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32 REVUE UFA 12|2020 Production végétale L ’entreprise Ricoter Préparation de Terres SA, à Frauenfeld (TG), se voit de loin, avec ses andains fumants de compost d’écorces, hauts de plusieurs mètres. Le nom de l’en- treprise reflète son programme : il se compose de la première syllabe des mots Rinde (en allemand : écorce), compost et terreau. Au cours d’une visite avec Beat Sutter, directeur, et de la responsable du site, Jeannette Erb, la Revue UFA a pu jeter un coup d’œil dans les coulisses de la produc- tion de terreau. A Frauenfeld et sur son autre site, à Aarberg (BE), Rico- ter produit à grande échelle des substrats adaptés aux exigences va- riées des plantes. Une mission spéciale Si le siège de Sucre Suisse SA se trouve en face de l’usine, de l’autre côté de la route, ce n’est pas un ha- sard. Ricoter Préparation de Terres SA est à 100 % une société fille de Sucre Suisse SA et avait pour mission spéciale, lors de sa fondation en 1981, d’utiliser le plus possible de déchets du traitement des bette- raves sucrières pour produire des terreaux de qualité. Les remorques tirées par les tracteurs qui s’arrêtent toutes les minutes devant Sucre Suisse SA ne fournissent donc pas que la matière première pour le sucre. « En arrivant du champ, la bet- Pour la production de ses terreaux, une entreprise de Frauenfeld mise sur le recyclage des déchets de l’industrie sucrière. Les résidus de la filière du bois suisse permettent par ailleurs de remplacer la tourbe. Les nouveaux terreaux produits sont à de nombreux égards différents de ce qui existait autrefois. Ecorces, compost et terreaux Production de substrats A l’intérieur des andains de compost, la température peut monter jusqu’à 90° C.

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Page 1: Production de substrats Ecorces, compost et terreaux · REVUE UFA 12|2020 33 Production végétale de bois d’épicéa. Si ce bois venait à se raréfier en raison du réchauffe-ment

32 REVUE UFA 12|2020

Production végétale

L’entreprise Ricoter Préparation de Terres SA, à Frauenfeld (TG), se voit de loin, avec ses andains

fumants de compost d’écorces, hauts de plusieurs mètres. Le nom de l’en-treprise reflète son programme : il se compose de la première syllabe des mots Rinde (en allemand : écorce), compost et terreau. Au cours d’une visite avec Beat Sutter, directeur, et de la responsable du site, Jeannette Erb, la Revue UFA a pu jeter un coup

d’œil dans les coulisses de la produc-tion de terreau. A Frauenfeld et sur son autre site, à Aarberg (BE), Rico-ter produit à grande échelle des substrats adaptés aux exigences va-riées des plantes.

Une mission spécialeSi le siège de Sucre Suisse SA se trouve en face de l’usine, de l’autre côté de la route, ce n’est pas un ha-sard. Ricoter Préparation de Terres

SA est à 100 % une société fille de Sucre Suisse SA et avait pour mission spéciale, lors de sa fondation en 1981, d’utiliser le plus possible de déchets du traitement des bette-raves sucrières pour produire des terreaux de qualité. Les remorques tirées par les tracteurs qui s’arrêtent toutes les minutes devant Sucre Suisse SA ne fournissent donc pas que la matière première pour le sucre. « En arrivant du champ, la bet-

Pour la production de ses terreaux, une entreprise de Frauenfeld mise sur le recyclage des déchets de l’industrie sucrière. Les résidus de la filière du bois suisse permettent par ailleurs de remplacer la tourbe. Les nouveaux terreaux produits sont à de nombreux égards différents de ce qui existait autrefois.

Ecorces, compost et terreauxProduction de substrats

A l’intérieur des andains de compost, la température peut monter jusqu’à 90° C.

Page 2: Production de substrats Ecorces, compost et terreaux · REVUE UFA 12|2020 33 Production végétale de bois d’épicéa. Si ce bois venait à se raréfier en raison du réchauffe-ment

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Production végétale

de bois d’épicéa. Si ce bois venait à se raréfier en raison du réchauffe-ment climatique, il faudrait utiliser un autre bois et investir dans la re-cherche, car chaque essence a des qualités différentes.

La cuisine des terreauxDes quantités impressionnantes de matériaux de toutes sortes destinés

aux substrats sont stockées dans l’enceinte et dans les halles du site de Frauenfeld. Les andains de compost d’écorces sont régulièrement retournés et déplacés selon le degré de maturité. Au fond de la surface de stoc-kage se trouvent les andains de compost plus frais, et de-

vant, ceux qui pourront bientôt être utilisés. A l’intérieur des andains, la température peut monter jusqu’à 90° C. En tournant le dos aux tas de compost, on voit une grande quanti-té de balles de fibres de coco, et à l ’arr ière, les boxes contenant d’autres matières premières telles que des pierres concassées, de l’ar-gile expansée, des granulés de pierre volcanique, des adjuvants fertilisants et bien plus encore. « Nous sommes en fait ici dans une grande cuisine », décrit J. Erb en regardant autour d’elle. Mais c’est la chargeuse sur pneus et non pas une grande cuillère qui fait le dosage. Les conducteurs de machine connaissent parfaite-ment les recettes et savent combien de mètres cubes des différentes ma-tières doivent être ajoutés au mé-lange. Les terreaux finis sont mis dans des boxes avant d’être trans-portés au centre de la halle sur un

terave est recouverte d’une enve-loppe terreuse, à partir de laquelle nous élaborons nos terreaux », ex-plique Jeannette Erb. La partie aé-rienne verte de la betterave est com-postée et valorisée dans les substrats, et le calcaire du Jura, produit lors de la filtration du jus sucré, est condi-tionné et vendu pour le chaulage des surfaces agricoles. Les pierres des champs sont concassées et utilisées pour la plantation d’arbres. « Ce sys-tème est comme un processus sans fin dans le cycle de la matière pre-mière », résume Beat Sutter.

La terre végétaleC’est la production de cette terre qui prend le plus de place sur le site de

l’entreprise. Dans une halle à ciel ou-vert trône une montagne de terre d’environ 12 mètres de haut, et des tuyaux longeant la structure du pla-fond éjectent sans arrêt des mottes de terre. Jeannette Erb prend une de ces plaques de la taille de la paume de la main, la brise et explique : « Voilà de la véritable terre végétale suisse, très minérale, provenant des mei l leurs sols de culture. » L’examen de ces minéraux fait par-tie du contrôle interne de qualité autant que la détection de graines indésirables. Depuis 2018, la terre pressée vient du plafond, alors qu’autrefois, elle était recueillie dans un bassin de décanta-tion, ce que l’on devine à la colora-tion des parois en pierre.

Chercher et trouver des alter-nativesQuiconque travaille avec du terreau n’échappe pas à la problématique de la tourbe. C’est donc aussi le cas du site de Frauenfeld. Celui-ci a misé dès le début sur l’écorce brute pour remplacer la tourbe. Ce résidu de la filière du bois suisse présente en ef-fet des propriétés similaires à celles de la tourbe et favorise la rétention de l’eau. Depuis 2014, la tourbe a pratiquement disparu des produits commercialisés par Ricoter Prépara-tion de Terres SA. On ne trouve plus de la tourbe baltique que dans les terreaux de pépinières et de planta-tions. Beat Sutter en est certain : « La tourbe est révolue. » Le paillis d’écorces est encore composé à 95 %

Pourquoi des terreaux spéciaux ?Généralement, on peut utiliser un terreau universel, mais il faudra éventuellement investir davantage de temps pour l’entretien. L’avantage des terreaux spéciaux est qu’ils présentent déjà la composition optimale pour chaque type de plante et l’utilisa-tion prévue. Le substrat fournit les éléments nutritifs appropriés pour le démarrage de la plantation. Le terreau pour balcons est conçu de manière à ce que la terre ne soit pas lessivée par l’arrosage. Les terreaux pour plantes en bac ont une structure qui pré-vient un tassement excessif et évite de devoir fréquemment rajouter du terreau.

« En fait, nous sommes

ici dans une grande cuisine. »

Jeannette Erb, Ricoter

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Production végétale

Abandon de la tourbeLa tourbe se forme dans les marais. Il s’agit d’une sorte d’humus composé de matière végétale en partie décompo-sée. Elle est intéressante en horticul-ture parce qu’elle peut emmagasiner beaucoup d’eau et que son pH est adaptable à toutes les exigences des plantes moyennant un chaulage appro-prié. L’extraction de la tourbe nuit cependant au climat et à la biodiversi-té. Depuis 1987, les marais suisses sont donc protégés et l’extraction de tourbe prohibée. On notera que la Suisse im-porte de grandes quantités de tourbe, raison pour laquelle le Conseil fédéral a adopté en 2012 un plan d’abandon de la tourbe. Celui-ci prévoit dans une première phase l’adoption de mesures volontaires par la branche et la signa-ture d’une déclaration d’intention.

AuteureDr Katharina Kempf, Revue UFA,8401 Winterthour

PhotosDr Katharina Kempf

Plus d’informations www.ofev.admin.ch ➞ Thèmes ➞ Economie et consommation ➞ Informations pour spécialistes ➞ Abandon de la tourbe

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Sur le site de Ricoter Préparation de Terres SA sont stockées les matières premières pour les recettes des divers substrats.

tapis roulant automatique et condi-tionnés en sacs. En parcourant les longues rangées des boxes numéro-tés, on retrouve des notions fami-lières telles que « terreau pour balcons et bacs » ou « terreau pour rhododendrons ». Mais le regard est attiré par le terreau vegan et le ter-reau neutre en CO2.

Le futur est en marcheL’usine a produit du terreau vegan pour la première fois en 2017. « On s’est d’abord un peu moqué de nous, mais peu de temps après, beaucoup l’avaient intégré dans leur offre », se souvient B. Sutter. A la question de savoir ce que ce terreau a de spécial et (pour plaisanter) si on y trouve des vers de terre, on nous répond que ce sont les adjuvants, à savoir les fertilisants, qui font toute la différence. Dans les substrats non vegans, les farines de corne et ma-tières similaires sont autorisées. Le terreau vegan est devenu entre-temps presque un classique. Dans les installations d’ensachage, on est

en train de tendre des rouleaux de tissu synthétique pour un tout nou-veau produit , bientôt disponible dans le commerce : du terreau au bi-lan neutre en CO2. Ce substrat entiè-rement suisse est exempt de fibres de coco ou de tourbe, ce qui permet de raccourcir les distances de trans-port et de diminuer la production de CO2. Il contient même des compo-sants actifs, comme du charbon vé-

gétal, qui lient le CO2. Les sacs eux-mêmes sont faits à 80 % à partir de matériau recyclé. Les progrès dans la production vont se poursuivre, sur-tout sur le plan de l’écologie et de la durabilité. « Qui sait, peut-être exis-tera-t-il un jour du terreau avec un bilan CO2 négatif », anticipe B. Sut-ter. Mais déjà maintenant, une chose est claire : le terreau se décline en de multiples variantes. n

«La nature au service des rêves des jardins suisses. »

Terreau suisse