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L'université Libre Internationale de la Moldovie

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L'université Libre Internationale de la Moldovie

Corrigé par Gribincea A.

Chişinău 2008/09

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Produits alimentairesBoissons

Boissons alcoolisées

L'absintheL'absinthe apparaît en Suisse au XVIIIe siècle sous forme de liqueur.

Élaborée principalement à partir d'alcool et de la Grande Absinthe (Artemisia absinthium), elle contient des huiles essentielles qui, diluées dans l'eau, précipitent en une suspension colloïdale, le «louche», analogue à celle du pastis. Au début du XIXe siècle, Henri Louis Pernod se lance dans sa fabrication. L'enthousiasme est général, certains cafés ne servent qu'elle et l'«heure verte» devient un rite quotidien.

Pourtant, elle entraîne une véritable intoxication, l'absinthisme, responsable de la dégradation des facultés mentales. Sa toxicité est due à la thuyone, une huile essentielle dont l'amertume est réduite lors d'un rituel enchanteur: on verse l'eau après avoir disposé sur le verre un tamis et un morceau de sucre; la liqueur se trouble et vire du vert au jaune. Des études épidémiologiques ont permis d'établir une relation entre la consommation d'absinthe par région et les troubles cérébraux, le nombre d'avortements, le nombre d'enfants mort-nés et celui de conscrits réformés pour cause de psychose. Cependant, entre 1875 et 1913, la consommation d'absinthe est multipliée par 15. En 1913, la France produit encore 40 millions de litres de liqueur par an et ne décidera de l'interdire que deux ans plus tard, bien après la Suisse, la Belgique, les États- Unis et l'Italie. De nos jours de nombreuses boissons contiennent de la thuyone, en concentration limitée, comme les vermouths et les liqueurs de type chartreuse, qui sont loin d'engendrer les mêmes phénomènes que leur cousine, surnommée la «fée verte».

ArmagnacRégion de collines, au N.-O. du plateau de Lannemezan, célèbre pour son

eau-de-vie, l'armagnac, provenant essentiellement des vignobles gersois.Ancienne région de France, correspondant à peu près à l'actuel

département du Gers. Érigée en comté au Xe siècle, elle jouit d'une certaine importance du XIIIe au XVe siècle, les comtes d'Armagnac détenant presque sans interruption la lieutenance du Languedoc. Au cours de la guerre de Cent Ans, le comte Bernard VII (1391-1418) fut le chef de la faction des Armagnacs en lutte contre les Bourguignons. L'Armagnac devait être une première fois réuni à la couronne de France par Louis XI en 1481, et définitivement par Henri IV en 1607.

La bièreLa bière était déjà connue des Égyptiens; les Gaulois la consommaient

sous le nom de cervoise. Toutefois, l'introduction du houblon, qui lui apporte amertume et arôme, ne date que du XIIIe siècle. La bière a une valeur nutritive notable (400 cal/l); elle titre 1,5 à 5° d'alcool et renferme 12 % d'extrait sec, des vitamines du groupe B, des matières azotées et minérales.A.Gribincea 1

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La fête de la bière à Munich, vers 1900, Le houblonSa fabrication passe par différents stades (au cours desquels sont

utilisées trois matières premières qui déterminent son caractère, l'orge, le houblon et l'eau):

1. la germination de l'orge, qui donne le malt;2. le touraillage (chauffage des grains pour arrêter le processus de

germination), qui détermine la coloration de la bière, plus ou moins brune selon la température;

3. le brassage, qui a pour effet de dissoudre les hydrates de carbone et les matières azotées dans de l'eau et produit le moût;

4. la cuisson, au cours de laquelle on introduit le houblon (houblonnage), qui produit l'aromatisation du moût et le stabilise;

5. le refroidissement jusqu'à 6 °C et l'ensemencement avec des levures (Saccharomyces cerevisiae);

6. la fermentation, qui s'effectue selon deux procédés, fermentation basse à 8 °C durant 7 à 10 jours (bière européenne) ou fermentation de 15 à 20 °C pendant 4 à 6 jours (bière anglaise).

Selon le degré d'alcoolisation, les bières se divisent en trois catégories: les petites bières (1°-1,2°), les bières bocks (3,3°-3,9°), les bières de luxe (4,4° et plus). Les Allemands viennent en tête de la consommation par habitant, avec 144 l/an; ils sont suivis par les Danois, 126,5 l/an, les Belges 119 l/an et les Britanniques, 110,9 l/an.

Ce secteur important des industries agroalimentaires est dominé à l'échelon mondial par trois grands groupes : l'américain Anheuser-Busch (marques Budweiser et Michelob) avec 130 millions d'hectolitres [1999], le néerlandais Heineken (marques Heineken, Cruzcampo, etc.) avec 80 millions d'hectolitres, et le belge Interbrew (marques Stella Artois, Leffe, Kriek, etc.), avec 70 millions d'hectolitres. En France, le secteur est dominé par les brasseries Kronenbourg, avec une production de plus de 10 millions d'hectolitres.

Les boissonsLes boissons sans alcool· Les eaux minérales· Sodas, sirops et jus de fruits· Le lait· Les boissons stimulantesLes boissons alcoolisées· Le vin· Les spiritueux· Les autres boissons alcooliséesL'industrie des boissonsLe problème de l'eau en France

Élément indispensable au bon fonctionnement de l'organisme humain par l'eau qu'elle lui apporte, la boisson est également un élément fondamental de la vie en société. Elle définit une culture par sa nature – de l'hydromel gaulois à la tequila mexicaine et au saké japonais – comme par son mode de consommation: elle scelle la communauté, primitive ou médiévale, des hommes qui se passent, de main en main, la même coupe; elle souligne – vin, bière, whisky ou Coca-Cola – un type spécifique de relations humaines et de

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comportements quotidiens. Elle est enfin une composante de l'industrie agroalimentaire moderne.

Les boissons sans alcoolDepuis les années 1970, l'industrie française des boissons non

alcoolisées a connu un développement considérable. Il existe un large éventail de produits, qu'ils soient seulement traités par l'industrie (eaux minérales, lait), complètement fabriqués à partir de sucs végétaux (jus de fruits, sodas) ou obtenus par infusion (café, thé, etc.).

Les eaux minéralesUne eau minérale est une eau de source, pure et naturelle, caractérisée

par la présence, en plus ou moins grande quantité, de sels minéraux qui lui confèrent des qualités thérapeutiques.

Les eaux fortement minéralisées sont utilisées pour leur apport en sels minéraux spécifiques; il existe des eauxchlorurées sodiques, des eaux bicarbonatées comme l'eau de Vichy-Saint-Yorre (6,7 g/l) et l'eau de Badoit (2 g/l). Très riches en sodium, déconseillées dans le cas d'un régime sans sel, elles apportent du calcium, du magnésium et du fluor. Les eaux moyennement minéralisées comme Vittel-Hépar (2,7 g/l), Contrexéville (2,1 g/l) et Vittel Grande Source (1 g/l) sont sulfatées calciques. Les eaux faiblement minéralisées sont recommandées pour les régimes sans sel, qu'elles soient gazeuses comme Perrier (0,4 g/l) ou plates comme Évian (0,3 g/l) et Volvic (0,1 g/l). Ces deux dernières sont aussi adaptées aux besoins des nourrissons. Celles que l'on appelle les eaux de source, faiblement minéralisées, n'ont aucune propriété médicinale.

La France détient un triple record mondial de production, de consommation et d'exportation. Ces résultats ont été obtenus par trois sociétés multinationales: Nestlé (Vittel), BSN (Évian et Badoit) et Perrier (Contrexéville, Volvic, Saint-Yorre, Vichy, Perrier). Grâce à d'importants efforts publicitaires, les eaux minérales sont sorties du domaine thérapeutique pour être consommées par un très large public recherchant des qualités plus abstraites comme la pureté, l'équilibre ou la forme physique.

L'industrie des eaux minéralisées est pratiquement réduite aux manœuvres de conditionnement: les eaux gazeuses peuvent être directement mises en bouteilles capsulées pour conserver leurs gaz naturels. Les eaux aux propriétés physiques et chimiques stables (Évian, Vittel, Contrexéville) sont peu modifiées après la source; elles sont mises en bouteilles ou en boîtes, puis transportées et stockées. Certaines sont conditionnées sous pression dans des atomiseurs pour usages externes (Évian, Vittel). Cependant, la pollution par les nitrates ou les hydrocarbures de sources proches des régions urbaines ou d'agriculture intensive entraîne leur fermeture.

Sodas, sirops et jus de fruitsLes sodas sont des boissons gazeuses préparées à partir d'eau minérale

pauvre en ions calcium et magnésium qui précipitent avec les jus de fruits. Ils contiennent aussi des extraits de plantes, du sucre et du gaz carbonique. L'ancêtre de cette famille de produits, la limonade, aromatisée au citron, est en perte de vitesse sur le marché. Le Coca-Cola, inventé en 1886 par un pharmacien géorgien, M. Pemberton, contient de la noix de cola, extrait végétal riche en caféine. La société multinationale Coca-Cola, fondée à Atlanta en 1892 et implantée maintenant dans le monde entier, est devenue un symbole de la société de consommation.

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L'industrie des boissons gazeuses s'est diversifiée en fabriquant des «bitters», produits rendus amers par l'adjonction d'extraits végétaux (gentiane, quassia ou éventuellement quinine et strychnine), qui donnent du tonus et de l'appétit. Mais le marché a été complètement relancé par l'apparition de boissons gazeuses «light», c'est-à-dire sans calories car édulcorées avec des produits de substitution comme l'aspartame. Le premier consommateur de ces «soft drinks» est le citoyen américain, qui absorbe en moyenne 166 l/an. En Europe, la consommation moyenne est de 54 l/an, avec des extrêmes comme l'Allemagne (80 l/an) et la France (30 l/an environ).

Les sirops sont élaborés à partir d'une solution concentrée et incolore de sucre et d'eau. Des sirops aromatiques contenant de l'acide citrique et divers parfums et colorants sont utilisés par les industriels pour préparer des boissons gazeuses. Les «sirops de bouche», notamment la grenadine, sont employés par l'industrie pour édulcorer des apéritifs ou par le consommateur pour préparer des boissons par addition d'eau. Les jus de fruits, produits entièrement naturels, sont obtenus par pression de fruits sélectionnés. Les jus les plus répandus sont préparés à partir de fruits de pays tempérés (pommes, raisins et tomates) et de pays exotiques (ananas, oranges, pamplemousses, mangues, goyaves et fruits de la Passion). Certaines espèces fruitières produisent des jus trop pulpeux (abricots, pêches, poires) ou trop acides (cassis, groseilles, framboises). Il est alors nécessaire, pour les consommer directement, d'ajouter de l'eau et du sucre. Le produit obtenu n'est plus un jus mais un nectar de fruits. L'appellation jus de fruits n'est valable que pour un produit pur, sans sucre, sans anhydride sulfureux et sans acide ascorbique (produits autorisés). La présentation des jus de fruits sous forme de briques de carton plastifié a constitué une grande innovation. Les jus de fruits, stérilisés par ultra-haute température (UHT) lors de l'empaquetage, sont les plus naturels puisque sans conservateurs. Le succès commercial de ces nouveaux produits a entraîné la régression des ventes de boissons fruitées, plates ou gazeuses, sous emballages classiques (bouteilles et boîtes). Les industriels ont alors réagi en proposant de nouveaux conditionnements, tels que la bouteille plastique de grande contenance (2 l), qui a connu un fort développement.

Le laitSeule boisson d'origine animale, le lait a une composition relativement

stable: 1 l comprend près de 875 g d'eau, 46 g de glucides (lactose ou sucre de lait), 39 g de lipides, 35 g de protéines. Le lait est également riche en calcium, en potassium et en vitamines. Sa valeur nutritionnelle est de 68 kcal pour 100 g. Le lait cru, c'est- à-dire n'ayant subi aucune transformation, ne représente aujourd'hui qu'une part négligeable des ventes: le lait est devenu un produit industriel transformé. Les soins les plus attentifs sont apportés à la ferme (mécanisation de la traite, stockage dans des tanks réfrigérés) comme à l'usine, où le lait est livré en camions-citernes. Parmi les laits liquides, on distingue le lait entier (36 g de matières grasses par litre), le lait demi-écrémé (de 15,5 à 18,5 g/l) et le lait écrémé (moins de 3 g/l).

Il existe plusieurs modes de conservation: la pasteurisation, au cours de laquelle le lait subit un traitement thermique (de 72 à 85 °C pendant une dizaine de secondes), détruit la majorité des micro-organismes présents; la stérilisation, qui élimine par la chaleur (115 °C pendant 15 à 20 minutes) tous les micro- organismes du lait, est de plus en plus pratiquée à ultra-haute température (de 140 à 150 °C pendant 1 à 4 secondes). Cette dernière technique, très efficace, a nécessité la mise au point d'appareils de A.Gribincea 4

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conditionnement aseptisés du lait stérilisé UHT (emballage métallique ou cartonné). Les laits liquides peuvent aussi être aromatisés ou enrichis en vitamines. Enfin, le lait est proposé sous d'autres formes: en poudre, fermenté, gélifié ou concentré.

Depuis vingt ans, la consommation de lait liquide en France a considérablement augmenté par rapport aux autres boissons commercialisées, y compris le vin. Ce phénomène est dû à ses qualités nutritives, mais surtout aux nouvelles facilités de conservation et de stockage de ce produit: il n'est plus nécessaire de mettre la brique de lait stérilisé au réfrigérateur pour le conserver au moins trois mois – sauf si la brique est ouverte.

Les boissons stimulantesLes boissons stimulantes ont pour caractéristique de contenir des

alcaloïdes végétaux qui augmentent de façon significative la pression sanguine, accélèrent l'activité cérébrale et favorisent la sécrétion rénale. Les trois principales boissons stimulantes, d'origine exotique et introduites en Occident pour leurs qualités médicinales, sont devenues des produits de consommation courante: le café, originaire d'Afrique, le thé, de Chine, et le chocolat, du Mexique.

Le caféier (Coffea arabica, C. canephora et C. robusta, de la famille des rubiacées) est un arbuste cultivé sous climat tropical pour ses graines. Celles-ci subissent une fermentation et un traitement par la chaleur, la torréfaction, qui développent l'arôme en libérant une huile essentielle, la caféine.

Le théier (Camellia sinensis, de la famille des théacées) est un arbre spontané qui pousse dans les régions montagneuses de la Chine, de l'Inde, de la Birmanie, de la Thaïlande et du Laos. De très nombreuses variétés sont cultivées dans le nord de l'Inde, à Java, à Sumatra, en Géorgie et à Ceylan. Les jeunes pousses florales et les feuilles fournissent, après un lent séchage, le thé vert apprécié par les Japonais. Le thé noir est obtenu par fermentation puis séchage. Les Chinois augmentent l'arôme du thé en le laissant au contact de diverses plantes parfumées comme le jasmin.

Le cacaoyer (Theobroma cacao, de la famille des sterculiacées) est un arbuste originaire de l'Amérique centrale. Les graines, ou fèves, fournissent, après fermentation et séchage, la poudre de cacao utilisée dans la préparation du chocolat; il faut ajouter du sucre pour obtenir le chocolat de confiserie. La boisson préparée par dissolution de poudre de cacao représente, en tonnage, environ le dixième des multiples produits à base de chocolat commercialisés à l'échelle internationale.

La gamme des boissons stimulantes se diversifie avec la mise sur le marché de boissons revigorantes pour sportifs dont la composition varie avec le type de sport pratiqué: sucres à absorption rapide ou, au contraire, glucides à absorption lente, protéines, vitamines, sels minéraux, etc.

Les boissons alcooliséesUne boisson alcoolisée contient avant tout de l'eau et de l'alcool en

solution – de 4 à 5 % pour la bière, de 10 à 13 % pour le vin et de 40 à 45 % pour les spiritueux –, mais aussi une fraction très limitée de substances aromatiques et colorantes. Depuis longtemps les hommes savent préparer des boissons alcoolisées par fermentation de matières organiques: l'alcool, ou éthanol, est le produit de la transformation des sucres par des micro-organismes, le plus souvent des champignons unicellulaires telle la levure.

Quelques rares boissons alcoolisées sont préparées à partir de produits animaux: le képhir, très commun en Europe centrale, est obtenu par la

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fermentation du lait; l'hydromel est obtenu par la fermentation du miel. Les autres boissons alcoolisées sont fabriquées à partir de produits végétaux: le vin est à base de raisin, le cidre à base de pommes, la bière à base d'un extrait aqueux de grains d'orge et le saké à base de grains de riz.

Le vinBoisson provenant exclusivement de la fermentation du jus de raisin, il

contient en général de 10 à 13 % d'alcool. La qualité du vin ne saurait être confondue avec sa teneur en alcool: un très grand nombre de constituants, plus de 300, participent à l'élaboration de son goût, de son arôme, de sa couleur et de ses valeurs nutritives. La dernière étape, après sa fabrication, est la maturation en fût, qui, selon le bois choisi, ajoute de l'arôme aux grands vins. Le bois de chêne, par exemple, est préconisé pour les vins de Bourgogne, alors que le bois d'acacia est responsable d'une trop forte amertume tannique.

Longtemps considéré comme une boisson «hygiénique», le vin a été consacré par Pasteur à une époque où les eaux de boisson n'avaient pas une bonne qualité bactériologique; le vin, ou l'eau coupée de vin, permettait d'éviter les contaminations. Aujourd'hui, cet argument n'a plus de raison d'être car il faut reconnaître que l'alcool, consommé par plaisir, est un euphorisant, dangereux à haute dose.

La France dispose, depuis l'époque romaine, d'un vignoble étendu et diversifié avec des crus de qualité exceptionnelle comme certains bordeaux, bourgognes, vins d'Alsace, de Loire ou des côtes-du-rhône. Bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée, qui garantit leur qualité, les grands vins sont exportés dans le monde entier. De tous les vignobles, celui de Champagne est le plus prestigieux. Sur 28 000 ha de vignes, plantées sur des terres calcaires exposées au midi, 17 000 viticulteurs produisent du raisin et le vendent aux grandes maisons (Moët, Mumm, Veuve-Cliquot, Pommery, Lanson, Roederer, Perrier-Jouët); elles élaborent le vin mousseux selon la méthode traditionnelle de double fermentation mise au point par le bénédictin Dom Pierre Pérignon au XVIIe siècle.

La consommation de vin diminue dans les pays à forte tradition vinicole comme la France, alors que dans les pays de culture anglo-saxonne, comme l'Australie, le Danemark ou la Grande-Bretagne, la consommation de vin de qualité augmente régulièrement. L'internationalisation du marché du vin est soutenue par la création de vignobles modernes, en général à partir de cépages classiques, pour la production de grands vins comme le cabernet-sauvignon et le chardonnay, à bon rendement sous des climats ensoleillés et bénéficiant d'une haute technicité pour la culture comme pour la vinification. Les États-Unis, et plus précisément la Californie, l'Afrique du Sud et l'Australie sont devenus d'importants producteurs de vin.

Les spiritueuxLes spiritueux sont des boissons alcoolisées dont la concentration en

alcool (45° environ) est obtenue par distillation. On distingue les eaux-de-vie, obtenues par distillation de vin ou de diverses plantes, et les liqueurs, préparées de la même façon mais enrichies en sucre et aromatisées par des substances végétales.

Parmi les eaux-de-vie, la vodka est élaborée à partir de grains de céréales – principalement orge ou seigle, mais aussi blé ou maïs –, voire de pommes de terre. Le whisky, d'origine britannique, est à base d'orge; le saké, boisson traditionnelle au Japon, est un alcool de riz. Le rhum, ou tafia, est fabriqué, notamment aux Antilles, à partir de canne à sucre. D'une manière générale en France, les eaux-de-vie sont à base de fruits (cerises pour le A.Gribincea 6

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kirsch, poires, mirabelles, quetsches), éventuellement de cidre (calvados), mais surtout de vin (cognac, armagnac, marcs). La qualité des grandes eaux-de-vie françaises est universellement reconnue, surtout celle du cognac; sur les 288 millions de bouteilles de cognac produites en 1990, 60 % ont été exportées. L'UE importe 56 millions de bouteilles dont 16,8 vers la Grande-Bretagne, client traditionnel, et 10,2 vers l'Allemagne. Les États-Unis, avec 32 millions de bouteilles, sont en tête des pays importateurs, suivis par le Japon, avec 28,5 millions, où la consommation augmente régulièrement.

Comme le cognac, les deux grandes eaux-de-vie de vin que sont l'armagnac et le calvados du pays d'Auge sont encore fabriquées avec des méthodes traditionnelles de distillation par alambic et ont droit à la garantie et à l'appellation d'origine contrôlée (AOC). Au-dessous de ces trois AOC se situent des eaux-de-vie à appellation d'origine réglementée (AR), produits dénommés selon leur matière première (kirsch, marc, genièvre) ou selon leur origine géographique (calvados). Les eaux-de-vie dites simples ou blanches, ou encore à fruits sans appellation de matière ou de région, sont des coupages à partir d'alcool de vin. Pour toutes ces boissons distillées, le degré d'alcool est compris entre 40° et 60°.

Les liqueurs préparées à partir de certains fruits (fraises, framboises, guignes ou cerises brunes) ou le punch, qui contient du rhum, du sucre, du thé, de la cannelle et du citron, sont des boissons dont la consommation reste faible. En revanche, le pastis, originaire de Marseille, est devenu une boisson nationale obtenue par triple distillation d'alcool pur et neutre; il titre de 40 à 50° d'alcool et contient 150 g/l de sucre et divers arômes naturels provenant de la macération de plantes, telle la réglisse. Son parfum anisé caractéristique est dû à l'anéthol (de 1,5 à 2 g/l), substance extraite de l'anis vert, de la badiane ou du fenouil. Diluée dans cinq à sept fois son volume d'eau, cette liqueur anisée est un apéritif particulièrement apprécié en France, et commercialisé dans le monde entier par la société Pernod-Ricard. Si la production des grands vins et des grands alcools est liée à un terroir précis, la consommation se mondialise. Les premières marques mondiales de spiritueux sont le rhum Bacardi avec 22,8 millions de caisses vendues en 1990, la vodka Smirnoff, 14,9 millions de caisses distribuées par le groupe Grand Metropolitan, le pastis Ricard (7,5 millions de caisses), puis le whisky Johnnie Walker (6,6 millions) et le gin Gordon (6,3 millions). Ces deux dernières marques sont distribuées par le groupe United Distillers Guiness. La plupart des autres grands groupes multinationaux sont des sociétés américaines dont le produit principal est le whisky. Dans cette rivalité internationale, la France ne joue qu'un rôle modeste à travers le groupe Pernod-Ricard d'une part, et le groupe Louis Vuitton-Moët-Hennessy (LVMH) d'autre part, premier dans son secteur.

Les autres boissons alcooliséesLa sève de certains palmiers, comme le cocotier, fournit, après

fermentation, du vin de palme. De même, la plupart des fruits peuvent servir à préparer des boissons alcoolisées, dont la plus importante sous nos climats est le cidre. Le poiré, préparé à partir de poires, peu courant, est le plus souvent mélangé au cidre, auquel il apporte un complément de parfum et d'acidité. Bien que des efforts réguliers soient développés pour implanter des vergers modernes fournissant des variétés adaptées au cidre, les industriels ont du mal à s'approvisionner et achètent souvent des pommes à couteau retirées du marché. La France est, après la Grande-Bretagne, le second producteur mondial de cidre (1,23 million d'hectolitres), dont la consommation reste cependant marginale par rapport à celles du vin ou de la bière. Le cidre n'est A.Gribincea 7

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pas vraiment entré dans l'ère industrielle, alors qu'il présente l'avantage d'être une boisson de faible degré alcoolique (3 à 5 %).

Depuis plusieurs années, les Américains ont mis au point des boissons apéritives à base de vin, aromatisées et colorées aux fruits, les «wine-coolers», dont le pourcentage d'alcool est relativement bas (5 à 7 %); ils ont été introduits depuis peu en Europe et en France.

Les boissons alcoolisées sont soumises dans la plupart des pays à des taxes élevées, ce qui explique le succès des ventes dans les zones franches des aéroports. En France, la production, le transport, la vente des boissons alcoolisées sont extrêmement réglementés dans le double but, contradictoire, de récupérer les taxes et de diminuer la consommation.

Bien que les Français soient encore en tête des consommateurs, la quantité moyenne d'alcool ingérée par individu ne cesse de diminuer. Cette baisse régulière ne concerne ni les spiritueux ni la bière mais le vin, dont la consommation a presque diminué de moitié depuis les années 1960.

L'industrie des boissonsLa croissance de la consommation des boissons industrielles est

particulièrement spectaculaire dans les pays riches, où pourtant l'eau ménagère est de bonne qualité. Le choix des consommateurs n'est évidemment pas d'ordre économique, le prix de l'eau des boissons industrielles représentant plus de trois cents fois en moyenne celui de l'eau du robinet. Les enquêtes menées par les groupes industriels pour préparer de nouveaux produits montrent que les consommateurs ont une double motivation portant à la fois sur la santé et sur le plaisir. Les boissons sans alcool jouent surtout sur le premier registre, les boissons alcoolisées sur le second. Pour mettre à la disposition du plus large public possible des boissons de bonne qualité et de bon goût, les industriels mettent en œuvre des investissements très lourds, mais très performants au niveau économique.

La réussite de l'industrie des boissons, premier secteur des industries alimentaires, s'explique d'abord par les facilités de stockage, de transport et de conditionnement, que ne permettent pas les produits carnés et plus généralement les produits périssables. Deux autres éléments ont largement contribué à son développement: en amont, les progrès de l'emballage et du conditionnement; en aval, le dynamisme du réseau moderne de la distribution. La croissance du secteur des boissons industrielles s'est accompagnée de la création de celui des emballages, particulièrement performant en ce qui concerne la fabrication de bouteilles en verre ou en plastique, de boîtes en fer ou en aluminium, de briques en carton plastifié. Cependant, une forte tendance existe au sein des entreprises agroalimentaires à intégrer la fabrication de leurs propres récipients: les usines d'embouteillage d'eaux minérales sont devenues des ateliers de fabrication de bouteilles plastique par extrusion (procédé thermique et mécanique). L'extrême variété des emballages, dans leur matière, leur taille, leur légèreté, leur commodité, leur attrait, est un facteur permanent d'innovation.

Le marketing associe un produit à un concept d'emballage, le Coca-Cola à sa célèbre bouteille en verre de 33 cl, par exemple, dessinée en 1893. La consommation des boissons est également facilitée par l'extension régulière du réseau de distribution, qui comprend trois canaux différents: les commerces alimentaires, dont un peu plus de 10 % sont des points de vente en libre-service, particulièrement performants; les cafés, les restaurants et les collectivités distribuant des boissons. Il faut ajouter les formes modernes et

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diffuses de consommation ambulante dans les avions et les trains, et les appareils automatiques fixes installés dans des lieux de passage.

Le problème de l'eau en FranceEn France, comme dans les autres pays développés, tous les foyers, à

quelques exceptions près, disposent d'une eau potable distribuée collectivement. Elle est conforme aux normes européennes qui prennent en compte 62 paramètres analytiques, comme le pH, c'est-à-dire l'équilibre acido-basique, les proportions en sels minéraux (carbonates, chlorures, phosphates, nitrates et nitrites) ainsi qu'en silice, fer, sodium et potassium et la présence de micro-organismes (bacilles coliformes, streptocoques, certains virus, des bactéries comme les salmonelles ou les shigellas), etc. Pour éliminer les populations microbiennes indésirables, les grandes sociétés de distribution d'eau utilisent le chlore ou l'ozone comme produits de stérilisation; il est souvent reproché à l'eau son goût chloré plus ou moins prononcé.

Malgré toutes les précautions prises, des accidents ponctuels surviennent lors des périodes de sécheresse relative. Certains problèmes de pollution, notamment par les nitrates, se posent depuis de nombreuses années. L'utilisation d'engrais lors des périodes de sécheresse du sol provoque l'accumulation de nitrates dans les nappes phréatiques, et la dose admissible de 50 mg/l est parfois dépassée dans les régions d'agriculture intensive comme la Bretagne ou le Bassin parisien. Les premiers touchés par une absorption excessive de nitrates sont les herbivores dont l'un des représentants, la vache, peut être le point de départ d'une chaîne d'intoxications, par le biais de sa viande ou de son lait.

La France, qui bénéficie d'un climat tempéré humide, reçoit chaque année 444 milliards de mètres cubes d'eau, de quoi satisfaire les besoins des industries, nucléaire compris, de l'agriculture et des ménages. Pour garantir ce capital, le ministère de l'Environnement dispose d'un système de contrôle de la qualité des eaux et, grâce aux agences de bassin, d'un système de pénalisations financières des pollueurs.

Avec 400 l/an de boissons industrielles ingérées par personne, soit plus de 1 l/j, les Français se placent parmi les très gros consommateurs.

Le cidreLe cidre serait originaire du Pays basque espagnol, puis aurait été

introduit en Normandie et en Angleterre. Fabrication: des pommes douces, douces-amères et acidulées, ayant atteint le stade de maturité requis, sont stockées, puis lavées et broyées avant d'être soumises à l'action du pressoir. Le jus soutiré à l'abri de l'air (de 25 à 30 l de moût pour 100 kg de pommes) est filtré puis transféré, pour y subir la fermentation, dans des cuves ou des fûts fermés. Ceux-ci doivent être tenus pleins en permanence (ouillage), et ce n'est que lorsque la densité ne varie plus pendant huit jours que la fermentation est considérée comme terminée. Le marc est utilisé pour l'obtention de pectine ou comme aliment du bétail. Le cidre sec provient de la fermentation complète du moût, tout le sucre étant transformé en alcool. Le cidre doux est retiré et mis en bouteilles avant que la fermentation soit terminée. Le cidre mousseux est obtenu par plusieurs fermentations lentes, et conditionné en bouteilles champenoises. La distillation du cidre produit des eaux-de-vie, dont le calvados.

Le cognacA.Gribincea 9

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La Charente possédait, il y a plus de cinq siècles, le plus grand vignoble de France. Les vins étaient presque totalement exportés jusqu'au XVIIe siècle, époque de l'ouverture de la route des épices, où ils furent supplantés par les vins de Porto et d'Espagne, de qualité supérieure. Les Charentais eurent alors l'idée de distiller leur production. Celle-ci, exportée en Angleterre, prit le nom de brandy. Lors du Blocus continental (1806), les fûts de brandy demeurèrent à quai à Cognac. Lorsque le commerce reprit, on s'aperçut que l'eau- de-vie s'était colorée et bonifiée. On lui donna alors le nom de cognac.

Le vin de Charente est distillé en deux fois, à feu nu, dans un alambic charentais. La première fois, on obtient le «brouillis», que l'on distille une seconde fois, en séparant le début d'écoulement (la «tête»), et la fin (la «queue»); le milieu (le «cœur»), étant seul conservé. La tête et la queue sont réincorporées dans une autre distillation. L'eau-de-vie titre alors 70° et est incolore. Elle est mise à vieillir dans des fûts neufs de chêne du Limousin, qui ont subi une longue préparation. Après un stage variant de deux à cinq ans, le maître de chai procède aux mélanges et coupages, très délicats, des produits de différentes origines et les soumet à nouveau au vieillissement dans des fûts usagés («épuisés»), qui n'ont plus de tanin. La perte au vieillissement (appelée «part des anges») est de l'ordre de 3 à 4 % par an. Toutefois, les procédés modernes de fabrication (congélation, rayons) remettent en question toutes ces données pour un résultat sensiblement identique. Les cognacs sont classés en trois catégories: Trois Étoiles (5 ans d'âge), VO (Very Old: 20 ans), VSOP (Very Superior Old Pale: 30 ans).

Vigne et vinLa culture de la vigne et l'élaboration du vin· L'importance du milieu de culture· L'importance du cépage· Une culture exigeante· Cinq millénaires de techniques de vinificationLes civilisations de la vigneÉconomie mondiale du vin

Parmi toutes les variétés de vignes, seule Vitis vinifera, une liane qui pousse naturellement en Transcaucasie, permet d'obtenir un vin de qualité. La culture de la vigne et l'élaboration du vin

Le genre Vitis, de la famille des ampélidacées (d'où le nom d' «ampélographie» donné à la science des variétés de vigne), présent dans l'Ancien et le Nouveau Monde, ne comprend que quelques espèces capables de produire du vin. Au sein de l'espèce V. vinifera, des dizaines de variétés, ou cépages, ont été différenciées au cours des milliers d'années d'évolution de la viticulture, de la même façon que l'ont été les races d'animaux domestiques, par sélection ou hybridation. Certains cépages sont probablement inchangés depuis l'époque romaine, d'autres sont apparus récemment ou ont été redécouverts.

L'importance du milieu de cultureLa culture de la vigne s'accommode de la plupart des climats et des sols.

Mais la qualité du vin obtenu dépend étroitement des conditions climatiques, topographiques, pédologiques et de l'action des hommes.

Le climatAinsi, la viticulture n'est possible que sous les climats tempérés

relativement doux et secs et à une altitude inférieure à 800 m. Des hivers trop

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froids, des étés trop pluvieux ou trop secs provoquent des maladies, détruisent les récoltes avant maturation des fruits, ou encore donnent des jus sans saveur ou trop acides pour être vinifiés. Le climat méditerranéen, doux et humide l'hiver, sec et chaud l'été, est le plus favorable à la viticulture. Les principaux pays producteurs comprennent tous des régions ayant un tel climat. Toutefois, certains vignobles de très haute qualité – les deux plus prestigieux, dans le Bordelais et en Bourgogne, notamment –, situés en dehors du monde méditerranéen, bénéficient de climats locaux particuliers.

Les principaux aléas climatiques ennemis de la vigne sont les gelées de printemps, les trop fortes pluies d'été, les orages de fin d'été ou de début d'automne (le vent et la grêle sont destructeurs) et les gelées trop longues en hiver, qui tuent les bourgeons.

À l'inverse, un apport régulier de pluies (de 600 à 700 mm/an), y compris pendant la fructification, des hivers froids sans excès et un bon ensoleillement dans les deux mois qui précèdent la récolte sont des facteurs favorables.

Le sol, ou l'importance des terroirs viticolesPour donner du vin de qualité, la vigne exige deux conditions principales.

En premier lieu, une exposition favorable au soleil: tous les vignobles sont en plaine ou sur des coteaux exposés au soleil pendant une bonne partie de la journée; la lumière directe du soleil est nécessaire à l'enrichissement du raisin en sucres.

En second lieu, le sol doit évacuer l'eau rapidement pour n'en retenir que la quantité nécessaire au bon développement de la plante. Les vignobles poussent donc presque toujours sur des sols légers mêlant argile et graviers, voire galets. Parfois, la topographie aide à l'évacuation du trop-plein d'eau: à l'exception du Bordelais, tous les vignobles de très haute qualité en France sont «de coteau». Si la vigne peut pousser sur des sols alcalins ou acides, les composants chimiques sont essentiels pour déterminer ses qualités. Au sein d'une même région, les différents types de vins – les crus – correspondent souvent à des différences parfois minimes de pédologie. Au fil des siècles, les vignerons puis les œnologues ont appris à distinguer les parcelles plantées de vignes en fonction des qualités de vin qu'elles donnaient, parvenant au cours des XIXe et XXe siècles à des délimitations précises – au mètre près –, comme en Bourgogne.

L'importance du cépageLe choix du cépage est déterminant, car les variétés ont des qualités

organoleptiques (c'est-à-dire de parfum, de goût) spécifiques et reconnaissables. Ainsi, le pinot noir, caractéristique des vins de Bourgogne rouges, rappelle les arômes de certaines cerises, alors que le cabernet (bordeaux rouges) évoque le poivron et les fruits rouges.

Tous les vins de qualité correspondant à des secteurs bien définis de la région d'appellation – les crus – sont produits à partir de cépages précis, soigneusement contrôlés. À l'exception du champagne (où cette opération s'appelle l'assemblage), aucun vin de cru n'est le résultat de mélanges entre des vins de différentes parties d'une région. En revanche, il est possible de produire des vins de coupage bénéficiant d'une appellation, mais leur qualité est moindre. Seuls les vins de basse qualité mélangent indifféremment les jus de différents cépages (généralement à forte production, comme l'aramon).

Une culture exigeanteOutre la sélection des espèces utilisées, les soins à apporter à la vigne en

font une des plantes les plus exigeantes à cultiver. Elle nécessite, avant d'être plantée, de grands travaux de terrassement et de drainage, mais aussi un A.Gribincea 11

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apport de terre ou d'éléments minéraux. Une fois les jeunes ceps plantés, il faut de trois à quatre années de soins (labours, traitements divers, taille) avant de pouvoir récolter. Adulte, la vigne demande toujours beaucoup de travail, essentiellement de mars à août: labour entre les rangs pour aérer le sol; plusieurs traitements chimiques ou biologiques contre les parasites et les maladies, dès le printemps; et surtout la taille, qui se fait en hiver, mais aussi en été pour que les rameaux porteurs de raisins profitent le plus possible du soleil.

Les métiers du vinDepuis environ un siècle, les activités et les métiers traditionnels liés à la

vigne (culture proprement dite, tonnellerie, verrerie, ouvriers agricoles, négociants) ont vu apparaître de nouveaux métiers qui traduisent les progrès techniques de la viticulture. Ainsi, il n'existe pratiquement plus de vin produit sans l'aide et les conseils de techniciens œnologues. Par ailleurs, la mécanisation de la viticulture, bien que tardive, fut rapide et massive. De nombreux engins à labourer et à traiter, dont la silhouette haut perchée est caractéristique – ce sont les enjambeurs, qui passent au-dessus des rangs de ceps –, mais aussi des machines à vendanger ont contribué au développement des entreprises de machines agricoles. La viticulture moderne utilise, entre autres, des cuves d'acier inoxydable, des machines à filtrer et d'autres à embouteiller, qui n'existaient pas voilà encore quelques décennies.

La lutte contre les maladiesEnfin, la lutte contre les nombreuses maladies de la vigne a beaucoup

progressé depuis un siècle et demi. Au XIXe siècle, de grandes épidémies ont bouleversé la répartition traditionnelle des vignobles et les cépages utilisés. Les maladies sont dues à trois grands types d'agents: les champignons, comme le mildiou ou la pourriture grise, qui touchent le feuillage ou les raisins et contre lesquels les traitements (sulfate de cuivre, fongicides) furent mis au point entre 1850 et nos jours; les virus, plus difficiles à éliminer, qui nécessitent de replanter des ceps sains; les insectes, qui sont souvent redoutables. Parmi ces derniers, les pucerons du genre Phylloxera provoquèrent une crise très grave du vignoble français à partir de 1863: arrivé avec des cépages américains (immunisés contre la maladie), le phylloxéra détruisit, en vingt ans, presque toutes les vignes, obligeant à replanter des variétés américaines (donnant du vin de faible qualité), puis des ceps greffés (racines américaines résistantes et tronc de cépages européens) pour obtenir du raisin de qualité. Malheureusement, il n'existe toujours pas de traitement satisfaisant contre cette maladie, qui fit disparaître des vignobles entiers et entraîna la ruine de la plupart des viticulteurs du sud de la France à la fin du XIXe siècle.

Cinq millénaires de techniques de vinificationLa découverte du vin voici près de six mille ans est probablement due à

un hasard heureux. En effet, il ne suffit pas de laisser fermenter du jus de raisin pour obtenir du vin: l'essentiel réside dans le contrôle de l'activité des levures présentes sur la peau des raisins et qui transforment les sucres en alcool; interviennent aussi les variations de température et divers procédés, pendant la cuvaison et la période de vieillissement en tonneaux. Jusqu'aux découvertes de Pasteur, les étapes déterminantes se faisaient intuitivement, grâce à des millénaires de pratique. Dans l'Antiquité, le pouvoir de vinification était attribué à des forces magiques ou divines.

De nos jours, la maîtrise des processus biochimiques est de plus en plus importante, notamment grâce aux nouveaux équipements. L'élaboration du vin se fait différemment pour les rouges et les blancs. Le seul élément commun est A.Gribincea 12

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la vendange, dont la date précise est fixée – en fonction du degré de maturation du raisin – au moment où sucres et acides atteignent un point d'équilibre. Commençant début septembre, voire fin août, dans les vignobles méridionaux, elle peut attendre jusqu'à octobre dans le Nord, et parfois novembre.

Les vins rougesIls sont obtenus exclusivement avec du raisin rouge. Après la vendange,

les grains sont très vite placés dans de grandes cuves, après avoir été foulés – jadis avec les pieds, aujourd'hui mécaniquement – et éventuellement séparés de la grappe, ou rafle. Un liquide épais, comprenant les peaux et le jus, et appelé moût, est obtenu; il fermente pendant une à cinq semaines, dégageant du gaz carbonique, qui résulte de la transformation des sucres en alcool. À la fin de la fermentation, le liquide (ou «vin de goutte»), auquel les peaux ont donné sa couleur rouge, est soutiré, puis le résidu solide (peau, rafle, pulpe) est pressé pour en extraire le jus restant («vin de presse»). L'ensemble est placé en tonneaux (ou en cuves d'acier inoxydable) pour la maturation. Pendant la première année, on laisse le vin absorber de l'oxygène: il connaît une forte évaporation et une fermentation (dite malolactique) qui font baisser son acidité. Par soutirage, le vin est débarrassé d'un résidu, la lie. Puis il vieillit encore, mais à l'abri de l'air. À la fin de la maturation en cuves (elle dure de un à deux ans), il est clarifié («collage» à l'aide de gélatine ou de blanc d'œuf qui coagule en retenant les particules trop grosses), filtré, puis mis en bouteilles.

Les vins blancsIls sont obtenus avec des raisins rouges ou blancs – on parle alors de vin

«blanc de blancs» –, avec cette différence essentielle que les peaux sont séparées par pressurage immédiatement après la vendange. Comparées à celles des vins rouges, la fermentation se fait dans des cuves fermées, à température plus basse, et la période de maturation est moins longue. La mise en bouteilles est également précédée de collages et de filtrages, car les vins blancs sont appréciés des consommateurs quand ils sont parfaitement limpides.

Les vins rosés sont obtenus avec du raisin rouge dont les peaux sont laissées en contact avec le jus le tempsnécessaire à sa coloration. La vinification, après la séparation des peaux, est la même que pour les vins blancs. Contrairement à une idée reçue, on ne fait jamais de vin rosé en mélangeant du vin blanc et du vin rouge; une exception autorisée en France est le champagne rosé.

Les traitements spéciauxLes moûts obtenus après la vendange n'ont pas toujours la qualité voulue

pour donner un bon vin; on procède alors à des ajouts de substances correctrices. Par ailleurs, certains vins (les blancs surtout) nécessitent des méthodes spéciales de vinification.

Des traitements strictement contrôlésLe plus connu est l'ajout de sucre au moût; c'est la chaptalisation (du

nom du chimiste Chaptal). Le plus souvent interdite, cette méthode est autorisée dans les régions où les raisins donnent des moûts insuffisamment sucrés. On observe cependant des abus, de plus en plus efficacement détectés par des appareillages électroniques perfectionnés. Certains vins rouges, surtout ceux de primeur (vendus quelques mois après la récolte), sont souvent soumis à un début de fermentation dans des cuves, à l'abri de l'air; ce procédé appelé «macération carbonique» donne des vins plus fruités. On peut aussi désacidifier ou acidifier les vins, ou encore augmenter leur concentration par A.Gribincea 13

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ajout de moût ou de sucre de raisin, mais, là encore, les pratiques sont très réglementées. Enfin, les vins de consommation courante sont souvent pasteurisés pour éviter leur dégradation par des levures ou des bactéries.

Des vins particuliersLes vins doux naturels, blancs pour la plupart, sont très riches en sucres

et assez alcoolisés (de 14 à 15°). Leur fermentation est arrêtée par ajout d'alcool à 90°: les sucres naturels ne se transforment pas tous, car les levures meurent. Ces vins sont souvent obtenus avec du raisin muscat.

Les vins moelleux sont des blancs dont la richesse en sucre, naturelle, résulte d'un pourrissement contrôlé du raisin. Le vin obtenu (sauternes, tokay hongrois) se caractérise toujours par sa grande quantité de sucre et d'alcool, par ses arômes de fruit. Dans le Jura français, le vin de paille résulte du séjour prolongé, sur des claies recouvertes de paille, des plus belles grappes de raisin de la récolte: la teneur en sucre augmente avec l'évaporation de l'eau.

Le vin de Champagne fut mis au point à la fin du XVIIe siècle; la légende attribue son invention à un moine nommé Dom Pérignon, qui ne fit que perfectionner la méthode. Après les vendanges et une première fermentation, le vin blanc est assemblé, filtré, mis en bouteilles, additionné de sucre et de levures, puis capsulé hermétiquement. Une seconde fermentation produit alors beaucoup de gaz. On laisse le vin vieillir en remuant régulièrement les bouteilles, placées tête-bêche, pour faire descendre les dépôts près du goulot. Les bouteilles sont ensuite ouvertes pour enlever le dépôt, puis refermées à l'aide de bouchons spécifiques de ce vin. La même méthode est utilisée pour produire des vins mousseux.

Les civilisations de la vigneLa vigne peut être qualifiée de «plante de civilisation», car elle

caractérise, depuis des millénaires, les sociétés méditerranéennes, comme le riz caractérise des pays asiatiques ou le maïs l'Amérique précolombienne. Cette spécificité tient à plusieurs éléments: la vigne et le vin y ont une valeur culturelle et religieuse très forte; la transformation du jus de raisin en vin fut très longtemps un mystère, ce qui explique l'attribution de la vigne à des dieux puissants (Osiris, Dionysos) chez les peuples polythéistes, puis son rôle essentiel chez les juifs et les chrétiens; le vin est un breuvage si chargé de magie et de bienfaits que l'islam, contrairement à ce qui est souvent dit, n'en proscrit pas la consommation, mais la réserve aux bienheureux séjournant au Paradis.

Outre son caractère religieux, la culture de la vigne a imprégné bien des aspects de la vie des peuples qui la pratiquent. Le rôle social de la consommation de vin est très important, depuis les banquets grecs jusqu'au verre de vin bu entre amis au comptoir d'un café. Le vocabulaire dans ce domaine est presque inépuisable: la langue française compte des centaines de mots et d'expressions pour décrire l'ivresse.

Dès le Moyen Âge, les puissants – les ecclésiastiques, puis les nobles et les bourgeois – rivalisèrent pour détenir les meilleures parcelles de vigne et produire le meilleur vin. Au XVIIIe siècle, la marquise de Pompadour et le prince de Conti se disputèrent longtemps le prestigieux domaine de La Romanée, en Bourgogne, que le prince finit par emporter, donnant son nom au vin aujourd'hui le plus cher du monde, le romanée-conti.

À la différence des céréales, plantes ubiquistes (pouvant pousser presque partout), la vigne exige des terroirs

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et des soins particuliers; c'est l'une des formes d'agriculture qui nécessitent le plus de main-d'œuvre. Les régions viticoles ont souvent une population dense, et leurs gros villages présentent un aspect similaire: les bâtiments sont groupés dans les terres basses et trop humides pour la vigne; les maisons sont relativement hautes, car le rez-de-chaussée sert à entreposer le matériel de récolte et de vinification (bennes de transport, pressoir, cuves).

Les vignerons ont de longue date développé des sociétés rurales soudées, solidaires, parce que l'entretien desvignes et les vendanges l'exigent. Lors des crises viticoles, ils se sont souvent unis pour défendre leurs intérêts, parfois en ayant recours à la violence, comme au début du XXe siècle en Languedoc.

Les régions viticoles sont traditionnellement riches, les maisons sont souvent décorées, comme en Alsace, ou assez cossues, comme en Bourgogne; dans le Bordelais, l'argent accumulé a permis la construction par les propriétaires et les négociants les plus prospères de nombreux manoirs, les «châteaux», qui donnent leur nom aux domaines, même quand il n'y a pas de château. Au cœur des vignobles, les villes tirent l'essentiel de leur richesse du négoce du vin: Bordeaux, Beaune, Épernay, Reims ou Cognac ont longtemps dépendu étroitement de la prospérité du vignoble qui les entoure. Cette richesse, visible dans l'opulence de ces villes, dans la beauté de leur architecture, s'exprime aussi à travers des traditions, comme la vente, pratiquée depuis la fin du Moyen Âge, des meilleurs tonneaux de Bourgogne au profit des Hospices de Beaune. Le commerce du vin explique la naissance de quartiers urbains spécifiques, comme celui des Chartrons à Bordeaux ou, à Paris, celui qui abritait la Halle aux vins – où s'élèvent aujourd'hui les bâtiments universitaires de Jussieu – et Bercy.

Économie mondiale du vinLa vigne est cultivée dans les deux hémisphères entre les 35e et 50e

parallèles. L'Europe fournit, selon les années, de la moitié aux deux tiers de la production mondiale.

RépartitionAu sein de l'Union européenne, trois pays dominent: l'Italie et la France,

aux productions équivalentes en quantité – la France l'emporte nettement pour la valeur de la production –, suivies par l'Espagne. Viennent ensuite le Portugal et l'Allemagne.

L'Europe centrale et les pays de l'ex-URSS constituent la deuxième aire de production, même si le démembrement de l'URSS a fait baisser la production. La Hongrie possède un vignoble de grande qualité, où les appellations d'origine sont parmi les plus anciennement définies. En Asie, seule la Chine produit des quantités importantes de vin, sur un vignoble en forte expansion depuis dix ans. Hors de l'Ancien Monde, trois régions dominent. Les États-Unis sont le 5e producteur mondial, grâce à un vignoble présent dans 44 États sur 50, et parmi lesquels dominent la Californie (vallée de la Napa) et l'État de New York. L'Argentine, longtemps 5e producteur mondial, a vu sa production réduite de moitié pendant les récentes années de grave crise économique. Quelques autres pays, comme le Chili, ont su développer et orienter vers la qualité des vignobles anciens, datant de la colonisation espagnole. Enfin, la République sud-africaine et l'Australie voient leur production croître en quantité comme en qualité, et donc en réputation. De plus, la Californie et la Turquie, par exemple, produisent du raisin de table et du raisin sec.

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Appellations et types de vignoblesLongtemps liée au prestige de ses propriétaires, à l'habileté des

négociants ou au prix de vente, la réputationd'un vin – et donc du vignoble qui le produit – est désormais essentiellement déterminée par sa place dans la classification, laquelle existe dans la plupart des pays viticoles. Alors qu'au XIXe siècle il était possible de vendre du vin ne correspondant pas à ce que déclarait le vendeur – la confiance accordée au vigneron ou au négociant était la seule garantie – le XXe siècle a vu l'essor des classifications et des réglementations de la production, mais aussi de la commercialisation des vins.

L'une des premières tentatives de classement date de 1855, où les grands crus du Médoc et des Graves (Bordelais) furent hiérarchisés après une dégustation lors d'une exposition agricole. Les premières appellations d'origine (labels octroyés par les associations de producteurs reconnues par les administrations agricoles) sont apparues en France et dans quelques pays (Hongrie, Italie) il y a presque un siècle. Elles se sont peu à peu généralisées et affinées. Dans tous les cas, une appellation exige pour être attribuée le respect de critères strictement contrôlés: aire géographique (de la région à la parcelle), nature du sol, cépages utilisés, volume de production, mode de vinification et de traitement des jus. Plus récemment, les mutations des vignobles de masse (effort d'amélioration de la qualité) ont amené les autorités réglementaires à définir plusieurs niveaux de qualité d'appellation. En France, on distingue, par ordre de qualité croissante, les vins de table (pouvant être produits partout et mélangés dans les bouteilles), les vins de pays (limités à une région), les vins délimités de qualité supérieure (VDQS) et les vins d'appellation d'origine contrôlée (AOC). C'est au sein de cette dernière catégorie qu'on trouve les distinctions entre vins de qualité et vins de grand cru.

À l'étranger, certains pays, comme l'Italie, utilisent des classements similaires, alors que d'autres, comme les États-Unis, recourent à des typologies fondées plutôt sur l'utilisation d'un cépage précis – c'est aussi le cas, traditionnel, du vignoble alsacien. En France, pays aux vins les plus réputés, les centaines d'appellations reconnues peuvent être regroupées en quelques grandes régions: Bordelais, Bourgogne, Val de Loire, Languedoc-Roussillon, vallée du Rhône, Provence, Champagne, Alsace et Est (Jura, Savoie). Chacune de ces régions produit des vins de diverses qualités: le Bordelais est à la fois le plus grand vignoble de masse (vin de table à quelques francs le litre) et la région de quelques-uns des crus les plus chers du monde (jusqu'à plusieurs centaines de francs par bouteille). En Bourgogne, les appellations sont si précises que les crus les plus réputés doivent comporter sur l'étiquette l'indication des terroirs ou des parcelles de production.

Enfin, les vignobles peuvent être différenciés par les modes de distribution et de commercialisation. Si la plupart des vins de grand cru sont achetés aux producteurs par des négociants avant d'être distribués au détail, les vins de qualité intermédiaire sont souvent vendus directement par les producteurs, soit à des particuliers, soit à des caves coopératives qui assurent vinification, conservation et distribution. Les vins de table sont vendus surtout par l'intermédiaire de gros négociants, parfois également spécialisés dans la vente des plus grands crus. Certaines régions ont développé des modes particuliers de commercialisation: en Champagne, les négociants les plus réputés, les grandes maisons de champagne, sont à la fois producteurs, vinificateurs et négociants. En Alsace, au contraire, les petits producteurs et les coopératives dominent le marché.A.Gribincea 16

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L'expansion contemporaineLe vin est une production d'intérêt économique majeur: en France, le

chiffre d'affaires de la viticulture est de plusieurs dizaines de milliards de francs, et le vin est un des premiers produits d'exportation. Quelques régions en tirent l'essentiel de leur richesse, comme la Champagne viticole ou le Beaujolais. De plus, si la production mondiale a baissé fortement depuis vingt ans, la valeur des vins a augmenté jusqu'en 1990.

La consommation connaît donc une double évolution. D'une part, la demande baisse en quantité: les Français boivent moins de 60 l de vin par habitant et par an, contre plus de 120 il y a un siècle; c'est également le cas des Italiens et des Espagnols. Quelques pays, comme les États-Unis, voient leur consommation augmenter, mais c'est le résultat de modifications des habitudes de consommateurs peu habitués au vin. Le vin est donc une boisson conquérante, aux dépens de la bière ou de la vodka. D'autre part, les producteurs ont décelé et encouragé la tendance, permanente depuis plus de trente ans chez les consommateurs, à exiger des vins de qualité croissante.

En France, pays amateur de vin, notamment pour les repas, le marché des vins de table stagne, alors que celui des vins d'appellation d'origine n'a cessé de croître depuis 1960, avec l'élevation du niveau de vie. Tous les vignobles français évoluent donc vers l'amélioration: le vignoble languedocien, autrefois «océan de vignes», a connu des arrachages massifs depuis trente ans, des replantations en cépages de qualité et la multiplication des vins d'appellation d'origine contrôlée. Cette politique engagée par les producteurs, les caves coopératives (très importantes dans la profession viticole) et les pouvoirs publics représentait le seul moyen de compenser la forte concurrence de l'Espagne et de l'Italie, et la désaffection à l'égard des vins les plus courants.

Le vin connaît d'autres modifications importantes. Il est toujours un produit à la fois de luxe et très populaire. Ses modes de diffusion se sont multipliés – les trois quarts des ventes se font en grandes surfaces –, assortis de nouveaux conditionnements pour les vins de table: pack en carton, cubitainer (ou mieux, cubiteneur). Il est devenu un enjeu commercial entre les vieux pays producteurs et les nouveaux, comme les États-Unis, dont la production en volume est forte depuis longtemps et qui ont récemment modifié leurs stratégies commerciales pour limiter les importations de vins français, italiens et allemands de qualité.

Enfin, la publicité et la mercatique (marketing) ont fait du vin une boisson recherchée par de nouveaux consommateurs, pour des raisons de prestige social ou grâce à de nouveaux produits, comme les wine coolers, vins peu alcoolisés au fort goût de fruit, qui veulent concurrencer les jus de fruit et les sodas. Quant aux vins de grande qualité, il est très valorisant, dans les classes aisées des pays occidentaux, de savoir les choisir et les déguster; ils connaissent le même phénomène de mode que le whisky et la vodka dans les années 1960.

Boissons non alcoolisées

Les boissonsLes boissons sans alcool· Les eaux minérales· Sodas, sirops et jus de fruits

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· Le lait· Les boissons stimulantesLes boissons alcoolisées· Le vin· Les spiritueux· Les autres boissons alcooliséesL'industrie des boissonsLe problème de l'eau en France

Élément indispensable au bon fonctionnement de l'organisme humain par l'eau qu'elle lui apporte, la boisson est également un élément fondamental de la vie en société. Elle définit une culture par sa nature – de l'hydromel gaulois à la tequila mexicaine et au saké japonais – comme par son mode de consommation: elle scelle la communauté, primitive ou médiévale, des hommes qui se passent, de main en main, la même coupe; elle souligne – vin, bière, whisky ou Coca-Cola – un type spécifique de relations humaines et de comportements quotidiens. Elle est enfin une composante de l'industrie agroalimentaire moderne.

Les boissons sans alcoolDepuis les années 1970, l'industrie française des boissons non

alcoolisées a connu un développement considérable. Il existe un large éventail de produits, qu'ils soient seulement traités par l'industrie (eaux minérales, lait), complètement fabriqués à partir de sucs végétaux (jus de fruits, sodas) ou obtenus par infusion (café, thé, etc.).

Les eaux minéralesUne eau minérale est une eau de source, pure et naturelle, caractérisée

par la présence, en plus ou moins grande quantité, de sels minéraux qui lui confèrent des qualités thérapeutiques.

Les eaux fortement minéralisées sont utilisées pour leur apport en sels minéraux spécifiques; il existe des eauxchlorurées sodiques, des eaux bicarbonatées comme l'eau de Vichy-Saint-Yorre (6,7 g/l) et l'eau de Badoit (2 g/l). Très riches en sodium, déconseillées dans le cas d'un régime sans sel, elles apportent du calcium, du magnésium et du fluor. Les eaux moyennement minéralisées comme Vittel-Hépar (2,7 g/l), Contrexéville (2,1 g/l) et Vittel Grande Source (1 g/l) sont sulfatées calciques. Les eaux faiblement minéralisées sont recommandées pour les régimes sans sel, qu'elles soient gazeuses comme Perrier (0,4 g/l) ou plates comme Évian (0,3 g/l) et Volvic (0,1 g/l). Ces deux dernières sont aussi adaptées aux besoins des nourrissons. Celles que l'on appelle les eaux de source, faiblement minéralisées, n'ont aucune propriété médicinale.

La France détient un triple record mondial de production, de consommation et d'exportation. Ces résultats ont été obtenus par trois sociétés multinationales: Nestlé (Vittel), BSN (Évian et Badoit) et Perrier (Contrexéville, Volvic, Saint-Yorre, Vichy, Perrier). Grâce à d'importants efforts publicitaires, les eaux minérales sont sorties du domaine thérapeutique pour être consommées par un très large public recherchant des qualités plus abstraites comme la pureté, l'équilibre ou la forme physique.

L'industrie des eaux minéralisées est pratiquement réduite aux manœuvres de conditionnement: les eaux gazeuses peuvent être directement mises en bouteilles capsulées pour conserver leurs gaz naturels. Les eaux aux propriétés physiques et chimiques stables (Évian, Vittel, Contrexéville) sont

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peu modifiées après la source; elles sont mises en bouteilles ou en boîtes, puis transportées et stockées. Certaines sont conditionnées sous pression dans des atomiseurs pour usages externes (Évian, Vittel). Cependant, la pollution par les nitrates ou les hydrocarbures de sources proches des régions urbaines ou d'agriculture intensive entraîne leur fermeture.

Sodas, sirops et jus de fruitsLes sodas sont des boissons gazeuses préparées à partir d'eau minérale

pauvre en ions calcium et magnésium qui précipitent avec les jus de fruits. Ils contiennent aussi des extraits de plantes, du sucre et du gaz carbonique. L'ancêtre de cette famille de produits, la limonade, aromatisée au citron, est en perte de vitesse sur le marché. Le Coca-Cola, inventé en 1886 par un pharmacien géorgien, M. Pemberton, contient de la noix de cola, extrait végétal riche en caféine. La société multinationale Coca-Cola, fondée à Atlanta en 1892 et implantée maintenant dans le monde entier, est devenue un symbole de la société de consommation.

L'industrie des boissons gazeuses s'est diversifiée en fabriquant des «bitters», produits rendus amers par l'adjonction d'extraits végétaux (gentiane, quassia ou éventuellement quinine et strychnine), qui donnent du tonus et de l'appétit. Mais le marché a été complètement relancé par l'apparition de boissons gazeuses «light», c'est-à-dire sans calories car édulcorées avec des produits de substitution comme l'aspartame. Le premier consommateur de ces «soft drinks» est le citoyen américain, qui absorbe en moyenne 166 l/an. En Europe, la consommation moyenne est de 54 l/an, avec des extrêmes comme l'Allemagne (80 l/an) et la France (30 l/an environ).

Les sirops sont élaborés à partir d'une solution concentrée et incolore de sucre et d'eau. Des sirops aromatiques contenant de l'acide citrique et divers parfums et colorants sont utilisés par les industriels pour préparer des boissons gazeuses. Les «sirops de bouche», notamment la grenadine, sont employés par l'industrie pour édulcorer des apéritifs ou par le consommateur pour préparer des boissons par addition d'eau. Les jus de fruits, produits entièrement naturels, sont obtenus par pression de fruits sélectionnés. Les jus les plus répandus sont préparés à partir de fruits de pays tempérés (pommes, raisins et tomates) et de pays exotiques (ananas, oranges, pamplemousses, mangues, goyaves et fruits de la Passion). Certaines espèces fruitières produisent des jus trop pulpeux (abricots, pêches, poires) ou trop acides (cassis, groseilles, framboises). Il est alors nécessaire, pour les consommer directement, d'ajouter de l'eau et du sucre. Le produit obtenu n'est plus un jus mais un nectar de fruits. L'appellation jus de fruits n'est valable que pour un produit pur, sans sucre, sans anhydride sulfureux et sans acide ascorbique (produits autorisés). La présentation des jus de fruits sous forme de briques de carton plastifié a constitué une grande innovation. Les jus de fruits, stérilisés par ultra-haute température (UHT) lors de l'empaquetage, sont les plus naturels puisque sans conservateurs. Le succès commercial de ces nouveaux produits a entraîné la régression des ventes de boissons fruitées, plates ou gazeuses, sous emballages classiques (bouteilles et boîtes). Les industriels ont alors réagi en proposant de nouveaux conditionnements, tels que la bouteille plastique de grande contenance (2 l), qui a connu un fort développement.

Le laitSeule boisson d'origine animale, le lait a une composition relativement

stable: 1 l comprend près de 875 g d'eau, 46 g de glucides (lactose ou sucre de A.Gribincea 19

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lait), 39 g de lipides, 35 g de protéines. Le lait est également riche en calcium, en potassium et en vitamines. Sa valeur nutritionnelle est de 68 kcal pour 100 g. Le lait cru, c'est- à-dire n'ayant subi aucune transformation, ne représente aujourd'hui qu'une part négligeable des ventes: le lait est devenu un produit industriel transformé. Les soins les plus attentifs sont apportés à la ferme (mécanisation de la traite, stockage dans des tanks réfrigérés) comme à l'usine, où le lait est livré en camions-citernes. Parmi les laits liquides, on distingue le lait entier (36 g de matières grasses par litre), le lait demi-écrémé (de 15,5 à 18,5 g/l) et le lait écrémé (moins de 3 g/l).

Il existe plusieurs modes de conservation: la pasteurisation, au cours de laquelle le lait subit un traitement thermique (de 72 à 85 °C pendant une dizaine de secondes), détruit la majorité des micro-organismes présents; la stérilisation, qui élimine par la chaleur (115 °C pendant 15 à 20 minutes) tous les micro- organismes du lait, est de plus en plus pratiquée à ultra-haute température (de 140 à 150 °C pendant 1 à 4 secondes). Cette dernière technique, très efficace, a nécessité la mise au point d'appareils de conditionnement aseptisés du lait stérilisé UHT (emballage métallique ou cartonné). Les laits liquides peuvent aussi être aromatisés ou enrichis en vitamines. Enfin, le lait est proposé sous d'autres formes: en poudre, fermenté, gélifié ou concentré.

Depuis vingt ans, la consommation de lait liquide en France a considérablement augmenté par rapport aux autres boissons commercialisées, y compris le vin. Ce phénomène est dû à ses qualités nutritives, mais surtout aux nouvelles facilités de conservation et de stockage de ce produit: il n'est plus nécessaire de mettre la brique de lait stérilisé au réfrigérateur pour le conserver au moins trois mois – sauf si la brique est ouverte.

Les boissons stimulantesLes boissons stimulantes ont pour caractéristique de contenir des

alcaloïdes végétaux qui augmentent de façon significative la pression sanguine, accélèrent l'activité cérébrale et favorisent la sécrétion rénale. Les trois principales boissons stimulantes, d'origine exotique et introduites en Occident pour leurs qualités médicinales, sont devenues des produits de consommation courante: le café, originaire d'Afrique, le thé, de Chine, et le chocolat, du Mexique.

Le caféier (Coffea arabica, C. canephora et C. robusta, de la famille des rubiacées) est un arbuste cultivé sous climat tropical pour ses graines. Celles-ci subissent une fermentation et un traitement par la chaleur, la torréfaction, qui développent l'arôme en libérant une huile essentielle, la caféine.

Le théier (Camellia sinensis, de la famille des théacées) est un arbre spontané qui pousse dans les régions montagneuses de la Chine, de l'Inde, de la Birmanie, de la Thaïlande et du Laos. De très nombreuses variétés sont cultivées dans le nord de l'Inde, à Java, à Sumatra, en Géorgie et à Ceylan. Les jeunes pousses florales et les feuilles fournissent, après un lent séchage, le thé vert apprécié par les Japonais. Le thé noir est obtenu par fermentation puis séchage. Les Chinois augmentent l'arôme du thé en le laissant au contact de diverses plantes parfumées comme le jasmin.

Le cacaoyer (Theobroma cacao, de la famille des sterculiacées) est un arbuste originaire de l'Amérique centrale. Les graines, ou fèves, fournissent, après fermentation et séchage, la poudre de cacao utilisée dans la préparation du chocolat; il faut ajouter du sucre pour obtenir le chocolat de confiserie. La boisson préparée par dissolution de poudre de cacao représente, en tonnage,

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environ le dixième des multiples produits à base de chocolat commercialisés à l'échelle internationale.

La gamme des boissons stimulantes se diversifie avec la mise sur le marché de boissons revigorantes pour sportifs dont la composition varie avec le type de sport pratiqué: sucres à absorption rapide ou, au contraire, glucides à absorption lente, protéines, vitamines, sels minéraux, etc.

Les boissons alcooliséesUne boisson alcoolisée contient avant tout de l'eau et de l'alcool en

solution – de 4 à 5 % pour la bière, de 10 à 13 % pour le vin et de 40 à 45 % pour les spiritueux –, mais aussi une fraction très limitée de substances aromatiques et colorantes. Depuis longtemps les hommes savent préparer des boissons alcoolisées par fermentation de matières organiques: l'alcool, ou éthanol, est le produit de la transformation des sucres par des micro-organismes, le plus souvent des champignons unicellulaires telle la levure.

Quelques rares boissons alcoolisées sont préparées à partir de produits animaux: le képhir, très commun en Europe centrale, est obtenu par la fermentation du lait; l'hydromel est obtenu par la fermentation du miel. Les autres boissons alcoolisées sont fabriquées à partir de produits végétaux: le vin est à base de raisin, le cidre à base de pommes, la bière à base d'un extrait aqueux de grains d'orge et le saké à base de grains de riz.

Le vinBoisson provenant exclusivement de la fermentation du jus de raisin, il

contient en général de 10 à 13 % d'alcool. La qualité du vin ne saurait être confondue avec sa teneur en alcool: un très grand nombre de constituants, plus de 300, participent à l'élaboration de son goût, de son arôme, de sa couleur et de ses valeurs nutritives. La dernière étape, après sa fabrication, est la maturation en fût, qui, selon le bois choisi, ajoute de l'arôme aux grands vins. Le bois de chêne, par exemple, est préconisé pour les vins de Bourgogne, alors que le bois d'acacia est responsable d'une trop forte amertume tannique.

Longtemps considéré comme une boisson «hygiénique», le vin a été consacré par Pasteur à une époque où les eaux de boisson n'avaient pas une bonne qualité bactériologique; le vin, ou l'eau coupée de vin, permettait d'éviter les contaminations. Aujourd'hui, cet argument n'a plus de raison d'être car il faut reconnaître que l'alcool, consommé par plaisir, est un euphorisant, dangereux à haute dose.

La France dispose, depuis l'époque romaine, d'un vignoble étendu et diversifié avec des crus de qualité exceptionnelle comme certains bordeaux, bourgognes, vins d'Alsace, de Loire ou des côtes-du-rhône. Bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée, qui garantit leur qualité, les grands vins sont exportés dans le monde entier. De tous les vignobles, celui de Champagne est le plus prestigieux. Sur 28 000 ha de vignes, plantées sur des terres calcaires exposées au midi, 17 000 viticulteurs produisent du raisin et le vendent aux grandes maisons (Moët, Mumm, Veuve-Cliquot, Pommery, Lanson, Roederer, Perrier-Jouët); elles élaborent le vin mousseux selon la méthode traditionnelle de double fermentation mise au point par le bénédictin Dom Pierre Pérignon au XVIIe siècle.

La consommation de vin diminue dans les pays à forte tradition vinicole comme la France, alors que dans les pays de culture anglo-saxonne, comme l'Australie, le Danemark ou la Grande-Bretagne, la consommation de vin de qualité augmente régulièrement. L'internationalisation du marché du vin est soutenue par la création de vignobles modernes, en général à partir de

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cépages classiques, pour la production de grands vins comme le cabernet-sauvignon et le chardonnay, à bon rendement sous des climats ensoleillés et bénéficiant d'une haute technicité pour la culture comme pour la vinification. Les États-Unis, et plus précisément la Californie, l'Afrique du Sud et l'Australie sont devenus d'importants producteurs de vin.

Les spiritueuxLes spiritueux sont des boissons alcoolisées dont la concentration en

alcool (45° environ) est obtenue par distillation. On distingue les eaux-de-vie, obtenues par distillation de vin ou de diverses plantes, et les liqueurs, préparées de la même façon mais enrichies en sucre et aromatisées par des substances végétales.

Parmi les eaux-de-vie, la vodka est élaborée à partir de grains de céréales – principalement orge ou seigle, mais aussi blé ou maïs –, voire de pommes de terre. Le whisky, d'origine britannique, est à base d'orge; le saké, boisson traditionnelle au Japon, est un alcool de riz. Le rhum, ou tafia, est fabriqué, notamment aux Antilles, à partir de canne à sucre. D'une manière générale en France, les eaux-de-vie sont à base de fruits (cerises pour le kirsch, poires, mirabelles, quetsches), éventuellement de cidre (calvados), mais surtout de vin (cognac, armagnac, marcs). La qualité des grandes eaux-de-vie françaises est universellement reconnue, surtout celle du cognac; sur les 288 millions de bouteilles de cognac produites en 1990, 60 % ont été exportées. L'UE importe 56 millions de bouteilles dont 16,8 vers la Grande-Bretagne, client traditionnel, et 10,2 vers l'Allemagne. Les États-Unis, avec 32 millions de bouteilles, sont en tête des pays importateurs, suivis par le Japon, avec 28,5 millions, où la consommation augmente régulièrement.

Comme le cognac, les deux grandes eaux-de-vie de vin que sont l'armagnac et le calvados du pays d'Auge sont encore fabriquées avec des méthodes traditionnelles de distillation par alambic et ont droit à la garantie et à l'appellation d'origine contrôlée (AOC). Au-dessous de ces trois AOC se situent des eaux-de-vie à appellation d'origine réglementée (AR), produits dénommés selon leur matière première (kirsch, marc, genièvre) ou selon leur origine géographique (calvados). Les eaux-de-vie dites simples ou blanches, ou encore à fruits sans appellation de matière ou de région, sont des coupages à partir d'alcool de vin. Pour toutes ces boissons distillées, le degré d'alcool est compris entre 40° et 60°.

Les liqueurs préparées à partir de certains fruits (fraises, framboises, guignes ou cerises brunes) ou le punch, qui contient du rhum, du sucre, du thé, de la cannelle et du citron, sont des boissons dont la consommation reste faible. En revanche, le pastis, originaire de Marseille, est devenu une boisson nationale obtenue par triple distillation d'alcool pur et neutre; il titre de 40 à 50° d'alcool et contient 150 g/l de sucre et divers arômes naturels provenant de la macération de plantes, telle la réglisse. Son parfum anisé caractéristique est dû à l'anéthol (de 1,5 à 2 g/l), substance extraite de l'anis vert, de la badiane ou du fenouil. Diluée dans cinq à sept fois son volume d'eau, cette liqueur anisée est un apéritif particulièrement apprécié en France, et commercialisé dans le monde entier par la société Pernod-Ricard. Si la production des grands vins et des grands alcools est liée à un terroir précis, la consommation se mondialise. Les premières marques mondiales de spiritueux sont le rhum Bacardi avec 22,8 millions de caisses vendues en 1990, la vodka Smirnoff, 14,9 millions de caisses distribuées par le groupe Grand Metropolitan, le pastis Ricard (7,5 millions de caisses), puis le whisky Johnnie Walker (6,6 millions) et le gin Gordon (6,3 millions). Ces deux dernières marques sont A.Gribincea 22

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distribuées par le groupe United Distillers Guiness. La plupart des autres grands groupes multinationaux sont des sociétés américaines dont le produit principal est le whisky. Dans cette rivalité internationale, la France ne joue qu'un rôle modeste à travers le groupe Pernod-Ricard d'une part, et le groupe Louis Vuitton-Moët-Hennessy (LVMH) d'autre part, premier dans son secteur.

Les autres boissons alcooliséesLa sève de certains palmiers, comme le cocotier, fournit, après

fermentation, du vin de palme. De même, la plupart des fruits peuvent servir à préparer des boissons alcoolisées, dont la plus importante sous nos climats est le cidre. Le poiré, préparé à partir de poires, peu courant, est le plus souvent mélangé au cidre, auquel il apporte un complément de parfum et d'acidité. Bien que des efforts réguliers soient développés pour implanter des vergers modernes fournissant des variétés adaptées au cidre, les industriels ont du mal à s'approvisionner et achètent souvent des pommes à couteau retirées du marché. La France est, après la Grande-Bretagne, le second producteur mondial de cidre (1,23 million d'hectolitres), dont la consommation reste cependant marginale par rapport à celles du vin ou de la bière. Le cidre n'est pas vraiment entré dans l'ère industrielle, alors qu'il présente l'avantage d'être une boisson de faible degré alcoolique (3 à 5 %).

Depuis plusieurs années, les Américains ont mis au point des boissons apéritives à base de vin, aromatisées et colorées aux fruits, les «wine-coolers», dont le pourcentage d'alcool est relativement bas (5 à 7 %); ils ont été introduits depuis peu en Europe et en France.

Les boissons alcoolisées sont soumises dans la plupart des pays à des taxes élevées, ce qui explique le succès des ventes dans les zones franches des aéroports. En France, la production, le transport, la vente des boissons alcoolisées sont extrêmement réglementés dans le double but, contradictoire, de récupérer les taxes et de diminuer la consommation.

Bien que les Français soient encore en tête des consommateurs, la quantité moyenne d'alcool ingérée par individu ne cesse de diminuer. Cette baisse régulière ne concerne ni les spiritueux ni la bière mais le vin, dont la consommation a presque diminué de moitié depuis les années 1960.

L'industrie des boissonsLa croissance de la consommation des boissons industrielles est

particulièrement spectaculaire dans les pays riches, où pourtant l'eau ménagère est de bonne qualité. Le choix des consommateurs n'est évidemment pas d'ordre économique, le prix de l'eau des boissons industrielles représentant plus de trois cents fois en moyenne celui de l'eau du robinet. Les enquêtes menées par les groupes industriels pour préparer de nouveaux produits montrent que les consommateurs ont une double motivation portant à la fois sur la santé et sur le plaisir. Les boissons sans alcool jouent surtout sur le premier registre, les boissons alcoolisées sur le second. Pour mettre à la disposition du plus large public possible des boissons de bonne qualité et de bon goût, les industriels mettent en œuvre des investissements très lourds, mais très performants au niveau économique.

La réussite de l'industrie des boissons, premier secteur des industries alimentaires, s'explique d'abord par les facilités de stockage, de transport et de conditionnement, que ne permettent pas les produits carnés et plus généralement les produits périssables. Deux autres éléments ont largement contribué à son développement: en amont, les progrès de l'emballage et du conditionnement; en aval, le dynamisme du réseau moderne de la distribution.

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La croissance du secteur des boissons industrielles s'est accompagnée de la création de celui des emballages, particulièrement performant en ce qui concerne la fabrication de bouteilles en verre ou en plastique, de boîtes en fer ou en aluminium, de briques en carton plastifié. Cependant, une forte tendance existe au sein des entreprises agroalimentaires à intégrer la fabrication de leurs propres récipients: les usines d'embouteillage d'eaux minérales sont devenues des ateliers de fabrication de bouteilles plastique par extrusion (procédé thermique et mécanique). L'extrême variété des emballages, dans leur matière, leur taille, leur légèreté, leur commodité, leur attrait, est un facteur permanent d'innovation.

Le marketing associe un produit à un concept d'emballage, le Coca-Cola à sa célèbre bouteille en verre de 33 cl, par exemple, dessinée en 1893. La consommation des boissons est également facilitée par l'extension régulière du réseau de distribution, qui comprend trois canaux différents: les commerces alimentaires, dont un peu plus de 10 % sont des points de vente en libre-service, particulièrement performants; les cafés, les restaurants et les collectivités distribuant des boissons. Il faut ajouter les formes modernes et diffuses de consommation ambulante dans les avions et les trains, et les appareils automatiques fixes installés dans des lieux de passage.

Le problème de l'eau en FranceEn France, comme dans les autres pays développés, tous les foyers, à

quelques exceptions près, disposent d'une eau potable distribuée collectivement. Elle est conforme aux normes européennes qui prennent en compte 62 paramètres analytiques, comme le pH, c'est-à-dire l'équilibre acido-basique, les proportions en sels minéraux (carbonates, chlorures, phosphates, nitrates et nitrites) ainsi qu'en silice, fer, sodium et potassium et la présence de micro-organismes (bacilles coliformes, streptocoques, certains virus, des bactéries comme les salmonelles ou les shigellas), etc. Pour éliminer les populations microbiennes indésirables, les grandes sociétés de distribution d'eau utilisent le chlore ou l'ozone comme produits de stérilisation; il est souvent reproché à l'eau son goût chloré plus ou moins prononcé.

Malgré toutes les précautions prises, des accidents ponctuels surviennent lors des périodes de sécheresse relative. Certains problèmes de pollution, notamment par les nitrates, se posent depuis de nombreuses années. L'utilisation d'engrais lors des périodes de sécheresse du sol provoque l'accumulation de nitrates dans les nappes phréatiques, et la dose admissible de 50 mg/l est parfois dépassée dans les régions d'agriculture intensive comme la Bretagne ou le Bassin parisien. Les premiers touchés par une absorption excessive de nitrates sont les herbivores dont l'un des représentants, la vache, peut être le point de départ d'une chaîne d'intoxications, par le biais de sa viande ou de son lait.

La France, qui bénéficie d'un climat tempéré humide, reçoit chaque année 444 milliards de mètres cubes d'eau, de quoi satisfaire les besoins des industries, nucléaire compris, de l'agriculture et des ménages. Pour garantir ce capital, le ministère de l'Environnement dispose d'un système de contrôle de la qualité des eaux et, grâce aux agences de bassin, d'un système de pénalisations financières des pollueurs. Avec 400 l/an de boissons industrielles ingérées par personne, soit plus de 1 l/j, les Français se placent parmi les très gros consommateurs.

Le caféA.Gribincea 24

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La diffusionLes différents produits du caféLes régions de production· L'Amérique latine· L'Afrique· L'AsieLe marché mondial· L'instabilité des cours· La demande

Première boisson non alcoolisée consommée après le thé dans les pays tempérés, le café est exclusivement une culture de zone tropicale. Originaire de la Corne de l'Afrique, où il existait sous une forme sauvage, le caféier est un arbuste de 5 à 7 m de haut dont seul le fruit est utilisé. Parmi les nombreuses espèces de caféiers, seules deux sont principalement cultivées: l'arabica (Coffea arabica) et C. canephora, dont le robusta est la variété la plus connue. Les aires de culture du premier se situent en Amérique du Sud et centrale et, dans une moindre mesure, en Afrique (Kenya et Cameroun); celles du second, qui requiert une pluviosité et une température plus élevées, sont en Afrique et en Asie.

La diffusionSi le café est consommé depuis très longtemps en Afrique, c'est d'abord

comme aliment. Devenu boisson dèsla première moitié du XVe siècle, il gagne la Méditerranée orientale et la Perse au début du XVIe siècle.

Pendant plusieurs siècles, la péninsule Arabique va détenir le monopole de la culture du café: le Yémen est le principal producteur au XVIe siècle. Le monde musulman connaît à cette époque une prolifération des «cafés» publics. La diffusion du café tient aussi à d'autres raisons: les soufis yéménites le consommaient pour rester éveillés lors des rites religieux.

Au XVIIe siècle, les Européens se familiarisent avec cette boisson au cours de leurs nombreux voyages en Orient. D'abord réservée à l'élite intellectuelle, elle est progressivement introduite dans les cours et dans les salons. Comme chez les Arabes, sa consommation va conduire à l'ouverture d'établissements que nous appelons encore cafés: à Venise, dès 1645 semble-t-il; à Paris, où le premier café, le Procope, est fondé en 1686.

Dès 1616, le jardin botanique d'Amsterdam dispose d'un pied de café, objet d'observations importantes, et vers la fin du XVIIe siècle les Hollandais sont les premiers à introduire des plants dans leurs possessions asiatiques. La Compagnie des Indes orientales va développer la caféiculture à Java et à Ceylan, et, par la suite, en Guyane hollandaise (aujourd'hui Surinam).

Mais l'avenir du café n'est pas en Asie: Hollandais, Français et Anglais, soucieux de produire à bon marché des produits tropicaux de plus en plus consommés par les Européens, vont installer des petites plantations dans les Caraïbes, favorisant ainsi la traite négrière. En 1723, le café est cultivé au Brésil à partir de plants de Guyane; la même année, les Britanniques l'introduisent à la Jamaïque, les Espagnols aux Philippines. Le jardin botanique de Paris reçoit un pied d'Amsterdam, et, après multiplication des plants, les Français font pénétrer la caféiculture aux Antilles. Un peu plus tard, Cuba reçoit les grains de Saint-Domingue, qui au XVIIIe siècle est devenu le premier producteur américain, devant le Brésil, les Guyanes et la Jamaïque. Il faudra

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attendre les indépendances latino-américaines pour que s'ouvre une nouvelle phase dans la production et la commercialisation du café.

Les différents produits du caféMalgré l'augmentation continue de la consommation, peu de

changements sont intervenus au cours des siècles dans la préparation du café à des fins alimentaires. Hormis le passage de la torréfaction artisanale à la torréfaction industrielle, l'invention des cafetières électriques et des machines automatiques, les innovations ont été rares. Seuls quelques produits nouveaux sont apparus: le café soluble, le décaféiné et le café moulu.

Ces dernières décennies, le café soluble et le décaféiné ont envahi le marché. Le consommateur du premier peut choisir, selon les méthodes de préparation, entre le café atomisé et le café lyophilisé. En Grande- Bretagne, le café est à 85 % consommé sous forme pulvérisée; à 50 % au Japon. La part du décaféiné, dont les Allemands et les Suisses sont les plus grands consommateurs, atteint un sixième du marché mondial.

La caféine, principal composant du café, est utilisée en pharmacopée pour son action stimulante sur les systèmes nerveux, cardio-vasculaire et énergétique des muscles; son arôme parfume pâtisseries et glaces. La pulpe des fruits, sèche ou fraîche, sert d'engrais organique ou d'aliment pour le bétail.

Les régions de productionTrès localisée jusqu'au XVIIIe siècle, la production du café est en

constante augmentation depuis le début de XIXe siècle: de 99 000 t en 1825, elle passe à près de 3 millions de tonnes en moyenne annuelle de 1960 à 1969 et à plus de 6 millions de tonnes aujourd'hui.

L'Amérique latineDans les années 1930, l'Amérique latine fournissait 90 % de la production

mondiale. Depuis l'entrée des pays africains et asiatiques dans le cercle des pays producteurs au cours des années 1960, la part de l'Amérique a diminué. Actuellement, le café latino-américain représente encore le double de la production africaine et le triple de celle du continent asiatique.

Le Brésil, premier producteur depuis 1840, fournit actuellement à lui seul le quart de la production mondiale, avec 2 909 000 ha de surface récoltée. On y cultive essentiellement l'arabica, mais également le robusta, depuis quelques années, pour satisfaire la forte demande. La caféiculture a longtemps été aux mains de grands propriétaires exploitants, les fazendeiros, qui disposaient, comme ce fut le cas pour la plupart des plantations de café, de surfaces de plus de 100 ha; cependant, le poids des petits cultivateurs augmente, même si les plantations dont ils disposent sont inférieures à 5 ha. Ce phénomène est constaté aujourd'hui dans le monde entier.

Si au début la caféiculture s'est faite sur des fronts pionniers, la création des chemins de fer au milieu du XIXe siècle, ainsi que l'accueil des immigrants européens, en particulier les Italiens, ont peu à peu accéléré la conquête des terres vierges, indispensable à une augmentation de la production. En 1905, le Brésil produit déjà 1,2 million de tonnes. En 1929, il enregistre une récolte record de 1,8 million de tonnes face à une consommation mondiale estimée à 1,4 million de tonnes; aussi, pendant plus de dix ans – de 1931 à 1944 –, détruit-on 4 800 000 t de café par manque d'infrastructure de stockage. La surproduction entraîne l'arrachage de près de 1,5 million de plants dans les années 1960. C'est la recherche d'une solution de stockage, pour mettre fin à cette situation, qui a conduit à la mise au point du café soluble.

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La Colombie occupe depuis 1920 le deuxième rang mondial. Elle fournit aujourd'hui environ 13 % du total dela production, soit 801 000 t. Le rendement de ses plantations, qui occupent 45 % des terres cultivées, figure, avec 801 kg/ha, parmi les plus élevés du monde. L'augmentation de la production colombienne est essentiellement due à l'intensification des méthodes de culture: amélioration des variétés, forte densité de plantation, fertilisation abondante.

Le Mexique est le troisième producteur latino-américain et le quatrième mondial. Développée à la fin du XIXe siècle par des immigrants européens, la caféiculture est aujourd'hui largement aux mains des petits producteurs. D'autres pays de l'Amérique centrale et des Antilles fournissent une part non négligeable de la production mondiale: le Costa Rica, le Guatemala, le Honduras, le Pérou, l'Équateur, Cuba, Haïti et la République Dominicaine.

L'AfriqueLa caféiculture africaine à des fins commerciales commence au début du

XXe siècle et atteint son plein développement vers 1930. Madagascar est à cette époque le premier producteur africain. Dans les années 1960, sa production s'accroît lentement, jusqu'à atteindre les deux cinquièmes de la production mondiale. En 1970, la superficie couverte de caféiers était estimée à 200 000 ha, dont 99 % plantés en robusta. Les petits planteurs malgaches cultivaient 40 % de la surface totale et obtenaient des rendements de 200 à 300 kg/ha. Ces rendements ont quelque peu augmenté puisqu'ils atteignent en moyenne 371 kg/ha aujourd'hui. La production actuelle de Madagascar (79 000 t en 1984), est de peu inférieure à celle du Congo (88 000 t) et dépasse celle du Cameroun (70 0000 t). En Angola, les colons portugais ont créé de grandes plantations et ce pays figurait parmi les grands producteurs d'Afrique jusque dans les années 1960. La guerre de libération à partir de 1965, puis la guerre civile après 1974 ont provoqué un effondrement de la production.

La Côte-d'Ivoire, actuellement deuxième producteur africain, fut pendant longtemps au troisième rang mondial. Depuis 1970, elle a rétrocédé ce rang à l'Indonésie et n'occupe plus que la cinquième place, derrière le Mexique et l'Éthiopie. Introduit en 1880, le café commence à s'y développer durant les années 1940 pour satisfaire la demande en France. De nombreux petits planteurs se sont intéressés à la caféiculture afin de s'assurer de bons revenus. Les déforestations que connaît la Côte-d'Ivoire sont une des conséquences de cette poussée. Le Kenya, la Tanzanie, le Burundi, le Rwanda et l'Ouganda sont aussi des producteurs importants du continent africain.

L'AsieLe continent asiatique ne produit que 1/6 du total mondial. La production

de robusta, en constante augmentation, provient essentiellement d'Indonésie; l'Inde, les Philippines et la Thaïlande occuperont dans l'avenir une place de choix dans la production mondiale.

Le marché mondialÀ eux seuls, l'arabica et le robusta fournissent 90 % de la production

mondiale du café. Le robusta, plus riche en caféine et meilleur marché, bénéficie d'une demande croissante, tandis que l'arabica (0,8 à 1,5 % de caféine) reste encore le plus consommé. Une très modeste place est occupée par d'autres espèces: C. liberica, C. abeokutae, C. excelsa. Les échanges internationaux du café représentent 4 % du commerce mondial des produits alimentaires. Le marché du café, très ouvert à la spéculation, connaît des

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niveaux de prix très variables. Les deux plus importantes Bourses du café, où sont fixés les prix des transactions, se tiennent à New York pour l'arabica et à Londres pour le robusta.

L'instabilité des coursPremier producteur, le Brésil reste aussi le premier exportateur. Avant la

Seconde Guerre mondiale, il fournissait à lui seul les deux tiers des tonnages mis sur le marché par l'ensemble des pays producteurs. Avec l'augmentation de la production dans les pays africains et asiatiques, ses exportations ont diminué de moitié pour ne représenter plus que 20 % des exportations mondiales. Les variations de la production brésilienne et la demande des pays consommateurs ont souvent influé sur le cours des prix et donc sur le volume des échanges.

En 1962, les pays producteurs et consommateurs ont signé un accord fixant des prix planchers et uncontingentement des exportations. Renouvelé en 1968, en 1976 et en 1983, cet accord fut rompu par la suspension des quotas d'exportation en juillet 1989. Il s'ensuivit une chute brutale des cours: la Colombie perdit à cette époque 300 millions de dollars. Cette situation conduisit les petits producteurs à chercher d'autres sources de revenus, comme la culture du coca. Le marché du café a connu une flambée des prix en 1954, en 1977, en 1986 et en 1993. Le prix de la livre, qui était de 120 cents en septembre 1985, est passé à 250 cents en janvier 1986. En 1991, les prix étaient au plus bas niveau des seize dernières années. Le marché «hors quota», qui échappe à tout contrôle mondial, demeure l'un des problèmes à résoudre dans l'avenir.

La Côte-d'Ivoire, cinquième producteur et quatrième exportateur, a été contrainte de baisser ses prix de moitié, affaiblissant ainsi l'économie du pays et causant la faillite de nombreux petits producteurs. Ses exportations par rapport à 1985 ont chuté de 86 500 t. Le Burundi a accusé une perte de 40 % de devises en raison de la chute des cours du café. L'écart se creuse entre le cours des arabicas (autour de 88 cents la livre à New York) et celui des robustas (autour de 56 cents la livre). Pour faire face à la surproduction et tenter de régulariser la fluctuation des prix, les gouvernements des pays producteurs ont souvent adopté des stratégies différentes: de très anciens instituts du café dans les pays latino-américains, des caisses de stabilisation dans les pays francophones, des «marketing boards» dans les anciennes colonies britanniques.

La demandeLa demande de café s'est profondément modifiée depuis la Seconde

Guerre mondiale: les États-Unis absorbaient alors 80 % des importations mondiales, contre 25 % aujourd'hui. L'Europe est devenue le plus gros demandeur de café et le marché y est encore en pleine croissance. Le Japon figure depuis quelques années parmi les grands pays importateurs: de 1960 à 1991, ses importations ont augmenté de près de 275 000 t, ce qui le classe au cinquième rang mondial.

La recherche d'une meilleure qualité du café, par création de nouvelles variétés et amélioration des méthodes d'extraction, pourra révolutionner le marché. Les pays disposant encore de vastes étendues de terres cultivables risquent de s'imposer comme gros producteurs. Le café n'a pas encore de substituts véritables et sa consommation est loin de diminuer. Toutefois, c'est de la dynamique de l'offre et d'une meilleure organisation du marché que dépend son avenir.

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Le laitCompositionValeur alimentaireImportance du lait de vacheProduction· Les mutations du travail agricole· La gestion du troupeau· Stockage et collecte· Le traitement du lait en usineL'économie laitière· La production françaiseL'Union européenne

Liquide blanc, au goût légèrement douceâtre, le lait est sécrété par les femelles de quelque 4 000 espèces de mammifères, qu'ils soient marins comme le dauphin ou la baleine, aériens comme la chauve-souris, terrestres comme l'écureuil ou le lapin; certaines espèces ont été domestiquées par l'homme afin qu'il récupère une bonne partie de leur production laitière, normalement réservée à l'élevage des jeunes. Le lait de vache, aliment riche en qualités nutritionnelles, permet la fabrication d'innombrables dérivés (beurre, fromages), qui jouent un rôle essentiel dans l'alimentation des pays occidentaux.

CompositionLa composition d'un lait dépend de l'espèce considérée, mais aussi de

l'état général et du régime alimentaire de ses individus. Les laits des ruminants sont assez proches les uns des autres: le lait de brebis est remarquable par son extrait sec (lipides, glucides, protéines, sels minéraux); le lait de chèvre est particulièrement riche en vitamines. Les composants sont tous identiques, seules les proportions changent.

Le lait de vache, par exemple, est constitué d'eau (90 %) et d'un extrait sec (10 %). La quantité de lipides (matières grasses) varie entre 35 et 45 g/l; ceux-ci, sous forme de glycérides (triglycérides composés d'un alcool et d'acides gras), se retrouvent intégralement dans les dérivés, crème et beurre. Les protéines, de 30 à 36 g/l, sont surtout sous forme de caséine, matière albuminoïde riche en phosphore qui joue un rôle primordial dans la coagulation du lait au cours de l'élaboration des fromages. Les glucides, de 47 à 50 g/l, se trouvent essentiellement sous forme de lactose, ou sucre de lait formé de glucose et de galactose, qui subit des fermentations très importantes en industrie laitière. À ces constituants majeurs s'ajoutent 9 g de sels minéraux (phosphates, chlorures, citrates de potassium, calcium et sodium) et des quantités infimes, mais biologiquement importantes, de vitamines (A, D, B2, C, acide pantothérique), ainsi que des traces d'enzymes, de pigments, mais aussi des cellules venant des glandes mammaires et des microbes très variés.

Si autrefois, dans les fermes, on élevait toujours une chèvre pour fournir du lait aux enfants, aujourd'hui, en l'absence de nourrice ou de lait de femme collecté, le lait de vache, de composition voisine de celle du lait de la femme, peut constituer un bon substitut, sous réserve qu'il soit enrichi en sucre, en acide linoléique et en vitamines; les industriels préparent ainsi des laits «adaptés», selon le terme consacré par la convention de Genève.

Valeur alimentaire

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Pour le nouveau-né, le lait maternel est un aliment complet; pour l'adulte, le lait de vache offre un ensemble de qualités exceptionnelles. D'une valeur calorique globale de 68 kcal pour 100 g, le lait, aliment équilibré, apporte des nutriments très digestes. Les acides aminés qui constituent les protéines du lait sont essentiels, malgré l'absence des acides aminés soufrés; de même, les lipides fournissent d'excellents acides gras insaturés parfaitement assimilables par notre système digestif – seuls manquent les acides linoléique et arachidonique, dont un nourrisson a besoin. L'apport de phosphore et de calcium est nécessaire à l'ossification chez le jeune et à l'entretien du squelette chez l'adulte. Si les vitamines du lait sont également précieuses, certaines (B, C et A) sont détruites par la chaleur produite lors de la cuisson ou, si le liquide est exposé, par les rayons ultraviolets du soleil. Les industriels ont donc été amenés à commercialiser le lait dans des récipients opaques, non sans avoir ajouté éventuellement des vitamines afin de garantir des taux minimaux. Certaines personnes, voire certaines populations – en Asie notamment –, digèrent difficilement le lait ou présentent des allergies à cet aliment. Ces réactions sont le plus souvent dues à l'absence ou à la disparition avec l'âge d'une enzyme de leur système digestif, la lactase.

Importance du lait de vacheSous les climats tempérés, les laits de jument ou d'ânesse étaient

autrefois consommés; aujourd'hui, les chèvres et les brebis sont encore exploitées, mais les tonnages de lait produits sont très faibles comparés à ceux fournis par les vaches. Dans les pays du tiers-monde, qui ne disposent en général ni de grands troupeaux laitiers ni d'industries laitières, les animaux domestiques élevés pour leur lait sont le chameau, le yack, le renne, le zébu et le buffle. Dans ce domaine, la suprématie de la vache est telle que le mot «lait» employé seul sous-entend toujours «lait de vache», alors que pour tous les autres laits la précision de l'espèce est indispensable. Cette distinction courante a été ratifiée par la loi: le lait est «le produit intégral de la traite totale et ininterrompue d'une femelle laitière bien portante, bien nourrie et non surmenée», définition établie par le Congrès international de la répression des fraudes, à Paris en 1909, et adoptée par la plupart des pays.

ProductionAvant l'industrialisation, qui a motorisé le travail agricole, avant

l'introduction du tracteur dans les campagnes, les bovins étaient élevés pour leur force de travail; leur production laitière n'était qu'un sous-produit consommé par les fermiers et par les habitants du village.

Les mutations du travail agricoleLes animaux de trait, présents dans toutes les exploitations, étaient en

nombre limité à cause de la faible quantité de nourriture disponible. La situation est aujourd'hui différente, des exploitations spécialisées ayant remplacé les fermes de polyculture et d'élevage. Beaucoup d'agriculteurs, qui ne possédaient que quelques vaches, ont préféré arrêter leur activité d'éleveurs pour se consacrer, par exemple, aux cultures céréalières; à l'opposé, dans des régions peu favorables aux céréales, comme la Bretagne, la Basse-Normandie ou les Pays de la Loire, des exploitants se sont spécialisés dans l'élevage de vaches laitières. Entre 1975 et 1992, le nombre moyen de vaches laitières par étable a doublé, passant d'une moyenne de 12,5 têtes à 25,9. Le phénomène inverse s'est produit pour le nombre d'exploitations détenant un troupeau laitier, nombre qui s'est réduit de plus du tiers, passant, pendant la même période, de 667 000 à 192 000.

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La gestion du troupeauLa conduite du bétail joue un rôle essentiel dans la production laitière, et

les grandes décisions, qui entraînent des conséquences à long terme pour l'éleveur, portent d'abord sur les investissements lourds (type de bâtiment, à stabulation libre ou entravée, mais aussi choix de la race laitière, de l'alimentation des vaches, mesures d'hygiène). Certaines races traditionnelles françaises – 25 sont officiellement répertoriées – étaient naguère sélectionnées de manière empirique pour leur bonne production laitière: la française frisonne (pie noire), la normande, la montbéliarde, la tarentaise. Grâce à la création de livres généalogiques, qui permettent de repérer les lignées de bonnes laitières, et à l'insémination artificielle, qui rend possible les croisements entre ces lignées ou leur reproduction, le rendement laitier des vaches a été amélioré: en France, il est de 5 036 kg/vache/an en 1991, contre 4 701 en 1989; au Canada, de 5 481 kg/vache/an en 1991, contre 5 357 en 1989. Ces différences dépendent des races choisies: le rendement d'une vache de race hollandaise est plus de deux fois supérieur à celui d'une vache de race bretonne. L'introduction de races pures très performantes, comme la holstein provenant d'Amérique du Nord, est un élément décisif.

L'alimentation joue un rôle déterminant dans la production laitière et dans la rentabilité d'un troupeau. Les vaches doivent recevoir une nourriture équilibrée et abondante, notamment des fourrages; ils sont le plus souvent produits sur la même exploitation, et consommés directement dans les pâtures pendant l'été, et, durant l'hiver, sous forme de foin conservé par ensilage. Des aliments complémentaires indispensables sont apportés par les industriels: concentrés à base de céréales, pulpe de betteraves, tourteaux d'oléagineux.

Stockage et collecteLa traite, renouvelée au minimum deux fois par jour, est particulièrement

astreignante si elle est encore pratiquée à la main comme autrefois. Aujourd'hui, les salles de traite mécanique, avec gobelets suçeurs adaptés aux trayons de la mamelle, sont très répandues. Au travers de tuyaux en métal inoxydable et entièrement à l'abri de l'air, le lait est envoyé dans une citerne, ou tank, réfrigérée; le stockage du lait se fait à une température de 2 °C environ. Grâce à ce système, la collecte du lait peut s'effectuer tous les deux jours et non plus quotidiennement. La quantité de produits collectés dépassait, en France, en 1991, 23 100 millions de litres, dont 98 % de lait de vache, plus de 1 % de lait de chèvre et moins de 1 % de lait de brebis. La quasi-totalité du lait est collectée par des camions-citernes qui appartiennent aux usines laitières.

Le traitement du lait en usineMatière première extrêmement périssable, le lait doit être traité et

conditionné afin d'être conservé. Autrefois, la transformation du lait en beurre, en fromage, qui sont des formes de conservation plus stables, était pratiquée dans les fermes ou dans de petits ateliers artisanaux. Au début du XXe siècle, en France, les «laiteries», au nombre de 3 000 environ, étaient disséminées sur tout le territoire. Aujourd'hui, 1 300 usines laitières transforment dix fois plus de lait, et le mouvement de concentration se poursuit: les cent plus grandes traitent 60 % de la collecte. Cependant, des laiteries comme les fruitières de Franche-Comté ou du Jura suisse, qui continuent à travailler sous forme de coopératives, fabriquent et commercialisent le fromage de comté. Dans ces petites entreprises, comme dans les grandes, on distingue une zone de réception du lait: la salle de rez-de- chaussée pour les fruitières, de vastes A.Gribincea 31

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hangars bordés de quais, où les camions viennent décharger, pour les autres. Le lait est stocké dans des tanks en acier inoxydable, souvent installés à l'air libre et pouvant contenir jusqu'à 200 000 l, à une température de 4 °C.

Systématiquement, le lait subit une pasteurisation (stérilisation par échauffement sans ébullition) avant d'être orienté, en flux continu, vers les différents ateliers d'écrémage, de barattage, de fermentation, d'embouteillage, qui conduisent aux divers produits laitiers élaborés.

L'économie laitièreChaque année, 450 millions de tonnes de lait de vache sont produites de

part le monde, dont le quart dans les pays de l'Union européenne. Pour la plupart des pays, en particulier ceux en voie de développement, l'objectif est encore d'implanter des élevages et d'augmenter la production laitière. Pour les pays industrialisés, le problème est, à l'inverse, de limiter la production, car les rendements laitiers ne cessent de s'accroître. À cet égard, l'utilisation d'hormones, en particulier la somatotrophine bovine (BST), mise au point aux États-Unis par manipulation génétique, apportera une véritable révolution puisqu'elle entraîne une augmentation de 4 kg de lait par vache et par jour, soit une amélioration de l'ordre de 20 % des rendements laitiers. Les États-Unis sont sur le point d'autoriser cette pratique, alors que l'Union européenne y est en principe hostile.

La production françaiseLe lait occupe une place essentielle dans l'économie agricole française.

Un agriculteur sur quatre est un éleveur produisant du lait. Plus de 60 000 salariés placent l'industrie laitière en tête du secteur agroalimentaire, ex aequo avec celle de la viande. Les consommateurs de lait et de produits laitiers utilisent, en moyenne, plus de 1 kg par jour d'équivalent lait entier. Dans l'ensemble du secteur laitier, les industriels ont fait preuve d'un grand esprit d'innovation technologique et de dynamisme commercial. Si les produits classiques, comme le lait de consommation ou le beurre, ne permettent guère de bénéfices importants, les résultats ont été spectaculaires: en vingt ans, une multiplication par dix des tonnages de produits laitiers frais. Cette croissance exceptionnelle du marché s'est accompagnée d'une concentration des entreprises, aussi bien capitalistes que coopératives, puisque le secteur comporte, à peu près à égalité, des établissements des deux statuts.

La société BSN-Gervais Danone, groupe qui intervient à peu près dans tous les domaines de l'agroalimentaire, occupe une place exceptionnelle dans le domaine laitier, et plus particulièrement dans celui du yaourt. Une usine récente, installée à Saint-Just-Chaleyssin (Isère), est la plus grande du monde, mais aussi la plus futuriste sur le plan technologique. D'autres groupes jouent aussi un rôle important sur le marché français du yaourt, comme les multinationales Nestlé (Chambourcy), Unilever (La Roche aux Fées). Dans le domaine coopératif, le groupe Sodial (Yoplait) fédère une série de coopératives régionales – parmi lesquelles La Clara à Amiens, la Centrale laitière parisienne à Ivry-sur-Seine, Est Lait à Metz, Orlac à Lyon, Ulpac à Toulouse, et depuis peu Saint-Hubert à Nancy – qui ont appliqué une méthode originale de franchise pour étendre la marque Yoplait dans le monde entier: une quarantaine de pays fabriquent et consomment des yaourts Yoplait avec l'image de la petite fleur. En Asie, la pénétration du groupe Sodial a débuté par le Japon et s'étend maintenant à la Corée du Sud et à la Chine. Grâce à l'innovation technologique et commerciale, grâce aussi aux exportations, et surtout aux implantations industrielles à l'étranger, les entreprises laitières françaises représentent un

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atout économique important. Quelquefois malmenées par les aléas de la politique communautaire, par exemple au moment de l'instauration des quotas laitiers (avril 1984), ces entreprises ont cependant anticipé sur l'ouverture du grand marché européen.

L'Union européenneLe lait est le premier produit agricole dans l'Union européenne. La

production a augmenté de 19 % entre 1978 et 1983, puis a régressé depuis la mise en place des quotas laitiers, en avril 1984: en mars 1989, elle était inférieure de 4,1 % à la moyenne de 1981, et de 11,4 % à la production de septembre 1983. La sélection génétique, quoiqu'elle diminue le cheptel, améliore le rendement, qui était de 4 765 kg/vache/an en 1991 dans de l'Europe des Douze. L'Europe laitière est divisée en deux zones géographiques distinctes: les pays du Nord, qui sont caractérisés par des élevages à haut rendement, avec de forts investissements, et une hygiène rigoureuse; les pays du Sud, méditerranéens, qui ont des élevages moins intensifs. L'Europe communautaire totalisait, en 1992, un cheptel laitier de 22 millions de têtes parmi les 83 millions du cheptel bovin; le premier, réduit de plus de 20 % depuis 1983, assurait une production de 112 millions de tonnes. Les premiers pays producteurs en 1991 étaient l'Allemagne (29 millions de tonnes), la France (25 millions de tonnes, pour 5 millions de vaches laitières), le Royaume-Uni (14 millions de tonnes), les Pays-Bas (11) et l'Italie (10).

L'Europe, depuis une vingtaine d'années, a établi une politique laitière commune, dont les objectifs ont évolué; il s'agissait, au début, de favoriser la modernisation des élevages, puis de faciliter la transformation du lait. Dans une seconde phase, la régulation des marchés est devenue prioritaire; des méthodes souples de subventions au stockage des produits et surtout aux exportations vers les pays tiers, c'est-à-dire extérieurs à la Communauté, ont été appliquées. Cette politique d'exportations place l'UE en tête des ensembles exportateurs de produits laitiers: 38 % du beurre, 61 % du lait entier en poudre, 53 % des fromages du commerce mondial laitier. Malgré ces résultats, la tendance régulière à la surproduction a été freinée de manière rigoureuse en imposant à chaque pays une production donnée, ou quota, au-delà de laquelle des pénalités financières sont appliquées. Les stocks de beurre, de lait écrémé en poudre, après avoir été annulés en 1988-1989, marquaient une tendance à la hausse dès 1990.

Sodas, sirops et jus de fruitsLes sodas sont des boissons gazeuses préparées à partir d'eau minérale

pauvre en ions calcium et magnésium qui précipitent avec les jus de fruits. Ils contiennent aussi des extraits de plantes, du sucre et du gaz carbonique. L'ancêtre de cette famille de produits, la limonade, aromatisée au citron, est en perte de vitesse sur le marché. Le Coca-Cola, inventé en 1886 par un pharmacien géorgien, M. Pemberton, contient de la noix de cola, extrait végétal riche en caféine. La société multinationale Coca-Cola, fondée à Atlanta en 1892 et implantée maintenant dans le monde entier, est devenue un symbole de la société de consommation.

L'industrie des boissons gazeuses s'est diversifiée en fabriquant des «bitters», produits rendus amers par l'adjonction d'extraits végétaux (gentiane, quassia ou éventuellement quinine et strychnine), qui donnent du tonus et de l'appétit. Mais le marché a été complètement relancé par l'apparition de boissons gazeuses «light», c'est-à-dire sans calories car édulcorées avec des produits de substitution comme l'aspartame. Le premier consommateur de ces

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«soft drinks» est le citoyen américain, qui absorbe en moyenne 166 l/an. En Europe, la consommation moyenne est de 54 l/an, avec des extrêmes comme l'Allemagne (80 l/an) et la France (30 l/an environ).

Les sirops sont élaborés à partir d'une solution concentrée et incolore de sucre et d'eau. Des sirops aromatiques contenant de l'acide citrique et divers parfums et colorants sont utilisés par les industriels pour préparer des boissons gazeuses. Les «sirops de bouche», notamment la grenadine, sont employés par l'industrie pour édulcorer des apéritifs ou par le consommateur pour préparer des boissons par addition d'eau. Les jus de fruits, produits entièrement naturels, sont obtenus par pression de fruits sélectionnés. Les jus les plus répandus sont préparés à partir de fruits de pays tempérés (pommes, raisins et tomates) et de pays exotiques (ananas, oranges, pamplemousses, mangues, goyaves et fruits de la Passion). Certaines espèces fruitières produisent des jus trop pulpeux (abricots, pêches, poires) ou trop acides (cassis, groseilles, framboises). Il est alors nécessaire, pour les consommer directement, d'ajouter de l'eau et du sucre. Le produit obtenu n'est plus un jus mais un nectar de fruits. L'appellation jus de fruits n'est valable que pour un produit pur, sans sucre, sans anhydride sulfureux et sans acide ascorbique (produits autorisés). La présentation des jus de fruits sous forme de briques de carton plastifié a constitué une grande innovation. Les jus de fruits, stérilisés par ultra-haute température (UHT) lors de l'empaquetage, sont les plus naturels puisque sans conservateurs. Le succès commercial de ces nouveaux produits a entraîné la régression des ventes de boissons fruitées, plates ou gazeuses, sous emballages classiques (bouteilles et boîtes). Les industriels ont alors réagi en proposant de nouveaux conditionnements, tels que la bouteille plastique de grande contenance (2 l), qui a connu un fort développement.

Le théBotaniqueHistoriqueCulture et cueillette· La cueillette impériale· La cueillette fine· La cueillette grossièrePréparation des thés manufacturés· Le thé noir· Le thé vert· Le thé semi-fermentéProduction et consommation

Expression d'une identité culturelle en Chine, objet d'un rituel de la vie sociale à caractère esthétique et philosophique au Japon, symbole de la distinction des salons occidentaux des siècles passés ou de l'hospitalité des hommes du désert, le thé, aux qualités diététiques et thérapeutiques reconnues en Extrême-Orient depuis des millénaires, est la boisson la plus consommée dans le monde, après l'eau et le lait.

BotaniqueCertains botanistes du XVIIIe siècle pensaient que le thé noir et le thé

vert, importés de Chine, provenaient de deux plantes différentes. En 1762, Linné crut pouvoir distinguer deux variétés du genre Thea: le T. viridis

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donnerait le thé vert, et le T. bohea le thé noir. Mais en 1843, le naturaliste Robert Fortune démontra que les deux catégories commerciales résultaient de la préparation des feuilles d'un même théier.

Aujourd'hui, la plante porte, d'après le Code international de nomenclature botanique, le nom de Camellia sinensis (famille des ternstrœmiacées). C'est un arbuste à feuilles alternes persistantes, qui, dans les plantations, est taillé à 1,50 m du sol au plus, mais peut, à l'état sauvage, atteindre plus de 20 m. On distingue notamment la variété Chine (Camellia sinensis var. sinensis) et la variété Assam (Camellia sinensis var. assamica), auxquelles s'ajoutent d'autres types, tel le théier «cambodgien» et plusieurs sous-variétés et races locales appelées «jats».

Les variétés Chine et Assam ne diffèrent que par leurs caractéristiques foliaires: la première a des feuilles coriaces de 3,8 à 6,4 cm de longueur, plus résistantes aux grands froids et aux fortes chaleurs, mais elle est moins productive que la seconde, dont les feuilles atteignent 20 cm. Pour l'une et l'autre, la feuille est ovale, très finement dentelée, avec une face supérieure vert brillant et une face inférieure mate et plus claire. Le théier porte de petites fleurs blanches à cinq pétales. On distingue deux types de bourgeons: Pekoe, constitué par une série de feuilles non encore déroulées, et Banji, ou bourgeon dormant qui développe un cycle de bractées, préfeuilles et feuilles normales. Le fruit est une capsule à coque dure contenant une à trois graines de 8 à 16 mm. La durée de vie moyenne d'un théier est de 50 ans (des théiers Chine, plantés dans le Bengale- Occidental (région de Darjeeling) depuis plus de cent ans continuent de produire).

Le théier pousse dans des conditions climatiques très variées, allant du climat équatorial au climat tempéré humide. Aussi sa zone de culture s'étend-elle de 43° nord (dans le Caucase) à 27° sud (à Corrientes, en Argentine). Le climat chaud et humide est idéal: la plante a besoin d'une pluviosité abondante et régulière de 1 500 mm par an (avec une saison sèche ne dépassant pas trois mois), et d'un ensoleillement minimal de cinq heures par jour. Elle doit pouvoir enfoncer ses longues racines pivotantes profondément dans le sol, de préférence jeune et volcanique, avec une couche d'humus épaisse et un pH acide (entre 4,5 et 5,5).

HistoriqueLe thé a pour berceau historique le Yunnan (dans le sud-ouest de la

Chine) et l'Assam supérieur (Inde). La légende prête l'invention de cette boisson à Shen Nong (2737 av. J.-C.), le dernier des trois empereurs mythiques de Chine. On trouve les plus anciennes mentions écrites du thé dans les textes chinois des VIIIe et VIe siècle av. J.-C.: le Livre des chants et les œuvres de Confucius. Le monde arabo-musulman offre, dans une description anonyme de la Chine et de l'Inde datée de 851 et parfois attribuée assez abusivement à des auteurs du XIe siècle, la première indication, hors d'Asie, de l'usage du thé, alors quotidien et sous des formes diverses; ce dernier était déjà frappé en Chine d'un impôt impérial.

Dès le début de l'ère chrétienne, le thé était consommé couramment par les habitants de la vallée du Yangzijiang à la fois comme boisson et comme médicament. Sa préparation consistait alors à ramollir les feuilles à la vapeur et à les écraser avant d'en faire un gâteau jeté ensuite dans de l'eau bouillante ou mis à cuire avec du riz assaisonné d'épices. Dès le VIIe siècle, des caravanes transportent du thé, sous forme de briques, de la Chine vers le Tibet, sur un parcours difficile de 1 500 km. En Corée, des plants importés de

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Chine donnent les premières plantations du Jiri. Et c'est par l'intermédiaire de ce pays que la consommation du thé gagne le Japon, où le fondateur de la secte Tendai, le moine Saicho, en aurait introduit, au IXe siècle, la culture. En Chine, il commençait alors à être associé, par la fameuse cérémonie du thé, à la philosophie taoïste. Un rituel similaire s'imposa au Japon, surtout à partir du XVIe siècle, en liaison étroite avec le développement du bouddhisme zen. Vers la même période, les caravanes commencent à prolonger la route de Mongolie pour apporter le thé en Russie.

En 1610, la Compagnie hollandaise des Indes orientales introduisit sur le marché européen ce produit, qui resta une boisson rare jusqu'à la fin du XVIIe siècle et fit l'objet de vives controverses entre ses partisans, qui, tel l'Allemand Oleanus, lui attribuaient de nombreuses vertus médicinales, et ses adversaires, tel Fagon, premier médecin de Louis XIV, qui l'accusaient de provoquer divers maux, dont la carie dentaire. Mais, au XVIIIe siècle, l'extension de l'usage du thé fut telle que le produit fut frappé de taxes, aussi bien en Angleterre qu'en France. En Amérique du Nord, c'est précisément une loi britannique sur le thé qui provoqua, en 1773 au Massachusetts, la révolte de la Boston Tea Party, qui aboutit à la guerre de l'Indépendance des États-Unis.

En 1833, la Chine, qui était jusqu'alors pratiquement le seul pays exportateur de thé, supprime le monopole du commerce accordé à l'East India Company (Compagnie anglaise des Indes orientales). Pour garantir ses approvisionnements, l'Angleterre introduit la culture et l'industrie du thé dans ses colonies, notamment en Inde. Le premier chargement de thé d'Assam est expédié à Londres en 1838. Les colonies hollandaises font de même en Indonésie, d'où les exportations commencent en 1878. Avant la fin du XIXe siècle, le théier est acclimaté en Iran et dans les pays du Caucase.

Au XXe siècle, après de multiples essais infructueux, les plantations de thé finissent, à partir des années 1920, par connaître un réel essor en Afrique de l'Est. Un peu plus tard, elles apparaissent en Turquie et en Amérique latine.

Culture et cueilletteLa création d'une plantation exige un important travail de défrichement

qui exclut la mise à feu du couvert végétal pour ne pas détruire l'humus. Le terrain préparé est subdivisé en jardins eux-mêmes composés d'unités plus petites, ou blocs. Le climat doit être chaud et humide, à hiver ni trop froid ni trop sec, avec une insolation minimale d'environ 5 heures par jour.

La multiplication des plants sélectionnés est obtenue dans des pépinières à partir de graines ou de boutures.

Les arbustes sont transplantés à leur emplacement définitif au bout de 2 à 3 ans ou de 12 à 18 mois selon que l'origine est la graine ou la bouture. On est passé de 3 000 arbustes par hectare au XIXe siècle à 10 000 environ de nos jours.

Un an après sa transplantation, l'arbuste subit une succession de tailles destinées à former, à une hauteur de 0,75 m à 1,20 m, une surface horizontale qui facilite la cueillette: la table de cueillette. Lorsque la plantation commence à produire, des tailles interviennent périodiquement, suivant un cycle de plusieurs années, pour ramener la table de cueillette au niveau désiré.

La cueillette détermine la qualité des boissons et les cycles de production ultérieurs, et, de tous les travaux deculture, c'est celui qui demande le plus de main-d'œuvre. Elle s'effectue lorsque les plants ont entre 3 et 5 ans, une fois toutes les deux semaines tout le long de l'année, sauf en altitude, où elle cesse l'hiver.

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La cueillette impérialeElle consiste à sectionner l'extrémité des rameaux de manière à ne

recueillir que le bourgeon terminal, ou pekoe, la feuille qui le suit et la partie de la tige qui les relie. Cette cueillette est appelée aussi «P + 1», P représentant le bourgeon, et 1 le nombre de feuilles. Cette récolte est de grande qualité, mais peu productive. C'est pourquoi de nos jours elle a complètement disparu.

La cueillette fineOn laisse la jeune pousse poursuivre sa croissance, un nouveau bourgeon

apparaissant pendant que le premierse transforme en feuilles. On a alors au bout du rameau un bourgeon terminal et deux feuilles (P + 2) dont la récolte donne des thés de grande qualité. Ce type de cueillette est encore pratiqué mais à une échelle relativement réduite.

La cueillette grossièreElle intervient à une phase plus tardive encore du développement de la

végétation, de sorte que la récolte concerne le bourgeon terminal et trois feuilles (P + 3), voire quatre (P + 4). C'est le type de cueillette qui de nos jours est le plus courant. Dans certaines régions du monde, notamment dans l'ex-URSS, au Japon et en Argentine, le recours à la mécanisation accentue le caractère «grossier» des récoltes aux dépens de la qualité des thés produits.

Mais la cueillette manuelle reste prépondérante. Alors qu'en Asie cette opération est traditionnellement confiée aux femmes, dans les pays de seconde génération (Afrique, Amérique latine) elle est effectuée principalement par les hommes.

Une fois cueillies, les feuilles sont pesées puis transportées vers la manufacture dans les plus brefs délais afin d'éviter leur détérioration.

Préparation des thés manufacturésLe thé manufacturé se présente sous forme de thé noir, de thé vert ou de

thé semi-fermenté. Les feuilles d'un même théier peuvent donner l'un ou l'autre de ces produits.

Le thé noirIl est obtenu généralement par la méthode «orthodoxe», adaptation aux

techniques industrielles du savoir-faire chinois traditionnel, mise au point en Inde britannique vers 1860, et qui, de nos jours, comprend plusieurs étapes.

Le flétrissage consiste à ôter à la feuille sa rigidité en lui faisant perdre par évaporation 40 à 50 % de son eau; on épand les feuilles fraîches sur des claies superposées, séparées par un espace où circule durant vingt-quatre heures un courant d'air de 20 à 22 °C. Les nouveaux procédés de flétrissage en tunnels ou en cuves où circule de l'air chaud propulsé par de puissants ventilateurs ont ramené la durée de l'opération à six heures.

Le roulage a pour objet de détruire les membranes intérieures des cellules de la feuille et de permettre le mélange des composants; il rend possible la fermentation et développe les qualités du thé. Plusieurs types de machines sont utilisées pour exercer une pression sur les feuilles ou pour les rouler sur elles-mêmes.

Le criblage a pour objet de faire passer les feuilles dans un appareil de triage, le «cribleur», qui les sépare en fonction de leur taille.

Au cours de la fermentation, les feuilles sont à nouveau placées sur des claies dans une atmosphère humide (95 %) et à une température ne dépassant pas 27 °C pendant une durée qui varie d'une demi-heure à trois heures. C'est l'étape décisive, où s'opère la transformation réelle de la feuille en thé noir à travers différentes réactions chimiques. Elle doit être arrêtée au bon moment,

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car, trop prolongée, elle détruit l'arôme; trop courte, elle donne un thé au goût de fruit pas mûr.

La dessiccation stoppe la fermentation. Les feuilles sont placées dans des machines où elles sont soumises pendant une vingtaine de minutes à une température de 90 °C, qui ramène leur teneur en eau à une valeur située entre 1 et 3 %.

Le tamisage sépare les feuilles des petites brisures, appelées «pousses», résultant de leur manipulation. Cette opération est réservée aux thés de grande qualité.

De nouveaux procédés industriels sont également utilisés: la méthode CTC (crushing, tearing, curling, c'est-à-dire «pressage, déchirage, bouclage») recourt à des machines accélérant le processus de fermentation; la méthode legg cutter («hachage») est destinée à produire les catégories fannings et dust.

Les thés parfumés contiennent des fleurs: 3 parties pour 100 parties de feuilles. Les thés de feuilles entières sont classés selon la qualité en Orange Pekoe (feuilles jeunes et enroulées) qualité supérieure, Pekoe, Pekoe Souchong, Souchong, ce dernier étant constitué des feuilles les plus âgées.

Le thé vertSa préparation se distingue de celle du thé noir par l'absence de

fermentation. Les feuilles sont torréfiées pendant un très court laps de temps dans des bassines métalliques fortement chauffées, précisément à l'effet de rendre inactives les enzymes responsables de la fermentation. Elles subissent ensuite plusieurs opérations de dessiccation et de roulage avant d'être emballées, encore chaudes.

Le thé semi-fermentéAppelé oolong, ce thé, préparé dans le sud de la Chine et à Formose, est

soumis à une fermentation volontairement interrompue avant que sa transformation en thé noir ne soit complète.

Les préparations différentes donnent des thés divers, que la classification commerciale répartit en catégories, ou grades, essentiellement en fonction de la forme et de la taille de la feuille traitée.

Production et consommationLa surface totale sous théiers dans le monde est estimée à 2,6 millions

d'hectares, dont 80 % en Asie et 8 % en Afrique. Le thé noir représente environ 80 % de la production. La culture du thé exige une main-d'œuvre de 3 à 5 personnes par hectare.

En 1994, les principaux producteurs mondiaux étaient l'Inde (720 millions de tonnes, soit 27 % de la production mondiale), la Chine (637 millions de tonnes, soit 24 % de la production mondiale), le Sri Lanka (240 millions de tonnes), le Kenya (200 millions de tonnes), l'Indonésie (174 millions de tonnes), le Japon (92 millions de tonnes) l'Iran (75 millions de tonnes) et la Géorgie (74 millions de tonnes). La Grande-Bretagne est le premier importateur et les quatre premiers exportateurs sont l'Inde, le Sri Lanka, la Chine et le Kenya.

Il se consomme dans le monde 9 000 milliards de tasses de thé par an. Pour la consommation par habitant et par an arrive en tête le Qatar (3,2 kg), suivi par l'Irlande (3 kg), la Grande-Bretagne (2,8 kg), la Turquie (2,7 kg) et l'Iraq (2,5 kg).

Longtemps considéré comme une panacée, le thé a fait l'objet d'innombrables études qui ont confirmé les vertus médicinales signalées de longue date par les médecins de la Chine ancienne, notamment son effet diurétique (dû en partie à la théobromine) et son action bénéfique sur les

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fonctions physiques et intellectuelles. Ce stimulant, contenant 2 à 4 % de théine (caféine), sans calories, sans sodium, riche en vitamines et en fluor, ne présente aucun risque connu.

VinsLe bordeaux

Les bordeaux représentent plus de la moitié des vins AOC de France. Les rouges proviennent des cépages cabernet, sauvignon, merlot et «malbec»; le cuvage est le plus souvent prolongé; la vinification se fait en barriques bordelaises. Les vins blancs, obtenus à partir des cépages sémillon, sauvignon, muscadelle, sont conditionnés par le développement de la pourriture noble (Botrytis cinerea) qui détermine la date de récolte. Les bordeaux sont classés selon les régions en médocs, rouges riches en tanin et en fer (château-margaux, château-latour, château-lafite); graves, surtout blancs, secs, fins et puissants; sauternes, uniquement blancs, liquoreux (château-yquem); saint-émilions, rouge grenat, corsés; pomerols, riches en fer, bien colorés, fortifiants (château-pétrus, château-la-conseillante, château-certan). Le nom de «château» est traditionnellement utilisé pour désigner le vin d'une propriété; il est synonyme de domaine, clos ou cru.

Le bourgogneLes bourgognes proviennent de cépages rouges (pinot noir et gamay) et

de blancs (chardonnay et aligoté). Ils se différencient selon les régions. Dans l'Yonne (12 000 ha) sont produits des vins secs, un peu durs dans leur jeunesse, acquérant un caractère racé et harmonieux avec l'âge (chablis). Le département de la Côte-d'Or (5 300 ha) peut se diviser en deux sous-régions viticoles: la côte de Nuits, où sont élaborés des crus hors ligne, puissants et souples, de longue garde (gevrey-chambertin, chambolle-musigny, vougeot, vosne-romanée, nuits-saint-georges) et la côte de Beaune, qui fournit des vins rouges, riches en tanin, au bouquet de cassis ou de violette (aloxe-corton, beaune, pommard, volnay, santenay, chassagne-montrachet), de conservation plus brève que les précédents. La Bourgogne produit également des blancs de qualité (meursault, savigny-lès- beaune, montrachet). La Saône-et-Loire (8 500 ha) englobe les crus corsés et bouquetés de la côte chalonnaise (mercurey) et les excellents vins de table du Mâconnais (mâcon, pouilly-fuissé). Enfin, le Rhône (15 000 ha) est représenté en Bourgogne par les beaujolais, au large bouquet, gouleyants, à boire jeunes (beaujolais, beaujolais-villages, brouilly, chemas, chiroubles, fleurie, juliénas, morgon, moulin-à-vent, saint- amour).

L'histoire de la vigneLes originesL'AntiquitéLe Moyen ÂgeL'époque moderneLe vignoble actuel

La vigne et le vin ont une importance économique très ancienne: dès l'Antiquité, des routes commerciales spécifiques apparaissent; le précieux

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produit suscita des mesures protectionnistes, qu'il s'agisse de l'édit de Domitien (92 apr. J.-C.), des taxes féodales ou des rivalités contemporaines entre les pays producteurs au sein de l'Union européenne.

Les originesD'abord recherchée pour ses fruits, la vigne fut probablement cultivée

vers 5000 av. J.-C., date d'invention des premières formes de vin. Le mot voino désignait, dans l'ancienne langue parlée du Caucase, le breuvage alcoolisé tiré du jus de raisin. Au cours du IIIe millénaire, la plante fut introduite en Mésopotamie et en Égypte, puis en Inde et dans le reste de l'Asie. Dès le IIe millénaire, la viticulture fut une caractéristique essentielle des civilisations du pourtour de la Méditerranée. Les civilisations du Ier millénaire, en Crète, en Grèce ou en Phénicie, maîtrisèrent parfaitement sa culture. Le rôle religieux de la vigne, lié à sa grande fertilité, à l'apparence magique de la fermentation et aux propriétés enivrantes du vin, était très important. Attribut d'Osiris chez les Égyptiens et de Dionysos chez les Grecs, elle est citée 155 fois dans la Bible: c'est grâce à l'ivresse de Loth que ses filles purent avoir une descendance, et Noé est considéré par une tradition tardive comme l'initiateur de sa culture. Plus tard, son rôle symbolique fut essentiel pour le christianisme: au cours de la Cène, Jésus présente le vin comme le symbole de son propre sang (le pain étant celui de son corps), geste que renouvellent les prêtres chrétiens lors de l'eucharistie.

L'AntiquitéLes vins de l'Antiquité étaient assez différents des vins modernes. Leur

conservation était difficile, car les techniques de vinification étaient encore sommaires. Ainsi, de la résine était ajoutée afin d'éviter que le vin n'aigrisse dans les amphores destinées à son transport et à sa conservation. En revanche, il existait, comme aujourd'hui, des régions dont les vins étaient très réputés. Avant notre ère, les vins grecs (vin de Samos) puis italiens (vins de Capoue, de Falerne) étaient les plus prisés et donnaient lieu à des courants commerciaux importants, dont témoignent de nombreuses épaves de navires renfermant des amphores ayant contenu du vin. La Gaule importa, jusqu'au Ier siècle apr. J.-C., du vin d'Italie, avant de devenir un des principaux pays producteurs. Les précurseurs des agronomes modernes, tels Columelle et Pline l'Ancien, définirent à cette époque les différences entre les variétés de vigne avec une précision qui permet parfois de reconnaître dans ces variétés antiques les ancêtres de cépages cultivés aujourd'hui.

La consommation du vin obéissait à des règles assez strictes. Chez les Grecs, cette boisson avait un rôle essentiel lors de réunions, ou «banquets» (symposiums), dédiées à Dionysos. Le maître de maison décidait de la quantité de vin qui serait consommée par chacun des convives. Ceux-ci buvaient dans des coupes en terre cuite très évasées, ou cratères. Le vin était toujours bu coupé d'eau, et mélangé avec des épices, du miel et des essences de fleurs; son goût était donc très différent de celui que nous connaissons. Chez les Romains, sa consommation, interdite aux femmes, devint de plus en plus fréquente après le début de notre ère, notamment dans les tabernae (tavernes).

Le vignoble gauloisArrivée en Gaule vers 600 av. J.-C. grâce aux Phocéens (Grecs installés à

Massilia et à Agde), la vigne gagna au cours du Ier siècle av. J.-C. l'actuel Languedoc, province romaine de la Narbonnaise. Une étape décisive fut franchie au Ier siècle apr. J.-C. avec l'obtention de variétés résistantes au froid

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et à la pluie. Le vignoble gallo-romain devint alors l'un des plus riches de l'Empire. De la Narbonnaise, la vigne a alors atteint le Bordelais et remonté les vallées du Rhône et de la Saône. Au cours du Ier siècle apr. J.-C., la Gaule devint exportatrice de vin vers le reste de l'Empire, concurrençant l'Italie: l'empereur Domitien ordonna en 92 l'arrachage de la moitié des vignes, pour protéger les producteurs italiens. Il fallut attendre 276 pour qu'un autre empereur, Probus, autorise à nouveau la culture de la vigne dans toute la Gaule, dont le vignoble occupait au IVe siècle presque les mêmes aires qu'aujourd'hui. On peut donc considérer que les grands vignobles français actuels sont en bonne partie les héritiers des vignobles gaulois.

Le Moyen ÂgeLa chute de l'Empire romain fit beaucoup reculer le vignoble, qui subsista

cependant. Durant le haut Moyen Âge, la viticulture fut à la fois préservée et transformée par les moines, qui produisaient le vin indispensable à la liturgie. Le tonneau, invention gauloise, fut amélioré et permit une conservation plus longue sans ajout de résine. Les cépages antiques furent peu à peu modifiés pour donner les précurseurs de ceux que nous connaissons. Après l'an mille, l'expansion des échanges fit du vin un enjeu économique très important. L'Europe du Nord devint un centre de richesse à partir du XIIIe siècle et en importa des quantités croissantes. Grâce aux progrès effectués dans les moyens de transport, le vin fut expédié à de plus grandes distances, et des routes commerciales fluviales et maritimes firent de ce fret une source de grands profits. Les bénéfices sur les ventes, mais aussi les taxes imposées sur ce commerce, enrichirent nombre de féodaux, laïcs et ecclésiastiques, qui protégeaient leurs vignobles au moyen d'impôts, de règlements et de privilèges (le transport de vin sur la Garonne était interdit tous les ans jusqu'à la vente complète des vins du Bordelais). Enfin, le climat, légèrement plus doux qu'aujourd'hui, permit la culture de la vigne jusqu'en Angleterre et en Allemagne. Les Vikings baptisèrent Vinland («Terre des vignes») le plus occidental des pays qu'ils découvrirent (probablement Terre- Neuve), car la plante y poussait en abondance (les variétés américaines sont en effet nombreuses). Toutefois, les vins produits dans les pays du Nord étaient très médiocres et se conservaient mal; aussi les classes aisées consommaient-elles du vin français ou italien. De cette époque datent les débuts de la fortune de villes comme Bordeaux ou La Rochelle, qui exportaient les vins du Sud-Ouest vers l'Angleterre et la Hollande. De nombreux crus, toujours réputés, étaient déjà fort appréciés, comme les vins de Beaune, de Chablis, de Châteauneuf-du-Pape, du Bordelais et de l'Anjou.

L'époque moderneLa fin du Moyen Âge et la Renaissance connurent une modification des

structures agraires qui fit passer nombre de vignes aux mains de propriétaires urbains, nobles et bourgeois. La culture de la vigne et la production du vin, dès lors assurées au sein de grands domaines par des métayers ou des salariés agricoles, reflètent l'alternance des périodes de prospérité ou de crise – le vin demeurant un produit de luxe, le peuple en buvait encore assez peu, sauf dans les régions viticoles –, comme le montrent des études sur le Languedoc, où les phases d'extension des vignes alternent avec celles d'arrachage au profit de cultures vivrières (céréales). Dans le même temps, les modifications climatiques («petit âge glaciaire» entre 1550 et 1800) et économiques (améliorations des techniques de transport) sonnèrent le glas des vignobles septentrionaux: limitée dorénavant à la Champagne et à la Rhénanie pour le

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nord de l'Europe, la viticulture se répandit toutefois en Amérique, où on expérimenta les croisements des variétés locales avec Vitis vinifera.

Les XVIIe et XVIIIe siècles furent la période d'apparition de bien des traits des vignobles modernes, pour de nombreuses raisons. Ainsi, la prospérité britannique est à l'origine de la structure du négoce bordelais, dont plusieurs maisons portent encore des noms anglo-saxons. Au Portugal et en Espagne, la puissance économique et maritime de la Grande-Bretagne, grande consommatrice de vin de Porto et de Xérès, explique pour une large part la mise au point des techniques d'élaboration de ces vins difficiles à produire. À l'époque des Lumières, les découvertes agronomiques et œnologiques (l'œnologie est la science du vin) des physiocrates et de leurs précurseurs permettent l'apparition de traits modernes des vignobles. La méthode de vinification du champagne, mais aussi la sélection des cépages qui dominent aujourd'hui dans les vignobles de crus (cabernet, merlot, pinot, chardonnay, grenache) datent de cette époque. Les différences pédologiques entre les terroirs, très anciennement connues, sont peu à peu comprises grâce aux progrès de la chimie et de la physique, permettant la définition de crus. De plus, les modifications dans la structure des propriétés, reflets de la domination économique et bientôt politique de la bourgeoisie que consacra la Révolution française – et les ventes comme biens nationaux de nombreux domaines viticoles nobles et ecclésiastiques –, commencent à donner aux vignobles leur physionomie actuelle, notamment dans le Bordelais et en Champagne. À la fin du XVIIIe siècle, le futur président américain Thomas Jefferson et le voyageur britannique Arthur Young, visitant les vignobles français, citent, en en faisant l'éloge, des crus toujours réputés, dont la propriété est parfois restée dans les mêmes familles jusqu'à nos jours (château-yquem en Sauternais). En Bourgogne, la plupart des grands crus actuels étaient déjà très recherchés en France, en Grande-Bretagne et en Europe du Nord. Les qualités des vins produits évoluèrent alors vers celles des vins modernes. Ainsi, les vins du Bordelais, longtemps consommés sous la forme de vins rouges légers et très clairs (appelés clarets), se conservant mal, furent peu à peu transformés en vins de garde, plus riches et foncés. Les vins blancs de Sauternes furent de plus en plus souvent vinifiés en vins moelleux, riches en sucres et en arômes, grâce à la maîtrise grandissante du phénomène de la pourriture noble.

Le vignoble actuelAu XIXe siècle, l'élément le plus important a été la constitution de

vignobles de masse (Languedoc, Côtes du Rhône, Bordelais, Algérie) produisant d'énormes quantités de vin de qualité médiocre et à bas prix. Leur origine tient à un double phénomène: d'une part, la population ouvrière urbaine augmenta très fortement, entraînant la régression des habitudes rurales de consommation de cidre et de bière; d'autre part, grâce au chemin de fer, qui permettait de transporter le vin partout et de le vendre avant qu'il n'aigrisse, celui-ci devint un produit de base de l'alimentation, au même titre que le pain. Même si l'alcoolisme était aux yeux des classes aisées un fléau qui expliquait la pauvreté des ouvriers, le vin était recommandé par les hygiénistes. Jusqu'au milieu du XXe siècle, la ration normale et recommandée pour un travailleur de force était de un litre de vin par jour.

Les crises de surproduction et les maladies du végétal (mildiou, phylloxéra) de la fin du siècle modifièrent encore la physionomie du vignoble. Enfin et surtout, les découvertes pastoriennes et l'explication scientifique de la fermentation, après des millénaires d'interrogation, firent progresser l'élaboration du vin. Le XXe siècle vit apparaître surtout la volonté de classer A.Gribincea 42

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les vins selon leur qualité (apparition des appellations d'origine en France, en Italie puis en Espagne), de rationaliser et de réglementer la production du vin à l'échelle mondiale. Les cinquante dernières années ont vu à la fois la restriction du vignoble de masse au profit de la qualité, l'expansion du vignoble extra-européen (Californie, Chili, Australie), qui concurrence de plus en plus – sans encore les menacer – les fiefs viticoles des trois «sœurs latines», et la confirmation de l'importance du commerce du vin au plan mondial, comme le montrent les âpres négociations entre pays producteurs de l'Union européenne. Depuis les années 1950, les techniques viti-vinicoles ont accompli d'énormes progrès, grâce à la mécanisation de la culture et à la maîtrise des processus biochimiques qui transforment le jus de raisin en vin. Aujourd'hui, l'élaboration de la plupart des vins, quelle que soit leur qualité, dépend autant du savoir-faire du vigneron que de la science de l'œnologue.

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CondimentsL'aneth

L'aneth (Anethum graveolens) est une plante annuelle à tige dressée, striée longitudinalement, et dépassant 1 m de hauteur. Ses feuilles sont glabres et glauques, pennées et divisées en fines lanières presque filiformes. Le pétiole s'élargit à la base en une gaine qui entoure la tige. Les feuilles supérieures sont plus petites et moins divisées. Les fleurs ont 5 petits pétales jaunes et sont réunies en ombelle. Le fruit est formé par 2 akènes accolés l'un à l'autre, dont la face externe est parcourue par 4 côtes proéminentes entourées d'une fine aile jaune paille. Cette plante est originaire de l'Inde et de l'est de la Méditerranée et est depuis longtemps cultivée en France. Ses graines sont aromatiques mais nauséabondes lorsqu'elles sont fraîches.

La coriandreLa coriandre (Coriandrum sativum) est une plante annuelle à racine

pivotante et à tige de 60 cm environ, ramifiée dans sa partie supérieure. Ses feuilles inférieures ont un long pétiole et ses feuilles supérieures sont presque sessiles; elles peuvent avoir une forme entière à bord à peine incisé ou être pennées. Les fleurs, réunies en ombelles de 5 à 10 pédoncules portant chacun 4 à 12 fleurs, ont des pétales, blancs ou roses, petits à l'intérieur de l'inflorescence, beaucoup plus grands à l'extérieur. Le fruit est constitué par 2 akènes parcourus de fines cannelures. C'est une espèce originaire d'Afrique du Nord et de la Méditerranée orientale. Elle possède des propriétés aromatiques, digestives et antiseptiques, et est utilisée comme condiment et en pharmacie.

Épices et aromatesCaractéristiquesLes grandes zones d'origineUne aventure commerciale· L'Antiquité· La Méditerranée, pont des épices· Espagnols et Portugais· Anglais et HollandaisDe multiples usages· Les vertus médicinales· La gastronomie

Le parfum, élément immatériel et mystérieux né de la matière vivante, a été pendant des siècles employé à un double usage: pour se rapprocher des dieux – en leur honneur on brûle des plantes aromatiques, et la prière de Salomon s'élève sur la fumée de l'encens –, pour se distinguer des hommes – «cher comme poivre», disait-on au Moyen Âge, où un sac d'épices était un

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cadeau de souverain à souverain. La quête de ces produits fabuleux se mêle à l'aventure de la navigation maritime et à l'épopée des Grandes Découvertes.

CaractéristiquesLes épices ne constituent pas une famille botanique. Elles proviennent de

différentes espèces et de diverses parties de plantes: le gingembre et le curcuma sont des rhizomes, ou des racines; la cannelle est une écorce; c'est une feuille qui constitue l'épice dans le cas du laurier, du thym ou du romarin; le clou de girofle est un bourgeon, et le safran est une fleur; le poivre, la cardamome ou la coriandre sont des fruits et la noix de muscade, la moutarde ou le sésame sont des graines.

La distinction entre épices et aromates est souvent imprécise. Entrent dans la catégorie des aromates des plantes qui, pour être d'origine exotique, se sont retrouvées très tôt dans les potagers européens, comme le persil, l'anis, le cerfeuil ou l'aneth. Mais plusieurs substances, comme l'origan, sont considérées tantôt comme des épices, tantôt comme des aromates. Dans ce cas, l'épice relève de la saveur, et l'aromate de l'odeur.

L'histoire des épices et des aromates, utilisés dans les préparations culinaires et médicinales, dotés de vertus mirifiques et représentant pour un faible encombrement une extraordinaire valeur marchande, fait entrer en scène des personnages comme Christophe Colomb, John Cabot ou Magellan. Elle illustre les rivalités inexpiables qui présidèrent à l'édification des empires coloniaux.

Les grandes zones d'origineLa plupart des épices proviennent des régions tropicales et subtropicales

de l'Orient et de l'Asie.La cannelle et la cardamome, originaires de la côte de Malabar, en Inde,

de Ceylan et de Chine, où elles sont utilisées de très longue date, furent très tôt prisées des Européens. Le clou de girofle et la noix de muscade, longtemps comptés parmi les plus riches denrées de commerce, viennent des îles Moluques, archipel d'Indonésie connu sous le nom d'«îles des Épices». Toujours en Asie, sur les rives du Huanghe – le fleuve Jaune – et au Bengale, Marco Polo, au XIIIe siècle, rapporte que le gingembre est produit en grandes quantités. Java fournissait le poivre, la noix de muscade, le clou de girofle, et le sésame fut tôt connu à Ceylan.

Certaines épices, inconnues jusque-là, apparaissent en Europe avec les premiers voyages d'explorateurs. C'est le cas de la toute-épice d'Amérique, découverte au XVe siècle: on la prit pour une sorte de piment, d'où son nom botanique de Pimenta dioica. De même, la maniguette, ou malaguette, des côtes de l'Afrique occidentale a fait l'objet d'un commerce important dès les premiers voyages portugais dans la région de la péninsule de la Sierra Leone. Cette zone est ainsi longtemps nommée, sur les cartes, «côte de la Malaguette». À la faveur des traversées maritimes, le safran est, lui aussi, introduit en Angleterre vers le XIVe siècle. Le cumin et l'anis d'Égypte sont parmi les premières épices à avoir circulé à travers la Méditerranée.

Jusqu'au XXe siècle, l'Indonésie procure l'essentiel du poivre. Les autres épices sont réparties à travers le monde. Cette dispersion des foyers de production est renforcée par l'action des Français et des Anglais, qui, pour lutter contre les monopoles portugais, et surtout hollandais, du commerce des épices, introduisent de nombreux plants dans leurs propres colonies.

Certains événements politiques ont, d'autre part, perturbé la production des épices. Le poivre d'Indonésie, par exemple, est passé de 12 millions de

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pieds à 150 000 à la suite de la Seconde Guerre mondiale. À cette date, une crise générale des épices incite à la fois à l'introduction de cultures dans de nouvelles zones et à des recherches sur des produits de substitution, devenus rapidement communs sur l'étalage de l'épicier et d'un usage courant dans l'industrie alimentaire.

Durant les deux derniers siècles, la géographie des épices s'est donc transformée. Aujourd'hui, l'Indonésie, qui est restée un fournisseur important, est supplantée, sur le marché international, par l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud. Le Mexique produit piments, anis, cumin, sésame, origan et toute-épice; le Guatemala exporte la cardamome, la toute-épice, les graines de sésame et le laurier; le Salvador participe au commerce avec le sésame et une petite quantité de cardamome et de toute-épice; le Brésil, enfin, cultive le poivre.

Les États-Unis jouent également un rôle tant dans la production de nombreuses épices (paprika, poivre rouge, piment, aneth, ail, marjolaine, menthe, moutarde, estragon et thym) que dans le commerce international, en particulier pour fournir les ingrédients indispensables à leur industrie alimentaire.

Une aventure commercialeDiverses utilisations du sésame sont mentionnées sur des tablettes

assyriennes conservées au British Museum: pour parfumer le pain et le vin ou, sous forme d'huile, dans la nourriture, en médecine et comme véhicule des parfums. Assyriens et Babyloniens se sont intéressés à la botanique et citent de nombreuses épices tels la cardamome, le cumin, l'aneth, le fenouil, le thym, le safran et le sésame. Celles-ci arrivaient sur les marchés de Babylone soit par mer, soit grâce aux caravanes, et ce commerce était comparable en importance à celui de l'or ou des pierres précieuses.

L'AntiquitéDans l'Égypte pharaonique, l'anis, le cumin et la cannelle font partie des

produits nécessaires à la momification. Or la cannelle, en particulier, ne fait pas partie des cultures égyptiennes: elle provient d'un petit arbre toujours vert qui croît à l'état sauvage dans les forêts montagneuses de Ceylan et de la côte indienne de Malabar. Elle devait par conséquent faire l'objet d'un commerce à longue distance. Vers 2500 av. J.-C., en effet, une inscription mentionne l'envoi d'un navire par le pharaon Sahourê dans une région identifiée comme étant le golfe d'Aden. De même, vers 1500 av. J.-C., Hatshepsout monta une expédition de cinq navires en mer Rouge vers la «terre des épices».

L'Arabie apparaît comme le pivot commercial de la myrrhe, de l'encens et des autres résines produites sur les côtes de l'Afrique de l'Est, dans le sud de la Corne de la péninsule. Cette région a joué très tôt et pour des siècles un rôle d'intermédiaire avec la Méditerranée. Les commerçants arabes de la région d'Oman prenaient le relais d'une chaîne d'intermédiaires allant de l'Indonésie vers le sud de l'Inde, et de l'île de Ceylan jusqu'au golfe Persique. À partir de ce commerce ancien s'installa pour des siècles le monopole des Arabes du sud de la péninsule sur le commerce des épices. La distribution des produits d'Orient sur le Bassin méditerranéen empruntait deux routes: l'une passait entre le Tigre et l'Euphrate et l'autre, à travers le Sinaï, aboutissait en Égypte.

Peu avant le début de notre ère, le canal dont la construction fut entreprise à la fin du VIIe siècle av. J.-C. par le pharaon Néchao II pour relier le Nil à la mer Rouge fut rouvert, permettant aux marchands d'Alexandrie de se lancer dans un fructueux commerce. Vers le IIIe siècle apr. J.-C. se

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développera, à partir de l'Arabie, une liaison maritime directe avec les Indes et la Chine (les marins savent désormais utiliser le phénomène de la mousson), d'où sont rapportées non seulement la cannelle mais également des épices d'Indonésie achetées à des intermédiaires chinois.

Les relations commerciales entre Java et la Chine sont en effet déjà développées de longue date. Sous les Han (entre 206 av. J.-C. et 220 apr. J.-C.), une pratique consiste à sucer des clous de girofle pour parfumer son haleine lorsque l'on s'adresse à l'empereur: la girofle, n'étant pas cultivée en Chine, provenait très certainement d'Indonésie.

La Méditerranée, pont des épicesEn Méditerranée, Constantinople deviendra dès le IVe siècle le centre

relais du commerce au Moyen-Orient; elle le restera durant la majeure partie du Moyen Âge, mais à partir du XIIe siècle Venise s'appropriera l'essentiel du lucratif commerce des épices vers l'Europe.

Aussi n'est-il pas étonnant que ce soit de Venise que les frères Polo, Niccolo et Matteo, soient partis, de 1255 à 1269, pour le royaume du Grand Khan et l'Orient des épices. Leur neveu, Marco, qui suivit leurs traces de 1271 à 1295, décrit, dans son fameux Livre des merveilles du monde, les grands ports de commerce aussi bien que certaines régions de production des plantes aromatiques.

Au XVe siècle, le commerce direct avec l'Orient est toujours dominé par les Arabes. Les principaux pivots commerciaux sont: à l'est Calicut, Colombo et Malacca, Constantinople et Alexandrie pour le Moyen-Orient et, pour la Méditerranée, Venise. En 1453, la conquête ottomane de Constantinople commence à déstabiliser Venise, qui perd définitivement son monopole lorsque Bartolomeu Dias double, en 1487, le cap de Bonne- Espérance, ouvrant ainsi aux Portugais la route des épices et leur assurant, pour deux siècles, la prépondérance commerciale.

Espagnols et PortugaisC'est dans ce contexte qu'en 1497-1498 Vasco de Gama longe les côtes

de l'Afrique de l'Ouest, entre en contact, à la hauteur du Mozambique actuel, avec des populations qui commercent avec l'Inde, recrute un pilote à Malindi; il profite ensuite de la mousson et accoste après trente-trois jours de traversée à Calicut, centre de diffusion de la cannelle, du gingembre et du poivre.

Dans le même temps, l'Espagne s'est elle aussi lancée à la recherche d'une voie maritime vers l'Orient. Christophe Colomb est guidé par la conviction qu'en voyageant à travers les océans toujours vers l'ouest on atteint forcément la «terre des épices». Aussi, à Guanahaní (aujourd'hui San Salvador, aux Bahamas), ne douta-t-il pas d'être arrivé en Inde, même si ce n'est qu'à son deuxième voyage qu'il découvrit la toute-épice de Jamaïque.

L'Angleterre poursuit le même objectif que l'Espagne lorsque Henry VII mandate l'expédition de John Cabot en 1497. Au départ de Bristol, il fait route vers le nord puis met le cap plein ouest, mû par le même raisonnement que Christophe Colomb. C'est ainsi qu'il accoste à l'extrémité nord de l'île de Cap-Breton, où il plante le drapeau anglais, persuadé de se trouver sur une côte inhabitée de l'Orient. Mais il rentre en Angleterre sans avoir trouvé la moindre trace d'épice.

Pour les Portugais, il s'agit d'exploiter rapidement la découverte de Vasco de Gama et d'enlever aux Arabes le lucratif commerce des épices. Aussi, dès 1500, le roi Manuel Ier organise une expédition de 13 navires et 1 200 hommes, commandée par Pedro Álvares Cabral, avec pour mission d'installer le commerce portugais sur les côtes des Indes. Cette expédition, déviée (peut-A.Gribincea 47

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être volontairement) de sa route, accoste six semaines plus tard au Brésil et en prend possession. Les navires reprennent ensuite le chemin de l'Orient par le cap de Bonne-Espérance et installent des comptoirs sur la côte de Malabar. En 1510, Afonso de Albuquerque prend Goa, puis Malacca, qu'il fortifie, aborde à Amboine et impose un tribut aux souverains de Sumatra et de Java. Le commerce arabe des épices est alors pratiquement ruiné et le monopole portugais fait rapidement monter les prix en Europe, ce qui attise la rivalité de bon nombre de nations européennes.

L'Espagne dispute alors au Portugal son hégémonie. Le 20 septembre 1519, Magellan embarque, avec 5 navires et 265 hommes, pour continuer vers l'ouest la prospection dans laquelle Colomb et Cabot ont échoué. Malgré la mort de Magellan, le 27 avril 1521 aux Philippines, les 18 survivants de l'expédition rejoindront le Portugal près de trois ans après leur départ. Ils n'auront pas trouvé de chemin plus court que celui des Portugais, mais ils auront permis à l'Europe d'accéder aux épices par cette route de l'ouest si activement explorée.

Anglais et HollandaisL'Angleterre, pour sa part, continue d'armer des navires pour chercher un

passage par le nord vers les terres des épices. À la faveur de ces expéditions, la connaissance de l'Amérique du Nord est affinée et les routes maritimes de commerce avec la Russie sont mises en place. En 1579, finalement, Francis Drake atteint l'île de Ternate, dans l'archipel des Moluques du Nord, célèbre pour ses noix de muscade: s'il n'a pas trouvé le passage par le nord mais repris la route de Magellan, il n'en a pas moins posé les fondations de l'Empire britannique.

C'est le début d'une crise du monopole hispano-portugais, qui va s'aggraver sous la pression des Hollandais. En 1596, Cornelis Van Houtman accoste à Batan puis à Bali. Ce premier succès stimule les marchands d'Amsterdam, qui s'empressent d'armer de nouveaux navires: dans l'année 1598, ce ne sont pas moins de 5 expéditions, comprenant 22 navires, qui prennent la route vers les «îles des épices».

En 1600, la Compagnie des Indes orientales anglaise est créée par charte royale. La nouvelle compagnie s'empresse alors d'envoyer des navires, et des comptoirs sont rapidement installés. Ainsi, alors que les activités des Hollandais avaient fait monter le prix du poivre à 8 shillings la livre, Lancaster en 1603 rapporte du poivre qu'il n'a payé que 6 pence la livre en Indonésie. En 1602, les Hollandais créent la Compagnie des Indes orientales hollandaise, qui récupère les comptoirs commerciaux déjà installés et en crée de nouveaux.

Dans le courant du XVIIIe siècle, le commerce des épices devient moins rentable. Incapables d'atteindre en Asie la puissance des Hollandais, Français et Anglais introduisent des plants dans leurs colonies respectives et produisent ainsi les épices que l'on devait jusque-là rapporter d'Indonésie.

De multiples usagesSi elles ont été tant convoitées, c'est que les hommes ont trouvé aux

épices de nombreux usages. Usages culinaires, médicaux, rituels, cosmétiques, pour lesquels les vertus accordées aux plantes aromatiques sont la plupart du temps proportionnelles à la difficulté de se les approprier.

Les vertus médicinalesEn médecine, un papyrus de Thèbes datant de 1552 av. J.-C. cite déjà de

nombreuses épices dans la pharmacopée. En Grèce et à Rome, l'anis parfumait le vin et ouvrait l'appétit; on lui prêtait, ainsi qu'au basilic, des vertus

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aphrodisiaques. Cumin et coriandre permettaient de conserver la viande, que le gingembre parfumait à la cuisson. Les poivres blanc et noir trouvaient un large usage culinaire malgré leur prix excessivement élevé. On pensait que le persil protégeait des intoxications alimentaires, aussi apparaissait-il sur la table de tout banquet.

Le traité médical d'Hippocrate fait une large place aux épices. La coriandre était supposée calmer les brûlures d'estomac et faciliter le sommeil, l'anis arrêter les éternuements, la sarriette et la marjolaine éliminer un excès de bile.

Pline, lui, recommande l'anis pour le traitement des affections des yeux et des poumons, des vomissements, du mal de tête, du lumbago, et assure que son inhalation facilite la délivrance des femmes enceintes. Il donne de nombreuses recettes dans lesquelles les épices sont des éléments importants, seules ou combinées ensemble. Marco Polo raconte qu'au nord de l'Afghanistan il a vu utiliser de grosses quantités d'huile de sésame et qu'à Pékin le vin de riz était parfumé avec diverses épices.

La gastronomieEn Europe, à cette même période, les épices sont une marque de

richesse et entrent dans la composition de nombreux mets et médicaments. Ainsi, alors que seules les épices locales (persil, thym, romarin, ail) apparaissent dans l'assiette de la majorité des Européens, dans la cuisine des princes on trouve de la muscade, de la cannelle, du poivre, des clous de girofle, voire du gingembre, qui parfument potages et viandes. Le carvi et le cumin accompagnent fromages, pains et gâteaux, tandis que presque toutes les épices entrent dans la composition de boissons variées. L'usage des épices dans la pharmacopée est assez similaire à celui qu'en faisaient les Anciens. À propos du traitement de la terrible peste noire du XIVe siècle, Boccace fait référence dans son Décaméron à l'emploi de nombreuses épices. À la fin du XVIe siècle, alors que les épices arrivaient directement d'Orient sur les navires portugais, leurs usages s'étaient considérablement multipliés. La demande européenne avait augmenté de façon importante, puisque les épices, quoique représentant toujours un produit de luxe, étaient accessibles à un plus grand nombre.

De nos jours, les épices sont devenues de banals ingrédients de l'art culinaire. Le poivre est aujourd'hui l'épice la plus importante, suivi par la cannelle, les piments et le clou de girofle. Dans l'industrie alimentaire, les épices jouent un rôle essentiel, apportant leur parfum à tous les plats préparés ou semi-préparés, aux conserves, aux sauces et jusqu'aux bonbons. Leur importance n'est pas moindre dans la préparation des liqueurs, alcools et boissons comme le curaçao, la chartreuse, l'anisette ou le gin, pour ne citer que les plus courants. Comme autrefois, l'utilisation des épices dans la parfumerie et la cosmétique est importante: l'huile et les extraits d'épices entrent dans la composition de nombreux parfums, poudres et crèmes.

L'augmentation de la production des épices, si elle a développé nombre de leurs usages, a détruit les croyances dans leurs vertus médicinales. La pharmacopée moderne inclut cependant certaines épices dans ses préparations. Elles sont essentiellement censées apporter un parfum agréable à des composants amers. Cependant certaines épices jouent un rôle dans la thérapeutique moderne; ainsi, l'anis est bénéfique pour soulager flatulences et coliques, l'huile de clous de girofle a un pouvoir germicide et se révèle un bon anesthésiant local en usage externe, les piments soulagent lumbago et autres contractions musculaires. Mais des épices telles que le romarin, le cumin ou la A.Gribincea 49

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muscade, auxquelles les Anciens prêtaient de nombreuses vertus, ne connaissent aujourd'hui aucun usage médical.

Le fenouilLe fenouil (Foeniculum vulgare) est l'un des légumes les plus connus et

les plus typiques de la région méditerranéenne. Il a des tiges glabres atteignant 2 m de haut; ses feuilles sont pennées-composées et leurs derniers segments sont linéaires ou même filiformes. Ses fleurs, réunies en ombelles, sont composées, jaunes, ont un calice rudimentaire et de larges pétales sans bord. Les fruits sont des akènes oblongs, non comprimés latéralement. On consomme généralement comme légumes la base des tiges, qui sont assez grosses. Les graines, très aromatiques, sont employées comme condiment et pour des préparations pharmaceutiques à cause de leurs propriétés stimulant les fonctions digestives.

Le persilLe persil (Petroselinum crispum) est une petite plante originaire d'Afrique

du Nord et d'Asie Mineure que l'on cultive largement partout comme condiment. Elle est bisannuelle et possède une racine pivotante et une tige cylindrique, striée dans le sens de la longueur et très ramifiée, atteignant 1 m de hauteur. Ses feuilles, glabres, sont très divisées; celles du bas ont des lobes ovales à base cunéiforme et à bords dentés ou diversement incisés, tandis que celles du haut ont des lobes plus étroits et entiers. Ses fleurs, formées d'un petit calice peu voyant et d'une corolle à 5 pétales blancs, sont réunies en ombelle. Son fruit est formé de 2 akènes parcourus de côtes verticales.

Le piment doux(ou (le) paprika ).Le piment doux ou paprika (Capsicum annuum) est une plante annuelle à

racine pivotante, tige dressée, simple dans sa partie inférieure et ramifiée dans sa partie supérieure qui peut atteindre 1 m. Ses feuilles, normalement alternes, munies d'un long pédoncule, sont simples et ovales et ont une extrémité pointue et un bord entier. Ses fleurs ont un pédoncule arqué, un calice campanulé et une corolle tubuleuse, le plus souvent blanche ou jaunâtre, d'où émergent 5 étamines violettes. Ses fruits sont des baies de forme et taille variables, généralement vertes, jaunes ou rouges, contenant plusieurs graines blanc jaunâtre et en forme de rein. Cette espèce originaire d'Amérique est largement cultivée pour ses usages culinaires.

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Produits animaux

La boucherieLa boucherie

La boucherie a pour objet le débit et la vente des viandes destinées à la consommation humaine. Autrefois, le commerce de la boucherie portait essentiellement sur les animaux d'élevage de taille relativement importante (bœuf, vache, veau, cheval, âne, mulet, mouton, chèvre).

Le mot boucher vient de bouc. Le porc faisait l'objet d'un commerce particulier, la charcuterie (mot qui vient de «chair cuite»). Aujourd'hui, la boucherie englobe la plupart des viandes comestibles, y compris le gibier de chasse et la volaille d'élevage. Dans les siècles passés, la viande était une denrée alimentaire assez rare et coûteuse, le roi Henri IV désirait «la poule au pot tous les dimanches» sur la table de ses sujets. Au début du XXe siècle, on ne mangeait de la viande qu'une fois par semaine dans nombre de familles françaises. De nos jours, en France, la viande est devenue un plat plus accessible; elle entre pour 10 % dans le budget de la famille française moyenne et le quart de ses achats alimentaires.

L'accroissement rapide de la production de la viande dans les pays économiquement élevés est l'un des phénomènes les plus marquants des 25 dernières années; elle est la conséquence d'une demande accrue des denrées d'origine animale et d'un pouvoir d'achat en expansion. L'évolution du goût du consommateur intervient dans la répartition des viandes offertes sur le marché; la faveur grandissante dont jouissent les préparations à base de porc (charcuterie, jambon, saucisson) assure un bel avenir à la commercialisation de cette viande. Les diverses viandes subissent une concurrence de plus en plus vive de la part de la volaille, produite dans des conditions toujours plus économiques.

La viande Les opérations techniques

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· L'abattage· La contamination microbienne· Les méthodes de stabilisation de la viande· Les méthodes de décontamination des viandes· La salaisonLa cuissonConsommation et habitudes alimentaires

La viande est à la base d'une filière alimentaire spécifique très organisée, tout au long de laquelle un strict contrôle sanitaire mobilise une main-d'œuvre importante. Denrée périssable, elle doit être conservée dans le froid en permanence. C'est un produit coûteux, mais nourrissant: les protéines qu'elle contient sont très digestes, sa composition en acides aminés indispensables est équilibrée et complétée par un apport en sels minéraux et en oligoéléments. La consommation carnée, qui concerne surtout les pays riches, tend à baisser, mais les industriels ont trouvé deux parades: l'identification d'origine et l'élaboration de produits services.

Les opérations techniquesLes opérations essentielles de la filière viande n'ont pas cessé d'évoluer.

Du début du XXe siècle jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce sont surtout les techniques de réfrigération qui se sont développées. Depuis lors, des facteurs politico-économiques et technologiques ont largement contribué à faire avancer le domaine du conditionnement et de l'emballage. La diminution du nombre d'abattoirs et la multiplication des abattages effectués directement sur le lieu de production sont les conséquences des progrès accomplis.

La transformation de l'animal en un produit livré au consommateur se fait en trois étapes: obtention de la carcasse et du cinquième quartier (abats et sous-produits, ou «issues»); séparation de la carcasse en déchets (os et graisses) et en viandes utilisées à l'état frais ou comme matières premières pour l'étape suivante; fabrication de la charcuterie et des salaisons par addition d'assaisonnement et, le plus souvent, par traitement thermique.

L'abattageDe l'établissement d'élevage à l'abattoir, le transport de l'animal peut

être long. Or il constitue un facteur de fatigue et de stress auquel certains animaux sont particulièrement sensibles, comme les porcs en provenance d'élevages industriels et les jeunes bovins séparés de leur mère; le stress se répercute sur la qualité de la viande. De plus, les agressions qui surviennent au cours du voyage entraînent des troubles du métabolisme, qui ne sont pas toujours réversibles et finissent par faire obstacle au processus de maturation de la viande. Enfin, les conditions de transport peuvent accroître la prédisposition du bétail aux salmonelloses (affections dues aux bacilles du genre Salmonella).

L'adaptation de la technique de stabulation (emplacement fixe et réduit) sur les véhicules permet de limiter efficacement les inconvénients du transport (pattes cassées...). Des injections de glucose sont aussi préconisées afin que l'animal puisse reconstituer des réserves. En revanche, l'administration de tranquillisants n'est pas tolérable, des résidus se retrouvant dans la viande.

Arrivés à l'abattoir, les animaux sont encore placés en stalle; au cours de la stabulation, ils peuvent être soumis à une diète hydrique afin d'éviter qu'ils soient abattus pendant qu'ils digèrent, et donc pendant que leurs viscères sont

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pleins. Le passage des bêtes sous la douche empêche la contamination superficielle par la peau et les souillures.

L'étourdissementLes procédés d'étourdissement – au moyen de l'électricité, d'une

enceinte à gaz carbonique ou d'un pistolet – doivent provoquer une inconscience instantanée et complète (souci éthique) tout en évitant le stress et les hémorragies capillaires (souci de qualité alimentaire). L'électricité, à une puissance qui varie entre 70 et 300 V, permet d'obtenir une désorganisation de l'activité cérébrale, et ce en un temps suffisamment court pour ne pas entraîner de lésions organiques. Le gaz carbonique (CO2) agit comme un anesthésiant: l'arrêt prolongé dans une enceinte contenant 70 % de CO2 et 30 % d'air lèse les tissus nerveux (par anoxie). Les pistolets servent surtout pour le gros bétail: à tige perforante, ils sont pneumatiques ou à cartouches; le pistolet à masse est pneumatique.

La saignéeElle a lieu immédiatement après l'étourdissement, afin que l'activité

cardiaque subsiste et aide à l'éjection du sang (pour les viandes kachères, l'animal est saigné sans être étourdi). Plus la saignée est complète et rapide, meilleure sera la viande. Effectuée au couteau, elle se pratique de différentes manières selon les espèces: par rupture de la carotide et de la veine jugulaire chez le gros bétail; par rupture de la veine jugulaire, par égorgement, chez les veaux et les ovins; par rupture de la veine cave antérieure chez les porcs. Si un trocart est employé à la place du couteau, l'entaille est faite dans la région préthoracique. Le sang récupéré connaîtra une utilisation industrielle ou alimentaire. Divers procédés permettent d'éviter la coagulation.

Le dépouillage et l'éviscérationL'étape suivante, le dépouillage, consiste à enlever le cuir et les peaux

des bovins et des ovins dans les meilleures conditions, garantissant une bonne présentation et une bonne conservation des carcasses; les volailles sont échaudées et plumées, tandis que les porcs sont échaudés, rasés, brûlés et grattés (la couenne doit être propre). Le plus souvent, la machine à dépouiller est intégrée à la chaîne des abattoirs.

L'éviscération est l'ablation de tous les viscères thoraciques et abdominaux de l'animal, à l'exception des reins. L'automatisation du procédé assure la précision de la découpe et la continuité de la chaîne. Chez les bovins et les porcs, la carcasse obtenue est fendue en deux parties, découpées chacune en deux quartiers; le cinquième quartier (abats, sang, suifs, etc.) est traité dans l'heure qui suit la mort de l'animal.

La contamination microbienneLa contamination peut avoir lieu au moment de l'abattage ou pendant les

étapes de conservation de la viande. La flore de contamination post mortem provoque une altération qui peut se traduire par la putréfaction. L'évolution des germes dépend de facteurs intrinsèques de la viande: structure, composition, pH, température et teneur en oxygène.

La putréfaction s'installe dans les masses musculaires internes de carcasses maintenues à une température élevée (supérieure à 30 °C). Elle est due au développement de bactéries anaérobies, en particulier Clostridium perfringens, qui proviennent du tractus intestinal des animaux. Or l'ingestion de viande ainsi contaminée est à l'origine d'intoxications alimentaires (infections, toxi-infections digestives...). Les infections contractées exclusivement par voie digestive, relativement bénignes, se manifestent par de la fièvre et des vomissements; les micro-organismes incriminés sont C. A.Gribincea 53

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perfringens et Bacillus cereus. Les toxi-infections, ou gastro-entérites aiguës, sont les plus fréquentes. Les viandes sont infectées par des germes, en général ceux des genres Salmonella et Shigella; les salmonelles contaminent la viande de façon indirecte (par contact avec un milieu pollué le long de la chaîne d'abattage) ou directe (par des porteurs de germes sains ou malades). Plus graves sont les empoisonnements par des toxines préformées dans l'aliment, lors de la croissance bactérienne. Libérée, une toxine engendre dans des délais relativement courts des troubles comme le botulisme, dû à C. botulinum, et de l'intoxication staphylococcique, due à Staphylococcus aureus.

Enfin, les intoxications de type histaminique sont consécutives à l'ingestion de denrées avariées ou en cours d'altération par suite d'une mauvaise préparation ou d'une mauvaise réfrigération. Elles sont provoquées par des amines de décarboxylation (histamine, thyramine, etc.) issues du catabolisme microbien (de Proteus en particulier et de certains bacilles anaérobies).

Les méthodes de stabilisation de la viandeL'installation de la rigidité cadavérique (le rigor mortis) est perceptible

sur la carcasse, la musculature devenant progressivement raide et inextensible dans les heures (exceptionnellement les minutes) qui suivent la mort de l'animal. Ce phénomène résulte de la réduction du stock d'ATP (adénosine triphosphate), composé qui permet au muscle vivant de conserver son élasticité et qui lui fournit l'énergie nécessaire à la contraction: après la mort, l'ATP est hydrolysée sous l'action de différentes enzymes.

L'âge de l'animal, le mode de nutrition et les conditions d'élevage déterminent des caractéristiques métaboliques qui influencent l'apparition du rigor mortis. Généralement, lorsqu'il se produit de façon anormalement rapide ou précoce, la tendreté de la viande est altérée.

La maturation est la phase d'évolution post mortem qui survient après le rigor mortis. Les réserves énergétiques du muscle s'épuisant, il ne subsiste que des phénomènes hydrolytiques, qui tendent à désorganiser peu à peu les différentes structures musculaires: d'abord par le catabolisme du glycogène (transformé en glucose et en acide lactique), ensuite par l'évolution des protéines (dénaturation due à l'acidification du milieu).

La réfrigérationL'abaissement de la température de la viande est nécessaire pour éviter

la putréfaction, qui se développe rapidement. De plus, le froid préserve les qualités organoleptiques de la viande (tendreté, flaveur et couleur). Une bonne réfrigération implique le respect de trois règles primordiales: application à un aliment sain, à un stade précoce et de manière continue.

En raison de leur importance pour la qualité sanitaire du produit, les conditions de réfrigération ont fait l'objet d'une réglementation stricte. Deux opérations successives sont définies: le ressuage (une déshydratation contrôlée), qui débute aussitôt après l'abattage et permet de ramener la température interne de la carcasse à une valeur égale ou inférieure à 7 °C; la conservation (ou stockage sous froid), qui maintient les produits à une température égale ou inférieure à 7 °C.

Les différents types de ressuageTous les abattoirs disposent aujourd'hui de chambres de réfrigération

avec circulation forcée d'air à des températures voisines de 5 °C. La norme française concernant les conditions de tendreté des viandes de gros bovins prévoit que la température ne doit pas descendre au-dessous de 10 °C en moins de dix heures.A.Gribincea 54

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Le ressuage classique est la méthode la plus ancienne: les carcasses sont placées à un endroit fixe, dans une salle où la température se situe entre 3 et 5 °C. Il dure, dans le cas des gros bovins, au moins vingt-quatre heures.

Le ressuage en cellules est un système rapide qui comprend deux phases: un passage (de quatre à six heures à 0 °C environ) dans des cellules aussitôt après l'abattage; un séjour en salle d'équilibrage (à une température de l'ordre de 3 à 5 °C) où les carcasses restent jusqu'à ce qu'elles atteignent 7 °C à cœur. Comparée à la précédente, cette méthode est plus évoluée: elle permet un refroidissement plus rapide de la partie superficielle de la carcasse.

Le tunnel de ressuage rapide est très utilisé, en particulier pour les porcs. Si le principe est le même que pour le ressuage en cellules, la première phase est entièrement mécanisée: le convoyage automatisé des carcasses se fait par un tunnel dès la fin de la ligne d'abattage (la température y est voisine de 0 °C). La vitesse est calculée pour que le temps de séjour dans le tunnel soit de quatre heures pour les gros bovins, de deux heures pour les petits animaux. À la sortie, les carcasses passent obligatoirement dans une salle d'équilibrage statique jusqu'à ce que leur température interne s'abaisse à 7 °C.

Des systèmes dérivés du tunnel de ressuage existent (autre température du convoyeur, ajout de phases supplémentaires à des températures différentes). Quelle que soit la méthode utilisée, une stimulation électrique est nécessaire pour éviter une contraction au froid des muscles superficiels.

Les effets biochimiques de la réfrigérationL'objectif essentiel des techniques de réfrigération est d'obtenir un

refroidissement le plus rapide possible de la partie superficielle de la carcasse, limitant ainsi au minimum le développement microbien et surtout les pertes de poids pendant la phase de ressuage.

La réfrigération de la viande ralentit toutes les réactions biochimiques exothermiques, et en particulier toutes celles qui conduisent au rigor mortis (en vingt heures à 7 °C, au lieu de quatre heures à 37 °C) et à la maturation (en seize jours à 0 °C, contre huit jours à 6 °C). Toutefois, une réfrigération rapide avant le rigor mortis peut provoquer un phénomène de cold shortning, ou «contraction à froid»: un muscle contracté donnera une viande dure.

La congélation-décongélationLa congélation consiste à abaisser la température du produit jusqu'à

transformation d'une grande partie de son eau en glace, et à maintenir cet état pendant toute la durée de la conservation.

En raison de sa teneur en sels minéraux et de ses liaisons avec les différentes protéines musculaires, l'eau contenue dans la viande ne congèle pas à 0 °C mais à - 1,1 °C. Au fur et à mesure que le froid s'intensifie, la portion d'eau liquide diminue, mais ne disparaît jamais: elle est de 26 % à - 5 °C, de 18 % à - 10 °C et de 10 % seulement à partir de - 40 °C. La congélation (effectuée de - 10 °C à - 196 °C [azote liquide]) doit avoir lieu après l'installation du rigor mortis, sinon une exsudation très importante est observée à la décongélation. La viande est traitée en quartiers, sous forme désossée ou en portions individuelles (notamment la viande hachée).

La transformation de l'eau en glace a plusieurs effets: réduction de l'espace liquide des micro-organismes, ce qui inhibe totalement leur multiplication; altérations de la structure et du métabolisme des germes (dénaturation de protéines enzymatiques). La destruction des micro-organismes est d'autant plus importante que la température de stockage est A.Gribincea 55

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basse et que la congélation est longue. Les larves et les formes embryonnaires de ténias, par exemple, peuvent être tuées par une congélation bien conduite.

Ensuite vient le mode de décongélation, qui agit sur la flore microbienne. Une décongélation lente entraîne des changements physico-chimiques et des pertes par exsudation, phénomène favorable à la multiplication de germes de surface. Si le produit doit être immédiatement consommé ou réfrigéré (à 2 °C), il est préférable de décongeler rapidement: l'exsudation est moindre, mais le risque microbien est élevé.

Le cycle congélation-décongélation est à l'origine de la rupture de la membrane de la cellule musculaire, et la libération de certaines enzymes qui dégradent les protéines favorise le développement des micro-organismes. Aussi une viande qui a été congelée se conserve-t-elle mal après décongélation.

Le conditionnement sous videL'évolution de l'élevage et de la technologie alimentaire rend plus difficile

la conservation de la viande par le froid. L'abaissement de l'âge d'abattage des animaux pose un réel problème, car les viandes jeunes se conservent moins bien (la couleur évolue rapidement). La sensibilité au stress des animaux en élevage intensif modifie la biochimie de la viande (chute rapide de pH...) au point de gêner sa congélation.

De nouvelles techniques de réfrigération (sous vide après stimulation électrique) permettent de contourner ces difficultés. Le vide empêche le développement des bactéries putréfiantes (genres Pseudomonas, Achromobacter, Proteus...) et préserve le muscle: à nouveau en contact avec l'air, la myoglobine peut s'oxygéner et donner une couleur rouge vif à la viande. Celle qui est destinée à être conditionnée sous régime de réfrigération doit avoir un pH musculaire – il est mesuré entre 18 et 48 heures après l'abattage – inférieur ou égal à 6, avant la mise sous vide (au-dessus de 6, il y a un risque d'apparition plus rapide de la putréfaction). Après la mort de l'animal, les réserves de glycogène contenues dans les muscles sont normalement dégradées, sous l'action d'enzymes, en acide lactique; par conséquent, l'acidité dans le muscle augmente (le pH diminue jusqu'à une valeur proche de 5,5).

La prolifération de la flore bactérienne des viandes conditionnées sous vide est ralentie: pendant la première semaine, on constate une phase de latence; à partir du septième jour, une augmentation notable de la population des lactobacilles est observée au détriment des autres bactéries. La durée de conservation sous vide est au minimum de dix jours: l'ouverture trop précoce du conditionnement favorise la multiplication, sans phase de latence, de certaines bactéries putréfiantes, alors que les lactobacilles n'ont pas pu encore jouer leur rôle limitant.

Le conditionnement sous vide n'arrête jamais cette prolifération, et n'a donc rien à voir avec la stérilisation.Quant aux matériaux utilisés, ils offrent des performances en matière de perméabilité aux gaz (oxygène et gaz carbonique) et à la vapeur d'eau, et de résistance à la perforation et aux chocs: ils ne modifient pas le processus de maturation de la viande.

Les méthodes de décontamination des viandesL'irradiation des aliments est un procédé qui consiste à les soumettre à

des rayonnements dont l'énergie est suffisante pour provoquer la rupture de certaines molécules (notamment l'eau) et la formation d'ions. Les germes contaminants sont, eux aussi, sensibles à ces réactions d'ionisation qui peuvent perturber leur métabolisme et entraîner leur mort. L'irradiation de la A.Gribincea 56

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viande à moyenne (3 à 20 kGy) et à forte dose (supérieure à 40 kGy) à des fins de stérilisation ne semble pas utilisable actuellement: elle est cause d'odeurs et de flaveurs anormales qui rendent le produit inacceptable. En revanche, l'irradiation à faible dose (de 1 à 5 kGy) associée à d'autres procédés de conservation (réfrigération en particulier) permet d'allonger la durée de vie du produit en réduisant la population microbienne.

L'action stérilisante de l'ozone vient de son pouvoir d'oxydation élevé: il interfère avec la respiration cellulaire en détruisant certaines enzymes essentielles (déshydrogénases). Ce gaz est utilisé pour la conservation de la viande réfrigérée, car il ralentit le développement de la flore de surface et améliore les conditions de stockage. De plus, il a une action désodorisante par oxydation des produits volatils responsables des odeurs. Son utilisation à forte dose permet d'éliminer les odeurs des chambres froides et des conteneurs ayant servi au transport des viandes. Néanmoins, son effet néfaste sur les caractéristiques organoleptiques de la viande conduit à l'employer avec prudence.

La salaisonLa troisième transformation de la viande se fait par incorporation des

ingrédients de salaison, notamment le sel. Elle fournit les produits du saumurage, comme le jambon cuit, mais par extension elle comprend aussi toute la charcuterie dont la matière première est la viande de porc. Toutefois, il existe toute une gamme de produits variés faisant appel à des technologies très différentes: des produits relativement secs et riches en sels minéraux (saucisson et jambon secs); des produits riches en eau et ensachés (différents types de saucisses); des produits riches en eau et protégés par un emballage étanche (jambon cuit, entre autres).

Le chlorure de sodium pénètre dans les cellules musculaires, ce qui fait sortir par osmose les substances solubles (acides aminés, vitamines, certaines protéines). Sa concentration finale dans la viande salée est de l'ordre de 4 à 5 %, et pourtant le goût salé (du jambon sec, par exemple) est peu prononcé – un potage salé à 1 % est immangeable. En fait, les protéines solubles expulsées avec l'eau de la cellule musculaire servent de liant, emprisonnant véritablement le sel dans la «mêlée» du saucisson ou entre les pièces qui forment un jambon de Paris. Le chlorure de sodium agit également sur les protéines en détruisant les structures rigides, ce qui expliquerait le gain de tendreté observé dans les viandes salées.

Les polyphosphates permettent d'accroître la tendreté de la viande en augmentant sa capacité de rétention d'eau. Les nitrites et les nitrates ont une action bactériostatique (contre C. botulinum), une action sur la couleur (teinte rosée de la charcuterie) et sur la flaveur. Mais le nitrite étant un sel toxique, sa concentration légale dans la viande ne doit pas dépasser 150 mg/kg – la dose mortelle pour l'homme est de l'ordre du gramme. La qualité du produit de charcuterie ou de salaison reste dépendante à la fois de la qualité de la matière première et des conditions de fabrication.

La cuissonSi plus de 95 % de la viande consommée en France le sont après cuisson,

la majorité des recherches est effectuée sur la viande crue. On distingue les cuissons sèches (rapides, utilisées pour les rôtis et les grillades) des cuissons humides (lentes, pour les viandes bouillies ou braisées).

Excepté pour la préparation de bouillon, on recherche une coagulation rapide des protéines de surface, qui aboutit à la formation d'une croûte

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imperméable retenant partiellement le jus à l'intérieur du morceau. La cuisson entraîne deux sortes de modifications des propriétés de la viande crue: les fibres musculaires durcissent, et le tissu conjonctif devient plus tendre. Pour les viandes riches en tissu conjonctif, un mode de cuisson long en atmosphère humide (bouillie) est préférable. Au contraire, il vaut mieux griller une viande pauvre en tissu conjonctif.

Dès l'achat, le consommateur devrait prendre en compte le mode de cuisson (temps et température de chauffage) qu'il va utiliser et qui peut influer sur la qualité de la viande. La cuisson peut augmenter la tendreté, surtout celle des bas morceaux riches en tissu conjonctif. De plus, de nombreux composés volatils ou solubles se formant pendant la cuisson donnent à la viande son fumet caractéristique et toute sa flaveur. La cuisson agit aussi sur la digestibilité de la viande, car la chaleur, en dénaturant les protéines musculaires, facilite l'attaque par les enzymes du tractus gastro-intestinal. Enfin, elle détruit les parasites (ténia, ascaris) éventuellement présents à l'état d'œufs.

Consommation et habitudes alimentairesLa croyance populaire attribuant aux aliments des vertus particulières, la

viande est réputée source de force et de vitalité. De tout temps, elle a été considérée comme une denrée précieuse, dont la consommation est encore aujourd'hui ritualisée. Croyances religieuses, pratiques sociales ou principes diététiques dictent les comportements alimentaires actuels.

Déjà au Moyen Âge, des choix diététiques déterminaient celui des aliments à consommer et la manière de les faire cuire: les viandes de bœuf et de porc étaient jugées grossières par les médecins et convenant mieux à l'estomac des gens de labeur qu'à celui, délicat, de l'élite sociale, laquelle devait préférer les volailles, de digestion facile. Progressivement, aux XVIIe et XVIIIe siècles, s'est développé le goût pour le bœuf. La gastronomie a alors rompu avec les anciens principes diététiques, notamment en introduisant des fruits et des légumes dans les menus.

À partir du XIXe siècle, la consommation de viande augmenta de façon constante. Dans les années 1950, la viande occupait une place importante dans l'alimentation des populations des pays développés. Considérée comme source d'énergie, elle était conseillée aux enfants chétifs. La diététique était surtout appliquée par les végétariens, puis par des écologistes prêts à faire des sacrifices pour conserver une bonne hygiène de vie.

À partir des années 1970, la diététique intéresse une population de plus en plus nombreuse qui, se préoccupant de sa santé, réduit sa consommation de viande. La viande a mauvaise réputation en raison du rôle qui lui est attribué dans les maladies cardio-vasculaires, et l'éventail d'aliments dont disposent les consommateurs est par ailleurs très large.

En France, entre 1980 et 1990, la consommation totale de viande par habitant est passée de 90,4 à 96,5 kg, soit une progression de 0,5 kg par an. (Entre 1968 et 1980, les Français avaient porté leur consommation individuelle de 67,8 à 90,4 kg.) Il existe cependant d'importantes disparités selon les espèces consommées: la viande bovine est en phase décroissante, ralentie cependant par le développement de la viande hachée.

De plus, une segmentation apparaît entre les viandes identifiées, c'est-à-dire dotées d'un label ou d'une spécificité, et les autres. Ainsi, le label «veau élevé sous la mère» a placé cette viande dans le haut de la gamme. La certification de conformité du produit repose sur l'élaboration d'un cahier des

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charges précis, de l'élevage à la distribution, et sur le contrôle par un organisme certificateur indépendant. La France est le principal consommateur de viande de veau de l'Union européenne, puisqu'elle représente 43 % de la demande. Avec une consommation moyenne de 3,8 kg par an et par habitant (soit 5,5 kg équivalent-carcasse), les Français restent de loin les premiers mangeurs de veau au monde.

Concernant les ovins, la France ne produit plus que la moitié de ce qu'elle consomme. L'agneau comprend une grande diversité de races, aussi cette viande est-elle présente en toutes saisons. Elle bénéficie d'une bonne image de marque, et sa consommation atteint 0,28 millions de tonnes équivalent-carcasse (TEC); l'industrie des viandes produit, en France, près de 3,5 millions de TEC. La viande de porc fraîche est restée jusqu'à maintenant peu diversifiée, et son image est plutôt négative. L'apparition du label «porc fermier» est intéressante, mais reste restreinte en volume: elle concerne 2 % environ des viandes fraîches. Le jambon cuit a la meilleure part en volume et en valeur des produits de charcuterie. Ce marché a connu une croissance globale de 3 % en volume et de 12,4 % en valeur (cumul annuel juin-juillet 1992).

Aujourd'hui, le rythme et la structure des repas dépendent des activités professionnelles et des loisirs. Les produits à «caractère nutritionnel» envahissent les rayons alimentaires: on semble être passé de la période des produits allégés (années 1980) à celle des produits enrichis (années 1990). Les industries de la viande ne cessent d'évoluer, soit en adaptant leurs produits à la demande du consommateur, soit en créant le besoin.

Fromages

Le BeaufortinLes paysagesL'habitat traditionnelÉconomie· L'énergie hydroélectrique· L'agriculture· Le tourisme

ou BeaufortainMassif cristallin des hautes Alpes de Savoie, situé au sud du mont Blanc,

entre la Tarentaise et le Doron.Ce petit massif, voisin du prestigieux Mont-Blanc, est un véritable

conservatoire de la vie et des paysages savoyards. C'est une montagne verte, aux versants raides et pentus, où s'étirent de longues vallées qui parfois s'élargissent en étroits bassins. L'élevage et la fabrication de fromages sont depuis des siècles les activités fondamentales du Beaufortin. Aujourd'hui, la production du fromage de Beaufort (que Brillat-Savarin qualifia jadis de «prince des gruyères») garantit le maintien d'une agriculture vivante, et par conséquent la protection des paysages. C'est donc un conservatoire bien vivant, et, par de nombreux côtés, un laboratoire d'expérimentation pour le maintien de l'économie et de la vie en montagne. L'hydroélectricité a marqué

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l'après- guerre avant que le tourisme, d'été comme d'hiver, et différentes activités ne viennent diversifier les emplois. Dans le Beaufortin, nombreux sont ceux qui se partagent entre l'agriculture, le travail en station, le bûcheronnage, le bâtiment, ainsi que le travail «posté» selon le système des 3 x 8 à Venthon (aluminium) et à Ugine (aciers).

Les paysagesLorsque les habitants du Beaufortin parlent de leur pays, ils parlent de la

«vallée», bien que l'altitude moyenne soit forte (1 600 m). Les sommets y atteignent même des altitudes respectables: le Mirantin 2 461 m, le Grand Mont 2 687 m, l'aiguille du Grand-Fond 2 889 m… C'est une vallée d'accès peu facile: la basse vallée du Doron de Beaufort se rétrécit en effet en un étroit défilé avant de rejoindre l'Arly au nord d'Albertville, et pendant longtemps les cols étaient les passages les plus fréquentés: cols de la Forclaz et des Saisies vers le val d'Arly, col du Joly vers le val Montjoie, col de Roselend vers la Tarentaise.

Le Beaufortin est un massif qui participe à la fois des Préalpes et des massifs centraux. À l'ouest, on trouve en effet une zone cristalline, empâtée par les schistes, qui l'apparente à son voisin majestueux le Mont-Blanc; à l'est, au contraire, des roches sédimentaires, où domine le calcaire, engendrent des sommets aux parois plus raides rappelant les sommets préalpins. Les glaciers quaternaires ont laissé leur empreinte: cirques glaciaires des hautes vallées propices aux retenues hydroélectriques, ombilics et verrous typiques de la vallée d'Arêches ou de la vallée du Doron entre Beaufort et Queige.

Le Beaufortain est un massif frais et humide: 1 600 à 1 800 mm de précipitations annuelles sous forme de pluies d'été favorables aux herbages et sous forme de neige (5 mois par an à 1 200 m d'altitude).

L'habitat traditionnelLes chalets étaient, autant que possible, tournés vers le soleil. La façade

comportait trois niveaux: au rez-de-chaussée, il y avait l'étable, à demi enterrée, aux murs de pierres, aux petites ouvertures, une rigole centrale permettant d'évacuer le purin. Le premier étage se partageait entre le logis et la grange. Les locaux d'habitation comportaient le majon, qui était la cuisine, et le pèle, pièce chauffée en hiver où l'on se serrait en cas de grand froid. Pour économiser la place, les placards étaient enfoncés dans les murs. Au même niveau et en arrière du logis, une grange communiquait, par des trappes où l'on faisait passer le foin, avec l'étable en dessous. La grange était prolongée par des balcons où l'on pouvait mettre à sécher du foin un peu humide, du linge… À proximité se trouvait le grenier, petit bâtiment en madriers équarris, sans fenêtres. La porte, de petite dimension, avait toujours une découpe arrondie, «pour faire passer la tête». Ce bâtiment était destiné à conserver les grains, la viande salée, les costumes de fête et tout ce qui devait être tenu à l'abri de l'incendie, toujours redouté.

L'habitat saisonnier était plus fruste mais obéissait au même schéma: au rez-de-chaussée, l'étable avec la place du mulet, le boitet des cochons; à l'étage l'habitation, la fromagerie et une petite grange. Beaucoup de nouvelles constructions respectent les lignes de force du paysage et l'habitat traditionnel, conservant au Beaufortin son harmonie et son style.

ÉconomieLes activités économiques du Beaufortin s'appuient beaucoup sur les

possibilités naturelles de la région, que ce soit la houille blanche (l'hydroéléctricité), l'élevage ou bien encore les activités touristiques.

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L'énergie hydroélectriqueLe potentiel hydroélectrique du Beaufortin a été mis en valeur dès le

début du siècle par les entreprises de la vallée de l'Arly avec la construction de prises d'eau, de barrages et d'usines sur le cours du Doron. Avant 1947, les équipements importants concernent le réservoir naturel du lac de la Girotte, les eaux du Doron, de l'Argentine, du Pontcellamont et du torrent de la Gittaz. Après la guerre, c'est EDF qui réalise le complexe de Roselend (mise en eau complète en 1962), La Gittaz et Saint-Guérin relié à la centrale de La Bathie dans la vallée de la Tarentaise. L'ensemble est remarquable tant par les performances techniques que par la variété architecturale des barrages.

Le lac de retenue de la Girotte n'occupe à l'origine qu'un cirque glaciaire de la haute vallée d'Hauteluce, qui alimente dès 1923 les centrales de Belleville et de Domelin et cinq autres usines échelonnées jusqu'à Venthon. La capacité en est doublée en 1944 par l'amenée des eaux du glacier de Tré-la-Tête par une dérivation de 7 km et par la construction d'un barrage à voûtes multiples s'appuyant sur 17 piles de 44 m de hauteur sur 500 m de longueur. La superficie actuelle de la retenue est de 80 hectares.

Le complexe de Roselend-La Bathie a été commencé en 1956. Il est formé de trois réservoirs de stockage: les retenues de Roselend, de La Gittaz et de Saint-Guérin, alimentées par une trentaine de prises d'eau qui captent essentiellement les torrents affluents de la rive droite de l'Isère depuis le pied du Ruitor. Pour collecter l'ensemble, 45 km de galeries ont été creusées. Les eaux collectées sont turbinées à la centrale des Sauces avant de rejoindre le lac de Roselend. Les lacs sont reliés à la centrale de La Bathie par une galerie en charge longue de 13 km, d'un diamètre de 4,2 m, puis par une conduite forcée pour un dénivelé de 1 100 m jusqu'à la centrale de La Bathie: six turbines permettent d'injecter en moins de trois minutes 550 000 KW sur le réseau national. C'est une centrale «de consommation de pointe», aussi assure-t-elle 2 200 démarrages par an !

L'agricultureL'agriculture a été en partie déstructurée par l'équipement électrique :

quinze alpages sur cinquante-quatre ont disparu, ainsi qu'une partie du patrimoine pastoral, en particulier le hameau de Roselend noyé sous le lac. L'embauche massive pour des travaux de terrassement, l'afflux d'argent pendant une dizaine d'années ont perturbé le rythme traditionnel et semblé détruire cet équilibre fragile fondé depuis toujours sur l'élevage et la production de fromages. La volonté des agriculteurs a permis de faire face.

L'élevage est essentiellement un élevage bovin: deux races composent le troupeau. En rive gauche du Doron on trouve des tarines à robe froment et aux muqueuses noires; en rive droite du Doron, prédomine la race abondance.

Le fromage est l'une des bases de l'alimentation montagnarde. Claude Michollet, un géologue du XVIIIe siècle nous a laissé ce témoignage de son passage en Beaufortin: «Au souper on nous servit: une soupe au fromage, une entrée au fromage, un gigot de mouton rôti sur un lit de fromages, enfin au dessert quatre espèces de fromages !»

Le beaufortHistoriquement le fromage de Beaufort, le beaufort, est un fromage

d'alpage. Les propriétaires d'alpages prenaient des bêtes «en pension» l'été pour obtenir la trentaine de vaches nécessaires pour le faire chaque jour. L'hiver, ces vaches étaient dispersées dans les exploitations: leur lait servait alors à fabriquer des tommes, du beurre, à nourrir les veaux.

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Le beaufort fait partie de la famille des gruyères; son originalité réside dans la forme concave de son talon, l'absence de trous dans sa pâte, et surtout dans sa finesse et son arôme. Ce fromage bénéficie d'une appellation d'origine, protégée par le décret du 10 avril 1968. Sa zone de production s'étend sur le Beaufortin, la Tarentaise et la Maurienne. Le fromage est fait avec du lait cru et entier: sans écrémage, encore chaud, il est mis à cailler avec de la présure naturelle (toujours issue de la caillette du veau). Quand le lait est pris, le décaillage est effectué au tranche-caillé. Après repos, puis cuisson, le fromage est retiré au moyen d'une toile et moulé dans des cercles de bois de hêtre qui lui donnent sa forme particulière.

L'affinage dure au moins six mois: le fromage est frotté régulièrement. Il se développe une croûte, la morge, qui donne au beaufort son parfum caractéristique. Chaque meule pèse de 20 à 70 kilos, elle a une croûte brune où s'inscrit une plaque de caséine bleue, garantie de l'authenticité du produit. Grâce à un gros travail sur la qualité, le lait est l'un des mieux payés de France et la production du Beaufortin augmente (elle a été multipliée par cinq entre 1961 et 1985, et a atteint 3 860 tonnes, soit 96 500 meules en 1998). 1 100 emplois sont liés à la filière beaufort au niveau des exploitations et des ateliers de transformation. 700 exploitations assurent la production du lait à beaufort. Elles sont en général de petites tailles (production laitière moyenne de 50 000 kilos de lait par an contre 100 000 au niveau national).

Bien qu'entrant dans l'économie de marché de façon très moderne, les agriculteurs ont conservé leurs méthodes d'élevage ancestrales, fondées sur la remue. Le maintien de cette pratique contribue donc à l'entretien des «mille chalets», disséminés sur les versants, et qui sont parfois regroupés en hameaux. En dehors des quatre chefs-lieux de Queige, Villard, Beaufort et Hauteluce, on compte une trentaine de hameaux qui tous autrefois avaient leur école. Les versants les plus défrichés sont en position d'adret, alors que les fonds de vallée sont souvent délaissés comme la plaine de Beaufort, peu ensoleillée l'hiver, humide, autrefois menacée par les crues du Doron, et d'autre part réservée aux labours, impossibles sur les pentes.

Le tourismeD'hiver ou d'été (en dehors de la station des Saisies qui s'est développée

ex nihilo), il est bien intégré au paysage comme à la vie du Beaufortin. Dans les années 1960, beaucoup d'organisations de tourisme social ont choisi de s'installer dans le Beaufortin pour découvrir une nature humanisée et faire fonctionner des classes de neige. L'attrait touristique est partout fonction de l'équilibre entre la nature et le travail des hommes. Cet équilibre, ce dynamisme, cette vitalité, le Beaufortin les doit d'abord à ses habitants, à ses élus. Loin des modes, de «l'or blanc», ceux-ci ont toujours eu à cœur, malgré les difficultés, d'assurer un développement harmonieux à leur vallée.

Les fromagesFabricationLes spécialités· Les fromages français· Les autres fromages européens

L'histoire des fromages remonte à la plus haute Antiquité, les sociétés humaines, qu'elles soient nomades ou sédentaires, ayant toujours possédé des troupeaux. Au cours du Moyen Âge, les monastères et les abbayes mettent au

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point des spécialités fromagères, qui contribuent à leur notoriété et à leur richesse, comme le munster, le pont-l'évêque, ou le Port-Salut.

FabricationUn fromage est un produit préparé par coagulation ou caillage du lait,

suivi d'un égouttage et, éventuellement, d'une fermentation. Le caillage, première étape de la fabrication, consiste, en règle générale, à ajouter de la présure au lait chauffé à une température de 28 à 37 °C. Il peut aussi, dans certaines conditions, survenir spontanément par acidification lactique; les sucs de végétaux ont également la propriété de faire cailler le lait. Aujourd'hui, l'industrie laitière française utilise la présure extraite de la caillette, un des estomacs des jeunes bovins. Sous l'action de cette présure apparaît le caillé, gel compact de micelles de caséine, dont le réseau renferme un liquide, le lactosérum (ou petit-lait), qui est éliminé par égouttage. Le préfromage est alors placé dans un moule, qui lui donne sa forme définitive. Pour certains types de fromages intervient ensuite une phase de fermentation: ainsi, le camembert est placé pendant une douzaine de jours dans une enceinte à forte humidité, où sa surface se recouvre d'un champignon de type Penicillium candidum. Au cours de la fermentation, puis durant une ultime phase d'affinage – qui dure de trois semaines à trois mois dans une enceinte à température constante (en général de 10 à 18 °C) et à humidité élevée (hygrométrie de 80 à 85 %) –, le fromage perd de l'eau, une croûte se forme; il acquiert sa texture définitive, sa saveur et son arôme typiques.

Il existe six grandes familles de fromages, qui se divisent en plusieurs catégories:

1. Les pâtes fraîches (naturelles, salées, aromatisées), habituellement à base de lait de vache, parfois de chèvre.

2. Les pâtes molles (à croûte fleurie, lavée ou naturelle). On les laisse s'égoutter spontanément avant de les saler et de les ensemencer avec une moisissure qui provoque un duvet blanc sur toute la surface. Les fromages passent une semaine au hâloir (local ventilé) puis sont mis en cave pour l'affinage. Les pâtes molles à croûte lavée sont lavées à la main ou à la brosse pendant l'affinage, d'abord avec de l'eau salée, puis, suivant les régions, avec du cidre, du marc, du vin, de l'eau-de-vie, etc., additionnés d'eau salée. Les pâtes molles à croûte naturelle sont surtout fabriquées à partir de lait de chèvre. On les conserve souvent dans la cendre ou le foin.

3. Les pâtes à moisissures internes (bleus ou persillés). Le caillé s'égoutte spontanément, puis on le sale avant de l'ensemencer au Penicillium glaucum et de le percer de part en part avec de longues aiguilles, pour que le champignon se développe. Les bleus sont faits de lait de vache ou de chèvre et les persillés, de lait de brebis.

4. Les pâtes pressées non cuites (à croûte lavée, naturelle ou à moisissures spontanées, paraffinée). Obtenus à partir de caillé chauffé à environ 36 °C, ces fromages sont mis sous toile, en moules et pressés. Après démoulage, on les immerge dans de la saumure pour accélérer la formation de la croûte. Après avoir passé quelque temps en cave de maturation, ils sont affinés, dans la cave de stockage, par des lavages fréquents.

5. Les pâtes pressées cuites ou dures (à croûte morgée, lavée, brossée, grattée). Le lait est chauffé aux environs de 34 °C, puis on incorpore la présure. Le caillé obtenu est réduit en petits grains par le tranche-caillé et réchauffé à 65 °C. Enveloppés de toile, les fromages sont alors mis en moules, sous presse. Après avoir été démoulés, ils sont mis au salage durant une semaine, pour

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favoriser l'apparition de la croûte et c'est dans la cave de maturation que se forment les trous caractéristiques. Dans la cave de stockage, le fromage est lavé, brossé, gratté pendant trois mois.

6. Les pâtes fondues: famille de fromages industriels, dont les premiers ont été fabriqués en Allemagne en 1916.

Les spécialitésSelon les recettes traditionnelles et les goûts locaux, il existe, de par le

monde, une grande variété de fromages. En général, les fromages frais et de petite taille, rapidement périssables, sont préparés dans les zones proches des villes, alors que les fromages plus durs et plus volumineux, comme les gruyères, les tommes, le cantal, faciles à conserver, sont élaborés dans des zones montagneuses.

Les fromages françaisAvec plusieurs centaines de spécialités, la France est reconnue comme

étant le premier pays fromager du monde. Il s'agit, pour la plupart, de fromages au lait de vache, parmi lesquels le camembert est le plus consommé. Dans la même catégorie de fromages fermentés à pâte molle et à croûte fleurie, on trouve les bries, le coulommiers, le chaource et le neufchâtel. La catégorie des fromages fermentés, mais à croûte lavée en cours d'affinage, comprend le livarot, le maroilles, le munster, le pont-l'évêque, le langres et l'époisse. D'autres fromages au lait de vache ont une pâte persillée, avec des marbrures internes vertes produites par un champignon, Penicillium glaucum: tels les bleus d'Auvergne, de Bresse, des Causses et la fourme d'Ambert. Certains fromages ont une pâte qui a été pressée: c'est le cas du cantal, du laguiole, du saint-nectaire, du salers, de la tomme de Savoie; d'autres encore ont une pâte pressée qui a subi une cuisson: beaufort, comté, emmental, etc. Outre ces fromages typiques, il existe d'autres spécialités comme les fromages frais, qui ont subi une seule fermentation lactique, le petit-suisse, le fromage blanc, ou les fromages fondus fabriqués par cuisson ou fonte, la crème de gruyère, les pâtes à tartiner.

Les fromages préparés exclusivement à partir de lait de chèvre ont connu un essor important au cours des dernières années: le crottin de Chavignol, le pouligny-saint-pierre, le picodon, le chabichou, le pelardon. Parmi les fromages préparés exclusivement à partir de lait de brebis, le roquefort, à pâte bleue persillée, est un bon exemple de réussite gastronomique et commerciale.

Les autres fromages européensParmi les grands pays à tradition fromagère, la Hollande fournit le gouda,

fromage à pâte pressée, mi-dure, et dont la croûte, paraffinée, est teintée de jaune. Les autres grands fromages hollandais sont l'édam, la mimolette, le leyade. L'Italie propose également un riche plateau de fromages avec le parmesan, fromage originaire de Lombardie, dont l'affinage dure plusieurs années, ou le gorgonzola à pâte finement persillée; quant à la mozzarelle, préparée initialement avec du lait de bufflonne, elle comporte aujourd'hui des succédanés au lait de vache, voire du «lait» de soja. L'Angleterre est le berceau du fromage le plus consommé dans le monde, le cheddar; originaire du comté de Somerset, il est cylindrique (de 35 à 40 cm de diamètre et de hauteur), présente une pâte pressée, non cuite, non fermentée. En principe, le cheddar est d'une couleur pâle, tandis que le cheschire, très voisin, est orangé. Le cheddar est fabriqué industriellement dans un grand nombre de pays anglo-saxons, et en particulier aux États-Unis, qui sont, en tonnage, les plus gros producteurs de fromages au monde, suivis par la France et l'Allemagne. Pour

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les Américains, le fromage s'identifie le plus souvent à un cheddar, de couleur orangée, qui se conserve facilement et qui se consomme, non pas isolément comme cela se fait en France, mais incorporé à un grand nombre de préparations culinaires (soupes, sandwichs, cheeseburgers, pizzas...).

Massif des BornesLes paysages· Un massif calcaireLes hommes· Une longue tradition d'émigration· Le massif aujourd'hui

Massif des Préalpes (2 438 m), en Haute-Savoie.Entre la vallée de l'Arve au nord, le val d'Arly vers l'est, le lac d'Annecy

au sud et les plateaux d'Évires en direction de l'ouest, le massif des Bornes-Aravis se présente comme une gigantesque forteresse de tous côtés défendue par d'immenses falaises gris clair.

Les paysagesL'altitude moyenne très élevée (1 274 m) lui donne cette allure de

majesté qui impressionne lorsqu'on en fait le tour. Les hautes crêtes qui l'entourent s'élèvent toutes entre 500 et 1 500 m au-dessus des vallées et semblent le transformer en repaire inexpugnable. De fait les vallées de pénétration sont des gorges étroites et profondes où il a fallu tailler la route à même la roche, comme dans la vallée de la Borne entre Bonneville et Le Petit- Bornand. Les voies d'accès sont d'ailleurs réduites. En dehors des gorges d'Éveaux parcourues par la Borne, la seule route commode et toujours dégagée emprunte la vallée du Fier d'Annecy à Thônes.

Les autres routes empruntent des cols élevés, souvent fermés l'hiver, comme le col des Aravis (1 486 m) entre Flumet et La Clusaz, le col de la Colombière (1 613 m) entre Cluses et Le Grand-Bornand. En revanche, la route du col du Marais (837 m) qui conduit de Thônes à Faverges profite d'un abaissement d'altitude au sud du massif pour offrir une voie dégagée et pittoresque.

Un massif calcairePassées les falaises et les gorges, ce sont au contraire des plateaux

boisés, de vertes vallées ouvertes aux formes douces, accueillantes et largement humanisées.

Le massif doit son relief à une épaisse couche de calcaire urgonien, roche dure et massive de près de 400 m d'épaisseur qui constitue l'armature du relief et que les forces tectoniques ont plissée. L'action conjuguée de cette formation et de l'érosion permet de distinguer quatre bandes, de direction sud-ouest—nord-est et se succédant d'ouest en est.

Parmelan, montagne de Sous-Dine, mont Teret et montagne des Frêtes ainsi que le plateau des Glières, apparaissent comme de lourds plis jurassiens, massifs et élevés, qui se prolongent au nord par les rochers de Leschaux. Ils forment un ensemble de plateaux couverts de forêts et d'alpages, tranchés à vif par les profondes vallées du Fier et de la Borne ou la cluse de la Filière. Celle-ci ouvre, au-dessus de Thorens- Glières, une vaste brèche dans la façade occidentale, dégageant une large reculée qu'une route en lacets serrés escalade pour conduire au plateau des Glières.

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Sur certains plateaux (montagne de Sous-Dine ou rochers de Leschaux), la végétation s'est faite rare, laissant l'eau de pluie acide attaquer le calcaire à nu, sculptant ainsi de superbes échines calcaires séparées par de profonds sillons appelés «lapiaz» ou «lapiez».

Leur succède une bande étroite de plis serrés, déversés vers l'ouest, donnant un relief de crêtes et de barres constituant les sommets hardis et découpés de la Tournette, du mont Lachat, du Jallouvre et du Bargy.

Le cœur du massif est occupé par un vaste synclinal, dit de Thônes, rempli de roches tendres et d'alluvions glaciaires qui explique cette large cuvette qui, de Thônes au Grand-Bornand, rassemble hommes et villages.

Enfin, bordant le massif vers l'est, la grandiose barrière des Aravis apparaît comme un véritable mur dentelé de calcaires blanchâtres, culminant à 2 752 m à la Pointe Percée, sommet le plus élevé du massif. Ses multiples pointes, dépassant presque partout 2 500 m, sont séparées par des combes étroites et raides, où la neige reste parfois fort tard dans l'été. Au coucher du soleil, le paysage est inoubliable.

Les hommesLa vie traditionnelle de ce monde quasi clos a longtemps été autarcique,

associant les cultures de fonds de vallées, l'élevage et l'exploitation des forêts. La nourriture se composait de pain, de pommes de terre et de fromage. Celle des vaches pendant l'hiver nécessitait la construction de vastes fermes-chalets en bois sur un soubassement de pierres, permettant de conserver au grenier le foin coupé pendant l'été.

Une longue tradition d'émigrationDès le XVIIIe siècle, l'émigration toucha cette communauté qui ne pouvait

entretenir la totalité de ses membres. Les familles nombreuses, les terres restreintes et les faibles productions poussèrent à un exode d'abord temporaire, limité aux longs mois d'hiver. Les vallées des Aravis fournirent ainsi de nombreux bataillons de petits ramoneurs. Ils étaient engagés par équipes de quatre ou cinq par un maître-ramoneur qui les utilisait pour leur petite taille. Leur travail consistait à s'introduire et à descendre dans les conduits de fumée, travail difficile et dangereux, bien loin des images plaisantes de cartes postales. Une grande proportion s'en allait vers la Suisse et les pays catholiques de langue allemande après les derniers travaux d'automne, pour revenir aux premiers jours du printemps.

Les hommes effectuaient des métiers pénibles: frotteurs de parquets, déménageurs, dockers. Ceux qui restaient occupaient leur temps à la fabrication de paniers, de vaisselle de bois, de seilles (récipients de bois pour contenir le lait).

À la fin du XIXe siècle, l'émigration devient définitive, soit vers Annecy, ou plus loin, vers Lyon ou Paris. Dès le début de ce siècle, le nombre d'habitants se mit à décliner. La beauté des paysages et la séduction des printemps ne pouvaient compenser les difficultés de la vie quotidienne et la fatigue des travaux agricoles. Toutefois, à la différence des autres massifs préalpins, l'exode fut moins accentué car de nouvelles activités locales se développèrent rapidement.

Le massif aujourd'huiEn premier lieu, le travail du bois fut valorisé par la création de fabriques

de meubles. Ainsi se trouve à Thônes l'une des plus grandes entreprises d'Europe de fabrication de meubles de cuisine. Premier employeur de la vallée, elle exporte ses produits dans l'Europe entière.

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Les fruitièresPar ailleurs, sous l'influence de familles de fermiers suisses originaires de

la région de Fribourg, que les moines de la chartreuse du Reposoir firent venir pour exploiter leurs terres, le travail du lait évolua de la fabrication familiale des fromages vers une organisation coopérative. Celles-ci se développèrent à partir du milieu du XIXe siècle. Le cœur de l'organisation était la «fruitière», laiterie coopérative où le lait était amené par camions-citernes après avoir été collecté dans les fermes d'alentour. Autrefois, les paysans venaient à pied apportant le précieux liquide dans une espèce de boîte en fer-blanc, portée sur le dos, et appelée «boille». Ainsi la fruitière devint le bâtiment le plus important de la commune, un lieu de vie où deux fois par jour les paysans se réunissent, discutent des nouvelles du pays, où tout se sait et tout se dit. Le ramassage par camion en a toutefois beaucoup réduit l'importance.

Le «fruitier», engagé par la coopérative, venait souvent de Suisse à l'origine. Il pesait le lait apporté chaque jour, enregistrait les livraisons de chaque sociétaire et fabriquait immédiatement le beurre, le gruyère et bien sûr le reblochon dont la vallée de Thônes est le berceau. Le petit-lait servait à nourrir les cochons de la porcherie attenante à la coopérative. De nos jours, le travail du lait se concentre dans quelques installations ultramodernes automatisées.

Le reblochonCette organisation explique le maintien d'une activité d'élevage qui doit

beaucoup au succès du reblochon, fromage d'appellation contrôlée (une plaque de caséine - verte pour le reblochon fermier, rouge ou noire pour le fruitier - en authentifie l'origine), garanti et promu par un syndicat interprofessionnel du reblochon. Il s'en fabrique environ 17 500 tonnes par an [1998] dont 13 700 tonnes en fromageries.

Il existe deux types de reblochon: le fermier et le fruitier. Le premier apparaît pour de nombreux connaisseurs comme le meilleur. Fabriqué dans les fermes d'alpage deux fois par jour par le fermier, il est l'objet de soins attentifs et traditionnels pendant au moins quinze jours. Le lait cru est empressuré, chauffé légèrement et caillé. Il est ensuite pressé à la main et réparti dans des moules. Les fromages sont retournés, on leur applique une plaque verte de caséine sur le bord et on les recouvre d'un poids de 1,5 kg. Ils sont ensuite démoulés, salés, séchés et retournés régulièrement. Après dix jours, ils sont lavés, brossés et affinés dans une cave pendant une nouvelle période quinze jours. Avant de les emballer, on place un faux fond d'épicéa tranché sur une des faces. Le reblochon fruitier produit dans les fromageries ou fruitières de la zone d'appellation d'origine se reconnaît lui à son sigle rouge ou noir.

Les reblochons sont excellents de décembre à avril, un peu moins bons l'été et à éviter, dit-on, lors du changement d'herbe.

Produits de la merLes huîtres

Les huîtres (mollusques bivalves) se répartissent en trois genres:a) Ostrea, avec pour type Ostrea edulis, l'huître plate (belon, cancale ou

marenne), distribuée sur les côtes d'Europe occidentale;

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b) Crassostrea, avec pour type Crassostrea angulata, l'huître portugaise à valve inférieure très bombée, dont la limite septentrionale se situe à l'embouchure de la Vilaine;

c) Pycnodonta, avec pour type Pycnodonta cochlear, l'huître cuillère, pêchée — mais non cultivée — du Sénégal à la Grande-Bretagne.

L'huître perlière (Pinctada) n'est pas à proprement parler une huître, mais une pintadine (famille des Ptéridés).

Produits laitiersLe beurre

L'opération préalable à la fabrication du beurre, qui consiste à séparer la crème du lait, est l'écrémage. Celui- ci se produit naturellement par l'ascension des particules de graisse — de densité moins élevée que les autres constituants du lait — à la surface du liquide au repos. Dans l'industrie, il s'obtient par centrifugation du lait à 7 000 tours/min, ce qui laisse un produit contenant de 30 à 40 % de matière grasse. La transformation de la crème en beurre est obtenue par le barattage, qui, par l'effet du choc, brise l'enveloppe des globules gras et facilite leur assemblage. Le beurre est ensuite moulé et emballé. — Composition. Selon le pays, le beurre doit renfermer au moins de 82 à 83 % de matière grasse, constituée essentiellement de triglycérides (acides palmitique, stéarique et oléique). Il contient les vitamines A et D; sa coloration naturelle varie selon la saison: il est plus coloré au printemps (jaune pâle), blanc en hiver. La race des vaches, le fourrage influent sur la composition en acides gras; ainsi, les beurres fabriqués avec du lait produit par des vaches nourries à l'herbe contiennent une plus grande proportion d'acide gras non saturé (acide oléique), qui joue un grand rôle du point de vue diététique.

Le laitCompositionValeur alimentaireImportance du lait de vacheProduction· Les mutations du travail agricole· La gestion du troupeau· Stockage et collecte· Le traitement du lait en usineL'économie laitière· La production françaiseL'Union européenne

Liquide blanc, au goût légèrement douceâtre, le lait est sécrété par les femelles de quelque 4 000 espèces de mammifères, qu'ils soient marins comme le dauphin ou la baleine, aériens comme la chauve-souris, terrestres comme l'écureuil ou le lapin; certaines espèces ont été domestiquées par l'homme afin qu'il récupère une bonne partie de leur production laitière, normalement réservée à l'élevage des jeunes. Le lait de vache, aliment riche

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en qualités nutritionnelles, permet la fabrication d'innombrables dérivés (beurre, fromages), qui jouent un rôle essentiel dans l'alimentation des pays occidentaux.

CompositionLa composition d'un lait dépend de l'espèce considérée, mais aussi de

l'état général et du régime alimentaire de ses individus. Les laits des ruminants sont assez proches les uns des autres: le lait de brebis est remarquable par son extrait sec (lipides, glucides, protéines, sels minéraux); le lait de chèvre est particulièrement riche en vitamines. Les composants sont tous identiques, seules les proportions changent.

Le lait de vache, par exemple, est constitué d'eau (90 %) et d'un extrait sec (10 %). La quantité de lipides (matières grasses) varie entre 35 et 45 g/l; ceux-ci, sous forme de glycérides (triglycérides composés d'un alcool et d'acides gras), se retrouvent intégralement dans les dérivés, crème et beurre. Les protéines, de 30 à 36 g/l, sont surtout sous forme de caséine, matière albuminoïde riche en phosphore qui joue un rôle primordial dans la coagulation du lait au cours de l'élaboration des fromages. Les glucides, de 47 à 50 g/l, se trouvent essentiellement sous forme de lactose, ou sucre de lait formé de glucose et de galactose, qui subit des fermentations très importantes en industrie laitière. À ces constituants majeurs s'ajoutent 9 g de sels minéraux (phosphates, chlorures, citrates de potassium, calcium et sodium) et des quantités infimes, mais biologiquement importantes, de vitamines (A, D, B2, C, acide pantothérique), ainsi que des traces d'enzymes, de pigments, mais aussi des cellules venant des glandes mammaires et des microbes très variés.

Si autrefois, dans les fermes, on élevait toujours une chèvre pour fournir du lait aux enfants, aujourd'hui, en l'absence de nourrice ou de lait de femme collecté, le lait de vache, de composition voisine de celle du lait de la femme, peut constituer un bon substitut, sous réserve qu'il soit enrichi en sucre, en acide linoléique et en vitamines; les industriels préparent ainsi des laits «adaptés», selon le terme consacré par la convention de Genève.

Valeur alimentairePour le nouveau-né, le lait maternel est un aliment complet; pour l'adulte,

le lait de vache offre un ensemble de qualités exceptionnelles. D'une valeur calorique globale de 68 kcal pour 100 g, le lait, aliment équilibré, apporte des nutriments très digestes. Les acides aminés qui constituent les protéines du lait sont essentiels, malgré l'absence des acides aminés soufrés; de même, les lipides fournissent d'excellents acides gras insaturés parfaitement assimilables par notre système digestif – seuls manquent les acides linoléique et arachidonique, dont un nourrisson a besoin. L'apport de phosphore et de calcium est nécessaire à l'ossification chez le jeune et à l'entretien du squelette chez l'adulte. Si les vitamines du lait sont également précieuses, certaines (B, C et A) sont détruites par la chaleur produite lors de la cuisson ou, si le liquide est exposé, par les rayons ultraviolets du soleil. Les industriels ont donc été amenés à commercialiser le lait dans des récipients opaques, non sans avoir ajouté éventuellement des vitamines afin de garantir des taux minimaux. Certaines personnes, voire certaines populations – en Asie notamment –, digèrent difficilement le lait ou présentent des allergies à cet aliment. Ces réactions sont le plus souvent dues à l'absence ou à la disparition avec l'âge d'une enzyme de leur système digestif, la lactase.

Importance du lait de vache

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Sous les climats tempérés, les laits de jument ou d'ânesse étaient autrefois consommés; aujourd'hui, les chèvres et les brebis sont encore exploitées, mais les tonnages de lait produits sont très faibles comparés à ceux fournis par les vaches. Dans les pays du tiers-monde, qui ne disposent en général ni de grands troupeaux laitiers ni d'industries laitières, les animaux domestiques élevés pour leur lait sont le chameau, le yack, le renne, le zébu et le buffle. Dans ce domaine, la suprématie de la vache est telle que le mot «lait» employé seul sous-entend toujours «lait de vache», alors que pour tous les autres laits la précision de l'espèce est indispensable. Cette distinction courante a été ratifiée par la loi: le lait est «le produit intégral de la traite totale et ininterrompue d'une femelle laitière bien portante, bien nourrie et non surmenée», définition établie par le Congrès international de la répression des fraudes, à Paris en 1909, et adoptée par la plupart des pays.

ProductionAvant l'industrialisation, qui a motorisé le travail agricole, avant

l'introduction du tracteur dans les campagnes, les bovins étaient élevés pour leur force de travail; leur production laitière n'était qu'un sous-produit consommé par les fermiers et par les habitants du village.

Les mutations du travail agricoleLes animaux de trait, présents dans toutes les exploitations, étaient en

nombre limité à cause de la faible quantité de nourriture disponible. La situation est aujourd'hui différente, des exploitations spécialisées ayant remplacé les fermes de polyculture et d'élevage. Beaucoup d'agriculteurs, qui ne possédaient que quelques vaches, ont préféré arrêter leur activité d'éleveurs pour se consacrer, par exemple, aux cultures céréalières; à l'opposé, dans des régions peu favorables aux céréales, comme la Bretagne, la Basse-Normandie ou les Pays de la Loire, des exploitants se sont spécialisés dans l'élevage de vaches laitières. Entre 1975 et 1992, le nombre moyen de vaches laitières par étable a doublé, passant d'une moyenne de 12,5 têtes à 25,9. Le phénomène inverse s'est produit pour le nombre d'exploitations détenant un troupeau laitier, nombre qui s'est réduit de plus du tiers, passant, pendant la même période, de 667 000 à 192 000.

La gestion du troupeauLa conduite du bétail joue un rôle essentiel dans la production laitière, et

les grandes décisions, qui entraînent des conséquences à long terme pour l'éleveur, portent d'abord sur les investissements lourds (type de bâtiment, à stabulation libre ou entravée, mais aussi choix de la race laitière, de l'alimentation des vaches, mesures d'hygiène). Certaines races traditionnelles françaises – 25 sont officiellement répertoriées – étaient naguère sélectionnées de manière empirique pour leur bonne production laitière: la française frisonne (pie noire), la normande, la montbéliarde, la tarentaise. Grâce à la création de livres généalogiques, qui permettent de repérer les lignées de bonnes laitières, et à l'insémination artificielle, qui rend possible les croisements entre ces lignées ou leur reproduction, le rendement laitier des vaches a été amélioré: en France, il est de 5 036 kg/vache/an en 1991, contre 4 701 en 1989; au Canada, de 5 481 kg/vache/an en 1991, contre 5 357 en 1989. Ces différences dépendent des races choisies: le rendement d'une vache de race hollandaise est plus de deux fois supérieur à celui d'une vache de race bretonne. L'introduction de races pures très performantes, comme la holstein provenant d'Amérique du Nord, est un élément décisif.

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L'alimentation joue un rôle déterminant dans la production laitière et dans la rentabilité d'un troupeau. Les vaches doivent recevoir une nourriture équilibrée et abondante, notamment des fourrages; ils sont le plus souvent produits sur la même exploitation, et consommés directement dans les pâtures pendant l'été, et, durant l'hiver, sous forme de foin conservé par ensilage. Des aliments complémentaires indispensables sont apportés par les industriels: concentrés à base de céréales, pulpe de betteraves, tourteaux d'oléagineux.

Stockage et collecteLa traite, renouvelée au minimum deux fois par jour, est particulièrement

astreignante si elle est encore pratiquée à la main comme autrefois. Aujourd'hui, les salles de traite mécanique, avec gobelets suçeurs adaptés aux trayons de la mamelle, sont très répandues. Au travers de tuyaux en métal inoxydable et entièrement à l'abri de l'air, le lait est envoyé dans une citerne, ou tank, réfrigérée; le stockage du lait se fait à une température de 2 °C environ. Grâce à ce système, la collecte du lait peut s'effectuer tous les deux jours et non plus quotidiennement. La quantité de produits collectés dépassait, en France, en 1991, 23 100 millions de litres, dont 98 % de lait de vache, plus de 1 % de lait de chèvre et moins de 1 % de lait de brebis. La quasi-totalité du lait est collectée par des camions-citernes qui appartiennent aux usines laitières.

Le traitement du lait en usineMatière première extrêmement périssable, le lait doit être traité et

conditionné afin d'être conservé. Autrefois, la transformation du lait en beurre, en fromage, qui sont des formes de conservation plus stables, était pratiquée dans les fermes ou dans de petits ateliers artisanaux. Au début du XXe siècle, en France, les «laiteries», au nombre de 3 000 environ, étaient disséminées sur tout le territoire. Aujourd'hui, 1 300 usines laitières transforment dix fois plus de lait, et le mouvement de concentration se poursuit: les cent plus grandes traitent 60 % de la collecte. Cependant, des laiteries comme les fruitières de Franche-Comté ou du Jura suisse, qui continuent à travailler sous forme de coopératives, fabriquent et commercialisent le fromage de comté. Dans ces petites entreprises, comme dans les grandes, on distingue une zone de réception du lait: la salle de rez-de- chaussée pour les fruitières, de vastes hangars bordés de quais, où les camions viennent décharger, pour les autres. Le lait est stocké dans des tanks en acier inoxydable, souvent installés à l'air libre et pouvant contenir jusqu'à 200 000 l, à une température de 4 °C.

Systématiquement, le lait subit une pasteurisation (stérilisation par échauffement sans ébullition) avant d'être orienté, en flux continu, vers les différents ateliers d'écrémage, de barattage, de fermentation, d'embouteillage, qui conduisent aux divers produits laitiers élaborés.

L'économie laitièreChaque année, 450 millions de tonnes de lait de vache sont produites de

part le monde, dont le quart dans les pays de l'Union européenne. Pour la plupart des pays, en particulier ceux en voie de développement, l'objectif est encore d'implanter des élevages et d'augmenter la production laitière. Pour les pays industrialisés, le problème est, à l'inverse, de limiter la production, car les rendements laitiers ne cessent de s'accroître. À cet égard, l'utilisation d'hormones, en particulier la somatotrophine bovine (BST), mise au point aux États-Unis par manipulation génétique, apportera une véritable révolution puisqu'elle entraîne une augmentation de 4 kg de lait par vache et par jour, soit une amélioration de l'ordre de 20 % des rendements laitiers. Les États-Unis

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sont sur le point d'autoriser cette pratique, alors que l'Union européenne y est en principe hostile.

La production françaiseLe lait occupe une place essentielle dans l'économie agricole française.

Un agriculteur sur quatre est un éleveur produisant du lait. Plus de 60 000 salariés placent l'industrie laitière en tête du secteur agroalimentaire, ex aequo avec celle de la viande. Les consommateurs de lait et de produits laitiers utilisent, en moyenne, plus de 1 kg par jour d'équivalent lait entier. Dans l'ensemble du secteur laitier, les industriels ont fait preuve d'un grand esprit d'innovation technologique et de dynamisme commercial. Si les produits classiques, comme le lait de consommation ou le beurre, ne permettent guère de bénéfices importants, les résultats ont été spectaculaires: en vingt ans, une multiplication par dix des tonnages de produits laitiers frais. Cette croissance exceptionnelle du marché s'est accompagnée d'une concentration des entreprises, aussi bien capitalistes que coopératives, puisque le secteur comporte, à peu près à égalité, des établissements des deux statuts.

La société BSN-Gervais Danone, groupe qui intervient à peu près dans tous les domaines de l'agroalimentaire, occupe une place exceptionnelle dans le domaine laitier, et plus particulièrement dans celui du yaourt. Une usine récente, installée à Saint-Just-Chaleyssin (Isère), est la plus grande du monde, mais aussi la plus futuriste sur le plan technologique. D'autres groupes jouent aussi un rôle important sur le marché français du yaourt, comme les multinationales Nestlé (Chambourcy), Unilever (La Roche aux Fées). Dans le domaine coopératif, le groupe Sodial (Yoplait) fédère une série de coopératives régionales – parmi lesquelles La Clara à Amiens, la Centrale laitière parisienne à Ivry-sur-Seine, Est Lait à Metz, Orlac à Lyon, Ulpac à Toulouse, et depuis peu Saint-Hubert à Nancy – qui ont appliqué une méthode originale de franchise pour étendre la marque Yoplait dans le monde entier: une quarantaine de pays fabriquent et consomment des yaourts Yoplait avec l'image de la petite fleur. En Asie, la pénétration du groupe Sodial a débuté par le Japon et s'étend maintenant à la Corée du Sud et à la Chine. Grâce à l'innovation technologique et commerciale, grâce aussi aux exportations, et surtout aux implantations industrielles à l'étranger, les entreprises laitières françaises représentent un atout économique important. Quelquefois malmenées par les aléas de la politique communautaire, par exemple au moment de l'instauration des quotas laitiers (avril 1984), ces entreprises ont cependant anticipé sur l'ouverture du grand marché européen.

L'Union européenneLe lait est le premier produit agricole dans l'Union européenne. La

production a augmenté de 19 % entre 1978 et 1983, puis a régressé depuis la mise en place des quotas laitiers, en avril 1984: en mars 1989, elle était inférieure de 4,1 % à la moyenne de 1981, et de 11,4 % à la production de septembre 1983. La sélection génétique, quoiqu'elle diminue le cheptel, améliore le rendement, qui était de 4 765 kg/vache/an en 1991 dans de l'Europe des Douze. L'Europe laitière est divisée en deux zones géographiques distinctes: les pays du Nord, qui sont caractérisés par des élevages à haut rendement, avec de forts investissements, et une hygiène rigoureuse; les pays du Sud, méditerranéens, qui ont des élevages moins intensifs. L'Europe communautaire totalisait, en 1992, un cheptel laitier de 22 millions de têtes parmi les 83 millions du cheptel bovin; le premier, réduit de plus de 20 % depuis 1983, assurait une production de 112 millions de tonnes. Les premiers

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pays producteurs en 1991 étaient l'Allemagne (29 millions de tonnes), la France (25 millions de tonnes, pour 5 millions de vaches laitières), le Royaume-Uni (14 millions de tonnes), les Pays-Bas (11) et l'Italie (10).

L'Europe, depuis une vingtaine d'années, a établi une politique laitière commune, dont les objectifs ont évolué; il s'agissait, au début, de favoriser la modernisation des élevages, puis de faciliter la transformation du lait. Dans une seconde phase, la régulation des marchés est devenue prioritaire; des méthodes souples de subventions au stockage des produits et surtout aux exportations vers les pays tiers, c'est-à-dire extérieurs à la Communauté, ont été appliquées. Cette politique d'exportations place l'UE en tête des ensembles exportateurs de produits laitiers: 38 % du beurre, 61 % du lait entier en poudre, 53 % des fromages du commerce mondial laitier. Malgré ces résultats, la tendance régulière à la surproduction a été freinée de manière rigoureuse en imposant à chaque pays une production donnée, ou quota, au-delà de laquelle des pénalités financières sont appliquées. Les stocks de beurre, de lait écrémé en poudre, après avoir été annulés en 1988-1989, marquaient une tendance à la hausse dès 1990.

Les produits laitiersLes laits transformésCrème et beurreFromages· Les spécialités· Les pays producteursYaourts et desserts lactésProduits nouveaux

À partir d'une seule matière première, le lait, les industriels préparent un grand nombre de produits dont la plupart sont à usage alimentaire: laits transformés, crème et beurre, fromages, yaourts, desserts lactés, etc. Une fraction d'entre eux, encore faible mais qui tend à augmenter, ne sont pas alimentaires, comme la poudre de lactosérum utilisée en pharmacie.

Les laits transformésL'industrie laitière est née, au XIXe siècle, avec l'invention de procédés

de traitement thermique permettant de fabriquer de la poudre de lait ou du lait condensé, produits à longue conservation. Par les techniques modernes, il est maintenant possible d'obtenir un lait de consommation à l'état liquide pouvant se conserver plusieurs mois; l'une d'elles, la stérilisation UHT (ultra-haute température), consiste en un temps de chauffage très bref (de deux à trois secondes) à une température comprise entre 140 °C et 160 °C. Immédiatement après, le lait doit être conditionné sous vide soit dans des bouteilles operculées, soit, le plus souvent, en briques, dont la structure feuilletée comprend des couches de polyéthylène, de carton et d'aluminium.

Pour répondre à la demande des consommateurs, les industriels proposent des laits à trois teneurs en matière grasse: le lait entier (à 36 g de matières grasses par litre, en moyenne), le lait demi-écrémé (de 15,5 à 18,5 g de matières grasses par litre), le lait écrémé (à moins de 3 g de matières grasses par litre).

Crème et beurreLorsqu'on laisse le lait reposer, la matière grasse a tendance à remonter

vers la surface, constituant ainsi la «crème», qui contient en moyenne 35 g de

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matières grasses pour 100 g; certaines crèmes peuvent atteindre la proportion de 60 % de matières grasses. L'écrémage, première étape de la fabrication du beurre, effectué dans des écrémeuses centrifuges, est suivi par une pasteurisation, un refroidissement et une maturation, c'est-à-dire un ensemencement par des bactéries lactiques (streptocoques lactiques), qui donnent à la crème, et ultérieurement au beurre, son arôme principal, le diacétyle.

À partir de la crème, le beurre est obtenu par barattage: agitation prolongée, autrefois obtenue manuellement dans une baratte en bois de teck imputrescible. Aujourd'hui, les laiteries disposent de barattes en acier inoxydable, ou butyrateurs, qui permettent de fabriquer en continu entre 10 et 15 t par heure.

Le beurre, émulsion solide et malléable, contient 15 % d'eau environ pour 82 % de lipides, essentiellement des acides gras. Si le beurre est une source importante de vitamine A, par le biais du carotène, pigment qui lui donne sa couleur jaune orangée, il contient aussi du cholestérol (250 mg pour 100 g). La richesse calorique du beurre (750 kcal pour 100 g) a incité les industriels à fabriquer des produits allégés fournissant en général deux fois moins de matières grasses, et donc deux fois moins de calories.

Des nutritionnistes expriment cependant quelques réserves à l'égard du beurre, mettant en cause en particulier le cholestérol et les acides gras saturés qui s'y trouvent; ils sont considérés comme des facteurs de l'artériosclérose, bien que cela n'ait jamais été clairement démontré.

FromagesL'histoire des fromages remonte à la plus haute Antiquité, les sociétés

humaines, qu'elles soient nomades ou sédentaires, ayant toujours possédé des troupeaux. Au cours du Moyen Âge, les monastères et les abbayes mettent au point des spécialités fromagères, qui contribuent à leur notoriété et à leur richesse, comme le munster, le pont-l'évêque, ou le Port-Salut.

Un fromage est un produit préparé par coagulation ou caillage du lait, suivi d'un égouttage et, éventuellement, d'une fermentation. Le caillage du lait peut, dans certaines conditions, survenir spontanément par acidification lactique; les sucs de végétaux ont également la propriété de faire cailler le lait. Aujourd'hui, l'industrie laitière française utilise la présure extraite de la caillette, un des estomacs des jeunes bovins. Sous l'action de cette présure apparaît le caillé, gel compact de micelles de caséine, dont le réseau renferme un liquide, le lactosérum, qui est éliminé par égouttage. Le préfromage est alors placé dans un moule, qui lui donne sa forme définitive. Pour certains types de fromages intervient ensuite une phase de fermentation: ainsi, le camembert est placé pendant une douzaine de jours dans une enceinte à forte humidité, où sa surface se recouvre d'un champignon de type Penicillium candidum. Au cours de la fermentation, puis durant une ultime phase d'affinage – qui dure de 3 semaines à 3 mois dans une enceinte à température constante (en général de 10 à 18 °C) et à humidité élevée (hygrométrie de 80 à 85 %) –, le fromage perd de l'eau, une croûte se forme; il acquiert sa texture définitive, sa saveur et son arôme typiques.

Selon les recettes traditionnelles et les goûts locaux, il existe, de par le monde, une grande variété de fromages. En général, les fromages frais et de petite taille, rapidement périssables, sont préparés dans les zones proches des villes, alors que les fromages plus durs et plus volumineux, comme les

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gruyères, les tommes, le cantal, faciles à conserver, sont élaborés dans des zones montagneuses.

Les spécialitésAvec plusieurs centaines de spécialités, la France est reconnue comme

étant le premier pays fromager du monde. Il s'agit, pour la plupart, de fromages au lait de vache, parmi lesquels le camembert est le plus consommé. Dans la même catégorie de fromages fermentés à pâte molle et à croûte fleurie, on trouve les bries, le coulommiers, le chaource et le neufchâtel. La catégorie des fromages fermentés, mais à croûte lavée en cours d'affinage, comprend le livarot, le maroilles, le munster, le pont-l'évêque, le langres et l'époisse. D'autres fromages au lait de vache ont une pâte persillée, avec des marbrures internes vertes produites par un champignon, Penicillium glaucum: tels les bleus d'Auvergne, de Bresse, des Causses et la fourme d'Ambert. Certains fromages ont une pâte qui a été pressée: c'est le cas du cantal, du laguiole, du saint-nectaire, du salers, de la tomme de Savoie; d'autres encore ont une pâte pressée qui a subi une cuisson: beaufort, comté, emmental, etc. Outre ces fromages typiques, il existe d'autres spécialités comme les fromages frais, qui ont subi une seule fermentation lactique, le petit-suisse, le fromage blanc, ou les fromages fondus fabriqués par cuisson ou fonte, la crème de gruyère, les pâtes à tartiner.

Les fromages préparés exclusivement à partir de lait de chèvre ont connu un essor important au cours des dernières années: le crottin de Chavignol, le pouligny-saint-pierre, le picodon, le chabichou, le pelardon. Parmi les fromages préparés exclusivement à partir de lait de brebis, le roquefort, à pâte bleue persillée, est un bon exemple de réussite gastronomique et commerciale.

Les pays producteursParmi les grands pays à tradition fromagère, la Hollande fournit le gouda,

fromage à pâte pressée, mi-dure, et dont la croûte, paraffinée, est teintée de jaune. Les autres grands fromages hollandais sont l'édam, la mimolette, le leyade. L'Italie propose également un riche plateau de fromages avec le parmesan, fromage originaire de Lombardie, dont l'affinage dure plusieurs années, ou le gorgonzola à pâte finement persillée; quant à la mozzarelle, préparée initialement avec du lait de bufflonne, elle comporte aujourd'hui des succédanés au lait de vache, voire au «lait» de soja. L'Angleterre est le berceau du fromage le plus consommé dans le monde, le cheddar; originaire du comté de Somerset, il est cylindrique (de 35 à 40 cm de diamètre et de hauteur), présente une pâte pressée, non cuite, non fermentée. En principe, le cheddar est d'une couleur pâle, tandis que le cheschire, très voisin, est orangé. Le cheddar est fabriqué industriellement dans un grand nombre de pays anglo-saxons, et en particulier aux États-Unis, qui sont, en tonnage, les plus gros producteurs de fromages au monde, suivis par la France et l'Allemagne. Pour les Américains, le fromage s'identifie le plus souvent à un cheddar, de couleur orangée, qui se conserve facilement et qui se consomme, non pas isolément comme cela se fait en France, mais incorporé à un grand nombre de préparations culinaires (soupes, sandwichs, cheeseburgers, pizzas...).

Yaourts et desserts lactésLe yaourt est un fromage frais, non égoutté, préparé à partir de lait ayant

subi une fermentation sous l'influence de bactéries lactiques: Lactobacillus bulgarius et Streptococcus thermophilus. Originaire des Balkans et très répandu dans les pays du Moyen-Orient, le yaourt est devenu un produit industriel de grande consommation. La fabrication des yaourts, entièrement automatisée, comprend une phase d'ensemencement du lait, suivie d'une A.Gribincea 75

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incubation ou fermentation de quelques heures à une température voisine de 45 °C. La législation française impose que l'on retrouve, dans le yaourt vendu au consommateur, une présence importante de bactéries lactiques vivantes. Aussi le yaourt ne peut-il être stérilisé ou pasteurisé; cela impose une conservation à basse température et un délai de consommation limité à 28 jours. Dans les pays anglo-saxons, les yaourts sont le plus souvent pasteurisés, ce qui leur enlève leur goût particulier et, surtout, leurs qualités nutritionnelles liées à la présence de ferments vivants.

Outre les yaourts nature, il existe une vaste gamme de yaourts parfumés à l'aide d'essences naturelles de divers fruits, et des yaourts aux fruits contenant de la pulpe ou des morceaux de fruits. Les industriels laitiers français ont acquis une très grande maîtrise dans la fabrication et la distribution des yaourts. Ce qui les a incités à investir à l'étranger, et des groupes privés ou coopératifs sont maintenant implantés dans la plupart des grands pays industrialisés.

Produits nouveauxProfitant de leur savoir-faire, les industriels laitiers ont lancé des produits

proches des yaourts et vendus à l'état frais, comme des laits aromatisés emprésurés, ou gélifiés, des desserts lactés, des crèmes, des mousses, etc. La plus récente innovation a été le yaourt fermenté avec un nouveau micro-organisme, Bifidobacterium (Bacillus bifidus à forme bifidée en Y), qui a connu un grand succès dès son lancement. Ainsi, le rayon des produits laitiers frais et ultrafrais ne cesse de se diversifier et tient une place essentielle dans les magasins à grande surface. Pour répondre aux critiques des nutritionnistes reprochant aux produits laitiers leur excès calorique, les industriels mettent au point des spécialités allégées selon deux directions complémentaires: d'une part, élimination de matière grasse, par exemple pour le beurre ou pour certains types de fromages; d'autre part, remplacement du sucre par des édulcorants dans les yaourts ou autres spécialités consommées en dessert.

VolailleLes oies

Ce sont de grands oiseaux massifs de l'ordre des ansériformes et de la famille des anatidés, bien connus à l'état domestique, mais représentés aussi par de nombreuses espèces sauvages.

Les oies proprement dites appartiennent au genre Anser. La plupart ont un plumage gris avec le bec et les pattes jaunes ou roses. Plusieurs espèces nichent dans le nord de l'Europe et hivernent dans les champs ou les marais de nos pays. L'une d'elles, l'oie cendrée (Anser anser), est l'ancêtre de l'oie domestique.

Les oies sauvages migrent en troupes qui volent en lignes ou en V et poussent alors des cris sonores.

L'oie cygnoïde d'Asie orientale, qui porte une caroncule sur le front, est à l'origine d'une autre oie domestique, dite à tort oie de Guinée.

Les bernaches sont en général plus petites et plus maritimes que les vraies oies. Venue de l'Arctique, la bernache cravant hiverne en bandes dans nos baies et nos estuaires. Elle a une livrée noirâtre et se nourrit de zostères.

L'oie domestique commence à pondre entre 280 et 320 jours une moyenne de 50 œufs par an. L'incubation dure de 28 à 30 jours. Les oisons A.Gribincea 76

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peuvent être élevés sur litière ou, mieux, sur treillis métallique. À partir de la huitième semaine, les oies en croissance sont élevées avec les oies adultes sur pâturage tournant, à raison de 100 à 200 bêtes adultes par hectare, pour la production de foie gras, de plumes et duvets et de sous-produits, tels que viande et graisse. On distingue deux groupes de races: les oies blanches, la femelle pesant de 5 à 7 kg, le mâle de 6 à 8 kg (oie bourbonnaise, oie du Poitou); les oies grises, plus lourdes, pesant respectivement de 8 à 9 kg et 12 kg (oie de Toulouse, oie des Landes).

La viande Les opérations techniques· L'abattage· La contamination microbienne· Les méthodes de stabilisation de la viande· Les méthodes de décontamination des viandes· La salaisonLa cuissonConsommation et habitudes alimentaires

La viande est à la base d'une filière alimentaire spécifique très organisée, tout au long de laquelle un strict contrôle sanitaire mobilise une main-d'œuvre importante. Denrée périssable, elle doit être conservée dans le froid en permanence. C'est un produit coûteux, mais nourrissant: les protéines qu'elle contient sont très digestes, sa composition en acides aminés indispensables est équilibrée et complétée par un apport en sels minéraux et en oligoéléments. La consommation carnée, qui concerne surtout les pays riches, tend à baisser, mais les industriels ont trouvé deux parades: l'identification d'origine et l'élaboration de produits services.

Les opérations techniquesLes opérations essentielles de la filière viande n'ont pas cessé d'évoluer.

Du début du XXe siècle jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce sont surtout les techniques de réfrigération qui se sont développées. Depuis lors, des facteurs politico-économiques et technologiques ont largement contribué à faire avancer le domaine du conditionnement et de l'emballage. La diminution du nombre d'abattoirs et la multiplication des abattages effectués directement sur le lieu de production sont les conséquences des progrès accomplis.

La transformation de l'animal en un produit livré au consommateur se fait en trois étapes: obtention de la carcasse et du cinquième quartier (abats et sous-produits, ou «issues»); séparation de la carcasse en déchets (os et graisses) et en viandes utilisées à l'état frais ou comme matières premières pour l'étape suivante; fabrication de la charcuterie et des salaisons par addition d'assaisonnement et, le plus souvent, par traitement thermique.

L'abattageDe l'établissement d'élevage à l'abattoir, le transport de l'animal peut

être long. Or il constitue un facteur de fatigue et de stress auquel certains animaux sont particulièrement sensibles, comme les porcs en provenance d'élevages industriels et les jeunes bovins séparés de leur mère; le stress se répercute sur la qualité de la viande. De plus, les agressions qui surviennent au cours du voyage entraînent des troubles du métabolisme, qui ne sont pas toujours réversibles et finissent par faire obstacle au processus de maturation de la viande. Enfin, les conditions de transport peuvent accroître la

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prédisposition du bétail aux salmonelloses (affections dues aux bacilles du genre Salmonella).

L'adaptation de la technique de stabulation (emplacement fixe et réduit) sur les véhicules permet de limiter efficacement les inconvénients du transport (pattes cassées...). Des injections de glucose sont aussi préconisées afin que l'animal puisse reconstituer des réserves. En revanche, l'administration de tranquillisants n'est pas tolérable, des résidus se retrouvant dans la viande.

Arrivés à l'abattoir, les animaux sont encore placés en stalle; au cours de la stabulation, ils peuvent être soumis à une diète hydrique afin d'éviter qu'ils soient abattus pendant qu'ils digèrent, et donc pendant que leurs viscères sont pleins. Le passage des bêtes sous la douche empêche la contamination superficielle par la peau et les souillures.

L'étourdissementLes procédés d'étourdissement – au moyen de l'électricité, d'une

enceinte à gaz carbonique ou d'un pistolet – doivent provoquer une inconscience instantanée et complète (souci éthique) tout en évitant le stress et les hémorragies capillaires (souci de qualité alimentaire). L'électricité, à une puissance qui varie entre 70 et 300 V, permet d'obtenir une désorganisation de l'activité cérébrale, et ce en un temps suffisamment court pour ne pas entraîner de lésions organiques. Le gaz carbonique (CO2) agit comme un anesthésiant: l'arrêt prolongé dans une enceinte contenant 70 % de CO2 et 30 % d'air lèse les tissus nerveux (par anoxie). Les pistolets servent surtout pour le gros bétail: à tige perforante, ils sont pneumatiques ou à cartouches; le pistolet à masse est pneumatique.

La saignéeElle a lieu immédiatement après l'étourdissement, afin que l'activité

cardiaque subsiste et aide à l'éjection du sang (pour les viandes kachères, l'animal est saigné sans être étourdi). Plus la saignée est complète et rapide, meilleure sera la viande. Effectuée au couteau, elle se pratique de différentes manières selon les espèces: par rupture de la carotide et de la veine jugulaire chez le gros bétail; par rupture de la veine jugulaire, par égorgement, chez les veaux et les ovins; par rupture de la veine cave antérieure chez les porcs. Si un trocart est employé à la place du couteau, l'entaille est faite dans la région préthoracique. Le sang récupéré connaîtra une utilisation industrielle ou alimentaire. Divers procédés permettent d'éviter la coagulation.

Le dépouillage et l'éviscérationL'étape suivante, le dépouillage, consiste à enlever le cuir et les peaux

des bovins et des ovins dans les meilleures conditions, garantissant une bonne présentation et une bonne conservation des carcasses; les volailles sont échaudées et plumées, tandis que les porcs sont échaudés, rasés, brûlés et grattés (la couenne doit être propre). Le plus souvent, la machine à dépouiller est intégrée à la chaîne des abattoirs.

L'éviscération est l'ablation de tous les viscères thoraciques et abdominaux de l'animal, à l'exception des reins. L'automatisation du procédé assure la précision de la découpe et la continuité de la chaîne. Chez les bovins et les porcs, la carcasse obtenue est fendue en deux parties, découpées chacune en deux quartiers; le cinquième quartier (abats, sang, suifs, etc.) est traité dans l'heure qui suit la mort de l'animal.

La contamination microbienneLa contamination peut avoir lieu au moment de l'abattage ou pendant les

étapes de conservation de la viande. La flore de contamination post mortem provoque une altération qui peut se traduire par la putréfaction. L'évolution des A.Gribincea 78

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germes dépend de facteurs intrinsèques de la viande: structure, composition, pH, température et teneur en oxygène.

La putréfaction s'installe dans les masses musculaires internes de carcasses maintenues à une température élevée (supérieure à 30 °C). Elle est due au développement de bactéries anaérobies, en particulier Clostridium perfringens, qui proviennent du tractus intestinal des animaux. Or l'ingestion de viande ainsi contaminée est à l'origine d'intoxications alimentaires (infections, toxi-infections digestives...). Les infections contractées exclusivement par voie digestive, relativement bénignes, se manifestent par de la fièvre et des vomissements; les micro-organismes incriminés sont C. perfringens et Bacillus cereus. Les toxi-infections, ou gastro-entérites aiguës, sont les plus fréquentes. Les viandes sont infectées par des germes, en général ceux des genres Salmonella et Shigella; les salmonelles contaminent la viande de façon indirecte (par contact avec un milieu pollué le long de la chaîne d'abattage) ou directe (par des porteurs de germes sains ou malades). Plus graves sont les empoisonnements par des toxines préformées dans l'aliment, lors de la croissance bactérienne. Libérée, une toxine engendre dans des délais relativement courts des troubles comme le botulisme, dû à C. botulinum, et de l'intoxication staphylococcique, due à Staphylococcus aureus.

Enfin, les intoxications de type histaminique sont consécutives à l'ingestion de denrées avariées ou en cours d'altération par suite d'une mauvaise préparation ou d'une mauvaise réfrigération. Elles sont provoquées par des amines de décarboxylation (histamine, thyramine, etc.) issues du catabolisme microbien (de Proteus en particulier et de certains bacilles anaérobies).

Les méthodes de stabilisation de la viandeL'installation de la rigidité cadavérique (le rigor mortis) est perceptible

sur la carcasse, la musculature devenant progressivement raide et inextensible dans les heures (exceptionnellement les minutes) qui suivent la mort de l'animal. Ce phénomène résulte de la réduction du stock d'ATP (adénosine triphosphate), composé qui permet au muscle vivant de conserver son élasticité et qui lui fournit l'énergie nécessaire à la contraction: après la mort, l'ATP est hydrolysée sous l'action de différentes enzymes.

L'âge de l'animal, le mode de nutrition et les conditions d'élevage déterminent des caractéristiques métaboliques qui influencent l'apparition du rigor mortis. Généralement, lorsqu'il se produit de façon anormalement rapide ou précoce, la tendreté de la viande est altérée.

La maturation est la phase d'évolution post mortem qui survient après le rigor mortis. Les réserves énergétiques du muscle s'épuisant, il ne subsiste que des phénomènes hydrolytiques, qui tendent à désorganiser peu à peu les différentes structures musculaires: d'abord par le catabolisme du glycogène (transformé en glucose et en acide lactique), ensuite par l'évolution des protéines (dénaturation due à l'acidification du milieu).

La réfrigérationL'abaissement de la température de la viande est nécessaire pour éviter

la putréfaction, qui se développe rapidement. De plus, le froid préserve les qualités organoleptiques de la viande (tendreté, flaveur et couleur). Une bonne réfrigération implique le respect de trois règles primordiales: application à un aliment sain, à un stade précoce et de manière continue.

En raison de leur importance pour la qualité sanitaire du produit, les conditions de réfrigération ont fait l'objet d'une réglementation stricte. Deux opérations successives sont définies: le ressuage (une déshydratation A.Gribincea 79

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contrôlée), qui débute aussitôt après l'abattage et permet de ramener la température interne de la carcasse à une valeur égale ou inférieure à 7 °C; la conservation (ou stockage sous froid), qui maintient les produits à une température égale ou inférieure à 7 °C.

Les différents types de ressuageTous les abattoirs disposent aujourd'hui de chambres de réfrigération

avec circulation forcée d'air à des températures voisines de 5 °C. La norme française concernant les conditions de tendreté des viandes de gros bovins prévoit que la température ne doit pas descendre au-dessous de 10 °C en moins de dix heures.

Le ressuage classique est la méthode la plus ancienne: les carcasses sont placées à un endroit fixe, dans une salle où la température se situe entre 3 et 5 °C. Il dure, dans le cas des gros bovins, au moins vingt-quatre heures.

Le ressuage en cellules est un système rapide qui comprend deux phases: un passage (de quatre à six heures à 0 °C environ) dans des cellules aussitôt après l'abattage; un séjour en salle d'équilibrage (à une température de l'ordre de 3 à 5 °C) où les carcasses restent jusqu'à ce qu'elles atteignent 7 °C à cœur. Comparée à la précédente, cette méthode est plus évoluée: elle permet un refroidissement plus rapide de la partie superficielle de la carcasse.

Le tunnel de ressuage rapide est très utilisé, en particulier pour les porcs. Si le principe est le même que pour le ressuage en cellules, la première phase est entièrement mécanisée: le convoyage automatisé des carcasses se fait par un tunnel dès la fin de la ligne d'abattage (la température y est voisine de 0 °C). La vitesse est calculée pour que le temps de séjour dans le tunnel soit de quatre heures pour les gros bovins, de deux heures pour les petits animaux. À la sortie, les carcasses passent obligatoirement dans une salle d'équilibrage statique jusqu'à ce que leur température interne s'abaisse à 7 °C.

Des systèmes dérivés du tunnel de ressuage existent (autre température du convoyeur, ajout de phases supplémentaires à des températures différentes). Quelle que soit la méthode utilisée, une stimulation électrique est nécessaire pour éviter une contraction au froid des muscles superficiels.

Les effets biochimiques de la réfrigérationL'objectif essentiel des techniques de réfrigération est d'obtenir un

refroidissement le plus rapide possible de la partie superficielle de la carcasse, limitant ainsi au minimum le développement microbien et surtout les pertes de poids pendant la phase de ressuage.

La réfrigération de la viande ralentit toutes les réactions biochimiques exothermiques, et en particulier toutes celles qui conduisent au rigor mortis (en vingt heures à 7 °C, au lieu de quatre heures à 37 °C) et à la maturation (en seize jours à 0 °C, contre huit jours à 6 °C). Toutefois, une réfrigération rapide avant le rigor mortis peut provoquer un phénomène de cold shortning, ou «contraction à froid»: un muscle contracté donnera une viande dure.

La congélation-décongélationLa congélation consiste à abaisser la température du produit jusqu'à

transformation d'une grande partie de son eau en glace, et à maintenir cet état pendant toute la durée de la conservation.

En raison de sa teneur en sels minéraux et de ses liaisons avec les différentes protéines musculaires, l'eau contenue dans la viande ne congèle pas à 0 °C mais à - 1,1 °C. Au fur et à mesure que le froid s'intensifie, la portion d'eau liquide diminue, mais ne disparaît jamais: elle est de 26 % à - 5 °C, de 18 % à - 10 °C et de 10 % seulement à partir de - 40 °C. La congélation (effectuée de - 10 °C à - 196 °C [azote liquide]) doit avoir lieu après l'installation du rigor A.Gribincea 80

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mortis, sinon une exsudation très importante est observée à la décongélation. La viande est traitée en quartiers, sous forme désossée ou en portions individuelles (notamment la viande hachée).

La transformation de l'eau en glace a plusieurs effets: réduction de l'espace liquide des micro-organismes, ce qui inhibe totalement leur multiplication; altérations de la structure et du métabolisme des germes (dénaturation de protéines enzymatiques). La destruction des micro-organismes est d'autant plus importante que la température de stockage est basse et que la congélation est longue. Les larves et les formes embryonnaires de ténias, par exemple, peuvent être tuées par une congélation bien conduite.

Ensuite vient le mode de décongélation, qui agit sur la flore microbienne. Une décongélation lente entraîne des changements physico-chimiques et des pertes par exsudation, phénomène favorable à la multiplication de germes de surface. Si le produit doit être immédiatement consommé ou réfrigéré (à 2 °C), il est préférable de décongeler rapidement: l'exsudation est moindre, mais le risque microbien est élevé.

Le cycle congélation-décongélation est à l'origine de la rupture de la membrane de la cellule musculaire, et la libération de certaines enzymes qui dégradent les protéines favorise le développement des micro-organismes. Aussi une viande qui a été congelée se conserve-t-elle mal après décongélation.

Le conditionnement sous videL'évolution de l'élevage et de la technologie alimentaire rend plus difficile

la conservation de la viande par le froid. L'abaissement de l'âge d'abattage des animaux pose un réel problème, car les viandes jeunes se conservent moins bien (la couleur évolue rapidement). La sensibilité au stress des animaux en élevage intensif modifie la biochimie de la viande (chute rapide de pH...) au point de gêner sa congélation.

De nouvelles techniques de réfrigération (sous vide après stimulation électrique) permettent de contourner ces difficultés. Le vide empêche le développement des bactéries putréfiantes (genres Pseudomonas, Achromobacter, Proteus...) et préserve le muscle: à nouveau en contact avec l'air, la myoglobine peut s'oxygéner et donner une couleur rouge vif à la viande. Celle qui est destinée à être conditionnée sous régime de réfrigération doit avoir un pH musculaire – il est mesuré entre 18 et 48 heures après l'abattage – inférieur ou égal à 6, avant la mise sous vide (au-dessus de 6, il y a un risque d'apparition plus rapide de la putréfaction). Après la mort de l'animal, les réserves de glycogène contenues dans les muscles sont normalement dégradées, sous l'action d'enzymes, en acide lactique; par conséquent, l'acidité dans le muscle augmente (le pH diminue jusqu'à une valeur proche de 5,5).

La prolifération de la flore bactérienne des viandes conditionnées sous vide est ralentie: pendant la première semaine, on constate une phase de latence; à partir du septième jour, une augmentation notable de la population des lactobacilles est observée au détriment des autres bactéries. La durée de conservation sous vide est au minimum de dix jours: l'ouverture trop précoce du conditionnement favorise la multiplication, sans phase de latence, de certaines bactéries putréfiantes, alors que les lactobacilles n'ont pas pu encore jouer leur rôle limitant.

Le conditionnement sous vide n'arrête jamais cette prolifération, et n'a donc rien à voir avec la stérilisation.Quant aux matériaux utilisés, ils offrent des performances en matière de perméabilité aux gaz (oxygène et gaz carbonique) et à la vapeur d'eau, et de A.Gribincea 81

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résistance à la perforation et aux chocs: ils ne modifient pas le processus de maturation de la viande.

Les méthodes de décontamination des viandesL'irradiation des aliments est un procédé qui consiste à les soumettre à

des rayonnements dont l'énergie est suffisante pour provoquer la rupture de certaines molécules (notamment l'eau) et la formation d'ions. Les germes contaminants sont, eux aussi, sensibles à ces réactions d'ionisation qui peuvent perturber leur métabolisme et entraîner leur mort. L'irradiation de la viande à moyenne (3 à 20 kGy) et à forte dose (supérieure à 40 kGy) à des fins de stérilisation ne semble pas utilisable actuellement: elle est cause d'odeurs et de flaveurs anormales qui rendent le produit inacceptable. En revanche, l'irradiation à faible dose (de 1 à 5 kGy) associée à d'autres procédés de conservation (réfrigération en particulier) permet d'allonger la durée de vie du produit en réduisant la population microbienne.

L'action stérilisante de l'ozone vient de son pouvoir d'oxydation élevé: il interfère avec la respiration cellulaire en détruisant certaines enzymes essentielles (déshydrogénases). Ce gaz est utilisé pour la conservation de la viande réfrigérée, car il ralentit le développement de la flore de surface et améliore les conditions de stockage. De plus, il a une action désodorisante par oxydation des produits volatils responsables des odeurs. Son utilisation à forte dose permet d'éliminer les odeurs des chambres froides et des conteneurs ayant servi au transport des viandes. Néanmoins, son effet néfaste sur les caractéristiques organoleptiques de la viande conduit à l'employer avec prudence.

La salaisonLa troisième transformation de la viande se fait par incorporation des

ingrédients de salaison, notamment le sel. Elle fournit les produits du saumurage, comme le jambon cuit, mais par extension elle comprend aussi toute la charcuterie dont la matière première est la viande de porc. Toutefois, il existe toute une gamme de produits variés faisant appel à des technologies très différentes: des produits relativement secs et riches en sels minéraux (saucisson et jambon secs); des produits riches en eau et ensachés (différents types de saucisses); des produits riches en eau et protégés par un emballage étanche (jambon cuit, entre autres).

Le chlorure de sodium pénètre dans les cellules musculaires, ce qui fait sortir par osmose les substances solubles (acides aminés, vitamines, certaines protéines). Sa concentration finale dans la viande salée est de l'ordre de 4 à 5 %, et pourtant le goût salé (du jambon sec, par exemple) est peu prononcé – un potage salé à 1 % est immangeable. En fait, les protéines solubles expulsées avec l'eau de la cellule musculaire servent de liant, emprisonnant véritablement le sel dans la «mêlée» du saucisson ou entre les pièces qui forment un jambon de Paris. Le chlorure de sodium agit également sur les protéines en détruisant les structures rigides, ce qui expliquerait le gain de tendreté observé dans les viandes salées.

Les polyphosphates permettent d'accroître la tendreté de la viande en augmentant sa capacité de rétention d'eau. Les nitrites et les nitrates ont une action bactériostatique (contre C. botulinum), une action sur la couleur (teinte rosée de la charcuterie) et sur la flaveur. Mais le nitrite étant un sel toxique, sa concentration légale dans la viande ne doit pas dépasser 150 mg/kg – la dose mortelle pour l'homme est de l'ordre du gramme. La qualité du produit de charcuterie ou de salaison reste dépendante à la fois de la qualité de la matière première et des conditions de fabrication.A.Gribincea 82

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La cuissonSi plus de 95 % de la viande consommée en France le sont après cuisson,

la majorité des recherches est effectuée sur la viande crue. On distingue les cuissons sèches (rapides, utilisées pour les rôtis et les grillades) des cuissons humides (lentes, pour les viandes bouillies ou braisées).

Excepté pour la préparation de bouillon, on recherche une coagulation rapide des protéines de surface, qui aboutit à la formation d'une croûte imperméable retenant partiellement le jus à l'intérieur du morceau. La cuisson entraîne deux sortes de modifications des propriétés de la viande crue: les fibres musculaires durcissent, et le tissu conjonctif devient plus tendre. Pour les viandes riches en tissu conjonctif, un mode de cuisson long en atmosphère humide (bouillie) est préférable. Au contraire, il vaut mieux griller une viande pauvre en tissu conjonctif.

Dès l'achat, le consommateur devrait prendre en compte le mode de cuisson (temps et température de chauffage) qu'il va utiliser et qui peut influer sur la qualité de la viande. La cuisson peut augmenter la tendreté, surtout celle des bas morceaux riches en tissu conjonctif. De plus, de nombreux composés volatils ou solubles se formant pendant la cuisson donnent à la viande son fumet caractéristique et toute sa flaveur. La cuisson agit aussi sur la digestibilité de la viande, car la chaleur, en dénaturant les protéines musculaires, facilite l'attaque par les enzymes du tractus gastro-intestinal. Enfin, elle détruit les parasites (ténia, ascaris) éventuellement présents à l'état d'œufs.

Consommation et habitudes alimentairesLa croyance populaire attribuant aux aliments des vertus particulières, la

viande est réputée source de force et de vitalité. De tout temps, elle a été considérée comme une denrée précieuse, dont la consommation est encore aujourd'hui ritualisée. Croyances religieuses, pratiques sociales ou principes diététiques dictent les comportements alimentaires actuels.

Déjà au Moyen Âge, des choix diététiques déterminaient celui des aliments à consommer et la manière de les faire cuire: les viandes de bœuf et de porc étaient jugées grossières par les médecins et convenant mieux à l'estomac des gens de labeur qu'à celui, délicat, de l'élite sociale, laquelle devait préférer les volailles, de digestion facile. Progressivement, aux XVIIe et XVIIIe siècles, s'est développé le goût pour le bœuf. La gastronomie a alors rompu avec les anciens principes diététiques, notamment en introduisant des fruits et des légumes dans les menus.

À partir du XIXe siècle, la consommation de viande augmenta de façon constante. Dans les années 1950, la viande occupait une place importante dans l'alimentation des populations des pays développés. Considérée comme source d'énergie, elle était conseillée aux enfants chétifs. La diététique était surtout appliquée par les végétariens, puis par des écologistes prêts à faire des sacrifices pour conserver une bonne hygiène de vie.

À partir des années 1970, la diététique intéresse une population de plus en plus nombreuse qui, se préoccupant de sa santé, réduit sa consommation de viande. La viande a mauvaise réputation en raison du rôle qui lui est attribué dans les maladies cardio-vasculaires, et l'éventail d'aliments dont disposent les consommateurs est par ailleurs très large.

En France, entre 1980 et 1990, la consommation totale de viande par habitant est passée de 90,4 à 96,5 kg, soit une progression de 0,5 kg par an. (Entre 1968 et 1980, les Français avaient porté leur consommation individuelle

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de 67,8 à 90,4 kg.) Il existe cependant d'importantes disparités selon les espèces consommées: la viande bovine est en phase décroissante, ralentie cependant par le développement de la viande hachée.

De plus, une segmentation apparaît entre les viandes identifiées, c'est-à-dire dotées d'un label ou d'une spécificité, et les autres. Ainsi, le label «veau élevé sous la mère» a placé cette viande dans le haut de la gamme. La certification de conformité du produit repose sur l'élaboration d'un cahier des charges précis, de l'élevage à la distribution, et sur le contrôle par un organisme certificateur indépendant. La France est le principal consommateur de viande de veau de l'Union européenne, puisqu'elle représente 43 % de la demande. Avec une consommation moyenne de 3,8 kg par an et par habitant (soit 5,5 kg équivalent-carcasse), les Français restent de loin les premiers mangeurs de veau au monde.

Concernant les ovins, la France ne produit plus que la moitié de ce qu'elle consomme. L'agneau comprend une grande diversité de races, aussi cette viande est-elle présente en toutes saisons. Elle bénéficie d'une bonne image de marque, et sa consommation atteint 0,28 millions de tonnes équivalent-carcasse (TEC); l'industrie des viandes produit, en France, près de 3,5 millions de TEC. La viande de porc fraîche est restée jusqu'à maintenant peu diversifiée, et son image est plutôt négative. L'apparition du label «porc fermier» est intéressante, mais reste restreinte en volume: elle concerne 2 % environ des viandes fraîches. Le jambon cuit a la meilleure part en volume et en valeur des produits de charcuterie. Ce marché a connu une croissance globale de 3 % en volume et de 12,4 % en valeur (cumul annuel juin-juillet 1992).

Aujourd'hui, le rythme et la structure des repas dépendent des activités professionnelles et des loisirs. Les produits à «caractère nutritionnel» envahissent les rayons alimentaires: on semble être passé de la période des produits allégés (années 1980) à celle des produits enrichis (années 1990). Les industries de la viande ne cessent d'évoluer, soit en adaptant leurs produits à la demande du consommateur, soit en créant le besoin.

Produits céréaliersLe malt

Durant la germination, des enzymes hydrolysent l'amidon du grain en dextrines, en maltose et en glucose; les protéines sont aussi partiellement hydrolysées. Le malt est donc très assimilable, et, comme il contient encore des enzymes, il aide à la digestion des autres aliments auxquels on le mêle. Dans la préparation de la bière, les plantules d'orge sont tuées à une température (55 °C) qui n'inactive pas les enzymes. Celles-ci poursuivent leur hydrolyse, et le glucose est fermenté par la levure qu'on ajoute au malt.

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Le painHistorique· Les premiers pains· Le pain aujourd'huiLes techniques de fermentationLa préparation· Ingrédients· Méthodes de panificationLes qualités nutritives· Évolution de la consommation· Pains spéciaux et labels

Le pain est un aliment résultant de la cuisson d'une pâte faite de farine de blé tendre ou d'autres céréales, préalablement fermentée, d'eau et de sel. La fermentation, aujourd'hui modernisée, suit toujours la même recette, connue depuis des millénaires. Aliment de base pour l'homme jusqu'au début du siècle, le pain est aussi une nourriture chargée de symboles, incarnation tantôt des biens de la terre, tantôt de la faim mystique de l'homme.

HistoriqueLes méthodes de panification varient d'un pays à l'autre, mais restent

encore peu connues dans certaines régions, notamment dans celles où se sont épanouies les civilisations du riz, en Chine par exemple. Cependant, dans les grandes villes africaines, le pain tend aujourd'hui à remplacer le mil et de grandes boulangeries industrielles ont vu le jour.

Les premiers painsLes Égyptiens ont sans doute été les premiers à fabriquer du pain, qui

était utilisé comme nourriture, mais aussi pour les offrandes religieuses. Les archéologues ont trouvé des sédiments de pain datant de 3500 av. J.-C., ce qui témoigne d'une maîtrise de la fermentation. En Grèce, l'aliment national a longtemps été la maza, sorte de galette non fermentée à base de farine d'orge grillé. Des contacts commerciaux avec l'Égypte initieront les Grecs à l'art de la panification. Perfectionnant les fours et les moulins, ils développent la consommation de cet aliment, qui est bientôt diversifié par l'ajout dans la pâte de lait, d'anis, de sésame, de pavot ou de miel. Selon l'auteur antique Athénée, on comptait, au IIIe siècle de notre ère, 72 sortes de pains et de pâtisseries. Les premières boulangeries romaines datent de l'an 168 av. J.-C. La profession de boulanger est encouragée par les empereurs romains, qui la considèrent comme un service public. Une corporation dotée d'importants privilèges est créée en 14 de notre ère. À la fin de l'Empire, environ 300 boulangeries publiques assurent à Rome la production nécessaire aux besoins du peuple, qui réclame avant tout «du pain et des jeux».

L'invention du premier four maçonné à porte frontale est déterminante. Au début du Moyen Âge, les techniques de panification ont régressé, mais il semble que les paysans aient longtemps conservé l'usage de la meule manuelle. Chaque famille préparait sa pâte, mais était astreinte à la faire cuire au four de la seigneurie, le four banal. Au XIIe siècle, les fourniers et les talmeliers achètent le droit d'exercer le métier de boulanger et créent une corporation (le nom de «boulanger» vient de la forme de boule qu'avaient tous les pains). À la veille de la Révolution, des perfectionnements et des innovations techniques permettent une mouture «économique», qui donne 15

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% de farine supplémentaire. Plus tard, le chemin de fer désenclavera les campagnes peu prospères, qui seront alors mieux approvisionnées en blé provenant de régions plus riches: les pains «à tout», composés de diverses céréales (orge, avoine), disparaissent. Depuis, le pain est exclusivement composé de froment, tandis que les différentes fabrications utilisant d'autres farines (de son, par exemple) portent le nom de celles-ci. Le XIXe siècle s'illustre par l'apparition de nombreux pains raffinés, comme les célèbres pains viennois.

Longtemps, les ouvriers boulangers, craignant le chômage, se sont opposés à la diffusion des pétrins mécaniques. Mais, avec les deux guerres mondiales, qui provoquent le départ de nombreux artisans, le pétrissage manuel, très pénible, disparaît.

Le pain aujourd'huiDe nos jours, les fours traditionnels sont chauffés au gaz, au mazout ou à

l'électricité. Les minoteries modernes ont remplacé les moulins d'antan. Les grains de blé, d'abord stockés dans des silos, sont ensuite triés. Ils sont alors broyés entre de gros cylindres dont les parois de plus en plus lisses permettent d'obtenir une farine très fine. À chaque étape, le son, les germes et les semoules sont remoulus séparément. Soumise à des tests de qualité, la farine peut être enfin commercialisée. En 1980 apparaît une nouvelle technique industrielle de congélation de la pâte avant fermentation qui rend possible la multiplication des terminaux de cuisson, installés généralement dans les grandes surfaces. Sur les 3 400 000 t de pain vendues chaque année, 238 000 t, soit 7 %, sont fabriquées industriellement. Dans l'ensemble, le pain reste le fruit d'un travail artisanal. Certains boulangers, comme Poilane, ont même ressuscité des techniques anciennes telle la cuisson au feu de bois.

Les techniques de fermentationÀ l'origine, la fermentation se faisait par addition d'un peu de pâte déjà

fermentée. L'acidité relative, le taux d'alcool et la rareté de l'oxygène empêchent, au cours de ce processus, le développement de moisissures et de bactéries en favorisant la prolifération des levures. Les résultats sont cependant imprévisibles, car ces dernières peuvent varier en quantité et en qualité. En outre, les lois sociales concernant la réduction du temps de travail ont accéléré le recul de cette technique de fermentation; en effet, la préparation de ce pain dit «au levain» implique jusqu'à trois pétrissages intermédiaires par jour. Un autre procédé ancien, amélioré au cours des années, utilise de la levure relativement pure obtenue à partir de bière ou de vin.

Actuellement, on se sert surtout de la levure cultivée industriellement par inoculation d'une souche de micro- organismes sélectionnée dans des milieux liquides soigneusement dosés et stérilisés. Les cellules de levure sont des êtres vivants (famille des champignons), qui se multiplient dans des conditions contrôlées. Récoltées par centrifugation et filtrage, elles sont ensuite conditionnées pour la livraison. La levure de boulanger est composée à partir des cellules d'un micro-organisme unicellulaire, Saccharomyces cerevisiae. La levure fait lever la pâte, c'est-à-dire qu'elle provoque la fermentation en transformant les sucres en alcool et en gaz carbonique. Elle s'attaque ainsi au fructose, au maltose et au saccharose, mais ne métabolise ni le lactose ni l'hydrate de carbone du lait. Ce processus produit d'autres substances chimiques, qui donnent ses qualités physiques à la pâte et son goût au pain. C'est pourquoi la fermentation est au cœur de l'art de la panification.

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L'utilisation de la levure est aujourd'hui généralisée. Cependant, certains pains sont fermentés par des produits chimiques, comme le bicarbonate de soude pour le pain irlandais.

La préparationChaque épi de blé porte environ quarante grains, qui ressemblent à ceux

du caféier. À l'extrémité la plus ronde se dresse une petite brosse à poils. À l'opposé se trouve le germe: s'il est semé, il donnera un nouveau pied de blé. Le grain est protégé par plusieurs enveloppes, qu'il est impossible d'enlever manuellement; au moulin, on en tirera le son. L'amande est au cœur du grain; c'est elle qui donnera la farine de froment. Elle contient surtout de l'amidon et du gluten, qui font la richesse du pain. Le plus souvent, on utilise le blé dur, qui offre une pâte suffisamment élastique pour emprisonner les gaz dégagés au cours de la fermentation.

IngrédientsDe la farine, de l'eau potable et du sel suffisent pour fabriquer le pain.

Toutefois, avant le XIXe siècle, le sel, qui augmente la plasticité de la pâte et la durée de conservation, n'était pas utilisé dans la panification. Cette recette est celle des pains français et italiens de couleur claire, croustillants et à la mie compacte. Mais leur goût et leur texture se dégradent facilement; c'est pourquoi d'autres ingrédients doivent être ajoutés pour favoriser la conservation du pain. Ainsi, on utilise souvent de la poudre de lait écrémé pour renforcer la saveur et augmenter la qualité nutritive du pain industriel. Les matières grasses améliorent la texture de la mie et facilitent le travail de la pâte. Si le beurre relève le goût du pain, les œufs lui donnent une couleur caractéristique et en rendent la mie plus moelleuse. Pour répondre aux goûts des consommateurs, du sucre, du sirop de maïs, de la mélasse ou du miel sont ajoutés à la préparation. La législation, très rigoureuse sur la pureté du produit, autorise l'addition en faible quantité d'adjuvants ou d'améliorants, comme les produits maltés, et d'acide ascorbique (vitamine C) pour la préparation de pains spéciaux.

Méthodes de panificationLa fabrication du pain s'opère en plusieurs étapes. Dans un premier

temps, il faut, en respectant les quantités nécessaires, mélanger et pétrir les ingrédients pour former une pâte élastique. La deuxième opération consiste à laisser fermenter la pâte obtenue avant un second pétrissage. Le boulanger forme alors des pâtons, morceaux de pâte auxquels on donne la forme finale du pain, qui passent en chambre pour une deuxième fermentation. Enfin, la cuisson requiert toujours attention et savoir-faire. Les pains peuvent être cuits dans des moules ou sur des plaques. Dans le processus de panification, le mélange et le pétrissage des ingrédients constituent une étape critique, appelée «développement de la pâte». Si les propriétés physiques voulues ne sont pas obtenues, le travail de la pâte, à la main ou à la machine, sera très difficile et le pain n'aura ni un beau volume ni une bonne texture. Bien développée, la pâte doit être brillante sur sa surface et ne pas coller au toucher. Le second pétrissage sert à réduire son volume de façon à éliminer tout le gaz restant.

Il existe plusieurs variantes de ce procédé assez simple. Ainsi distingue-t-on les pains cuits directement sur la sole, de l'Europe du Sud, de l'Amérique du Sud ou du Viêt-nam, des pains cuits dans des moules. Cette dernière méthode est courante au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Canada et au Japon, tandis qu'en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne c'est la panification directe qui

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est aujourd'hui utilisée; cette technique de fabrication est caractérisée par l'emploi de fortes doses de levure. Les améliorants chimiques tiennent une place importante dans la panification nord-américaine: connus sous le nom de «conditionneurs» ou d'«agents de maturation», ils entrent dans la composition des levures. Parmi ces éléments, un seul joue le rôle d'activateur de fermentation, le sel d'ammonium; les autres améliorent surtout la qualité physique de la pâte.

Les qualités nutritivesLe pain est un aliment très complet, diversifié dans sa composition: riche

en glucides (environ 50 %), mais pauvre en lipides, il apporte une quantité non négligeable de protéines végétales et comporte une proportion utile de sels minéraux et de vitamines, dont la teneur varie en fonction du taux d'extraction de la farine utilisée. Les protéines se trouvent dans le gluten, mais certains acides aminés faisant défaut doivent être apportés par d'autres aliments (produits laitiers, viande ou poisson), compléments indispensables du pain. Du fait de sa forte teneur en glucides, le pain est avant tout un aliment énergétique et apporte 255 cal pour 100 g (230 cal pour le pain complet).

Évolution de la consommationDès le début du XXe siècle, avec l'augmentation du niveau de vie, les

Français ont réduit leur consommation de pain au profit de celle de la viande, devenue l'aliment de référence. La consommation moyenne par personne et par jour est ainsi passée de 750 g au XIXe siècle à 500 g en 1935, pour chuter à 100 g aujourd'hui. Cette diminution est due aux changements des rythmes de vie (efforts physiques réduits par la mécanisation) ainsi qu'à une diversification de l'alimentation. La consommation varie encore beaucoup selon l'âge, les catégories sociales et les régions. Considéré comme un aliment de base, le pain a toujours affiché un prix bas (en dehors des disettes d'autrefois). En 1978, la libéralisation du prix du pain en France mit un terme à plus de six siècles de réglementations et de taxations.

Pains spéciaux et labelsLe pain est aujourd'hui au cœur de polémiques diététiques. Certains

médecins pensent qu'il faut le supprimer de l'alimentation, qui est trop riche en glucides. Mais ce serait faire abstraction de sa valeur symbolique, présente encore dans de nombreuses expressions comme «avoir du pain sur la planche», «gagner son pain» ou encore «pour une bouchée de pain». Des campagnes publicitaires ont cependant revalorisé l'image de cet aliment. La consommation de pain connaît une nouvelle évolution: tandis que la baguette reste favorite à la campagne, le pain de campagne est très prisé dans les villes. Dans le même temps, une diversification de la production permet un développement des pains spéciaux. Le pain de son facilite le transit intestinal et le pain au gluten, pauvre en amidon et riche en protéines, est conseillé dans les régimes hypocaloriques. Pour les personnes souffrant d'hypertension artérielle, certains boulangers fabriquent du pain sans sel.

La fin des années 1980 semble marquer un retour à la qualité. En 1993, un décret détermine en France la qualité du produit grâce à de nouvelles appellations telles que «pains maison» et «pains traditionnels». Les dépôts et les terminaux de cuisson ne bénéficieront pas de ce label.

Produits sucrés

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Autres produits sucrésLe miel

Les abeilles emmagasinent le nectar dans leur jabot et le rapportent à la ruche. Là, il est distribué à d'autres ouvrières, qui le réchauffent dans leur bouche, facilitant ainsi l'évaporation d'une partie de l'eau qu'il contient. Elles y ajoutent une sécrétion qui réduit le saccharose en glucose et fructose, plus digestes. Le nectar achève sa transformation en miel dans les alvéoles ouverts.

Le miel est commercialisé sous forme de: miel en rayons, ce qui garantit l'authencité de son origine; miel extrait des cellules par simple centrifugation des rayons, après qu'ils ont été désoperculés. Il ne subit aucun traitement ni adjonction à la récolte et peut être conservé jusqu'à 5 ou 6 ans dans des boîtes hermétiquement closes.

Le sucreHistoire d'un produitLes différents types de sucre· Le sucre de canne· Le sucre de betteraveLe commerce du sucre

Le sucre est issu d'une substance chimique, le saccharose, qui adoucit les aliments et les boissons. Il est fabriqué soit à partir de la betterave sucrière, soit à partir de la canne à sucre, voire des deux, comme en France ou aux États-Unis. S'il joue un rôle essentiel dans une ration alimentaire équilibrée, il devient nocif pour l'organisme lorsqu'il est consommé en excès, ce qui a suscité un récent engouement pour les produits de substitution non caloriques.

Histoire d'un produitLe sucre – du sanskrit sarkara – trouve son origine en Asie (Chine, Inde,

Perse). Dès le IIIe siècle av. J.-C., la canne à sucre était connue dans la vallée de l'Indus, où elle poussait à l'état sauvage. Les Grecs et les Romains désignaient le sucre sous les noms de «sel indien» et de «miel d'Asie». Le miel, utilisé comme médicament dans l'Égypte ancienne, représentait le principal apport de saccharose au Moyen Âge (il le demeure pour certaines populations de contrées reculées). Au Xe siècle, des industries égyptiennes transformaient le sucre. Au Moyen Âge toujours, des commerçants vénitiens introduisirent en Europe le premier caramel, inventé par les Arabes.

Les croisades accentuèrent la vogue du sucre de canne, appelé «sel doux» en Occident. Jusqu'aux Temps modernes et l'essor du commerce colonial, le sucre resta un produit coûteux essentiellement destiné à parfumer les mets.

Au début du XVIIe siècle, la production sucrière des régions tropicales et subtropicales d'Amérique devint une opération rentable. Aux États-Unis, la culture de la canne et la production de sucre commencèrent vers 1600 par la plantation de boutures à La Nouvelle-Orléans. Au siècle suivant fut ouvert une première raffinerie à Bordeaux et, vers 1830, la production de sucre devint une industrie dominante aux États-Unis. La consommation commença à se généraliser: sucre brut et tabac furent alors les principaux produits coloniaux importés dans l'Hexagone. Le XIXe siècle fut celui du développement du sucre de betterave, dont la France, en 1875, était le premier producteur mondial. Le A.Gribincea 89

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sucre est devenu aujourd'hui un produit de grande consommation; en Europe occidentale et aux États-Unis, la consommation moyenne par personne et par an, multipliée par douze au cours du XXe siècle, avoisine aujourd'hui 30 kg.

Les différents types de sucreLes sucres sont des glucides, c'est-à-dire qu'ils appartiennent à l'un des

trois grands groupes alimentaires, avec les lipides et les protides. L'apport en saccharose, loin d'être superflu, est donc essentiel à l'équilibre alimentaire. En dehors de la betterave et de la canne – qui possèdent la particularité de fabriquer du saccharose en grande quantité et de le stocker sans en modifier la composition –, les glucides sont présents, en plus ou moins grande quantité, dans divers végétaux: érable, sorgho, palmier, datte, noix de coco, maïs, raisin, figue, écorce de mélèze, pastèque, etc. Mais ils existent aussi dans le monde animal: le lactose se retrouve ainsi dans différents laits (entre 30 et 80 g/l).

Les sucres sont des corps solides, incolores, solubles dans l'eau mais assez mal dans l'alcool. Un fort degré de pureté doit être atteint pour que puisse intervenir leur cristallisation. Qu'il soit de canne ou de betterave, le sucre que nous consommons – carré de sucre, sucre en poudre, sucre glace, sucre candi «blanc» ou «roux», cassonade, vergeoise, etc. – est fabriqué dans une raffinerie à partir de sucre brut. À titre d'exemple, l'usine Béghin-Say de Nantes, qui fait partie du patrimoine du premier port atlantique français, est alimentée par du sucre de canne brut des Antilles ou de la Réunion, acheminé en vrac jusqu'à la basse Loire.

Le sucre «blanc», contrairement à une idée souvent répandue, peut tout aussi bien être extrait de la canne que de la betterave, sa couleur étant uniquement liée au degré de pureté. La chimie des deux sortes de sucre est d'ailleurs absolument identique.

L'utilisation industrielle ou ménagère du sucre est fonction de sa qualité («semoule», «fin», «extra-fin»...). Les sucres les mieux raffinés interviennent dans la composition des vins, des alcools (champagne, liqueurs, etc.) et des pâtisseries; les autres, épurés, servent à la fabrication des confitures et des sirops.

Les débouchés ne se limitent pas à l'agroalimentaire: l'industrie pharmaceutique est très demandeuse, tout comme celle des engrais, qui recycle la mélasse, produit intervenant dans la fabrication d'éther, du vernis ou encore des cosmétiques.

Le sucre de cannePlante indienne diffusée dans un premier temps par les Perses et les

Arabes jusqu'au Bassin méditerranéen, la canne à sucre a été introduite, par les explorateurs et les colonisateurs originaires de la péninsule Ibérique, aux Açores, à Madère, au Cap-Vert, puis aux Antilles et en Amérique continentale. Susceptible de donner un rendement de 190 t/ha, la canne, qui nécessite de forts taux d'ensoleillement et de chaleur, est une graminée pouvant atteindre 5 m de hauteur. L'histoire de sa culture évoque quelques épisodes marquants de l'histoire mondiale: traite des Noirs et monoculture de la canne aux Antilles, front pionnier au Brésil, Cuba et la guerre froide...

Après une période de croissance allant de 9 à 36 mois, la canne est coupée au ras du sol soit à l'aide d'une tronçonneuse, soit, le plus souvent, manuellement avec une machette. Dépouillée de ses feuilles, elle est débitée en tronçons, puis écrasée dans des moulins; on en extrait un jus sucré (le vesou) et un résidu fibreux (la bagasse), lequel peut servir de combustible ou être transformé en pâte à papier. La purification s'effectue par chaulage. Les

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cristaux de sucre (sucre brut de canne) recouverts d'une fine pellicule de mélasse ont une couleur brun clair.

Transporté vers une raffinerie, toujours dans un site portuaire, le sucre brut y est ensuite lavé (élimination de la mélasse) et dissous dans un sirop. Une fois débarrassé de ses impuretés, il est cristallisé par ébullition (procédé permettant l'évaporation de l'eau) avant d'être centrifugé. Le sucre roux (cassonade) est extrait du sirop restant après extraction du sucre blanc. Le produit obtenu est une masse de fins cristaux, enrobés d'une pellicule de sirop coloré au goût de mélasse.

Le traitement de la canne s'est accompagné de l'essor des distilleries où l'on fabrique le rhum (rhumeries), alcool issu de la fermentation du vesou avant épuration. Le rhum industriel provient de la mélasse de canne fermentée; le rhum agricole (également dit «de plantation») est tiré de la distillation de pur jus fermenté. Quant aux mélasses fermentées, elles fournissent le tafia, mot créole désignant une eau-de-vie de canne à sucre.

Le sucre de betteraveReprésentant environ 45 % de la production mondiale de saccharose, le

sucre de betterave est produit depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle (le procédé de solidification fut mis au point par le chimiste allemand Andreas Margraff en 1747). Napoléon Ier, lors du Blocus continental, en fit accélérer la production.

La betterave dite sucrière, plante bisannuelle de la famille des chénopodiacées, convient aux grandes plaines tempérées du nord de la France; elle se caractérise par d'assez bons rendements (entre 30 et 90 t/ha). La récolte s'effectue vers la fin de septembre: l'exploitant ôte le collet et les feuilles (destinées au bétail) avant de livrer les racines aux râperies. L'extraction du jus se fait par diffusion (osmose); le résidu solide (drèche) obtenu au cours de cette première étape est utilisé pour la nourriture animale. L'épuration du jus est pratiquée après épulpage (filtrage) et rechauffage entre 80 et 90 °C, avec ajout de lait de chaux en excès. La concentration du jus se fait par ébullition. Les deux dernières étapes industrielles, cristallisation et raffinage, visent à obtenir respectivement le sucre brut et le sucre prêt à la vente. La mélasse de betterave à sucre ayant un goût prononcé, on n'en extrait généralement pas (sauf pour la vergeoise) de sucre roux.

Le commerce du sucreParmi les pays producteurs de sucre, 72 ne cultivent que la canne à

sucre, 29 ne traitent que la betterave et 10 exploitent les deux plantes. La moitié de la production mondiale est originaire d'Europe, le quart des pays de l'ex-URSS (principalement Russie et Ukraine) et un douzième des États-Unis. L'Union indienne produit le huitième du sucre mondial. Deuxième producteur mondial après l'Inde, mais premier producteur de canne à sucre, le Brésil a lancé en 1979 le plan Proalcool, opération qui visait à remplacer le pétrole – que ce pays ne produit pas – par de l'éthanol obtenu à partir de canne. Cette initiative, malgré quelques vicissitudes, a donné des résultats intéressants: plus de la moitié du parc automobile brésilien est équipé de moteurs à alcool. Dans ce pays, où l'alcool de canne représente le sixième de la consommation nationale de pétrole, environ 400 distilleries d'alcool-carburant ont pu être recensées.

À Cuba, le sucre de canne représente 73,2 % de la valeur des exportations totales; l'île compte 156 raffineries, dont le fonctionnement dépend autant de la demande que de la réception aléatoire des pièces

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détachées que nécessite l'entretien d'un matériel vétuste. Du début des années 1960 à la dislocation de l'URSS, le bloc soviétique assurait un débouché sûr et rémunérateur au sucre produit sur l'île caraïbe, même si la plupart des échanges s'effectuaient sous forme de troc contre du pétrole. Grâce à de nouveaux accords de troc, La Havane reste cependant le premier fournisseur de la Russie. À l'échelle mondiale, le sucre du continent noir, hormis les productions sud-africaine et égyptienne, occupe une part négligeable. En Europe, la France, l'Allemagne et l'Ukraine sont de très loin les principaux producteurs, devant un groupe de pays constitué par l'Italie, la Pologne, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne. On estime à 13 850 le nombre de personnes employées dans la filière sucrière française en 1993.

Seuls 25 % de la production mondiale font l'objet d'un commerce international, aussi le sucre ne donne-t-il pas lieu à des échanges aussi «médiatisés» que ceux qui concernent les céréales, notamment dans le cadre de la guerre que se livrent Américains et Européens autour de la négociation des accords du GATT (Accord général sur les tarifs et le commerce), en particulier dans la première moitié des années 1990. Sept pays dominent le commerce de sucre: Cuba (23 % des transactions), l'Australie, la Thaïlande, la France, le Brésil, l'Allemagne et l'Afrique du Sud. L'Inde, malgré un immense marché intérieur, est aussi exportateur. Le Japon, les États-Unis, la Chine, la Grande-Bretagne et la Russie (qui achète bon an mal an 1 million de tonnes de sucre à l'Ukraine) sont les principaux importateurs. L'offre mondiale progressant chaque année, les stocks ont tendance à augmenter; ils représentent près du tiers de la production totale, ce qui a une incidence négative sur les cours. En 1995, la consommation mondiale était de l'ordre de 130 millions de tonnes.

ConfiserieLe chocolat

HistoireFabricationValeur alimentaire

HistoireLes traces les plus anciennes de culture du cacaoyer remontent à la

civilisation maya. Chez les Aztèques, l'introduction du cacao est attribuée, selon la légende, au roi Quetzalcóatl - dieu de l'Air, de la Lumière et de la Vie, et l'une des grandes figures du panthéon aztèque -, qui l'aurait dérobé au pays des fils du Soleil pour l'offrir aux hommes. Denrée rare comme l'or, les fèves de cacao servaient aussi bien de base pour des boissons et des plats, d'offrande aux rois et aux dieux que de monnaie d'échange: 10 fèves de cacao valaient un lapin et 100 fèves, un esclave.

En 1519, lorsque Hernán Cortés et ses conquistadores débarquent au Mexique, les Aztèques leur offrent des corbeilles d'osier emplies, entre autres présents, de fèves de cacao. Ils boivent également du chocolat à la mode aztèque (tchacolatl ou xocolatl, en maya), une sorte de bouillie épaisse à base de fèves de cacao mélangées à du piment, du gingembre, du miel, le tout bouilli et battu en mousse avec un fouet, puis versé sur du maïs cuit. D'abord rebutés, les Espagnols s'habituent à cette boisson au goût étrange, mais, A.Gribincea 92

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bientôt, ils remplacent le piment par de la vanille et ajoutent de l'ambre gris, du musc, de la fleur d'oranger et, surtout, du sucre pour adoucir son amertume.

À son retour en Espagne, en 1527, Cortés rapporte un grand nombre de produits jusque-là inconnus des Européens : haricot blanc, pomme de terre, maïs, piment, tabac et le chocolat. Celui-ci conquiert la cour du roi Philippe II: contrairement au tabac, il est aussitôt paré de vertus bénéfiques. On le boit épais, onctueux et mousseux. Le produit est immédiatement taxé par le gouvernement espagnol, et sa consommation restera longtemps le privilège de la cour et des salons aristocratiques.

En 1615, Louis XIII épouse Anne d'Autriche, infante d'Espagne: fort gourmande, celle-ci lance la mode du cacao en France. C'est ainsi que le chocolat fait son entrée en France, où la cour s'entiche à son tour de cette boisson. En 1660, Marie-Thérèse, autre princesse espagnole, épouse Louis XIV. Le chocolat connaît un engouement renouvelé. Et à Versailles, on en sert tous les lundis, mercredis et jeudis dans les salons royaux ! Le sieur David Chaillou ouvre, avec la bénédiction du roi, sa première boutique, rue de l'Arbre-Sec à Paris, où il pourra vendre «une certaine composition qui se nomme chocolat». À cette époque, également, de nombreuses chocolate houses furent inaugurées à Londres, où le culte du chocolat suscita d'ailleurs de fervents adeptes, souvent regroupés au sein de véritables chapelles, comme le Cocoatree, fondé en 1746, où les partisans des Stuarts se réunissaient pour comploter… Les Anglais ajoutent au chocolat du lait, et non pas de l'eau comme en Espagne ou en France, et parfois même un œuf et du madère.

Sous le règne de Louis XV, le chocolat est plutôt considéré comme un reconstituant que comme une gourmandise. Pourtant, on commence à fabriquer de la confiserie au chocolat: pastilles dragées, etc. En 1780, la reine Marie-Antoinette dispose d'un chocolatier privé qui lui consacre de nouvelles recettes: chocolat au bulbe d'orchidée pour fortifier, à la fleur d'oranger pour les nerfs, au lait d'amandes douces pour digérer.

En plus d'être luxe, gourmandise, péché, volupté, douceur, en même temps qu'un aliment, le chocolat est aussi une thérapie. Les Aztèques pensaient échapper aux dangers en buvant du chocolat le matin. En 1662, l'Église jugea que le chocolat liquide ne rompt pas le jeûne. Le breuvage se répandit dans les monastères, qui s'employèrent à en perfectionner les méthodes de préparation. La mère supérieure du couvent de Belley confiait à Brillat-Savarin: «Il faut préparer son chocolat la veille pour qu'il soit onctueux, Dieu lui-même ne pouvant être contre.» En 1719, les Espagnoles, imaginant que le chocolat faisait maigrir, en consommaient une quantité industrielle. En fait, ce sont les qualités nutritives de la préparation qui leur coupaient l'appétit. Goethe, fervent amateur de chocolat et grand voyageur, déclarait: «Quiconque a bu une tasse de chocolat résiste à une journée de voyage.» Le chocolat, nourrissant et tonique, devient l'ultime déjeuner des gens de lettres.

Du raffinement gustatif, qu'évoquent son goût délicat et sa texture onctueuse, au raffinement sensuel, la relation fut rapidement établie par les amateurs de chocolat. Parmi les mets réputés propices aux joutes amoureuses, qui connurent une grande vogue, surtout au XVIIIe siècle où le libertinage était érigé en art de vivre, le chocolat figure en bonne place. Il est de tradition de tenir divers mets pour excitants: gibier, ris de veau, moelle, cervelles, huîtres, homard, écrevisses, caviar, truffes et épices chaudes (cannelle, poivre, piment, muscade, gingembre, clou de girofle), sans oublier l'ambre et le musc, aujourd'hui disparus de la table. Il s'agit pour la plupart de mets de luxe, que A.Gribincea 93

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l'on prend plaisir à déguster en galante compagnie plutôt que possédant des vertus secrètes. De même, les vertus supposées aphrodisiaques du chocolat ont souvent été exaltées. En 1624 déjà, un théologien avait fait paraître un écrit condamnant la consommation du chocolat dans les couvents, ce breuvage, selon lui, échauffant les esprits et les passions. Dans son Traité des aliments (1702), Louis Lemery précise également : «Ses propriétés stimulantes sont propres à exciter les ardeurs de Vénus.» On ne saurait être plus clair. Les favorites de Louis XV usaient du chocolat à des fins précises. Madame du Barry, que l'on disait insatiable, ne manquait pas de servir une bonne tasse de chocolat mousseux pour entretenir l'ardeur de ses amants...

Dans les années 1820, le chocolat se débarrasse définitivement de ses épices, de son poivre et de sa mythologie. Sa consommation croît considérablement en Europe et se démocratise. Une industrie chocolatière se met en place, que renforcent les progrès technique en fabrication. Les premiers maîtres chocolatiers de l'ère industrielle créent leur usine: Van Houten en Hollande (1815), Cailler en Suisse (1819), Menier en France (1824)... En 1846, le premier chocolat à croquer est commercialisé en Angleterre. En 1875, Peter et Nestlé ont l'idée de mettre du lait dans le chocolat. Et Kolher y inclut des noisettes ! À boire ou à croquer, la boisson sacrée devient une friandise populaire qui se déguste désormais sous de multiples formes. Au XIXe siècle, on vendait des mélanges chocolatés aux propriétés médicinales: le chocolat «anthelminthique» (vermifuge) de Vandamme, avec huile de croton, calomel, sucre et pâte de cacao; le chocolat aux grains de gland contre l'atonie générale; le chocolat purgatif et même le chocolat antivénérien.

FabricationLes fruits du cacoyer sont cueillis à la main à maturité ; celle-ci se produit

surtout lorsqu'on passe de la saison sèche à la saison humide, et inversement, soit deux fois par an. Les graines sont extraites immédiatement et entassées pour subir la fermentation. Celle-ci assure le nettoyage des graines et diminue la quantité de matières astringentes. La couleur rouge de la graine fraîche devient brune. Comme pour toute fermentation, il est nécessaire de maîtriser très précisément les conditions de température, d'humidité et d'aération, si l'on veut que le produit obtenu soit bon et constant. Plusieurs étapes sont nécessaires, avec des températures ne dépassant pas 43 °C pour certaines et 47 °C pour d'autres. Après cette fermentation, qui peut demander de trois à huit jours, les fèves sont séchées et peuvent alors être commercialisées.

Le traitement industriel comporte d'abord une torréfaction, comparable à celle du café. Les fèves sont ensuite écorcées et et réduites en poudre; les traitements ultérieurs varient avec les produits recherchés. Un simple pressage permet d'extraire la matière grasse, ou beurre de cacao. Une pulvérisation suivie d'un traitement à la soude donne les cacaos « solubilisés ». Le beurre de cacao permet de fabriquer, en ajoutant quelques arômes, le « chocolat blanc », très nourrissant. Avec ce même beurre de cacao, on fabrique des excipients divers (aussi bien du rouge à lèvres que des suppositoires). Le chocolat, directement comestible, est constitué d'un mélange de cacao et de sucre, avec ajout d'un ou plusieurs arômes, généralement de la vanille. On l'« allonge » (trop) souvent avec des charges sans goût, telles que fécule de pomme de terre, riz soufflé, farine de châtaigne, ou bien ayant par elles-mêmes un certain goût (noisettes, noix, etc.). Un excès de charge en fécule risque de provoquer des efflorescences blanchâtres lorsque le produit vieillit. Le produit est enfin moulé et, pour la présentation, glacé par refroidissement énergique au gaz

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carbonique. Quant aux chocolats fondants et aux bonbons, ils comportent une proportion notable de beurre de cacao, ce qui leur donne leur consistance bien connue.

Valeur alimentaireLes graisses de cacao sont des graisses non saturées, qui se digèrent

facilement. Contrairement à une opinion très répandue, le foie n'intervient pas directement dans la digestion. Son rôle est postérieur à cette étape. Souvent, on attribue à un excès de consommation de chocolat la responsabilité de la «crise de foie»: en l'occurrence, ce jugement n'est pas fondé.

Le chocolat est un aliment énergétique: 100 g de chocolat au lait apportent 550 calories, alors que 100 g de viande n'en fournissent que 170; sa teneur en matières azotées est loin d'être négligeable. Il contient, de plus, un alcaloïde tonique et diurétique, la théobromine, voisine de la caféine ; les fèves en renferment en moyenne 1,5 %, mais on l'extrait souvent partiellement au préalable pour l'industrie pharmaceutique. On trouve aussi un peu de caféine et des tanins, des vitamines B, B2, PP, du potassium, du magnésium, du calcium et du fer.

Le record de consommation de chocolat par an et par habitant est détenu par la Suisse avec 10,2 kg, devant l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la Belgique. La France n'arrive qu'en neuvième position avec 5 kg par habitant, ce qui équivaut à 750 millions de barres de chocolat consommées par an.

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Sauces

La sauce MornaySauce chaude pour poissons, œufs, légumes, qu'on prépare en

incorporant des champignons et du fromage râpé à une béchamel. Des œufs à la Mornay.

La sauce NantuaSauce Béchamel dans laquelle on introduit des queues d'écrevisses et

qu'on fait réduire.

Les saucesLa diversité des saucesLes fonds et les liaisonsLes grandes saucesLes petites saucesLes autres sauces

La cuisine moderne suit la règle de l'harmonie entre un plat et la sauce qui l'accompagne: elle doit lui conférer une saveur plus délicate tout en faisant ressortir la dominante de l'élément principal.

La diversité des saucesDepuis Carême et Escoffier, grands réformateurs de la cuisine du XIXe

siècle et de celle du XXe siècle, la conception et la fabrication des sauces reposent sur le principe suivant: fond de sauce plus liaison égale «grande sauce» ou «sauce mère»; par adjonction d'un ou de plusieurs éléments on crée les «petites sauces», qui à leur tour peuvent donner naissance à d'autres: «Le foisonnement est sans fin. Les sauces naissent des sauces par simple nuance. [...] L'art des sauces ressemble au jeu des poupées russes, chacune en contenant une autre [...]». Ainsi, il existe plus de 280 sauces répertoriées dans les livres de cuisine destinés aux professionnels.

Les fonds et les liaisonsLe fond de sauce est le facteur de mouillement d'une sauce; il est

préparé en cuisant des bas morceaux de veau en pot-au-feu pendant cinq heures au moins; le jus obtenu, dégraissé et décanté par passage au chinois, est d'une tonalité qui varie de l'ambre brun à l'ambre très clair, en fonction du temps de rissolage de la viande: on obtient ainsi du fond brun, blond ou blanc.

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On remplace dans la cuisine familiale le fond par du bouillon, mais cette substitution est toujours faite au détriment de la sapidité. Dans la grande restauration, on tient en permanence au réfrigérateur toutes sortes de fonds (de poisson, de gibier, etc.).

Le roux est le facteur de liaison d'une sauce; il est obtenu en chauffant un mélange de beurre fondu et de farine, jusqu'à obtention d'une amorce de fermentation qui transforme l'amidon en dextrine, substance soluble ayant la propriété d'épaissir les liquides. On obtient, selon son désir, un roux brun, blond ou blanc. Il faut compter 500 g de beurre et 600 g de farine pour obtenir 1 kg de roux cuit.

Les grandes saucesCes sauces sont classées en deux grandes catégories: les sauces

blanches et les sauces brunes. Les sauces blanches sont constituées de roux blanc et de lait (sauce béchamel) ou de roux blond et de fond blanc (sauce blanche ou « velouté »). Les sauces brunes sont constituées de roux brun et de fond brun ou blond (sauce espagnole). Elles ont donné naissance, chacune dans leur groupe respectif, à une foule de sauces dérivées.

Les petites saucesÀ partir de la béchamel on obtient les sauces Mornay (gruyère, œufs,

crème), Nantua (crème, beurre d'écrevisse), cardinal (crème, beurre de homard), soubise (oignons, crème, beurre), etc. Après réduction de la sauce espagnole, on obtient la sauce demi-glace qui donne les sauces bordelaise (vin rouge, échalotes, beurre, moelle, aromates), madère (champignons, madère, beurre), charcutière (oignons, vin blanc, beurre, cornichons), piquante (oignons, vinaigre, cornichons), chasseur (beurre, champignons, vin blanc, tomates, cerfeuil, estragon), etc.

Les autres saucesOn peut confectionner certaines sauces sans faire auparavant un fond et

un roux: il s'agit des familles de sauces comprenant les sauces émulsionnées chaudes, les sauces tomate et les sauces froides.

Les sauces émulsionnées sont une association de jaunes d'œufs, de beurre et de crème. Elles sont difficiles à réussir, car un excès de chaleur solidifie les jaunes et leur fait perdre leurs propriétés liantes.

La sauce hollandaise est la sauce mère (émulsion de vinaigre, d'eau et de jaunes d'œufs, incorporation au fouet de beurre fondu), qui donne la sauce mousseline par ajout de crème fouettée. La mayonnaise, connue déjà par Apicius, est la base de nombreuses sauces froides (sauce verte, sauce rémoulade, etc.); monter une mayonnaise consiste à lier l'huile au jaune d'œuf par une action mécanique au fouet ou à la cuillère.

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La table des matières

Produits alimentaires

1. Boissons ..................................................................................................................... 1-41

Boissons alcoolisées L’absinthe Armagnac La bière Le cidre Le cognac La grande gentiane Vigne et vin

Boissons non alcoolisées Les boissons Le café Le lait Sodas, sirops et jus de fruits Le thé

Vins Le bordeaux Le bourgogne L'histoire de la vigne Vigne et vin

2. Condiments ............................................................................................................. 42-48

L’aneth La coriandre Épices et aromates Le fenouil Le Persil Le piment doux

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3. Produits animaux ................................................................................................... 49-80

Boucherie La boucherie La viande

Fromages Le beaufort Les fromages Le reblochon

Produits de la mer Les huîtres

Produits laitiers Le beurre Le lait Les produits laitiers

Volaille Les oies La viande

4. Produits céréaliers ................................................................................................. 81-84

Le malt Le pain

A.Gribincea5. Produits

sucrés ....................................................................................................... 85-91

Autres produits sucrés Le miel Le sucre

Confiserie Le chocolat

6. Sauces ....................................................................................................................... 92-93

La sauce Mornay La sauce Nantua Les sauces

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