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Attention, ceci est un compte-rendu de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi, les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par la Commission d’Autorisation de mise sur le marché de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et ne doivent donc pas être mises en pratique. le courrier du spécialiste SUPPLÉMENT Société éditrice : EDIMARK SAS CPPAP : 0915 T 86854 – ISSN : 1774-0789 PÉRIODIQUE DE FORMATION EN LANGUE FRANÇAISE Juillet-août 2011 Suppl. 1 au n° 4 - Vol. VII Ce numéro a été réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires • Prise en charge de la dépression unipolaire • Troubles bipolaires • Addictions D’après le 19 e congrès de l’European Psychiatric Association Rédacteur : J.P. Madiou (Paris) Vienne, Autriche, 12-15 mars 2011

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Page 1: Prise en charge de la dépression unipolaire • Troubles bipolaires • … · D’après la communication du Pr H.J. Möller, Munich (Allemagne), abstract WA-04-03 Cette session

Attention, ceci est un compte-rendu de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi, les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par la Commission d’Autorisation de mise sur le marché de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et ne doivent donc pas être mises en pratique.

l e c o u r r i e r d u s p é c i a l i s t e

SUPPLÉMENT

Société éditrice : EDIMARK SASCPPAP : 0915 T 86854 – ISSN : 1774-0789

PÉRIODIQUE DE FORMATION EN LANGUE FRANÇAISE

Juillet-août 2011Suppl. 1 au n° 4 - Vol. VII

Ce numéro a été réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires

• Prise en charge de la dépression unipolaire

• Troubles bipolaires

• Addictions

D’après le 19e congrès de l’European Psychiatric Association

Rédacteur : J.P. Madiou (Paris)

Vienne, Autriche, 12-15 mars 2011

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Supplément 1 au no 4 - Vol. VII juillet-août 2011

SommaireDirecteur de la publication :� Claudie Damour-Terrasson

Directeur scientifique :� Pr C.S. Peretti (Paris)

Rédacteurs en chef :� Pr P. Thomas (Lille) - Dr P. Nuss (Paris)

Comité de rédaction Prs et Drs M. Abbar (Nîmes) - E. Bacon (Strasbourg) R. de Beaurepaire (Paris) - M. Benoit (Nice) - O. Blin (Marseille) P. Courtet (Montpellier) - P. Delbrouck (Saint-Nazaire) N. Franck (Bron) - M. Godfryd (Étampes) J.M. Havet (Reims) - P.M. Llorca (Clermont-Ferrand) P.O. Mattei (Paris) - D. Servant (Lille) F. Thibaut (Rouen) - B. Verrecchia (Saumur)

Comité scientifique Prs et Drs J.F. Allilaire, Paris (France) C. Ballüs, Barcelone (Espagne) - H. Beckmann, Wurzbürg (Allemagne) - G. Besançon, Nantes (France) - D. Clark, Oxford (Grande-Bretagne) - G.B. Cassano, Pise (Italie) - L. Colonna, Rouen (France) - J. Cottraux, Lyon (France) - J.M. Danion, Strasbourg (France) - P. Dick, Genève (Suisse) - M. Escande, Toulouse (France) - A. Feline, Paris (France) - M. Ferreri, Paris (France) - R. Girard, Caen (France) - L. Gram, Odense (Danemark) J.J. Kress, Rennes (France) - M. Lader, Londres (Grande-Bretagne) M. Marie-Cardine, Lyon (France) - I. Marks, Londres (Grande-Bretagne) - J. Mendlewicz, Bruxelles (Belgique) D. Moussaoui, Casablanca (Maroc) - M. Murray, Londres (Grande-Bretagne) - P.J. Parquet, Lille (France) - M. Patris, Strasbourg (France) - G. Potkin, Irvine (États-Unis) - W.Z. Potter, Washington (États-Unis) - C. Pull, Luxembourg (Grand-Duché) G. Rudenko, Moscou (Russie) - B. Saletu, Vienne (Autriche) D. Sechter, Besançon (France) - L. Singer, Strasbourg (France) T. Uhde, Bethesda (États-Unis) - Van der Linden, Liège (Belgique) A. Villeneuve, Québec (Canada)

Comité de lecture Drs et Prs P. Alary (Saint-Lô) - D. Barbier (Avignon) F.J. Baylé (Paris) - N. Bazin (Versailles) - P. Fossati (Paris) P. Hardy (Paris) - E. Hoffmann (Strasbourg) - J.P. Kahn (Nancy) C. Lançon (Marseille) - M. Leboyer (Créteil) - P. Martin (Paris) J. Naudin (Marseille) - P. Robert (Nice) - P. Salame (Strasbourg) G. Schmit (Reims) - J.L. Senon (Poitiers) - H. Verdoux (Bordeaux) J.P. Vignat (Lyon) - M.A. Wolf (Montréal)

Société éditrice :� EDIMARK SAS

Président-directeur général :� Claudie Damour-Terrasson

RédactionSecrétaire générale de la rédaction :� Magali PelleauPremière secrétaire de rédaction :� Laurence MénardaisSecrétaire de rédaction :� Anne DesmortierRédacteurs-réviseurs :� Cécile Clerc, Sylvie Duverger, Muriel Lejeune, Philippe-André Lorin, Odile Prébin

InfographiePremier rédacteur graphiste :� Didier ArnoultRédacteurs graphistes :� Mathilde Aimée, Christine Brianchon, Sébastien Chevalier, Virginie Malicot, Rémy TranchantTechnicienne PAO :� Christelle OchinDessinatrice d’exécution :� Stéphanie Dairain

CommercialDirecteur du développement commercial Sophia Huleux-NetchevitchDirecteur des ventes :� Chantal GéribiDirecteur d’unité :� Béatrice Malka

Régie publicitaire et annonces professionnelles Valérie Glatin Tél. : 01 46 67 62 77 – Fax : 01 46 67 63 10

Responsable du service abonnements :� Badia Mansouri Tél. : 01 46 67 62 74 – Fax : 01 46 67 63 09

2, rue Sainte-Marie - 92418 Courbevoie CedexTél. : 01 46 67 63 00 – Fax : 01 46 67 63 10 E-mail : [email protected] Internet : www.edimark.frAdhérent au SPEPSRevue indexée dans la base PASCAL (INIST-CNRS)

Photographie de couverture : © Luftbildfotograf.

Les articles publiés dans La Lettre du Psychiatre le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.© mars 2005 - EDIMARK SAS - Dépôt légal : à parution. Imprimé en France - Axiom Graphic SAS - 95830 Cormeilles-en Vexin

Rédacteur : J.P. Madiou

AVANT-PROPOS 3

PRISE EN CHARGE DE LA DÉPRESSION UNIPOLAIRE 4

Antidépresseurs et dépression unipolaire : l’avis de l’European Psychiatric Association

Résistance au traitement dans la dépression unipolaire

De premiers résultats pour l’étude DEsCRIBE™

Dépression et troubles anxieuxInterview du Pr H. Westenberg

TROUBLES BIPOLAIRES 9

ENBREC : un nouveau projet de recherche européen

Prise en charge dans les conditions de la “vraie vie”, données du programme international AMSP

La question des interactions médicamenteuses

Efficacité d’un suivi après retour à domicile chez des patients présentant une schizophrénie ou des troubles bipolaires

Validation d’une version française de l’échelle Affective Disorder Evaluation

ADDICTIONS 11

Mémoire de travail et alcoolisme

Internet : bientôt une nouvelle addiction ?

Après un premier épisode psychotique, les femmes ont plus de difficultés à arrêter de fumer

Les toxicomanies sont associées à un risque plus élevé de suicide

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La Lettre du Psychiatre • Supplément 1 au no 4 - vol. VII - juillet-août 2011 | 3

AVANT- PROPOS

Les sessions du 19e congrès de l’European Psychiatry Association (EPA) ont eu lieu à Vienne (Autriche), du 12 au 15 mars 2011. Parmi les principaux thèmes abordés cette année au cours de ce congrès qui aura rassemblé

plus de 4 000 participants, la prise en charge de la dépression unipolaire, avec l’importance du choix de l’anti dépresseur de première ligne dans la dépression majeure, de même que l’importance de la prise en compte des comorbidités anxieuses. Le Pr Herman Westenberg, de l’université d’Utrecht (Pays-Bas), a accepté de répondre à nos questions sur ce sujet. Ce numéro spécial de La Lettre du Psychiatre fait également un point sur les troubles bipolaires, notamment sur un nouveau projet de recherche européen (European Network of Bipolar Research Expert Centers [ENBREC]), et sur la question des nouvelles addictions à Internet.

J.P. Madiou, Paris

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Escitalopram

SertralineBupropion

Citalopram

Fluoxétine

Paroxétine VenlafaxineMirtazapine

DuloxétineFluvoxamine

1,25

1,20

1,15

1,10

1,05

1,00

0,95

0,90

0,85

0,800,8 0,9 1,1 1,2 1,3 1,41,0

Efficacité (OR)

Tolé

ranc

e (OR

)

Figure 1. Escitalopram versus autres antidépresseurs de nouvelle génération : efficacité et tolérance (6).

4 | La Lettre du Psychiatre • Supplément 1 au no 4 - vol. VII - juillet-août 2011

EPA 2011

Prise en charge de la dépression unipolaireJ.P. Madiou*

* Paris.

Antidépresseurs et dépression unipolaire : l’avis de l’European Psychiatric AssociationD’après la communication du Pr H.J. Möller, Munich (Allemagne), abstract WA-04-03

Cette session était consacrée aux prochaines recom-mandations de l’European Psychiatric Association (EPA) sur la prise en charge de la dépression unipo-laire. Le Pr Möller a passé en revue les grandes études récentes, dont celles qui, comme la méta-analyse de I. Kirsch en 2008 (1), ont été à l’origine de controverses sur l’efficacité réelle des antidépres-seurs dans la dépression modérée. Deux nouvelles analyses publiées cette année retrouvent une diffé-rence d’efficacité entre antidépresseur et placebo de 2,18 (2) et de 2,80 (3) en lieu et place du ratio de 1,80 de I. Kirsch (1). Dans la dépression sévère, où l’efficacité des antidépresseurs a été particuliè-rement étudiée, les études randomisées contrôlées versus placebo les plus récentes montrent que le nombre de personnes à traiter (NNT) est de l’ordre

de 5 à 7 en aigu (4) et de 4 (ce qui correspond à une efficacité majeure) pour le traitement d’entretien dans une méta-analyse de 31 études où le taux de rechute était de 18 % dans le bras antidépresseur versus 41 % dans le bras placebo (5). Dans le traite-ment de première ligne de la dépression majeure, les cliniciens se trouvent aujourd’hui face à un nombre considérable de possibilités thérapeutiques, avec le problème du choix d’un antidépresseur qui doit être non seulement efficace mais également bien toléré. La méta-analyse de A. Cipriani et al., portant sur près de 26 000 patients (6), a montré que, parmi 12 antidépresseurs de nouvelle génération, les profils d’efficacité et de tolérance étaient très différents selon les molécules. Au total, les données de 117 études randomisées, dont 15 non publiées, regroupant 25 928 patients (dont 64 % de femmes) présentant une dépression majeure sur la période 1991-2007 ont été colligées. Cela a permis de comparer l’efficacité et l’acceptabilité de 12 antidépresseurs de nouvelle génération (bupropion, citalopram, duloxétine, escita-lopram, fluoxétine, fluvoxamine, milnacipran, mirtaza-pine, paroxétine, reboxétine, sertraline et venlafaxine).

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EPA 2011

Le critère principal d’évaluation était le pourcentage de patients ayant répondu au traitement ou ayant dû l’interrompre (évaluation à S8). Parmi les plus efficaces et les mieux acceptés, on retrouve l’escita-lopram (figure 1, page 4).Le Pr Möller a également insisté sur le risque suici-daire, globalement diminué sous antidépresseurs, mais qu’il est particulièrement important de prévenir chez les enfants et les jeunes adolescents et en cas de troubles de la personnalité. Enfin, une meilleure individualisation des traitements deviendra peut-être un jour possible, avec les progrès constants de la pharmacogénétique. Le monitorage des concen-trations plasmatiques (Therapeutic Drug Monitoring [TDM]) peut également être utile en cas d’échec du traitement alors que ce dernier a été administré à des doses suffisantes (suspicion de mauvaise compliance ou de variations interindividuelles du métabolisme), en cas de survenue d’effets indésirables ou d’intoxica-tions médicamenteuses et dans les groupes à risque (insuffisants rénaux ou hépatiques, sujets âgés).

Résistance au traitement dans la dépression unipolaireD’après la communication du Pr S. Kasper, Vienne (Autriche), abstract S04-01

Les différentes définitions de la dépression résistant au traitement dans les recommandations européennes demeurent complexes et controversées. Elles néces-sitent une réactualisation en profondeur, qu’il s’agisse de la classification clinique ou des recommandations thérapeutiques. La classification en 3 niveaux (A ou non-répondeurs, B ou dépression résistant au traite-ment avec résistance à au moins 2 antidépresseurs, et C ou dépression résistante chronique avec résis-tance à plusieurs classes incluant les associations sur une durée d’au moins 12 mois) [7] de même que les niveaux de résistance (5 niveaux, du stade 1 au stade 5) [8] ne paraissent plus aujourd’hui adaptés. L’étude STAR*D (Sequenced Treatment Alternative to Relieve Depression) a évalué l’intérêt de différentes séquences thérapeutiques dans le traitement du trouble dépressif majeur (9). Les patients (n = 2 876) ont été répartis entre 4 niveaux correspondant à diverses monothérapies, combinaisons ou associa-tions de traitements. Les résultats ont montré que plus de 60 % des patients ne présentent pas de rémis-sion après une première ligne d’antidépresseurs et que plusieurs étapes sont parfois nécessaires pour contrôler un trouble dépressif majeur. Ces étapes peuvent consister à augmenter les doses de l’anti-

dépresseur initialement utilisé (avec des différences pharmacocinétiques interindividuelles importantes), à avoir recours aux antipsychotiques atypiques, à l’association avec du lithium ou avec d’autres molé-cules, voire à l’administration de triiodothyronine.

De premiers résultats pour l’étude DEsCRIBE™D’après la communication du Pr K. Demyttenaere, Louvain (Belgique), communication orale

La prise en charge de la dépression comporte de nombreux défis : il est difficile d’établir le diagnostic, puis de le faire accepter ainsi que le traitement au patient et à son entourage ; les marqueurs biologiques diagnostiques sont absents ; l’efficacité des différentes options thérapeutiques est variable (seulement 54 % de taux de réponse dans des études à 8 semaines [10], taux élevé de rechutes et de récidives, etc.) et les facteurs psychosociaux (isolement, chômage, etc.) difficilement modifiables. Il y a également une diffé-rence importante entre les études randomisées et contrôlées et les conditions de la “vraie vie” : seuls 10 % des dépressifs sont susceptibles d’être inclus dans les études randomisées du fait des critères d’exclusion (idées suicidaires, comorbidités), et les moyens d’appréciation de l’efficacité sont limités aux échelles de dépression validées (HAM-D, MADRS) et à celles de l’appréciation du médecin (est-elle plus fiable que celle du patient ?) [11]. En avant-première à l’EPA, le Pr K. Demyttenaere a présenté une partie des résultats de l’étude DEsCRIBE™ (DEfinition of the CRIteria of BEing cured), qui s’intègre dans le programme PROACT® (PRognosis Optimization by Adequate Customized Therapy in mental disorders). Cette étude avait pour objectif de répondre à un certain nombre de questions : quels sont les éléments les plus importants dans la définition de la guérison ? Le sens du mot “guérison” est-il le même pour les patients, les psychiatres et les médecins généralistes ? Les patients et les médecins sont-ils en accord sur les objectifs du traitement ? L’attitude du médecin vis-à-vis de la dépression a-t-elle un effet sur sa prise en charge ? L’étude DEsCRIBE™ est une étude obser-vationnelle réalisée en Belgique sur un échantillon de 369 médecins sélectionnés par randomisation (30 % de réponse sur 1 240 praticiens contactés), à qui il a été demandé de répondre à un questionnaire de 52 items regroupés selon 6 dimensions (sous-échelles dépression, anxiété, symptômes somatiques, affect positif, fonctionnement psycho social et qualité de vie) [tableau I, p. 6].

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EPA 2011

Tableau I. Cinquante-deux items cotés de 1 à 5 : les 6 dimensions du questionnaire DEsCRIBE™.

Patients Final Health Questionnaire (PHQ-9 ; 9 items)

Sous-échelle dépression

Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS-A ; 7 items)

Sous-échelle anxiété

Patient Health Questionnaire (PHQ-somatic ; 13 items)

Sous-échelle symptômes somatiques

Positive and Negative Affect Schedule (PANAS-pos ; 10 items)

Sous-échelle affect positif

Sheehan Disability Scale (SDS ; 3 items)

Fonctionnement psychosocial

Abbreviated World Health Organization (WHOQOL-BREF ; 10 items)

Échelle de qualité de vie

Tableau II. Importance des 6 dimensions du questionnaire DEsCRIBE™ pour les psychiatres et les médecins généralistes. Chaque item a été coté de 1 à 5, 5, correspondant au maximum d’importance accordée.

Échelle Psychiatres Généralistes

Rang Score moyen Rang Score moyen

SDS 1 4,23 1 4,13

PHQ-9 2 4,04 2 3,86

WHOQOL-BREF 3 3,86 3 3,84

PANAS-pos 4 3,79 4 3,72

HADS-A 5 3,34 5 3,22

PHQ-somatic 6 2,50 6 2,61

Globalement, ces premiers résultats montrent que les psychiatres et les médecins généralistes accordent la même importance aux différentes

échelles utilisées dans le questionnaire DEsCRIBE™ (tableau II) : la “guérison” est validée par le fonc-tionnement psychosocial, les aspects dépressifs et anhédoniques, mais très peu par les symptômes somatiques. En revanche, des différences signifi-catives ont été constatées entre les psychiatres et les médecins généralistes en ce qui concerne leurs attitudes et leurs croyances respectives vis-à-vis de la dépression. Si les psychiatres prescrivent des anti-dépresseurs à une grande majorité de leurs patients (68,6 % pour qui plus de 50 % des patients reçoivent un antidépresseur), les médecins généralistes ne sont qu’une minorité à le faire (37,1 %), ce qui est inquiétant quand on sait que ce sont essentiellement les médecins généralistes qui prennent en charge les patients dépressifs à l’échelle d’une population. Les psychiatres sont également plus enclins à indivi-dualiser les objectifs thérapeutiques en fonction de leur patient (68 %), alors que, pour 47 % des géné-ralistes, les objectifs du traitement de la dépression sont les mêmes pour tous. Cela peut s’expliquer par les différentes attitudes qu’adoptent généralistes et psychiatres vis-à-vis de la dépression : 29 % des généralistes (versus 11 % des psychiatres ; p ≤ 0,001) ont du mal à faire la différence entre la tristesse et une dépression nécessitant un traitement, et 68 % (versus 46 % des psychiatres ; p ≤ 0,001) trouvent qu’il est particulièrement difficile de prendre en charge des patients dépressifs.

Dépression et troubles anxieuxInterview du Pr H. Westenberg, Utrecht (Pays-Bas)

Quelle est la prévalence des troubles anxieux dans la dépression ? Cette comorbidité anxieuse peut-elle avoir un effet sur l’efficacité du traitement antidépresseur ?

La coexistence de troubles anxieux et de troubles dépressifs est extrêmement fréquente, et on estime que 95 % des patients dépressifs présentent au moins 1 symptôme d’anxiété (12, 13). Une étude récente montre que, chez les patients dépressifs, 67 % présentent un trouble anxieux actuel et 75 % en ont eu ou en présenteront au cours de leur existence. Chez les patients présentant un trouble anxieux, la prévalence des troubles dépressifs actuels et passés ou à venir est respectivement de 63 % et

de 81 % (14). Dans environ 70 % des cas, les troubles anxieux précèdent la survenue des troubles dépres-sifs (15). Pour autant, il s’agit de pathologies bien distinctes, avec des critères diagnostiques spéci-fiques, mais dont les symptomatologies peuvent se recouper ; en outre, il existe des états mixtes anxio-dépressifs qui ne présentent pas l’ensemble des critères permettant de les classer comme étant l’une ou l’autre de ces 2 pathologies psychiatriques. Le pronostic de ces patients dépressifs présentant une comorbidité anxieuse est effectivement moins favorable, avec un âge de début des troubles plus précoce, des symptômes dépressifs plus sévères, une addiction à l’alcool ou aux substances illicites plus fréquente, une chronicité plus élevée et une moins bonne réponse au traitement, entraînant un recours aux soins plus fréquent (16, 17). Tout cela témoigne de la nécessité d’un traitement précoce des troubles anxieux afin de prévenir la survenue ultérieure de troubles dépressifs (tableau III, page 7).

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EPA 2011

Quelles sont les causes possibles de cette comorbidité anxio-dépressive ?

L’anxiété et la dépression partagent un certain nombre de symptômes, et les causes de l’intrication de ces 2 pathologies sont multiples : familiales, génétiques, neurobiologiques (dysrégulation sérotoninergique) et environnementales (stress, traumatismes, dysfonc-tionnement et retrait social). Concernant l’effet de l’histoire familiale, une relation forte a été mise en évidence entre les troubles dépressifs majeurs et l’an-xiété généralisée, alors qu’elle est moins importante pour le trouble panique ou le stress post-traumatique. Plus récemment, des facteurs génétiques ont été mis en cause, avec, pour le plus connu, le polymorphisme du gène transporteur de la sérotonine (5-HTTLPR) et différents variants de 5-HT1A, de 5-HT2A, de COMT ou du BDNF. Le système sérotoninergique semble égale-ment jouer un rôle clef dans la physiopathologie de l’anxiété et de la dépression, une liaison diminuée aux récepteurs 5-HT1A étant retrouvée dans ces 2 patho-logies. Cela explique que les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) soient efficaces à la fois dans la dépression majeure et dans les troubles anxieux.

Les antidépresseurs ont-ils tous une efficacité comparable sur les troubles anxieux ?

Au sein même de la classe des IRS, et en particulier des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la séro-tonine (ISRS), le ratio de sélectivité varie selon les molécules (figure 2), et un ratio de sélectivité plus élevé va de pair avec une activité anxiolytique accrue.L’efficacité anxiolytique des ISRS est plus importante que celle des inhibiteurs de la recapture de la nora-drénaline, ce qui explique que les ISRS soient devenus le traitement de première ligne de la dépression majeure et des troubles anxieux, ainsi que des états mixtes (19, 20). Une analyse post hoc récente d’une étude randomisée et contrôlée sur 24 semaines (459 patients présentant une dépression majeure − score MADRS initial ≥ 30 − randomisés pour rece-voir 20 mg d’escitalopram ou 40 mg de paroxétine) a comparé les résultats obtenus selon que les patients présentaient (n = 280) ou non (n = 171) un niveau initial d’anxiété élevé à la Hamilton Anxiety Scale (HAM-A > 20) [20]. Les résultats montrent que l’escitalopram a un effet antidépresseur encore plus marqué à 12 et à 24 semaines de traitement quand

le niveau initial d’anxiété est élevé, et que le pourcen-tage de patients obtenant une rémission complète est significativement plus élevé, qu’il s’agisse de la population totale de l’étude (p < 0,01) ou des patients avec un HAM-A initial ≥ 28 (figure 3).

Tableau III. Le traitement précoce des troubles anxieux permet de prévenir la survenue de troubles dépressifs (18).

Type de trouble anxieux Odds-ratio

Tous 0,44*

Anxiété généralisée 0,73*

Trouble panique 0,22*

Stress post-traumatique 0,46

Anxiété sociale 0,48*

* Statistiquement significatif, versus les patients non traités.

Sélectivité pour la sérotonine

Escitalopram

Citalopram

Paroxétine

Sertralin

eFlu

voxamineFlu

oxétine

Clomipramine

Amitriptylin

e

Nortriptylin

eDespira

mineReboxétin

eMaprotili

ne

Imipramine

Venlafaxine

Duloxétine

Sélectivité pour la noradrénaline

10 000 10 0001 000 1 000100 10010 100

Activité anxiolytique

TricycliquesISRSAutres

Figure 2. Ratios de sélectivité, données in vitro.

100908070605040302010

0

EscitalopramParoxétine

Tous(n = 451)

> 20(n = 280)

≥ 22(n = 254)

≥ 24(n = 201)

≥ 26(n = 166)

≥ 28(n = 120)

≥ 30(n = 84)

≥ 32(n = 67)

Score total HAM-A à l’inclusion280 patients dépressifs avec niveau initial d’anxiété élevé (HAM-A initial > 20) ; * p < 0,05 ; ** p < 0,01 ; *** p < 0,001 (Fisher’sExact Test) ; **** critère principal : S24.MADRS : échelle de dépression de Montgomery-Åsberg ; HAM-A : échelle d’anxiété de Hamilton ; LOCF : dernière observationrenseignée.

***

** ***

Rém

issio

n co

mpl

ète*

***

(HAM

-A ≤

4 et

MAD

RS ≤

5) [%

]

Figure 3. L’escitalopram a un effet antidépresseur encore plus marqué quand le niveau initial d’anxiété est élevé (HAM-A > 20) [20].

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8 | La Lettre du Psychiatre • Supplément 1 au no 4 - vol. VII - juillet-août 2011

EPA 2011

1. Kirsch I. Challenging received wisdom: antidepressants and the placebo effect. Mcgill J Med 2008;11(2):219-22.2. Fountoulakis KN, Möller HJ. Efficacy of antidepressants: a re-analysis and re-interpretation of the Kirsch data. Int J Neuropsychopharmacol 2011;14(3):405-12.3. Horder J, Browning M, Di Simplicio M, Cowen PJ, Harmer CJ. Effects of 7 days treatment with the cannabinoid type 1 receptor antagonist, rimonabant, on emotional processing. J Psychopharmacol 2011; sous presse. 4. Möller HJ. Isn’t the efficacy of antidepressants clinically relevant? A critical comment on the results of the metaa-nalysis by Kirsch et al. Eur Arch Psychiatry Clin Neurosci 2008;258(8):451-5.5. Geddes JR, Carney SM, Davies C et al. Relapse prevention with antidepressant drug treatment in depressive disorders: a systematic review. Lancet 2003;361(9358):653-61.6. Cipriani A, Furukawa TA, Salanti G et al. Comparative efficacy and acceptability of 12 new-generation antide-pressants: a multiple-treatments meta-analysis. Lancet 2009;373(9665):746-58.7. Souery D, Amsterdam J, de Montigny C et al. Treatment resis-tant depression: methodological overview and operational criteria. Eur Neuropsychopharmacol 1999;9(1-2):83-91.

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Troubles bipolairesJ.P. Madiou*

portant sur la prescription de psychotropes a comparé les données (2 jours de référence par hôpital et par année) relatives à des patients hospi-talisés pour troubles bipolaires durant les années 2000 (n = 210) et 2007 (n = 383). Les résultats montrent une diminution sensible du taux des patients sous monothérapie (4,7 % en 2007 versus 13,8 % en 2000 ; p < 0,001), alors que le pourcen-tage de patients recevant au moins 5 psychotropes augmente de façon significative (22,19 % en 2007 versus 10,95 % en 2000 ; p < 0,001). Dans les troubles bipolaires à prédominance dépressive, le lithium était le plus prescrit en 2000, à une dose moyenne de 675 mg/j, remplacé à la première place par l’acide valproïque (dose moyenne de 1 000 mg/j) en 2007. Dans les troubles bipolaires à prédominance maniaque, l’évolution des prescriptions est compa-rable : lithium (dose moyenne de 675 mg/j) en 2000 et acide valproïque (dose moyenne de 1 500 mg/j) en 2007.

La question des interactions médicamenteusesD’après la communication du Pr P. Baumann, Lausanne (Suisse), abstract S0503

Dans cette même session, où l’importance de la polythérapie chez les patients traités pour troubles bipolaires a été rappelée, la question des inte-ractions médicamenteuses a été abordée par le Pr P. Baumann. Si la plupart des recommandations préconisent une monothérapie en première inten-tion, une grande partie des patients reçoivent, en pratique, des associations dès que leur état maniaque a atteint un certain niveau de sévérité. Il est ainsi recommandé, en cas d’échec thérapeutique avec une monothérapie et après avoir vérifié l’observance du patient, d’effectuer des dosages plasmatiques du médicament (et, le cas échéant, des stupéfiants) et – éventuellement – d’augmenter la posologie des médicaments. En l’absence d’amélioration, il peut être proposé de changer de traitement thymorégula-teur ou de prescrire une association de traitements. Les stratégies thérapeutiques des formes résistantes peuvent donc inclure des polythérapies associant différents psychotropes. Leur combinaison justifie

ENBREC : un nouveau projet de recherche européenD’après la communication du Pr C. Henry, Inserm U955, Créteil (France), abstract W08-01

Le programme ENBREC (European Network of Bipolar Research Expert Centers), coordonné par le Pr Chantal Henry, est un projet européen (7th Framework Programme, European Commission Research and Innovation [FP7]) qui associe 6 pays afin de mettre en commun l’expérience de centres experts dans la prise en charge des troubles bipolaires. L’objectif est de recueillir des informations à la fois épidémiologiques, diagnostiques, thérapeutiques et relatives aux méca-nismes des troubles bipolaires. Une première étape a consisté à développer un système informatique permettant de collecter et de mettre en commun l’ensemble des données cliniques, dont une évalua-tion des troubles cognitifs (mémoire et fonctions exécutives). Les patients inclus sont réévalués de façon systématique tous les 6 mois. En parallèle, des études génétiques et des études de biomarqueurs sont réalisées sur des profils particuliers de patients, et des données issues de l’IRM seront collectées. Enfin, une analyse précise des variables psycho-pathologiques et des différents types de réponse au traitement est également planifiée. Ce programme a prévu d’inclure des patients issus non seulement d’études observationnelles mais aussi d’études inter-ventionnelles (développement d’une plate-forme pour des études cliniques multinationales) afin d’ob-tenir le plus de données possible sur cette pathologie caractérisée par son extrême hétérogénéité clinique, un retard au diagnostic important et une différence entre les recommandations et la pratique clinique.

Prise en charge dans les conditions de la “vraie vie”, données du programme international AMSPD’après la communication du Pr A. Konstantinidis, Vienne (Autriche), abstract S0502

Cette étude du programme de surveillance euro-péen Arzneimittelsicherheit in der Psychiatrie (AMSP)

* Paris.

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l’avis du spécialiste et requiert une vigilance parti-culière quant aux interactions médicamenteuses, la plupart de ces molécules étant inductrices ou inhibitrices des isoenzymes du cytochrome P-450. Chez le sujet âgé, en particulier, il faut tenir compte du volume de distribution diminué et vérifier l’inter-action potentielle des traitements concomitants (anti-inflammatoires non stéroïdiens, diurétiques) et des comorbidités associées susceptibles d’altérer le métabolisme d’excrétion des psychotropes. Les patients âgés sont en effet plus sensibles aux effets indésirables des médicaments, notamment à ceux du lithium (pour lequel des posologies plus faibles doivent être prescrites). Une mesure de la lithémie et de la créatininémie doit être réalisée au moins 2 fois par an, et systématiquement devant un état de déshydratation aiguë ou de confusion mentale.

Efficacité d’un suivi après retour à domicile chez des patients présentant une schizophrénie ou des troubles bipolairesD’après la communication du Dr V. Sharifi, Téhéran (Iran), abstract FC-22-05

Cette étude a randomisé 130 patients (70 présen-tant des troubles bipolaires, 60 une schizophrénie) à leur sortie de l’hôpital en 2 bras de traitement : suivi spécifique (visites mensuelles effectuées à domicile par une équipe pluridisciplinaire associant psychiatre, médecin généraliste et infirmière [n = 66]) ou suivi classique (n = 64). Au terme d’une période de suivi de 1 an avec évaluation tous les 4 mois dans les 2 bras, les résultats sont en faveur du bras suivi spécifique à domicile. La réduction du taux moyen de nouvelles hospitalisations est de 0,4 point dans ce bras, versus 0,07 point dans le bras suivi clas-sique (p = 0,011). Une amélioration significative-

ment plus importante des symptômes psychotiques (p = 0,003) a été constatée dans le bras suivi à domi-cile, de même que pour les symptômes dépressifs (p = 0,003), l’impression globale de sévérité de la maladie (p = 0,008) ou la satisfaction du patient vis-à-vis des soins prodigués (p < 0,001). En analyse multivariée, le suivi à domicile et le diagnostic de troubles bipolaires sont associés à un moindre taux de nouvelles hospitalisations.

Validation d’une version française de l’échelle Affective Disorder EvaluationD’après la communication du Dr C. Delmas, Lille (France), poster P01-200

Si de nombreuses échelles d’évaluation des troubles de l’humeur existent en psychiatrie, peu d’outils sont spécifiquement dédiés aux troubles bipolaires. Une équipe de Lille a réalisé auprès d’une popu-lation de 63 patients bipolaires une validation de la version française de l’échelle Affective Disorder Evaluation (ADE) utilisée dans les études STEP-BD (Systematic Treatment Enhancement Program for Bipolar Disorder). Les patients ont complété cette échelle et la version française de la DGIS (Diagnostic Interview for Genetic Studies), et les résultats ont été comparés. Ils mettent en évidence une très bonne concordance entre les 2 questionnaires en ce qui concerne le type de diagnostic bipolaire (κ = 1) et une différence non significative pour l’âge de début de la maladie. Le coefficient de concordance est faible pour les addictions (alcool [κ = 0,22] et cannabis [κ = 0,16]), ainsi que pour les troubles anxieux (attaques de panique [κ = 0,35], phobies [κ = 0,36]), les troubles obsessionnels compulsifs (κ = 0) et l’anorexie (κ = 0,04). Il est en revanche plus élevé pour les psychoses (illusions [κ = 0,78], hallu-cinations [κ = 0,69], tentatives de suicide [κ = 0,97], violences [κ = 0,47] et boulimies [κ = 0,47]). n

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AddictionsJ.P. Madiou*

Mémoire de travail et alcoolismeD’après la communication du Dr A. Heinzl, Berlin (Allemagne), abstract S02-01

La consommation chronique d’alcool entraîne des perturbations neuropsychologiques variables, pouvant aller de troubles réversibles à plus ou moins long terme chez les patients alcooliques chroniques à un déficit cognitif permanent propre aux patients présentant un syndrome de Korsakoff. Ces altérations touchent tout particulièrement la mémoire épisodique, les fonctions exécutives et la mémoire de travail (responsable du maintien à court terme et du traitement des informations). Ces déficits cognitifs peuvent compromettre la prise en charge et le maintien de l’abstinence chez les patients alcooliques chroniques, les techniques de prise en charge de l’abstinence nécessitant d’ac-quérir de nouvelles connaissances complexes. Cette étude allemande réalisée en IRM fonctionnelle (IRMf) montre que, par rapport à des sujets sains, le déficit de la mémoire de travail est corrélé à une diminution des relations entre le striatum ventral et le cortex dorsolatéral préfrontal. Une analyse combinant IRMf et tomographie par émission de positons (TEP) témoigne également d’une asso-ciation entre la diminution de la synthèse de la dopamine et les anomalies de l’activation céré-brale fonctionnelle chez ces patients alcooliques abstinents.

Internet : bientôt une nouvelle addiction ?D’après la communication du Dr K.W. Müller, Mayence (Allemagne), abstract FC18-03

L’addiction à Internet est en passe de devenir un sérieux problème de santé publique, au point qu’elle devrait être prise en compte dans la prochaine révi-sion du DSM (DSM-5). Les données épidémiologiques récentes estiment que 3 % environ des usagers habi-tuels d’Internet remplissent les critères d’une véritable

addiction. Cette étude réalisée en Allemagne à l’ini-tiative du ministère de la Santé a inclus 1 826 sujets hospitalisés pour des addictions, à qui 3 question-naires ont été proposés : 1 avait trait aux aspects de la personnalité (NEO-FFI) et 2 étaient des questionnaires psychopathologiques (SCL-90-R et BDI-II). Les résul-tats de cette étude, dont l’objectif principal était de dépister une comorbidité de l’addiction à Internet, montrent que 4,1 % des patients inclus remplissent ces critères d’addiction. Dans la plupart des cas, le diagnostic initial était une addiction au jeu ou une dépendance au cannabis. Parmi les traits de personna-lité, on retient une tendance névrotique et une intro-version. Les principaux symptômes associés étaient de caractère dépressif et à type d’insécurité sociale. Cette addiction à Internet semble particulièrement intéressante à rechercher dans une population de patients souffrant déjà d’addiction, sa prévalence y semblant sensiblement plus élevée que dans la popu-lation générale d’utilisateurs habituels.

Après un premier épisode psychotique, les femmes ont plus de difficultés à arrêter de fumerD’après la communication du Dr S. Alberich, Vitoria (Espagne), poster P01-03

Une étude espagnole s’est intéressée, sur une longue période de suivi (8 ans), à l’arrêt du tabac selon le sexe après un premier épisode psychotique. À l’inclusion, il n’y avait pas de différence entre les femmes et les hommes en ce qui concerne le taux de fumeurs actifs. À la fin de la période de suivi, après des évaluations à 1, 3 et 5 ans, les difficultés de sevrage tabagique sont significativement plus importantes chez les femmes (p = 0,017) et chez les patients traités par antipsychotiques atypiques (p = 0,032). Les patients présentant une addiction à l’alcool ont également tendance à continuer à fumer (p = 0,05), sans différence selon les sexes. Enfin, si la persistance d’une addiction au cannabis n’est

* Paris.

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pas associée au sevrage tabagique, les femmes qui continuent à consommer régulièrement du cannabis ont plus de difficultés que les hommes à arrêter de fumer (p = 0,036).

Les toxicomanies sont associées à un risque plus élevé de suicideD’après la communication du Dr D. de la Vega Sanchez, Madrid (Espagne), poster P01-21

Dans cette étude, également espagnole, 85 cas de tentatives de suicide sur l’année 2010 ont été analysés chez des patients présentant une addiction à l’alcool (64,3 %) ou à la cocaïne (47,7 %), les addic-tions au cannabis (17,2 %) ou à l’héroïne (23,6 %) étant moins fréquentes. L’abus de benzodiazépines était très fréquent dans cette population (38,2 %).

Des antécédents de tentatives de suicide ont été retrouvés chez 43,8 % des patients. Il s’agissait essentiellement de tentatives de suicide médica-menteuses (98,4 %), particulièrement avec des benzodiazépines et des antidépresseurs, mais des médicaments non à visée psychotrope ont égale-ment été utilisés. Les défenestrations, rares (2,34 %), ont toujours eu lieu dans le cadre d’une hospitalisa-tion à la demande du patient. Au total, la prévention des tentatives de suicide doit être renforcée chez les patients présentant des addictions, en particu-lier chez ceux traités par benzodiazépines ; dans ce dernier cas, la prescription doit être encadrée afin d’éviter le mieux possible le risque de surdosage volontaire. Les auteurs de cette étude avancent l’explication d’un effet désinhibant de certaines substances psychoactives, effet particulièrement redoutable en cas de toxicomanie médicamenteuse, fréquente dans ce type de population. n