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1 M C IVIL / S ENEGAL FISCALITE EQUITABLE ET ENJEUX DE GOUVERNANCE A KEDOUGOU : « SAGALLO » CRAFT (Capacity of Research and Advocacy for Fair Taxation) : Programme de Recherche et de Plaidoyer pour une Fiscalité Equitable Juin 2013

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M C I V I L / S E N E G A L

FISCALITE EQUITABLE ET ENJEUX DE GOUVERNANCE A

KEDOUGOU : « SAGALLO »

CRAFT (Capacity of Research and Advocacy for Fair Taxation) :

Programme de Recherche et de Plaidoyer pour une Fiscalité

Equitable

Juin 2013

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Table des matières

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS .................................................................................................... 3

Introduction ............................................................................................................................................. 4

I- Problématique : des Entreprises minières au Sénégal ............................................................ 4

II- La conjoncture sociale paradoxale : une ville pauvre et chère .............................................. 10

III- Méthodologie de la collecte de données .............................................................................. 11

IV- Du Champ fiscal à Kédougou ................................................................................................. 14

IV-1- Des niches fiscales locales : le tourisme et les mines ........................................................... 14

IV-2- Structuration de la fiscalité locale à Kédougou .................................................................... 19

IV-3- Perceptions de la fiscalité ..................................................................................................... 22

« Où vont nos impôts » ? De l’utilisation méconnue des revenus fiscaux ........................................ 24

V- Pratiques des acteurs et risques de corruption ..................................................................... 26

Des impôts non maitrisés… ........................................................................................................... 27

…A la flexibilité et aux négociations .................................................................................................. 27

V-1- « Sagallo » : une culture fiscale en désuétude ...................................................................... 30

V-2- Le Programme social minier .................................................................................................. 30

V-2- 1- Des exonérations très larges voire totales en matière fiscale ........................................... 32

V-2- 2- Kédougou : une zone à risques …fiscaux ........................................................................... 33

VI- Analyse des ressources de la communauté rurale de Missirah Sirimana. ............................. 36

Conclusion : l’équité fiscale en question ............................................................................................... 42

Bibliographie...................................................................................................................................... 44

ANNEXE 1 : Des richesses de la région de Kédougou .................................................................... 45

ANNEXE 2 : Méthodologie de la recherche ................................................................................ 48

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LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

ANSD Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie

AKAD Association Kédougou Action et Développement

ARD Agence Régionale de Développement

CDGM Cellule de Développement Géologique et Minier

CEM Collège d’Enseignement Moyen

COUD Centre des Œuvres Universitaires de Dakar

GADEC Groupe d’Action pour le Développement Communautaire

GIE Groupement d’Intérêt Economique

GPF Groupement de Promotion Féminine

MDL Mineral Deposits Limited

ONG Organisation Non Gouvernementale

PNDC Politique Nationale de Développement Culturel

PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement

UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la Science et la Culture

SARL Société A Responsabilité Limitée

SCA Stratégie de Croissance Accélérée

SGO Sabadola Gold Operations

SRDS Service Régional de la Démographie et de la Statistique

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Introduction Dans le cadre du projet CRAFT (Capacity of Research and Advocacy for Fair Taxation), le

Forum Civil a choisi de procéder à une étude-diagnostic du cadre institutionnel national et à

une étude de cas sur la fiscalité équitable au Sénégal. Dans cette perspective, une analyse

socio-économique des enjeux locaux autour de la fiscalité a été menée dans la région de

Kédougou. En effet, cette région est connue pour vivre un paradoxe relatif à l’importante

richesse en ressources minières dont elle dispose et la relative précarité que connaissent ses

populations en termes d’accès aux services sociaux de base, à l’emploi et aux infrastructures

collectives de qualité.

L’hypothèse de départ qui sous-tend cette recherche est que l’équité fiscale dans la région se

heurte à des facteurs combinés liés à une gouvernance défaillante ayant pour noms : faiblesse

institutionnelle des services étatiques, corruption systémique dans certains secteurs

d’activités, prégnance de l’informel, pauvreté structurelle etc. Ainsi, la perception sociale de

l’impôt et son impact tel que vécu par les différents acteurs, le niveau de redevabilité qui

caractérise le mode de gouvernance fiscale, les jeux d’acteurs autour du champ de la fiscalité,

tels sont autant de thématiques abordées par cette étude qui repose sur une approche

méthodologique qui sera explicitée dans les lignes qui vont suivre et qui, en définitive, se veut

une contribution à la réflexion sur les effets de l’iniquité fiscale sur le développement durable.

I- Problématique : des Entreprises minières au Sénégal

Le Sénégal, conscient des enjeux désormais liés à l’exploitation des matières premières et des

ressources naturelles à travers le monde, a entrepris de nombreuses réformes législatives et

réglementaires qui ont abouti à la révision d’anciens textes ou à l’adoption de nouveaux

cadres (Code de l’environnement en 2001, Code minier en 2003, Code de l’eau en 2008,

révision du Code des investissements et du Code général des Impôts, loi d’orientation agro-

sylvo-pastorale en 2004, etc.). La protection des ressources minières nationales et le profit

maximum des bénéfices tirés de leurs exploitations constituent, de plus en plus, des

préoccupations majeures pour nos états. C’est ainsi que le Code minier de 2003 a prévu des

dispositions qui se voudraient avantageuses pour l’Etat et pour les populations des zones

abritant les ressources minières, en termes de fiscalité, de participation de l’Etat et du secteur

privé national au capital des sociétés d’exploitation, de redistribution des retombées à travers

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un programme social minier, de réhabilitation des sites miniers et même de péréquation et

d’appui aux collectivités locales.

Tous ces mécanismes entrent aujourd’hui en phase expérimentale au moment où le Sénégal

s’apprête à entrer dans une nouvelle ère minière et industrielle avec la mise en valeur pour la

première fois d’importants gisements de fer, d’or, de zircon, de phosphate, etc.

Avec ses grandes potentialités minières qui seront présentées dans ce document, la nouvelle

région de Kédougou au Sénégal oriental, espérait pouvoir sortir de la pauvreté, de

l’enclavement et du sous-développement grâce à ses ressources. La question qui se pose

aujourd’hui, est, comment amener les sociétés minières à participer, au-delà de la

responsabilité sociale et environnementale des entreprises et le paiement de leurs impôts à

faire bénéficier les populations locales de l’exploitation des ressources.

Le système fiscal sénégalais, qui d’ailleurs est dans un processus de réforme pour plus

d’efficience et d’efficacité, se caractérisait jusque-là par un régime essentiellement

dérogatoire et une pluralité de lois participant à alourdir le poids de la charge fiscale sur les

contribuables. Cependant cela est souvent source de contentieux ou de conflits.

En effet, beaucoup d’acteurs et d’institutions interviennent dans la décision fiscale à tous les

niveaux. Des risques de pertes fiscales énormes existent ainsi et ils sont liés, pour une grande

part à une inefficience du système de recouvrement fiscal. De plus, il y a une faible

contribution d’une grande majorité de la population à l’effort fiscal. En effet, au niveau

national, à peine 10% des citoyens actifs s’acquitteraient de leurs impôts convenablement et

cela indique un manque de civisme fiscal qui aggraverait la situation économique nationale

marquée par une rareté des ressources et des niches de recettes fiscales.

Concernant la contribution du secteur minier à l’économie nationale, une étude menée sur

l’impact des sociétés minières dans l’économie sénégalaise par des services de l’Etat, a révélé

que le Sénégal a perdu 401 milliards en termes de recettes douanières et fiscales en sept ans.

Entre 1997 et 2011, les redevances versées à l’Etat n’ont atteint que 9 milliards de francs

CFA.

Pour les dividendes, grâce à des clauses incluses dans la plupart des conventions minières,

l’Etat est actionnaire minoritaire de la plupart d’entreprises d’exploitation minières ; pourtant

il n’a jamais perçu en termes de dividendes, qu’un milliard de francs Cfa. Ce montant n’a été

versé qu’une seule fois, dans toute l’histoire de l’exploitation minière dans ce pays. Les

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entreprises minières ne paient pas d'impôt. En effet, l'étendue de leurs exonérations ne permet

aucune perception surtout pas en fiscalité locale où tout leur est exonéré (la contribution des

patentes et la contribution foncière sur les propriétés bâties). L’Etat du Sénégal s’est quelque

peu rattrapé sur l’impôt sur les sociétés, avec 322 milliards FCFA récoltés en 2012, sur toutes

les compagnies minières recensées dans le pays (Ly, 2012).

S’agissant des moins-values des recettes, il faut noter que plus de la moitié de ce montant, à

savoir 216 milliards FCFA, l’ont été du fait des cimenteries existant actuellement dans ce

pays.

Ainsi que le montre le rapport de l’Agence Nationale de Statistique et de Démographie

(ANSD), à partir des années 2000, l’environnement minier international a été marqué par de

profondes mutations dues en grande partie à la remontée du prix de l’or avec pour

conséquences, entre autres, une compétition de plus en plus marquée entre les pays

émergents. C’est dans ce contexte que l’Etat du Sénégal, dans sa volonté de rendre plus

attractif son secteur minier, a adopté un nouveau Code minier (loi n°2003-36 du 24 novembre

2003 ainsi que le décret n° 2004-647 du 17 mai 2004 fixant les modalités d’application de

ladite loi). C’est dans cette même dynamique, et surtout pour la particularité de la zone

minière, qu’a été réactivée la Cellule de Développement Géologique et Minier (CDGM) de

Kédougou avec pour vocation la promotion et le suivi des activités minières dans ladite

région.

La vocation minière de la région justifie l’intérêt de cette étude de cas qui veut, dans une

analyse du rapport entre fiscalité et développement local, apporter un éclairage sur l’impact

social et économique de la fiscalité. En effet, l’Etat, dans le but d’attirer les investisseurs pour

une mise en valeur des ressources, accorde des dépenses fiscales aux entreprises minières. Ces

dernières aussi, pour atténuer l’impact physique et humain de leurs activités proposent

souvent une stratégie de responsabilité sociale et de mécénat, en plus de leurs obligations

contractuelles quant à la mise en œuvre des mécanismes de péréquation.

Une analyse socio-anthropologique basée sur des travaux de terrain permettra de contribuer à

mesurer la réalité de la fiscalité équitable dans le contexte de la région de Kédougou.

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Présentation de la région de Kédougou

Tableau :

Région Départements Communes Arrondissement Communautés rurales

KEDOUGOU

Kédougou

Kédougou

Bandafassi

Bandafassi

Tomboronkoto

Dindéfélo

Ninefecha

Fongolimbi Fongolimbi

Dimboli

Saraya

Saraya

Bembou Medina Baffé

Bembou

Sabodala

Sabodala

Khossanto

Missirah Sirimana

Salémata

Salémata

Dar Salam

Ethiolo

Oubadji

Dar Salam

Dakatély Dakatély

Kévoye (exThiankoye)

Créée par la loi n° 2008-14 du 18 mars 2008 modifiant la loi n° 72-02 du 1er février 1972

relative à l’organisation de l’Administration territoriale, la nouvelle région de Kédougou

compte 3 départements (Kédougou, Saraya et Salémata) ; 3 communes, 6 arrondissements et

16 communautés rurales, selon le découpage territorial fixé par les décrets n° 2008-747, 748

et 749 du 10 juillet 2008 portant respectivement création de départements et arrondissements,

communes et communautés rurales, et le décret n° 2008-1025 du 10 septembre 2008 fixant le

ressort territorial et le chef-lieu des régions, départements et arrondissements.

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Figure 1 : Carte de la région

La région de Kédougou est située à l’extrême sud-est du Sénégal. Elle est limitée au Nord par

la région de Tambacounda, au sud par la République de Guinée, à l’Est par la République de

Mali et à l’Ouest par les régions de Tambacounda et Kolda. Elle couvre une superficie de

16.896 km² (représentant 8,6% du territoire national) et abrite une population de 125 7651

habitants, soit une densité moyenne de 7 hbts/km², très faible par rapport à la densité nationale

61,9 habitants au km² et inégalement répartie entre les sexes, les classes d’âge, les ethnies et

les religions.

Kédougou est l’une des régions les plus pluvieuses du Sénégal. Sur le plan hydrologique, elle

est bien arrosée par de nombreux marigots et mares généralement saisonniers et par deux

grands cours d’eau. Ces bassins fluviaux, sous exploités jusqu’ici, représentent un important

potentiel pour le développement des cultures irriguées, la riziculture notamment.

La région possède d’importantes ressources minières dont certaines sont en cours

d’exploitation. Les travaux de prospection minière et de cartographie géologique effectués ont

permis de mettre en évidence les différents indices de minerais métalliques et non métalliques

suivants : Nickel, Platine, Chrome, Argent, Etain, Diamant, Cuivre, Uranium, Manganèse,

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Phosphates, Wolfram, Colombite, Tantale, Molybdénite, Argiles Industrielles, Barytine,

Pierres Ornementales et Matériaux de Construction.

• Les Potentialités minières de Kédougou

La majeure partie du territoire sénégalais appartient au grand bassin sédimentaire sénégalo-

mauritanien où se sont entassés les dépôts du Secondaire et du Tertiaire. C’est en particulier

dans les quartzs du Birrimien, réputées en Afrique de l’Ouest pour la richesse des gisements

qu’ils renferment, que se trouvent les gisements d’or filonien. La continuité des formations

géologiques le long de la boutonnière Kédougou-Kéniéba (Mali), et jusqu’au gisement de

Sadiola (Mali) est prometteuse. L’or est également présent en grandes quantités sous forme de

gisements alluvionnaires, sur les terrasses de la Falémé, de la Gambie et de leurs affluents, ou

éluvionnaires, il s’agit alors de formes détritiques (pépites) qui n’ont pas subi de déplacement

et se trouvent à proximité immédiate des sources aurifères.

Les premiers travaux systématiques de prospection minière au Sénégal Oriental datent du

début des années 60. En ce qui concerne les gisements aurifères de Sabodala, la découverte

des premiers indices remonte aux travaux menés par le Programme des Nations Unies pour le

Développement (PNUD) en 1963-1964. Les principaux gisements reconnus dans la région

concernent donc l’Or, mais aussi le Fer et les Marbres et autres Pierres ornementales.

Concernant l’Or, le socle est marqué par deux structures géologiques majeures auxquelles

sont associées notamment les minéralisations aurifères : la Faille SénégaloMalienne et la

‘Main Transcurrent Zone’ (MTZ). Ces structures abritent les principaux gisements et indices

importants qui ont été confirmés ou découverts durant ces dernières années notamment dans

les zones de Niamia, Boto Daorala, Bambadji, Kounemba, Kéniéba et de Sabodala.

D’intenses activités d’exploration continuent à s’y dérouler depuis plusieurs années.

Les énormes potentialités naturelles que recèle la région de Kédougou ont un impact

significatif sur les activités socio-économiques des populations. L’une des principales

activités demeure l’orpaillage traditionnel à laquelle s’adonne une grande partie de la

population active. Néanmoins, d’autres activités économiques telles que l’agriculture,

l’élevage, la pêche, l’artisanat, le commerce restent présentes dans la région.

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II- La conjoncture sociale paradoxale : une ville pauvre et chère

Kédougou fait partie des régions les plus pauvres du Sénégal et, paradoxalement, la vie est y

relativement chère comparativement aux autres régions. En effet, le loyer peut y atteindre des

pics de 300 mille CFA pour un standing moyen qui aurait couté la moitié à Dakar avec une

qualité de service nettement moindre. On constate que l’implantation de sociétés minières et

la « ruée vers l’or » ont grandement contribué à une spéculation croissante autour de

l’immobilier du fait des enjeux financiers importants autour des nombreuses ressources

extractives de la région. En effet, l’accès au logement et à la propriété foncière connait une

complexité croissante du fait de l’explosion démographique accélérée par l’arrivée massive de

migrants attirés par les potentialités de la zone. La région se caractérise ainsi par d’importants

flux migratoires en provenance des régions de l’intérieur et aussi des pays limitrophes.

De même, les denrées de première nécessité, à l’exception des produits homologués comme le

riz et l’huile, sont à des prix parfois prohibitifs. C’est le cas de la viande de volaille qui

dépasse par endroits les six mille CFA la pièce, c’est le cas aussi de la tomate fraiche, du

poisson et de beaucoup d’autres condiments qui pour l’essentiel proviennent d’autres contrées

et sont donc surtaxés du fait de frais de transport élevés. Beaucoup de salariés en affectation

dans la région de Kédougou confirment que, pour une famille moyenne, il faut une dépense

quotidienne de 3 500 francs pour se restaurer de façon convenable. La plupart des denrées les

plus prisées par les ménages proviennent des autres régions d’où leur cherté. Il faut noter,

pour expliquer cette situation, que la tendance de la production céréalière locale est à la

baisse. Cette situation se traduit par un déficit vivrier récurent. Le taux de couverture moyen

des besoins céréaliers durant l’année 2011/2012 est de 31%, soit 4 mois d’autonomie pour la

population. Le département de Saraya est le plus touché avec seulement 2 mois d’autonomie1.

Il n’existe pas encore de données factuelles sur le cout de la vie de façon précise mais l’accès

à l’immobilier et l’inflation observée sur les prix de denrées de consommation courante sont

des indicateurs pertinents de ce paradoxe social qui connait des pics sur les sites d’orpaillage2.

En même temps, la rareté des routes bitumées, la défectuosité des pistes, l’insuffisance des

équipements et personnels sanitaires, la multiplicité des maladies, la quasi inexistence des

structures de formation professionnelle et une forte déperdition scolaire sont les

1 ANSD, 2012 2 Les coqs, hors évènement, coutent six à sept mille francs à Kédougou mais sur des sites comme Sambrabougou, ils

peuvent aller jusqu’à douze mille francs ! (Sources : enquête 2012)

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caractéristiques qui font de Kédougou une des régions où l’indice de pauvreté est des plus

élevés. Dans cette région, l’indice de pauvreté est de 71% ; seuls 61% de la population ont

accès aux services sociaux de base (eau potable, électricité, pas de dispensaires). Sur les 16

communautés rurales que compte la région, les 7 sont dans une situation de pauvreté totale

selon ANSD d’autant qu’elles n’ont accès ni à l’eau, ni à l’électricité, ni à l’énergie encore

moins à l’éducation et à la santé. De ce point de vue, la région de Kédougou reste alors

l’avant dernière devant celle de Kolda dont l’indice de pauvreté est égal à 76,6%.

Par ailleurs, le taux de malnutrition chronique des enfants de moins de 5 ans a diminué de

moitié, en passant de 30%, en 2000, à 16%, en 2011. Par contre, en 2011, près d’un enfant sur

six (18%), contre 17%, en 2005, souffrent d'insuffisance pondérale et 5% d'insuffisance

pondérale sévère contre 3 %, en 2005. En milieu rural, 21 % des enfants sont atteints de cette

forme de malnutrition contre 12 %, en milieu urbain. La prévalence de l’insuffisance

pondérale est élevée dans les régions de Sédhiou (27 %), Kolda (26 %), Saint-Louis (25 %),

Matam (25 %), Kaffrine (24 %), Louga (23 %), Tambacounda (22 %) et Kédougou (21 %) où

plus d’un enfant sur cinq sont atteints par ce phénomène. Dakar est la région où la prévalence

de l'insuffisance pondérale est la plus faible (9 %). En 2011, les régions de Kolda (76,6%),

Kédougou (71,3%), Sédhiou (68,3%), Fatick (67,8%) et Ziguinchor (66,8%) ont présenté les

niveaux de pauvreté les plus élevés. Par ailleurs, l’incidence de la pauvreté monétaire est de

34,7% chez les personnes vivant dans des ménages dirigés par des femmes contre 50,6% chez

les personnes vivant dans les foyers dirigés par des hommes (MEF, 2012).

III- Méthodologie de la collecte de données

Le recueil de données s’est fait par une Enquête Collective Rapide d’Identification des

groupes Stratégiques (ECRIS) dans la région de Kédougou du 6 au 13 décembre 2012.

L’équipe de recherche était composée de deux superviseurs, quatre enquêteurs dont un agent

du service statistique et un employé du service régional des mines. Ils ont été sélectionnés

pour sur la base de leur niveau d’instruction mais surtout de leur maitrise du sujet et du

terrain. A ceux là s’est le coordonnateur du projet CRAFT.

Le premier jour a été consacré à une formation des enquêteurs sur le guide d’entretien conçu à

cet effet. La formation s’est déroulée en deux phases principales : une présentation du projet

CRAFT qui a insisté sur l’intérêt et les raisons du choix de Kédougou comme lieu d’étude sur

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la fiscalité au Sénégal. Puis, la présentation des outils de collecte a été faite d’abord en

décrivant la méthode ECRIS en général comme mode d’appréhension de la problématique de

la fiscalité en termes de jeux d’acteurs, de sources de conflits et enjeux de pouvoir. Ensuite, il

s’est agi d’éplucher le guide en expliquant les thèmes choisis et en insistant sur le caractère

flexible de l’ordre et le choix des thèmes lors des entretiens.

Le dernier point de la formation a porté sur l’échantillonnage, qui comme tout échantillon

qualitatif fonctionne sur un principe de saturation. Ce qui a été retenu pour la première

journée d’expérimentation des guides d’entretien était de miser sur sept entretiens par

binômes, bien que ce chiffre ait souvent été dépassé par les enquêteurs.

A la suite de la formation, les enquêteurs ont globalement adhéré à l’approche de l’enquête et

d’ailleurs, au moins deux d’entre eux ont déclaré avoir déjà participé à une étude de type

qualitatif comme celle-ci.

Le vendredi 7 décembre, deuxième jour de mission, fut le commencement de l’enquête de

terrain proprement dite. Sur les conseils de nos personnes de contact sur place, il a été retenu

de débuter par une visite aux autorités administratives. Le gouverneur étant absent ce jour,

c’est le préfet qui a accepté de recevoir la délégation, nous avons pu malgré son agenda, saisir

l’acuité et la pertinence de notre problématique. Cette prise de contact a été l’occasion de

recueillir des informations importantes pour la recherche sur la fiscalité au plan local entre

demandes sociales et la faiblesse des services étatiques.

Par ailleurs, le coordonnateur local du Forum Civil nous a facilité des rencontres auprès de

notables dans les principaux quartiers de la ville comme Gada, Dinguessou, Gomba, Togoron

ainsi que des responsables municipaux et des gérants d’établissement commercial.

Les séances quotidiennes de restitution et de débriefing ont permis à l’équipe de recadrer la

stratégie de collecte et de mieux cerner les problèmes à approfondir dont certains n’étaient

même pas envisagés dans nos hypothèses de départ.3

Jusqu’au lundi 10 décembre, l’enquête, dans le département de Kédougou, s’est déroulée

entre entretiens auprès des ménages et visites des services étatiques régionaux (Commerce,

Eaux-et-Forets, Education nationale, Mines et géologies, Hydraulique) ainsi que certaines

3 C’est le cas de la question du genre ou plus précisément de l’entrepreneuriat féminin mais aussi des retraités et personnes du troisième âge. De même l’intérêt porté à certains secteurs d’activités tels que la menuiserie ont aussi permis d’interroger et d’approfondir la question de l’exploitation du bois par exemple.

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ONG installées dans la zone comme LA LUMIERE, AKAD, GADEC, et aussi l’ARD de

Kédougou.

L’autre département qui fut visité par l’équipe est celui de Saraya le Mardi 11 décembre

notamment au niveau du site de Sambrabougou situé à près de 100 km de la ville. Dans le

même temps, un groupe d’enquêteurs s’est organisé pour investir d’autres sites d’orpaillage

tels que Tomboronkoto et ses environs : Ngaary, Tenkoto.

Il faut noter que, parmi les personnes enquêtées, certains étaient des entrepreneurs miniers

structurés en GIE ou en SARL d’autres des femmes regroupées en GPF, ce qui nous a permis

de combler en partie le biais relatif causé par le manque d’ouverture et de collaboration des

compagnies minières actives dans la zone. Globalement, il y avait une bonne collaboration

des acteurs locaux : autorités publiques, services de l’Etat, population, organisation de la

société civile, chefs de village et de quartiers, orpailleurs, principalement parce que le désir

d’une gouvernance participative s’appuyant sur une société civile crédible est manifeste chez

certaines autorités locales soucieuses de consolider la paix sociale. La principale difficulté

était l’impossibilité d’accéder aux industries extractives comme à Sabodala où la compagnie

Sabadola Gold Operations (SGO) qui y tient la seule exploitation aurifère industrielle est

réputée réfractaire à toute investigation.

Techniques de collecte

Dans le cadre de cette enquête, la méthode et les outils de l’ECRIS (Cf. Annexe) ont été les

principaux instruments d’investigation qui ont été utilisés. ECRIS est un canevas destiné à des

recherches collectives et individuelles à part entière et non un sous-produit simplifié destiné à

des enquêtes sommaires. Ce canevas n’est pas un dogme, et se veut d'ailleurs

fondamentalement évolutif.

Pour l’échantillon, en moyenne, 15 entretiens par jour ont été organisés par les binômes

d’enquêteurs, en plus des entretiens réalisés quotidiennement par l’équipe de supervision

auprès de personnes ressources, ce qui donne une population statistique de cent (100)

individus, largement représentative pour une étude qualitative.

Les différents outils utilisés lors de cette enquête collective ont été : la coupe transversale,

l’observation, les entretiens semi directifs, le guide d’entretien, l’analyse de contenu

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IV- DU CHAMP FISCAL A KEDOUGOU

IV-1- Des niches fiscales locales : le tourisme et les mines

En se basant sur les données de l’ANSD (2012) et des informations émanant des services étatiques qui

couvrent la zone, des niches de recettes fiscales qui pourraient rapporter plus de revenus à l’Etat ont

été repérées. A titre illustratif, on peut citer les redevances domaniales, les ressources minières, le

secteur touristique et culturel.

Mines

La région de Kédougou se caractérise par ses énormes potentialités minières. Durant l’année

2011, les exportations en or industriel ont atteint 116 milliards 802 millions de FCFA pour

une quantité de 8 tonnes. En effet, les cours de l’or ont progressé de 29% en se hissant à

1422,35 dollars l’once. Les réserves aurifères sont estimées à plus de 300 tonnes pour le

moment. L’or occupe la 4ème position dans la valeur totale des exportations du Sénégal en

2011, soit 10,3%. Près de vingt (20) projets de recherche d’or sont exécutés dans la région.

Outre l’exploitation industrielle, il existe l’orpaillage, c’est-à-dire l’exploitation de l’or de

façon artisanale. Les sites d’exploitation appelés « dioura » constituent un véritable fait de

société. D’après les estimations du Service Régional de la Statistique et de Démographie

(SRSD) de Kédougou, plus de 15000 personnes4 s’activent dans l’orpaillage. Au cours de

l’année 2010, quinze (15) permis d’exploitation ont été octroyés.

D’autres réserves de minerais sont trouvées dans la zone et sont estimées comme suit : 800

millions de tonnes de minerais de fer de bonne qualité, 700.000 tonnes prouvées de marbre et

1.067.148 tonnes estimées à Ibel, Ndébu et Bandafassi.

Evidemment ce boom du secteur minier dans la région de Kédougou nécessitait la mise en

place de mesures d’accompagnement de contrôle et de suivi pour le développement

harmonieux dudit secteur.

D’autres recherches se poursuivent sur le phosphate, le cuivre etc. S’agissant de l’Uranium,

le granité de Saraya offre un intérêt métallo génique certain pour la poursuite des recherches.

4 Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie : « Situation économique et sociale de la région de Kédougou en 2010 » ; www.ansd.sn

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Le tableau qui suit nous présente les potentialités et les contraintes du secteur.

Tableau : Résultat diagnostic secteur mines

Potentialités Contraintes Solutions envisagées

Réserves minières

importantes et

diversifiées : or,

marbre, fer, uranium

La non n’implication des

populations dans la mise en

œuvre du fonds social

minier

Formaliser

systématiquement

l’orpaillage

Création au niveau

régional d’un comité

chargé du suivi de la

mise en œuvre du

Fonds Social Minier

Manque d’organisation du

secteur de l’orpaillage

Refondre le code minier

et réviser les conventions

minières

La prolifération du VIH

sida dans la zone minière.

contrôle renforcé sur la

frontière.

Insécurité grandissante

dans les zones d’orpaillage

Redynamiser, promouvoir

l’exploration minière

Lenteur dans la mise en

valeur des potentialités

minières

Construire un centre

minier de formation

professionnelle à Saraya

Salaires relativement

faibles dans les sociétés

minières entrainant une

orientation des populations

vers l’orpaillage

Création des comptoirs

d’achat pour la vente d’or

Conditions de travail

relativement difficiles dans

les sociétés minières

Stopper l’activité

d’orpaillage illégale semi

industrialisée, utilisant les

produits chimiques

dangereux et parfois des

explosifs, de manière

générale et surtout se

pratiquant sur les permis

miniers légalement acquis

par les sociétés minières

Les retombées de

l’orpaillage bénéficient plus

aux non autochtones et non

sénégalais d’une manière

générale

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Potentialités Contraintes Solutions envisagées

Impact très négatif de

l’orpaillage sur le

développement de

l’agriculture

Source : ANSD 2012

Tourisme et culture Le tourisme est devenu aujourd’hui parmi l’un des secteurs les plus porteurs au Sénégal. A

Kédougou, le potentiel touristique est énorme, mais son exploitation est très faible. Le

développement du secteur touristique requiert des investissements lourds tels que la

réalisation d’infrastructures publiques structurantes pour un accès aux sites touristiques, le

renforcement du réseau routier etc.

La région présente un potentiel touristique riche et varié qui est constitué par :

Une réserve de faune et de flore unique au Sénégal

L’existence du Parc National de Niokolo Koba (PNNK) : 913 ha

Une diversité ethnique qui valorise la culture : Bassari, Malinké, Peul, Dialonké,

Bédick, Bambara, Diakhanké ;

Le Pays Bassari est érigé Patrimoine Mondial de l’UNESCO ;

La chasse sportive pratiquée dans des zones amodiées attribuées aux hôtels et campements, le

tourisme de découverte, (ex : la Cascade de Dindéfélo), le tourisme culturel (les

manifestations culturelles en pays Bédicks Iwol, Ethiowar, Dandé et en pays Bassari Ethiolo,

Eganga, Koté) sont autant des éléments sûrs sur lesquels, Kédougou peut s’appuyer pour être

attractif.

La région compte des lieux d’hébergement parmi lesquels on peut citer : 7 campements, 2

hôtels et 2 résidences dans la Commune de Kédougou. L’arrondissement de Bandafassi

compte un hôtel et 10 campements. Salémata en a 5 et Saraya 2.

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Le tableau ci-dessous renseigne sur les potentialités et contraintes du secteur.

Tableau : Résultat diagnostic secteur tourisme et culture

Potentialités Contraintes Solutions envisagées • Présence

d’ethnies minoritaires

• Présence du Parc National de NiokoloKoba,

• Présence des cascades de Dindéfelo et de Ségou

• Erection du pays bassari en patrimoine mondial de l’humanité

• Existence de zone frontalière

• Présence d’un aérodrome

• Existence d’une trentaine de réceptifs touristiques de gamme variée

• Existence de zones amodiées

• Accès difficile aux sites touristiques

• Non-respect de l’agenda culturel régional

• Prolifération des structures informelles

• Manque d’un siège du Syndicat d’Initiatives et du Tourisme

• Non identification des sites remarquables et potentiels

• Inscription du PNNK sur la liste des sites en péril

• Manque de brochure spécifique à la région pour sa promotion

• Manque de formation et d’organisation des acteurs touristiques

• Ouvrir des pistes d‘accès aux sites d’intérêts touristiques ;

• Disposer d’un agenda culturel régional,

• Agrandir la piste d’atterrissage,

• Vulgariser le plan de gestion du pays Bassari érigé en patrimoine mondial

• Trouver un budget de formation du personnel des réceptifs touristiques avec le Fondef

• Contraindre les réceptifs aux respects des textes qui régissent la profession par l’application des sanctions à cet effet,

• Construire un siège du syndicat d’initiatives et de tourisme

• Identification des

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sites potentiels et remarquables

• Revalorisation du PNNK

• Réalisation de brochure spécifique

Sources : ANSD 2012

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IV-2- Structuration de la fiscalité locale à Kédougou

La région de Kédougou est très vaste et regorge de potentialités inexploitées et le service des

impôts de Tambacounda peine à couvrir efficacement toute la zone. Néanmoins, il a pu

réaliser pour l’an passé un résultat de 2,6 Milliards de recettes globales et se fixe un objectif

de 3,6 Milliards pour le prochain exercice en regard des niches fiscales non encore exploitées.

Rappelons que la part des impôts locaux est peu importante dans les ressources fiscales dont

dispose la région de Kédougou. En effet, ces dernières proviennent des impôts locaux, des

centimes additionnels, des taxes et des avances de l’Etat. Les impôts locaux renvoient à :

- l’impôt du minimum fiscal, perçu au profit des collectivités locales et dû par toute personne

résidant au Sénégal âgée d’au moins quatorze ans relevant de l’une ou l’autre des catégories

fixées par l’article 230 du Code Général des Impôts

- la taxe représentative de l’impôt du minimum fiscal ;

- la contribution des patentes et la taxe complémentaire y afférente;

- la contribution foncière sur les propriétés bâties ;

- la contribution foncière sur les propriétés non bâties;

- la surtaxe foncière sur les propriétés insuffisamment bâties;

- la contribution des licences

- la contribution des recettes forestières et

- la contribution globale unique mobilisée à l’occasion des missions conjointes des services

des impôts et des collectivités locales. En 2013, la contribution globale foncière a permis

d’élargir la participation sur le foncier bâti selon le service régional des impôts.

• les centimes additionnels

Le conseil municipal peut appliquer sur l’impôt du minimum fiscal et sur la taxe

représentative de l’impôt du minimum fiscal, sur la contribution des patentes et sur le droit de

licences des prélèvements complémentaires dits : «centimes additionnels» dont le nombre doit

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être déterminé, chaque année, par délibération. Ils sont perçus sur les mêmes rôles que ceux

de la contribution à laquelle ils s’appliquent.

L’absence de toute nouvelle proposition vaut reconduction du maximum fixé l’année

précédente.

• Les taxes

Les communes sont habilitées à créer, par délibération du conseil municipal un certain

nombre de taxes directes et indirectes dont les modalités d’assiette et de perception ainsi que

les taux maxima sont déterminés par la loi. Comme taxes directes, on peut citer, entre autres,

la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la taxe de balayage, la taxe de déversement à

l’égout, etc..

Parmi les taxes indirectes, il y a la taxe sur l’électricité consommée, la taxe sur l’eau, la taxe

sur les établissements de nuit etc.

• Les avances consenties par l’Etat

Pour assurer la trésorerie des communes, l’Etat leur consent au début de chacun des deux

premiers trimestres de l’année financière, une avance égale à 25% des recouvrements

effectués au cours de la dernière gestion connue au titre des impôts locaux précités.

• Les ressources tirées de l’exploitation du domaine communal comprenant :

Les ressources provenant du domaine public et les ressources provenant du domaine

privé.

L’utilisation privative du domaine public communal habilite la commune à percevoir une

redevance à l’encontre du bénéficiaire. Le taux de cette redevance est fixé par délibération du

conseil municipal.

Les ressources tirées de l’exploitation du domaine public concernent :

- le permis de stationnement ou de dépôt temporaire;

- le permis de voirie ;

- les droits de place ;

- les droits de fourrière municipale ;

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- les concessions du domaine public ;

- les redevances liées à l’utilisation d’un service municipal.

Les ressources provenant du domaine privé

La commune dispose d’un domaine privé à l’égard duquel elle peut engager tous les actes

qu’un propriétaire peut faire sur sa propriété. Les ressources tirées de la gestion du domaine

privé proviennent, pour l’essentiel, de la location de biens communaux ou de la vente de biens

meubles ou immeubles appartenant à la commune.

• Les ristournes accordées par l’Etat

Les ristournes que l’Etat accorde aux communes comprennent :

- la part qui leur revient sur le produit de la taxe sur les véhicules (50%) ;

- la quote-part qui leur revient sur le produit de la taxe sur la plus value immobilière perçue

par l’Etat (50%).

En novembre 2009, le Fonds de Péréquation et d’Appui aux Collectivités Locales (FPACL) a

été créé par décret n°2009-1334. Ce fonds alimenté à partir des ressources annuelles tirées des

opérations minières devait être réparti aux collectivités locales. La quote-part à verser au

Fonds de Péréquation et d’Appui aux Collectivités Locales est égale à 20% des recettes

minières. En 2009, le montant de cette quote- part était établi à 571.826.440 frs CFA

(Ministère des Mines et de la Géologie, 2009). Ces fonds sont strictement destinés à

l’équipement des collectivités locales comprennent :

- Une dotation de péréquation aux collectivités locales constituée d’un montant égal à

40% du FPACL

- Et une dotation d’appui à l’équipement des Collectivités Locales des régions et

circonscriptions administratives abritant les opérations minières, constituée d’un

montant égal à 60% du FPACL dont les modalités de répartition sont 20% aux

collectivités locales abritant le (s) site (s) des opérations minières proportionnellement

à leurs contributions et au prorota de la taille de la population et 80% aux autres

collectivités locales de la région abritant les opérations minières.

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Cependant malgré l’existence de ce décret ainsi que la signature d’un arrêté interministériel –

par les ministres de l’économie et des finances, des mines et de l’industrie et de la

décentralisation et des collectivités locales- portant répartition de la dotation d’appui du

FPACL depuis 2009 les collectivités locales n’ont rien reçu du fait de certaines aberrations

auxquelles conduirait cette répartition. A titre d’exemple, en 2009, la région de Kédougou

devait recevoir du FPACL 2.118.136.559 frs CFA dont 2.109.186.559 frs CFA irait à la

communauté rurale de Sabadola contre 2.500.000 frs CFA à celle de Missirah Sirimane. La

région de Louga recevrait 55.000frs CFA dont la répartition permettrait aux communautés

rurales des sommes variant entre 6.600frs et… 31frs CFA !

IV-3- Perceptions de la fiscalité En prenant en compte le critère de la territorialité, la fiscalité peut être divisée entre recettes

locales et impôt national ou recette d’Etat. Mais l’on peut aussi considérer l’impôt selon qu’il

concerne les personnes physiques ou morales. A Kédougou, les personnes enquêtées, même

quand elles reconnaissent ne pas s’acquitter de l’impôt, déclarent toutefois, pour la plupart, en

connaitre l’importance pour le développement national et l’édification d’infrastructures

publiques profitables à tous (écoles, routes, hôpitaux, etc.).

Cependant, le fait de déclarer ne point payer d’impôts relèverait plutôt d’une relative

ignorance ou alors d’une connaissance limitée de la fiscalité puisque l’impôt peut aussi être

direct ou indirect selon le degré et la forme d’insertion économique de l’agent.

En général, du point de vue de la socio-anthropologie, les perceptions renseignent plus sur

leurs auteurs-sujets que sur l’objet du jugement mais l’intérêt de leur prise en compte réside

plutôt dans une meilleure compréhension des jeux d’acteurs et des dynamiques sociales qui en

découlent. Les verbatim qui suivent sont des exemples illustratifs de cet état de fait.

B.B., jeune menuisier de 29 ans installé à son compte devant sa maison de Dinguessou-

Mosquée. Ce dernier, en expliquant que personne n’est jamais venu lui parler d’impôts, dit

tout ignorer de la fiscalité mis à part le «diouty» qui est la taxe payée par les commerçants au

marché et dont il dit même ignorer la destination. Sa préoccupation qu’il suppose décalée de

la fiscalité, est plutôt liée aux « forestiers » qui « fatiguent les menuisiers» par rapport au bois

qu’ils utilisent et qui est l’objet de contrôle par les services des eaux-et-forets. « Mes planches

de bois qui sont mon principal outil de travail peuvent être récupérées par les forestiers si je

n’ai pas les papiers en règles »

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Le jeune homme ne voulait pas en dire plus, il n’était pas très rassuré d’autant que les agents

forestiers étaient déjà venus le voir pour une enquête de ce type. Il semble ne point faire le

lien entre cette question de la gestion du bois par les « forestiers » et le paiement de taxes à

l’Etat ou à la municipalité.

Les femmes et les jeunes sont parmi les composantes sociologiques de la population qui ont

une attitude relativement hostile par rapport à la fiscalité. Concernant les femmes qui

s’activent dans le petit commerce ainsi que les personnes retraitées, des attentes spécifiques

sont exprimées pour un allégement des charges fiscales au profit des acteurs vulnérables

qu’ils sont.

Les femmes interviewées, qu’elles soient commerçantes au marché ou opératrices

économiques dans divers domaines, se plaignent d’une absence d’équité fiscale en leur

direction.

M. Dia, 30 ans, gérante d’imprimerie qui déclare ne payer comme charge que la location de sa

petite entreprise, affirme savoir au moins que les gens paient l’impôt par la taxe « duty » du

marché, notamment les propriétaires de magasins et de tables. Cependant, en plus de

s’interroger sur la destination des sommes collectées, elle avance qu’elle ne voit pas l’utilité

de ces taxes qu’elle juge en plus « trop élevées surtout pour les femmes dont le petit

commerce ne marche pas toujours très bien alors qu’on les fait payer 150 à 200 francs

chaque jour ».

Ce plaidoyer pro domo est récurrent chez les femmes rencontrées qui s’estiment lésées dans

leur promotion économique par une surtaxe injuste qui freine l’essor de leurs activités.

D’ailleurs, des cas de faillite de micro-entreprises gérées par des femmes regroupées en GPF

nous ont été relatés et selon elles, leurs problèmes seraient liés à un manque de maitrise des

procédures en matière de fiscalité. Un autre plaidoyer pro domo est porté par certaines

personnes retraitées qui se plaignent du taux de prélèvement sur leurs pensions de retraites

qu’elles trouvent excessif voire injuste compte tenue de la modicité, en termes de pouvoir

d’achat de ces pensions 5.

5 Certains des retraités rencontrés estiment même qu’après avoir payé l’impôt durant leur vie active, leurs « maigres pensions de retraite devraient être exonérées de taxes ! ». (Sources : entretiens avec des notables et anciens à Gomba et Dinguessou)

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En somme, les personnes enquêtées, surtout les plus jeunes, quand bien même elles

s’acquittent de leurs impôts, le font plus parce qu’elles n’ont pas d’autre choix que par souci

de participer aux finances publiques. C’est le cas des salariés de la fonction publique et du

secteur privé où les prélèvements se font à la source.

« Où vont nos impôts » ? De l’utilisation méconnue des revenus fiscaux

Concernant les professions libérales (commerçants, artisans, menuisiers etc.), l’impôt direct

est plus difficile à percevoir du fait de la faiblesse relative de l’activité économique mais aussi

à cause d’un manque de confiance des contribuables au système de perception de taxes au

regard de leur destination et de leur utilisation. L’usage et la destination des taxes sont gérés

dans une opacité totale selon eux. Le constat est le même quand est posée la question de

savoir quel est l’impact des impôts perçus par les autorités sur le vécu des populations.

La réponse de ce jeune habitant de Kédougou résume le point de vue de la plupart des

personnes rencontrées : « aucune infrastructure digne de ce nom n’est érigée à Kédougou :

écoles, centres de santé, voies bitumées, éclairage public, accès à l’eau potable font défaut

dans cette région alors que celle-ci regorge de richesses dans son sous-sol. L’emploi des

jeunes pose également problème malgré la création d’un fond social minier pour faire

profiter plus largement les populations des retombées de l’activité minière et éradiquer ainsi

la pauvreté.»

Aussi, pour ce jeune travailleur, les entreprises sont supposées payer des taxes car on ne

comprendrait pas leur présence si tel était le cas à moins que les fonds qu’elles versent ne

soient détournés vers d’autres destinations.

Dans tous les cas, c’est la responsabilité de l’Etat central qui est convoquée par les

populations à ce sujet et ce point de vue est récurrent chez les personnes interviewées : elles

pensent, en général, que les entreprises minières s’acquittent de leurs engagements mais l’Etat

ne prendrait pas suffisamment en compte les intérêts des populations. « On paie l’impôt pour

faire vivre les gens de Dakar ! Kédougou n’a rien en retour.» se plaint un jeune ouvrier.

Aussi, beaucoup de Kédovins estiment également que, pour eux, les « compagnies minières

paient l’impôt sinon l’Etat aurait pris des mesures contre elles mais, seulement, c’est l’Etat

qui utiliserait l’impôt à des fins non prioritaires». Dans le même temps, ils estiment que « les

sociétés minières ne sont d’aucune utilité pour les populations de Kédougou » et que, de toute

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façon, « si les taxes de ces sociétés étaient bien gérées, le visage de la ville devrait être autre

que ce qu’il est. »

Beaucoup de Kédovins perçoivent les ressources extractives comme devant profiter en

priorité, ou au moins, de façon substantielle à la région où elles sont localisées mais cela ne

correspond point à la vision de politique sectorielle du secteur minier qui stipule que les

ressources sont nationales et non locales et elles doivent donc bénéficier à la Nation entière.

Cependant, le principe d’équité voudrait justement que l’accent soit mis par l’Etat sur les

zones ou secteurs les plus affectés par la précarité dans ses politiques pro-pauvres. Une telle

approche volontariste permettrait aux habitants de Kédougou de réviser leur opinion

considérant que leur région est « oubliée » malgré toutes ses richesses. Ainsi, le lien entre

équité et pauvreté passera alors par une réhabilitation de la gouvernance fiscale et de la

redevabilité car, les populations les plus démunies économiquement sont les plus

demanderesses de ces services publics qui les aideraient à accéder à une « citoyenneté

fiscale » tout en s’émancipant du cercle vicieux de la pauvreté structurelle. En somme, l’Etat

peut, en toute cohérence avec sa vision du secteur minier, faire en sorte que développement

local et national puissent converger. Pour ce faire et titre d’exemple, le Fonds de péréquation

et d’appui aux collectivités locales devra être géré de façon concertée et orientée vers les

besoins réels des populations pour plus d’efficacité. Ce devra être aussi le cas de l’application

des politiques autour desquelles se structure la responsabilité sociale et environnementale

prônées par les compagnies minières. Le centre régional de santé de Kédougou a bénéficié

d’un bâtiment financé par Oromin par contre, l’hôpital de Ninéfécha par son inadaptation au

contexte sociogéographique, pose plus de problèmes qu’il n’en résout.

Une autre catégorie qui se dégage des enquêtes parmi les populations et contribuables de

Kédougou est la classe plus « adulte » c’est-à-dire âgée de trente-cinq ans et plus. Ces

personnes d'âge plus mûr ont une meilleure connaissance de l’impôt et sont plus favorables à

son paiement.

En effet, une proportion non-négligeable de la population enquêtée est composée d’individus

logés dans cette tranche supérieure dont le point de vue est déterminant puisqu’elle se

compose le plus souvent de chefs de ménages, dirigeants d’entreprises dont les points de vue

peuvent être basés sur une expertise et un vécu objectifs. C’est le cas de Sonko, enseignant de

35 ans et aussi de Cissokho, salarié âgé de 46 ans. Tous deux affirment payer l’impôt sur

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leurs revenus et, aussi, ont une définition assez pertinente de l’impôt et de son utilité même

s’ils se disent conscients que cet argent collecté par l’Etat est parfois gaspillé ou détourné.

La perception de l’équité fiscale n’est bien comprise que chez certains contribuables avertis

qui posent le problème en termes de justice sociale dans une des zones les plus pauvres du

Sénégal. D’aucuns s’avancent même jusqu’à préconiser l’arrêt des exonérations accordées à

des entreprises minières pour que la région profite davantage des retombées de leur activité.

En plus, Kédougou étant une région frontalière où l’activité minière tant industrielle

qu’artisanale est essentiellement entre les mains d’étrangers, il faudrait renforcer le contrôle

afin de réduire les risques de pertes de recettes fiscales.

La renégociation au cas par cas de ces conventions minières, et même, pour certaines d’entre

elles, le retrait pur et simple de certaines concessions s’impose si nous voulons un partage

équitable. Cette recommandation de l’étude s’explique également par les impacts sociaux et

économiques négatifs des exploitations minières. La contribution des industries minières dans

le Pib est de 0,4%, et elles ne participent que de 8% aux exportations. Si au moins elles

créaient de l’emploi, mais chacune d’elles compte un très grand nombre d’expatriés à des

postes de spécialisation. Les sociétés n’ont pas de politique de remplacement du personnel

expatrié par des locaux.

V- Pratiques des acteurs et risques de corruption

La plupart des départements ministériels et services publics, sont représentés à Kédougou.

Certains de ces services jouent un rôle important dans la collecte des diverses taxes et

redevances (Commerce, Mines, Trésor, Douanes, Eaux-Et-Forêts, Education, Statistique,

Hydraulique etc.) mais la région ne dispose pas encore d’un Service Régional des Impôts et

Domaines. Pour ce dernier département, c’est le service régional basé à Tambacounda, situé à

près de 250kms, qui gère toujours la nouvelle région, ce qui pose des difficultés dans le

recouvrement des impôts dans des régions très vastes où des contribuables doivent faire deux

cent cinquante kms pour s’acquitter de leurs obligations fiscales. Ce problème devrait être

incessamment résolu d’autant que lors de la restitution à Kédougou, nous avons été informés

du fait qu’un bâtiment avait été conventionné pour abriter un service fiscal à Kédougou dont

l’ouverture est prévue à la fin du mois de juin.

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Au niveau local, l’absence de services fiscaux à Kédougou a une influence sur la

détermination des impôts locaux basée sur recensements. Or, en l’absence de recensements, il

n’y a point d’impôt local. De plus, les impôts tirés des entreprises minières devaient revenir

aux collectivités locales mais du fait des exonérations fiscales faites à ces entreprises, ces

dernières ont fini d’ôter à ces collectivités locales des ressources nécessaires à leur

développement.

Des impôts estimés… En plus la taxe rurale est faiblement recouvrée chez les populations qui ne s’acquittent plus

comme avant du « sagallo » qui est l’impôt sur le minimum fiscal bien connu des anciens.

Beaucoup d’acteurs interviennent dans la décision fiscale et parfois les prélèvements auxquels

ils procèdent, ne sont point enregistrés avec une traçabilité transparente, comme l’illustre ce

menuisier qui raconte son expérience de « négociateur » fiscal

« Je paie l’impôt en une seule fois par an. C’est toujours un agent du trésor qui passe et qui

fixe une somme. Parfois, il vient accompagner même d’un gendarme. La dernière fois, il

m’avait demandé 35 000 CFA et j’ai refusé en lui expliquant que les affaires ne marchaient

pas. Finalement, je n’ai payé que 10 000 francs mais du coup, j’ai des doutes sur la

destination de l’argent ! » Plus loin, il explique que les menuisiers paient des quotas pour les

planches de bois qu’ils utilisent à raison de 35 000 francs par pied mais, à son niveau,

beaucoup de zones d’ombres et de questions restent à être élucidées autour de la gestion

transparente de ces quotas de bois.

Il apparait que le barème est méconnu et laissé au pouvoir des acteurs locaux. Elle dépend

aussi de la capacité de négociation des contribuables. Pourtant, le code de l’environnement et

le code forestier ont bien délimité le cadre réglementaire d’intervention des agents forestiers

et la gestion des quotas entre autres mais les acteurs locaux développent des stratégies

s’appuyant sur l’ignorance des textes réglementant le système ou le sentiment d’insécurité

créé par l’impossibilité apparente de se conformer à la légalité.

…A la flexibilité et aux négociations

Aussi, au service régional du commerce par exemple, les contrôleurs économiques procèdent

à des vérifications trimestrielles auprès de tous les commerces afin de veiller à la tenue des

registres de commerce, à la légalité des produits en vente par rapport à la fraude. Des amendes

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sont prévues ainsi que des pénalités en cas de violation mais, de l’avis de certains acteurs du

secteur, face au dénuement des populations, la proximité sociale aidant, les sanctions prévues

ne sont que rarement appliquées. De même, un contrôle est opéré par le service du commerce

auprès des orpailleurs car les machines broyeuses et celles faisant du concassage sont tenues

de s’acquitter d’une taxe trimestrielle allant de trente mille francs (30 000 CFA) à cent

cinquante mille francs. A ce niveau également, une certaine flexibilité est souvent pratiquée

pour des raisons sociales car, de l’avis des responsables du contrôle économique rencontrés, il

arrive que les filons d’or ne produisent plus et que l’activité ne soit plus rentable. Des

stratégies de dissimulation des gains réels de l’orpaillage sont probablement mises en œuvre à

l’instar de beaucoup de contribuables, mais les services étatiques devraient se donner les

moyens de pallier à ces velléités de sous-déclarations de revenus en anticipant sur le contrôle

de l’activité de production sur les sites.

Ainsi, on constate que, souvent, la pauvreté ou la faiblesse économique constitue le prétexte

derrière lequel se réfugient certains acteurs pour se dérober à l’obligation fiscale et les

pesanteurs socioculturelles sont telles que les inspecteurs et contrôleurs se sentent obligés de

«faire du social en fermant les yeux».

Pour ce qui concerne les impôts locaux à Kédougou, la municipalité perçoit des taxes dont la

provenance se résume principalement à la gare routière et au marché central. Les souks sont

ces cantines mises à disposition des commerçants par la municipalité qui perçoit des taxes

journalières collectées par leurs agents. Cependant, la traçabilité des taxes perçues pose

problème car certaines cantines ne sont pas répertoriées et certains commerçants arrivent à

passer entre les mailles du système par des pratiques informelles. De même, des transporteurs

rencontrés se plaignent de harcèlement fiscal et de prélèvements illicites qu’ils sont parfois

obligés de verser aux « corps habillés » ou à des collecteurs d’impôts qui s’enrichissent

indument à leur détriment.

La non maitrise de la population fiscale par les services municipaux ne permet pas d’évaluer

de manière rigoureuse le potentiel à recouvrer, ce qui laisse une zone d’incertitude dans

laquelle peuvent manœuvrer les acteurs de la fiscalité locale. Une meilleure collaboration de

la municipalité avec d’autres départements comme le Service Régional de la Statistique

pourrait contribuer à une bonne estimation du potentiel fiscal de la région.

Aussi, en zone rurale, les chefs de village jouent un rôle central dans la collecte de la taxe

rurale et les contribuables qui s’acquittent de leurs impôts le font à leur niveau et eux se

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chargent de rassembler les recettes avant de les reverser au Trésor. Ces chefs de villages,

parfois à la tête d’un important patrimoine, sont privilégiés par l’autorité que leur confère la

tradition ainsi que l’administration qui collabore avec eux. De plus, aucun contrôle strict

n’est fait sur leur gestion des sommes collectées.

Aussi, ils ont une grande capacité de négociation puisqu’ils interviennent et récoltent des

royalties dans la gestion des sites d’orpaillage traditionnel installés dans leur localité.

Rappelons que l’orpaillage reste la principale activité socio économique dans la région de

Kédougou. Vieux, adultes, jeunes et même les tout-petits s’adonnent à cette activité génératrice de

revenus. Même les bébés ne sont pas épargnés. Sur le dos de leurs mamans, ils sont exposés au chaud

soleil et à la poussière, au même titre que les travailleurs. A peine plus grands, d’autres enfants

s’adonnent à l’orpaillage, en lieu et place de l’école.

Les foreurs armés d’outils artisanaux, de concasseurs et de laveurs pour la recherche de

pépites d’or. Ils creusent jusqu’à des centaines de mètres sous terre pour espérer trouver des

pépites d’or. Ici, les trous sont appelés communément «dama». Chaque trou est géré par des

foreurs outillés par des forgerons locaux artisanaux. A charge aux femmes dotées de mortiers,

de pilons et de calebasses, pour faire traiter les gravats, la poudre. Sur des plans d’inclination,

elles cherchent dans la poussière, l’or brut qui est recueilli. Les orpailleurs s’aventurent à

creuser des « damas », sans précaution de sécurité. Ils travaillent sans système d’aération sous

une température pouvant atteindre les 70°C. Ne disposant pas d’assez d’eau pour dissiper les

nuages de poussière, ils respirent dans une atmosphère polluée par le mercure qui pénètre

aussi la peau. La manipulation du mercure à mains nues entraîne d’ailleurs une augmentation

des risques de cancers selon certaines personnes trouvées sur place. Il arrive que des gens

meurent dans les dama. Les dalles s’affaissent par moment et ensevelissent tout ce qui se

trouve sur place.

A Sambrabougou6 par exemple, dans les sites appelé « dioura », les bénéfices récoltés sont

répartis entre le « Dougou Tiggi » (chef de village), le « Dioura Tiggi » (chef du site) et le

médiateur appelé « Tomboulman», ce dernier étant chargé de la sécurité sur les sites et du

partage des recettes. C’est ainsi que s’organiserait le partage de royalties issues de l’orpaillage

artisanal sur une base consensuelle sur fond de croyances mystico-magiques quant aux

pouvoirs et à la capacité de nuisance de chacune des parties prenantes de ce partage.

L’exploitation illégale de l’or reste un réel problème dans ce contexte. 6 Douta et Sambrabougou sont deux petites bourgades situées à 100km de Kédougou, dans la communauté rurale de Missira Sirimana dans le département de Saraya, brusquement sorties de l’anonymat. Des chercheurs d’or y ont découvert des sites où le minerai affleure et les populations y accourent actuellement.

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En somme, les personnes enquêtées, surtout les plus jeunes se montrent réticentes et critiques

au sujet de la fiscalité locale qu’elles jugent peu transparente et inefficiente. D’ailleurs, à

Sambrabougou et environs, certains villageois refusent de payer la taxe rurale depuis quelques

temps car ils disent ne pas en voir l’impact. De plus, les orpailleurs, dont la majorité sont des

étrangers venant des pays frontaliers ne paient aucune taxe, aucun impôt, ce qui renforce le

sentiment d’injustice de la part des autochtones

V-1- « Sagallo » : une culture fiscale en désuétude Il faut souligner que la population détient une certaine culture fiscale illustrée aussi bien par

le code linguistique qui est un indicateur de légitimation socioculturelle (sagallo en malinké

ou sagallé en peulh) que la référence aux valeurs religieuses mais ce sont les plus jeunes qui

remettent en cause ces réalités d’une autre époque.

Le reflux du civisme fiscal est lié en partie aux leaders politiques de la région qui, pour des

raisons électoralistes, avaient promis à certaines populations de les « libérer de l’impôt »7 une

fois qu’ils seraient aux affaires.

Mais les populations se disent conscientes de l’importance du paiement de l’impôt pour le

développement du pays, il faut que l’Etat prenne ses responsabilités face à ces problèmes de

recouvrement des taxes au niveau de la région.

V-2- Le Programme social minier

Sous les pressions des populations, relayées par les ONG ainsi que les réflexions pour une

prévention des conflits préjudiciables à la stabilité du secteur, le Gouvernement sénégalais a

défini un dispositif visant à allouer des prestations aux habitants des zones d'extraction

minière. La pierre angulaire de ce dispositf est constituée du Programme Social Minier

(PSM). Institué en 2006, ce programme vise à permettre aux habitants des sites abritant les

projets miniers de bénéficier des retombées de l’exploitation des ressources. A ce titre, en

partenariat avec les collectivités locales, les compagnies ont réalisé des investissements à

caractere social dans les secteurs de la santé, de l'accès à l'eau potable, de l’éducation, etc..Ces

investissements sont effectués sur la base des préoccupations exprimées par les populations

elles-mêmes, sous la supervision du Ministère chargé des mines. Parmi les réalisations,

figurent la construction de collèges, de postes de santé et l'allocation de bourses d'étude. A

Khossanto, village de la région de Kédougou, un collège d’enseignement moyen (CEM) de 8

7 Cette histoire remonte à l’époque du défunt maire qui avait fait cette fameuse promesse électorale.

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classes, disposant d'un bloc administratif, d'un auditorium et des latrines a été construit. Ce

CEM, d'un coût global de 100 millions de FCFA, a été entièrement financé par la société

MDL.

Par ailleurs, 7 bourses ont été offertes en 2007 aux meilleurs bacheliers du Lycée Technique

Industriel et Minier de Kédougou (05 en France, 02 en Tunisie). Il a également été décidé de

la location à Dakar, d’un immeuble de 16 appartements, au profit des étudiants ressortissants

de Kédougou, sous la gérance du COUD, entièrement équipés, offrant une capacité d’accueil

de 74 étudiants. En outre, 10 bourses ont été offertes en 2006 aux meilleurs bacheliers de la

région de Tambacounda (04 en France, 03 au Maroc, 03 au Sénégal). En Mars 2013, un

séminaire d’évaluation du Fonds Social Minier a été organisé à Dakar dans l’objectif de

réorienter ce fonds alimenté uniquement par les sociétés exploitantes. Ces dernières étaient au

nombre de trois dont Arcelor Mittal qui contribuait à hauteur de 80% de ce fonds mais dont le

retrait du Sénégal a fortement entamé celui-ci. Par ailleurs, l’Etat n’a qu’un contrôle a priori et

à posteriori de ce fonds qui est logé dans les sociétés minières.

Les populations considèrent que les sociétés minières contribuent très faiblement à l’essor

économique et social de la région. La compagnie Oromin est la plus citée comme ayant à son

actif quelques réalisations : un bâtiment dans l’hôpital de Kédougou par exemple, beaucoup

de dons dans les écoles de la région et des forages à leur actif.

La gestion du fond social est décriée par certains acteurs bien au fait du mécanisme :

procédures de passation des marchés non transparentes, surfacturation, tels sont les soupçons

qui pèsent sur ces fonds et qui hypothèquent l’efficacité de son fonctionnement au bénéfice

des populations.

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Figure : Répartition globale des investissements du fonds social minier

V-2- 1- Des exonérations très larges voire totales en matière fiscale Ces entreprises qui sont toutes éligibles au code minier ont signé avec l'Etat une convention

minière, chacune et se voient exonérées des impôts et taxes suivants (pratiquement de tous

impôts et taxes):

- la Taxe sur la Valeur Ajoutée;

- l'impôt sur les sociétés,

- l'impôt sur les revenus des valeurs mobilières,

- la contribution foncière sur les propriétés bâties,

- la patente

- la contribution forfaitaire à la charge des employeurs (CFCE).

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Tout ce que l'Etat peut en tirer est la redevance minière payée à la Direction des mines. A

Kédougou même, environ deux entreprises déclarent les impôts sur les salaires tirés sur leurs

employés pour des montants de 125.752.884 et de 308.261 frs CFA en 2012.

Ces retenues sur salaires sont payées par les salariés eux-mêmes et ne constituent pas une

charge fiscale pour les entreprises minières (ces dernières paient moins d’impôt que leurs

salariés !). Elles contiennent une quote part quasi négligeable (impôt du minimum fiscal) tiré

de chaque salarié et versé à la collectivité locale. Autant dire une misère !

V-2- 2- Kédougou : une zone à risques …fiscaux A travers cette enquête force est de constater que la région regorge énormément de capacités

en termes de ressources fiscales non recouvrées puisque des agents de la municipalité en

charge des recettes, ainsi que certains acteurs (notables et délégués de quartier, hôteliers,

restaurateurs, ébénistes, orpailleurs etc.) confirment l’existence d’une pratique fiscale

ancienne mais tombée en désuétude. Pour l’impôt « local » que perçoit la municipalité par

exemple, les seules sources formelles sont la gare routière et le marché or, dans ce dernier, les

cantines seraient mal numérotées, ce qui ne permet pas de donner une connaissance exacte de

l’assiette fiscale.

En plus, tant au niveau des services municipaux que celui de la statistique que nous avons

rencontré, le constat est le même relativement à la non-maitrise de la « population fiscale »

réelle, ce qui constitue par conséquent, une source de fraude potentielle ou de risque de

corruption, ce dont sont soupçonnés certains acteurs de la décision fiscale qui se seraient

visiblement enrichis de façon illicite.

Ce ne serait pas à cause d’un manque de culture fiscale bien au contraire, mais à cause de

plusieurs autres facteurs notamment les promesses politiciennes qu’on note l’arrêt du

paiement de l’impôt sur le minimum fiscal dû par la population aux collectivités locales, le

manque de personnel nécessaire et qualifié pour le recouvrement des taxes, la non maitrise de

l’assiette fiscale et des contribuables, le manque d’organisation du secteur minier surtout de

l’orpaillage, la corruption de certains acteurs de la décision fiscale, la porosité des frontières

parce que la région est frontalière à la fois de la Gambie de la Guinée et du Mali. Dans

certains villages par exemple, c’est le chef de village qui encaisse l’impôt et le reverse au

percepteur qui lui délivre un reçu unique. Cette démarche comporte des risques avérés de

détournements et de corruption.

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Certains services de l’Etat comme celui des Impôts et Domaines, n’ont pas encore leur siège à

Kédougou, ce qui rend difficile le recouvrement des taxes dans la région. D’autres services

présents dans la région sont faiblement dotés en ressources humaines et matérielles. C'est le

cas du service régional de la statistique non-encore fonctionnel ainsi que des services

régionaux du commerce et des mines.

Il ressort également de cette recherche que la région ne dispose pas d’infrastructures socio-

collectives de base comme un hôpital digne de ce nom sauf celui de Nénéfécha, les quelques

rares services qui y existent ne sont pas abrités par les édifices publics mais par des bâtiments

loués comme la gouvernance et la préfecture. Le réseau routier n’est pas dense et la quasi-

totalité est de mauvaise qualité. A Kédougou il n’existe qu’une seule route bitumée dans la

ville. En effet, l’enclavement des communautés rurales comme Missirah sirimina s’explique

en partie par la difficulté pour la construction de pistes rurales liée au relief accidenté et à la

végétation dense (Gerad, 2010)

Tout ceci constitue des facteurs qui empêchent le recouvrement exhaustif des taxes au niveau

de la région. En effet, pour le paiement des impôts, le service est encore rattaché à la région

de Tambacounda à 300 km avec une équipe réduite chargée de superviser une des régions les

plus vastes et poreuses aux frontières du pays. En outre, la question du recouvrement fiscal ne

se pose vraiment pas puisqu’il n’ya rien à recouvrer. Les services fiscaux n’y perdent pas de

temps, au vu des conventions minières. Toutefois, il est aussi à signaler la difficulté de

vérifier de telles entreprises sans une synergie réelle entre les différents services de l’Etat

notamment ceux ayant en charge la fiscalité et la direction des mines qui maîtrisent les

conditions techniques de ces exploitations. Or, à ce jour aucune coordination n’existe en la

matière. Les contrats entre les gouvernements et les sociétés minières sont souvent établis

dans le secret et comportent des clauses de confidentialité. Ces clauses empêchent le public

(le propriétaire des richesses minières) de connaître avec exactitude les revenus versés à l'État

et les droits et privilèges dont bénéficient les sociétés minières. Pourtant, le manque à gagner

est important au regard du tableau suivant.

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ETAT DES PAIEMENTS DES IMPOTS ET TAXES

Cimenterie Cimenterie Cimenterie (création)

Société de Phosphates

Société minière X à Sabodola

RAS SALAIRES (charge du

salarié)

2007 463 216 393 913 892 219

2008 544 888 303 1 218 654 258 - 99 040 268

2009 651 663 518 1 375 740 585 - 100 717 456

2010 770 474 283 1 419 500 899 - 109 003 922 1 119665 255

2011 813 878 262 1 515 850 750 - 103 407 462 1 317557 554

2012 652 841 765 1 029 396 739 16 173 266 71 617 597 992 147 130

PATENTE

2007 - 1 300 000 000

- -

2008 - 1 300 000 000

- -

2009 - 1 300 000 000

- -

2010 - 1 300 000 000

- -

2011 - 1 300 000 000

- -

2012 - 1 300 000 000

TVA VERSEE

2007 3 895 426 830 9 255 487 119

- -

2008 4 060 915 817 13 425 127 506

- -

2009 4 414 357 570 14 115 161 824

- -

2010 4 179 656 936 13 814 855 539

- -

2011 7 159 401 852 13 222 272 436

- -

2012 5 186 483 804 9 982 281 171

CSCM 2012 - -

- - 340 575 613

De ce tableau il ressort que l’intérêt de l’analyse des contributions des exploitants miniers

porte autant sur la fiscalité d’Etat (TVA, IS, …) que sur la fiscalité locale (patente, foncier

bâti). D’ailleurs, les résultats montrent nettement que les collectivités concernées auraient pu

tirer un très grand avantage d’une fiscalité plus juste. Elles auraient été viables financièrement

et auraient pu engager des investissements pour le développement socio économique

(éducation, infrastructure…) ou encore lutter efficacement contre les méfaits d’une

exploitation non contrôlée sur la population (pollution, santé défaillante avec les MST,

problèmes de sécurité…).

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Une analyse détaillée des finances locales est nécessaire pour illustrer les constats soulevés ci-

dessus. Pour ce faire, la communauté rurale de Missirah Sirimana est choisie.

VI- Analyse des ressources de la communauté rurale de Missirah Sirimana.

Située au cœur de la zone aurifère, dans l’arrondissement de Sabodala, département de

Saraya, la communauté rurale de Missira Sirimana présente, a priori, tous les atouts pour

engranger les fruits de l’exploitation minière. Toutefois, à y voir de très près, l’évidence

montre qu’il en est autrement. Le profil des finances locales de la communauté rurale de

Missirah Sirimana est représentatif de celui des communautés rurales de la région de

Kédougou. Dans l’ensemble, les budgets des collectivités concernées se caractérisent par une

faible capacité financière due d’une part, à une contribution insuffisante de la fiscalité locale

et d’autre part, une dotation budgétaire de l’Etat quasi symbolique. La modicité de la fiscalité

locale est due à la prégnance des activités minières dans la zone qui bénéficient d’une

défiscalisation à outrance. En 2011, les ressources de la communauté rurale de Missira se

chiffrent à 79 723 174 FCFA de recettes votées et approuvées réparties en 9 667 419 de

recettes de fonctionnement et 70 055 755 de recette d’investissement.

L’observation de ces ressources indique que les recettes de fonctionnement représentent

12,1% du total des recettes avec une contribution encore plus faible des impôts locaux (6,7%

des ressources et 54,9% des recettes de fonctionnement). Alors que la contribution des

recettes affectées à l’investissement est plus importante (87,9%), surtout alimenté par les

fonds de concours (69%).

L’analyse de ces ratios indique quelques faits majeurs :

La faible contribution des impôts locaux :

En 2011, les impôts locaux de la communauté rurale de Missirah qui tournent autour de

5 000 000 (cinq millions) sont certainement en deçà du potentiel fiscal de la zone qui regorge

d’activités aurifères. Contrairement au profil du budget de l’Etat pour lequel les recettes

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fiscales représentent plus de 60%, ce ratio dans la Communauté rurale de Missirah est de

6,7%.

Sous l’hypothèse de la prise en compte du fonds de dotation à la décentralisation (voir

tableau) qui n’est pas connu d’avance au moment de l’élaboration du collectif budgétaire, ce

ratio devrait se situer à 5,8%. Ce qui indique des efforts à faire en vue de relever le niveau des

impôts locaux en procédant à l’élargissement de l’assiette par l’amélioration des

recouvrements de l’impôt foncier et de la patente (sensibilisation, recensement systématique

du foncier dans cette zone d’attraction des mines aurifères, un meilleur suivi de la taxe rurale,

la recherche d’autres niches de recettes au niveau des orpailleurs au-delà de la dénonciation

des conventions aurifères, etc.). Les résultats positifs engrangés pourraient éviter de subir la

tyrannie des fonds de concours.

la dépendance des collectivités aux ressources des fonds alloués par l’Etat

central

L’Etat central supporte l’essentiel des budgets des collectivités locales. Toutefois, malgré cet

effort considérable, les dotations budgétaires individuellement versées aux collectivités

locales restent très en deçà des besoins exprimés. En outre, les dépenses de fonctionnement

des structures crées engloutissement une bonne partie des fonds alloués. A titre d’exemple, le

fonds de dotation de la décentralisation au titre de l’année 2013 de la région de Kédougou

s’élevait à 220 000 000 (soit 4.21% du fonds, la plus faible dotation des 14 régions du

Sénégal) au moment où l’Agence régionale de développement (ARD) de Kédougou recevait

du même fonds 75 000 000, soit le 1/3 du budget global au titre de sa dotation de

fonctionnement et des salaires du personnel cadre. Cette dernière rubrique accueillait, à elle

seule, près de 90% du budget de l’ARD.

La faiblesse de cette dotation de Kédougou combinée à son allocation improductive (car

privilégiant les dépenses de fonctionnement et de personnel) donne une idée des retombées

mitigées sur les finances locales.

En outre, l’image des collectivités locales de la région, Missirah dépend beaucoup des fonds

de concours pour assurer ces investissements (69% de l’ensemble de ressources de la

collectivité locale hors fonds de dotations de la décentralisation). A l’inclusion de ces fonds,

le ratio devrait se situer à 60,4%. En 2013, l’arrêté portant répartition des fonds de concours

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aux communautés rurales allouait à Missira et aux autres communautés rurales de la région de

Kédougou, une dotation spéciale de 4 000 000, pour solde de tout compte. Autant dire, un

montant dérisoire pour des attentes qui, comme exposées ci-dessus, étaient très fortes.

Dans l’ensemble, les fonds alloués par l’Etat à la communauté rurale de Missirah représentent

72% des recettes, soit près de ¾ des recettes de la collectivité. C’est dire que la viabilité de la

collectivité locale dépend étroitement des dotations de l’Etat centrale. Si l’on se réfère aux

difficultés rencontrées par ce dernier pour faire face à ses charges, l’on mesure la précarité

financière des collectivités visées.

L’absence des allocations issues de l’industrie minière.

Les collectivités locales dans la région de Kédougou sont des endroits au potentiel

économique appréciable. Les exploitations aurifères formelle ou informelle qui s’y trouvent

devraient participer au développement de ces localités. En effet, globalement les exportations

d’or à Kédougou sont passées de 116,8 milliards en 2011 à 179,2 milliards en 2012.

Pourtant, dans les recettes budgétaires de Missirah au titre des années 2008, 2009, 2010 et

2011, rien n’est encore prévu comme rentrées provenant desdites ressources. Le décret portant

création et fixant le taux et les modalités de répartition du Fonds de péréquation et d’appui

aux collectivités locales dans le Code minier n’est pas encore dans sa phase d’exécution

active permettant de booster les finances locales (décret n°2009-1334 du 30/11/2009). Ce

fonds, régi par le principe de solidarité, devrait allouer des dotations d’appui exclusivement

destinées à l’équipement des collectivités locales dans la circonscription administrative de la

zone minière. Les ressources concernent essentiellement les droits fixes et les redevances

provenant des opérations minières et devraient être une source de financement conséquente

d’investissements des collectivités locales.

L’allocation est faite, pour les collectivités locales abritant les sites d’exploitation, selon leur

population et proportionnellement à leur contribution. Ce qui devrait permettre aux

collectivités locales de Kédougou de financer leur ambitieux programme d’investissements

(1,031 milliard en 2011 correspondant à 0,88% des exportations d’or réalisés dans la région

qui compte 16 communautés rurales) pour lesquels la contribution des partenaires est

souhaitée à 95% dans un contexte de conjoncture internationale difficile. La disponibilité de

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ce fonds financé par les entreprises minières devrait permettre également d’orienter les fonds

de concours actuels alloués par l’Etat central dans d’autres priorités.

La politique de décentralisation ne peut réussir sans une viabilité financière réelle des

collectivités locales. Au Sénégal, ces dernières ont des difficultés marquées pour asseoir un

budget à la hauteur des attentes de leurs mandants, les populations. Si les collectivités de la

région de Kédougou se distinguent de beaucoup d’autres, grâce à la présence d’exploitations

aurifères importantes, force est de constater que leur situation financière n’est guère

meilleure. Elles dépendent de fonds alloués par l’Etat, largement en deçà de leurs besoins.

Deux pistes s’offrent à elles : mobiliser des ressources propres conséquentes par le biais d’une

fiscalité locale effective et profiter largement, comme il se doit, d’une fiscalité « de rente »

assise sur l’or.

Année 2011

Impôts locaux / recettes fonctionnement 25,3%

Impôts locaux / total recettes 5,8%

Recettes de fonctionnement /total recettes 23,0%

Fonds de dotation à l'investissement/ total recettes 60,4%

Recettes investissement / total recettes 77,0%

Fonds alloués par l'Etat / total recettes 72,8%

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Ressources de la Communauté rurale de Missira en 2011

Budget primitif

Recettes votées

Recettes approuvées

A RECETTES DE FONCTIONNEMENT

Chapitre 12 Report à nouveau

121 Résultat de fonctionnement reporté 234 669 234 669 234 669

Total chapitre 12 234 669 234 669 234 669

Chapitre 70 Produits de l'exploitation

701 Produits de droits et taxes perçues aux abattoirs 527 450 527 450 527 450

705 Droits d'alignement 650 000 650 000 650 000

7094 Produits de l’expédition des actes d'états civils 220 000 220 000 220 000

7095 Légalisation 100 000 100 000 100 000

Total chapitre 70 1 497 450 1 497 450 1 497 450

Chapitre 71 Produits domaniaux

7100 Produits de la location des souks

710 Location propriété rurale

7105 Location salles des fêtes

7106 Location matériel, outillage et mobilier

7110 Produits de location des droits de places 150 300 150 300 150 300

7113 Taxes de ventes d'animaux 70 000 70 000 70 000

7118 Droits d'occupation du domaine public

712 Droits de fourrière 250 000 250 000 250 000

Total chapitre 71 470 300 470 300 470 300

Chapitre 72 Impôts locaux

720 Minimum fiscal

721 Contribution des patentes 655 000 655 000 655 000

723 Taxe rurale 650 000 650 000 650 000

72 Impôts fonciers bâtis 4 000 000 4 000 000 4 000 000

Total chapitre 72 5 305 000 5 305 000 5 305 000

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Chapitre 74 Produits divers

743 Produits amendes correction ou simple police

749 Recettes éventuelles ou imprévues 2 160 000 2 160 000 2 160 000

Total chapitre 74 2 160 000 2 160 000 2 160 000

Chapitre 75 Dotation de fonctionnement

755 Fonds de dotation de la décentralisation 11 300 000 11 300 000 11 300 000

Total chapitre 75 11 300 000 11 300 000 11 300 000

TOTAL RECETTES DE FONCTIONNEMENT 20 967 419 20 967 419 20 967 419

B RECETTES D'INVESTISSEMENT

1059 Autres fonds de dotations 55 000 000 55 000 000 55 000 000

123 Résultats d'investissement 15 055 755 15 055 755 15 055 755

TOTAL RECETTES D'INVESTISSEMENT 70 055 755 70 055 755 70 055 755

TOTAL RECETTES 91 023 174 91 023 174 91 023 174

Impôts locaux / recettes fonctionnement 25,3% 25,3% 25,3%

Impôts locaux / total recettes 5,8% 5,8% 5,8%

Recettes de fonctionnement /total recettes 23,0% 23,0% 23,0%

Fonds de dotation à l'investissement/ total recettes 60,4% 60,4% 60,4%

Recettes investissement / total recettes 77,0% 77,0% 77,0%

Fonds alloués par l'Etat / total recettes 72,8% 72,8% 72,8%

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Conclusion : l’équité fiscale en question

La région de Kédougou se caractérise par d’importantes ressources minières dont

l’exploitation participerait à son développement. Pourtant du fait des contrats liant les sociétés

minières à l’Etat du Sénégal, les pertes fiscales demeurent importantes. Les exonérations

fiscales dont bénéficient les industries exploitantes réduisent de manière considérable leur

contribution à l’économie locale. Le fonds social minier est géré de façon nébuleuse et ne

profite pas à la région qui paradoxalement est la plus pauvre du Sénégal. De plus, des faits de

corruption relatés par les acteurs rencontrés entament le niveau de recouvrement fiscal.

L’assiette fiscale n’est pas maitrisée en l’absence de données fiables résultant de la sous

déclaration des impôts, d’une faible capacité de recouvrement au niveau local et d’une

insuffisance des ressources humaines et matérielles. Pourtant, chez les populations, une

culture fiscale existait depuis l’époque coloniale et permettait la contribution des ménages à

l’effort économique, cependant celle-ci est tombée en désuétude et seuls les salariés

continuent de payer leurs impôts.

Un certain nombre de recommandations en faveur d’une équité fiscale peuvent être avancées :

• Revoir les conventions minières dans une démarche de responsabilité sociale et

de bonne gouvernance financière ;

• Cartographie de la fiscalité dans la région de Kédougou en vue d’une maitrise

de l’assiette fiscale

• Mettre en place un système uniformisé d’information sur les contributions des

acteurs (populations, industries, sites d’orpaillage, etc.) afin de limiter les

pertes et les risques de fausses déclarations

• Appuyer les services fiscaux de moyens importants au vu des enjeux locaux

• Mettre en place un système de gestion transparente du fonds social minier avec

une implication des populations

• Impliquer les organisations de société civile et les collectivités locales dans la

gestion des ressources minières

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• Mettre en place un comptoir commercial pour la maitrise des cours de l’or

• Formaliser l’orpaillage traditionnel pour une meilleure maitrise de la

population fiscale

• Tenir compte des recettes forestières dans l’établissement de l’assiette fiscale

• Renforcer les capacités des collectivités locales en matière de fiscalité

• Susciter le contrôle citoyen sur les ressources minières

• Sensibiliser les populations sur les bénéfices d’une fiscalité juste et équitable

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Bibliographie

Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie, 2012, Situation Economique et social de la région de Kédougou

Budget de la communauté rurale de Missirah Sirimana, Gestion 2008.

Budget de la communauté rurale de Missirah Sirimana, 2011.

Diouf M., Politique de décentralisation au Sénégal : finances locales, budget participatif et contrôle des collectivités locales.

Fonds de Dotation de la Décentralisation 2013 (Annexe I à VI)

Groupe d’Etude de Recherche et d’Appui au Développement, Plan d’investissement de la communauté rurale de Missirah Sirimana, Rpport final, Août 2010 ;

Glaser B. & Strauss A. 1967, The discovery of Grounded theory. Strategies for qualitative research. Chicago Aldine Publishing company.

Ly A., 2012, La gouvernance du secteur des mines au Sénégal : Enjeux et perspectives. Documents de synthèse du Forum Civil, 25p.

Ministère de l’Economie et des Finances, Rapport de présentation (n°10802 du 5 novembre 2009) du Décret portant création et fixant le taux et les modalités de répartition du Fonds de Péréquation et d’Appui aux Collectivités locales, 5 novembre 2009 ;

Ministère de l’Economie et des Finances, Décret n°2009-1334 du 30 novembre 2009 portant création et fixant le taux et les modalités de répartition du Fonds de Péréquation et d’Appui aux Collectivités locales ;

Ministère de l’Economie et des Finances 2012, Stratégie Nationale de Développement

Economique et Social SNDES 2013-2017, 87 p.

Groupe d’Etude, de Recherche et d’Appui pour le Développement (GERAD), 2010, Plan

local de développement de la Communauté rurale de Missirah Sirimana, 81p.

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ANNEXE 1 : Des richesses de la région de Kédougou Les gisements de Fer de la Falémé constituent une grande richesse minière de la région de

Kédougou avec d’importantes réserves de bonne qualité mais dont la mise en valeur est

jusqu’à présent conditionnée par la réalisation au préalable des lourds investissements

d’infrastructures de désenclavement, de transport et d’évacuation portuaire. La première

mention des gisements de fer de la Falémé date de 1933. Mais ce n’est qu’avec la création en

1975 de la Société des Mines de Fer du Sénégal Oriental (Miferso), détenue, à l’époque, par le

BRGM, des sidérurgistes allemands (Krupp) et japonais (Kanematsu) et le gouvernement

sénégalais, que l’exploration et le développement de ces gisements sont menés.

Les ressources en fer se trouvent à l’extrême sud-est du pays, en bordure de la Falémé. Les

principales ressources se situent dans le secteur de Koudekourou, à Bambadji et dans les

zones de Kouroudiako et Karakaene. Les gisements localisés dans ces quatre zones distinctes

sont estimés à près de 800 millions de tonnes.

Plusieurs variétés de pierres de taille de haute valeur ornementales ont été identifiées au

Sénégal. Il s'agit de marbres, de serpentinites et de roches cristallines dont la valorisation

comme matériau de revêtement de sols, de murs et façades, présente un grand intérêt

esthétique et économique.

• Les principaux gisements de Marbre se situent autour de Bandafassi, à une vingtaine de

kilomètres à l’ouest de Kédougou. Le Marbre y est disponible à ciel ouvert dans trois (03)

secteurs où au moins six (06) variétés de haute qualité ornementale se répartissent entre trois

gisements reconnus : Ndébou avec le blanc cassé, le blanc rosé et le rosé, Bandafassi avec le

bleu rubanné et Ibel avec les variétés noir fin uni et noir chiné et festonné.

Les autres Pierres ornementales concernent les Serpentinites et les roches cristallines.

• Les Serpentinites apparaissent dans les formations panafricaines situées au Sud- Ouest de

Bakel dans environs de Diabal et Gabou à 40 km de Kidira sur la piste Kidira Bakel et

proviennnent de la déstabilisation d’anciens ferro- magnésiens. Les formations anciennes du

Sénégal Oriental renferment de nombreuses variétés de Roches cristallines dont les plus

représentatives sont : les Granites et les Episyènites.

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A ces ressources métalliques de fer et de pierres ornementales, s’ajoutent des indices de

minerais industriels tels que phosphates, uranium, kaolin et autres.

• Le secteur de Namel recèle un gisement de Phosphates dont la qualité, le potentiel et le

contexte d’enclavement n’en font pas aujourd’hui un objectif de choix au même titre que les

phosphates du Sénégal occidental ou de Matam. Ce phosphate pourrait être valorisé à petite

échelle dans la perspective d’engrais et pour amendements (avec les cipolins environnants

riches en carbonates de calcium) dans le cadre du développement agricole de la région de

Kédougou.

• Les occurrences Uranifères sont associées aux faciès d’altérations communément appelé

épisyénites, localisés sur les bordures du grand batholite granitique de Saraya. La présence de

Kaolin, argile céramique noble destinée aux applications porcelaine et à l’industrie du papier

(blanchiment), a été mise en évidence par les puits de prospection de fer dans zone de

Kouroudiako, dans la Falémé. Les réserves ne sont pas connues. Ce kaolin possède de bonnes

caractéristiques granulométriques et physiques mais sa teneur en impuretés colorantes

(oxydes de fer) est prohibitive.

• La couverture géophysique aéroportée et des études géochimiques du sol ont identifié des

indices de Cuivre et de Chrome dans la zone de Gabou et Diabal. Ces résultats ont suscité

depuis 2008 la reprise de l'exploration dans la zone de Gabou, et aussi à Boulbi.

• Une anomalie Cuivre-Nickel ainsi que des traces de Platinoïdes ont été découverts en 1978.

D'autres travaux ont été effectués dans les secteurs de Simpampou, Koulontou et Dioudiou-

Konko confirmant ce potentiel.

• Des indices de Colombo-Tantalite sont identifiés dans les pegmatites associées au granite de

Diambaloye. Il est également signalé dans les roches birimiennes, des accumulations de

Barytine à Kidira, de l'Amiante à Nangare Bassaris, ainsi que des indices de Zinc, Plomb,

Tungstène.

• Les travaux de recherche réalisés sur les confluents de la partie Sud de la Falémé ont révélé

l’existence de minéraux satellites du Diamant (Pyrope, Ilménite, Spinelles Chromifères) à

Wassangara au bord de la Falémé. La télédétection a montré l’existence de structures

annulaires incitant à rechercher des kimberlites.

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Par ailleurs, les granites paléo-protérozoïque de la fenêtre de Kédougou contiennent par

endroits d’importantes concentrations en Lithium, Etain et Molybdène. Le Lithium (Li) se

concentre dans des filons de pegmatites signalés au nord du batholite de Saraya. L’Etain (Sn),

sous la forme de Cassitérite (Sn02) est relevé dans les concentrés alluvionnaires tout au long

de la bordure occidentale du granite de Saraya. Par ailleurs, une importante zone stanifère est

localisée à l’Est du granite de Gamaye. Enfin, le Molybdène (Mo), sous forme de

Molybdénite (MoS2) se concentre dans des filons de quartz issus du granite de Tinkoto et de

Ouassa. Lithium, Etain et Molybdène sont des sujets susceptibles d’attirer des investisseurs si

la situation des prix de ces métaux se rétablit à son niveau d’avant juin 2008.

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ANNEXE 2 : Méthodologie de la recherche Présentation de la procédure ECRIS

L’Enquête Collective Rapide d’Identification des groupes Stratégiques se déroule en 4 phases.

La démarche est un continuel va-et-vient entre phases individuelles et phases collectives, à la

différence de l'enquête ethnographique classique qui privilégie la recherche individuelle de

longue durée, et à la différence aussi des méthodes d'enquêtes accélérées (type RRA) qui

privilégient l'enquête collective de courte durée. On notera également que ECRIS propose un

canevas comparatif et la mise au point d'indicateurs qualitatifs communs ad hoc pour les

enquêtes empiriques menées sur des sites différents, ce qui là aussi diffère tant de l'enquête

ethnographique classique où le chercheur organise solitairement son travail, que des méthodes

rapides de type PRA-RRA-MARP, avec leurs outils standards.

1) Une brève enquête individuelle de repérage

Il s'agit là de préparer rapidement (un à deux jours sur chaque site de recherche) le travail

d'équipe à venir en identifiant sommairement les principaux enjeux locaux (en fonction du

thème de la recherche bien sûr), afin de pouvoir prédéterminer des groupes stratégiques (c'est-

à-dire proposer des groupes stratégiques provisoires pour l'enquête collective à venir),

regroupant des catégories d'acteurs dont on peut présumer qu'ils partagent un même rapport

global à ces enjeux

Si le thème de la recherche porte sur la fiscalité, l'enquête préliminaire relèvera par

exemple l'existence d'enjeux autour des recettes et dépenses fiscales, aux contrats, aux jeux

de positionnement des industries extractives à Kédougou. On pourra alors proposer comme

groupes stratégiques provisoires: (1) l’administration fiscale (services déconcentrés de

l’état) usagers (2) les orpailleurs (3) les sociétés et entreprises privées (4) les organisations

de société civile,

Parmi les acteurs clefs, les collectivités locales sont à voir puisque la fiscalité est un des

enjeux majeurs de la fiscalité équitable s’agissant des mines et carrières. On pourrait aussi

intégrer le service des mines et de la géologie dans les localités cibles pour leur

connaissance des intérêts et du potentiel en jeu.

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2) Un séminaire de préparation

Ce séminaire (un jour) doit familiariser les participants avec la problématique et la méthode

(s’ils ne le sont pas), faire le point de la documentation sur les sites de recherche, et proposer

une série d'indicateurs qualitatifs provisoires susceptibles de guider les recherches

individuelles ultérieures (on ne peut évidemment proposer des indicateurs standards, chaque

thème d'enquête nécessitant le "bricolage" d'indicateurs spécifiques)

On pourrait proposer, dans l’étude qui nous intéresse, comme indicateurs provisoires : une

socio- histoire de la fiscalité locale et la typologie des recettes fiscales (on pourrait aussi

voir le profil de l’assiette fiscale, le poids des différents types d’impôts dans ces localités.),

l'analyse de l’impact social des recettes fiscales sur le vécu des populations de la région de

Kédougou, (quels types de recettes, locales ou étatiques ?), l'inventaire des lieux de débats

et de discussion autour de la fiscalité dans la localité...

3) L'enquête collective

Le principe de base d’ECRIS est le suivant : l'ensemble de l'équipe d'enquêteurs tourne

successivement sur chaque site et reste deux jours sur chaque site. Sur un site donné les

enquêteurs se divisent en plusieurs groupes d'enquêteurs (2 à 3 personnes maximum par

groupe). Chaque groupe d'enquêteurs se focalise pendant les 2 jours sur un groupe stratégique

local et un seul. Il n'enquête que sur des personnes relevant du groupe stratégique qui lui a été

affecté. Chaque chercheur doit sur l'ensemble des sites avoir travaillé avec les groupes

stratégiques les plus variés possibles.

Cette enquête collective est le noyau central d’ECRIS. Elle permet à chacun de se

confronter à l'approche d'un problème via la notion de groupe stratégique, ainsi que de se

confronter à la variété et à la relativité des groupes stratégiques. On ne considère pas le

groupe stratégique comme un "vrai" groupe, un "collectif" ou un groupe institué (corporate

group). On ne suppose pas que le groupe stratégique ait une position commune établie, bien

que cela puisse parfois survenir. Il n'est pas question de "groupe-cible (focus group): si

certains entretiens peuvent être collectifs (en général parce que les circonstances l'imposent, et

qu'un entretien individuel se transforme vite en entretien collectif informel dès lors qu'il n'est

pas secret...), on privilégie plutôt les entretiens individuels, avec des personnes aussi variées

que possible à l'intérieur du groupe stratégique affecté à un groupe d'enquêteur.

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Si sur le site retenu il y a 10 enquêteurs, on fera donc 5 groupes d'enquêteurs de chacun 2

personnes. Un de ces groupes enquêtera par exemple uniquement auprès des populations.

Mais il pourra combiner à ces entretiens des entretiens de groupe avec des groupes distincts

(notables locaux, groupements de femmes, etc.)

La consigne principale est simple :

1. Il s'agit d'identifier au fil de l'enquête le maximum possible de conflits et de contradictions,

y compris ceux où les interlocuteurs ne sont pas impliqués directement (bien sûr, à des stades

ultérieurs de l'enquête, les conflits seront hiérarchisés).

Par exemple les entretiens avec les orpailleurs permettront de préciser non seulement les

conflits entre eux et administrations fiscale, entre eux et collectivités locales à propos des

investissements effectués dans la zone.

On peut y ajouter deux consignes complémentaires :

2. Tenter de comprendre le plus possible "de l'intérieur" la relation que les membres de ce

groupe stratégique entretiennent avec ce qui constitue le thème de la recherche ainsi que leurs

perceptions des autres groupes, et essayer de décomposer le groupe stratégique en diverses

composantes ayant des comportements ou des discours communs, et se différenciant des

autres composantes

Quelles visions et quels usages les entreprises minières ont-elles de la fiscalité minière ? Est

–elle équitable ? Que pensent-elles de la fiscalité équitable et de leur rôle sur celle-ci? Les

discours tenus parmi les orpailleurs sont-ils différents ? Populations et prestataires

semblent-elles avoir les mêmes positions, les mêmes appréciations sur la gestion de la

fiscalité, impôts et autres taxes ?

Il est important d’avoir une bonne définition de la fiscalité équitable à ce stade : l’équité, en

fiscalité, renvoie à deux notions : équité verticale et équité horizontale. Si la première a trait à

la justice fiscale, à une participation aux charges fiscales proportionnelles aux moyens et

revenus de chacun (comme pour l’impôt sur le revenu avec la progressivité de l’impôt),

l’équité horizontale voudrait que les situations économiques identiques soient taxées de façon

similaire.

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3. Approfondir les indicateurs qualitatifs provisoires (mis au point lors du séminaire de

préparation) et chercher des domaines où ils pourraient être mis en œuvre.

La "décision" locale dont il serait intéressant de faire l'histoire pourrait être la mise en

place d’une administration fiscale déconcentrée... ; tels et tels acteurs pourraient faire

l'objet d'une biographie...; identifier les principaux lieux de débats à observer...etc. Mais il

serait aussi intéressant de rajouter parmi les indicateurs un recensement des divers acteurs

et des types de contrats et éventuellement des liens affinitaires entre ceux-ci...

Chaque soir une séance collective de bilan permet de recouper les différents conflits vus selon

différentes perspectives, d'émettre de nouvelles hypothèses ou de nouvelles interprétations, de

concrétiser les indicateurs provisoires. Ces séances collectives constituent une base de travail

pour celui des chercheurs de l'équipe qui travaillera ensuite sur le site. C'est en particulier

grâce à ces séances que le travail ultérieur individuel est considérablement défriché et préparé.

La discussion collective sur le site en fin de journée, à partir de données empiriques toutes

fraîches, recueillies selon des perspectives variées (les groupes stratégiques...), grâce à une

"entrée par les conflits", est en effet un outil de construction de l'objet et de la méthode

particulièrement puissant. La verbalisation qu'impose le débat à plusieurs et le "brain

storming" collectif manquent en effet au chercheur individuel, qui aura tendance à découper

en deux phases trop distinctes sa recherche: d'un coté le recueil de données, de l'autre et

ultérieurement l'analyse et la mise en forme de ces données. A l'inverse, les séances

collectives de bilan chaque soir permettent en effet une analyse interprétative "à chaud",

permettant d'organiser sur le champ les données, de tracer des pistes de travail pour le

lendemain, d'échafauder des modèles très provisoires, fluides, non durcis par l'écriture, non

coupés de l'investigation... C'est un lieu d'émergence privilégié d'interprétations au plus près

des matériaux empiriques, c'est-à-dire de "théories issues du terrain" (grounded theory, cf.

Glaser & Strauss, 1967). De plus les formations, les itinéraires, les compétences, les sujets

d'intérêt des enquêteurs sont nécessairement différents: cette variété vaut complémentarité,

dès lors qu'il y a un minimum de problématique commune autour d'un même terrain. Le débat

autour des données et de leur interprétation "à chaud" est de ce fait beaucoup plus productif

en début d'enquête que la réflexion plus ou moins intuitive d'un chercheur solitaire. Pendant

une évaluation collective, il faut convaincre les autres, étayer ses hypothèses, prendre en

compte les objections ou les contre-exemples, assumer les critiques.

Le fait de travailler sur un seul groupe stratégique pendant deux jours permet d'approfondir la

perspective particulière de ce groupe, sans risquer cependant une trop grande identification

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avec lui, dans la mesure où la comparaison avec les résultats obtenus auprès des autres

groupes, comme le fait de changer de groupe d'un site à l'autre, relativisent les points de vue.

L'avantage de travailler à partir des groupes stratégiques est de pouvoir explorer l'éventail

social dans toute sa diversité, tout en approfondissant "de l'intérieur" chacune de ses

composantes. Les chercheurs de l'équipe sont ainsi confrontés à une pluralité de logiques

sociales, chacune d'entre elles méritant considération. Ceci est beaucoup plus difficile à faire

dans une enquête individuelle, où le chercheur est sans cesse en danger d'être "encliqué"

(d'être identifié et de s'identifier à une "clique", à un sous-groupe), et où il ne peut facilement

passer du point de vue d'un groupe d'acteurs locaux à un autre : le risque est soit de rester

extérieur aux différents points de vue locaux, soit d'être enfermé dans un seul d'entre eux.

4) Un séminaire de bilan d'enquête collective

Celui-ci (un jour) a trois objectifs:

- d'une part l'élaboration finale des indicateurs qualitatifs communs, en quelque sorte testés au

cours de l'enquête collective, qui serviront à chaque chercheur de points d'appuis pour son

enquête personnelle

- d'autre part la détermination des pistes de travail propres à chaque site

- enfin un premier essai comparatif, tentant de dégager à partir des différents sites les points

communs comme les spécificités de chacun, les lignes de force, les principales hypothèses

Conclusion

ECRIS a sans doute une pertinence particulière en termes de socio-anthropologie du

développement, et peut avoir également une fonction d'aide à l'évaluation, pour deux raisons

fondamentales:

En tant que canevas d'analyse comparative sur plusieurs sites, ECRIS correspond bien aux

besoins d'analyses liées à la préparation, au suivi ou au bilan d'opérations de développement.

En particulier l'élaboration au coup par coup d'indicateurs descriptifs, qualitatifs, non

standardisés, qui font souvent défaut dans un monde du développement dominé par des

indicateurs chiffrés et standards le plus souvent non fiables, est un atout important. Les

concepts de conflit, d'arène et de groupe stratégique sont particulièrement adaptés à l'insertion

d'un projet de développement dans des sociétés locales. Cela permet de rompre à la fois avec

l'image consensuelle que les sociétés locales mettent en scène à l'intention des étrangers, et

avec l'idéologie "communautaire" ou populiste de beaucoup d'institutions de développement.

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Cela permet de prendre en compte le fait que les ressources (matérielles comme

immatérielles) d'un projet de développement sont des enjeux pour des acteurs locaux très

différents.

ECRIS est un canevas destiné à des recherches collectives et individuelles à part entière et

non un sous-produit simplifié destiné à des enquêtes sommaires. Mais ECRIS peut aussi

contribuer à mettre les compétences de la recherche socio-anthropologique au service

d'opérateurs du développement soucieux d'une meilleure compréhension des processus

sociaux qui sont à l'œuvre lorsque les actions de développement se confrontent aux

populations destinataires: en effet ECRIS introduit quelques cadres conceptuels, quelques

contraintes méthodologiques et quelques gains d'efficacité et de temps qui peuvent aider à

réduire sérieusement l'écart entre les habitudes des chercheurs et les demandes des institutions

de développement.

Ce canevas n’est pas un dogme, et se veut d'ailleurs fondamentalement évolutif. Il serait

contraire à son esprit même qu'il débouche sur un mode d'emploi standard incitant à

une reproduction à l'identique.

Les techniques de collecte de données par ECRIS

1- La coupe transversale

C’est une technique d’identification des acteurs sur les sites d’enquête. Les enquêteurs, une

fois sur les sites doivent tous se rendre auprès du chef du village ou du quartier pour lui

exposer les objets et objectifs de l’étude en termes très simples, très clairs et très précis. La

maison du chef de quartier constitue le point de départ pour le quadrillage. En effet, les

différents binômes vont se disperser dans les rues parallèles et perpendiculaires à la maison.

La mairie, la place du marché ou encore la mosquée, peut aussi faire office de point d’origine

pour le quadrillage du quartier et l’identification des personnes ressources dans le cadre de

cette étude.

2- L’observation

L'observation reste, cependant, un outil une méthode pouvant permettre de comprendre les

mécanismes de l'interaction sociale et de la vie en société. L'observation de phénomènes, des

acteurs est inhérente à toute démarche scientifique. Elle s'est ainsi affirmée comme une

condition première de la construction du savoir en sciences sociales (tout comme dans les

sciences pures), par une mise en rapport mais aussi une mise à distance du sujet et de l'objet.

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L’observation participante est une méthode des plus appropriée pour tenter de comprendre la

complexité d'un champ comme la gouvernance dans la délivrance des services publics.

Qu’est ce qui justifie l’usage de cette méthode ?

1. la pluralité des acteurs impliqués dans la gouvernance et la gestion fiscale ainsi que la

complexité de leurs interactions

2. la diversité et la pluralité des espaces d’actions

3. un décalage entre un discours souvent simplifié (entretien) et la réalité du terrain

4. la particularité de l’objet de la recherche : la fiscalité locale équitable

Ce dispositif était rendu possible par l'accès au terrain et reposait sur trois critères :

l'expérience de l'observateur, sa conscience et sa personnalité. Les significations sociales

doivent être considérées comme produites par les activités interagissantes des acteurs. Ce qui

implique pour l'observateur qui se propose de comprendre et d'analyser ces significations,

qu'il adopte une posture méthodologique qui autorise cette analyse.

3- Les entretiens semi directifs

La technique de l'entretien semi directif est très fréquemment employée dans le domaine des

études qualitatives. Il consiste à recueillir les réactions et perceptions de l'individu interrogé à

partir de thèmes et questions décidés à l'avance, compilés dans un guide d'entretien.

L'interviewer a une marge d'improvisation importante en ce qui concerne les relances.

Les avantages de l'entretien semi directif sont les suivants :

• L'entretien semi directif apporte une richesse et une précision très grande, et

permettent d'approfondir et d'expliciter certains points.

• L'entretien semi directif se différencie par une plus grande liberté d'expression des

individus sur son ressenti et ses habitudes face à tel ou tel sujet.

L'entretien semi directif se distingue des entretiens non directifs, qui se font de manière très

libres, à partir de quelques grandes questions larges et des questionnaires fermés, qui impose

de façon rigide la formulation et l'ordre des questions.

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4- Le guide d’entretien

Il est établi après des entretiens exploratoires, le guide se présente sous la forme de « pense-

bête » en répertoriant les thèmes et/ou axes thématiques qui doivent être abordés au cours de

l’entretien semi directif. Le guide comporte une consigne initiale : « j’aimerais que vous me

parliez de… » ; « ce que cela représente pour vous (consignes induisant un discours

d’opinions) ; «« j’aimerais que vous me parliez de… » ; « comment ça s’est passée… »

(consigne induisant un discours de narration). Il peut revêtir une forme plus ou moins

détaillée, de la liste de trois ou quatre grands thèmes que l’Interviewé connaît bien jusqu’à

une série d’informations spécifiées sur deux ou trois pages. On s’attachera à donner à ce

document une présentation qui le rende facile à utiliser, avec des mots clés très apparents. On

peut coupler les thèmes avec des modèles de questions neutres.

Comment introduire les thèmes du guide ?

La conduite d’un entretien guidé est peu différente de celle d’un entretien non directif (phase

de présentation, consigne, approfondissement).

L’Interviewer induit de façon privilégiée l’auto-exploration au niveau des thèmes du guide

évoqué spontanément par le sujet (réexpressions, relances…). Si la question de départ est bien

formulée, la plupart des thèmes du guide sont abordés naturellement par l’Interviewer.

Lorsqu’un thème doit être induit, il est proposé avec souplesse.

Le guide n’est pas un cadre rigide. L’ordre des thèmes prévus est le plus logique possible,

mais il n’est pas imposé : chaque entretien a sa dynamique propre. Le seul point important est

que tout les Interviewés aient abordé tous les thèmes du guide avant de terminer l’entretien –

ce qui permettra de réaliser une analyse comparative des différents entretiens.

5- Les études de cas

Elles sont un procédé souvent utilisé en sciences sociales qui combinent observation et

entretien dans le but d’étudier en profondeur un objet, un phénomène donné. Elles permettent

d’analyser et de comprendre une situation et de définir toutes les implications possibles. Plus

concrètement dans l’analyse des perceptions et représentations autour de la fiscalité, cette

technique vise à diagnostiquer et analyser différents aspects liés à l’administration, aux

transactions fiscales, etc. Il s’agit par là d’identifier tous les problèmes liés à la fiscalité et

leurs corollaires ainsi que les jeux de pouvoir, de légitimité et des stratégies de

positionnement des acteurs à tous les niveaux afin de saisir les rapports d’influence et enjeux

de pouvoir.

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Ces études de cas doivent se faire suivant une trame comportant des thématiques à aborder

lors des entretiens et des situations à observer

6- L’analyse de contenu

Comme son nom l’indique il s’agit d’analyser les idées et hypothèses fortes se dégageant des

entretiens, des discours. La régularité discursive autour de certains phénomènes influents sur

l’objet d’étude permet de reformuler les discours sous une forme plus formelle. Pour ce faire

il faut d’abord procéder à un repérage des idées et ensuite à leur catégorisation. Les unités

sémantiques de base ainsi formées constituent des unités de sens permettant d’expliquer des

phénomènes.

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Plan de Collecte

OObbjjeeccttiiff ggéénnéérraall

LL’’oobbjjeeccttiiff pprriinncciippaall ddee cceettttee rreecchheerrcchhee aaccttiioonn eesstt ddee ddééccrriirree lleess ppeerrcceeppttiioonnss eett rreepprréésseennttaattiioonnss

aauuttoouurr ddee llaa ffiissccaalliittéé ddaannss llaa rrééggiioonn ddee KKééddoouuggoouu..

OObbjjeeccttiiffss ssppéécciiffiiqquueess

De manière spécifique, il s’agit à partir d’une enquête qualitative de documenter la

construction sociale de la fiscalité. Ainsi nous allons :

• Appréhender l’impact social de la fiscalité,

• Identifier les écarts entre potentiel fiscal et recettes réelles tant pour les impôts d’Etat

que pour la fiscalité locale, OU : évaluer les dépenses fiscales dans les secteurs cibles,

• Documenter les niveaux d’investissement dans les secteurs sociaux de base au regard

des recettes fiscales aussi bien pour les impôts d’Etat que pour les impôts locaux,

• Interroger et évaluer les obligations d’investissement au plan local (routes,

infrastructure de santé…) mises à la charge des investisseurs par les conventions

signées avec l’Etat en lieu et place d’une fiscalité de droit commun.

Différentes opérations de recherche articulées à trois niveaux d’analyse seront menées sur la

base de la méthodologie précédemment décrites. Ainsi des enquêtes seront menées auprès de

l’administration fiscale (trésor, impôts et domaines), auprès de l’administration des mines,

auprès des collectivités locales, auprès des OSC (ONG et OCB), auprès des entreprises

minières et chez les populations.

Auprès de l’administration fiscale et les collectivités locales

Il s’agira de documenter :

La question des redevances, sont –elles effectivement payées ?

Les sommes reçues correspondent-elles aux sommes dues ?

Les dépenses fiscales sont –elles en adéquation avec les investissements ?

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Ces entreprises respectent –elles la législation fiscale dérogatoire (nombre de redressements

éventuels, montants, contentieux…)

Ces entreprises sont –elles taxées de la même façon ? Ici se pose la question des conventions

particulières donc de l’équité horizontale aussi.

La gouvernance : corruption dans le secteur ?

Pour les entreprises minières

On verra si

• Leurs actions influencent l’environnement économique et social de la région ?

• Si elles investissent dans les secteurs sociaux au regard des exonérations fiscales dont

elles bénéficient ?

• Les impôts effectivement versés ?

• Leurs rapports avec l’administration fiscale ;

• La gouvernance : corruption dans le secteur

Auprès des OSC et Populations

Comment elles perçoivent la fiscalité ? (qu’est ce que c’est ? ce que ça représente pour

eux de payer des impôts, etc.)

Leurs appréciations de l’action des entreprises minières dans la région?

Leurs appréciations des dépenses fiscales, si elles en ont connaissance…

La gouvernance : corruption dans le secteur

DDéérroouulleemmeenntt ddee ll''eennqquuêêttee

La collecte de données suivra différentes étapes à savoir :

- la revue documentaire au niveau local auprès des services déconcentrés de l’Etat

- La confection et la validation des outils de collecte (guides d’entretien),

- la formation des superviseurs et des enquêteurs à l’ECRIS,

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- la réalisation des enquêtes et les séances de mise en commun journalières, la saisie

informatique des réponses et son contrôle,

- L’interprétation et l’analyse des résultats.

CChhooiixx ddeess zzoonneess àà eennqquuêêtteerr

Les enquêtes se déroulement dans la région de Kédougou auprès de l’administration fiscale et

des ONG, auprès des entreprises minières et des populations dans la localité de Sabadola.

Le choix de cette localité se justifie par le fait que plusieurs exploitations minières y ont

cours et donc les problématiques relevées y présentent une certaine pertinence.

Réalisation de l’enquête

Les temps de réalisation de l'enquête sont évalués à 10 jours de terrain avec 3 binômes d’enquêteurs formés chacun d’un enquêteur et d’un superviseur (Samba Diallo ou Dominique Corréa) ou responsable de volet (Fatoumata Hane ou Thialy Faye ou Abdoulaye Niane). A ceux là s’ajouteront : un personnel du centre de service fiscal de Kédougou (Niane nous donnera son contact) qui va rassembler la documentation sur les perceptions fiscales, un agent du développement communautaire, un agent du service régional de la statistique et un percepteur municipal. Nous pensons que ces personnes clés pourraient nous aider à documenter de l’intérieur la question de la fiscalité et nous faciliteraient l’accès à une documentation très peu mise à disposition du public.

Compte tenu de l'importance des guides d’entretiens, nous estimons que la production par enquêteur devrait s'élever à environ sept entretiens par jour.

Équipe de collecte et de traitement : • 07 enquêteurs • 02 superviseurs • 01 responsable d’équipe

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Les outils de collecte de données Trois guides d’entretiens seront élaborés. Des thématiques assez larges sont identifiées pour permettre aux interviewers de s’exprimer librement sur les perceptions et représentations autour de la fiscalité

Guide d’entretien 1

Ce guide est exclusivement réservé aux entretiens avec les responsables des entreprises minières

Identification :

Type de minerai exploité (Or, Marbre, Fer, etc.)

Années d’implantation

Type de contrat

Fiscalité

Dispositions applicables : code minier ou/et convention spécifique ?

Combien l’entreprise paie

Comment se fait le versement ?

L’entreprise bénéficie t- elle d’exonérations ? De quelle nature ?

Les investissements ? Les bénéfices tirés ? Nombre d’années pour assurer un retour sur investissement ?

Réalisations sociales

Quelles sont les infrastructures réalisées par l’Entreprise ? Sur quelle base (RSE ou en vertu des obligations contenues dans des conventions avec l’Etat)?

Combien ont-elles couté ?

Quelles sont les politiques environnementales (si elles existent) mises en œuvre ?

Appréciations de la politique fiscale

Que pensez-vous de la politique fiscale au Sénégal?

Quels sont les limites de la politique fiscale ?

Recommandations

Quelles propositions pouvez-vous faire en faveur d’une fiscalité équitable ?

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Guide d’entretien 2

Ce guide s’adresse aux OSC et aux populations

Sexe

Age

Si OSC : domaines d’intervention, Année de création

Connaissance de la fiscalité locale

Que savez-vous de l’impôt ?

Le payez-vous ? Depuis quand ? Comment se fait le paiement ?

Savez-vous si vos voisins, la population en général et les entreprises minières paient des taxes ?

A quoi servent-elles selon vous ?

Y’a-t-il selon vous des risques que les recettes fiscales soient détournées ? Pourquoi ? Comment ?

Quelles sont les réalisations faites dans la localité par l’Etat, par ces Entreprises ?

Les acteurs engagés dans la décision fiscale : les connaissez-vous ? Quels types de rapports entretenez-vous ?

Perception de la fiscalité

Appréciations de la fiscalité équitable

Actions incitatives pour le paiement de l’impôt ?

Recommandations

Quelles actions pour une fiscalité équitable ?

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Guide d’entretien 3

Il s’adresse à l’administration fiscale locale (service des impôts, Trésor public, municipalités, service des mines et de la géologie, collectivités locales)

Identification du répondant

Poste occupé

Depuis quand ?

Description de la trajectoire professionnelle

Perception de la fiscalité

Question des redevances et prélèvements sur les entreprises minières (combien ? qui ?)

Les entreprises paient –elles réellement ?

Les collectivités locales en tirent-elles une fiscalité juste et équitable?

Ce qui est payé correspond-il à ce qui est perçu ?

Quelles sont les dépenses fiscales ?

Quels acteurs interviennent dans la décision fiscale ?

Appréciation de la fiscalité équitable ?

Perception de la fiscalité

Appréciation des investissements des entreprises minières

Appréciations des investissements des collectivités locales

Recommandations

Propositions, pistes de réflexions pour améliorer la fiscalité locale