PROPRIOCEPTION PAR C. GUÉGAN ET K. NICOLAS

Comment lutter contre les risques d'accident en milieu scolaire ? Les auteurs, dans cet article, optent pour la prévention.

L'éducation a pour objectif le développement de la personne, la construction de la personnalité. l'insertion sociale et la transmis­sion de la culture. De plus. l'acci­dent a le plus souvent pour consé­quence une atteinte à l'intégrité corporelle avec une perturbation affective préjudiciable au devenir de l'individu. Par nature, l'acci­dent est donc antinomique avec les objectifs généraux fixés par le sys­tème éducatif Sa prévention est donc indispensable et doit impré­gner tout acte d'enseignement [1]. Nous constatons en nous référant aux faits que 40 % des accidents scolaires surviennent à l'occasion des cours d'EPS au collège [1]. Si l'on classe les APS en fonction du taux d'accidents, les sports collec­tifs sont en tête (en particulier le handball et le basket-ball). puis viennent la gymnastique (surtout les agrès», l'athlétisme (surtout les sauts), les sports de combat et la natation. Les facteurs de risque sont divers et liés aux contingences matérielles (elles ne seront pas traitées ici) et à l'inadéquation entre les compé­tences de l'élève et la tâche deman­dée. En effet si elle est trop simple la vigilance baisse, si elle est trop

complexe elle provoque l'angoisse et donc augmente le tonus muscu­laire. Ce constat alarmant nous a permis de nous inteiToger sur les solutions possibles à apporter pour éviter ce taux trop élevé d'accidents. La pro­prioception nous semble être une réponse possible comme moyen de prévention.

LA PROPRIOCEPTION

C'est un des supports essentiels de la coordination motrice et de la protection articulaire mis enjeu à partir d'informations locales [2]. La structure neuro-anatomique de ce système comprend : - des récepteurs articulaires aussi bien cutanés que capsulaires. liga­mentaires et surtout musculaires (fuseaux neuromusculaires) ; - des voies de transmission ner­veuses médullaires ; - des niveaux d'intégration. On en compte trois, médullaire (réflexe d'étirement neuro- synaptique). sous cortical (réflexe de longue latence) et cortical (activité volon­taire) [3]. Ce système analyse les messages périphériques quant à la direction, la force et la vitesse des mouve­

ments imprimés à une articulation lors d'une déstabilisation bru­tale [4], et transmet, en retour une réponse par une contraction des muscles qui protègent l'articu­lation |5 | . Depuis vingt ans de nombreuses techniques de réédu­cation proprioceptive post trauma-tique ont découlé de ces théories. L'idée actuelle est qu'une véritable éducation proprioceptive préven­tive peut en partie réduire le risque de blessures [6, 7, 8, 9] ; ainsi le nombre mais aussi le coût indivi­duel et collectif des entorses des chevilles et des genoux pourrait éventuellement diminuer. Les exercices de type proprioceptif permettent par des stimulations articulaires déstabilisantes répé­tées : - une prise de conscience des posi­tions articulaires extrêmes, - une optimisation des réflexes mis enjeu lors d'un traumatisme, - une augmentation de la force musculaire de protection de retour. Dans ce dernier cas, une connais­sance minimum de l'état ostéo-arthro-ligamentaire de l'élève est nécessaire et il est par exemple inconcevable de solliciter une che­ville souffrante sur un plateau instable, etc.

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LES EXERCICES

Généralité Ces exercices utilisent un matériel courant dans les salles omnisports (tapis, plateaux inclinés, plinths. espaliers, ballons, etc.) et peuvent être développés, au gré de l'ensei­gnant, mais doivent être effectués de manière régulière et répétitive après un échauffement général ou une séance de type lactique (baisse de vigilance). Les contraintes arthro-ligamentaires seront variées et alternées entre un travail : - principalement proprioceptif et statique (équilibre). - mais aussi dynamique avec développement de la force dans les différents régimes de contrac­

tion musculaire : isométrique, concentrique et surtout excentrique et pliométrique (1). Ces exercices, seul, à deux, en groupe peuvent évoluer de situations globales (équilibre, saut, parcours, etc.) vers des situations très spéci­fiques d'une APS (1 contre 1 au handball, etc.) avec adjonction de variables de plus en plus importante (balles, adversaires, etc.). Ils seront suivis d'étirements spécifiques des muscles péri-artieulaires sollicités [10].

Proprioception et finalités de l'EPS En référence aux textes officiels de 1985-86 et au texte de mars 1996. deux des concepts clés de l'EPS semblent trouver une réponse dans le travail de type proprioceptif : la santé et la sécurité. Au-delà de la diversité des apprentissages

vécus par l'élève au cours de sa scolarité, ce sont des types de relation à l'environnement qu'il construit et développe au sein des diffé­rentes situations éducatives proposées. Mais, qui n'a pas été confronté à un problème trau-matologique aigu lors de son enseignement ? L'EPS doit alors créer les conditions de la santé et contribuer à l'apprentissage de la sécurité. Une démarche préventive quant à la survenue d'accidents s'impose dès lors que l'on prend en compte ces deux concepts clés. En effet, les exercices de type proprioceptifs ne peuvent-ils pas contribuer à aider l'élève à construire des réponses motrices adaptées aux problèmes posés par son environnement et ainsi à construire les conditions de sa sécurité ?

UTILISATION DES EXERCICES La prise en compte du taux d'accidents survenus dans les cours d'EPS. ainsi que l'accès aux données concernant les exer­cices de type proprioceptifs. nous a permis de nous interroger et d'essayer de trouver une solution à ce problème : une éducation préventive proprioceptive. Mais comment la mettre en œuvre en EPS ? La diversité des exercices proprioceptifs ainsi que leur aspect ludique sont des atouts éducatifs attractifs non négligeables pour nos élèves. Le panel d'exercices pro­posé évite l'ennui et suscite l'enthou­siasme des élèves. Quand peut-on utiliser ce type d'exer­cices ?

A la fin de réchauffement général Ils le terminent alors agréablement et de façon originale. Exercice seul • En station verticale, face au mur, s'ap­puyer sur celui-ci avec un ballon, main droite ouverte. Maintenir l'équilibre en écartant de plus en plus les pieds du mur.

yeux ouverts puis fermés. C'est un travail proprioceptif du train supérieur. • Recommencer avec la main gauche, un partenaire peut donner des impulsions latérales déstabilisantes. C'est un travail proprioceptif auto-contrôlé sur la cheville (photo 1). Exercice à deux ou plus • Deux partenaires sont allongés au sol, sur le dos, genoux « verrouillés » fléchis, pieds en contact par l'intermédiaire d'un ballon. Donner des impulsions latérales contrôlées. C'est un travail proprioceptif et de renforcement musculaire global du train inférieur avec variable : le partenaire (photo 2). • Grimper sur les gradins à cloche-pied, à deux ou plus, en se faisant des passes. C'est un travail proprioceptif et de renforcement musculaire du train inférieur sur pied d'ap­pui, avec suppression du contrôle visuel. • Bras de fer par l'intermédiaire d'un bal­lon, main ouverte. C'est un travail proprio­ceptif et de renforcement musculaire des rotateurs de l'épaule (photo 3).

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Exercice sous forme de parcours • Progresser debout sur deux pieds (photo 4) ou à quatre pattes sur des tapis dont la taille, l'épaisseur et la dureté diffèrent. Des phases intermédiaires de slalom entre des plots peu­vent être ajoutées. C'est un travail propriocep­tif global du train inférieur (debout), et supé­rieur (à quatre pattes) avec des variables plus nombreuses.

Lors d'un échauffement spécifique Il permet une entrée immédiate dans l'APS. Exercices en sport de combat • Deux partenaires debout et face à face, sont en équilibre sur une jambe et se tirent par les genoux en donnant des impulsions latérales sans sortir d'une zone définie, les yeux

ouverts ou fermés. C'est un travail proprio­ceptif sur pied d'appui (photo 5). • Deux partenaires dos à dos se tirent par le pied (en l'air) en donnant des impulsions laté­rales et des contraintes en rotation. Travailler par séquences d'environ 40 secondes par che­ville. C'est un travail proprioceptif et de ren­forcement musculaire global du train inférieur (photo 6).

Exercices en handball • Deux partenaires se tiennent par une main, en dribblant de l'autre, et essaient de se désta­biliser sans perdre le ballon. C'est un travail proprioceptif du train inférieur, d'appui et du train supérieur par le bras qui dribble (disso­ciation segmentaire et suppression de l'antici­pation visuelle).

• Deux partenaires face à face ont un pied sur un ballon. Essayer de maintenir l'équilibre en se faisant des passes (varier le type de passes). C'est un travail proprioceptif de la cheville sur le ballon et du train supérieur par le bras qui fait la passe (photo 7). • Trois partenaires ou plus à cloche-pied, se font des passes, en sautillant latéralement (pied en dedans, puis en dehors) ; les séquences sont de 40 secondes par cheville. C'est un travail proprioceptif et de renforce­ment musculaire du train inférieur sur pied au sol et un travail proprioceptif du bras passeur.

CONCLUSION

À ravers la mise en place d'une éducation proprioceptive. nous nous inscrivons dans les finalités de l'EPS et nous concourons, d'une façon nouvelle à l'éducation, à la santé et à la sécurité. Cette expérience encore récente demandera à être légitimée par des statistiques réalisées à plus grande échelle que celle d'un seul col­lège, cela reste dans le domaine d'un travail à venir... Cependant, ce concept de prévention est pri­mordial. D'ores et déjà de nombreux clubs sportifs, dont certains de haut niveau, com­

mencent à s'y intéresser en l'intégrant dans leurs séances d'entraînement (handball, squash, etc.). L'éducation proprioceptive est-elle réservée à une élite sportive ou doit-elle être mise à la disposition d'un plus grand nombre ? Cela ne fait-il pas partie de notre rôle d'enseignant en EPS ?

Christophe Guégan Médecin du sport.

Hôpital de Douarnenez. Centre de médecine du sport de Brest (29).

Nicolas Karine Professeur d'EPS.

Collège Saint-Joseph (29), Landernau.

(1) La contraction pliométrique est une contraction excen­trique suivie d'une contraction concentrique dans un temps bref.

Bibliographie [1]Forestier (L). Non à l'accident corporel. CRDP. Rouen. 1991. [2] Abeillon (G). Traumatologie et rééducation en méde­cine du sport. Ed. Aniette Blackwell. Paris. 1992. [31 Godaux t E). Cheron (G). Le mouvement. Ed. Medsi/Mc Graur-Hill. 1989. [4] Simon (L). Rodineau (J). Conduite pratique de la rééducation proprioceptive. Cheville et médecine de réédu-cation. Ed. Musson. 1982.

. [51 Minchin (F). « Réflexion sur la place de la rééducation

proprioceptive dans le traitement des instabilités de che­villes ». Thèse de médecine. 1995. [6] Raybaud (A). Gonzalès-lturri (J.J.). Bertolino (N). Cas­tillo (C). Commandre (FA). Frémental (J). Proprioception et prévention en traumatologie du sport ou Le parcours proprioceptif : Ed. du Sport. Paris. 1987. [7j Guégan (C). « Prise en charge du risque traumatolo-gique lié à la pratique du handball ». Thèse de médecine. Faculté de médecine. Brest. 1997. 18] Guégan (C). « Exercices de type proprioceptif ». Revue Approche du handball n° 35, 36 et 37. 1996. |9] Fayolle (D). « L'éducation proprioceptive collective ». Revue Approche du handball : n° 18. 1993. [10] Favre (J.F) « Les étirements ». Revue Approche du handball. № 13. 1993.

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