processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......processus d’élaboration des...

80
MATÉRIELS CONCEPTUELS ET TECHNIQUES Ressources en ligne pour l’élaboration des politiques Module EASYPol 168 PROGRAMME DE FORMATION AUX POLITIQUES DE LA FAO Programme de renforcement des capacités sur les politiques et les stratégies relatives à l'agriculture et au développement rural Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Upload: others

Post on 06-Aug-2020

7 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

MATÉRIELS CONCEPTUELS ET TECHNIQUES

Ressources en ligne pour l’élaboration des politiques

Module EASYPol 168

PROGRAMME DE FORMATION AUX POLITIQUES DE LA FAO Programme de renforcement des capacités sur les politiques et les stratégies relatives à l'agriculture et au développement rural

Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie

Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Page 2: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Ressources en ligne pour l’élaboration des politiques

Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie Comprendre les processus d’élaboration des politiques

par

Olivier Dubois, fonctionnaire principal (institutions rurales), Unité changement climatique et bioénergie, Division de la gestion des ressources naturelles et de l’environnement, FAO, Rome, Italie pour le compte de

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE

Le programme de renforcement des capacités relatives aux politiques et aux stratégies agricoles a pour but de former les responsables de haut niveau de l'élaboration des politiques des pays membres en matière de politiques et de stratégies de développement agricole et rural. Pour ce faire, il leur fournit des connaissances avancées, facilite l'échange de savoir et présente des mécanismes pratiques d'application des changements apportés aux politiques.

À propos d’EASYPol EASYPol est un référentiel interactif multilingue en ligne qui propose des ressources téléchargeables visant à renforcer les capacités en matière d'élaboration de politiques alimentaires, agricoles et de développement rural. L'adresse de sa page d’accueil est WWW.FAO.ORG/TC/EASYPOL. Les ressources d'EASYPol sont créées et mises à jour par le Service de soutien aux politiques agricoles de la FAO.

Les termes employés et la présentation du contenu de ce document d’information ne représentent en aucune manière l’opinion de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture quant au statut juridique d'un pays, d’un territoire, d’une ville ou d’une région quelconque ou de ses autorités ou quant à la délimitation de ses frontières ou limites.

© FAO janvier 2008 : Tous droits réservés. La reproduction et la diffusion des documents accessibles sur le site Web de la FAO aux fins de formation ou autres fins non commerciales sont autorisées sans permission écrite préalable des détenteurs des droits d’auteur, à condition que la source en soit clairement mentionnée. La reproduction de leur contenu aux fins de revente ou autres fins commerciales est interdite sans l’autorisation écrite des détenteurs des droits d’auteur. Il convient d’adresser ces demandes d’autorisation à : [email protected].

Page 3: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Sommaire

1. Résumé........................................................................................... 1

2. Introduction ..................................................................................... 1

3. Introduction et définition de la notion de processus d’élaboration des politiques......................................................................................... 2

4. Proposition de feuille de route pour comprendre et traiter les processus d’élaboration des politiques .............................................................. 11

5. Conditions préalables à l’élaboration de politiques................................ 12

6. Analyses a priori de l’impact des politiques sur les moyens d’existence et/ou la situation socioéconomique .................................................... 13 6.1. Analyses socioéconomiques .................................................................. 14 6.2. Cadre d’analyse Sustainable Livehoods .................................................. 16 6.3. EXTRAPOLATE – Un outil pratique d’analyse a priori ................................. 19

7. Contexte........................................................................................ 20

7.1. Types de politiques et d’institutions ....................................................... 20

7.2. Type de processus d’élaboration des politiques concerné .......................... 22

7.3. Nature du contexte de gouvernance....................................................... 23

7.3.1. Contexte politique...................................................................... 23

7.3.2. Configuration institutionnelle et conditions bureaucratiques ............. 25

7.3.3. Expression citoyenne, réceptivité et espaces d’action politique ......... 26

8. Acteurs.......................................................................................... 31

8.1. Définition des acteurs et des réseaux..................................................... 31

8.2. Traiter les questions de pouvoir ............................................................ 35

9. Contenu ........................................................................................ 38

9.1. Type de contenu et analyse de la qualité du contenu................................ 38

9.2. Référentiels d’action publique et récits ................................................... 39

9.3. Importance des politiques fondées sur des faits concrets .......................... 41

9.3.1. Liens entre recherche et politiques ............................................... 42

9.3.2. Les projets, source de faits concrets permettant de donner forme au contenu des politiques................................................................... 47

10. Suivi et évaluation des impacts et des processus d’élaboration des politiques....................................................................................... 48

11. L’analyse des politiques, un outil visant à aider les responsables de l’élaboration des politiques à passer par les différentes étapes du processus d’élaboration des politiques .............................................................. 54

11.1. Définition de l’analyse des politiques .................................................... 54

11.2.Étapes élémentaires de l’analyse des politiques ...................................... 56

Page 4: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

11.2.1. Identification des objectifs des politiques ..................................... 56

11.2.2. Génération et choix des instruments de politique .......................... 58

11.2.3. Mise en place des instruments des politiques................................ 59

11.2.4. Suivi et évaluation des réformes................................................. 62

11.3. Analyse et élaboration des politiques.................................................... 63

11.4. Contraintes relatives à l’utilisation de l’analyse des politiques................... 64

12. Remarques à l’intention des lecteurs.................................................. 67 12.1. Liens EASYPol ................................................................................... 67

13. Références..................................................................................... 67

Annexe 1 : Liste des acronymes.............................................................. 74 Métadonnées du module ........................................................................ 75

Page 5: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

1

1. RESUME

Le présent document de contexte porte sur les processus d’élaboration des politiques (modalités de planification, de conception, de mise en œuvre et d’évaluation des réformes), qui exercent une influence significative sur les résultats des politiques et leurs impacts sur les moyens d’existence des personnes. Sa première partie propose des méthodes et des moyens pour mieux comprendre les processus d’élaboration des politiques. Après avoir présenté ces processus, elle en fournit la définition et en synthétise les principaux modèles explicatifs sous forme de tableau. Elle poursuit par une réflexion sur les éléments majeurs qui interviennent dans les processus d’élaboration des politiques, à savoir contexte, acteurs, contenu, impact et principales étapes (définition de l’agenda, choix des objectifs et des instruments, mise en œuvre, suivi et évaluation). Pour conclure, elle présente l’analyse des politiques, un outil utile pour aborder ces diverses étapes.

2. INTRODUCTION

Objectifs

Ce document fournit des informations de base sur les processus d'élaboration des politiques et s’adresse aux participants au programme de formation de la FAO consacré aux politiques et aux stratégies relatives à l’agriculture et au développement rural. Sa rédaction a pour but délibéré de relever le défi auquel sont confrontés les hauts fonctionnaires : mettre en pratique la vision que leur transmettent les parlements nationaux et les processus internationaux sous la forme de directives générales et d’objectifs de développement.

Public cible

Ce document s’adresse aux responsables de haut niveau de l’élaboration des politiques relatives à l’agriculture et au développement rural dans les pays membres de la FAO.

Connaissances préalables requises

Le véritable problème auquel se trouvent confrontés les responsables de l’élaboration des politiques est de mettre les discours politiques en pratique dans le champ d’action restreint que leur imposent des contraintes strictes de temps, de personnel et de budget, des objectifs imposés de l’extérieur et l’insécurité organisationnelle qui caractérise les administrations de la plupart des pays. Ce module fait donc le pari que les participants seront davantage intéressés par des éléments portant sur la manière de mieux élaborer les politiques et d’élaborer de meilleurs politiques que sur ce qu’elles font, un sujet par ailleurs traité dans les autres modules. L’accent sur le « comment » de l’élaboration des politiques explique pourquoi ce document privilégie le pratique et s’en tient au minimum théorique requis pour comprendre facilement les arguments et les conseils. Dans cet esprit, il comprend de nombreuses « aides » telles que listes de contrôle, tableaux synthétiques, sujets de réflexion et encadrés rendant compte d’exemples réels, et reporte les explications théoriques en annexe.

Page 6: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

2

Ce document part du principe que les responsables de l’élaboration des politiques œuvrent à atteindre des objectifs de lutte contre la pauvreté et d’usage durable des ressources, tels que l’expriment, par exemple, les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) des Nations Unies. Cela ne signifie pas que toutes les politiques doivent se centrer sur les pauvres et l’amélioration de leur condition. En fait, certaines politiques cibleront peut-être le secteur privé ou les fonctionnaires. L’important, c’est qu’au minimum les politiques n’aggravent pas la situation des pauvres. Ce document reconnaît cependant que la pauvreté est une affaire de répartition (et pas seulement de montant absolu) des ressources et du pouvoir politique entre différents groupes sociaux. La première partie s’efforce d’apporter des méthodes et des moyens pour mieux comprendre les processus d’élaboration des politiques. Après avoir présenté ces processus, elle en fournit la définition et en synthétise les principaux modèles explicatifs sous forme de tableau. Elle poursuit par une réflexion sur les éléments majeurs qui interviennent dans les processus d’élaboration des politiques, à savoir contexte, acteurs, contenu, impact et principales étapes (définition de l’agenda, choix des objectifs et des instruments, mise en œuvre, suivi et évaluation). Pour conclure, elle présente l’analyse des politiques, un outil utile pour aborder ces diverses étapes. La deuxième partie traite des méthodes et des moyens permettant de faire preuve de davantage d’efficacité dans l’élaboration des politiques. Enfin, la troisième porte sur les facteurs importants pour parvenir à une synergie entre État et citoyens en matière d’élaboration des politiques, à savoir la participation, la communication et la négociation. Les lecteurs pourront suivre les liens figurant dans le texte vers d'autres modules EASYPol ou des ouvrages de référence1, y compris la liste de liens EASYPol figurant à la fin de ce module.

3. INTRODUCTION ET DEFINITION DE LA NOTION DE PROCESSUS

D’ELABORATION DES POLITIQUES

Très souvent, les gouvernements nationaux, les organisations internationales et les praticiens du développement étudient des questions en détail et proposent des politiques apparemment judicieuses et efficaces pour les traiter. Pourtant les gouvernements finissent fréquemment par mettre en œuvre des options différentes et souvent inefficaces. Diverses disciplines, telles que l’économie politique, la sociologie et le management, ont tenté d’expliquer pourquoi les actions des gouvernements divergent souvent de ce que l'on attend d'eux. Même si elles ne proposent aucune explication exhaustive et universelle, mission aussi impossible que vide de sens de toute façon, ces théories conviennent que le processus d’élaboration des politiques publiques est important puisqu’il s’agit de la manière dont un gouvernement forge une vision politique et la traduit en objectifs et en instruments 1 Les liens EASYPol figurent en bleu, comme suit :

a) parcours de formation en gras souligné b) autres modules EASYPol ou documents EASYPol complémentaires en italique gras souligné c) liens vers le glossaire en gras et d) liens externes en italique.

Page 7: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

3

de politiques. En d’autres termes, les services techniques des États ne peuvent pas se contenter de générer et/ou de recevoir, des solutions politiques optimales. C’est bien l'intégralité du processus d'élaboration des politiques qui permet au gouvernement de prendre la décision qui détermine, au final, la nature, les résultats et les impacts de la réforme. Plusieurs définitions du processus d’élaboration des politiques attirent l’attention sur le rôle du secteur public, ainsi que sur la dynamique de l'identification et de la formulation des politiques, à savoir :

« On appelle processus d’élaboration des politiques la manière dont les problèmes sont conceptualisés et présentés au gouvernement afin qu’il les résolve. Les institutions gouvernementales formulent des alternatives et sélectionnent des solutions sous la forme de politiques, qui sont mises en œuvre, évaluées et révisées ».2

Le processus d’élaboration des politiques renvoie à « tous les aspects de la fourniture d’orientations au travail du secteur public. Il s’agit des idées qui éclairent la conception des politiques, des discussions et du travail d’où est issue la formulation des orientations des politiques, ainsi que l’ensemble des discussions, du travail et de la collaboration que nécessite la mise en pratique de ces orientations ».3

« Comprendre le processus d’élaboration des politiques requiert de connaître et de percevoir des centaines d’acteurs dans le pays, dont la plupart s’efforce activement d’imprimer sa propre ‘tournure’ aux événements, et de traiter éventuellement des questions très techniques, scientifiques et juridiques s'étalant sur une décennie ou même plusieurs ».4

Encadré 1 : Paradigmes et élaboration des politiques

Les paradigmes des politiques sont imbriqués dans la culture populaire et technique, ils évoluent lentement et les décideurs et les analystes osent rarement les défier ouvertement. Par exemple, rares sont ceux aujourd’hui prêts à déclarer qu’une approche de planification du développement descendante est plus efficace qu’une stratégie participative ascendante. Pourtant, des années 1950 aux années 1970, les approches descendantes du développement étaient considérées largement efficaces, en particulier dans les pays socialistes développés et en développement. À l’inverse, sont maintenant jugées cruciales à la bonne élaboration des politiques les stratégies de développement participatives ascendantes, telles que, par exemple les approches du développement impulsées par les communautés et fonctionnant « sur les principes de responsabilisation locale, de gouvernance participative, de réceptivité à la demande, d’autonomie administrative, de responsabilité accrue des échelons inférieurs et de renforcement des capacités locales ». (www.worldbank.org).

2 Sabatier, 1999. 3 Yeatman, 1998, cité dans Davies et al. 2001. 4 Sabatier, 1999.

Page 8: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

4

Les approches du traitement des problèmes sont donc complexes : elles peuvent être équilibrées ou déséquilibrées, fluides ou chaotiques, suivistes ou innovantes, nécessiter une multitude de parties prenantes et sont étroitement liées à un pays, une période et un secteur. Dans l’idéal, cependant, tout processus d’élaboration de politique comporte au moins quatre étapes5 :

définition de l’agenda, qui consiste à identifier la question/le problème à traiter ;

choix formel des objectifs et des instruments, basé sur l’analyse des politiques et soumis à l’influence de différents éléments (contexte, acteurs, etc.) ;

mise en œuvre de la politique et

suivi et évaluation. Dans un monde parfait, ces étapes se dérouleraient séquentiellement et rationnellement, mais dans la réalité les modes de prise de décision des gouvernements sont extrêmement complexes et passent par de multiples interactions entre diverses parties prenantes. Comprendre le processus d’élaboration des politiques est donc crucial pour comprendre les choix d’interventions des gouvernements, ainsi que les raisons pour lesquelles la pratique s'écarte souvent des prescriptions et une bonne analyse ne débouche pas toujours sur une bonne politique. Au final, cela pourrait fournir des indications sur la manière de concevoir/soutenir le processus d’élaboration des politiques afin de déclencher des actions publiques allant dans le sens du développement rural et de la lutte contre la pauvreté. Des chercheurs ont élaboré plusieurs théories de la prise de décision pour nous permettre de mieux appréhender le processus d’élaboration des politiques et son impact sur leur genèse et leurs résultats. Certaines théories sont devenues des modèles formalisés, d’autres que l’on peut qualifier « d’approches », constituent des scénarios qui tentent de saisir la réalité dans toute sa multiplicité et son ambiguïté. Une différence fondamentale sépare les modèles et les approches : les premiers supposent que les acteurs du processus d’élaboration des politiques sont en général rationnels et philanthropes, même si la rationalité peut avoir des limites, alors qu'à l’inverse, les secondes partent du principe que les décideurs et les responsables de la mise en œuvre des politiques sont pour la plupart égoïstes, que les intérêts particuliers influent de manière significative sur les résultats des politiques et que les réformes ne sont, au final, que des compromis entre des groupes d’intérêt, des coalitions d’intérêt (« advocacy coalitions ») et des réseaux politiques poursuivant des objectifs divergents. Le tableau 1 fournit la synthèse des principales théories consacrées au processus d’élaboration des politiques. D'autres explications à leur sujet figurent à l'Annexe 1 du présent document. La diversité des modèles et des approches suggère que les résultats des politiques, non seulement dépendent fortement du type de processus adopté, à savoir méthodes de définition de l’agenda, d’exécution des analyses et d’élaboration des modalités de mise en œuvre, mais aussi que, dans la plupart des cas, les processus d’élaboration des politiques ne se limitent pas à la formulation rationnelle de politiques par une équipe restreinte et à leur mise en œuvre, principalement par les États : ils sont souvent interactifs, font intervenir de nombreux acteurs, se déroulent en plusieurs endroits, requièrent des échanges et mêlent aspects formels et informels.6 De fait, les métaphores qui guident la recherche sur les politiques ces dernières années laissent entendre que ces processus sont plutôt « brouillons »

5 Kingdon, 1984. 6 Keeley, 2001.

Page 9: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

5

et que leurs résultats découlent de processus politiques, sociaux et institutionnels complexes dont le terme « évolutifs » décrit le mieux les caractéristiques.7 La nature brouillonne et complexe de ces processus vient du fait que l’élaboration des politiques mêle souvent les caractéristiques résumées dans le tableau 2.

7 Juma et Clarke, 1995.

Page 10: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniquesl

6

Tableau 1 : Présentation synthétique des théories relatives aux processus d’élaboration des politiques

Théories du processus

d’élaboration des politiques

Qui décide/fournit des éléments pour prendre les

décisions Comment Avantages

Mises en garde/ inconvénients

Mo

dèle

ra

tio

nn

el

Organisation(s) discrète(s) du secteur public guidées par le bien-être à long terme des

citoyens

Analyse scientifique rationnelle effectuée par des techniciens

L’analyse scientifique est sensée aboutir à des décisions de politique

optimales. Il est possible de partager le processus analytique et

ses résultats

Réformes descendantes.

Les analystes disposent rarement des informations et

des ressources adéquates pour analyser les politiques de

manière exhaustive

Mo

dèle

in

crém

en

tiel

Organisations de prise de décision unitaires discrètes et multiples organisations

Analyses limitées à quelques alternatives et problèmes

gérés un par un de manière confuse et au coup par coup

S’appuie sur l’existant.

Pilotée par le réalisme, le pragmatisme et l’adaptation

contextuelle

Les décisions sont de l’ordre du remède et bloquent toute

réforme radicale.

Le modèle est incapable d’expliquer les réformes

majeures

Mo

dèle

mix

te

Organisations de prise de décision unitaires discrètes et multiples organisations

Analyse scientifique rationnelle pour les décisions

fondamentales et prise de décision incrémentielle pour

les décisions mineures préparatoires à des décisions

fondamentales

Fondée sur le réalisme et capable d’expliquer les réformes mineures

et majeures

Ne fournit pas de critères permettant de déterminer les décisions qui nécessitent de

recourir à l'analyse rationnelle ou à l'analyse incrémentielle

Page 11: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

7

Théories du processus

d’élaboration des politiques

Qui décide/fournit des éléments pour prendre les

décisions Comment Avantages

Mises en garde/ inconvénients

Mo

dèle

«

po

ub

elle »

Multiples organisations : politiciens, praticiens,

militants, etc.

Fragmentation organisationnelle, mandats

courts des décideurs, enchevêtrement de la politique

politicienne et de la prise de décision

Permet d’expliquer des réformes à première vue « irrationnelles »

« L’urgent risque de prendre le pas sur l’important »

Mue par l’opportunisme

Ap

pro

che d

u

cho

ix p

ub

lic

Responsables de l’élaboration des politiques et fonctionnaires, uniquement

pour les biens publics « purs »

Analyse scientifique rationnelle dont les avantages sont proportionnels au coût

Attire l’attention sur le fait que le rôle de l’État se cantonne aux biens véritablement publics et sur la mise

en place de mécanismes d’imputabilité

Vue excessivement négative

du comportement des fonctionnaires risquant de

déboucher sur une restriction indue du rôle de l’État par rapport à celui du marché

Ap

pro

ches

gro

up

es

d’in

térê

t,

coaliti

on

s d

’in

térê

t,

rése

au

x Responsables de

l’élaboration des politiques, groupes d’intérêt, réseaux,

organisations hybrides, groupes de réflexion, etc.

L’État est, soit un acteur passif, soit l’un des acteurs rendant possible le dialogue

entre groupes d’intérêt, coalitions d’intérêt et réseaux

Les réseaux diffus peuvent entraîner une participation accrue de divers groupes à l’élaboration

des politiques

La prise de décision rationnelle subit la contrainte des groupes d’intérêt et des

groupes de pression puissants risquent d’être seuls capables de faire inscrire les problèmes

à l’ordre du jour

Ap

pro

ches

con

cert

ées Responsables de

l’élaboration des politiques, groupes d’intérêt, réseaux,

organisations hybrides, groupes de réflexion, etc.

Différents groupes conviennent de réformes

communes par une discussion ouverte à différents points de

vue

Permet la participation, de traiter les problèmes mal structurés, de

résoudre les problèmes dans les cas où un conflit risque d'avoir des

coûts de transaction élevés

Il n’existe peut-être pas de règles convenues concernant

la manière de se mettre d’accord sur les mesures des

politiques et des acteurs puissants risquent de devenir

des protagonistes

Page 12: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

8

Tableau 2 : Principales caractéristiques des processus d’élaboration des politiques

Caractéristiques Conséquences

Incrémentiels et complexes La politique repose souvent sur l’expérimentation, des événements aléatoires, les enseignements tirés des erreurs et d’autres influences.

Façonnés par des paradigmes et des récits

Différentes versions des événements apparaissent. Certaines font davantage autorité et influent plus que d’autres sur les décisions politiques.

Pluralistes De nombreux acteurs et groupes d’intérêt peuvent influer sur le processus d’élaboration des politiques. Il existera peut-être divers mécanismes permettant à ces différentes voix de se faire entendre.

Alimentés par les réseaux d’acteurs

Certaines personnes ou institutions répandent et entretiennent des récits par l’intermédiaire de chaînes de persuasion, qui influencent les politiques et les éclairent.

Influencés par la politique Les relations de pouvoir entre citoyens, experts et autorités politiques signifient que l’élaboration des politiques n’est pas neutre. La politique personnelle et la politique partisane influent sur les choix de politiques.

Influencés par la pratique Les projets et les pratiques du personnel en première ligne peuvent exercer une influence forte sur la politique.

Source : Keeley et Scoones, 1999.

L’encadré 2 illustre le caractère complexe et « brouillon » des processus d’élaboration des politiques à travers la réforme du secteur agricole en Ouganda, car ils combinent plusieurs des caractéristiques évoquées dans le tableau 1.

Encadré 2 : Politique politicienne et réforme agricole en Ouganda

Les évaluations de l’ambitieux plan de modernisation de l’agriculture (PMA) de l’Ouganda qui ne tiennent pas compte des tensions politiques soulevées par sa nature horizontale (intersectorielle) et intégrée, ainsi que par les rôles centraux accordés aux donateurs et à la société civile pendant sa phase de conception, ne comprendront pas les défis au cœur de sa mise en œuvre. Des tensions apparaissent à mesure qu’avancent les négociations du ministère de tutelle de l’agriculture avec l’exécutif et divers ministères « non de tutelle », qui exercent une influence sur l'allocation des ressources destinées au développement national, tels que le ministère des Finances. Le rôle important joué par les donateurs dans la planification et le poids de leur influence dans la mise en œuvre suscitent une forte pression à obtenir un impact rapide et donc ne laissent que peu de temps et de ressources à investir dans des activités de renforcement institutionnel préalables à la mise en œuvre. La participation institutionnalisée de la société civile multiplie les sujets de débat et de désaccord sur de nombreuses questions de mise en oeuvre, ce qui rend le processus volatile et susceptible d’interruption. Source : Omano et Farrington, 2004 Le résultat d’une combinaison différente des caractéristiques mentionnées au tableau 2 conduit à l’idée de « modèle en amibe », illustré par la figure 1, où la forme du processus d’élaboration des politiques risque de changer fréquemment sous l’effet de l’environnement

Page 13: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

9

des politiques (par exemple, pressions exercées par la société civile ou les donateurs, action forcée ou marge de manœuvre restreinte du fait du climat économique, etc.).8

Figure 1 : Modèle « en amibe » du processus d’élaboration des politiques

ESPACE D’ACTION POLITIQUE

GROUPE D’INTÉRÊT

ETAT

ACTEUR ENVIRONNEMENTAL

GROUPE D’INTÉRÊT

ENVIRONNEMENT DES POLITIQUES

ACTEUR ENVIRONNEMENTAL

Source : Garrett et Islam, 1998 Reconnaître le caractère complexe et brouillon des processus d’élaboration des politiques et donc accepter de s’y attaquer constitue un pas en avant crucial pour combler le fréquent abîme entre la politique sur le papier et la politique sur le terrain, c’est-à-dire dépasser le « quoi » et traiter le « comment » de l’élaboration des politiques. L’encadré 3 illustre la différence entre ces deux aspects sous la forme d’un dialogue fictif susceptible de se dérouler dans un pays donné.

8 Garrett et Islam, 1998.

Page 14: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

10

Encadré 3 : Le « quoi » et le « comment »

Que gagne-t-on à poser la question comment ? Que perd-on à ne pas le faire ? Voyez le scénario suivant : un délégué africain prend la parole à une conférence des Nations Unies : « Nous devons accélérer le rythme du développement en Afrique ». Un autre répond : « Mais comment ? ». Un troisième intervient : « En incitant le secteur privé à participer au développement de l’agriculture ». Ce dernier, député dans un pays d’Afrique occidentale, rentre chez lui et annonce à la session suivante du Parlement : « Nous avons convenu qu'il fallait inciter le secteur privé à participer au développement de l'agriculture ». L'un de ses collègues se lève et dit : « Mais comment ? », à quoi le ministre de l'Agriculture répond : « En libéralisant et en privatisant les marchés ». De retour à son ministère, le ministre déclare : « Nous avons décidé de libéraliser les marchés agricoles ». L’un de ses assistants lui demande : « Mais comment ? » Un autre rétorque : « En réduisant les contrôles sur les marchés des intrants et des produits ». Etc., etc. Qu’est-ce que génère la question comment, si ce n’est toujours plus de détails ? À mon avis, bien davantage que cela. Regardez à nouveau le second échange de l’exemple ci-dessus : Député 1: « Nous avons convenu qu’il fallait inciter le secteur privé à participer au développement de l’agriculture ». Député 2 : « Mais comment ? » Ministre de l’Agriculture : « En libéralisant et en privatisant les marchés ». La réponse du ministre n’est pas du type comment, mais bien du type quoi. De même que l’autre réponse : « En réduisant les contrôles sur les marchés des intrants et des produits ». Voilà ce à quoi pourrait ressembler une réponse comment du ministre : Ministre de l’Agriculture : « Nous avons l’intention de libéraliser et de privatiser les marchés. Mais nous savons qu’il ne s’agit pas de solutions universelles aux problèmes de développement agricole de ce pays. Voyez ce qui s’est passé lorsque nous avons libéralisé et privatisé l’industrie pétrolière. Rien n’a changé. Les prix du carburant demeurent trop élevés, surtout ceux du kérosène dont dépendent nos concitoyens pauvres pour cuisiner et s’éclairer. « Les donateurs voulaient que nous dépolitisions le secteur de l’énergie et lui permettions de se restructurer d’une manière favorable aux pauvres. 'Les choses se rééquilibreront d'elles-mêmes’, disaient-ils. Pourtant, nous aurions dû prévoir ce qui allait se passer. Qui allait être le mieux à même de s’adapter à ce nouvel environnement ? Les trois sociétés les mieux implantées, bien sûr ! Nous leur avons remis tout un secteur industriel sans rien demander en échange. Maintenant, elles sont indélogeables et se font de l’argent sur le dos des pauvres. Avant, quand nous étions encore acteurs du marché, nous disposions du pouvoir de les renvoyer dans leurs foyers et de limiter les augmentations de prix. Aujourd'hui, nous ne pouvons que parler. Mais si nous ouvrons la bouche, les donateurs nous tapent dessus. Les choses ne se sont pas rééquilibrées d'elles-mêmes. « Alors, compte tenu de l’importance de l’agriculture dans notre économie, nous allons avancer à pas comptés et de manière sélective, en faisant très attention à la mise en œuvre. Nous avons des idées, bien sûr. Par exemple, concernant la privatisation, mon équipe me vante les mérites des concessions par enchères ouvertes, le « franchise bidding ». Mais imaginez-en les conséquences pour le secteur des semences et des engrais, qui ont besoin d’un fonds de roulement élevé. Une poignée de sociétés dominera le marché et nous aurons du mal à agir sur elles. Les prix seront encore plus élevés qu’aujourd’hui, les petits exploitants souffriront et nous n’atteindrons pas la croissance attendue. Alors, même si nous souhaitons utiliser le « franchise bidding » (c’est l’option de loin la plus simple du point de vue administratif), nous le réserverons aux industries où nous sommes quasiment certains de gros bénéfices nets, tout en garantissant une protection pour les petits exploitants. Autrement dit, nous devrons trouver le moyen de conserver un peu de pouvoir dans ces secteurs ». Bien sûr, la réponse du ministre soulève de multiples autres questions. Mais elle montre qu'une véritable question comment appelle en réponse les moyens de rendre possible le « quoi ». Source : Omano, 2003

Page 15: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

11

4. PROPOSITION DE FEUILLE DE ROUTE POUR COMPRENDRE ET TRAITER LES

PROCESSUS D’ELABORATION DES POLITIQUES

La nature des processus d’élaboration des politiques requiert une approche plutôt fluide pour en comprendre le véritable fonctionnement. Keeley (2001) suggère de voir ces processus comme des interactions dynamiques entre trois pôles : valeurs/décisions, faits/connaissances et opérationnalisation (voir la figure 2).

Figure 2 : Introduction de fluidité dans la compréhension des processus d’élaboration des politiques

Source : Keeley, 2001

opérationnalisation

valeurs/ décisions

faits/ connaissances

Dans le même but, on peut aussi s’intéresser aux chemins qui conduisent au choix des politiques. Ils sont parfois complexes, mais rarement accidentels. En fait, ils tirent en général leur structure des interactions complexes entre les acteurs des politiques9 :

Intérêts politiques : d’où la nécessité de comprendre le contexte politique et les réseaux de pouvoir des intéressés (voir la section Acteurs dans la deuxième partie de ce module)

Discours concurrents : d’où l’importance du contenu des politiques et des modalités de sa définition (ce point est abordé dans la section Contenu) et

Aptitude et assurance des multiples acteurs participant au processus d’élaboration des politiques à formuler clairement leurs intérêts et à les défendre (ce que le jargon de la recherche sociale appelle « action des acteurs sociaux »), d’où l’importance de comprendre le contexte de gouvernance et les pouvoirs des acteurs (voir les sections sur le contexte de gouvernance et les acteurs pour approfondir ce sujet).

Les sections suivantes de la première partie du présent document s’organisent autour d’une « feuille de route » composée des conditions préalables à l’élaboration des politiques, des principaux éléments communs à ce processus et de ses principales étapes. Les éléments de la figure 3 sont proposés comme une approche initiale des facteurs qui influent sur les différentes étapes d’un processus d’élaboration de politique (définition des objectifs, formulation des instruments, mise en œuvre, suivi et évaluation des impacts). 9 Keeley et Scoones, 1999.

Page 16: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

12

Les étapes et les éléments de la figure 3 sont traités dans les sections suivantes de la première partie.

Figure 3 : Feuille de route pour comprendre et traiter les processus d’élaboration des politiques

Principaux éléments influant sur les processus politiques (adapté de Mayers et Bass, 1999)

1. Conditions préalables à l’élaboration des politiques

2. Contex e t

3. Acteurs

4. Contenu

5. Impacts

1. Analyse socioéconomique/

des moyens d’existence

Principales étapes

Définition de

l’agenda

Prise de décision

Mise en œuvre

5. CONDITIONS PREALABLES A L’ELABORATION DE POLITIQUES

Les conditions préalables importantes à l'élaboration des politiques tendent à être les suivantes : Lieu – La coordination de l’élaboration des politiques a besoin d’un ancrage

institutionnel clair pour piloter le processus et en entretenir la dynamique. Soutien des instances supérieures et attentes fortes que le travail effectué débouchera

sur des changements significatifs dans des domaines importants tels que gouvernance, politiques et investissements.

Engagement des participants clés Idée raisonnable des tactiques requises pour convaincre les personnes chargées de

valider les changements. Nombre de ces tactiques relèvent fortement de la manière dont les informations et la communication sont gérées, autant de sujets qui seront abordés dans d’autres sections des supports de formation.

Page 17: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

13

6. ANALYSES A PRIORI DE L’IMPACT DES POLITIQUES SUR LES MOYENS

D’EXISTENCE ET/OU LA SITUATION SOCIOECONOMIQUE

L’analyse des moyens d’existence des personnes et de la situation socioéconomique éclaire la planification des politiques en faveur des pauvres et veille à ce que les autres politiques, au minium, ne leur soient pas défavorables. La figure 4 illustre les différentes étapes du processus d’élaboration des politiques auxquelles ces analyses peuvent avoir lieu, ici en utilisant les outils de l’analyse de la pauvreté et de l’impact social (PSIA) développés par la Banque mondiale.

Figure 4 : Place de la PSIA dans le processus d’élaboration des politiques

L’analyse peut se centrer sur les moyens d’existence et/ou les aspects socioéconomiques. Ces deux types d’analyses sont présentés brièvement successivement.

PSIA avant (ex ante)

PSIA pendant PSIA après (ex post)

8. Évaluation des résultats : objectif atteint ?

Oui

Oui

Non

9. Évaluation des impacts et des enseignements

6. Mise en œuvre : suivre les étapes

1. Analyse de la situation : où en sommes -nous ?

3. Objectif : où voulons-nous aller ?

5. Actions et tactique : étapes à suivre

Non

Oui

Recom-mencer

Non

Source : Peter Poulsen

Analyse macroéconomique, sociale, politique Stratégies nationales / DSRP

2. Évaluation : sommes-nous satisfaits ?

4. Options et stratégies de la politique : comment allo7. Suivi de l’avancement :

suit-on bien les étapes ? Avance-t-on dans la bonne direction ?

ns-nous

Page 18: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

14

6.1. Analyses socioéconomiques

Les analyses de l’impact des politiques sur les moyens d’existence et les conditions socioéconomiques ne sont pas une tâche aisée. Elles posent, entre autre, les difficultés majeures suivantes :10

difficultés techniques et méthodologiques, à commencer par la définition de la pauvreté. De nombreuses catégories s’appuient sur des seuils de consommation et ne tiennent pas compte des aspects multidimensionnels de la pauvreté ;

contraintes administratives : coûts de transaction, difficulté à conserver un personnel compétent et taux de rendement faibles dans les régions éloignées ;

contraintes politiques et culturelles : par exemple, politiques délibérément favorables aux nantis ou antidémocratiques, facteurs d’exclusion culturelle et capital politique habituellement faible des pauvres qui les empêche de faire entendre leur voix et ne parvient pas à transformer leurs préoccupations en priorités de l'action politique ;

capacité limitée de l’État à atteindre les citoyens, surtout en termes de fourniture de biens et de services et de relations avec les habitants des régions reculées.

Ces difficultés ont incité à soigner la conception des méthodologies d’analyse afin que le processus et les résultats soient les plus fiables et les plus rentables possible. Le tableau 3 résume les approches de l’analyse socioéconomique qui ont pignon sur rue et évalue leurs forces et leurs faiblesses.

Tableau 3 : Forces et faiblesses de quelques approches concernant la fourniture d’informations sur les populations les plus pauvres

Instrument Forces Faiblesses Analyse de l’impact social (AIS)

- L'AIS peut servir à analyser l’impact des politiques sur les personnes, les impacts des parties prenantes sur les réformes et la manière dont les personnes réagissent aux opportunités générées par les actions issues des politiques

- Comprend l’évaluation des impacts et l'analyse des opportunités

- Peut être participative - Permet de comprendre le contexte social,

les institutions et les stratégies d'affrontement qui jouent sur le comportement social et les impacts des politiques

- Dérivée d’une tradition présentant une aversion aux retombées négatives (« do no harm ») qui peut rendre difficile son adaptation à un centrage sur les politiques d’amélioration en faveur des très pauvres

- L’AIS n’est pas le meilleur outil pour les réformes larges où les canaux de transmission et les groupes concernés sont mal connus

Analyse de la pauvreté et de l’impact social (PSIA)

- Cette approche cherche à identifier les groupes les plus vulnérables aux impacts négatifs des politiques envisagées (et leurs probables bénéficiaires). Il se peut qu’un grand nombre de personnes très pauvres comptent parmi les perdants. Attirer l’attention sur cette conséquence peut déboucher sur une refonte de la politique ou la mise en œuvre de mesures d’atténuation en faveur des très pauvres

- La PSIA identifie rarement les très pauvres ou étudie rarement les impacts spécifiques d’une politique sur des groupes différents de personnes très pauvres

- Ce sont les donateurs ou des décideurs du gouvernement qui choisissent les politiques à analyser. Il est probable que les priorités des très pauvres passeront inaperçues. Les politiques retenues pour analyse pourront n’avoir qu’un impact faible ou nul sur ces populations

10 Bird, 2004.

Page 19: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

15

Analyse participative de la pauvreté (APP)

- Bien que l’étude suive un guide, les communautés étudiées pourront éventuellement attirer l'attention sur les problèmes pertinents pour elles. Les politiques et les services exerçant l’impact le plus fort sur les pauvres et les très pauvres seront donc probablement mises en avant

- Elle propose des techniques de différenciation des pauvres. Des facilitateurs convenablement formés devraient pouvoir identifier les indigents, les très pauvres et les exclus et recueillir leurs opinions

- Les facilitateurs risquent de s’en tenir à leur guide d’étude et de ne pas faire apparaître les questions et les thèmes importants pour les pauvres. Ils risquent aussi de ne pas différencier systématiquement les degrés de pauvreté

- Les très pauvres manquent souvent d’assurance et d'éloquence, surtout en public. Ils risquent donc d'être ignorés involontairement

- Même si les malades du SIDA, les veuves, les malades mentaux et les handicapés physiques et mentaux sont surreprésentés chez les très pauvres, leur stigmatisation et l’exclusion sociale pourront les rendre « invisibles » aux yeux de l’extérieur

- Les migrants (qui ne sont pas nécessairement très pauvres) risquent d'être exclus des exercices fondés sur les communautés, car ils ne sont pas considérés y appartenir

Enquêtes auprès des ménages

- Peuvent fournir des données statistiquement fiables sur différents groupes de revenus, dont les très pauvres

- Il est possible de générer des données de panel (c’est-à-dire des données de séries temporelles issues d’entretiens répétés avec les mêmes ménages) pour obtenir des informations importantes sur les mouvements d’entrée et de sortie de la pauvreté. Les corrélations (par exemple, chiffres et biens de consommation, revenus et éducation, mauvaise santé et consommation) peuvent permettre aux analystes de déterminer les causes probables de ces fluctuations du bien-être

- Échantillons rarement suffisants pour fournir des informations différenciées statistiquement significatives sur les groupes pauvres au niveau des sous-districts ou des provinces

- Les enquêtes interrogent en général le chef de famille. Elles risquent de ne pas enregistrer l’opinion des personnes marginalisées au sein des ménages

- Les questionnaires n’abordent pas toujours les questions qui intéressent les très pauvres

- Souvent, les indigents n’appartiennent pas à des ménages et ne figurent donc pas dans les listes (tenues par les collectivités locales, etc.) qui servent à générer des échantillons aléatoires. Ils ne sont donc pas interrogés lors des enquêtes

- Répondent mal aux questions portant sur les processus ou du type « pourquoi »

Examen annuel des DSRP

- Des études spéciales peuvent être commanditées dans le cadre de l’examen annuel des DSRP

- Risquent de ne pas inclure les très pauvres, sauf s’il existe un travail qui (1) les identifie et (2) analyse clairement les déterminants de la pauvreté et de sa dynamique et montre pourquoi la politique « x » est susceptible d’affecter les groupes « y » et « z »

Évaluation des bénéficiaires (EB)

- Participative, avec consultation directe des personnes concernées par une réforme et exerçant une influence sur elle, pas uniquement centrée sur les pauvres, mais peut être conçue de manière à inclure l’opinion des pauvres et des très pauvres

- Peut s’adapter pour évaluer l’impact d’interventions de politique discrètes où les canaux de transmission et les groupes concernés sont clairement définis

- Peut servir à évaluer les politiques envisagées, à signaler les obstacles à la participation que rencontre le groupe cible et à obtenir le feed-back du public sur la mise en œuvre en cours des politiques

- Peut s’adapter au recueil de l’opinion des très pauvres

- Mieux adaptées à la mesure des réactions face aux changements d’une prestation de services qu’aux changements macroéconomiques

- Tend à avoir un ciblage plus étroit que l’analyse d’impact social ou l'APP. Fournit moins d'informations de base contextuelles et historiques

Page 20: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

16

Cartes de bénéficiaires

- Fournissent un retour sur la satisfaction du public à l’égard de la prestation de service

- Associent des méthodes participatives (qualitatives) et quantitatives. Peuvent s’utiliser conjointement aux enquêtes auprès des ménages

- Permettent au public de donner son opinion aux organismes publics et aux politiciens sur des domaines de réforme importants

- Ne permettent d’évaluer que des politiques déjà mises en œuvre

- Mieux adaptées à la mesure des réactions aux changements des prestations de services qu’aux changements macroéconomiques

- Requièrent un organisme possédant des compétences en études de marché et collecte de données pour mener l'enquête

- Nécessitent le soutien de médias - Comparabilité limitée entre services - Requièrent un grand échantillon dans le

cas d'une population hétérogène et de services peu utilisés

- Manque de prévisibilité des modes de réaction des différents acteurs

Examens participatifs des dépenses publiques (EPDP)

- Font participer des parties prenantes aux allocations budgétaires de l’État au processus EPDP. La participation du public peut aider à améliorer le ciblage, l’allocation et le suivi des ressources

- Peuvent déboucher sur des suggestions de politiques

- Peuvent légitimer et responsabiliser les décisions finales de l’EPDP

- Il est peu probable que les plus pauvres fassent entendre leur voix

- Utiliser le processus budgétaire comme point de départ présuppose qu’une politique spécifique a déjà été sélectionnée. Cela risque de ne pas être utile si plusieurs options sont à l’étude

Source: Bird, 2004 Des cadres conceptuels et des outils analytiques peuvent compléter ces approches générales. Les deux sous-sections suivantes présentent deux exemples utiles : tout d’abord le cadre d’analyse Sustainable Livelihoods (moyens d’existence durables, SL) et son application aux liens entre réalités locales et politique macroéconomique, puis l’outil EXTRAPOLATE, qui fournit l’impact potentiel d’une politique sur des groupes de parties prenantes disparates.

6.2. Cadre d’analyse Sustainable Livehoods

Les praticiens du développement rural et les responsables de l’élaboration des politiques reconnaissent que les interventions sectorielles ne suffisent pas à améliorer les moyens d’existence des personnes : il faut aussi des approches holistiques et intersectorielles. Le cadre Sustainable Livelihoods (élaboré par l’organisme britannique Institute of Development Studies (IDS) en 1998) et ses variantes ultérieures constituent un outil utile de conceptualisation des multiples aspects des moyens d'existence ruraux et de l'interaction entre moyens d'existence et politiques (figure 5).

Page 21: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

17

Figure 5 : Cadre d’analyse Sustainable Livelihoods

LÉGENDE

H = Capital humain S = Capital social N = Capital naturel P = Capital physique

CADRE « SUSTAINABLE LIVELIHOODS »

F = Capital financier

AVOIRS DES MOYENS D’EXISTENCE

L’approche SL tient compte de tous les avoirs des ménages ruraux : financiers, mais aussi naturels (agriculture, ressources naturelles, eau, sols et minéraux, services de l’écosystème), humains (travail, compétences, éducation), sociaux (famille, communauté, confiance, relations) et physiques (infrastructure, transport, équipement). Elle reconnaît que la lutte contre la pauvreté ne consiste pas seulement à élever le niveau de ce large éventail d’avoirs, mais aussi à aider les gens à se protéger contre le retour à la pauvreté (vulnérabilité). Ces prémisses débouchent sur divers principes et hypothèses quant à la manière dont les politiques et les interventions de développement peuvent exercer l’impact le plus positif possible sur les moyens d’existence (tableau 4).

Niveaux de gouvernement

Secteur privé Lois

Culture Politiques

Institutions

Hausse des revenus Augmentation du bien-être Recul de la vulnérabilité Sécurité alimentaire accrue Usage plus durable de la base NR

POLITIQUES, INSTITUTIONS, PROCESSUS

RÉSULTATS EN TERMES DE MOYENS D’EXISTENCE

CONTEXTE DE VULNÉRABILITÉ Chocs Tendances Saisonnalité

H

S

P F

N STRATÉGIES RELATIVES AUX MOYENS D’EXISTENCE

Influence et accès

Page 22: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

18

Tableau 4 : Principes et hypothèses sous-jacentes de l’approche SL

Principes Hypothèse(s) correspondante(s)

Tenir compte de la vulnérabilité et accroître la résilience

- Les projets qui tiennent compte du contexte de la vulnérabilité par un double mouvement d’atténuation de cette vulnérabilité et de renforcement de la capacité individuelle et collective à supporter les chocs sont plus efficaces pour aider les pauvres à surmonter leur pauvreté que les approches qui l’ignorent

Augmenter les avoirs

- Parce que la propriété d’avoirs diminue la vulnérabilité aux chocs, les projets qui augmentent les avoirs des populations rurales luttent plus efficacement contre la pauvreté que ceux qui se centrent exclusivement sur l’augmentation des revenus, sans se soucier de la propriété et de l’équilibre des avoirs

- Pour lutter contre la pauvreté de manière durable, il ne suffit pas de hisser le revenu des ménages au-dessus du seuil de pauvreté national. Il est tout aussi important que les ménages acquièrent la capacité à ne pas retomber dans la pauvreté en cas de chocs

- Les projets qui augmentent le capital humain et social des populations rurales en plus de leur capital physique, financier et naturel, luttent plus efficacement contre la pauvreté que ceux qui négligent le capital humain et social et en favorisent d’autres types

Se centrer sur les moyens d’existence

- Les projets centrés sur les moyens d’existence luttent plus efficacement contre la pauvreté que ceux qui prônent comme solution la croissance économique ou un meilleur accès aux infrastructures et aux services sociaux sans se soucier de la manière dont les pauvres gagnent leur vie

Source : Neely, Sutherland et Johnson, 2004 L’approche Sustainable Livelihoods est à même d’ajouter de la valeur aux politiques de différentes manières. Ainsi, elle peut (Ashley et Carney, 1999) :

contribuer à ce que les politiques ne soient pas négligées ;

constituer un langage commun pour les responsables de l’élaboration des politiques de différents secteurs ;

encourager une approche des politiques davantage centrée sur l’humain ;

assurer la prise en compte des groupes vulnérables et des facteurs de vulnérabilité ;

relier macro et micro au sein de l’analyse, autrement dit, les réalités locales et les politiques qui les structurent et les façonnent ;

comprendre la capacité des pauvres à formuler des demandes ;

aider à identifier les points d’entrée lors de la planification des interventions de SL. Cependant, l’exploitation du potentiel des approches SL dans les processus d’élaboration des politiques a souvent été freinée par le poids qu’elles accordent aux études micro ou locales et qui rend leurs résultats très contextuels. Elles présentent également des faiblesses en matière d’analyse des relations sociales et du pouvoir, qui constituent d’autres déterminants importants des processus d’élaboration des politiques. En pratique, Norton et Foser (2001) suggèrent que la meilleure façon de traiter l’écart entre analyse SL et analyse des politiques consiste à se focaliser davantage sur les principes du cadre SL que sur ses détails, autrement dit

Page 23: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

19

rechercher des processus imputables, travailler sur les réalités spécifiques et disparates de la situation des pauvres, autoriser la subsidiarité adéquate pour traiter les questions clés et adopter un point de vue intersectoriel sur les causes de la privation et l’analyse des mesures permettant de l’atténuer ;

utiliser la nécessité d’obtenir des résultats en termes de moyens d’existence pour les pauvres comme un guide d’application du cadre contextuel aux situations pratiques et encourager les partenaires à l’utiliser ;

s’efforcer de définir l’ordre de priorité des actions des politiques et des programmes : l’analyse de la « réalité complexe » des moyens d’existence locaux ne doit pas entraver l’action ou servir de prétexte pour éviter de choisir comment utiliser des ressources humaines, publiques et financières rares. Le défi est d’utiliser les approches Sustainable Livelihoods pour déterminer si les bonnes priorités ont été choisies, mais pas de sur compliquer l’agenda des politiques au point de bloquer toute action. Il n’y a là nulle contradiction : c’est une question de modalité d’application de l’analyse.

Shankland (2000) suggère quelques questions permettant d’inclure les moyens d’existence dans l’analyse des politiques, à savoir :

Qui sont les pauvres et où sont-ils ?

Quelles sont leurs priorités en termes de moyens d’existence ?

Quels secteurs des politiques correspondent à ces priorités ?

Quels sont les impacts potentiels des différentes politiques possibles ?

6.3. EXTRAPOLATE – Un outil pratique d’analyse a priori

La FAO a développé un programme baptisé EXTRAPOLATE pour étudier les liens entre politiques et moyens d’existence. EXTRAPOLATE (EX-ante-Tool-for-RAnking-POLicy-AlTErnatives) est un outil d’aide à la décision participatif conçu pour faciliter l’analyse a priori de l’impact potentiel des actions publiques sur différentes parties prenantes. Ce logiciel joue le rôle de « filtre », qui aide les utilisateurs à « tamiser » diverses mesures de politiques sur la base d’analyses numériques simples afin d’identifier les combinaisons les plus judicieuses pour un but donné des politiques. Considéré par certains comme un « outil d’aide à la discussion », il favorise des débats larges et sans préjugés sur les politiques, pourvu que le cadre soit approprié. EXTRAPOLATE est bâti autour de quatre éléments principaux et des liens qui les unissent : (i) groupes de parties prenantes et leurs moyens d’existence (estimation du bien-être) ; (ii) contraintes empêchant les intéressés d’atteindre des (iii) résultats désirables, qui sont les effets mesurables de la détente des contraintes et qui contribuent au moyen d’existence des parties prenantes et (iv) politiques exerçant un impact sur les contraintes. L’utilisation de EXTRAPOLATE nécessite deux étapes simples : définition des éléments du modèle et quantification de leurs liens en fonction d’échelles numériques simples. Le programme calcule l’effet d’une politique envisagée, ou de la combinaison de plusieurs, sur l’état des moyens d’existence des différents groupes de parties prenantes par son impact sur les contraintes et les résultats. Ces derniers sont présentés sous forme numérique et graphique.

Page 24: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

20

Figure 6 : Situation avant et après un changement de politique (P) dans le modèle simple : des changements marginaux au niveau des contraintes (C) et des résultats (O) entraînent un changement marginal de l’état des moyens d’existence (LS) des groupes de parties prenantes (S)

1

2 A

The status quo (before any change)

fter a policy change

SOC LS

S?O?C ? LSP

Après changement de la politique

Statu quo (avant changement de la politique) EXTRAPOLATE a permis d’étudier l’impact de réformes dans des pays de l’Afrique subsaharienne, de l’Asie du Sud et du Sud-est et en Amérique latine. Le logiciel et son manuel sont téléchargeables gratuitement à l’adresse : www.fao.org/AG/againfo/projects/en/pplpi/dsextra.html.

Bien qu’il ait été développé pour l’élevage, EXTRAPOLATE s’applique facilement à d’autres secteurs.

7. CONTEXTE

L’élaboration des politiques ne se fait pas dans le vide. Son contexte exerce une importance significative sur leurs productions et leurs résultats. Par conséquent, comprendre ce contexte est très utile pour comprendre les processus de leur élaboration. On peut analyser le contexte des politiques en s’intéressant aux éléments suivants :

À quel type de politique et d’institutions avons-nous affaire ?

De quel type de processus d’élaboration des politiques s’agit-il ?

Quel est le contexte de gouvernance ? Nous revenons successivement rapidement sur chacun de ces points.

7.1. Types de politiques et d’institutions

Il est important de connaître le type de politique auquel nous avons affaire parce que tous ne se lient pas de la même manière avec les citoyens. L’impact des différents types de

Page 25: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

21

politiques sur les personnes et leurs moyens d’existence dépend des structures qui « relaient » ou médient chaque politique. En général, ces structures sont appelées institutions. Les institutions sont les règles, les organismes et les normes sociales qui facilitent la coordination des actions humaines. On peut donc les considérer à la fois comme les « règles du jeu » (formelles et informelles) et les organisations (structures) qui mettent en œuvre les politiques, les stratégies et les programmes. On définit aussi souvent les organisations en fonction de leur budget, de leur personnel et d’un ensemble défini d’objectifs. C’est ce qu’illustre la figure 7.

Figure 7 : Institutions en tant que règles du jeu et organisations

INSTITUTIONS

RÈGLES

Capital social

Informelles Formelles

ORGANISA-TIONS

Confiance Règles Reglamentaciones

Organismes publics

Firmes

Valeurs partagées

Lois Organisations de la société civile

Police

Religion Traditions Constitutions Tribunaux

Traditionnel,

informel Moderne,

formel

Réseaux

Normes Difficile à changer

Facile à changer

Source : Rapport sur le développement de la Banque mondiale, 2003 La distinction entre règles du jeu et organisations est fondamentale, car certaines politiques font appel aux unes ou aux autres. Ainsi, les politiques macroéconomiques, réglementaires et fondées sur les droits opèrent surtout par modification des « règles du jeu ». En général, la politique macroéconomique est transmise par la régulation du marché : une dévaluation augmente le prix des importations sur le marché des intrants, tandis qu’une hausse des taux d’intérêt augmente le coût des emprunts sur le marché du crédit du secteur formel. Les politiques de changement organisationnel modifient l’allocation des ressources et des responsabilités au sein d’une administration telle qu’un ministère sectoriel. Par exemple, la décentralisation modifie l’allocation des ressources et des responsabilités entre différentes branches et/ou niveaux de l’État ou entre l’État et le secteur privé. Certaines politiques fonctionnent à la fois par le biais de « règles du jeu » et d’organisations, comme une politique de la forêt qui, à la fois, modifie la loi sur l’accès aux forêts domaniales et fait descendre la prise de décision jusqu’aux gardes forestiers.

Page 26: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

22

Si la politique opère par l’intermédiaire des règles du jeu, son impact sur les moyens

d’existence dépend de la mesure dans laquelle les gens respectent ces règles (par exemple, mesure dans laquelle ils effectuent des transactions sur le marché ou s’estiment liés plutôt par le droit formel que coutumier).

Si la politique est relayée par des organisations, son impact dépend d’autres éléments,

tels que importance de leur présence sur le terrain et degré de crainte ou de confiance qu’elles inspirent. En outre, la manière dont une politique donnée atteint les gens, pour autant qu’elle les atteigne, subit l’influence significative des jeux politiques internes et des priorités de l’organisation relais.

7.2. Type de processus d’élaboration des politiques concerné

Il est important d’évaluer le type de politique concerné, car cela constitue un bon exercice de cartographie des autres éléments du contexte de la politique. Le tableau 5 fournit des exemples de caractéristiques des politiques permettant de définir le type de politique auquel on a affaire.

Tableau 5 : De quel type de politique s’agit-il ?

VISIBLE EN COULISSE RAPIDE LENTE

VIOLENTE CALME PEU DE PARTIES PRENANTES NOMBREUSES PARTIES PRENANTES

CIBLÉE PLUSIEURS CIBLES / CIBLE MAL DÉFINIE MÉDIAS PAS D’INTÉRÊT DES MÉDIAS

UN SEUL MINISTÈRE PLUSIEURS MINISTÈRES BUREAUCRATIQUE HORS CADRE BUREAUCRATIQUE

CERTITUDE INCERTITUDE AIGUË CHRONIQUE

PROCESSUS JURIDIQUE ABSENCE DE PROCESSUS JURIDIQUE LOCALE/NATIONALE/RÉGIONALE/MONDIALE À PLUSIEURS ÉCHELLES Source : Keeley, 2001. Pour évaluer le type de processus d’élaboration des politiques concerné, on peut poser les questions suivantes 11 :

Qui y participe ?

Combien y a-t-il de parties prenantes ?

Le processus se déroule-t-il principalement à l’intérieur ou à l’extérieur d’une administration ?

11 Keeley, 2001.

Page 27: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

23

Il convient de tenir compte de ces questions et d’y réfléchir attentivement, quel que soit le processus. La plupart des déclarations internationales relatives au développement soulignent que, pour parvenir au développement à long terme, les pays doivent se l’approprier. Mais dans quelle mesure cela est-il possible ? Pour répondre à cette question, il faut déterminer la mesure dans laquelle les parties prenantes possèdent les processus d’élaboration des politiques et donc les types de pressions externes exercées sur leurs responsables. En fait, ces pressions peuvent fortement influer sur l’ordre de priorité alloué aux politiques. En général, les pressions externes viennent de deux directions, à savoir :

les partenaires internationaux,, y compris les membres de la communauté des donateurs : comment promouvoir de manière réaliste des politiques nationales quand, en Afrique par exemple, trente partenaires de développement internationaux en moyenne interviennent dans la formulation des politiques ?12 ;

les processus internationaux, qu’il s’agisse d’accords, d’objectifs internationaux ou de climat économique mondial. La figure 8 prend l’exemple du secteur forestier pour illustrer le bombardement constant que les processus internationaux font subir aux pays.

7.3. NATURE DU CONTEXTE DE GOUVERNANCE

Par contexte de gouvernance, nous entendons le contexte politique, le contexte institutionnel (y compris bureaucratique), le degré de pouvoir de l’opinion publique (surtout au niveau local), la réceptivité au pouvoir de l’opinion publique et la mise en place « d’espaces d’action politique » (Keeley, 2001). Ces aspects sont abordés brièvement l’un après l’autre.

7.3.1. Contexte politique

Les dimensions politiques et sociales de l’élaboration des politiques ont récemment suscité beaucoup d’attention, afin de mieux comprendre pourquoi les changements qu’appellent les politiques se concrétisent ou non dans la réalité. C’est l’objet de la NPEP (New Political Economy Perspective). Cette approche pluridisciplinaire s’efforce de combiner économie politique, « nouvelle économie institutionnelle » et étude des processus sociaux, des normes culturelles et de l’ethnicité. Elle tient en deux propositions centrales :13 Pour comprendre comment mettre en place des politiques favorables au développement,

il est essentiel d’analyser ce qui motive les décisions des élites gouvernementales, des autres puissants groupes d’intérêt et des agents du changement de la société civile, du secteur privé et des administrations.

Ces motivations relèvent de la poursuite d’intérêts économiques et des freins des institutions officielles. Elles dépendent aussi fortement des règles sociales informelles qui régissent les comportements, définissent la hiérarchie sociale, créent et perpétuent des structures de pouvoir imbriquées les unes dans les autres et génèrent des obligations sociales réciproques, souvent façonnées et perpétuées par des influences historiques, culturelles et ethniques.

L’élaboration des politiques subit de toute évidence l’influence non négligeable de la configuration politique du pays, comme l’illustre le tableau 6.

12 Fouilleux et Balié, 2006. 13 C’est-à-dire Landell-Mills et al, 2007.

Page 28: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

24

Figure 8 : Les processus internationaux bombardent les processus - Exemple du secteur forestier

Source : Mayers et Bass, 1999

Obligations internationales Objectifs internationaux Conditions du marché

Principes

Normes de l’OMC / du GATT

Groupes d’acheteurs du WWF

Marchés de la compensation carbone

Convention sur la biodiversité

Convention sur le changement climatique

Convention sur la désertification

CITES

Convention sur le patrimoine mondial

Lois phytosanitaires

Droits de propriété intellectuelle

Conventions de l’OIT

Rapports à la CDB, la FAO, l’OIBT

Stratégie de développement durable d’ici l’an 2000 (CDB)

Mise en œuvre de PFN appliquant toutes les propositions d’action du GIF (GIF)

Critères et indicateurs de la GDF Helsinki, Montréal, etc.

Principes de l’ONU relatifs à la forêt

PAYS X

$ Programmes d’aide

$ Marchés du bois de coupe

$ Marchés du carbone

$ Nouveaux marchés

$ Investissements étrangers directs

$ Conditions de la coopération multinationale

Flux financiers

Politiques, règles et obligations internes trans-sectorielles et pour le secteur forestier

Institutions internes de certification de la gestion forestière, etc.

Relations internes avec les parties prenantes forestières

Objectif de foresterie durable pour l’an 2000 (OIBT)

Page 29: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

PProcerogramme de formation aux politiques de la FAO

ssus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

25

Tableau 6 : Liens entre systèmes politiques et types de politiques

Types de systèmes

politiques Caractéristiques Types de politiques en

place

États faillis (« collapsed states »)

Pas de gouvernement central efficace

Aucune politique

Pouvoir personnel Pouvoir exercé par des personnalités et des connexions personnelles. S’il existe des partis politiques, ils sont basés sur des personnalités

Les politiques sont instables. Le principal objectif est l’enrichissement des hommes au pouvoir. Les services publics de base sont quasiment inexistants

États faiblement institutionnalisés

Mélange instable de pouvoir personnel et impersonnel avec degrés variables de légitimité. Partis basés partiellement sur des personnalités

Des organisations dispensent des services publics et de bien-être de base, dont la couverture est morcelée et repose souvent sur le favoritisme

États institutionnalisés non concurrentiels

Pouvoir exercé par le biais d’organisations et de procédures stables et légitimes. Pas de lutte ouverte pour le pouvoir. Les partis politiques sont au service du régime en place ou entravés et contrôlés par lui

Il se peut que de nombreux services de base et de bien-être soient dispensés, mais les citoyens ont peu d’influence sur leur nature et la manière dont ils sont fournis

États institutionnalisés concurrentiels

Pouvoir exercé par le biais d’organisations stables et légitimes. Lutte ouverte pour le pouvoir par des partis dotés d'un programme

Nombreux services de base et de bien-être. Leur nature et la manière dont ils sont dispensés constituent des thèmes majeurs des politiques

Source : adapté de Moore et Putzel, 1999 Certains aspects liés aux contextes politiques et bureaucratiques, ainsi qu’aux « espaces d’action politique » sont traités plus en détail ci-dessous.

7.3.2. Configuration institutionnelle et conditions bureaucratiques

Les conditions bureaucratiques influent également sur les modes d'élaboration et de mise en œuvre des politiques. La variation des capacités des administrations selon les endroits a des implications sur leur aptitude à faciliter des processus de politiques inclusifs et à s’y montrer réceptives, ainsi qu’à établir des liens entre échelles micro et macro. L'analyse institutionnelle est également utile à la compréhension de la mise en œuvre des politiques parce que les institutions (c'est-à-dire les règles et les normes sociétales) et les organisations (État, secteur privé et société civile) constituent l'interface entre les déclarations des politiques et la population.

Page 30: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

26

La mise en œuvre de réformes nécessite souvent des changements organisationnels au sein des structures gouvernementales et non gouvernementales concernées. La question du changement organisationnel est abordée à la section 5 (deuxième partie).

7.3.3. Expression citoyenne, réceptivité et espaces d’action politique

On peut considérer les « espaces d’action politique » (« policy spaces ») comme des modes de conception des opportunités d’engagement. On distingue trois types d’espaces d’action politique régularisés ou transitoires (Gaventa, 2006) :

Espaces clos ou réservés : il s’agit en général d’espaces où les bureaucrates, les experts et les élus prennent des décisions avec une consultation ou une participation quasiment nulle d’autres parties prenantes.

Espaces invités : cette notion renvoie à de nombreuses institutions intermédiaires de

l’État (y compris dans le cadre d’initiatives soutenues par des donateurs), dont l’agenda est défini et la participation déterminée par le gouvernement ou des équipes de projets. Entrent dans ce cadre, par exemple, les analyses des besoins issues de groupes de la collectivité (espaces régularisés) ou participatives (événements uniques) et les conseils délibératifs au niveau local. Trois facteurs cruciaux déterminent la qualité de la participation et le poids politique de ces espaces invités : une représentation politique adéquate, des règles propices à la délibération et des mécanismes d’imputabilité pour les responsables de l’espace (gouvernement ou projet).

Espaces récupérés/créés : il s’agit de territoires relativement indépendants de l’État

où des personnes choisissent de se regrouper. Ils sont souvent récupérés sur les détenteurs du pouvoir ou contre leur volonté par des acteurs moins puissants ou bien créés par eux de manière autonome. On pourra citer comme exemples d’espaces populaires plusieurs types de groupes de la société civile, tels que mouvements ou événements de contestation ou d'opposition. Les espaces populaires sont souvent confrontés à des tensions entre leadership et participation et entre désir de diversité et nécessité de cohésion.

La frontière entre espaces invités et récupérés/créés est souvent floue. Ainsi, certains groupes de parties prenantes pourront faire partie « d’espaces récupérés/créés » tout en participant parfois aux discussions dans des « espaces invités ». Dans ce cas, la participation aux « espaces récupérés/créés » s’avère souvent utile pour prendre de l’assurance et acquérir la capacité de participer aux « espaces invités ». Les espaces d’action politique peuvent exister à différents niveaux :

au niveau local, par exemple au sein de programmes de décentralisation démocratique ;

au niveau national, par exemple lors de la formulation de DSRP et

au niveau international : pendant les discussions sur des politiques d’envergure mondiale (conventions, traités, etc.).

Le tableau 7 fournit des exemples d’espaces relatifs aux politiques de lutte contre la pauvreté au Nigeria.

Page 31: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

27

Tableau 7 : Espaces d’action politique relatifs à la lutte contre la pauvreté au Nigeria

Espaces officiels (clos) Espaces invités Espaces créés

Externes Politiques des donateurs Dialogue entre donateurs et société civile

Mouvements sociaux internationaux (pétrole, dette, etc.)

Nationaux Programme national de lutte contre la pauvreté

DSRP Syndicats, organisations nationales de défense des droits

État Par exemple, politique de lutte contre la pauvreté de l’État de Jigawa

Par exemple, Congrès du peuple de l’État de Jigawa

Émirats et structures pour la jeunesse

Communauté Conseils des gouvernements locaux

Structure parallèle, par exemple Émirats, sociétés pétrolières

Comités Zakkat, associations municipales Homa, mouvements de jeunesse

Les problèmes de pouvoir sont omniprésents dans le fonctionnement des espaces politiques, quelle qu’en soit la nature. Des intérêts puissants pourront ligoter délibérément ces espaces pour limiter l'influence des citoyens ou créer des « espaces invités » pour neutraliser l'énergie à l'engagement. Par conséquent, en dépit de la prolifération des espaces politiques, la participation risque de ne pas suffire à modifier le pouvoir et le statu quo parce qu’elle ne change pas les structures de pouvoir. Les questions de pouvoir sont abordées plus en détail dans la section de ce document consacrée aux acteurs. Les différents contextes politiques et bureaucratiques suggèrent que les espaces susceptibles de s’engager dans le processus d’élaboration des politiques ne sont pas toujours les mêmes. Il faudra trouver différents équilibres entre la création d’une expression citoyenne en bas de l’échelle et l’augmentation de la réceptivité en haut. Dans certains endroits, il pourra s’avérer important de rejoindre des programmes gouvernementaux, par exemple en participant à des programmes nationaux de lutte contre la pauvreté. Tout dépend de la capacité bureaucratique et de la volonté politique. Ce point est traité dans la partie consacrée à la participation à l’élaboration des politiques. L’encadré 4 illustre différentes manières de créer ou d’utiliser les espaces d’action politique en fonction des contextes politiques et de gouvernance en s’appuyant sur le cas des politiques de gestion des sols en Éthiopie, au Mali et au Zimbabwe.

Page 32: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

28

Encadré 4 : Différents espaces d’action politique dans les processus d’élaboration de politiques relatives à la gestion foncière en Éthiopie, au Mali et au Zimbabwe

Les études sur les politiques de gestion foncière en Éthiopie, au Mali et au Zimbabwe suggèrent que les contextes de gouvernance façonnent fortement les processus d’élaboration des politiques et que les stratégies visant à influer sur les politiques varient en fonction du contexte En Éthiopie, la politique de régionalisation détermine de manière fondamentale le contexte de la gouvernance. Les acteurs désireux d’influer sur les processus d’élaboration des politiques foncières ont suggéré de concentrer les efforts, non pas au niveau fédéral, mais au niveau régional. Cependant, se pose la question du choix des régions. En matière foncière, il existe très peu de marge de manœuvre dans le vaste État méridional des nations, nationalités et des peuples (Southern) pour contester les récits politiques dominants. Dans cette région, les ONG qui essaient de nouvelles approches ont du mal à faire bouger la bureaucratie. Au Tigré, dans le nord du pays, de nouvelles orientations politiques ont été avancées avec davantage d’assurance. Les chercheurs disent que le Tigré a donné le « feu vert » à l'introduction de nouvelles idées dans les débats sur les politiques relatives à des questions qui ont souvent déclenché le feu rouge ailleurs. Cette disparité régionale renvoie à des histoires bureaucratiques et politiques différentes. Des ères impériales et Derg le sud a hérité un manque de capacité et d’indépendance. À l’inverse, les origines du gouvernement actuel se trouvent au Tigré et de nombreux observateurs estiment que cela continue à lui conférer un statut spécial. Au Mali, la vie politique et économique est dominée par le coton, la principale culture d’exportation. Les processus d’élaboration des politiques au sein de la zone coton sont très différents de ceux des autres régions du pays. Les agriculteurs sont mieux organisés et les probabilités que le gouvernement se montre réceptif à leurs exigences sont plus fortes, compte tenu de l'importance stratégique de cette culture. En 2000, le syndicat des producteurs de coton a refusé de planter parce que le prix proposé par l'entreprise cotonnière, largement détenue par l’État, ne leur assurait pas un retour suffisant. Cette action locale a sérieusement secoué le gouvernement. Le syndicat a fini par trouver un compromis avec la société cotonnière sur une augmentation de prix marginale, mais la majorité des cultivateurs de la zone a maintenu son refus de planter. Les nouveaux espaces démocratiques apparus depuis la fin du pouvoir militaire ont constitué une condition préalable importante à cette action, laquelle, à son tour, a ouvert un espace pour pousser vers l’inclusion dans d’autres processus d’élaboration de politiques en rapport avec les moyens d’existence. La niche occupée par la zone coton a joué un rôle crucial. Au Zimbabwe, le style de bureaucratie exerce une influence fondamentale sur les processus d’élaboration des politiques. Même après l’indépendance, a perduré un style particulier de gestion technocratique des questions relatives aux moyens d’existence des populations rurales, hérité de la période coloniale. L’« amélioration » des agriculteurs a donné lieu à des approches et des programmes très techniques de vulgarisation concernant la gestion des terres et à une pléthore de réglementations sur la gestion des ressources naturelles. Ce style a été contesté ces dernières années, depuis l’affaiblissement de la capacité bureaucratique entraîné par des politiques d'ajustement structurel, la compression des effectifs et la crise économique. Les ONG qui se sont lancées dans la prestation de services ont trouvé de nouveaux espaces pour promouvoir des idées et des méthodes participatives. Celles-ci s’institutionnalisent progressivement : Agritex, l'organisme national de vulgarisation, a adopté des approches participatives et le département des Ressources naturelles applique désormais les règles d'usage des terres avec davantage de souplesse. L'approche très technocratique a également obscurci les questions plus élémentaires de l'accès aux ressources. La forte politisation récente de ces questions a continué à saper l'approche technocratique du développement foncier. Source : Keeley, 2001 L’encadré 5 présente une série de questions visant à évaluer les facteurs susceptibles de favoriser ou de freiner le changement au niveau national.

Page 33: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

29

Encadré 5 : Cadre d’une analyse élémentaire des moteurs de changement au niveau national

Facteurs fondateurs

Existe-t-il une communauté politique ?

Le gouvernement contrôle-t-il le territoire ?

Comment l’histoire de la naissance de l’État, la géopolitique et la position géostratégique intégrées aux structures sociales et économiques ont-elles façonné les caractéristiques de base du système politique ?

L’État dépend-il des contribuables ?

Facteurs institutionnels à moyen terme

Quel est le degré d’institutionnalisation de la bureaucratie, des mécanismes d’action politique, des partis politiques et des organisations de la société civile ?

À quelle point la constitution est-elle imbriquée ?

Quelles sont la base de la compétition politique et la composition de l’élite politique ?

Quelle est l’importance de l’origine ethnique ?

Comment l'exécutif politique, l'armée, le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire, les autres niveaux de l’État, le secteur privé et les organisations religieuses partagent-ils le pouvoir ?

Facteurs à court terme

Quelle est la capacité administrative et financière de l’État ?

Quels sont les mécanismes clés de l’imputabilité verticale et horizontale ?

Quelles sont les ressources politiques (y compris stade du cycle électoral) ?

Source : ODI, 2006 Les outils de cartographie des contextes politiques récemment élaborés dans l'esprit des programmes nationaux de lutte contre la pauvreté et les plus couramment utilisés sont présentés ci-après14 :

14 Nash et al, 2006.

Page 34: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

30

Outil Description

Civil Society Index (CIVICUS)

Outil d’analyse et de comparaison des sociétés civiles visant à les renforcer. Dimensions : structure de la société civile, impact, environnement et valeurs. http://www.civicus.org/new/intro_new.asp

Country Policy and Institutional Assessment (Banque mondiale)

Cadre d’évaluation de l’aptitude des pays à utiliser l’aide efficacement. Dimensions : institutions de gouvernance, politiques, gestion économique. http://www.odi.org.uk/RAPID/Tools/Toolkits/Mapping_Political_Context/Country_policy.html

Democracy and Governance Assessment (USAID)

Cadre d’évaluation de la démocratie et de la gouvernance afin de concevoir des approches efficaces de promotion de la démocratie et d’amélioration de la gouvernance. Dimensions : acteurs, intérêts, ressources, objectifs, règles, domaines institutionnels. http://www.odi.org.uk/RAPID/Tools/Toolkits/Mapping_Political_Context/Democracy.html

Drivers of Change (DFID)

Approche visant à comprendre les forces qui créent le changement et les « moteurs » politiques et institutionnels clés de la lutte contre la pauvreté. Dimensions : structure, agents, institutions. http://www.odi.org.uk/RAPID/Tools/Toolkits/Mapping_Political_Context/Drivers_of_change.html

Governance Matters (World Bank Institute)

Les questions de gouvernance (governance matters) et les diagnostics nationaux (country diagnostics) constituent les deux composantes de l’approche de la compréhension et de l’amélioration de la gouvernance élaborée par le World Bank Institute. La première consolide les données existantes pour évaluer la gouvernance. La seconde affine l’analyse au niveau d'un pays. Dimensions : expression citoyenne et imputabilité, stabilité politique et absence de violence, aptitude du gouvernement à mettre en œuvre de bonnes politiques, qualité de la réglementation, État de droit, maîtrise de la corruption http://www.odi.org.uk/RAPID/Tools/Toolkits/Mapping_Political_Context/Governance_matters.html

Questionnaire sur la gouvernance (GTZ)

Questionnaire permettant d’analyser les institutions, les acteurs et les relations, ainsi que de renseigner les stratégies de réforme. Dimensions : relations entre État et société, système politique, culture politique, politique et genre, cadre de politique économique et politique des marchés, intégration internationale. http://www.odi.org.uk/RAPID/Tools/Toolkits/Mapping_Political_Context/Governance_questionnaire.html

Analyse du pouvoir (Sida)

Approche de compréhension des contextes centrée sur la nature et la distribution du pouvoir. Dimensions : le pouvoir et sa distribution. http://www.odi.org.uk/RAPID/Tools/Toolkits/Mapping_Political_Context/Power_analysis.html

Analyse des parties prenantes

Diverses techniques de compréhension des modes de relation entre les parties prenantes et une question spécifique, une décision ou une action de politique. Dimensions : intérêts et ressources des parties prenantes http://www.odi.org.uk/RAPID/Tools/Toolkits/Mapping_Political_Context/Stakeholder_analysis.html

Évaluation de la gouvernance dans le monde

Approche de mesure de la gouvernance par recueil du point de vue d'experts sur six principes clés de la gouvernance. Dimensions : participation, décence, équité, imputabilité, transparence, efficacité. http://www.odi.org.uk/RAPID/Tools/Toolkits/Mapping_Political_Context/World_governance_assessement.html

Page 35: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

31

8. ACTEURS

8.1. Définition des acteurs et des réseaux

Quel que soit le contexte, des institutions et des groupes de parties prenantes influent sur les politiques. Il faut donc identifier ces acteurs et la structure de pouvoir apparente intervenant dans la prise de décision. Les questions de pouvoir, cruciales dans les processus d’élaboration des politiques, sont traitées dans la section relative à la participation à l’élaboration des politiques. Il est utile de déterminer qui pousse pour obtenir quoi et qui ne parvient pas à se faire entendre. Qui sont les « intégrateurs » et qui sont les « diviseurs » ? Il devient ensuite possible de démêler la pelote des influences qui s’exercent sur les acteurs des politiques. Ces influences sont les suivantes :15

Facteurs institutionnels/organisationnels :

mandats, règles, normes, fonctions, forces et faiblesses dynamique, interactions, culture institutionnelle

Facteurs de motivation individuels :

prédispositions idéologiques, poursuite d’objectifs politiques position et contrôle des ressources savoir-faire et expérience professionnels : respect de normes professionnelles, promotion

de sa propre carrière loyautés institutionnelles, renforcement de la position de ses propres organismes attributs et buts personnels, tels que recherche de rente

L’analyse des parties prenantes constitue un outil utile pour connaître les intéressés concernés, leurs intérêts, leurs valeurs et leurs perceptions. Elle doit aussi s’intéresser au pouvoir. Les questions de pouvoir cruciales dans les processus d’élaboration des politiques sont traitées plus loin dans ce document. Le tableau 8 fournit un exemple d’analyse des parties prenantes.

15 Mayers et Bass, 1999.

Page 36: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

32

Tableau 8 : Exemple de matrice d’analyse des parties prenantes - Élaborée par les responsables agricoles de districts de la province angolaise de Luguna (2004)

Groupes de parties

prenantes Nature de

l’intérêt dans la décision politique

Impact potentiel

sur la politique

Importance relative des

intérêts

Importan-ce du

groupe

Influence (pouvoir) du groupe

Parties prenantes principales

Ménages dirigés par des femmes

Amélioration de la sécurité alimentaire

Élevé Élevée Élevée Faible

Ménages dirigés par des hommes produisant des excédents

Amélioration du revenu

Moyen Moyenne Faible Élevée

Parties prenantes secondaires

Ministère de l’Agriculture

Augmentation de la production via les « agriculteurs progressistes »

Faible Élevée Moyenne Faible

Organisations de mise en œuvre collaborantes

Efficacité des programmes et du financement

Élevé Élevée Moyenne Moyenne

Source : Pasteur, 2001a Le comportement des parties prenantes évolue en fonction des ressources en jeu et en particulier de celles aptes à produire un revenu substantiel. La forte valeur marchande d’une ressource naturelle génère des opportunités commerciales. Mais le commerce des ressources exerce aussi une pression sur les biens communs en raison du mélange d’intérêts locaux et extérieurs qu’il entraîne et des relations de pouvoir en jeu. En particulier, le commerce des ressources naturelles signifie que :

la motivation à s’approprier la marchandise et à ne pas coopérer est élevée ;

l’application des règles sera probablement compliquée par les biens à forte valeur, surtout si les élites les convoitent. La pratique des pots-de-vin et de la coercition pour y échapper est plus probable quand les biens à forte valeur rapportent de l’argent ;

de nombreuses organisations risquent de manquer de la souplesse requise pour s’adapter aux changements rapides induits par le commerce. Il se peut qu’il n’existe, ni règles actuelles sur les produits commerciaux, ni règles anciennes dont tirer les enseignements ;

les ressources et le commerce de produits à forte valeur incitent des personnes extérieures et l’État à s’approprier les terres et à remettre en cause les droits juridiques ;

Page 37: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

33

la légitimité de l’usage de la ressource est contestée par les organisations régionales, nationales ou internationales, qui voient leur intérêt en jeu dans l’usage d’une ressource ou d’une marchandise.

Tous ces éléments rendent la participation concernant les ressources naturelles à forte valeur plus compliquée et souvent plus conflictuelle. Étant donné que des politiques et des secteurs différents envoient des signaux différents et exercent une attraction différente sur les divers groupes de parties prenantes, l’élaboration d’une carte des influences qui s’exercent sur les politiques s’avère souvent utile. Ce type de schéma aide également à déclencher la discussion au sein d’un groupe mixte. La figure 10 fournit un exemple de ce type de carte dans le cas de questions forestières.

Figure 10 : Carte des influences génériques s’exerçant sur une politique de la forêt

Politiques macro-éco- nomiques

Politiques relatives à l’usage des terres

Politique influant sur la demande de produits de la forêt

Politiques de conduite de la forêt

Source : adapté de Mayers, J. et S. Bass (1999)

CHANGE DES

DEVISES

CRÉDIT AGRICOLE

POLITIQUE D’INSTALLATION

TAXES À

L’EXPORT

SUBVEN- TIONS POUR CARBURANT

POLITIQUES DE

CONCESSION

ROYALTIES RÉGIME

DES ARBRES

HOMMES ET FORÊTS

EMPLOI

Il est également important d’évaluer les réseaux de parties prenantes parce que, en général, il exercent une influence significative sur le contenu des politiques et les schémas d’intérêts. La cartographie d’un réseau de parties prenantes peut s’avérer très éloquente à cet égard. Ainsi, la figure 11 fournit un exemple de carte de réseau concernant l’élaboration d’une politique relative à la fertilité des sols au Mali16 (voir également l’encadré 4). Les couleurs ou les types de trait indiquent des types de relations différents au sein du réseau. Il s’agit d’une représentation très schématique des réseaux exerçant une influence sur les politiques maliennes de fertilité du sol. Deux réseaux sont identifiables, dont le dominant est celui qui réunit le ministère du Développement rural, la Banque mondiale et le CMDT (la société 16 Keeley, 2001.

Page 38: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

34

paraétatique du coton). La relation entre le CMDT et le ministère du Développement rural, par exemple, est importante. Le second réseau, autour du ministère de l’Environnement, contient des relations fortes, mais les récits et les intérêts de ces acteurs occupent une moins bonne place dans le processus d’élaboration des politiques. Les relations entre le ministère de l’Environnement et les ONG internationales sont importantes, mais un peu moins entre le ministère et les ONG locales. Les relations entre le ministère du Développement rural, les ONG locales et le ministère de l’Environnement sont plus faibles. L’absence de flèche indique que les relations n’apparaissent pas clairement.

Figure 11 : Réseaux impliqués dans les politiques relatives à la fertilité des sols au Mali

Banque mondiale

Ministère de l’Environnement

ONGs locales

CMDT

ONGs internationales

Ministère du Développement

rural

Source : Keeley, 2001 Les questions suivantes peuvent s’avérer utiles pour analyser les réseaux influant sur les processus d’élaboration des politiques (Keeley, 2001) :

Qui se trouve à l’intérieur et à l’extérieur d’un réseau d’action politique ?

Existe-t-il d’autres réseaux à la marge ?

Serait-il judicieux de les regrouper ?

Où le réseau est-il faible, où est-il fort ?

Comment les personnes ou les institutions sont-elles enrôlées dans des réseaux ?

Le réseau est-il pénétrable ?

Comment les idées circulent-elles dans le réseau ?

Quelles sont ses convictions fondamentales ?

Page 39: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

35

En pratique, les politiques sont souvent menées par des « équipes de changement » relevant de l’exécutif, depuis leur définition jusqu'à leur adoption et leur mise en œuvre, en passant par l’agitation politique (Grindle, 2000). Le point fondamental est celui des relations qu’entretiennent ces « équipes de changement » avec les acteurs clés et leurs réseaux.

Enfin, deux groupes d’acteurs jouent un rôle particulièrement décisif dans la concrétisation des réformes des politiques, à savoir

les « communautés de pratique » : ces coalitions formalisées qui rassemblent divers acteurs (État, ONG, groupes de réflexion, médias) autour d’un point de vue commun peuvent exercer un impact substantiel ;

les « fonctionnaires de première ligne » (« street bureaucrats ») : il s’agit des personnes qui appliquent les politiques et dont dépend ce qui se passe vraiment dans la pratique. Comprendre leurs motivations et leurs contraintes constitue un aspect essentiel de la promotion du changement des politiques. L'importance de ces fonctionnaires est illustrée par le cas de l’ONG SPEECH en Inde, présenté dans l'encadré 6.

Encadré 6 : Importance des fonctionnaires de première ligne dans l’application des politiques : cas de SPEECH en Inde

Source : Court et Young, 2004

Il résulte de tout cela que, du point de vue local, la politique peut paraître opaque, non réceptive et arbitraire dans son exécution, soumise à la bonne volonté et à l’énergie des fonctionnaires à rapprocher les politiques définies au niveau de l’État des besoins locaux. Les relations entre fonctionnaires et communautés locales sont ainsi souvent marquées par des tensions et de la récrimination et le défi pour SPEECH et d’autres organisations similaires est de trouver comment travailler avec le système et de l’aider à s’ancrer dans les réalités locales sans s’assujettir à ses limites.

Le cas de l’ONG indienne SPEECH (Society for the People’s Education and Economic Change) montre que les principaux points de contact (des individus et des chercheurs) avec le système des politiques sont les fonctionnaires nationaux et des États responsables de la collecte des impôts et de la prestation de services, tels que l’éducation, la vulgarisation agricole et les travaux publics. Ce système fragmenté et complexe est responsable d’un nombre énorme de programmes, qui entrent parfois en contradiction entre eux ou avec les objectifs déclarés des politiques. De ce fait, la manière dont celles-ci sont mises en œuvre est aussi importante que la prise de décision et les déclarations d’intention explicites qui la motive. Le système bureaucratique chargé de livrer la politique aux citoyens souffre de motivations insulaires et d’une culture d’aversion au risque aptes à couper les fonctionnaires des préoccupations de ceux qu’ils sont supposés servir. Ceux qui s’efforcent de corriger les résultats pervers des politiques se heurtent à des difficultés considérables, parce que les canaux formels de l’administration d’État sont lents et tendent à décourager les intiatives.

8.2. Traiter les questions de pouvoir

À qui appartiennent les valeurs qui déterminent les choix de politiques ? Qui sont les personnes dont les intérêts délimitent l’éventail des choix possibles ? Quelles questions sont discutées et lesquelles ne le sont pas ? Quelles options ne sont jamais imaginées ? Qui définit l'agenda des politiques ? Qui obtient quoi, quand et comment ? Qui sait qui, pourquoi et comment ? Voilà autant de questions cruciales pour comprendre les processus

Page 40: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

36

d’élaboration des politiques, la raison de leur contenu et pourquoi elles sont appliquées ou non. L’encadré 7 fournit un exemple de pouvoir externe fort en Tanzanie et l’encadré 8 montre comment les jeux de pouvoir internes influent sur l'allocation des ressources dans le secteur du cacao au Ghana.

Encadré 7 : Définition de l’agenda en Tanzanie

Au cours des dix dernières années, l’emprise de la communauté internationale sur la destinée de la Tanzanie, par l’intermédiaire d’institutions financières et d’organismes de donateurs internationaux, constitue le changement peut-être le plus important de la carte du pouvoir dans ce pays. Non seulement, ces organisations fixent l’agenda sans rencontrer d’opposition, mais, directement ou indirectement, leur bras collectif va très loin dans la machinerie de mise en œuvre, en dépit de leur volonté affichée de demeurer en amont et de canaliser leurs fonds par le soutien du budget. Ironiquement, alors que les donateurs ont abandonné l’aide aux projets et aux programmes et parlent maintenant de l’appropriation du processus par ls Tanzaniens, leur rôle dans la définition de l’agenda a considérablement augmenté leur pouvoir. Le gouvernement tanzanien s’est peut-être approprié le processus du développement, mais les donateurs en déterminent l’orientation et en fixent les paramètres. Du point de vue du pouvoir, la Tanzanie est de plus en plus captive de son propre succès : plus ses résultats sont bons, plus elle reçoit d’argent de sources externes et plus elle dépend de l’aide, au moins de court à moyen terme.

Source : Hyden, 2006

Encadré 8 : Allocation des ressources dans le secteur du cacao au Ghana

De nouveaux groupements d’intérêt horizontaux sont apparus, plus fréquemment et plus puissamment au Ghana que dans la plupart des pays africains. Pourtant, presque invariablement, ils ont été cooptés ou sapés par les forces du favoritisme, ce qui les a empêchés de devenir de véritables acteurs du changement - par exemple, des organisations capables d’exiger de l’État de fournir des biens et des services pubics à l’ensemble des citoyens. Les groupes organisés constituent un composant important d’un système où l’État récompense la loyauté politique par des faveurs. Cette observation ne s’applique pas qu’aux organisations de cultivateurs de cacao et aux organisations professionnelles qui ont fleuri à la fin de la période coloniale. Selon les périodes, le même phénomène a touché les échelons inférieurs des administrations et des forces armées, des sections de la classe ouvrière urbaine et même des groupes de jeunes chômeurs. Mais aussi les intérêts commerciaux qui ont prospéré à différentes périodes, avec des conséquences cruciales pour les résultats économiques du Ghana.

Source : Hyden, 2006

Les questions évoquées ci-dessus révèlent bien l’importance du pouvoir, laquelle, à son tour, explique pourquoi l’analyse du pouvoir est devenue depuis quelque temps un complément courant des aspects macroéconomiques de l’élaboration des politiques. Pour Gaventa (2006), le pouvoir se manifeste sous trois forme :

Pouvoir visible : prise de décision observable Ce niveau comprend tous les aspects visibles et définissables du pouvoir politique : règles formelles, structures, autorités, institutions et procédures de prise de décision. Les stratégies qui le ciblent s’efforcent en général de changer le qui, le comment et le quoi de l’élaboration des politiques, afin de démocratiser et de responsabiliser le processus et de le mettre davantage au service des besoins et des droits des populations et de la survie de la planète.

Page 41: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

37

Pouvoir caché : définition de l’agenda politique Certaines personnes et institutions puissantes préservent leur influence en contrôlant les participants et l’ordre du jour de la prise de décision. Ces dynamiques fonctionnent à de multiples niveaux pour exclure et dévaloriser les préoccupations et la représentation de groupes moins puissants. Donner les moyens d’exister à des stratégies de promotion centrées sur le renforcement des organisations et des mouvements des pauvres peut créer le pouvoir collectif du plus grand nombre et un nouveau leadership aptes à influer sur la manière dont l’agenda politique est défini, ainsi qu’à augmenter la visibilité et la légitimité des questions qui les concernent, de leur expression et de leurs exigences.

Pouvoir invisible : façonnage du sens et de l’acceptable Probablement la plus insidieuse des trois, la dimension du pouvoir invisible façonne les limites psychologiques et idéologiques. Des problèmes et des questions importants sont tenus à l’écart, non seulement des lieux de prise de décision, mais aussi des esprits et de la conscience des acteurs impliqués, même directement concernés.

Parce qu’il influence la manière dont les individus pensent leur place dans le monde, ce niveau de pouvoir modèle les convictions des gens, la manière dont ils se perçoivent et l’acceptation du statu quo et même le sens de leur propre supériorité ou infériorité.

La combinaison, à différents niveaux, de ces formes de pouvoir aux différents types d’espaces d’action politique discutés à la section 6.3.(iii) conduit à l’image du cube du pouvoir de la figure 12. Cette représentation s’est avérée utile à différents groupes d’acteurs pour évaluer le pouvoir (ou l’absence de pouvoir) qu’ils exercent à divers niveaux et montre également les passages d’un espace ou d’un lieu à un autre.

Figure 12 : Le cube du pouvoir

LIEUX

POUVOIR

ESPACES

Invisible Masqué

Clos/ réservés

Local

National

International

Visible Récupérés / créés

Invités

Page 42: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

38

Source : Gaventa, 2006 La compréhension des rouages du pouvoir entre des acteurs externes tels que les donateurs, d’un côté, et les gouvernements nationaux et les citoyens de l’autre, pose un défi crucial, en particulier concernant le jeu des relations de pouvoir lorsque la faiblesse et le manque de fiabilité des mécanismes et des structures institutionnels empêchent de s’appuyer sur eux. À cet égard, il est intéressant de réfléchir à trois aspects importants de la rationalité qui contredisent le modèle néo-libéral généralement accepté17 :

Coût de transaction : il est beaucoup plus facile pour une personne pauvre de demander à un voisin, un parent ou un ami matériellement à son aise de l’aider à obtenir un bien ou un service que de s’associer à d’autres pauvres pour arriver au même résultat collectivement.

« Free-riding » : profiter d’un bien public sans en payer le coût ne constitue pas un véritable problème parce que les « mécènes » sont fiers de procurer un bien collectif ou public, même si les autres n’y contribuent pas. Cela leur confère le pouvoir qu’ils recherchent.

Danger moral : même si les risques tendent à augmenter en raison de la dislocation des vieilles barrières entre les communautés, il est moins risqué de rechercher des solutions auprès des autres de manière informelle que de compter sur des institutions formelles pour s’en charger.18

9. CONTENU

9.1. Type de contenu et analyse de la qualité du contenu

En général, le contenu constitue le point focal central du processus d’élaboration des politiques et souvent même l’objet des recherches. En principe, pourront intervenir des outils, des instruments et des mécanismes relevant plus ou moins des types suivants : réglementaires, économiques/marchands, informationnels, institutionnels, contrats/accords. Il convient de recourir à certains critères pour classer les différents instruments qui façonnent le contenu des politiques et de sélectionner les mieux à même d’atteindre leur objectif. Ces critères relèvent de deux grandes catégories : monétaires et d’efficacité, d’une part, et non monétaires et d’équité, d’autre part, par exemple19 :

Mérite : l’instrument de politique envisagé traite-t-il vraiment le problème ?

Coût : l’instrument de politique envisagé est-il réaliste compte tenu des ressources existantes ?

Équité : l’instrument de politique envisagé est-il « équitable », autrement dit est-il exagérément bénéfique/dangereux pour certains groupes ?

17 Hyden, 2006. 18 On trouvera quelques cadres simples et conviviaux de réflexion sur le pouvoir dans Vermeulen, S. 2005. http://www.policy-powertools.org/orderinfo.html. 19 Saint Germain, 2002.

Page 43: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

39

Fiabilité : l’instrument de politique envisagé a-t-il obtenu des résultats positifs dans d’autres régions/pays ?

Simplicité : l’instrument de politique envisagé est-il facile à mettre en œuvre ?

Cohérence : l’instrument de politique envisagé va-t-il dans le même sens que des politiques, des normes et des procédures existantes ?

Solidité : l’instrument de politique envisagé fonctionnera-t-il en cas de changement du contexte économique et institutionnel ?

Flexibilité : l’instrument de politique envisagé peut-il soutenir d’autres objectifs d’action politique ?

Facilité de communication : l’instrument de politique envisagé est-il facile à comprendre par les bénéficiaires et les personnes chargées de sa mise en œuvre ?

9.2. Référentiels d’action publique et récits

Les référentiels d’action publique et leur genèse jouent un rôle déterminant dans le contenu des politiques parce que, en tant que modes de réflexion et produits majeurs, ils sont influencés par les valeurs et les positions dominantes et marginalisent les autres façons de penser possibles. Les modes courants de cadrage des référentiels d’action publique incluent la 20« crise » (par exemple, crise de la déforestation), la « continuité politique » et la « percée » (par exemple, idées nouvelles sur la fiscalité ou les instruments du marché). Nous présentons ci-dessous quelques types d’agendas perçus par les acteurs des politiques agricoles et de développement rural ces dernières années. Ils sont rangés par ordre décroissant de fréquence d’émergence et vont de la perception de situations de crise jusqu’aux agendas nés de la percée de nouveaux acteurs des politiques ou de la perception que leurs innovations doivent entrer dans le domaine général en passant par ceux issus de la continuité politique :21

Nouveaux contrôles : changements majeurs apportés aux structures institutionnelles, aux lois et aux réglementations

Privatisation : dérégulation et réformes du marché

Décentralisation : transfert des responsabilités ou du pouvoir aux niveaux inférieurs

Coopération intersectorielle : harmonisation des politiques sectorielles

Initiative de la société civile : politique concoctée par des acteurs non gouvernementaux et du secteur privé

Innovation locale : entrée en force dans la politique de personnes précédemment marginalisées

Dans le cadre des référentiels d’action publique, les récits du développement 22 constituent un moyen très influent et souvent utilisé de peser sur le contenu des politiques. Un récit du

20 Mayers et Bass, 1999. 21 Mayers et Bass, 1999. 22 Même si les référentiels d’action publique et les récits impliquent la domination de certains intérêts, ils diffèrent légèrement. Les référentiels renvoient à des modes de pensée, des valeurs et une approche fondamentale des problèmes, alors que les récits du développement définissent un point de vue et une approche concernant un problème spécifique.

Page 44: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

40

développement est une « histoire », avec un début, un milieu et une fin, décrivant un enchaînement d’événements précis qui a obtenu le statut de sagesse conventionnelle ou de lieux communs dans le milieu du développement. Des exemples célèbres de récits du développement sont « la tragédie des biens communs » (« tragedy of the commons ») pour décrire l’enchaînement d’événements allant du surpâturage des terres collectives par les éleveurs nomades à une possible désertification, la « crise du bois de feu » en Afrique et le « scénario catastrophe ». En général, ces récits trouvent leur explication dans le contexte de gouvernance. Les récits sont doublement attractifs : ils simplifient le sujet habituellement complexe du développement et ils se prêtent à des programmes. Mais ils réduisent aussi « la marge de manœuvre » et l’espace d’action politique en empêchant d’autres explications et approches de traiter ces sujets. Il est donc important de reconnaître et d’analyser ce qu’ils cachent et de réfléchir à des manières de les recadrer ou de les contrer. C’est ce qu’illustre la figure 13.

Figure 13 : Questions clés à poser pour analyser les récits politiques

4. Un nouveau

contre-récit ?

Comment les recadrer ?

3.

Quels intérêts et quelles perceptions sont inclus

et exclus ?

2. 1. Quel est le

récit ?

Source : Keeley, 2001 Voici des questions et des astuces spécifiques pour répondre à ces questions :23 a) Identifier le récit (1. « Quel est le récit ? »)

La discussion avec différents acteurs du processus d’élaboration des politiques peut s’avérer utile pour étudier les hypothèses dont part le récit :

Quel problème de base s’efforcent-ils de traiter ? Les discussions autour de ce thème peuvent donner une bonne idée du cadrage du récit.

23 Keeley, 2001.

Page 45: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

41

Il peut ensuite être utile de découvrir les sources d’information ou l’expérience qui ont contribué à façonner ce point de vue. Cela peut souvent faire apparaître la nature des hypothèses de base.

Discuter de la manière dont une partie prenante pense que la politique fonctionne et dont elle gère ses rapports avec elle peut également apporter des éclaircissements complémentaires.

b) De qui les intérêts et les points de vue sont-ils inclus et exclus ?(2. « Quels intérêts et quelles perceptions sont inclus et exclus ? »)

Pensez à toutes les personnes incluses et exclues :

Qui est le héros du récit ?

À qui le récit confère-t-il le plus de pouvoir, le plus de ressources ?

Qui est laissé de côté ou perd du pouvoir et des ressources ?

De qui ignore-t-on les points de vue et les intérêts ? c) Comment peut-on recadrer cela ? (3. « Comment les recadrer ? »)

Tout recadrage évacue des questions et des problèmes :

Si nous posons le problème comme cela, où allons finir par concentrer nos énergies ?

Quels groupes ont besoin d’être repositionnés dans le récit ?

Peut-on voir le problème autrement ?

Certaines questions sont-elles absentes du paysage ?

Comment établir des liens cohérents entre ces questions, ces points de vue et ces groupes exclus ?

d) Élaboration d’un contre-récit (4. « Un nouveau contre-récit ? »)

Les récits ont besoin de simplicité, de clarté et de transparence :

L’histoire est-elle claire et simple ?

Suggère-t-elle des actions ?

Tient-elle compte de la complexité et de l’incertitude ?

9.3. Importance des politiques fondées sur des faits concrets

Les tâches ci-dessus montrent l’importance des faits concrets pour contrer les récits dominants et asseoir l'élaboration du contenu des politiques sur une base saine. Ce point, de même que le caractère généralement complexe et incertain des problèmes de développement, explique l’importance des faits concrets pour garantir une bonne définition des problèmes et donc des instruments de l’action publique. Les faits concrets peuvent provenir de travaux de recherche et/ou de projets. Nous abordons ces deux points successivement.

Page 46: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

42

9.3.1. Liens entre recherche et politiques

Des travaux récents consacrés aux liens entre recherche et politiques et basés sur 50 études de cas montrent que :24

les travaux de recherche peuvent effectivement exercer une influence indirecte puissante grâce à de nouveaux termes et au façonnage des référentiels d’action publique ;

le degré d’influence de la recherche sur les politiques dépend très fortement du contexte. Ce dernier comprend, en particulier, les récits du développement et les référentiels dominants, ainsi que le degré d’attente de nouvelles idées, lui-même stimulé par des pressions externes favorables au changement et la mesure dans laquelle les politiques « de continuité » sont contestées ;

des récits d’action publique - politiques de développement fondés sur des arguments et des récits inadéquats peuvent perdurer parce qu’il est plus facile de les reproduire que de prendre des décisions difficiles ;

la recherche ne constitue que l’un des multiples éléments qui composent les systèmes complexes d’innovation et qu’il n’est pas possible de mesurer son impact sur les politiques sans tenir compte des autres ;

la communication interactive et continue et la re-communication fondée sur le feed-back augmentent les chances de faire passer convenablement le message ;

la proposition d’une solution à un problème constitue un facteur clé pour « vendre » la recherche aux responsables de l’élaboration des politiques parce que, comme la plupart d’entre nous, ils achètent les produits qu’ils considèrent comme la solution à un problème. Ils n’achèteront les résultats de la recherche que si ils résolvent les problèmes auxquels se heurte l’action publique.

Le tableau 9 fournit quelques questions et conseils sur la manière de promouvoir les politiques fondées sur des faits concrets.

Tableau 9 : Conseils sur la manière dont les chercheurs peuvent influer sur les processus d’élaboration des politiques

Ce que les chercheurs doivent savoir

Ce que les chercheurs doivent faire

Comment le faire

Contexte politique : - Qui sont les responsables

de l’élaboration des politiques ?

- Ces responsables sont-ils demandeurs d’idées neuves ?

- Quelles sont les sources/forces de résistance ?

- En quoi consiste le processus d’élaboration des politiques ?

- Quels sont les opportunités et le meilleur

- Apprendre à connaître les

responsables des politiques, leurs agendas et leurs contraintes

- Identifier les supporters et les opposants potentiels

- Être vigilant et se préparer aux opportunités à saisir dans les processus d’élaboration des politiques normaux

- Rechercher des ouvertures inattendues dans les politiques et y réagir

- Travailler avec les

responsables des politiques

- Chercher à se faire missionner

- Aligner les programmes de recherche sur les événements politiques à profil haut

- Réserver des ressources pour pouvoir réagir rapidement aux ouvertures

- Allouer suffisamment de temps et de ressources

24 Court et Young, 2003 ; ODI, 2005.

Page 47: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

43

moment pour intervenir dans les processus formels ?

Fait concrets : - Quelle est la théorie à la

mode ? - Quels sont les récits

dominants ? - Dans quelle mesure les

nouveaux faits concrets en divergent-ils ?

- Quel type de faits convaincront les responsables de l’élaboration des politiques ?

- Établir leur crédibilité sur

le long terme - Fournir des solutions

pratiques aux problèmes - Établir leur légitimité - Aligner des arguments

convaincant et présenter des options de politiques claires

- Emballer de nouvelles idées dans des théories ou des récits familiers

- Savoir communiquer

- Monter des programmes

de travail de grande qualité

- Pratiquer la recherche-action et mener des projets pilotes pour démontrer les avantages des nouvelles approches

- Utiliser les approches participatives pour établir la légitimité et faciliter la mise en œuvre

- Élaborer une stratégie claire de communication dès le début

- Communiquer directement

Page 48: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

44

Liens : - Qui sont les parties

prenantes incontournables ?

- Quels liens et réseaux existent entre elles ?

- Qui sont les intermédiaires et sont-ils influents ?

- De quel côté sont-ils ?

- Apprendre à connaître les

autres parties prenantes - Participer aux réseaux

existants - Bâtir des coalitions avec

des parties prenantes partageant le même point de vue

- Créer de nouveaux réseaux

- Nouer des partenariats

entre chercheurs, responsables de l’élaboration des politiques et utilisateurs finaux des politiques

- Identifier les participants clés aux réseaux et les vendeurs incontournables

- Recourir aux contacts informels

Influences externes : - Qui sont les principaux

acteurs internationaux intervenant dans le processus d’élaboration des politiques ?

- Quelle est leur influence ? - Quelles sont leurs priorités

en matière d’aide ? - Quels sont les priorités et

les mécanismes de leur recherche ?

- Quelles politiques des donateurs financent la recherche ?

- Apprendre à connaître les

donateurs, leurs priorités et leurs contraintes

- Identifier les supporters potentiels, les individus et les réseaux incontournables

- Apporter la preuve de leur crédibilité

- Surveiller la politique des donateurs et rechercher des ouvertures dans les politiques

- Réunir une documentation

exhaustive sur les politiques des donateurs

- Adapter la communication aux priorités et au langage des donateurs

- Coopérer avec les donateurs et chercher à se faire missionner

- Contacter (régulièrement) les individus clés

Source : Young et Court, 2004 Pour illustrer quelques uns des conseils proposés ci-dessus, l’encadré 9 présente l’exemple de la gestion conjointe de la forêt (Joint Forestry Management, JFM) en Inde, qui montre l’importance des réseaux pour que la recherche influe sur les politiques, tandis que l’encadré 10 présente l’expérience de la participation des responsables de l’élaboration des politiques à des exercices d’évaluation rurale rapide en rapport avec les politiques foncières à Madagascar et en Guinée.

Page 49: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

45

Encadré 9 : Les réseaux peuvent influer sur les politiques et faire entendre aux décideurs la voix des groupes marginalisés - Cas du Joint Forestry Management (JFM) (gestion conjointe de la forêt) en Inde

Source : Court et Young, 2003

Les réseaux ont joué un rôle important pour renforcer la JFM dans le pays en faisant entendre la voix des marginalisés aux instances de décisions et d’élaboration des politiques. Au stade initial de la JFM, des réseaux nationaux tels que la Society for Promotion of Wasteland Development, le National JFM Network et le WWF-India Foresters JFM Network fournissaient des orientations issues de débat nationaux sur la gestion conjointe de la forêt. Ces forums permettaient de discuter des qestions locales afin de renforcer les politiques nationales de JFM. Cependant, comme elles n’étaient pas la propriété institutionnelle du ministère de l'Environnement et de la forêt (MEF), ces institutions ont fini par s'éteindre. Dans l'intervalle, des parties prenantes marginalisées très diverses ont exprimé le besoin de l’existence d’un forum neutre pour influer sur les responsables de l’élaboration des politiques afin que l’action publique devienne plus favorable aux gens. Le MEF recherchait aussi un mécanisme institutionnel pour suivre l’avancement de la JFM. En réponse à ces besoins, un forum neutre de parties prenantes, le Resource Unit for Participatory Forestry (RUPFOR), hébergé aujourd’hui chez Winrock International India, a été lancé avec le soutien de la Ford Foundation. Depuis sa création en 2001, le RUPFOR a réussi à rendre le processus d’élaboration des politiques plus participatif et inclusif. Cependant, on ne peut pas ignorer que cette expérience relativement récente se cherche encore.

Page 50: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

46

Encadré 10 : Participation des responsables de l’élaboration des politiques à des exercices d’évaluation rurale rapide en rapport avec les politiques de gestion des terres et des ressources à Madagascar et en Guinée

Au milieu des années 1990, Madagascar et la Guinée ont envisagé de modifier les lois relatives à la gestion des terres et des ressources naturelles. Avec le soutien de USAID, le Land Tenure Center (LTC) les a aidés à analyser leurs politiques foncières et a proposé de lancer un processus de réflexion et d’analyse afin d’aider les fonctionnaires à mieux appréhender les réalités locales et à trouver leurs propres solutions. Des exercices d’évaluation rurale rapide ont été choisis comme outils du fait de leur aptitude à inclure le point de vue des villages dans le débat, à responsabiliser les communautés locales et à remettre en cause les notions préconçues. En Guinée comme à Madagascar, une série d’études de cas faisant appel à une évaluation rurale rapide, chacune d’une durée de 7 à 10 jours en général, ont été menées en divers endroits du pays sur environ un an. En dépit d’approches similaires, les deux projets présentaient une différence notable : la composition de l’équipe de recherche. Dans les deux cas, elle était composée en majorité de chercheurs nationaux, ainsi que d’ONG, mais à Madagascar ses membres étaient de jeunes professionnels d’horizons différents (universités et développement). En revanche, en Guinée, la plupart des membres de l’équipe étaient des fonctionnaires d’échelon moyen à supérieur appartenant aux différents ministères chargés de la formulation et de l’application du code foncier. La participation de responsables de l’élaboration des politiques à l'équipe de rercherche présente plusieurs avantages : on ne leur apporte pas les résultats de la recherche, ils les trouvent eux-mêmes, ce qui en facilite l’acceptation et augmente les chances qu’ils influent sur l’action publique; la recherche y gagne en crédibilité puisqu'il est peu probable que les personnes qui ont trouvé les résultats négligent de les prendre en compte ; le processus d’apprentissage est plus efficace, mais à condition qu’il dure assez longtemps pour permettre l’acquisition d’une masse critique de connaissances, comme l’illustre le diagramme ci-dessous:

Nouvelles connaissances acquises

4ème ERR 3ème ERR

2ème ERR

Retour en poste

Retour en poste

1ère ERR (Evaluation Rural Rapide)

Retour en poste

Anciens présupposés

Les perceptions des responsables des politiques et des villageois changent du tout au tout parce que les deux camps apprennent à se connaître, ce qui, à terme, ne peut que favoriser la réceptivité aux choix poiltiques. Le processus a été confronté aux principales contraintes suivantes : Nombre limités de zones objets des ERR. Cela ne constitue pas nécessairement un problème si les ERR sont considérées davantage comme un moyen d’aborder les vrais problèmes dans les débats sur les politiques que de se faire une image compète des réalités locales. Coûts : la conduite d’ERR approfondies dans des régions différentes coûte cher (en général, 7 à 10 000 USD). Cela signifie habituellement qu’elle nécessite le soutien des donateurs et donc que ces derniers risquent de peser de manière excessive sur le processus de prise de décision. Ce que les participants aux ERR apprennent continue en général à impacter leur travail quotidien, même après l'arrêt des ERR par manque de fonds. Difficultés liées aux attitudes et aux présupposés, y compris comportement défensif ou dominateur pendant les réunions. Mais cela s’est considérablement amélioré à mesure que le processus avançait. De toute évidence, l’exposition des responsables de l’élaboration des politiques aux réalités locales a compliqué plutôt que facilité le processus de prise de décision, car elle leur a montré la complexité des situations et a remis en question l’orthodoxie. D'un autre côté, elle devrait améliorer la mise en œuvre des politiques et inciter à recourir à des processus plus inclusifs pour y parvenir. Source : Schoonmaker-Freundenberger, 1998

Page 51: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

47

9.3.2. Les projets, source de faits concrets permettant de donner forme au contenu des politiques

Les projets qui ont obtenu des résultats cohérents et substantiels au fil du temps peuvent apporter leur contribution à la mise en forme du contenu des politiques s’ils possèdent un objectif politique spécifique et même s’ils ont été conçus pour fonctionner au niveau local. Dans ce cas, leur influence sur le contenu des politiques provient des faits que leurs résultats et leurs conséquences ont accumulé au fil du temps. Les encadrés 11 et 12 présentent deux exemples de projets ayant influé sur des politiques.

Encadré 11 : Impact du programme Sustainable Fisheries Livelihood sur les politiques des pêches en Afrique de l’Ouest

Créé en 1999 sous la forme d’un partenariat entre le DFID et la FAO, le programme SFLP (Sustainable Fisheries Livelihoods Programme) arrivera à son terme fin juin 2007. Partant des acquis de son prédécesseur, le programme IDAF (Integrated Development for Artisanal Fisheries), il s’attaque à la pauvreté dans ses 25 pays partenaires en ciblant spécifiquement les utilisateurs des ressources dans les communautés pratiquant la pêche artisanale, les petits commerçants, les transformateurs (principalement des femmes) et les consommateurs. Puisant dans le Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO et l’approche relative aux moyens d’existence durables, le SFLP compte sur le renforcement des capacités pour améliorer la gestion et l’organisation sociale des communautés de pêcheurs et l’aptitude des gouvernements à formuler, planifier et gérer les politiques. Le SFLP exerce un impact beaucoup plus important au niveau national qu’au niveau régional ou international. Dans de nombreux pays participants, il a eu les conséquences suivantes : globalement, le secteur des pêches a été intégré à des programmes de développement nationaux. Les études et les briefings du SFLP ont fait prendre conscience de la véritable contribution du secteur des pêches à l’économie nationale. Il a exercé une influence positive sur l'intégration du secteur des pêches aux Documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP). Son travail en matière de co-gestion, de surveillance des pêches et de reconnaissance légale des organisations professionnelles a soutenu les changements politiques et institutionnels nécessaires à la gestion durable des pêcheries. Il semble qu’il ait apporté son soutien à de nombreuses institutions aux niveaux meso et micro, alors que les politiques étaient élaborées aux niveaux national ou meso. Pour une grande part, des progrès ont eu lieu, mais la mise en œuvre n’est pas toujours au rendez-vous. Il est important de noter que son impact n’a pas été uniforme dans les pays participants. L’expérience du SFLP montre clairement qu’il faut beaucoup de temps pour parvenir à un changement politique, institutionnel et comportemental durable.

Source : FAO/DFID, 2007

Page 52: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

48

Encadré 12 : Du pilote à la politique en Indonésie

Les organisations du gouvernement indonésien chargées de l’élevage évoluent vers une approche davantage orientée clients de leur fourniture de services aux petits exploitants. Des études pilotes ont montré le potentiel de cette évolution, mais le but ultime, à savoir obtenir l’engagement du département des services d’élevage aux nouvelles politiques et à leur mise en œuvre au niveau national, demeure hors de portée. Pour l’atteindre, la stratégie consiste à : • mener des études générales, au niveau organisationnel et politique, sur l’amélioration de l’organisation et de la gestion des services d’élevage ; • utiliser des études de structure, de conduite et de performances des organisations participant aux projets pilotes au niveau du terrain et des politiques ; • faire pression sur les décideurs et leur fournir des informations « sur mesure » basées sur des faits convaincants ; • organiser des ateliers animés par des professionnels pour le personnel du gouvernement indonésien ; • émettre des recommandations au gouvernement indonésien sur les changements requis pour soutenir et opérationnaliser les objectifs des politiques ; • apporter une assistance à la mise en œuvre des recommandations.

Source : Pasteur, 2001c

10. SUIVI ET EVALUATION DES IMPACTS ET DES PROCESSUS D’ELABORATION

DES POLITIQUES

Les responsables de l’élaboration des politiques souhaiteront comprendre les impacts de leurs choix politiques (leur « quoi »). Cependant, le temps, souvent long, qui s’écoule avant que les impacts d’une politique apparaissent et la forte variabilité de ces impacts, nécessitent également d’évaluer les conséquences des politiques sur le changement institutionnel et sur l’évolution des processus d’élaboration des politiques eux-mêmes, c’est-à-dire des méthodes et des moyens par lesquels s’exercent (ou non) les impacts des politiques (leur « comment »). En termes très larges et sur la base des piliers du développement durable, il faut garder à l’esprit trois types d’impacts des processus et des contenus des politiques : environnemental, social et économique. Les impacts des réformes réussies se manifestent sous différentes formes, par exemple transformation des comportements, amélioration du bien-être, hausse des revenus, augmentation de la production. En général, ces changements incluent des résultats à court terme et des conséquences à long terme, qu’il convient d’évaluer (i) pour en intégrer les leçons dans le processus de prise de décision futur et (ii) parce que certaines politiques risquent de produire des résultats et des impacts non intentionnels et négatifs (DAC, absence de date). Il existe différentes méthodes d’évaluation des politiques, dont diverses analyses a priori et a posteriori d’interventions spécifiques, l’analyse coûts-bénéfices, l’évaluation économique et le benchmarking international. La forme la plus simple d’évaluation des impacts est du type « fondée sur des buts » : elle informe les responsables de l’élaboration des politiques si un objectif désiré a été atteint, à court et long terme. L’une de ses limites est que les conséquences inattendues, même négatives, d’une initiative politique ne sont pas considérées comme des résultats de la politique. Cependant, compte tenu de la multiplicité des variables endogènes et exogènes qui jouent sur les résultats des politiques, il est

Page 53: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

49

totalement impossible de quantifier avec certitude les impacts nets des politiques et l’évaluation fondée sur les buts est donc largement utilisée. Pourtant, ces dernières années, le recours à des projets pilotes pour expérimenter les politiques avant de les appliquer à l’échelle du pays est de plus en plus fréquent. L’objectif est d’évaluer l’impact net d’une politique en y exposant un groupe de personnes, mais pas un autre, qui sert de contrôle. Bien qu’attrayantes sur le papier, ces méthodologies se heurtent à des difficultés, telles que :

leur mise en œuvre et leur exécution peuvent s’avérer complexes et nécessitent un savoir-faire opérationnel et analytique significatif ;25

les résultats et les impacts évalués des politiques dépendent à la fois des outils analytiques utilisés (par exemple, modèles économiques d’équilibre partiel ou général) et de critères de jugement de valeur ;26

ce qui fonctionne au niveau pilote (niveau micro et communauté) ne fonctionne pas nécessairement au niveau national, car les variables exogènes du pilote deviennent souvent endogènes au niveau consolidé.27 Ainsi, le prix du marché du riz est exogène pour un agriculteur, mais dépend de la production totale de riz par tous les cultivateurs. Par conséquent, les politiques pilotes aptes à augmenter la production de riz et le revenu des agriculteurs dans un village pourront s’avérer inefficaces au niveau du pays.

Il est important de comprendre que le suivi et l’évaluation (S&E) se mènent à plusieurs niveaux et fournissent les informations et le feed-back requis pour prendre des décisions éclairées sur les politiques à envisager à l’orée d’un nouveau cycle de planification. La figure 14 illustre les différents niveaux de S&E dans le cas du secteur de la forêt.

25 Davies, 2004. 26 Bullock et Salhofer, 2003. 27 Pyatt, 2002.

Page 54: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

50

Figure 14 : Différent niveaux de S&E : exemple pour le secteur de la forêt

Source : FAO/FONP, 2006 Concernant le suivi de l’impact des politiques, Metz (2005) suggère les huit étapes présentées à la figure 15.

Revue juridique des politiques Revue des DSRP Évaluation

Impact national

But de dévelopement

national

Revue juridique des politiques Évaluations

États financiers

Réunion du personnel

Rapports mensuels/ trimestriels

Audits financiers Rapports annuels

Évaluation et planification annuelles

Revues sectorielles conjointes

Revues de milieu de période

Études d’efficacité

Impact sectoriel

Résultats sectoriels

Effets sectoriels

Performan-ces des produits

Performances des intrants

But sectoriel But des

politiques Secteur de la

forêt

Secteur de la forêt

Domaine de résutats 1

Résultat 1.1

Résultat 1.2

Résultat 1.x

Activité 1.1.1

Activité 1.1.x

Intrants

But sectoriel But des politiques

Secteur de la santé

But sectoriel But des politiques Secteur XX

Secteur de la forêt

Domaine de résutats 2

Secteur de la forêt

Domaine de résutats

Rapports

Type d’indicateur

Niveaux des objectifs

xx

Page 55: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

51

Figure 15 : Huit étapes et principales activités de suivi des impacts des politiques (SIP)

Lancement et préparation du SIP Définition des objectifs du SIP Affectation des responsabilités du SIP Définition des tâches du SIP

Examen et analyse de la politique Cadre de la politique : objectifs et mesures Parties prenantes et rôle des institutions

impliquées Performances et stade de mise en œuvre

Élaboration d’un modèle d’impact Identification des domaines impactés Identification de la ou des voies d’impact Formulation d’hypothèses d’impact

Conception de la recherche Choix des approches et des méthodes de recherche Choix des données/informations requises Planification d’enquêtes quantitatives/qualitatives

spécifiques

Collecte des données/conduite d’enquêtes Utilisation d’informations et de sources de données

existantes Actualisation du système de collecte de données existant Conduite d’enquêtes quantitatives/qualitatives spécifiques

Compilation, traitement et analyse des données Compilation des données primaires/secondaires Traitement et analyse des données Évaluation et conclusions

Étape 1

Étape 2

Étape 3

Sélection des indicateurs d’impact Étape 4 Indicateurs intermédiaires/de substitution/finaux

Indicateurs quantitatifs/qualitatifs Application de critères de « bons » indicateurs

Étape 5

Étape 6

Étape 7

Communication et présentation des résultats du SIP aux responsables de l’élaboration des politiques, aux

clients, à l’opinion publique Étape 8

Source : Metz 2005 ,

Page 56: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

52

Plus récemment, Bebbington et McCourt (2006) ont proposé les caractéristiques suivantes, qui couvrent à la fois les impacts et les processus, comme preuves du succès des politiques de développement :

Elles ciblent le renforcement des capacités humaines, en particulier celui des personnes qui présentent les déficits de capacités les plus importants. Cette caractéristique peut se décomposer en impact sur les revenus ou d’autres indicateurs de développement humain et impacts sociaux et politiques.

Elles doivent le faire à grande échelle : cela pourra signifier la généralisation d'une expérience de politique initiale.

Il faut que les politiques soient appliquées depuis au moins dix ans et de préférence sur au moins un changement de gouvernement : la durée des politiques est importante.

Elles auront réussi de préférence contre toute attente, c’est-à-dire qu’au moment de leur lancement, un observateur raisonnable aurait douté de leur succès.

Le S&E des impacts et des processus et les enseignements que l’on peut en tirer ne servent à rien si il n’est pas possible d'en tenir compte dans des actions de politiques ultérieures. Cependant, très souvent, le lien entre évaluation d’une politique et action politique est ténu, pour ne pas dire totalement absent, en partie parce que, du fait de sa nature fondamentalement politique, la transformation des enseignements des politiques en action publique ne s’effectue pas automatiquement. Par conséquent, la qualité de l’évaluation des politiques ne constitue pas toujours une motivation suffisante à l’utiliser dans l’action politique. Selon Gordillo et Andersson (2004), la probabilité d’utilisation de cette évaluation dépend étroitement de l’existence de motivations institutionnelles suffisantes, qui peuvent prendre la forme des mécanismes suivants :

responsabilité descendante (c’est-à-dire envers les citoyens), qui permet aux citoyens de demander des comptes aux politiciens. Ce point paraît particulièrement important concernant la concentration du pouvoir au sein de l'élite politique ;

apprentissage organisationnel : la meilleure méthode d’apprentissage semble être la participation au processus d’évaluation.

Ces facteurs suggèrent que la participation au S&E constitue une bonne manière d'assurer l’usage à bon escient des résultats de l'évaluation des politiques. En raison de leur simplicité qui permet de les utiliser avec des participants très divers, la FAO/FONP (2006) suggère d’utiliser les techniques suivantes :

Évaluations informelles. Les évaluations informelles sont des outils simples qui ne fournissent pas d’informations systématiques, mais donnent quelques indications sur le succès des activités.

Recueil et analyse de données quantitatives. Nécessitent la mise en place de procédures et de mesures standard

Enquêtes auprès des participants et de l’opinion publique

Page 57: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

53

Revues et audits. Cet outil peut s’avérer particulièrement important pour les activités à forte pertinence, nécessitant beaucoup de ressources, expérimentales ou complexes.

L’encadré 13 présente un exemple d’évaluation participative concernant des changements organisationnels globaux au sein du département de l’élevage en Indonésie.

Encadré 13 : Évaluation participative des changements organisationnels au sein du département de l’élevage en Indonésie

Source : Pasteur, 2001c

Le changement institutionnel global au département de l’élevage indonésien a été mesuré par une enquête initiale et des études de suivi vers la fin du cycle du projet. Les études de suivi se sont appuyées sur des questionnaires formalisés remis au personnel, des réunions de groupe avec animateur et des enquêtes de satisfaction auprès des clients. Les enquêtes ont pris la forme d’entretiens individuels et de réunions de groupe avec des agriculteurs. Elles ont mesuré l’importance des services dispensés et les performances de leurs prestataires.

On suggère également de recourir à des techniques moins formelles. Dans la pratique du S&E participatif, des approches moins « extractives » ont été mises en avant : les informations ne sont pas extraites du processus, mais générées par les participants, qui se les approprient. Cette approche est jugée meilleure, car elle se centre sur la génération d’informations aux fins de prise de décision et d’action immédiates, par les groupes qui agiront. Des approches moins formelles peuvent donc s’avérer adaptées. L’une d’entre elles est l’approche du changement le plus significatif ou approche « évolutive » du suivi et de l’évaluation. Sa principale dynamique consiste à incorporer la collecte et l’interprétation participative systématique des « histoires » (voir l’encadré 14). Encadré 14 : Approche du changement le plus significatif - Raconter des histoires

Source : FAO/FONP, 2006

Les histoires sont largement utilisées dans les enquêtes coopératives et l’analyse des discours, la recherche féministe et les études culturelles. La littérature consacrée à l’apprentissage organisationnel apprécie et étudie les histoires, qu’elle considère comme son vecteur de sens favori. Cependant, l’évaluation du Programme national des forêts (PNF) ne semble quasiment pas avoir fait un usage systématique et formel des histoires. Néanmoins, l’évaluation d’un programme afin de prendre une décision à son égard passe souvent par la collecte et l’interprétation des histoires de ses parties prenantes. Ces « histoires » émergent durant les entretiens (souvent enchâssées dans les retranscriptions) et dans des documents écrits tels que des journaux intimes ou des réponses ouvertes à des questions. Mais paradoxalement, il y a pénurie de littérature faisant une référence explicite à l’usage des histoires dans l’évaluation des programmes. Certains praticiens avancent que, si la collecte d’histoires est couplée à un processus d’interprétation systématique et collective (avec documentation des interprétations), raconter des histoires peut servir à l’évaluation participative. Les interprétations racontent elles-mêmes une autre histoire et le processus d’interprétation collective peut avoir plusieurs résultats bénéfiques pour l'utilisation de l'évaluation. Une étape supplémentaire de partage et d’interprétation collectifs des histoires relatives à l’impact des programmes ajoute une nouvelle dimension à leur usage dans l'évaluation des programmes.

Le suivi de la mise en œuvre et l’évaluation des politiques sont tous deux essentiels pour améliorer les politiques existantes et futures, mais si la mise en œuvre est déficiente,

Page 58: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

54

l’évaluation de la politique perd tout son sens. Malheureusement, le suivi et l’évaluation ne semblent pas faire partie de la culture des gouvernements, autant dans les pays industrialisés qu’en développement. Cela s’explique en partie par le fait que la valeur et les bénéfices du suivi et de l’évaluation des politiques sont difficiles à quantifier, que les résultats et les impacts se manifestent souvent à long terme et que la survie des politiciens dans leur fonction dépend souvent davantage de bénéfices à court terme pour certaines parties prenantes que d’une évaluation exhaustive des actions publiques existantes.

11. L’ANALYSE DES POLITIQUES, UN OUTIL VISANT A AIDER LES

RESPONSABLES DE L’ELABORATION DES POLITIQUES A PASSER PAR LES

DIFFERENTES ETAPES DU PROCESSUS D’ELABORATION DES POLITIQUES

11.1. Définition de l’analyse des politiques

Au cours des vingt dernières années, les gouvernements de nombreux pays en développement ont entrepris diverses réformes de leurs politiques agricoles afin d’accélérer la croissance de ce secteur, de lutter contre la pauvreté et d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement. Le rythme et la complexité de ces réformes, incluant à la fois des politiques agricoles macroéconomiques et sous-sectorielles et des changements institutionnels, ont montré la capacité souvent limitée des gouvernements, des organisations internationales et des donateurs, d’abord à générer, analyser et évaluer différentes options de politique agricole, puis à concevoir et à appliquer la politique la plus efficace et la plus désirable. Bien que divers facteurs connus et inconnus influent sur l’élaboration des politiques, on convient que plus les aspects techniques et socioéconomiques d’un problème sont analysés et démêlés, plus il est probable que les solutions envisagées seront judicieuses et appliquées avec succès. Diverses disciplines, telles que la science du management, les sciences politiques, la statistique, l’économie et la sociologie, ont suggéré des méthodes pour concevoir et mettre en œuvre efficacement de bonnes politiques. Mais les analyses de la recherche menée par les sciences sociales traditionnelles sont souvent d’un coût prohibitif et très longues à réaliser du fait de la rareté des informations et du coût de leur collecte, sans compter les incertitudes « techniques » propres à plusieurs domaines. Par ailleurs, les responsables de l’élaboration des politiques fonctionnent en général dans des contraintes budgétaires et disposent de peu de temps pour prendre les décisions de politique agricole. Au Royaume-Uni, par exemple, la plupart des politiques est élaborée en 6 à 9 mois.28 Ces trente dernières années, l’analyse des politiques est devenue la science de la collecte et de la synthèse des informations dans le but de fournir un format aux décisions politiques et de contribuer à la cohérence de l’action publique dans le temps. On peut définir l’analyse des politiques comme une science sociale appliquée visant à produire des informations afin de traiter efficacement les problèmes. Elle diffère de la planification des politiques, qui détaille un ensemble d’objectifs et de stratégies cohérent afin d’atteindre un but mondial (par exemple, la lutte contre la pauvreté). Pourtant, la planification des politiques fait amplement appel à l’analyse des politiques. Elle diffère également de la recherche universitaire bien codifiée, inscrite en général dans le long terme, 28 Cabinet Office, 2000.

Page 59: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

55

basée sur une théorie et soutenue par des tests empiriques. L’analyse des politiques puise largement dans les résultats de divers travaux de recherche et est donc complexe : elle « détermine ce qu’il est utile de savoir et ce qui est su en se plaçant de divers points de vue ».29 Toutes les sciences sociales prédictives, telles que la sociologie, l’économie et la statistique, peuvent apporter leur pierre à l’analyse des politiques. L’économie y a le plus contribué et demeure la discipline leader en la matière quand les enjeux sont d’ordre macroéconomique, y compris pour l’étude de politiques fiscales, monétaires et commerciales alternatives que d’autres sciences ne sont pas équipées pour traiter de manière exhaustive. À l’inverse, diverses sciences, dont la sociologie, les sciences naturelles, l’économie et l’anthropologie, interagissent pour permettent de mieux comprendre l’efficacité des actions publiques sectorielles, par exemple dans le cas de politiques agricoles et de développement rural.

Selon Salvatici et Quieti (2003), l’analyse des politiques alimentaires et agricoles peut aider les responsables de l’élaboration des politiques à :

spécifier, aux fins d’intervention gouvernementale, des buts de politiques alimentaires et agricoles intégrés, cohérents et efficaces, susceptibles de contribuer à l’atteinte des objectifs internationaux globaux ;

identifier et évaluer les principales caractéristiques structurelles sectorielles en mettant en avant les facteurs constituant des opportunités et des contraintes pour le développement et en fournissant des analyses critiques de l’impact des politiques alimentaires et agricoles ;

analyser et évaluer les options à disposition pour formuler des politiques et des modes d’intervention alternatifs, à spectre large et spécifiques aux zones rurales, pour le secteur alimentaire et agricole ;

faire mieux comprendre les concepts économiques et les enjeux politiques aux divers agents et organismes concernés par le développement d’un secteur agro-alimentaire moderne et de formes durables de production agricole ;

agir comme un forum hautement qualifié de dialogue sur les politiques entre décideurs, gestionnaires et experts afin d’identifier les problèmes existants et de désigner au moment opportun des domaines de recherche pour servir de base à l’analyse des politiques, ainsi qu’à des propositions.

Quelle que soit la science sociale, ou la combinaison de sciences sociales, dont on se sert pour mener une analyse de politique, une succession d’étapes « communes » permet de sélectionner, d’analyser, de proposer et de concevoir des solutions aux problèmes, à savoir :

structuration et analyse détaillée du problème, c’est-à-dire identification de sa cause profonde suivie de la définition détaillée d’un objectif de politique spécifique ;

formulation et classement de solutions alternatives, à savoir sélection du ou des instruments d’action publique approprié(s) pour servir l’objectif de la politique ;

29 Dunn, 1981.

Page 60: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

56

conception de procédures de mise en œuvre, par exemple, définition/modification de règles et de réglementations et/ou création de nouvelles institutions pour opérationnaliser l’instrument de politique ;

définition de critères et d’indicateurs de suivi et d’évaluation, à la fois pour maintenir le cap de la mise en œuvre et pour tirer les enseignements dont profiteront de futures actions publiques.

11.2. Étapes élémentaires de l’analyse des politiques

11.2.1. Identification des objectifs des politiques

Les agendas politiques, c’est-à-dire les documents présentant une vision « politique » pour une région, un pays ou un secteur, sont en général génériques et comprennent des objectifs et des instruments de politique à spectre large, tels que lutte contre la pauvreté et hausse de la productivité agricole. Ils identifient rarement, pour ne pas dire jamais, les causes profondes de la situation indésirable existante, que les responsables de l’élaboration des politiques se proposent de changer.30 Par exemple :

L’objectif global de la stratégie de développement agricole du Mozambique comprend « l’amélioration du système de culture, l’expansion de l’agriculture de conservation, la promotion de la diversification des cultures, l’amélioration de la disponibilité et la baisse du prix des semences de céréales améliorées ».31

De la même manière, en Ouganda, le gouvernement a décidé qu’à moyen terme les efforts de l’action publique concernant la modernisation de l’agriculture porteront sur (MAIFF et MFPED, 2000) :

o la réforme et le renforcement institutionnels afin d’améliorer l’efficience et l’efficacité de la prestation de services ;

o la fourniture de services réglementaires ;

o la fourniture de services de conseils agricoles aux agriculteurs ;

o le développement de la recherche et des technologies agricoles pour les agriculteurs ;

o la fourniture d’informations sur le marché des intrants et des produits agricoles ;

o les épidémies et la lutte contre les ravageurs. Les agendas politiques sont donc nettement génériques : qu’entend le gouvernement par « amélioration des systèmes de culture » ? Quelles réformes des politiques l’État est-il sensé mener pour « améliorer l’efficience et l’efficacité de la prestation de service » ? Les fonctionnaires (techniques) et les chercheurs en politiques sont supposés répondre à ces questions, c’est-à-dire structurer le problème, fournir une explication causale de la situation présente non satisfaisante et en tirer les objectifs spécifiques ou les buts mesurables de la politique. Le mode d’analyse et de structuration du problème exerce une influence majeure sur l’identification de l’objectif de la politique. Dunn (1981) présente en détail plusieurs

30 Weimer et Vining, 2001. 31 Banque mondiale, 2006a.

Page 61: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

57

techniques de structuration des problèmes, allant de l’analyse rationnelle au brainstorming. Snare (1995) suggère d’utiliser des récits, des contre-histoires et des méta-récits : les récits constituent des explications largement acceptées des problèmes de politique, les contre-histoires abordent le problème sous un angle inhabituel et les méta-récits sont des histoires qu’utilisent les responsables de l’élaboration des politiques pour recadrer les problèmes. Quelle que soit l’approche de structuration utilisée, les responsables de l’élaboration des politiques doivent identifier une chaîne causale solide expliquant l’état indésirable actuel, par exemple à l’aide d’un arbre de causalité, qui décompose le problème en morceaux gérables et définissables. La figure 16 fournit un exemple d’arbre de causalité. Figure 16 : Arbre de causalité d’une épidémie de fièvre aphteuse

---------- ---------- Baisse du

revenu Demande accrue de

services de vulgarisation

Effets

Si les responsables de l’analyse des politiques n’ont pas pu identifier une chaîne causale de facteurs aboutissant au problème, le gouvernement atténuera probablement la situation indésirable a posteriori (par exemple, versement d’une allocation chômage aux chômeurs) au lieu d’intervenir sur ses causes profondes ou mettra en œuvre une alternative « à tout faire » inefficace. À l’inverse, un problème bien structuré permet d’en identifier les causes profondes et donc de définir des objectifs de politique spécifiques. Par exemple, l’arbre de causalité pourrait suggérer que l’épidémie de fièvre aphteuse de la figure 16 découle pour une large part d’un contact direct entre animaux infectés et sensibles à des points d’eau communs. L’objectif de politique associé serait d’éviter que les animaux se rencontrent aux points d’eau. La définition du problème, par conséquent, constitue une première étape cruciale de la recherche de solutions de politiques réalistes.

Causes

Mortalité animale accrue

Baisse de productivité

Épidémie de fièvre aphteuse Problèmes

Transmission indirecte, par ex. alimentation

animale

Insémination artificielle

Contacts directs entre

animaux

--------

Page 62: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

58

11.2.2. Génération et choix des instruments de politique

Une fois que l’on a découvert une ou plusieurs causes profondes au problème et sélectionné les objectifs correspondants, les responsables de l’élaboration des politiques doivent identifier d’autres instruments possibles, c’est-à-dire des actions publiques servant les objectifs, et sélectionner le ou les mieux adaptés. L’identification d’instruments alternatifs n’est pas un processus systématique et savoir s’il convient d’y recourir pourra venir de l’expérience d’autres pays confrontés à des problèmes similaires, de résultats de recherche publiés, de lois, d’enquêtes d’opinion auprès du grand public et d’experts, de l’analyse d’articles parus dans des revues professionnelles et universitaires, de comptes-rendus de conférences, de propositions émises par des groupes d’intérêts et de groupes de pression. Dans tous les cas, il convient de prendre en compte certains critères simples pour identifier les instruments de politique possibles : (i) les instruments doivent être clairement identifiés, y compris les actions publiques pratiques dépassant les engagements génériques (par exemple, « le gouvernement encouragera et favorisera »). Sinon, soit le problème a été mal cadré, soit les alternatives ont été mal élaborées ; (ii) les politiques existantes doivent faire partie des alternatives (non seulement pour éviter tout biais en faveur d’un changement de politique, mais aussi parce que les politiques actuelles ont été jugées plausibles auparavant et constituent une bonne référence à laquelle comparer d’autres options) ; (iii) aucun instrument de politique ne doit être une alternative « à tout faire », souvent incompréhensible et irréaliste ; (iv) s’il est possible de générer un nombre infini d’instruments de politique, il est important de réduire les alternatives à un nombre gérable afin de faciliter la comparaison des diverses propositions ; (v) tous les instruments de politiques doivent limiter le rôle de l’État à celui de fournisseur de biens publics et de réglementation du marché de ces biens avec des externalités positives ou négatives, alors que le secteur privé est supposé fournir des biens privés.32 Cependant, il faut prendre en compte qu’un marché qui fonctionne bien n’est pas nécessairement équitable et qu’il existe une distinction entre un marché libre et le processus allant vers un marché libre au service des pauvres : la privatisation des services publics de santé animale avant, pendant ou après la mise en place d’une politique de micro-crédit ou bien avant, pendant ou après la mise en place de professionnels de santé animale basés dans les communautés fait une grande différence.

32 Weimer et Vining, 1991.

Page 63: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

59

Encadré 15 : Fourniture publique et privée de services vétérinaires Les programmes de libéralisation du marché, de privatisation et de décentralisation ont conduit plusieurs pays en développement à réformer leurs services publics vétérinaires. Ces réformes se sont largement appuyées sur des considérations d’efficacité et, par conséquent, sur l’analyse des avantages comparatifs du marché et de l’État dans la prestation de services spécifiques. Les services cliniques vétérinaires et la distribution et la production de médicaments et de vaccins sont pour une grande part des biens privés, parce que leurs utilisateurs en capturent tous les bénéfices et qu’ils peuvent être correctement fournis par des agents privés. D’un autre côté, le marché libre privé ne fournira pas des services tels que diagnostic des maladies, vaccination contre les maladies contagieuses, lutte contre les vecteurs de maladie, etc., à un niveau optimal. En fait, les bénéficiaires de ces services sont à la fois les payeurs et les non payeurs en raison de l’existence d’externalités positives (réduction du risque de contagion pour les animaux non vaccinés). Par conséquent, le gouvernement a un rôle important à jouer sur le marché de ces biens. Enfin, des services tels que surveillance des maladies épidémiques/prévention et hygiène alimentaire/inspection sont des biens publics purs. Il est donc improbable que les marchés privés les fournissent du fait de leur caractéristique de non exclusivité. Tout le monde, par exemple, bénéficierait du suivi et de la lutte contre la « maladie des vaches folles » (ESB). Par conséquent, il revient à l’État de trouver des mécanismes collectifs pour fournir ces services ou les sous-traiter au secteur privé.(Ahuja, 2004)

11.2.3. Mise en place des instruments des politiques

Après sélection des objectifs et des instruments des politiques, leur mise en œuvre devient la principale tâche des responsables de leur élaboration. Bien que l’on ait attribué l’échec des réformes au manque d’attention à la manière dont il aurait fallu en organiser et en gérer la mise en œuvre, la documentation demeure rare sur la manière d’appliquer ces réformes pour que les fonctionnaires et les autres acteurs fassent ce que l’on attend d’eux.33 Depuis quelque temps, d’aucuns avancent que l’on pourrait ranger les politiques dans des catégories systématiques et associer à chacune de ces catégories des schémas de gestion prévisibles.34 En dépit de l’attrait du concept de typologie des politiques, il présente une faiblesse cruciale : les politiques possèdent une multitude de caractéristiques. Par conséquent, créer des critères pour affecter objectivement les politiques à des catégories conceptuellement distinctes et élaborer des règles institutionnelles et de gestion spécifiques pour chaque catégorie constituent des exercices subjectifs fortement contestables.35 Aux fins d’élaboration des politiques, il est plus pratique d’identifier une série continue de fonctions de tâches d’implémentation à valeur universelle dont : (i) légitimation de la politique et élargissement de la circonscription ; (ii) accumulation des ressources ; (iii) conception organisationnelle ; (iv) suivi et évaluation.36 Légitimation de la politique – Même si une politique est bien pensée ou correcte, elle ne recevra pas nécessairement un soutien automatique. Certains acteurs pourront s’opposer au processus de réforme et les bénéficiaires ne verront peut-être pas qu’il va de leur intérêt de soutenir le changement. Par conséquent, il faut légitimer les politiques. L’État doit créer une circonscription adéquate pour appuyer la réforme, c’est-à-dire faire pression, négocier, nouer des alliances et former des coalitions avec des parties prenantes clés et, en particulier, avec de supposés « champions de la politique » dont on attend qu’ils affirment que la réforme envisagée est nécessaire et sa mise en œuvre cruciale, en dépit de ses inconvénients. 33 Crosby, 1996 ; Griffin, 1975. 34 par exemple, Grindle et Thomas, 1991 ; Lowi, 1972. 35 Smith, 2002. 36 Brinkerhoff et Crosby, 2002.

Page 64: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

60

L’analyse des parties prenantes et la cartographie politique constituent des étapes cruciales de la création d’une circonscription adéquate. L’analyse des parties prenantes consiste à évaluer les personnes concernées, leurs intérêts, leurs attentes, la force ou l’intensité de leur intérêt dans la réforme et les ressources qu’ils peuvent apporter ou faire peser sur les résultats d’un changement de politique. Ensuite, l’État doit étudier les relations et les alliances existantes et prospectives entre les diverses parties prenantes prêtes à soutenir certaines réformes spécifiques ou à s’y opposer. Cet exercice de cartographie politique vise à mettre en place une circonscription apte à soutenir la réforme. Mais la légitimité de la politique va plus loin que l’adhésion publique aux initiatives impulsées par l’État. Une compréhension claire a priori des groupes de parties prenantes qui vont gagner et de ceux qui vont perdre constitue un composant crucial de la conception d’une politique (pas seulement de sa mise en œuvre) et la légitimité tient pour une large part à la mesure dans laquelle la politique profitera à la société dans son ensemble. Ce point et les méthodes d’analyse sociocéconomiques et des moyens d’existence a priori sont abordés dans la section 6 de ce document. Accumulation des ressources – L’accumulation des ressources renvoie à la fois à mobiliser les fonds de départ et à garantir une place à la politique dans le processus d’allocation budgétaire de l’État de manière à lui assurer un flux de ressources régulier au fil des années. La légitimation et un large soutien, à court et long terme, sont essentiels pour accumuler des ressources, car l’allocation de ressources financières, humaines et techniques à une nouvelle politique est une tâche décourageante : (i) les politiques sont souvent conçues sans se préoccuper du budget de l’État, surtout quand elles sont influencées par l’intérêt personnel plutôt que public ; (ii) la collecte de ressources suffisantes signifie en général couper dans celles affectées aux vieilles politiques, ce qui s’avérera très probablement une source d’opposition. Conception organisationnelle – Elle est liée aux conditions administratives brièvement mentionnées ci-dessus à la section 7.3. La tâche de mobilisation fait passer la politique du papier à l’action, à des programmes et à des projets. En général, qui dit nouveaux programmes et projets dit nouveaux objectifs, tâches et activités pour les organismes et les services de l’État, les fonctionnaires et d’autres acteurs. Ce processus de réforme pourra être gêné par des ressources humaines peu compétentes, incapables d’effectuer efficacement les nouvelles tâches. Mais même si les nouvelles tâches sont simples, la mise en place de nouvelles routines et pratiques avec des gagnants et des perdants présente des difficultés intrinsèques. Il est donc crucial de « bien » motiver les responsables de la mise en œuvre à l’adoption des nouveaux modes et pratiques requis par les programmes et les plans d’action, sinon les fonctionnaires, y compris ceux de première ligne (« street bureaucrats »), risquent de ralentir et même de bloquer les réformes.

On convient en général que les responsables de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques doivent tenir compte de deux principes de base lors de la conception des mécanismes d’application, à savoir :

Imputabilité : droits et devoirs qui régissent les relations entre les personnes et les institutions influant sur leur vie, dont l’État, la société civile et les acteurs du marché. En général, les relations d’imputabilité ont deux composantes importantes :37

o « answerability », c’est-à-dire le droit d’obtenir une réponse et l’obligation d’en fournir une et

37 IDS, 2006.

Page 65: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

61

o applicabilité, c’est-à-dire la capacité d’assurer qu’une action est prise et l’accès à des mécanismes de recours en cas d’échec de l’imputabilité.

Il est également important de tenir compte des trois niveaux de l’imputabilité, à savoir : o imputabilité verticale, c’est-à-dire des prestataires de service envers les

clients ou les bénéficiaires et des politiciens envers la société civile. Elle est souvent négligée, non existante ou mal appliquée ;

o imputabilité horizontale : il s’agit de l’imputabilité des fonctionnaires vis-à-vis des politiciens (souvent via des organismes publics tels que contrôleurs, parlement, pouvoir législatif) ;

o intra organisationnelle, c’est-à-dire vis-à-vis de la hiérarchie directe et des employés.

Récompenses et sanctions : renvoient à un système de motivation concernant les

responsables de la mise en œuvre des politiques. Il faut les corréler aux indicateurs de suivi et d’évaluation sur la base de l’utilisation des ressources et des résultats de la mise en œuvre de la politique. L’application de récompenses et de sanctions dépend fortement de l’existence de mécanismes d’imputabilité adéquats.

Les conditions de l’imputabilité des institutions varient selon les pays et les contextes. Des facteurs transversaux clés susceptibles d’améliorer la réceptivité d’institutions puissantes aux pauvres et aux groupes marginalisés sont, par exemple :38 Dispositions juridiques et constitutionnelles : essentielles, mais rarement appliquées Antécédents historiques de contestation et d’engagement des citoyens : les rouages

politiques de l’imputabilité sont fortement affectés par les traditions de mobilisation sociale

Espace démocratique : implique un degré d’indépendance du système juridique et des médias, l’existence d’élections justes et libres, etc.

Cultures de l’imputabilité : une expérience et une compréhension différentes de l’imputabilité conduisent à différents attentes et résultats en la matière

Relations entre l’État et le marché : ceci est particulièrement difficile dans le cas d’une lourde dépendance sur les sociétés internationales pour l’extraction des ressources naturelles. Voir la section 8.

L’encadré 16 présente quelques stratégies utilisées pour promouvoir des mécanismes d’imputabilité adéquats.

38 IDS, 2006 – Voir également section 6.3 sur le contexte de gouvenance.

Page 66: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

62

Encadré 16 : Exemples de stratégies de promotion de l’imputabilité

Action directe au Kenya : le Kenya est signataire de la Convention on Political, Economic, Social and Cultural Rights qui prévoit le droit au logement, bien que celui-ci ne figure pas dans la constitution kenyane. À Mombassa, la reconnaissance internationale de la lutte d’une association de locataires pour le droit à un logement décent l’a aidée à acquérir une dynamique et de l’assurance. Le gouvernement local s’avérant sourd à ses demandes, les résidents ont protesté contre son manque d’imputabilité par l’action directe, en empêchant physiquement la construction de structures d’habitation illicites.

Comités citoyens de gestion de l’eau au Mexique : les luttes pour l’imputabilité des groupes ruraux autochtones se sont focalisées sur les moyens d’assurer la gestion durable d’une nappe phréatique en rapide déclin à Veracruz. Les grandes industries pétrochimiques vidaient la nappe phréatique pour l’utiliser dans des zones urbaines en aval. Si rien n’était fait rapidement, l’eau allait disparaître au cours de la décennie suivante sous l’effet conjugué de la déforestation, de l’érosion et de l’augmentation des besoins des zones urbaines. De nombreux organismes d’État participent à la gestion de la nappe phréatique, souvent avec des intérêts conflictuels, dont des structures traditionnelles telles que les ejidos (terres collectives), les autorités municipales urbaines et rurales, les organismes fédéraux de l’environnement et des affaires autochtones et des organisations écologiques internationales. Le manque d’espace pour la participation des citoyens a conduit à une rupture de la communication entre communautés rurales et urbaines avec crises périodiques de violence. Dans ce cas, le Comité citoyen de gestion de l’eau s’est avéré un mécanisme efficace pour accroître l’imputabilité entre les communautés autochtones et les nombreuses institutions concernées.

Audiences publiques en Inde : les audiences publiques antérieures à une implantation industrielle majeure sont rares en Inde, bien qu’elles constituent une obligation formelle. Des audiences citoyennes alternatives ont fourni un espace d’expression et une arène où l’État et les industriels ont dû rendre compte de leurs actions. Des ONG recueillent des faits auprès d’autres communautés ayant l’expérience d’implantations industrielles similaires. Cette approche a abouti à la présentation de « plans de développement populaires » bien informés lors des audiences citoyennes.

Organisations issues des communautés dans le delta du Niger : des groupes de jeunes et des organisations de femmes se sont formés en réaction à la collusion perçue entre l’État et les compagnies pétrolières opérant dans le delta du Niger, qui ont conduit à des conflits à propos du pétrole. Ces groupes représentent des communautés du delta qui ne sont pas entendues par les filières officielles et qui entrent souvent en conflit avec des institutions officielles puissantes, telles que les chefs locaux ou les notables élus. Les organisations issues des communautés ont créé un espace où formuler leurs préoccupations à propos de la corruption et de la mauvaise gestion des revenus du pétrole par l’État, mais ils ont aussi soulevé de nouvelles questions sur qui représente les intérêts des communautés et la manière dont les populations du delta du Niger peuvent prendre le contrôle des ressources naturelles de la région. Source : IDS, 2006.

11.2.4. Suivi et évaluation des réformes

La mise en œuvre des politiques est un processus non linéaire sur lequel influent plusieurs facteurs endogènes et exogènes. Il convient donc de suivre l’avancement vers l’atteinte des objectifs des politiques pour éviter que les activités et les progrès accomplis ne s’égarent et pour apporter les ajustements requis. Il faut aussi évaluer les politiques pour s’assurer que les actions publiques ont livré le bénéfice prévu et pour améliorer l’efficacité de celles qui seront menées dans l’avenir. Le suivi est essentiel pour que l’avancement suive le cours prévu, pour faciliter la correction des erreurs et pour s’assurer que les responsables de la gestion des politiques et les organismes de mise en œuvre remplissent leurs obligations prescrites (imputabilité). Comme le suivi nécessite de définir des indicateurs quantitatifs et qualitatifs traçables dans le temps, il faut créer un cadre pour la collecte régulière de données, dont les résultats seront des indicateurs permettant d’apporter des ajustements directs à la politique.39 Par exemple, en Inde un programme aide les élèves en difficulté à recruter des assistants d’éducation dans les

39 Josling et Valdes, 2004.

Page 67: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

63

communautés locales pour leur servir de tuteurs.40 Les indicateurs de suivi pourront inclure les allocations budgétaires, le nombre de tuteurs recrutés, les antécédents des tuteurs, le taux d’abandon des élèves et leurs performances. Il faudra également définir des seuils pour faciliter l’ajustement de la mise en œuvre de la politique : quand s’écarte-t-elle trop des objectifs fixés ? Le suivi détaillé des activités requiert de traiter deux points. Tout d’abord, comme il sera peut-être assuré par divers acteurs (services de l’État, bénéficiaires, organisations de la société civile, instituts de recherche, par exemple), les organismes chargés de la mise en œuvre ne devront pas supporter toute la responsabilité du suivi : elles sont en principe chargées de la fourniture de la politique et leurs activités de suivi risqueraient d’être biaisées. Ensuite, comme le suivi se déroule souvent dans une infrastructure institutionnelle modifiée, le personnel ne sera peut-être pas motivé ou apte à l’assurer et il faudra envisager et appliquer de nouvelles règles et pratiques de gestion. La section 10 du présent document traite des méthodes et des moyens de suivi et d’évaluation.

11.3. Analyse et élaboration des politiques

Les méthodes de l’analyse des politiques peuvent servir à traiter les problèmes agricoles : la définition des problèmes conduit à l’identification et à l’analyse a priori des différentes options de politique, suivie par la mise œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques. Il ne fait aucun doute qu’au vu de la grande diversité des problèmes agricoles, aucune méthodologie détaillée ne pourra les traiter tous. Il est donc reconnu et prouvé qu’une bonne analyse des politiques - que différents acteurs peuvent mener41 – contribue de manière significative à des propositions et à une mise en œuvre saines des politiques, quand le temps et les ressources sont là. Les étapes de base d’une bonne analyse des politiques sont résumées dans l’encadré 17.

40 Easterly, 2006. 41 Pour les dimensions institutionnelles de l’analyse des politiques, voir le document Proceedings of the Near East Workshop on Institution Building for Policy Analysis (FAO, 2004).

Page 68: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

64

Encadré 17 : Synthèse des étapes de base de l’analyse des politiques

Identifier les parties prenantes clés, dont agriculteurs, éleveurs, administrations locales, etc., pour lesquelles le problème X est susceptible de constituer un enjeu.

Détailler le problème X, c’est-à-dire décrire l’existant et la situation désirée. Des entretiens avec les parties prenantes et la collecte des données primaires et secondaires sont essentiels à ce stade.

Fournir une explication causale quantitative et qualitative du problème X, y compris contraintes techniques, goulots institutionnels et leurs interactions, afin de soutenir l'identification d'objectifs de politiques spécifiques.

Identifier les instruments de politiques susceptibles de servir l’objectif identifié et les classer en fonction de critères monétaires et non monétaires définis tels que coûts financiers, perdants et gagnants, exigences techniques, institutions concernées, cohérence avec les politiques et les pratiques existantes.

Concevoir des mécanismes de mise en œuvre pour les instruments de politiques sélectionnés, principalement identification du rôle du secteur public et privé, description détaillée des tâches des organismes/services de l’État et des règles et réglementations nécessaires pour opérationnaliser les instruments des politiques.

Proposer une stratégie de communication afin de créer un soutien à la solution politique envisagée, dont groupes cibles, objectifs de la communication, messages clés et tons, moyens de transmettre les messages et durée et coûts estimés.

Identifier les indicateurs de suivi et leurs sources pour augmenter l'imputabilité des administrations responsables comprenant des seuils d'alerte et l’indication des récompenses et des sanctions pour travail bien/mal fait.

Présenter en détail les indicateurs d’évaluation, la plage d’acceptabilité, les sources et le moment de l’évaluation.

11.4. Contraintes relatives à l’utilisation de l’analyse des politiques

Les étapes décrites dans l'encadré 17 ne livrent pas toujours les résultats escomptés ou attendus en raison des liens complexes entre l’analyse et l’élaboration des politiques illustrés dans la figure 17. Cette figure montre en particulier le rôle fondamental joué par les acteurs des politiques dans la création du lien entre analyse des politiques, formulation et mise en œuvre. Ces liens complexes, du fait des interactions entre les acteurs des politiques et les autres éléments des processus d’élaboration des politiques, en particulier le contexte (voir sections 5 et 6), sont discutés plus avant dans les pages suivantes.

Page 69: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

65

Figure 17 : Liens entre analyse et élaboration des politiques

Groupes de donateurs

Politique nationale

Les groupes d’intérêt et de pression peuvent influer sur les priorités et l’agenda des politiques, mais plus difficilement sur le mode de structuration des problèmes, à savoir la définition des buts et des instruments. De nombreux groupes, y compris les plus puissants, disposent souvent de capacités techniques limitées et d'informations inadaptées pour examiner en détail les questions de politiques, surtout quand il faut évaluer les impacts des réformes sur un large éventail de parties prenantes. Ainsi, les sociétés de transformation laitière auront peut-être du mal à évaluer l'impact du renforcement de leurs normes sanitaires sur les petits producteurs pauvres opérant sur des marchés informels. La difficulté et l’incapacité des groupes de pression et d'intérêt à étudier de manière exhaustive les solutions politiques fournissent aux responsables de l'élaboration des politiques l’opportunité de concevoir et de mettre en œuvre des actions publiques effectivement équitables et favorables aux pauvres et non nécessairement biaisées en faveur des déjà nantis. Pour ce faire, les gouvernements des pays développés et en développement doivent faire appel à l’analyse des politiques afin de concevoir et de mettre en œuvre les réformes : « la politique doit être étayée par une bonne analyse et, le cas échéant, une modélisation ».42 Malheureusement, les pays varient considérablement concernant la mesure dans laquelle les gouvernements recourent à l’analyse formelle des politiques et une observation générale suggère qu’elle va de 0 à 100, même si la plupart des gouvernements y

42 Cabinet Office, 2000.

Resp. de l’élab. des pol.

Groupes de promotion

Processus de mise en œuvre des politiques

Rôle de l’analyse dans l’élaboration des politiques

Travail analytique

Flux des informations/influence Demande d’informations

Praticiens

Page 70: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

66

fait appel de manière limitée : « Cette étude a découvert […] que [au Royaume-Uni] la demande pour une analyse des politiques de qualité n’est pas entièrement intégrée à la culture du gouvernement central ».43 Comment stimuler l’offre et la demande d’analyse des politiques ? Quelles contraintes pèsent sur elles ? La demande d’analyse des politiques émanant des ministères et des administrations est souvent faible pour les raisons suivantes : (i) les engagements des programmes politiques ne sont pas formulés comme des annonces générales, mais sous la forme de promesses détaillées, qui lient le gouvernement à des actions politiques spécifiques ; (ii) l’orientation des politiques est souvent motivée par une forte conviction a priori ou par des « mécènes » et des « sponsors » ; (iii) manque de compréhension de l’utilité de l’analyse des politiques de la part des élites responsables de l’élaboration des politiques ; (iv) certains ministères peuvent craindre que l'analyse des politiques - comme c'est le cas - empiète sur leur marge de manœuvre ; (v) aucun ministère ne possède de motivations suffisantes à demander une analyse des politiques quand une question, comme c’est le cas la plupart du temps, concerne plusieurs ministères ; (vi) mauvaise qualité de certaines analyses des politiques. L’offre en analyse des politiques risque d’être insuffisante pour les raisons suivantes : (i) l’analyse des politiques est une discipline nouvelle qui n’est considérée comme une science que depuis ces trois dernières décennies ; (ii) les chercheurs tendent à élaborer des théories et des modèles sans tenir compte de la demande prospective d’analyse des politiques ; (iii) les politiques varient beaucoup et l’offre en analyse des politiques de qualité risque d’être évacuée par le changement des priorités du gouvernement ; (iv) l’analyse des politiques est souvent orientée sur une administration et inefficace en cas d’utilisateurs multiples et de chevauchement des responsabilités entre différentes administrations.44 Enfin, il existe des incertitudes quant au responsable du financement de l’analyse des politiques, ce qui en limite d’autant plus l’offre. En théorie, la responsabilité de ce financement doit revenir au bénéficiaire des résultats de l’analyse, alors que l’exécution de l’analyse doit s’appuyer sur des critères d’efficacité. Si les résultats de l’analyse des politiques sont des biens publics, l’État doit en assumer le financement, car le secteur privé la sous-produirait en raison d’externalités positives (n’importe qui pourrait utiliser une bonne analyse des politiques dont les bénéfices ne peuvent pas être internalisés). Cet argument fournit une justification économique au financement de l’analyse des politiques par les institutions publiques. Cependant, comme l’État n’est pas nécessairement le meilleur fournisseur de ce type d’analyse, il devrait, non seulement parrainer l’analyse des politiques en interne et/ou financer un institut public d’analyse des politiques, mais aussi stimuler un marché de l’analyse des politiques, par exemple en conférant des droits de propriété intellectuelle à des résultats de recherche et en distribuant des fonds de recherche par le biais d’appels d’offre.45

43 Cabinet Office, 2000. 44 Batie, 2005 ; Cabinet Office, 2000 ; Paul et al., 1989; Weimer et Vining, 1991. 45 Salvatici et Quieti, 2003.

Page 71: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

67

12. REMARQUES A L’INTENTION DES LECTEURS

12.1. Liens EASYPol

Cette présentation fait partie d’un ensemble de modules qui appartient au parcours de formation EASYPol: Programme de formation aux politiques, Module 4 : Formulation des politiques et des stratégies, Session 1 : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module 4 : Formulation des politiques et des stratégies Session 1 : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Session 2 : Deux études de cas : comprendre les processus d’élaboration des politiques

Session 3 Facteurs clés de la synergie État-

citoyens

Session 4 : Logiciel EXTRAPOLATE

Session 5 : « Rice trek » – Jeu de simulation

Session 6 : Négociation de prêt ministériel – Jeu de simulation

Session 7 : Reconstitution du puzzle

13. REFERENCES

Ahuja V., 2004. The Economic Rationale of Public and Private Sector Roles in the Provision of Animal Health Services. Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 23 (1), pp. 33-45.

Ashley, C., Carney, D., 1999. Sustainable Livelihoods: Lessons from Early Experience, DDI.

Balie, J., et Fouilleux, E., 2006. Politiques Agricoles Communes en Afrique. Promotion Exogène ou Appropriation Paysanne ?

Bamberger, M., Rugh, J. and Mabry, L., 2006. Real World Evaluation: Working Under Budget, Time, Data, and Political Constraints. Sage, USA,

Banerjee A.V., Gertler P.J., Ghatak M., 2002. Empowerment and Efficiency: Tenancy Reform in West Bengal. Journal of Political Economy, 110(2), pp. 239-280.

Batie S.S., 2005. The Demand for Economic Policy Analysis: Is Anyone Listening? Agricultural and Resources Economics Review, 34 (2), pp. 123-130.

Bebbington, A. and McCourt, W., 2006. Where Does Development Success Come From? Explanations and Practical Implications. Paper No 70, IDPM Discussion Paper Series, October 2006 – http://idpm.man.ac.uk

Behara, B. and Engel, S. (2006). Institutional analysis of evolution of joint forest management in India: a new institutional economics approach. Forest Policy and Economics 8: 350-362.

Page 72: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

68

Besley T., Burgess R. (2000). Land Reform, Poverty Reduction and Growth: Evidence from India. Quarterly Journal of Economics, 115 (2), pp. 389-430.

Bird, K. (2004) Differentiated Understandings of Impact: Should PSIAs be used as a Mechanism for Reaching the Very Poorest? ODI, January 2004.

Birkland T. (1997). After Disaster: Agenda Setting, Public Policy, and Focusing Events. Georgetown University Press, Washington, D.C.

Booth, D. (1998) Coping with Cost Recovery in Zambia: A Sectoral Policy Study. In Holland, J. and Blackburn, J. (eds) Whose Voice: Participatory Research in Policy Change, Intermediate Technology Publications, pp 28-30.

Brinkerhoff D.W., Crosby B.K. (2002). Managing Policy Reform. Concepts and Tools for Decision-Makers in Developing and Transition Countries. Kumarian Press, Bloomfield.

Brock, K; Cornwall, A. and Gaventa, J. (2001) Power, Knowledge and Political Space in the Framing of Poverty Policy. IDS Working Paper 143 October 2001.

Cabinet Office, U. J. (2000). Adding it up. Improving Analysis and Modelling in Central Government. A Performance and Innovation Unit Report, London.

Cornwall, A. (2004) Introduction: New Democratic Spaces? The Politics and Dynamics of Institutionalised Participation. IDS Bulletin 35.2, pp.1-10, April 2004.

Cornwall, A, (2002) Making Spaces, Changing Places: Situating Participation in Development. IDS Working Paper 170, October 2002.

Court, J. and Young, J. (2003). Bridging Research and Policy: Insights from 50 Case Studies. ODI Working Paper 213, August 2003.

Crosby B.L. (1996). Policy Implementation: the Organizational Challenge. World Development, 24 (9), pp. 1403-1415.

DAC (no date). Glossary of Key Terms in Evaluation and Results Based Management. OECD, Development Assistance Committee, Paris.

Dearing J.W., Rodgers E.M. (1996). Agenda Setting. SAGE Publications, London.

Dunn W.N. (1981). Public Policy Analysis. Prentice Hall, Englewood Cliffs.

Easterly W.E. (2006). The White Man's Burden: Why the West's Efforts to Aid the Rest Have Done So Much Ill and So Little Good. Penguin Books, London.

EC (2004). Common Indicators for Monitoring Rural Development Programming, 2000-2006. European Commission Working Document D/761. Bruxelles.

Etzioni, A. (1967). Mixed Scanning: a ‘Third’ Approach to Decision-Making. Public Administration Review, 27(6), pp.385-392.

Etzioni, A., 1986. Mixed Scanning Revisited. Public Administration Review, 46, pp. 8–14.

Page 73: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

69

FAO/ECE/ILO, 2000. Public Participation in Forestry in Europe and North America. Report of the FAO/ECE/ILO Joint Committee Team of Specialists on Participation in Forestry. Sectoral Activities Department/ILO Working Paper 163.

FAO/DFID, 2007. Final Evaluation of the Sustainable Fisheries Livelihoods Programme (SFLP) - GCP/INT/735/UK

FAO/FONP, 2006. How to Make the NFP Process Work through Participation.

FAO/LSP, 2006. Report on Participatory Policy Development. Report from SP. 3.2.

FAO, 2004. Agricultural Development Policies in the Near East: Situation, Issues, Institutional Requirements and Approaches. Proceedings of the Joint FAO/NAPC Regional Workshop on Institution Building for Agricultural Policies in the Near East, Damascus, December. TCAS Working Document No.57, FAO, Rome, Italy.

FFSSA, 2004. Achieving Food Security in Southern Africa: Policy Issues and Options. FFSSA Synthesis Paper, Forum for Food Security in Southern Africa, http://www.odi.org.uk/food-security-forum.

Garrett. J. L. and Islam, Y., 1998. Policy Research and the Policy Process: Do the Twain ever Meet? IIED Gatekeeper Series no. 74, London, UK.

Gaventa, J., 2006. Finding the Spaces for Change: A Power Analysis. IDS Bulletin 37: 23-33.

Gordillo, G. and Andersson, K., 2004. From Policy Lessons to Policy Actions: Motivations to Take it Seriously. Public Administration and Development, 24, 2004, pp 1-16.

GOU, 2005. Poverty Eradication Action Plan. Government of Uganda (GOU), Kampala, Uganda.

Griffin K., 1975. Political Economy of Agrarian Change. MacMillan, London, UK.

Grindle, M. S., Thomas, J. W., 1991. Public Choices and Policy Change: The Political Economy of Reform in Developing Countries. Johns Hopkins University Press, Baltimore.

Grindle, M., Thomas, J. W., 1990. After the Decision: Implementing Policy Reforms in Developing Countries. World Development, 18 (8), pp.1163-1181

Hajer, M., 1995. The Politics of Environmental Discourse. Ecological Modernization and the Policy Process. Oxford University Press, Oxford, UK.

Hall P., 1990. Policy Paradigms, Experts and the State: the Case of Macro-Economic Policy-Making in Britain. In Brooks S., Gagnon A.G. (eds.), Social Scientists, Policy and the State. Praeger, New York, USA.

Harberger A.C., 1993. Secret of Success: A Handful of Heroes. American Economic Review, 83 (2), pp. 343-350.

Higgins V., Lawrence G., 2005. Agricultural Governance. Globalization and the New Politics of Regulation. Routledge, London, UK.

Hill M., 1997. The Policy Process in the Modern State. Prentice Hall, London

Page 74: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

70

Hogwood, B. W. and L. A. Gunn, 1984. Policy Analysis for the Real World, Oxford University Press, Oxford, UK.

Horowitz A. W., 1993. Time Paths of Land Reform: A Theoretical Model of Reform Dynamics. American Economic Review, 83 (4), pp. 1003-1010.

Hyden, Göran, 2006. Beyond Governance: Bringing Power into Policy Analysis. Paper presented to the Danida/GEPPA Conference on “Power, Politics and Change in Weak States”, Copenhagen, March 1-2, 2006.

IDS, 2006. Making Accountability Count. IDS Policy Birefing, Issue 23, November 2006.

Jasanoff, 2005. Designs on Nature: Science and Democracy in Europe and the United States. Princeton University Press, Princeton, USA.

John, P., 1998. Analysing Public Policy. Continuum, London, UK.

Johnson, R. W., 2002. The Role of Institutions in Policy Formation and Delivery. In Peters G.H., Pingali P. (Eds.) Tomorrow's Agriculture: Incentives, Institutions, Infrastructure and Innovation. FAO, Rome, Italy

Johnson, C. and Start, D., 2001. Rights, Claims and Capture: Understanding the Politics of Pro-Poor Policy. IDS Working Paper 145, May 2001.

Josling T., Valdes A., 2004. Agricultural Policy Indicators. FAO Commodity and Trade Policy Research Working Paper, No.4. FAO, Rome, Italy.

Juma, C.. Clark, N., 1995. Policy Research in Sub-Saharan Africa: An Exploration. Public Administration and Development, 15, pp. 121–137.

Keeley, J. and Scoones, I, 1999. Understanding Environmental Policy Processes: A Review. IDS Working Paper 89. IDS: Brighton, UK.

Keeley, J., 2001. Influencing Policy Processes for Sustainable Livelihoods: Strategies for Change. Lessons for Change in Policy & Organisations, No. 2, Brighton: Institute of Development Studies, Brighton, UK.

Kingdon J., 1984. Agendas, Alternatives, and Public Choices. HarperCollins, New York, USA.

Landell-Mills, P.; Williams, G. and Duncan, A., 2007. Tackling the Political Barriers to Development: The New Political Economy Perspective. Policy Practice Brief 1, January 2007 – http://www.the policypractice.com

Lewis J.P., 1989. Government and National Economic Development. Daedalus, 118 (1), pp. 69-83.

Lindblom, C. E., 1959. The Science of 'Muddling Through'. Public Administration Review 29(2), pp. 79-88.

Lipton M., 2004. A Garbage Can Model of UN Peacekeeping. Paper presented at the Annual Meeting of the Canadian Political Science Association, Winnipeg, USA.

Lowi T.J., 1972. Four Systems of Policy, Politics, and Choice. Public Administration Review, 32 (4), pp. 298-310.

Page 75: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

71

Maetz M., 2006. Lessons Learning in Policy Assistance – Survey of Agencies – Germany. Back to Office Report, FAO, Rome, Italy.

MAIFF and MFPED , 2000. Plan for Modernisation of Agriculture. Eradicating Poverty in Uganda. Ministry of Agriculture, Animal Industry and Fisheries (MAAIF) and Ministry of Finance, Planning and Economic Development (MFPED), Kampala, Uganda.

Majone G., 1989. Evidence, Argument, and Persuasion in the Policy Process. Yale University Press, New York, USA and London, UK.

March, J. G., Olsen J., 1976. Ambiguity and Choice in Organizations. Universitetsforlaget, Bergen, Norway.

Mayers, J. and Bass, S., 1999. Policy that Works for Forests and People. Policy that Works series No 7: Series Overview. IIED, London, UK 324 p.

Metz, M., 2005. Monitoring Policy Impact (MPI): The Eight Methodo ‘logical’ Steps of MPI. FAO/EASYPol (www.fao.org/tc/easypol http://www.fao.org/docs/up/easypol/383/8-

methlgcl-stps_057EN.pdf) , November 2005.

Moore, M. and Putzel, J., 1999. Thinking Strategically about Politics and Poverty. IDS Working Paper 101, Brighton, UK..

Muller, P., 2003. Les Politiques Publiques. Presses Universitaire de France, Paris, France.

Nash, R.; Hudson, A. and Lutrell, C., 2006. Mapping Political Context: A Toolkit for Civil Society Organisations. ODI, London, UK, July 2006.

Neely, C.; Sutherland, K. and Johnson, J., 2004. Do Sustainable Livelihoods Approaches Have a Positive Impact on the Rural Poor? A look at Twelve Case Studies. FAO/LSP Working Paper 16, October 2004. http://www.fao.org/sd/dim_pe4/pe4_050903_en.htm

Norton, A. and Foster, M., 2001. The Potentials of Using Sustainable Livelihoods Approaches in Poverty Reduction Strategy Papers. ODI Working Paper 148, ODI, London, Uk. July 2001.

ODI, 2006. Drivers of Change Brief, ODI, London, UK.

ODI, 2005. Research-Policy Links: Lessons from Theory and New Research. (http://www.odi.org/RAPID/Tools/Lessons_Overview.html)

Omamo, S.W. and Farrington, J., 2004. Policy Research and African Agriculture: Time for a Dose or Reality? ODI Natural Resource Perspectives No 90, January 2004.

Omano, S.W., 2003. Policy Research on African Agriculture. Trends, Gaps and Challenges. ISNAR Research Report 21, The Hague, The Netherlands. ISNAR.

Pasteur, K., 2001c. Changing Organizations for Sustainable Livelihoods: A Map to Guide Change. Lessons for Change in Policy and Organisations No1, IDS, UK.

Pasteur, K., 2001b. Policy Processes: What are They, and How Can They be Influenced in Support of Sustainable Livelihoods. IDS, Brighton, UK May 2001.

Page 76: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

72

Pasteur, K., 2001a. Tools for Sustainable Livelihoods: Policy Analysis. IDS, Brighton, UK. April 2001.

Paul S., Steedman D., Sutton F.X., 1989. Building Capability for Policy Analsys. Working Papers 220. Public Sector Management and Private Sector Development Division. World Bank, Washington D.C., USA.

Putzel J., 1992. Captive Land: The Politics of Agrarian Reform in the Philippines. Ateneo de Manila University Press, Manila, Philippines.

Sabatier P.A. (ed.), 1999.. Theories of the Policy Process. Westview Press, Boulder, USA.

Sabatier P.A., Jenkin Smith H.C., 1999. The Advocacy Coalition Framework: An Assessment. In Sabatier P.A. (ed.) Theories of the Policy Process. Westview Press, Boulder, USA.

Saint Germain M., 2002. Policy Analysis – Course Notes. California State University, Long Beach, USA.

Salvatici L., Quieti M.G., 2003. Development of Food and Agricultural Policy Analysis: Review of Institutional Requirements and Approaches. In Agricultural Development Policies in the Near East: Situation, Issues, Institutional Requirements and Approaches. Proceedings of the Joint FAO/NAPC Regional Workshop on Institution Building for Agricultural Policies in the Near East. FAO, Damascus, Syria.

Schnell, S.; Poulsen, P.; Condy, A.; Tertsunen, M. and Holland, J., 2006. Principles for PSIA in Policy Cycles and Stakeholder Participation. A document jointly produced by GTZ and DFID, March 2006.

Schoonmaker-Freudenberger, K., 1998. The Use of RRA to Inform Policy: Observations from Madagascar and Guinea. In Holland, J. and Blackburn, J. (eds) Whose Voice: Participatory Research in Policy Change, Intermediate Technology Publications, pp 67-79.

Smith K.B., 2002. Typologies, Taxonomies, and the Benefits of Policy Classification. Policy Studies Journal, 30, pp.379-395.

Snare C.E., 1995. Windows of Opportunity: When and How Can the Policy Analyst Influence the Policymaker During the Policy Process. Policy Studies Review, 14 (3/4), pp.407-430.

Stoker G., 1998. Governance as Theory: Five Propositions. International Social Science Journal. 155, pp. 17-28.

Sutton, R., 1999. The Policy Process: An Overview. ODI Working Paper 118, ODi, London, UK. August 1999.

Swinnen, J. and F. v. d. Zee, 1993. The Political Economy of Agricultural Policies: A Survey. European Review of Agricultural Economics, 20, pp. 261-90.

Vermeulen, S. 2005. Power Tools: Handbook to Tools and Resources for Policy Influence in Natural Resource Management. IIED, London, UK. http://www.policy-powertools.org/orderinfo.html

Page 77: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

73

Weimer D.L., Vining A.R., 1991. Policy Analysis: Concepts and Practice. Prentice Hall, London, UK

Weiss, C. H., Ed., 1992. Organizations for Policy Analysis. Helping Government Think. Sage Publications, London, UK.

World Bank, 2003 World Development Report. World Bank, Washington DC, USA.

World Bank, 2006a. Mozambique Agricultural Development Strategy. World Bank, Washington D.C, USA

World Bank, 2006b. Strengthening Bank Group Engagement on Governance and Corruption. World Bank, Washington D.C, USA.

World Bank (forthcoming) Strengthening Governance, From Local to Global. Draft Chapter 11 of World Development Report 2008. World Bank, Washington DC, USA.

Young, J. and Court, 2004. Bridging Research and Policy in International Development: An Analytical and Practical Framework. ODI/RAPID Briefing Paper.

Page 78: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

74

ANNEXE 1 : LISTE DES ACRONYMES

BATNA Meilleure alternative à un accord négocié (Best Alternative

to a Negotiated Agreeement) OCV Organisations de la société civile EXTRAPOLATE Ex-ante Tool for Ranking Policy Alternatives (outil ex ante

de classement des alternatives politiques) FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et

l’agriculture S&E Suivi et évaluation OMD Objectifs du millénaire pour le développement ONG Organisation non gouvernementale NPEP New Political Economy Perspective DP Dilemme du prisonnier DSRP Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté PSIA Poverty and Social Impact Assessment MED Moyens d’existence durables ZOPA Banque « Zone of Possible Agreement »

Page 79: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Programme de formation aux politiques de la FAO Processus d’élaboration des politiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

75

METADONNEES DU MODULE

1. Module EASYPol

2. Titre dans la langue d'origine

Anglais FAO Policy Learning Programme

Français Programme de formation aux politiques de la FAO

Espagnol Programa de aprendizaje sobjre políticas de la FAO

Autre langue

3. Sous-titre dans la langue d'origine Policy Processes – Part 1 : Making Sense of Policy Processes Anglais Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie - Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Français

Procesos normativos - Parte 1: Interpretación de los procesos normativos

Espagnol

Autre langue

4. Résumé

Le présent document de contexte porte sur les processus d’élaboration des politiques (modalités de planification, de conception, de mise en œuvre et d’évaluation des réformes), qui exercent une influence significative sur les résultats des politiques et leurs impacts sur les moyens d’existence des personnes. Sa première partie propose des méthodes et des moyens pour mieux comprendre les processus d’élaboration des politiques. Après avoir présenté ces processus, elle en fournit la définition et en synthétise les principaux modèles explicatifs sous forme de tableau. Elle poursuit par une réflexion sur les éléments majeurs qui interviennent dans les processus d’élaboration des politiques, à savoir contexte, acteurs, contenu, impact et principales étapes (définition de l’agenda, choix des objectifs et des instruments, mise en œuvre, suivi et évaluation). Pour conclure, elle présente l’analyse des politiques, un outil utile pour aborder ces diverses étapes.

5. Date

Janvier 2008

6. Auteur(s)

Olivier Dubois (en collaboration avec Maria Grazia Quieti et Ugo Pica Ciamarra)

7. Type de module

Présentation thématique générale Matériels conceptuels et techniques Outils analytiques Études de cas et rapports Ressources complémentaires

8. Sujets principaux abordés dans ce module

L’agriculture dans le contexte macroéconomique Politiques agricoles et sous-sectorielles Politiques agro-alimentaires et chaîne alimentaire Environnement et durabilité Développement institutionnel et organisationnel Planification des investissements et politiques apparentées Pauvreté et sécurité alimentaire Intégration régionale et commerce international Développement rural

Page 80: Processus d’élaboration des politiques - 1ère partie ......Processus d’élaboration des poitiques – 1ère partie : Comprendre les processus d’élaboration des politiques

Module EASYPol 168 Matériels conceptuels et techniques

76

9. Sujets secondaires abordés dans ce module

Éléments et étapes des processus d’élaboration des politiques Analyse des politiques

10. Parcours de formation

Programme de formation aux politiques de la FAO

11. Mots clés

Processus d’élaboration des politiques, contexte de gouvernance, acteurs, contenu, impact, phases des politiques, analyse des politiques