[…]. Il est de notre rôle de prendre en charge ou de

déléguer cette responsabilité à travers un référencement

d’opérateurs spécialisés dans les services d’accompagnement

aux adhérents.

Desassureurspionniers

Pour autant, certains assureurs n’ont pas attendu

une prise en charge publique pour proposer aux

Français des contrats d’assurance dépendance.

Des produits existent depuis plus de 20 ans et les

assureurs progressent nettement dans la

connaissance de ce risque et de ses statistiques.

Le développement probable de produits plus

innovants (rentes temporaires et non viagères,

garanties dépendances via de l’assurance vie

avec possibilités de rachat) concrétise cette

évolution. Leur présence dans les activités de

soins ou dans le médico-social les alerte chaque

jour sur les enjeux d'une meilleure prise en

charge de la dépendance. Les progrès en termes

de sensibilisation auprès des personnes ou des

entreprises sont également manifestes.

Les aidants – principalement des femmes - font

désormais l’objet d’une attention soutenue. Leur

accompagnement est une nécessité qui incite les

assureurs à développer des projets dédiés allant

au-delà du seul versement d’une prestation

financière.

Entre4et8millionsdeFrançaisseraient

concernésdirectementparladépendanced’unprocheentantqu’aidantfamilial(lamoitiéétant

dessalariés).

IMPASSES ET SOLUTIONSÀ LA DÉPENDANCE

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23 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

De nouveaux produits à moins de 10 euros par

mois, actuellement lancés pour répondre aux

difficultés majeures rencontrées par les

populations disposant de faibles revenus et dès

lors particulièrement exposés aux conséquences

d’une dépendance, suscitent d’ailleurs un réel

intérêt chez la plupart des participants.

Cependant, au regard des conséquences

financières et psychologiques de la dépendance

sur les personnes dépendantes et leurs familles,

les dispositifs actuels ou prévus ne seront pas

suffisants.

LessolutionsenvisageablesPour répondre à cet impératif éthique et

économique, plusieurs pistes de solutions sont

examinées dans ce Livre Blanc, bien au-delà de

la simple approche financière.

Lacréationd’unecinquièmebranche

Cette solution serait peu envisageable au regard

du déficit actuel. Elle est jugée peu souhaitable

par les acteurs du privé inquiets des difficultés

des pouvoirs publics à gérer les provisions et

honorer leurs engagements.

Ledéveloppementetlapromotiondel’auto-assurance

La durée moyenne de dépendance étant

relativement faible (moins de quatre ans), les

classes moyennes pourraient résoudre le

problème du financement de leur dépendance en

allouant entre 500 et 800 euros par mois aux frais

de dépendance. Toutefois, ce raisonnement basé

sur une moyenne ne peut être généralisé, la

dépendance pouvant durer cinq voire vingt ans et

la capacité d’épargne lors de la vie active étant

plus faible chez les classes populaires.

Leconditionnementd’uneallocationàtauxpleinoupartielàl’acceptationd’unemiseengagesurunepartiedesonpatrimoinefinancierouimmobilier

La circonscription de cette mesure aux ménages

relativement aisés et le risque d’image, ainsi que

le viager charriant des connotations négatives,

limitent la portée de cette solution.

L’inclusionautomatiquedegarantiesdépendancedanslacomplémentairesanté,commecelafutpratiquéenIsraël

Cette solution, développée déjà par certaines

mutuelles 45, permettrait une plus forte

sensibilisation au risque et apporterait une

couverture au moins partielle aux assurés.

IMPASSES ET SOLUTIONSÀ LA DÉPENDANCE

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24 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

L'efficacité de cette solution dépend néanmoins

d'une large mutualisation et d'une pédagodie

exemplaire.

Lamiseenplaced’uneassurancequasi-obligatoire,commeàSingapour

Fondé sur un partenariat public-privé, ce

système, géré par des assureurs préalablement

sélectionnés dans le cadre d’un appel d’offres

public comportant un cahier des charges très

précis, reposerait sur de fortes incitations

financières, administratives ou fiscales à la

souscription. La spécificité politique et

géographique de l’Etat insulaire relativise

cependant l’opportunité d’appliquer cette solution

en France.

Unchoixdecivilisation

En conclusion, pour les pouvoirs publics et

certains dirigeants ayant contribué à ce Livre

Blanc, ce sujet semble moins déterminant que

celui des retraites, du chômage et des déficits

publics. Pourtant, la question de la dépendance

renvoie à la gestion de la vieillesse, au rapport

intergénérationnel, au « tabou » psychologique,

à la peur du handicap et de la mort. La gestion de

la dépendance serait alors le reflet d’un choix

civilisationnel.

IMPASSES ET SOLUTIONSÀ LA DÉPENDANCE

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25 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

B OU L E V E R SE M E N TS

DU

M A R C H É

AU-DE L À

DE S

F R ON T I È R E S

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26 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Nous assistons depuis plusieurs années à une

concentration particulièrement importante du

secteur. Entre 1995 et 2012, nous sommes ainsi

passés de 593 à 339 compagnies d’assurance, de

87 à 49 institutions de prévoyance. Les

regroupements au sein du secteur mutualiste est

encore plus spectaculaire (de 3 519 à 630

mutuelles de livre II).

Versunrapprochementgénéralisé:l’exempledusecteurmutualistePlusieurs contributeurs au Livre Blanc estiment

que les mutuelles ne pourraient être qu’une

soixantaine d’ici à 2020. Le plancher de dix

mutuelles est également annoncé.

Certaines mutuelles sont trop petites pour

pouvoir assumer toutes les évolutions juridiques,

prudentielles (Solvency II), fiscales, techniques et

technologiques actuellement en cours. Si les

mutuelles restent les acteurs majoritaires des

complémentaires santé avec 54 % du marché,

elles perdent du terrain (0,5 % par an) car trop

souvent ancrées sur un territoire géographique,

socioprofessionnel ou technique (la santé

individuelle).

Dans un contexte d’érosion du lien affinitaire,

certaines rejoignent donc des groupes de

protection sociale, des sociétés d’assurance

mutuelles et nouent des relations privilégiées

avec des assureurs multiproduits ou

multiréseaux.

Perspectived’uneréductiondrastiquedunombredemutuellesd’icià2020:ilensub-sisteraentre10et80,selonlesprojections.

BOULEVERSEMENTS DU MARCHÉAU-DELÀ DES FRONTIÈRES

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27 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Un salarié sera assuré à la fois chez une Institution de

prévoyance, une mutuelle et une compagnie d’assurance. Car, au-delà des typologies,

un client cherchera surtout à être respecté et à bénéficier

d’une qualité de service irréprochable en échange

d’une cotisation d’assurance adaptée à ses revenus.

En regardant l’assurance depuis l’Europe ou d’autres

continents, les tensions entre les trois familles d'assureurs

semblent infondées.

Conscientes de la force et de la menace des

assureurs et bancassureurs sur leur marché

historique, certaines défendent une approche

plus globale avec comme axe stratégique le

développement de la prévoyance. La volonté de

devenir un acteur complet de la protection sociale

explique donc la création, la consolidation et la

croissance des unions mutualistes de groupe

(UMG).

Lesrapprochementstranscodes

Les rapprochements « transcodes » intéressent

également la plupart des acteurs car, si des

lignes de clivages persistent, les frontières entre

mutualistes, groupes de protection sociale et

assureurs (code des assurances) seraient de

moins en moins étanches. La coexistence de trois

codes et de nombreuses fédérations constituerait

même une aberration au regard de tous ces

rapprochements.

Toutefois, l’uniformisation comporte certains

risques que l’on aurait tort de minimiser, comme

l’éloignement du client, les tensions sociales

internes, l’augmentation des coûts de structure

ou le manque de réactivité.

Sans évoquer les montages financiers, certains acteurs

pourront prendre des postures, défendre des

idéologies, ou faire des grands discours, mais la réalité est

tout autre. Les professionnels de l’assurance pratiquent le même métier, témoignent

de la même application pour couvrir leurs assurés, et

n’hésitent plus à travailler dans différents environnements.

Les séparations entre familles d’assureurs sont donc devenues virtuelles et ne correspondent

pas à la réalité des métiers.

BOULEVERSEMENTS DU MARCHÉAU-DELÀ DES FRONTIÈRES

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28 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

A force de se positionner sur tous les sujets, les assureurs s’uniformisent et assèchent

leur créativité. Cette uniformisation stérilisante est particulièrement claire

depuis l’accord du 11 janvier, qu’elle soit liée ou non à l’ANI.

Nous appliquons tous les mêmes méthodes pour nous

développer. Des mots ou des fonctions ne sont plus

tabous. Je pense notamment aux directions marketing qui prennent de plus en

plus d’importance dans le monde des mutuelles et des institutions de prévoyance.

LesenjeuxopérationnelsdetransformationCouvrir toute la protection sociale ne s’improvise

pas. Pour plusieurs dirigeants, il s’agirait même

d’un saut qualitatif majeur car tous ces métiers

exigent une maîtrise par des spécialistes.

Dans un contexte économique difficile pour les

assurés et hautement concurrentiel pour les

assureurs, l’efficacité opérationnelle est devenue

un enjeu majeur. L’optimisation des coûts de

gestion et d’acquisition sont essentiels, ce qui

renvoie naturellement aux stratégies de

fidélisation et de multi-équipement des

assureurs. Et sur ce point, la marge de

progression est importante, les taux moyens de

détention variant de 1,2 à moins de 3 contrats par

client.

Comme souligné dans le premier chapitre de ce

Livre Blanc, le métier est appelé à

considérablement évoluer dans les années à

venir. La partie assurantielle devrait prendre de

moins en moins d’importance en termes de

différenciation. En revanche, les services

joueraient un rôle croissant et permettraient aux

assureurs de devenir des assembleurs de

solutions pour accompagner leurs clients dans

leur parcours de vie et de santé.

BOULEVERSEMENTS DU MARCHÉAU-DELÀ DES FRONTIÈRES

Page 29: PROSPECTIVE À L'OMBRE DE L'ANI ET DES CONTRATS … · offrirait donc de nouvelles perspectives aux assurés, aux assureurs et aux pouvoirs publics. L’Etat gagnerait à stabiliser

29 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

DIGI TA L I S AT ION,

OB J E TS

C ON N E C T É S

ET

GÉ N É T IQU E

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30 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Pour l’ensemble des participants à ce Livre

Blanc, la révolution digitale est une évidence dont

les innovations assurancielle devraient

s’amplifier et s’enrichir.

La digitalisation constituerait d’abord un outil

d’amélioration de la relation client (voir aussi

l'étude "La digitalisation au service de

l'expérience client" de Colombus Consulting,

2015). L’hyper-segmentation permettrait

notamment un meilleur équipement et des offres

mieux ciblées au bénéfice de l’assuré et de

l’assureur. Toutefois, la transformation digitale

ne peut faire l’économie d’une simplification des

process et des services. Elle ne doit pas se

limiter à l’aspect commercial. La chaine de

service est tout autant sinon plus essentielle.

UnedigitalisationprogressiveDigitalisationetréseauxphysiques:unequestiondemétissage

La transformation numérique du monde de

l’assurance pourrait être plus complexe et lente

que prévue.

Nous sommes passés en six mois d’une vision floue sur la digitalisation à un consensus

général sur l’existence même d’un phénomène qui bouleversera nos modèles.

En effet, l’assurance ne s’achète pas comme un

bien de consommation courant et ne relève pas

d’un acte compulsif. De plus, l’acquisition d’un

contrat d’assurance et la fidélisation d’un assuré

repose essentiellement sur la confiance. Dans un

monde où les arbitrages financiers face aux

risques sont particulièrement serrés, il est

déterminant de savoir à qui s’adresser en cas de

sinistres. La digitalisation, pierre angulaire de

l’omnical et de la multi-proximité, est donc avant

tout une question de métissage.

Nous devons faire fonctionner ensemble le Web, les plateformes

téléphoniques, les boutiques et les agences de courtage. De nombreuses personnes

(70 % environ) font du ROPO (Research Online, Purchase

Offline). Ils se renseignent dans un premier temps via le Web et les forums avant d’écouter la

voix rassurante de leur courtier. La digitalisation est une question

de métissage et ceci est encore plus vrai pour l’assurance qui

n’est pas un achat d’impulsion.

DIGITALISATION, OBJETS CONNECTÉSET GÉNÉTIQUE

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31 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

La digitalisation devrait effectivement contribuer à des gains de productivité...

Mais tous ceux qui nous annoncent une grande

révolution pour ces cinq prochaines années sont certains de se tromper car, à chaque fois, les

bouleversements annoncés mettent plus de temps que

prévu à se concrétiser.

L’assurance a également des procédures et des

contraintes juridiques spécifiques. Cette situation

expliquerait un certain attentisme au regard des

spécificités des contrats d’assurance qu’on ne

retrouve pas dans les produits bancaires ou de

consommation classique sur Internet. Enfin, si la

digitalisation facilite la relation client et la

connaissance de ses trajectoires de vie et de

parcours de santé, les clients peuvent rejeter la

sollicitation des assureurs ou leur intrusion dans

une intimité des risques.

Leparadoxefrançais

La souscription par Internet en France est l’une

des plus faibles d’Europe de l’Ouest : la part de

marché sur l’assurance des particuliers par

Internet est comprise entre 4 et 6 %. La France

est donc loin derrière le Royaume-Uni (plus de

50 % sur certains produits), l’Espagne, l’Italie ou

les pays scandinaves. Pourtant, le taux de

pénétration du Web et l’utilisation des réseaux

sociaux en France se situent au-dessus de la

moyenne des pays européens (83 % vs 68 % de

taux de pénétration, 42 % vs 40 % pour l’utilisation

des réseaux sociaux). Les Français passant plus

de 4 heures par jour sur Internet, ce retard ne

peut pas s’expliquer par une moindre utilisation

de la Toile.

Les raisons du retard français s'expliquent

probablement plus par la spécificité d'un marché

français caractérisé par la force et l'hétérogénéité

des réseaux physiques, la puissance de la marque

et un sentiment encore marqué d'appartenance

chez des assurés (notamment les sociétaires).

Pour autant, le digital modifie déjà le secteur de

l’assurance et le taux de souscriptions en ligne

devrait évoluer positivement dans les années à

venir, accélérant la transformation des réseaux

de distribution.

DIGITALISATION, OBJETS CONNECTÉSET GÉNÉTIQUE

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32 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Au système traditionnel d’un assureur proposant

à l’assuré des produits à travers un réseau de

distribution assumant la relation client,

succédera un modèle fondé sur des relations

beaucoup plus tripartites qui s’appuiera sur une

fluidité de circulation d‘informations entre

l’intermédiaire, l’assureur et le client. Ce nouveau

modèle nécessitera la mise en place d’un système

vertueux de transferts d’informations.

Jusqu’à présent, les assureurs ne pouvaient se baser que sur

des évènements liés aux statuts des personnes. Si

demain, on s’intéresse aux trajectoires de vie, le big

data et les outils du digital permettront de suivre

les personnes dans leur parcours de vie, au quotidien, et plus uniquement sur des problématiques de sinistres. L’assurance s'inscrira dans

une relation plus intime.

DefutursapportsconsidérablesGainséconomiquespourl’opérateur

Les outils digitaux facilitent déjà le travail des

réseaux de distribution en les déchargeant

d’opérations quotidiennes chronophages. Elle

permet également le suivi des clients dans la

durée et donc la fidélisation en tenant compte des

trajectoires de vie des personnes.

Les souscriptions par Internet de contrats collectifs ne sont

pas du tout significatives. Certains de nos courtiers ont lancé de telles offres. Elles ne se vendent pas nécessairement bien.

N’oublions pas, en effet, que nous sommes dans un secteur

particulièrement complexe mêlant à fois de l’assurance,

du juridique, du fiscal et du social. L’intermédiaire

physique a donc toute sa place en termes de conseil.

DIGITALISATION, OBJETS CONNECTÉSET GÉNÉTIQUE

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33 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Les objets connectés permettent d’avoir des éléments médicaux

facilement disponibles et permettront de changer le mode de tarification. Des

expérimentations sont d’ailleurs en train d’être réalisées.

Les frontières du possible reculent en permanence et nous ouvrent des champs de possibilités immenses

pour inventer de nouveaux services et créer de la

valeur pour nos adhérents et nos entreprises.

La digitalisation réduit également les coûts

d’acquisition et de gestion. Le développement

d’extranets permet déjà aux TPE, dans le cadre

de l’ANI, de souscrire et de faire des affiliations

en ligne.

Au-delà du gain économique induit par la

dématérialisation, l’interactivité en temps réel et

la mise à jour régulière des droits constituent un

apport majeur tant pour les assurés que les

opérateurs de tiers payant et les professionnels

de santé.

Versuneplusgrandepersonnalisationdes offres et des services grâce auxobjetsconnectés

Se conformer au plus près aux besoins des assurés est désormais permis grâce au digital et

à l’utilisation des données comportementales. Le

développement par des assureurs d’applications

digitales afin de localiser les établissements de

santé, permettre les visites virtuelles, connaître

le taux d’occupation et le nombre de places libres

dans les EHPAD, s’inscriront dans cette évolution.

De même, des applications téléchargeables sur

iPhone permettent actuellement de scanner les

lésions suspectes et de préconiser ou non une

consultation auprès d’un dermatologue. Ces

types d’application par iPhone permettront de

résoudre certains problèmes liés aux coûts des

examens ou consultations ou au manque de

médecins dans les déserts médicaux.

De nouveaux services se créent donc, fondés sur

l’utilisation des nouvelles technologies. Les

données collectées – parfois en temps réel –

devraient notamment faciliter la prévention, les

politiques de disease management ainsi que le

suivi et l'accompagnement des patients atteints

de maladies chroniques.

DIGITALISATION, OBJETS CONNECTÉSET GÉNÉTIQUE

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34 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

Les objets connectés pourraient modifier les

services d’assurance, la sélection ou la

tarification des contrats, sous réserve d’une

confidentialité de l’accès aux données. Cette

tarification tiendrait compte des comportements

comme cela est déjà le cas dans le « Pay how you

drive » qui va bien au-delà du « Pay as you drive ».

L’assurance constituerait ainsi un pan de

l’économie comportementale. Le Dossier

Médical Personnalisé est également un outil

pertinent pour améliorer le suivi et la traçabilité

des données.

LimitesetmenacesLe monopole du contrôle des données de santé

par la CNAM se traduit cependant par un sous-

investissement des assureurs sur le sujet du

disease management.

L’exploitation des objets connectés, à des fins

d’assurance, n’est pas plus aisée. D’une part, ces

objets ont un coût non marginal qui renchérit les

cotisations d’assurance, notamment en collectif

où l’assureur est dans l’obligation juridique de

traiter tous les salariés de façon égalitaire. D’autre

part, la diffusion des objets connectés dépend

fortement des spécificités socioculturelles et

juridiques des pays.

Le développement de ces objets aux Etats-Unis

dans le cadre de l’assurance santé ne préfigure

pas nécessairement leur succès en France. La

réticence des assurés ou le constat que le service

rendu ne vient pas de l’objet en lui-même posera

la question du maintien de ces outils connectés.

Enfin, les litiges peuvent réfréner à terme la

diffusion de ces objets et leur utilisation par les

assureurs. Les analyses de données peuvent en

effet être contestées. L’utilisation croissante des

objets connectés par les assureurs ou les assurés

soulève également des questions éthiques en

raison des risques potentiels d’anti-sélection ou

d’exclusion qu’ils sous-tendent.

PuissancedesBigSixetcraintedesassureurs

Nos interlocuteurs soulignent l’importance de

conserver une relation client forte afin de ne pas

devenir, à terme, tributaires des grands collecteurs

de données : les « Big Six » (Google, Apple,

Facebook, Amazon, Microsoft, Samsung), qui

pourraient envisager une relation totalement dés-

intermédiée avec les assurés. Le risque de devenir

sous-traitants invite les assureurs à la

concertation voire à la mutualisation des efforts,

d’autant que ces derniers pourraient fort bien être

dépassés par la puissance financière et

l’innovation des GAFA.

Letauxd’équipementenpodomètresconnectés

estpasséde0à10%enunan,concrétisantsen-siblementlesbénéfices

apportésparladigitalisation.

DIGITALISATION, OBJETS CONNECTÉSET GÉNÉTIQUE

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35 ColombusConsultingLivreBlancProtectionSociale

LaGénétiqueQuant aux progrès de la génétique (et de la

technologie médicale, en général), ils sont

également perçus comme étant à l’origine de

bouleversements potentiels majeurs. Si les

risques d’anti-sélections sont clairement

soulignés, des initiatives spectaculaires sont

également mentionnées. La start-up Diagnostic

for all développe ainsi des systèmes d’analyse

génétique à base de microfluides accessibles aux

finances d’un village de brousse.

L’action conjointe et contemporaine des assureurs et des professionnels de santé

conduit déjà à des comportements particulièrement sains, sans

passer par la génétique. Aujourd’hui, par exemple, nous avons d’excellents résultats sur

l’assurance des diabétiques. Ces derniers, très suivis

médicalement, anticipent correctement les risques.

Nous devons tous investir sur ce marché, nous

pourrions mutualiser nos efforts. Le maintien à

domicile, par exemple, passe par les objets connectés.

Rendre l’adhérent acteur de sa santé est essentiel et d’une utilité incontestable. Nous devons très vite jouer ce rôle car sinon, dans les douze prochains mois, les opérateurs comme Apple ou Google transformeront

les assureurs en sous-traitants. Et nous savons ce que devient un sous-traitant

dans la chaîne de valeur.

Il reste que les assureurs n’ont pas attendu la

révolution génétique pour entreprendre des

actions concrètes et obtenir des résultats très

encourageants grâce au suivi médical et la

prévention des risques.

Certainsexamensgénétiquespourraient

valoirseulement

1$àl'horizon2020.

DIGITALISATION, OBJETS CONNECTÉSET GÉNÉTIQUE

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M É T H O D O LO G I E

36 ColombusConsulting

Pour élaborer ce Livre Blanc, l’équipe de Colombus Consulting

s’est appuyée sur les entretiens qui ont été menés auprès de

plus de 20 professionnels de l’assurance et de la protection

sociale, entre juin 2014 et février 2015.

Au cours de chaque entretien, cinq volets ont été successivement

abordés selon la trame suivante :

• la fragilité et la pertinence de notre système hérité de

l’après-guerre ;

• les enjeux et impacts des nouvelles réglementations ;

• le sujet de la dépendance ;

• le bouleversement du marché et son devenir ;

• la révolution digitale et l’impact de la génétique.

A l'issue d'une retranscription intégrale des verbatim, validés

par les participants, ceux-ci ont été communiqués à l’ensemble

d’entre eux. Ils ont alors été conviés à des réunions de travail

chez Colombus Consulting, pour construire le dialogue qui a

permis d’élaborer les préconisations de ce Livre Blanc.

PRÉSENTATION DES AUTEURS

Marc Nabeth, Senior Manager chez Colombus Consulting, a conçu et conduit l’intégralité des entretiens de ce Livre Blanc. Consultant depuis plus de 17 ans dans le secteur de l’assurance et de la

protection sociale en France et à l’international, diplômé du MBA de l'Ecole nationale d'assurances (ENASS) il est l'auteur de plusieurs publications et ouvrages sur l’Assurance et la Protection Sociale.

Laurène Tallon, Consultante chez Colombus Consulting, a co-écrit ce Livre Blanc. Au sein du secteur de l’assu-rance et de la protec-tion sociale, elle a

conduit des missions de transformation et d’appui au pilotage, auprès notam-ment d’acteurs mutualistes. Diplômée de Sciences Po et d’HEC, elle accom-pagne également des entreprises publiques.

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L E X I Q U EACS Aide pour une Complémentaire Santé

Dispositif réservé aux personnes dont les ressources sont légèrement supérieures au plafond d’attribution de la CMU-C.

AFA Association Française de l’Assurance Groupement créé en juillet 2007 à l’instigation de la FFSA et du GEMA.

ALD Affection de Longue Durée Au 31 décembre 2013, 9,7 millions de personnes du régime général bénéficient de l'exonération du ticket modérateur au titre d'une affection de longue durée (ALD), soit moins d'une personne sur six.

ANI Accord National Interprofessionnel L’accord négocié prévoit la généralisation de la complémentaire santé à tous les employés du secteur privé. Une décision qui concerne les 3 à 4 millions de salariés qui ne bénéficient pas actuellement d’une assurance complémentaire santé.

APA Allocation Personnalisée d’Autonomie L'allocation personnalisée d’autonomie (APA), entrée en vigueur le 1er

janvier 2002, s’adresse aux personnes âgées de 60 ans ou plus, résidant à leur domicile ou en établissement et qui sont confrontées à des situations de perte d’autonomie.

CTIP Centre Technique des Institutions de Prévoyance représente 51 institutions de prévoyance.

CMU Couverture Maladie Universelle Dispositif mis en œuvre depuis 2000, géré par l’URSSAF, permettant l’accès à l’assurance maladie pour toute personne qui n’est pas couverte par un régime de sécurité sociale.

CMU-C Couverture Maladie Universelle Complémentaire (voir CMU).

CNAM Caisse Nationale d’Assurance Maladie (ou CNAMTS : Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés) Établissement public national dont l’organisation a été modifiée à la suite de la loi de réforme d’août 2004, donnant à l’assurance maladie de nouvelles responsabilités en matière de régulation du système de soins.

CNAV Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse Établissement public national créé en 1967 qui gère la retraite de base des salariés du secteur privé.

EHPAD Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes Établissement médico-social de prise en charge de personnes âgées.

LivreBlancProtectionSociale

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L E X I Q U E

FNIM Fédération Nationale Indépendante des Mutuelles Organisation de représentation et de défense des mutuelles indépendantes, dont l’origine remonte à mars 1999.

FNMF Fédération Nationale de la Mutualité Française Organisation créée en 1902 pour tenir un rôle de représentation des mutualistes auprès des institutionnels.

GAV Garantie Accidents de la Vie Contrat d’assurance qui couvre les dommages corporels accidentels de la vie privée.

GEMA Groupement des Entreprises Mutuelles d’Assurances Syndicat professionnel connu sous le nom de GSACM jusqu’en 1989.

IARD Incendies, Accidents et Risques Divers Contrat d’assurance qui couvre les dommages et la protection des biens (en opposition aux assurances de personnes et aux assurances vie).

RAC Reste À Charge Part des dépenses qui reste à la charge de l’assuré social après le remboursement de l’assurance maladie obligatoire.

RO/RC Régime Obligatoire / Régime Complémentaire Système de répartition de la prise en charge des frais d’assurance (le régime obligatoire étant également connu sous le nom de régime de base).

ROPO Research Online, Purchase Offline Terme utilisé pour évoquer les actes d’achat qui s’initient sur Internet et qui se finalisent dans les points de vente physique.

RSA Revenu de Solidarité Active Allocation distribuée sous conditions pour assurer aux personnes sans ressources ou disposant de faibles ressources un niveau minimal de revenus, variable selon la composition du foyer.

SCR Solvency Capital Requirement (ou marge de solvabilité) Ratio défini dans le cadre de la réglementation Solvency 2, relatif au capital requis ou imposé aux sociétés d’assurances pour garantir leur solvabilité.

SMR Service Médical Rendu Outil de mesure de l’efficacité d’un médicament qui prend en compte à la fois la gravité d’une pathologie et les données propres au médicament lui-même.

MRH Multi Risques Habitation Contrat d’assurance obligatoire depuis la loi du 6 juillet 1989, dans lequel figure au moins la responsabilité civile locative.

FFSA Fédération Françaises des Sociétés d'Assurances Syndicat professionnel créé en 1937.

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CatherineHELAINEPartnerColombus Consulting

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138 avenue des Champs-Elysées - 75008 Paris

A PROPOS DE COLOMBUS CONSULTING

Partenaire des organisations impliquées dans des changements majeurs, Colombus Consulting a l’ambition de réconcilier les intérêts économiques et humains des projets de transformation.

Le cabinet, créé en 1999 et qui compte 150 consultants, est dirigé par Valérie Ader et ses huit Partners.

www.colombus-consulting.com

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