prise en charge de j40 à j76 d’un adolescent de 15 ans
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Institut Régional de Formation aux Métiers de Rééducation et Réadaptation des Pays de la Loire
54, Rue de la Baugerie
44230 St Sébastien sur Loire
Année scolaire 2012-2013
Victor THARRAULT
Étudiant en 3ème
année d’Étude en Masso-Kinésithérapie
Promotion 2010-2013
Travail Écrit de Fin d'Etude
En vue de l'obtention du Diplôme d'Etat de Masseur-
Kinésithérapeute
Prise en charge de J40 à J76 d’un adolescent de
15 ans victime d’un accident de la voie publique.
L’adolescence, la prise de risque et le
positionnement du rééducateur
Résumé
Ce travail de fin d’étude traite de la prise en charge de Clovis, 15ans, victime d’un accident de
la voie publique ayant entrainé une fracture ouverte du fémur et de l’humérus. La réduction
chirurgicale des fractures a engendrée une paralysie radiale. Mon intervention auprès de ce
patient se passe de J40 à J76 de l’accident. Elle consiste à lutter contre les troubles cutané et
amyotrophique, récupérer les amplitudes physiologiques afin d’obtenir une marche sans
boiterie quand l’appui sera possible et enfin mettre en place et adapter des aides techniques
aux besoins du patient. En fin de prise en charge le patient marche mais nous n’observerons
pas d’amélioration du point de vue de la paralysie radiale. Cette prise en charge soulève des
questions sur les moyens d’obtentions des résultats, sur la difficulté de prise en charge d’un
adolescent ainsi que sur la juste distance thérapeutique. Nous tenterons d’y répondre lors de la
discussion.
Mots Clés / Key Words
Polytraumatisme / Polytrauma
Paralysie radiale / Radial Nerve Palsy
Adolescent / Adolescent
Distance Thérapeutique / Therapeutic Distance
Sommaire
I. Introduction .................................................................................................................1
II. Evaluation kinésithérapique initiale..............................................................................1
III. Bilan masso-kinésithérapique d’entrée à J40 (05/09/12) : .............................................3
IV. Bilan diagnostic Masso-Kinésithérapique :...................................................................9
1. Diagnostic Masso-kinésithérapique : ............................................................................9
2. Principes : .................................................................................................................. 10
3. Objectifs : .................................................................................................................. 11
4. Matériels et équipements à disposition sur le centre de rééducation pédiatrique :........ 11
V. Traitement mis en œuvre quotidiennement en kinésithérapie ...................................... 11
1. Lutte contre les troubles trophiques : .......................................................................... 11
2. Mobilisation passive : ................................................................................................ 12
3. Travail actif : ............................................................................................................. 13
4. Rééducation de la marche : ........................................................................................ 18
5. Adaptation des aides techniques : ............................................................................... 19
6. Travail postural .......................................................................................................... 20
VI. Bilan de fin de prise en charge à J76 (11/10/2012) : ................................................... 20
VII. Discussion ................................................................................................................. 22
1. Le choix des aides techniques : .................................................................................. 23
2. Prise en charge de la paralysie radiale : ...................................................................... 24
3. La reprise d’appui différée et progressive : ................................................................. 25
4. Adolescence et prise de risque : ................................................................................. 25
5. La juste distance thérapeutique : ................................................................................ 27
VIII. Conclusion ................................................................................................................. 29
IX. Bibliographie
X. Annexes
1
I. Introduction
Les accidents de deux roues motorisés sont certes en baisse depuis les années 2002 (1) mais
ils représentent encore 19% des accidents corporels en 2011. La catégorie des hommes de 15
à 19 ans est la plus touchée de toutes les catégories d’âge. Lors de ces accidents, près de 39%
des victimes doivent être hospitalisées.
Le traitement chirurgical des fractures chez l’enfant est toujours compliqué car le
chirurgien doit tenir compte des capacités de croissance de l’enfant et de la stabilité suffisante
du montage effectué. (2)
Comment aborder l’adolescent durant son hospitalisation ? Quels sont les
particularités de prise en charge d’un garçon de 15 ans ? Le masseur kinésithérapeute est un
acteur privilégié dans la relation avec l’enfant mais quels en sont les possibilités et les
limites ?
Je tenterai de répondre à ces questions à travers une réflexion basée sur l’analyse de la
situation clinique d’un jeune homme de 15 ans, Clovis. La prise en charge s’est déroulée de
J40 à J76 à l’Etablissement de Santé pour Enfants et Adolescents de la région Nantaise
(ESEAN).
Dans un premier temps de présentation et de bilan du patient au début de prise en
charge, nous fixerons les objectifs du traitement. Une seconde partie sur la mise en place du
traitement permettra de remarquer la particularité de la prise en charge pédiatrique basée sur
le jeu. Le bilan de fin de prise en charge sera l’occasion d’ouvrir sur une discussion autour des
différents questionnements qui ont été soulevé durant les 5 semaines de traitement.
II. Evaluation kinésithérapique initiale
Présentation du patient :
Clovis S, 15 ans, est admis à l’ESEAN le 13/08/2012, 17 jours après son accident de scooter.
Le garçon est en arrêt de travail pour son CAP de mécanicien agricole en alternance dans la
ville de St Mesmin en Vendée. Il habite chez ses parents avec sa petite sœur dans une maison
à étage. La famille a réussi à aménager une chambre au rez-de-chaussée et la salle de bain se
situe au même niveau. Le patient, qui est gaucher, ne pratique pas d’activité sportive
régulière. Ses occupations sont : le travail manuel (réparer ses mobylettes …), sortir avec ses
2
amis, jouer aux jeux vidéo … Il mesure 1,62 pour 42 kg ce qui correspond à un IMC de 16 :
on peut considérer le patient comme maigre. Il n’a pas fini sa croissance car d’après le compte
rendu préopératoire l’ossification du bassin n’est pas finie. Le premier jour le patient se
présente en fauteuil roulant manuel avec une attelle d’extension pour le coude gauche ainsi
qu’un bas de contention pour la jambe gauche.
Antécédents :
Une fracture du poignet vers 3 / 4 ans traitée orthopédiquement.
Polytraumatisme suite à un accident de scooter :
Le 27/07/2012 le patient se fait percuter par une voiture alors qu’il était en scooter. Il est
transféré au Centre Hospitalier Départemental de La Roche Sur Yon. Suite à cet accident le
patient présente :
- Une fracture ouverte cauchoix II sans complication vasculo-nerveuse distale du tiers
moyen/tiers inferieur de la diaphyse humérale gauche
- Une fracture ouverte sous-trochantero-diaphysaire, cauchoix II, sans complication
vasculo-nerveuse distale
- Un traumatisme thoracique avec lame de pneumothorax antérieur droit
- Un traumatisme crânien avec obnubilation sans lésion intracrânienne
Lors de l’opération, le chirurgien doit replacer le nerf radial au dessus de la plaque Zimmer.
Ce geste a entrainé une paralysie radiale gauche.
Traitement chirurgical :
Pour la fracture humérale : ostéosynthèse par plaque verrouillée Zimmer.
Pour la fracture fémorale : ostéosynthèse à ciel ouvert par vis-plaque D.H.S. plus greffe
osseuse par allogreffe biobank.
Les consignes chirurgicales autorisent le lever sans appui sur le membre inférieur gauche pour
une durée de six semaines.
Traitement médical :
- lyrica 25 : 1 matin et soir pour traiter les douleurs neuropathiques,
- doliprane : 1 comprimé toutes les 6h si douleur,
3
- lovenox : 2000UI/0,2ml 1 injection/soir,
- transipeg : si pas de selle >2 jours,
- betneval : 1 application/jour sur les cicatrices
Traitement rééducatif :
Clovis a deux séances de 40 minutes de kinésithérapie ainsi que 2 séances d’ergothérapie par
jour. Il a aussi l’occasion de pratiquer une activité physique adaptée avec un éducateur sportif
une fois par jour.
III. Bilan masso-kinésithérapique d’entrée à J40 (05/09/12) :
Douleur :
Le patient ne présente pas de douleur spontanée. A la mobilisation passive en extension de
coude, extension de poignet et ouverture de la main Clovis ressent une douleur qu’il cote à
4/10 sur Echelle Visuelle Analogique (EVA). Cette douleur est à type de tiraillement au
niveau du creux du coude, du pli de flexion du poignet et de la loge thénar.
Cutané Trophique et Vasculaire :
Le bras gauche du patient montre une cicatrice de 13cm sur la face latérale. Deux cicatrices
se retrouvent sur la face latérale de cuisse, une pour l’acte chirurgicale de 19cm et une pour la
fracture ouverte de 3,5cm. Les cicatrices sont mobiles, excepté la partie supérieure de la
grande cicatrice de la jambe qui n’était pas sous le bas de contention. Elles sont encore en
phase de modelage : elles sont de couleur rouge et légèrement surélevées par rapport au plan
de la peau.
Aucun signe de thrombose veineuse profonde n’est retrouvé : pas de douleur à la palpation, ni
de chaleur et pas de perte du ballant des masses musculaires. Aucun œdème n’est remarqué.
Sensibilité (3) :
Aucun trouble de la sensibilité statesthésique n’est à relever au membre supérieur gauche : le
patient arrive à percevoir, les yeux fermés, dans quelles positions sont ses doigts, son poignet,
son coude lors de mobilisations passives.
Au niveau de la sensibilité superficielle, une hypoesthésie au niveau de la face postérieure de
l’avant bras gauche est à noter. « Comme si il y avait une feuille de papier » entre le doigt de
4
l’examinateur et l’avant bras du sujet. Cette sensation se retrouve sur la partie haute du
territoire sensitif du nerf radial. Le test du pique/touche est à 6/10. La présence d’une
allodynie sur le bord ulnaire de la main gauche est mise en évidence. Lorsque l’examinateur
créé un stimulus normalement non désagréable, le touché du pique/touche par exemple, le
patient ressent une douleur.
La sensibilité thermoalgique est elle aussi perturbée. Le patient ne fait pas un sans faute sur le
test des tubes remplis d’eau chaude ou froide. Il n’y a pas de sensibilité de protection au
niveau de la face postérieure de l’avant-bras gauche, ni de la face postérieure de la main
gauche, ni de la face antérieure du 5ème
rayon de la main gauche.
Aucun déficit de stéréognosie n’est relevé dans le creux de la main.
Morphostatique/morphologique :
Le patient présente une attitude générale en cyphose lorsqu’il est assis mais disparait lorsqu’il
fait l’effort de se redresser. Lors de l’observation, l’épaule gauche est visiblement plus haute
et la scapula gauche est sagitalisée. Lorsque l’attelle du membre supérieur est retirée on note
une attitude en flexion de coude de 15°, une main en fléau, un poignet tombant ainsi qu’une
disparition du relief du brachioradial et de la loge thénar. Au niveau de l’épaule l’observation
montre une fonte musculaire de la région supra et infra épineuse gauche.
Articulaire :
[Tableau 1 : amplitude articulaire des membres inférieurs à partir de mesures
goniométriques]
Mouvement testé Amplitude gauche Amplitude droite déficience
Flexion de genou 135° 165° -30°
Flexion de hanche 125° 140° -15°
Extension de hanche 10° 20° -10°
Rotation médiale de
fémur
40° 50° -10°
Abduction de fémur 55° 65° -10°
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[Tableau 2 : amplitude articulaire des membres supérieurs à partir de mesures
goniométriques]
Musculaire :
A l’observation le membre inférieur et supérieur gauche semblent amyotrophiés. Ce qui est
confirmé par les mesures centimétriques suivantes :
[Tableau 3 : Périmétries centimétrique de segment de membre]
Gauche Droite Différence
+10cm de l’olécrane 20cm 21cm -1cm
-10cm de l’olécrane 17cm 19cm -2cm
+10cm de patella 31cm 33cm -2cm
Base de la patella 31cm 32cm -1cm
-10cm sous la patella 26cm 27cm -1cm
Mouvement testé Amplitude gauche Amplitude droite déficience
Extension de
poignet
40° 85° -45°
Extension de
coude
-10° 15° -25°
Abduction de
pouce
45° 60° -15°
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[Tableau 4 : Bilan musculaire d’après la cotation international (4)pour le membre
supérieur gauche]
Pour le membre inférieur gauche tous les mouvements sont réalisables contre pesanteur et
d’après les consignes chirurgicales aucune résistance ne peut être appliquée.
Respiratoire :
L’épreuve fonctionnelle respiratoire faite le 27/09/2012 ne démontre aucun déficit : toutes les
valeurs sont supérieures à 80% des valeurs théoriques.
Fonction Muscle Cotation (Annexe 1)
Flexion du coude
Brachio-radial 1
Supination de l’avant bras :
Supinateur 1
Extension de poignet :
Long extenseur radial du carpe 1
Court extenseur radial du carpe 1
Extenseur ulnaire du carpe 1
Abduction du pouce
Long abducteur du I 1
Court abducteur du I 1
Extension des métacarpo-
phalangienne et inter-
phalangienne du pouce :
Long extenseur du I 1
Court extenseur du I 1
Extension de l’articulation
métacarpo-phalangienne :
Extenseur des doigts 1
Extenseur du II 1
Extenseur du V 1
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Equilibre :
Les réactions parachutes sont présentes uniquement du côté droit quand le patient est assis
puisqu’il a l’interdiction d’appui avec le membre supérieur gauche. Pour passer debout il
s’appuie sur son bras droit afin d’avoir une poussée suffisante. Debout le patient n’a pas le
droit à l’appui du membre inférieur gauche, il se tient donc en station unipodal droit. C’est
une station que Clovis arrive à maintenir plus de 5 secondes les yeux fermés. Ce qui lui
procure une bonne stabilité dans les transferts assis/debout et debout/assis.
Comportement Social :
Le patient est souriant, rit avec toute l’équipe soignante. Il est souvent dans la chambre d’un
autre patient un peu plus âgé que lui. Il semble s’être fait quelques camarades avec qui il
discute avant de venir en salle de rééducation. Clovis a conscience de la gravité de son
accident et sait qu’il a eu de la chance de ne pas avoir été plus gravement touché.
Déficit de structure :
La peau : Les cicatrices au niveau du membre inférieur et supérieur gauche.
Les muscles : L’amyotrophie générale du côté gauche, les rétractions musculaires du membre
supérieur et inférieur gauche.
Les nerfs : Le nerf radial gauche qui a été touché lors de l’opération chirurgicale.
Les os : Les fractures fémorale et humérale traitées par vis-plaque et par plaque.
Déficit de fonction :
Musculaire : Le déficit de force musculaire remarqué au niveau du membre supérieur et
l’amyotrophie générale du coté gauche. On observe aussi des rétractions musculaires au
membre supérieur et membre inférieur gauche.
Articulaire : Il y a un déficit d’extension de la main ainsi que du coude en actif et en passif et
un déficit de mobilité au niveau de la hanche et de la flexion de genou.
La marche car l’appui n’est toujours pas autorisé.
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Limitation d’activité : (Annexe 2)
Toilette : se fait seul mais sous surveillance pour les transferts. A noter des difficultés pour les
soins des membres inférieurs.
Habillage : doit demander de l’aide pour le bas de contention, les chaussettes et faire les lacets
Repas : les prend seul mais a des difficultés pour couper la viande
Déplacement : En fauteuil roulant manuel, il se propulse avec la main droite et le pied droit.
Clovis arrive à monter les escaliers de chez lui sur les fesses sans prendre appui sur le bras et
la jambe gauche.
Transfert : les transferts sont validés seul, même s’il faut faire attention car le patient est jeune
et en voulant faire vite il oublie parfois de mettre un frein du fauteuil. Les transferts se font
grâce à un appui unipodal. Les retournements se font uniquement sur le côté droit.
Restriction de participation :
L’hospitalisation en elle-même est une restriction socio-familiale car l’adolescent n’habite pas
à Nantes et il ne reçoit pas de la visite tout les jours cependant il rentre tous les weekends. De
plus le garçon s’est lié d’amitié avec d’autres enfants du centre. Du point de vue de sa
scolarité, il récupère les cours théoriques une semaine sur trois mais ne peut travailler dans
l’entreprise qui l’emploie en alternance. Il a en plus, des cours de français, de mathématique
et d’anglais avec des professeurs de l’établissement de soin. Cependant il ne peut plus
pratiquer de réparations sur ses mobylettes.
Environnement et contexte :
Le patient est en hospitalisation complète dans un centre de soin qui comprend une équipe
pluridisciplinaire composée de médecin rééducateurs, kinésithérapeutes, ergothérapeutes,
psychomotriciens, orthophonistes pour la partie de soins de rééducation. Sur place il y a aussi
la présence d’aides-soignantes, d’infirmières pour les soins hospitaliers, de plus la prise en
charge scolaire et sociale est assurée par un animateur, des enseignants de lycée et des
assistantes sociales. Le centre est neuf et fonctionnel puisque beaucoup d’enfants se déplacent
en fauteuils, cannes anglaises ou à l’aide de déambulateur. Les weekends chez lui, Clovis se
déplace en fauteuil roulant manuel et ne rapporte pas avoir de problème pour se mouvoir chez
lui.
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IV. Bilan diagnostic Masso-Kinésithérapique :
1. Diagnostic Masso-kinésithérapique :
L’accident de Clovis a entrainé des lésions au niveau des structures osseuses, l’humérus
gauche et le fémur gauche ainsi qu’au niveau de la peau puisque ce sont des fractures
ouvertes. Celles-ci ont été réduites chirurgicalement. Suite à la chirurgie, une immobilisation
coude au corps durant 4 semaines a été prescrite. Cette immobilisation a entrainé une baisse
d’utilisation du membre supérieur gauche. L’exclusion du bras a favorisé l’apparition de
rétraction capsulo-ligamentaire ainsi que les rétractions musculaires. Ces rétractions sont
objectivées par le flessum de coude de 10° observé ainsi que par les arrêts élastiques en fin
d’amplitude articulaire. L’immobilisation est aussi à l’origine de la fonte musculaire. Les
rétractions musculaires ainsi que la fonte musculaire de la région brachial et antébrachial ont
été favorisées par la paralysie radiale. C’est lors du geste chirurgicale, quand le chirurgien a
du replacer le nerf sur la plaque Zimmer, que la paralysie s’est déclenchée. Ces différents
déficits de structures vont entrainer des déficits de mobilité du membre supérieur en passif
pour les différentes rétractions, sur les mouvements d’extension de coude, d’extension de
poignet ainsi que sur les mouvements d’ouverture de la main. En actif, les mouvements
d’extension de poignet, des métacarpo-phalangiennes et d’ouverture de la main seront limités
par la paralysie (5).
Cela le limite dans ses activités notamment pour les repas, l’habillage et la toilette. La viande
doit être coupée au préalable et Clovis doit se faire aider par une tiers personne pour enfiler
ses chaussettes et son bas de contention. Lors de la toilette le patient reçoit aussi de l’aide
pour le soin des pieds et du membre supérieur droit. Le patient étant gaucher, il se trouve mis
en difficulté pendant les différents cours qu’il suit au centre. Il ne peut écrire de façon rapide
et lisible. La mise en place de l’attelle d’extension de poignet a permis à Clovis de gagner en
rapidité mais cela ne suffit toujours pas à suivre un cours normalement. Les différents déficits
de fonction relevés le restreignent aussi lors de ses déplacements. En effet comme il doit se
déplacer en fauteuil roulant manuel il ne peut pas se propulser avec ses deux mains. Ce mode
de déplacement est beaucoup plus fatiguant pour le patient que lors de l’utilisation normale
d’un fauteuil roulant. La paralysie radiale lui interdit aussi les prises fines qui lui sont
nécessaires à ses activités de réparation de mobylette.
Les suites opératoires nécessitent une mise en décharge du membre inférieur gauche. Cette
mise en décharge a duré jusqu’à la radiographie de contrôle 7 semaines après l’opération.
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Cette sous-utilisation du membre inférieur a entrainé une amyotrophie des grands groupes
musculaires des extenseurs et fléchisseurs de jambe ainsi que les fléchisseurs plantaires,
comme le démontre les différentes périmétries effectuées. L’examen permet aussi de mettre
en évidence des rétractions musculaires et capsulo-ligamentaires du membre inférieur. Les
consignes post-chirurgicales entrainent donc un déficit de l’activité de la marche ainsi que de
la mobilité de la jambe gauche.
Ces déficits engendrent des limitations du point de vue des transferts et des déplacements, qui
font directement intervenir l’appui du membre au sol, mais entrainent aussi des limitations
pour l’habillage et la toilettes. En effet comme on retrouve une limitation au niveau du
membre supérieur et une limitation au niveau du membre inférieur il n’y a plus de
compensation possible pas l’un ou l’autre membre.
Toutes ces limitations d’activité font que le patient doit être pris en charge par une équipe
pluridisciplinaire de soignant : médecins, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, infirmières … et
c’est à l’ESEAN qu’il vient bénéficier de ces différents soins. L’établissement se trouve à
environ une heure de voiture du logement familial, il ne pourra pas voir sa famille est ses amis
durant la période d’hospitalisation. Il a cependant la possibilité de rentrer tout les weekends ce
qui limite l’impact social de cette séparation. Rappelons que Clovis suit un CAP de
mécanicien agricole en alternance et du fait de son hospitalisation il ne pourra pas se présenter
à son entreprise le jour de la rentrée et ne pourra pas non plus suivre les cours dans son
établissement durant les premier mois.
2. Principes :
Respecter l’appui 0% prescrit jusqu’à nouvelle consigne du chirurgien du 17/09/2012
Respecter la douleur et la fatigabilité du patient
Ne pas appliquer de contraintes en cisaillement au niveau du membre supérieur gauche ainsi
que pour le membre inférieur gauche.
Ne mobiliser que dans les amplitudes physiologiques du patient afin de ne pas créer de lésion
capsulo ligamentaire sur les articulations
Soutenir la motivation du patient en proposant des exercices ludiques/nouveaux
Tenir compte des déséquilibres posturaux en associant une prise en charge globale
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3. Objectifs :
Gagner en amplitude en vue de réduire le flessum de coude de 10° et les déficits
d’amplitudes de hanche et de genou
Lutter contre l’amyotrophie globale liée à la baisse d’activité physique et la sous utilisation
des membres supérieurs et inférieurs
Lutter contre les adhérences cicatricielles situées sur la partie supéro-latérale de cuisse.
Accompagner une remise en charge progressive sur 2 semaines à partir du 17/09/2012
Rééduquer la marche afin que le patient puisse déambuler sans boiterie tout en ayant une
marche rapide et économique.
Mettre en place et adapter des aides techniques aux besoins et aux évolutions du patient
4. Matériels et équipements à disposition sur le centre de rééducation
pédiatrique :
Les moyens mis à disposition au centre de soin sont : un plateau technique avec des plans de
Bobath, des tapis au sol et des barres parallèles. De nombreux jeux sont disponibles sur le
plateau technique. Il existe aussi des salles plus petites et plus au calme utilisées pour les soins
individuels ou lorsqu’un patient a besoin d’être pris en charge séparé des autres enfants.
Un bassin de balnéothérapie est aussi intégré au centre mais celui-ci est fermé pour la majeure
partie de la prise en charge de Clovis. Le bassin n’est rouvert que pour la dernière semaine de
suivie et ne sera pas utilisé lors de la remise en charge progressive.
Du point de vue équipement le centre est aussi pourvu d’un appareil de types LPG®.
V. Traitement mis en œuvre quotidiennement en kinésithérapie
1. Lutte contre les troubles trophiques :
Le massage cicatriciel : le patient est installé dans une position confortable en décubitus
dorsale. Le masseur-kinésithérapeute fait un pli de peau entre l’index et le pouce puis
mobilise ce pli : tout d’abord en effectuant un pétrissage superficiel, puis en rapprochant les
berges de la cicatrice. Le praticien s’attarde sur les zones dites adhérentes. Chez Clovis c’est
la partie supérieure de la cicatrice de la voie d’abord chirurgicale de la jambe. Pour ce
traitement aucun adjuvant ne sera utilisé pour pouvoir faire des plis de peau plus facilement.
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Lors de ce massage, la peau et la cicatrice deviennent légèrement rouges ce qui marque une
hypervascularisation de la zone traitée. Cet effet augmente les échanges cellulaires et donc la
nutrition cellulaire. Cela permet aussi d’augmenter l’élasticité et la tonicité de la peau.
L’apport important de sang assurera aussi une meilleure élimination des toxines et d’apport en
nutriment (6).
Le centre est équipé d’une machine LPG®. Cette machine utilise l’effet du palper rouler
associé à une aspiration. Cette technique permet d’avoir les mêmes effets que décrits
précédemment. Différentes têtes pourront être utilisées car les cicatrices n’ont pas toutes la
même surface. Pour que le traitement soit mieux supporté une crème hydratante neutre est
appliquée en même temps.
2. Mobilisation passive :
Il faudra distinguer 2 types de mobilisations passives différentes :
Tout d’abord des mobilisations à but d’entretien articulaire qui s’intéresseront aux
articulations périphériques non limitées. Elles permettent de garder une mobilité aux segments
qui sont non utilisés comme les différentes articulations intrinsèques du pied gauche et de la
cheville gauche pour Clovis. Lorsqu’une articulation est immobilisée momentanément elle
perd ses qualités trophiques. Pour maintenir une bonne lubrification des surfaces articulaires
ainsi que pour préserver les différents plans de glissement des tissus mous ces mobilisations
sont indispensables (7). Ces mobilisations analytiques se font avec une prise et une contre
prise de part et d’autre de l’articulation en respectant les plans de glissement et les différents
types de surfaces articulaires.
Le deuxième genre de mobilisation est appelé « mobilisation de récupération d’amplitude ».
Elles ont pour but de récupérer les amplitudes existantes avant l’épisode d’immobilisation ou
pathologique du patient. Avec Clovis c’est une immobilisation prolongée qui a créé les
différentes rétractions musculaires. Pour lutter contre celles-ci, le masseur-kinésithérapeute
pratiquera sur le patient des mobilisations passives douces à visées d’ouverture et de gain
d’amplitude.
Au niveau du membre supérieur : le patient est installé en bords de table avec le bras gauche
en dehors. Le praticien, avec une prise en berceau au niveau du bras, mobilise l’avant- bras
en extension. Le but est d’aller dans l’amplitude maximale et de tenir un temps posturant en
fin de mouvement. Le temps de repos est égal au temps total de mobilisation et de posture. Le
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thérapeute peut y associer une extension de poignet ainsi qu’une ouverture de la main pour
augmenter l’étirement et pouvoir travailler les différentes amplitudes limitées en un seul
mouvement. Une traction caudale sera appliquée au niveau de la prise pour créer une légère
décoaptation qui permettra des micromouvements au niveau du montage chirurgicale et
favorisera les facteurs de consolidation osseuse.
Pour le membre inférieur gauche les mêmes principes que pour le membre supérieur seront
appliqués. Les amplitudes recherchées seront : flexion, extension, abduction et rotation
médiale de hanche ainsi que la flexion de genou. Le patient allongé sur une table réglable et le
masseur-kinésithérapeute mobilise son membre inférieur grâce à une prise en berceau.
3. Travail actif :
Le travail actif du membre supérieur gauche se fait de deux manières : global et analytique.
Le travail global est très souvent associé au travail du membre inférieur.
Exercice pour la fonction de préhension : le patient doit attraper des cubes en mousse qu’il
doit jeter dans un panier ou une caisse. Il doit uniquement se servir de sa main gauche.
Exercice de renforcement : En analytique, un poids de 500 grammes est fixé au poignet de
Clovis car il ne peut pas prendre l’haltère dans la main gauche. Assis sur un plan de Bobath
les bras le long du corps, il doit exécuter des flexions de coude. Habituellement 3 à 4 séries de
10 répétitions sont faites, en fonction de son état de fatigue. Lors de cet exercice il est
demandé au patient d’essayer le poignet le plus en rectitude possible pour faire travailler les
muscles stabilisateurs du poignet.
De manière plus globale, le patient est assis avec un bâton entre les mains. Il commence bras
tendu devant lui et doit lever le bâton au dessus de sa tête puis fléchir les bras pour faire
passer le bâton derrière sa tête. Puis il fait le trajet retour. Le patient peut être installé en face
d’une glace pour qu’il puisse contrôler lui-même ses épaules car il a tendance à compenser en
faisant une élévation exagérée de l’épaule gauche. 2 à 3 séries de 10 aller/retour sont
effectuées par Clovis. Durant ce travail, il doit faire un travail de gainage afin d’éviter son
attitude cyphosante de plus il doit prendre une grande inspiration lors de l’élévation du bâton
au dessus de sa tête puis une expiration lors de la descente du bâton.
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Travail actif du membre inférieur :
Le travail actif du membre inférieur s’est déroulé en 3 phases : une première phase sans appui
autorisé (J40 à J49), une seconde période de reprise d’appui progressif (J49 à J70) et une
période avec appui total autorisé (au delà de J70)
Lors de la première phase de travail, des exercices sur tapis ou plan de Bobath sont proposés
au patient. Les exercices analytiques ne sont pas bien acceptés par l’adolescent contrairement
à des exercices plus globaux et ludiques.
La tour de cube : Le patient assis sur
les fesses et en appui sur les mains doit
faire une tour de cube en utilisant que
ses membres inférieurs. Pour ce faire il
prend un cube entre ses pieds et doit en
empiler le plus possible et le plus droit
possible (cf. figure 1). Cet exercice
permet de faire travailler tous les
groupes musculaires des membres
inférieurs : des orteils jusqu’à la
hanche. Plus la tour est grande plus le
patient doit faire travailler ses fléchisseurs de hanche. Le contrôle du mouvement doit être le
plus fin possible pour augmenter le nombre de cubes de la tour. Cet exercice permet aussi de
quantifier facilement la hauteur de la tour et permet de stimuler le patient lors de la
reproduction de l’exercice.
L’horloge : Le patient est installé sur un tapis assis sur les fesses jambe tendu. Le but de
l’exercice est de faire des « tours d’horloge ». Pour ce faire le patient décale une jambe après
l’autre en faisant une légère flexion de hanche et une abduction pour la « première » jambe et
une adduction pour la « seconde » jambe. Cet exercice permet de faire travailler les
abducteurs et adducteurs de hanche de manière dynamique. Un changement de sens de
l’horloge permet d’inverser le travail des groupes musculaires. La progression de l’exercice
peut se faire de plusieurs façons : en mettant des obstacles autour du patient, il devra alors
faire une plus grande flexion de hanche, les objets pourront être de différentes hauteurs. En
augmentant le nombre de tours à faire ou encore en traçant des lignes à la craie au sol pour
Figure 1 "La tour de cube"
15
recréer une vraie horloge et ainsi demander des « heures » au patient. Le chronométrage est
un bon moyen de motivation pour le patient car c’est un jeune garçon qui a un esprit de
compétition assez développé et la recherche de records est un bon stimulant pour lui.
Durant la phase d’appui progressif le système de balance est très utile pour pouvoir quantifier
le pourcentage d’appui sur chaque exercice. Il est décidé avec les masseur-kinésithérapeutes
du centre que la progression de l’appui sur la jambe gauche se fera en augmentant de 20%
(soit 8,4 kg) tous les 2 jours pour arriver à 100% au bout de deux semaines de prise en charge.
Pour chaque exercice des mesures sur balance sont faites au préalable afin de vérifier le
pourcentage d’appui.
Les exercices nécessitant 20% d’appui
L’escargot : le patient est installé au tapis, les fesses sur le sol, en appui sur les talons et les
mains. Il doit ensuite se déplacer en soulevant les fesses et en les rapprochant des talons. Ce
mode de déplacement permet de faire travailler la chaine de triple flexion en chaine fermée et
la stabilité de la ceinture scapulaire. Au niveau du membre supérieur cet exercice recréé les
conditions de propulsion du béquillage mais avec un moindre appui pour les bras. Afin de
motiver le patient, les pièces d’un puzzle ou des cubes en mousse peuvent être transportés
d’un bout à l’autre du tapis.
Le ponté pelvien avec les deux jambes
au sol : Le patient est en décubitus
dorsal genoux fléchis et les pieds à plat
au sol. Durant l’exercice il doit
soulever les fesses en gardant un
alignement entre ses épaules, son
bassin et ses genoux (cf. figure 2). Cet
exercice a pour but un travail plus
statique de la chaine postérieur des
membres inférieur et du rachis que le
précédent. Lors de la manœuvre le
patient doit faire passer des objets avec ses bras autour de son ventre. L’utilisation des cubes
en mousse permet de faire le lien avec l’exercice de la tour de cube. Plus le patient pourra
Figure 2 Ponté pelvien avec les 2 membres inférieurs en appui
16
faire passer de cube sous ses fesses plus il pourra en utiliser pour l’exercice de la tour de cube
et plus il aura de chance de battre son record de hauteur.
Le chevalier servant avec la jambe lésée en position haute : le patient est placé dans la
position de l’énoncé et doit maintenir la position. L’apport d’un élément perturbateur comme
faire des passes avec un ballon ou un jeu de fléchette permettra au patient de mettre en place
des stratégies d’équilibration de hanche qu’il pourra réutiliser lors du passage debout.
Les exercices nécessitant 40% d’appui :
La marche à genou avec un ballon de Klein comme
support pour les membres supérieurs : Le patient est
installé sur un tapis et peut se déplacer sur les
genoux à condition de prendre appui avec les
membres supérieurs sur un petit ballon de Klein (cf.
figure 3). Ce travail permet de recréer une marche
et ainsi conserver un schéma moteur à peu près
équivalent à la marche debout. Pour motiver Clovis,
il doit aller chercher les fléchettes à un endroit et
ensuite se rendre à un autre endroit pour pouvoir
tirer les fléchettes sur la cible et ainsi essayer de
battre son record.
Le chevalier servant avec la jambe lésée genou au sol : ainsi installé on peut demander à
Clovis les mêmes exercices que précédemment.
En simultané à ces exercices au sol, des exercices debout sur des balances seront proposés au
patient.
Le patient installé dans les barres parallèles avec une balance sous chaque pied doit déplacer
son centre de gravité pour avoir un appui correspondant aux consignes du praticien. Une fois
que le patient a bien ressenti la charge qu’il doit mettre sous chaque pied, il refait l’exercice
sans contrôle visuel et le masseur-kinésithérapeute vérifie qu’il ne dépasse pas l’appui
maximal autorisé. Des jeux sont proposés à Clovis comme venir chercher une balle ou un
cube en mousse du côté droit reprendre l’appui autorisé puis lancer le projectile dans une
Figure 3 Marche à genou à l'aide d'un ballon de
Klein
17
cible. Les balances peuvent être placées d’avant en arrière ou de droite à gauche. Le
changement positionnel de balance permet le travail de transfert de poids dans les différents
plans de l’espace nécessaire à la marche.
Toujours dans les barres parallèles un apprentissage du béquillage en appui partiel est
commencé. Le patient debout avec une balance sous chaque pied. Les balances sont placées
comme pour retracer les pas du patient. En prenant appui sur les barres le patient passe un pas
en contrôlant le poids qui s’affiche sur la balance. Une cal en bois est placée à la réception du
pas pour ne pas créer de différence de hauteur avec les balances. Après quelques répétitions
avec contrôle visuel, le patient regarde devant lui en faisant l’exercice et c’est le masseur-
kinésithérapeute qui vérifie le poids indiqué. Une fois l’exercice fait sans erreurs plusieurs
fois le nombre de cal est augmenté afin que le patient puisse pratiquer sur plusieurs pas et
ainsi se familiariser avec le travail de soutient du membre supérieur.
Dès que l’appui à 50% est autorisé des exercices de renforcement global des membres
inférieurs en appui bipodal sont soumis au patient. Les exercices comme les squats ou les
montées de pointes des pieds qui sont habituellement proposés sous forme de séries aux
patients adultes doivent être inscrits dans une dynamique signifiante pour l’adolescent afin
que le patient puisse adhérer au traitement. Le patient face à une étagère doit reproduire en
hauteur une structure faite de cube de mousse qui est posé au sol. Pour aller chercher un cube
au sol, le patient doit fléchir les genoux comme lors d’un squat. Plus l’exercice avance plus le
patient doit chercher les cubes au sol. De plus à chaque fois qu’il doit reposer un cube en
hauteur, Clovis est obligé de passer sur les pointes des pieds. Comme la structure s’agrandit il
doit passer de plus en plus de temps sur les pointes des pieds car s’il ne veut pas que la
structure tombe il doit faire attention à la stabilité du montage.
Au tapis le patient fait aussi des « longueurs de girafe » ou « d’araignée » toujours dans
l’optique de chercher un projectile, la pièce d’un puzzle ou tout autre objet pouvant créer un
intérêt chez Clovis.
« La girafe » : Le patient est installé au tapis et passe à 4 pattes en position haute. C’est-à-dire
bras et jambe tendus (cf. figure 4).
18
« L’araignée » : C’est une position en 4 pattes inversée. Le patient se déplace en appui sur les
mains et les pieds mais avec le ventre orienté vers le plafond de la pièce. En plus d’être plus
couteux en énergie ce mode déplacement permet un gainage global du tronc (cf. figure 5).
Lorsque l’appui complet est autorisé, à J70 des exercices en appui unipodal sont effectués par
le patient. En appui unipodal, le patient doit faire passer des pièces de jeu sous sa jambe droite
puis sous sa jambe gauche. L’augmentation du nombre de tours demandé permet d’accroitre
le temps d’appui unipodal et augmente le nombre de déséquilibres lié aux passements de
jambe.
4. Rééducation de la marche :
Elle s’effectue sous la forme d’un parcours de marche afin que ce soit plus ludique pour lui et
qu’il s’approprie au mieux les exercices proposés. Différents obstacles sont disposés tout le
long d’un trajet qu’il doit effectuer afin de récupérer un objet, arriver à un pas de tir pour
fléchette ou près du panier de basket pour effectuer un shoot. Ce parcours se compose de
mousses de différentes densités, de marquage au sol pour augmenter la longueur des pas,
d’une poutre ou d’une ficelle pour diminuer le polygone de sustentation lors de la marche et
d’obstacles assez hauts pour créer une augmentation de la hauteur du pas. L’installation de
mousses de différentes densités permet un travail de l’équilibre unipodal ou bipodal s’il elles
sont intégrées dans le parcours de marche ou au niveau du pas de tir.
La rééducation de la marche passe par l’apprentissage de l’utilisation des différentes aides
techniques. A parti de J45 débute l’apprentissage du pas simulé avec des cannes à appui
axillaire. C’est un travail que Clovis assimile très vite malgré les différents temps de non
utilisation suite au remodelage de son attelle statique de poignet qu’il doit impérativement
Figure 5 "L’araignée" Figure 4 "La girafe"
19
avoir pour déambuler avec ce genre de canne. Au fur et à mesure de l’évolution de l’appui le
pas simulé devient appui soulagé.
Lorsque l’appui à 70% est validé, l’utilisation des cannes à appui axillaire n’est plus adaptée
(8). Pour une plus grande autonomie le patient utilise désormais qu’une seule canne anglaise
qu’il porte en controlatéral à la lésion du membre inférieur.
Durant ces différents temps de marche avec aide technique le praticien vérifiera régulièrement
à l’aide de balance que l’appui maximal autorisé n’est pas dépassé.
La balnéothérapie n’a été rouverte que lorsque le patient avait déjà l’appui total et n’a pu être
utilisé comme moyen de décharge (9). Cependant dans la phase de rééducation de
renforcement musculaire du membre inférieur nous avons pu faire travailler Clovis en appui
unipodal ce qui était impossible à sec. L’un des exercices proposés est de monter sur la pointe
de pied gauche en partant d’une position de flexion plantaire maximale avec le talon en
décharge. Pour ce faire le patient monte sur une marche immergée avec le talon dans le vide.
Ensuite il monte sur la pointe du pied marque un temps d’arrêt et redescend en freinant la
course. Durant cet exercice 3 contractions différentes sont sollicitées: une concentrique sur la
montée, une isométrique lors du temps d’arrêt et une excentrique sur la descente. Ce travail
peut se faire genou tendu pour avoir une action ciblée sur les gastroctnémiens ou genou fléchi
pour le soléaire. Lors du travail du soléaire le temps de contraction isométrique sera plus long
que lors du travail genou tendu pour respecter la physiologie du muscle. Cet exercice peut être
agrémenté de jeu comme l’envoi d’un ballon à chaque fois que le patient se retrouve sur la
pointe de pied et en demandant de faire dix passes avec un autre patient ou avec le praticien.
5. Adaptation des aides techniques :
Afin d’aider Clovis dans les activités de tous les jours une attelle de fonction statique en
extension de poignet a été confectionnée par l’une des ergothérapeutes du centre de soin. Elle
lui permet de maintenir son poignet dans une position de force pour les fléchisseurs des
doigts. Le patient la porte pour le béquillage et l’écriture. Cependant il explique qu’elle n’est
pas adaptée pour le travail manuel qu’il aime faire les weekends et que l’écriture reste difficile
et lente.
La construction d’une seconde attelle est programmée avec l’ergothérapeute. C’est une attelle
dynamique de suppléance de fonction de type radial bis qui est préconisée pour aider Clovis à
la manipulation fine. Cette attelle est constituée d’un module anté-brachial postérieur rigide,
20
pour maintenir le poignet dans une position de stabilité, et chaque doigt a un rappel élastique
qui le ramène en extension de manière dynamique. Cette position et le rappel élastique
permettent au patient de pouvoir avoir des prises plus fines et une plus grande facilité à la
manipulation d’objet.
6. Travail postural
Durant la rééducation des exercices posturaux à type de gainage sont effectués par le patient
afin d’éviter un déconditionnement et favoriser une activité physique chez un jeune garçon
qui veut se dépenser. Pour ce faire Clovis est installé sur le bord d’un plan de Bobath, abaissé
au maximum pour qu’il puisse prendre appui avec ses membres supérieurs, en décubitus
ventral avec les épines iliaques antéro-supérieur à la limite de la table. Le haut du corps se
trouve dans le vide et les membres inférieurs sont maintenus par le kinésithérapeute. Le
patient se relève un maximum tout en resserrant les scapulas afin d’avoir un travail de
stabilisation au niveau de la ceinture scapulaire.
VI. Bilan de fin de prise en charge à J76 (11/10/2012) :
Douleur :
Il existe toujours des douleurs à la mobilisation en extension de coude et en extension de
poignet et de doigts. Maintenant le patient la côte à 3/10 sur EVA. Cette douleur se situe
toujours au même endroit et est à type de tiraillement.
Cutané Trophique et Vasculaire :
Les cicatrices sont beaucoup plus mobiles et seule la partie supérieure de la grande cicatrice
de la jambe gauche est encore un peu plus épaisse.
Sensibilité :
Le patient dit ressentir une hyperesthésie au niveau de la région proximale du territoire du
nerf radial. C’est-à-dire sur la face postéro-supérieur de l’avant bras gauche. L’allodynie sur
le bord ulnaire semble avoir disparue. La sensibilité thermoalgique est revenue, le patient ne
fait plus d’erreur au test des tubes chaud/froid.
Morphostatique :
21
Seul le signe du poignet en col-signe, la disparition du relief du brachioradial et de la loge
thénar est encore marqué. Le coude ne présente plus de flessum apparent. Le patient se tient
toujours dans une attitude de cyphose.
Articulaire :
[Tableau 5 : amplitude articulaire des membres inférieurs à partir de mesures
goniométriques]
[Tableau 6 : amplitude articulaire des membres supérieurs à partir de mesures
goniométriques]
Mouvement testé Amplitude gauche Amplitude droite déficience
Flexion de genou 155 165 -10°
Flexion de hanche 130 140 -10°
Extension de hanche 20 20 0°
Rotation médiale de
fémur
50 50 0°
Abduction de fémur 55 55 0°
Mouvement testé Amplitude gauche Amplitude droite déficience
Extension de
poignet
65 85 -20°
Extension de
coude
5 15 -10°
Abduction de
pouce
55 60 -5°
22
Musculaire :
Au niveau du membre supérieur les mêmes cotations sont notées.
Un déficit de force des triceps suraux gauche ainsi que des quadriceps et des grands fessiers
gauche est observé. Il y a toujours une différence de volume remarquable à l’œil nu, qui est
vérifié lors des mesures centimétriques.
[Tableau 7 : Périmétries centimétrique de segment de membre]
Gauche Droite Différence
+10cm de l’olécrane 20cm 21,5cm -1,5cm
-10cm de l’olécrane 17,5cm 19cm -1,5cm
+10cm de patella 32,5cm 34cm -1,5cm
Base de la patella 31,5cm 32cm -0,5cm
-10cm sous la patella 27cm 27,5cm -0,5cm
Lors du bilan musculaire du membre supérieur aucun changement n’est relevé.
La marche :
Le patient effectue un test de marche de 6 minutes et obtient une vitesse moyenne de 4,25
km/h. Lors de ce test aucune boiterie n’est observée mais le patient ressent un manque
d’assurance.
VII. Discussion
Lors de cette prise en charge, la rééducation kinésithérapique s’est beaucoup
intéressée au versant orthopédique des lésions du patient et très peu au versant neurologique.
Cela s’explique par le fait que les phénomènes de repousses nerveuses sont très lents (10) et
que si aucune évolution motrice n’est visible, il n’y a pas d’évolution non plus dans les
exercices proposés non plus. Du point de vue orthopédique, les résultats obtenus sont
largement satisfaisants puisque le patient marche sans boiterie à une vitesse de 4,25 km/h ce
qui peut être considéré comme une marche normale. Les différentes limitations encore
observées lors du bilan final ont encore une marge d’évolution car même lors de la dernière
semaine de prise en charge, un gain d’amplitude à été mesuré au niveau du poignet et du
coude.
23
1. Le choix des aides techniques :
La question du choix des aides techniques ne s’est posée que lorsque Clovis a
commencé l’apprentissage du pas simulé, c’est-à-dire qu’à partir de J45 suite à l’autorisation
médicale. Avant cette phase le patient déambulait en fauteuil roulant manuel. Cette phase
d’apprentissage a nécessité l’adaptation d’aide de marche afin que le patient puisse
déambuler en toute sécurité. En effet l’utilisation de cannes anglaises nécessaire au pas
simulé demande une bonne stabilisation du poignet en extension ainsi qu’un appui important
au niveau brachio anté-brachial (8). Ces deux conditions ne sont pas remplies chez notre
patient puisque la paralysie radiale ne permet pas de disposer d’une stabilisation du poignet
en extension et la fracture humérale interdit un appui aussi important. Les solutions
apportées ont été : la mise en place d’une attelle de fonction rigide en extension de poignet
ainsi que l’utilisation de cannes à appui axillaire pour supprimer l’appui brachio anté-
brachial. L’attelle de fonction a été réalisée par un ergothérapeute du centre de rééducation
et a nécessité quelques remodelages pour avoir l’efficacité voulue. Ces remodelages prenant
du temps, ils ont ralenti l’autonomisation du patient quant à l’utilisation de ses cannes dans
l’établissement. L’utilisation de cannes axillaires est un bon compromis pour la
déambulation car elles permettent d’avoir un soutien haut, une faible sollicitation musculaire
des membres supérieurs et un polygone de sustentation suffisant pour permettre la marche
pendulaire unilatéral. L’un des seuls inconvénients fonctionnels en plus de son inesthétisme
est ce qu’on appelle la paralysie des béquillards (8) : une compression du paquet vasculo-
nerveux axillaire, entrainant une paralysie des membres supérieurs. Cependant il est facile
de se prémunir d’une telle pathologie en expliquant au patient qu’il ne faut pas « s’avachir »
sur les cannes afin d’éviter de comprimer le creux axillaire. Ce type de béquille pourrait ne
pas être bien accepté par les patients car elles portent une forte symbolique « pitoyable ».
Avec Clovis il n’y a eu aucun problème d’acceptation puisqu’il en rigole en s’identifiant à
un grand blessé de guerre auprès de l’équipe de rééducation.
Différentes attelles de membres supérieurs ont étés confectionnées pour différentes
utilisations. Pour ce patient, 2 types d’attelles ont été mis en place : l’une statique dite de
fonction et l’autre dynamique dite de suppléance de fonction (11). La première permet de
bloquer l’articulation dans une posture et évite les attitudes vicieuses que peut entrainer la
paralysie radiale. Elle limite les rétractions musculaires en plaçant en position d’allongement
les muscles fléchisseurs qui sont sains et empêche les muscles dénervés d’être dans une
position d’extension maximale. Dans cette position les fléchisseurs sont plus libres et
24
permettent une meilleure adaptation fonctionnelle de la capacité de préhension. Pourtant les
fonctions de lâchage et de manipulation fine restent compliquées. La solution qui a été
apportée est la mise en place d’une attelle de suppléance de fonction de type radiale bis.
Différentes attelles de suppléances peuvent être proposées comme l’attelle de Chappel Hill
mais d’après la littérature (12) c’est la radiale bis qui est la plus fonctionnelle. En effet
chaque doigt a son propre système de rappel élastique ce qui permet une indépendance dans
la mobilité de ceux-ci et autorise les prises de finesse. Une étude comparative (12) entre
l’attelle radiale bis et l’attelle de Chappel Hill réalisé sur 6 patients ayant la même
pathologie montre que sur différents tests comme : le temps moyen nécessaire au ramassage
de 30 allumettes, le temps moyen de vissage et dévissage d’un écrou ainsi que le temps
moyen de maintien d’une posture de flexion et d’extension de poignet avec un poids de 2 kg
l’attelle radiale bis est préférée et obtient de meilleurs résultats. En moyenne les patients
améliorent leurs temps avec la radiale bis de 23% par rapport à la Chappel Hill. Cette attelle
est assez vieille de confection mais on l’utilise encore aujourd’hui (13).
2. Prise en charge de la paralysie radiale :
La rééducation des paralysies périphériques en kinésithérapie est assez fréquente
mais certains professionnels sont plus souvent confrontés à ce genre de pathologie que
d’autres. Il y a donc une certaine disparité dans les connaissances et la maitrise des
techniques de rééducation. Chez Clovis la rééducation de la paralysie radiale en
kinésithérapie semble avoir été négligée puisque très peu d’exercices spécifiques lui ont été
proposés. Du point de vue de la prévention des complications trophiques et articulaires la
prise en charge n’a pas été négligée, cependant une partie sur du trophisme musculaire
semble avoir été peu développée. La principale technique utilisée est l’électrothérapie sur les
muscles dénervés pour pallier à l’atrophie musculaire (10). Il est à noter qu’un muscle
dénervé s’atrophie plus vite qu’un muscle simplement mis au repos (14), il faut donc être
rigoureux sur une telle pratique. Lors des séances d’électrothérapie, il faut délivrer un
courant galvanique rectangulaire long et régler l’intensité selon le degré de douleur du
patient. Les impulsions sont délivrées sur une très basse fréquence de l’ordre de 0,05 Hertz
et les séances sont assez courtes : environ 10 à 20 impulsions par séance. Les muscles
dénervés sont beaucoup plus sensibles à la fatigue ce qui n’est pas l’effet recherché et irait
même à l’inverse du but de ce traitement (10).
Du point de vue de la rééducation de la sensibilité, seul l’ergothérapeute a proposé à
Clovis des exercices de rééducation. Notamment un travail de désensitisation (15) afin de
25
réduire les phénomènes douloureux liés à la parésthésie du patient. Ce travail part du
principe qu’il faut sur-stimuler un récepteur pour en augmenter le seuil d’excitabilité. Lors
de ces séances le praticien applique différentes matières à des vitesses différentes sur la zone
à traiter afin de stimuler un maximum les récepteurs. La rééducation de la sensibilité chez ce
genre de patient permet une amélioration plus rapide des paresthésies douloureuses et de la
sensibilité au compas de Webber que chez un patient n’ayant pas bénéficié d’une telle
rééducation (10).
3. La reprise d’appui différée et progressive :
Lors de la rééducation de Clovis, la question des délais de reprise d’appui a été
soulevée avec l’équipe de rééducation. Après une opération de type vis-plaque DHS, la
rééducation conseillée par la littérature (9) (16) est une reprise d’appui se faisant dès les 3
premiers jours post opératoire. Le patient apprend sur balance ou sur table de verticalisation
un appui correspondant à environ 25% du poids du corps (16). Lors de la prise en charge de
Clovis ce n’est qu’à J53 de l’opération qu’un tel appui est réalisé. Cependant si on compare
les dates de la reprise d’appui à 100% nous retrouvons à peu près les mêmes délais : J65
pour la littérature contre J70 lors de la prise en charge accompagnée. Nous pouvons donc
nous poser la question quant à l’intérêt de cette attente imposée par le chirurgien. Après
échange de courriel avec celui-ci, une réponse claire et précise nous a été donnée. En effet le
caractère comminutif de la fracture n’est pas pris en compte dans les recommandations
identifiées dans la littérature. Ce type de fracture implique que le montage soit solide dès la
reprise d’appui pour éviter toute complication de type de descellement ou déplacement
secondaire. De plus le traitement de la fracture a nécessité une allogreffe au niveau
fracturaire. Cette greffe a été réalisée compte tenu de la géographie parcellaire de la fracture.
L’ostéosynthèse est suivie d’une période de décharge que l’on retrouve dans la théorie (9).
Cette phase de décharge est nécessaire pour disposer d’une bonne consolidation car des
sollicitations sur un montage trop fragile ralentiraient la rééducation lors de la remise en
charge et mettraient en danger la chirurgie ainsi que le foyer de la fracture.
4. Adolescence et prise de risque :
L’adolescence est une période particulière du développement de l’humain. Elle
s’inscrit entre la fin de l’enfance et le début de l’âge adulte. Deux périodes de calme et de
continuité alors que l’adolescence est souvent caractérisée comme un temps de crise que
l’entourage doit gérer, supporter et accompagner (17). Cette phase correspond à une
26
maturation physique, avec l’apparition des caractères sexuels secondaires, la poussée de
croissance … mais aussi psychique et mentale car c’est durant ce laps de temps que la
pensée de l’enfant devient celle d’un adulte. Ces évolutions entrainent de nombreux
questionnements sur lui-même et son environnement ce qui aboutit à une certaine
différenciation de pensé vis-à-vis des autres. C’est à ce moment là que l’enfant commence à
développer ses propres idées et ses propres valeurs. L’adolescent durant ces changements
doit pouvoir s’exprimer se confronter à d’autre idéologies mais aussi se dépenser
physiquement. L’activité physique a un impact positif (18) sur l’adolescent car en plus
d’être un exutoire pour sa colère ou son stress elle permet aussi une sensation de bonheur
par la libération d’endorphine. C’est aussi par l’activité physique que le jeune va pouvoir
s’approprier son « nouveau » corps et développer de nouveaux schémas corporels en lien
avec sa nouvelle morphologie (19).
Cependant chez notre patient ce besoin d’activité physique se retrouve perturbé par
l’hospitalisation. En effet l’exercice physique étant grandement contrarié par les fractures
son besoin d’activité se retrouve inassouvi. C’est alors au masseur-kinésithérapeute et à
l’éducateur sportif du centre de trouver des solutions. Lors des séances kinésithérapiques
c’est grâce aux exercices de gainage, du travail des spinaux et des abdominaux que le patient
se sent le plus fatigué. Un échange avec l’éducateur sportif afin d’intégrer Clovis au
maximum dans ces activités aurai pu être engagé afin de favoriser le travail déjà commencé
en séance de kinésithérapie. La fatigue décrite par le patient est un outil de prévention aux
troubles du sommeil que peut rencontrer un adolescent durant sa phase de puberté (19). De
plus ces troubles du sommeil peuvent être majorés par l’hospitalisation en elle-même :
nouvelle chambre, stress lié aux soins, à la blouse blanche … Toute fatigue n’est donc pas à
proscrire.
Les comportements à risques chez l’adolescent sont de différents ordres et
s’explique par cette période trouble qu’est la puberté (20). En effet durant cette période les
repères qu’il a mis en place durant son enfance sont en train de se modifier et il tâtonne afin
de trouver les prochains repères qui définiront en partie sa vie future. C’est en grand enfant
perdu au milieu de toutes ces modifications que l’on doit recentrer le contexte des conduites
de l’adolescent. Chez Clovis l’accident de scooter qui l’a entrainé à l’ESEAN n’est pas
anodin car c’est en passant un stop sans s’arrêter qu’il s’est fait percuter par une voiture. Il
est difficile de mettre en relation l’accident avec une conduite à risque type mais on peut
tenter de l’expliquer par les situations suivantes. Cette conduite peut s’expliquer par une
27
quête d’indépendance pour montrer qu’il est adulte et qu’il ne faut plus le traiter comme un
enfant (19) : pendant l’adolescence le sujet recherche l’émancipation parentale et peut se
traduire par une prise de risque et un refus de l’autorité parentale. Ce genre de conduite peut
aussi provenir d’un besoin narcissique et de reconnaissance parmi ses pairs (18): pour
trouver sa place au sein d’un groupe il se doit d’avoir des exploits à raconter et c’est grâce à
sa maitrise de la mécanique et de la conduite motorisée qu’il parvient à se faire intégrer. Il
doit donc prendre des risques en deux roues pour se créer une certaine image. Le célèbre
sentiment de toute puissance de l’adolescent qui l’incite à agir avant de réfléchir peut aussi
expliquer une telle conduite. En effet l’adolescent est empreint à différent doute quant à son
avenir et à l’idée de la mort qui lui semble encore très abstraite. Il va donc créer des
situations pour tester ses limites et se créer des repères. La notion de rites initiatique (21)
peut aussi être évoquée car c’est en sortant victorieux d’épreuves sollicitant son corps qu’il
prouve ainsi son nouveau statut d’adulte. De plus si les épreuves peuvent marquer le corps le
rite en devient encore plus important dans l’esprit de l’adolescent. Toujours dans
l’impulsivité, il cherche à explorer le monde par différents moyens et tente de nouvelles
expériences. Le but est de vivre l’instant présent pour en ressentir les bienfaits directement.
Les médias et le manque de sommeil ont aussi leurs rôles à jouer (19) puisque l’un
désacralise les tabous dans les jeux vidéo, les films, les séries … et l’autre augmente
l’impulsivité et le passage à l’acte sans raisonnement préalable (19). Chez Clovis on ne peut
pas caractériser précisément la prise de risque qui l’a entrainé au centre mais on peut tout de
même ressentir un certain trait de fierté lorsqu’il explique son accident aux autres patients.
On peut donc penser qu’il en retire une certaine « notoriété » au près de ses amis de
l’extérieur du centre. Cette posture de Clovis vis-à-vis de son accident est à surveiller car les
récidives sont fréquentes en particulier pour les accidents de la route chez les jeunes
hommes (20). Le kinésithérapeute a donc un rôle à jouer parmi les autres professionnels de
santé quant à la prévention et l’information chez ce genre de patient.
5. La juste distance thérapeutique :
Pour rentrer en relation avec une personne il existe 3 interactions possibles (22) :
distance sociale, distance personnelle et distance intime. Les interventions du masseur-
kinésithérapeute s’inscrivent souvent dans la dernière sphère de relation. Ses pratiques
professionnelles le conduisent en effet à se situer à moins de 45cm de son patient et doit
même rentrer en contact physique avec celui-ci lors des soins apportés. Cette distance est la
zone privilégiée de 3 registres distincts : la violence, l’érotisation et la protection (22). C’est
28
encore une fois dans le dernier cadre que le masseur-kinésithérapeute va intervenir. C’est à
lui de créer la juste distance thérapeutique afin que le patient se sente à l’aise sans pour
autant dériver vers un registre autre que celui du soin et de la protection. La juste distance
thérapeutique se doit d’intégrer les affects du patient sans pour autant créer d’ambiguïté.
Seulement les relations humaines ne sont pas toujours aussi simples. Il n’existe pas une
réponse pour une situation. Chaque interaction a son originalité et fait appel à des systèmes
de défense ou d’acceptation propre à chaque individu. L’application de modèle ne peut que
conduire à la dénaturalisation des rapports humains et à la distance vis-à-vis du soigné (23).
Au final cela compromettrait la rééducation car le patient ne pourrait pas adhérer au projet
mis en place par le soignant. Avec Clovis la relation existante était de l’ordre de la
protection et du soin mais certains points montrent qu’il existait plus que cela. Il s’agissait
en plus d’une relation entre un patient et un futur professionnel de santé, d’une relation entre
un lycéen de 15 ans et un étudiant de 22 ans, avec des centres d’intérêts relativement
similaires. Un attachement s’est créé au fil des séances se traduisant par des invitations
répétées du patient à vouloir discuter dans sa chambre et prendre du temps pour jouer aux
jeux vidéo comme dans une relation amicale. Cet attachement n’était pas à rejeter comme
j’ai pu le faire durant la période du stage car j’ai eu peur inconsciemment de trop m’investir
dans une relation qui selon moi ne devait être que purement professionnelle. J’aurai dû au
contraire l’accepter et travailler avec sans pour autant créer de déséquilibre avec Clovis. En
effet le risque est de créer pour le patient une relation où il se sent très impliqué, ce qui en
soit est une bonne chose, sauf que si les limites ne sont pas posées dès le début, la
« rupture » lorsque les soins sont finis ou ici lorsque mon stage se termine, peut avoir des
effets néfastes sur la continuité des soins ou sur la reprise de la vie quotidienne. Cela peut
s’expliquer notamment par le fait que le praticien voit beaucoup de patient alors que le
patient ne voit qu’un seul praticien, ce qui implique que le patient développe beaucoup plus
d’attachement dans sa relation soignant/soigné. De plus chez l’adolescent les relations
amicales sont souvent fortes (24). Il n’a souvent qu’un à deux amis quand on le questionne.
Ces amitiés font souvent écho à un besoin de se rassurer : d’être quelqu’un car l’autre à
besoin de moi comme moi j’ai besoin de lui. C’est pour cela que la relation établie avec
Clovis est d’autant plus délicate car il est dans une période de construction de lui-même et
peut rechercher une relation avec le soignant que je n’étais pas à même de lui donner. Ma
position n’était donc peut être pas la meilleure dans cette situation mais au moins elle a
permis de « protéger » Clovis dans son adolescence et dans sa maturation. De plus cette
29
situation, m’a permis de gagner en expérience et en maturité quant à ma position
professionnelle lors de telle prise en charge.
Durant l’hospitalisation la question du handicap et de la potentielle reconversion
n’ont pas été évoquées par l’équipe soignante car la paralysie radiale est une pathologie
évolutive et aucun pronostic ne peut être donné avant 3 mois date du premier
électromyogramme. La problématique nous a pourtant conduit à aller nous renseigner à
propos de l’annonce du handicap, qui se révèle une chose délicate à faire surtout vis-à-vis
d’un adolescent qui est en pleine structuration de se personnalité et de son projet de vie
future. C’est un temps qui doit se construire entre les soignants, la famille et l’adolescent
(25). Bien qu’il faille ménager un temps spécifique pour l’annonce il ne faut pas trop
l’anticiper au risque de créer un choc inutile. Pour le cas de Clovis, il recevait les
informations au fur et à mesure de son hospitalisation et connaissait les risques de séquelles.
A aucun moment il ne semblait s’en inquiéter et était confiant quant à sa récupération. Le
fait de pouvoir assimiler les informations petit à petit permet au patient d’être dans une
relation de confiance avec son thérapeute ce qui facilite le travail d’accompagnement de
celui-ci.
VIII. Conclusion
La prise en charge de Clovis a été la plus globale possible afin de ne pas créer de
déséquilibre au niveau de son développement physique en cours. En effet la rééducation d’un
adolescent ne se fait pas comme avec un enfant en plus bas âge ou avec un adulte. Les
paramètres de croissance et de comportement sont à mettre dans l’équation complexe qu’est la
rééducation. Bien que Clovis durant son hospitalisation n’ait présenté aucun signe d’une
éventuelle « crise » d’adolescence, il ne fallait pas perdre de vue que le garçon était en pleine
période changement. De plus cette période étant un épisode charnière entre le passage de
l’enfance et l’âge adulte, il est d’autant plus primordial de jouer un rôle d’accompagnateur
dans la rééducation ainsi que dans la construction de l’adolescent. Il y a alors un rôle
d’éducateur qui vient s’ajouter à celui de rééducateur. Le masseur kinésithérapeute est
d’autant plus sollicité qu’il a un contact privilégié dans la proximité des corps et la durée des
séances avec le patient qui peut l’amener encore plus que les autres professionnels de santé à
interagir avec le patient.
A la fin de ma prise en charge, Clovis n’avait toujours aucun signe de récupération au
niveau de sa paralysie radiale. Suite à un recueil d’information à l’ESEAN, j’ai appris que le
30
19 septembre 2012, Clovis était rentré définitivement chez lui et avait encore 3 heures de
kinésithérapie en libéral par semaine. Il aurait repris les cours courant octobre et sa place en
entreprise courant janvier. Il semble qu’au final il n’existe que peu de répercussion sur son
projet personnel.
Cette prise en charge m’a permis de gagner en assurance et en maturité quant à ma
posture professionnelle. Désormais j’essaye de prendre plus de recul, d’analyser et d’ajuster
ma distance professionnelle en fonction du patient et de la relation que je peux et veux créer
avec le celui-ci dans le contexte où j’agis. De plus ce stage était pour moi, la première
expérience avec le milieu pédiatrique et je suis désormais plus à même de comprendre la
complexité de la prise en charge des patients en bas âge comme des patients adolescents. En
effet je n’imaginais pas avant ce stage qu’il fallait faire autant preuve d’imagination et de
créativité dans la mise en place d’activité avec les enfants. Je ne mesurais pas non plus les
conséquences que pouvaient induire la relation entre le praticien et le patient, la dimension
éducative que le kinésithérapeute avait face à cette population en construction. Ce travail m’a
permis de développer un côté plus créatif et ludique dans mes interventions auprès des
adultes. Et enfin, il m’a sensibilisé à la dimension de juste distance professionnelle et aux
effets sur la rééducation d’une posture professionnelle inadaptée.
IX. Bibliographie
1. Observatoire National Interministeriel de la Sécurité Routière. Les accidents corporels
de la circulation, Recueil de données brutes "document de travail". 5 juillet 2012.
2. JC Pouliquen, C Glorion, J Langlais, JL Ceolin. Généralités sur les fractures de l'enfant.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale. Elsevier-Masson, 2002.
3. JM André, J Xénard, C Gable, J Paysant. Rééducation de la sensibilité de la main.
Trauté de Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation. Editions Scientifiques et
Médicales Elsevier, 1995.
4. H Hislop, J Montgomery. Le bilan musculaire de Daniels et Worthingham. s.l. : Masson,
2006.
5. D Rifkin, T Marc. Bilan de la paralysie radiale. Kinésithérapie Scientifique. Société de
Presse et d'Edition de la Kinésithérapie, 2005, 452.
6. F Marchi-Lipski, F Duviau. Possibilités de la kinésithérapie dans les cicatrices.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale. Elsevier Masson, 1998.
7. G Pierron, A Leroy, JM Dupré. Mobilisation passive des articulations périphériques.
Traité de Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation. Edition scientifique et médicales
Elsevier, 1995.
8. A Berthe, P Dotte, D Magnac. Les ambulations et les aides de marche en traumatologie.
s.l. : Masson, 1987.
9. A Maldjian, JM Bouric, B Tayon. Rééducation des fractures de l'extremité supérieure du
fémur et du bassin. Encyclopédie Médico-Chirurgicale. Elsevier-Masson, 1999.
10. C Dumontier, MT Froissart, C Dauzac, J Monet, A Sautet. Prise en charge et
rééducation des lésions nerveuses périphériques. Encyclopédie Médico-Chirurgie. Elsevier-
Masson, 2002.
11. J Paysant, A Foisneau-Lottin, C Gable, C Gavillot-Boulangé, JM Galas, M Hullar, H
Kwiatek, C Lechaudel, D Pétry, JM André. Orthèse de la main. Kinésithérapie-Médecine
physique-Réadaptation. Elsevier-Masson, 2006.
12. D Thomas, F Moutet. Etude comparative de deux attelles de paralysie radiale : l'attelle
"radiale bis" et l'attelle de Chapel Hill. Annales de Kinésithérapie. Elsevier-Masson, 1992,
Vol. XIX, 3.
13. M Isel, M Merle, A Guillieux, S Célérier, A Sainte-Croix, E Lamoglia. Orthèse de la
main et du poignet : protocoles de rééducation. s.l. : Elsevier-Masson, 2012.
14. P Decherchi, T Marqueste, E Dousset, F Berthelin, F Hug, F Gounard, L Grelot, Y
Jammes. Electrothérapie et régénération nerveuse sensitive. Kinésithérapie, la revue.
Elsevier-Masson, 2002, Vol. II, 11-12.
15. B Valembois, M Blanchard, B Miternique, L Noël. Rééducation des troubles de la
sensibilité de la main. Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation. Elsevier, 2006.
16. A Quesnot, JC Chanussot, RG Danowski. Rééducation de l'appareil locomoteur : du
grand enfant à l'adulte. Tome 1. Membre Inférieur. s.l. : Masson, 2006.
17. M Sapin, D Spini, E Widmer. Les parcours de vie, de l'adolescence au grand âge. s.l. :
collection le savoir suisse, presses polytechniques et universitaires romandes, 2007.
18. G Michel. La prise de risque à l'adolescence, pratique sportive et usage de substances
psucho-actives. s.l. : Masson, 2001.
19. C Cannard. Le développement de l'adolescent, L'adoloscent à la recherche de son
identité. Paris : de boeck, 2010.
20. JP Assailly. Les jeunes et le risque, une approche psychologique de l'accident. s.l. :
Vigot, 1997.
21. P Jeammet, M Corcos. Evolution des problématiques à l'adolescence, l'émergence de la
dépendance et ses aménagements. s.l. : Doin, 2010.
22. P Prayez. Distance professionnelle et qualité du soin. s.l. : Lamarre, 2009.
23. A Bioy, F Bourgeois, I Nègre. Communication soignat - soigné, Repères et pratiques.
s.l. : Bréal, 2003.
24. P Galimard. 11 à 15 ans Mutation, conflits et découvertes de l'adolescence. s.l. : Dunod,
2000.
25. P Canouï. Des mots pour le dire ... ou des oreilles pour entendre. [auteur du livre] P
Alvin. L'annonce du handicap à l'adolescence. s.l. : Vuibert, 2005.
ANNEXES
ANNEXE 1
Cotation du Testing selon Daniels et Worthingham :
Score Numérique Score Qualitatif Critère d’attribution
5 Normal Mouvement du segment dans
toute l’amplitude et ne cède pas
contre résistance maximale en
fin de course
4 Bon Mouvement du segment dans
toute l’amplitude mais cède
contre résistance maximale en
fin de course
3 Passable Mouvement du segment dans
toute l’amplitude contre
pesanteur
2 Faible Mouvement du segment dans
toute l’amplitude sans pesanteur
1 Trace d’activité Détection d’activité sans
mouvement
0 Zéro activité Inerte à la palpation
ANNEXE 2
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7
7
7
7
7
7
7
1
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4
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4
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