presse nouvelle magazine n°312 janvier 2014

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J anvier est, en France, le mois des vœux ; la PNM souhaite chaleureuse- ment à chacune et chacun de ses lec- trices et lecteurs ainsi qu’à leurs proches, joie, santé, succès dans leurs projets. La PNM souhaite de tout cœur que l’an- née 2014 soit marquée par des progrès de toute nature, en France, comme dans le monde. En France, par une politique gouverne- mentale visant à résoudre les problèmes de tous ordres qui assaillent le quotidien de nombre de nos compatriotes. En France, de nets infléchissements de la politique économique sont indispensables pour inverser la courbe du chômage, sor- tir de la course aux politiques d'austérité, changer la fiscalité d’orientation et inves- tir dans les services publics notamment d’éducation et de santé En France, le temps est venu, comme par le passé, d’adresser au monde un messa- ge qui rompe avec les discriminations, les stigmatisations, les expulsions ; la France et la dissémination de la haine n’ont rien en commun. Seuls ces changements nets sont de natu- re à empêcher l’extrême droite de relever la tête. Nos vœux pour la France consistent en un mot à faire revivre partout « LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE » Le monde vient de célébrer dans la digni- té, à une exception près, les obsèques de Nelson Mandela. Toutes sortes de voix cherchent à s’emparer du legs politique de ce géant de la lutte pour l’égalité des droits humains, du rejet du racisme et de toute discrimination quelles que soient leurs formes et pour la paix. La PNM formule des vœux pour qu'en 2014 les armes se taisent dans le monde et d'abord au Proche-Orient et que le peu- ple palestinien voie ses droits fondamen- taux pleinement reconnus. C’est l’unique façon d’assurer la sécurité des deux peu- ples israélien et palestinien. Pour nous le dire, la PNM a choisi de donner la parole à un éditorialiste du « Haaretz », Roy Isacowitz : « Israël a le choix entre deux voies : celle de Mandela et celle de Harel. Il peut admettre qu’il y a deux revendica- tions pour ce morceau de territoire exigu et négocier sincèrement pour une solu- tion équitable ou creuser encore l’excep- tionnalisme juif et se préparer à un bain de sang sans fin. Aucune de ces deux voies n’est simple mais quiconque admire Mandela et ce pour quoi il a combattu n’a qu’un choix. Accepter le compromis avec les palesti- niens et faire la paix implique d’arrêter de rêver, de reconnaître les injustices passées, et mesurer la réalité chargée et hautement instable que nous avons créée. Mais c’est l’unique voie pour Israël de rejoindre le monde et créer un futur d’espérance pour nos enfants (…*) La PNM salue cet éditorialiste courageux et toutes les forces progressistes et de paix en Israël, en Palestine et dans le monde. Oui, 2014 peut être et doit être l’année de l’espérance ; tel est le vœu de la PNM PNM 2014, l’année de l’espérance de la Naïe Presse à la Presse Nouvelle... “Nouveaux décrets contre les travailleurs étrangers” (Naïe dekr etn kegn oïslendiche arbeter) I l y a quatre-vingts ans, le 1er janvier 1934, parais- sait le numéro 1 de la Naïe Presse qui allait rapide- ment devenir le journal yiddish le plus lu d'Europe. Replongeant dans ce numéro, nous constatons qu'il dénonçait déjà de nouvelles atteintes aux droits des travailleurs étrangers. On ne peut mieux illustrer la persistance des enjeux et des luttes. C'est armés des valeurs de nos aînés, du souvenir des combats qu'ils ont menés, que nous poursuivons avec la même conviction leur lutte pour faire sur cette pla- nète place à l'Homme, que cet homme soit juif ou pas, qu'il soit homme ou femme, qu'il soit français ou pas, qu'il soit travailleur ou pas. « Tout ce qui est humain est nôtre ». Ce fut l'idéal des meilleurs des nôtres. Nous le continuons. PNM * Suite de cette citation en p. 2 LE BILLET DU PRÉSIDENT J.Lewkowicz p. 2 H OMMAGE À N ELSON MANDELA N.Mokobodzki p.12 MOYEN-ORIENT Un billet sur l’Iran B. Chambaz p. 5 Les négociations d’Iran M. Schattner p.4 GAZA O. Gebuhrer p.7 SOCIÉTÉ Le FN tel qu’en lui-même P. Kamenka p.2 Les entreprises : un monde diversifié J. Lewkowicz p.3 La circoncision NM p.7 À propos d’un livre d’Enzo Traverso J.-M. Galano p.5 HISTOIRE / MÉMOIRE / TÉMOIGNAGES 27/01/1945 Auschwitz libéré B. Malamoud p.8 Paulette Sarcey s’engage dans la MOI. L. Laufer p.8 1 ères exécutions massives d'otages PNM p.9 Le virus K L. Arrighi p.10 LITTÉRATURE I. Philip Roth ou un petit juif dans…G.-G. Lemaire p.7 Parcours d’un ancien maoïste H. Levart p.3 La pensée libre J.-P. Roudergues p.6 BILLET DHUMEUR Il frémit de joie dans sa tombe J. Franck p.2 CULTURE Alain Kleinmann, rétrospective M. Delranc-Gaudric p.9 Chronique Théâtre S. Endewelt p.6 Chronique Cinéma L. Laufer p.11 Enfin le cinéma palestinien… C. Hessel p.11 ISSN: 0757-2395 MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E. PNM n° 312 - Janvier 2014 - 32 e année Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide Le N° 5,50 e La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient sur la base du droit de l'État d'Israël à la sécurité et sur la reconnaissance du droit à un État du peuple palestinien.

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Il y a quatre-vingts ans, le 1er janvier 1934, paraissait le numéro 1 de la Naïe Presse qui allait rapidement devenir le journal yiddish le plus lu d'Europe. Replongeant dans ce numéro, nous constatons qu'il dénonçait déjà de nouvelles atteintes aux droits des travailleurs étrangers. On ne peut mieux illustrer la persistance des enjeux et des luttes. C'est armés des valeurs de nos aînés, du souvenir des combats qu'ils ont menés, que nous poursuivons avec la même conviction leur lutte pour faire sur cette planète place à l'Homme, que cet homme soit juif ou pas, qu'il soit homme ou femme, qu'il soit français ou pas, qu'il soit travailleur ou pas. **Tout ce qui est humain est nôtre**. Ce fut l'idéal des meilleurs des nôtres. Nous le continuons.

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Page 1: Presse Nouvelle Magazine N°312 janvier 2014

Janvier est, en France, le mois desvœux ; la PNM souhaite chaleureuse-ment à chacune et chacun de ses lec-

trices et lecteurs ainsi qu’à leurs proches,joie, santé, succès dans leurs projets.

La PNM souhaite de tout cœur que l’an-née 2014 soit marquée par des progrès detoute nature, en France, comme dans lemonde.

En France, par une politique gouverne-mentale visant à résoudre les problèmesde tous ordres qui assaillent le quotidiende nombre de nos compatriotes.

En France, de nets infléchissements de lapolitique économique sont indispensablespour inverser la courbe du chômage, sor-tir de la course aux politiques d'austérité,changer la fiscalité d’orientation et inves-tir dans les services publics notammentd’éducation et de santé

En France, le temps est venu, comme parle passé, d’adresser au monde un messa-ge qui rompe avec les discriminations, lesstigmatisations, les expulsions ; la Franceet la dissémination de la haine n’ont rienen commun.

Seuls ces changements nets sont de natu-re à empêcher l’extrême droite de releverla tête.

Nos vœux pour la France consistent en unmot à faire revivre partout « LIBERTE,EGALITE, FRATERNITE »

Le monde vient de célébrer dans la digni-té, à une exception près, les obsèques deNelson Mandela. Toutes sortes de voixcherchent à s’emparer du legs politiquede ce géant de la lutte pour l’égalité desdroits humains, du rejet du racisme et detoute discrimination quelles que soientleurs formes et pour la paix.

La PNM formule des vœux pour qu'en2014 les armes se taisent dans le mondeet d'abord au Proche-Orient et que le peu-ple palestinien voie ses droits fondamen-taux pleinement reconnus. C’est l’uniquefaçon d’assurer la sécurité des deux peu-ples israélien et palestinien.

Pour nous le dire, la PNM a choisi dedonner la parole à un éditorialiste du « Haaretz », Roy Isacowitz :

« Israël a le choix entre deux voies : cellede Mandela et celle de Harel.

Il peut admettre qu’il y a deux revendica-tions pour ce morceau de territoire exiguet négocier sincèrement pour une solu-tion équitable ou creuser encore l’excep-tionnalisme juif et se préparer à un bainde sang sans fin. Aucune de ces deux voies n’est simplemais quiconque admire Mandela et cepour quoi il a combattu n’a qu’un choix.Accepter le compromis avec les palesti-niens et faire la paix implique d’arrêterde rêver, de reconnaître les injusticespassées, et mesurer la réalité chargée ethautement instable que nous avons créée.Mais c’est l’unique voie pour Israël derejoindre le monde et créer un futurd’espérance pour nos enfants (…*)

La PNM salue cet éditorialiste courageuxet toutes les forces progressistes et depaix en Israël, en Palestine et dans lemonde.

Oui, 2014 peut être et doit être l’année del’espérance ; tel est le vœu de la PNM ■

PNM 2014, l’année de l’espérance

de la Naïe Presse à la Presse Nouvelle...“Nou v e a u x d é c r e t s c o n t r el e s trava i l l eurs é trangers”

(Naïe dekretn kegn oïslendiche arbeter)

Il y a quatre-vingts ans, le 1er janvier 1934, parais-sait le numéro 1 de la Naïe Presse qui allait rapide-

ment devenir le journal yiddish le plus lu d'Europe.Replongeant dans ce numéro, nous constatons qu'ildénonçait déjà de nouvelles atteintes aux droits destravailleurs étrangers. On ne peut mieux illustrer lapersistance des enjeux et des luttes.

C'est armés des valeurs de nos aînés, du souvenir descombats qu'ils ont menés, que nous poursuivons avecla même conviction leur lutte pour faire sur cette pla-nète place à l'Homme, que cet homme soit juif ou pas,qu'il soit homme ou femme, qu'il soit français ou pas,qu'il soit travailleur ou pas. « Tout ce qui est humainest nôtre ». Ce fut l'idéal des meilleurs des nôtres. Nous le continuons. ■ PNM

* Suite de cette citation en p. 2

LE BILLET DU PRÉSIDENT J.Lewkowicz p. 2HOMMAGE À NELSON MANDELA N.Mokobodzki p.12MOYEN-ORIENTUn billet sur l’Iran B. Chambaz p. 5Les négociations d’Iran M. Schattner p.4GAZA O. Gebuhrer p.7

SOCIÉTÉLe FN tel qu’en lui-même P. Kamenka p.2Les entreprises : un monde diversifié J. Lewkowicz p.3La circoncision NM p.7À propos d’un livre d’Enzo Traverso J.-M. Galano p.5

HISTOIRE / MÉMOIRE / TÉMOIGNAGES27/01/1945 Auschwitz libéré B. Malamoud p.8Paulette Sarcey s’engage dans la MOI. L. Laufer p.81ères exécutions massives d'otages PNM p.9Le virus K L. Arrighi p.10

LITTÉRATUREI. Philip Roth ou un petit juif dans…G.-G. Lemaire p.7Parcours d’un ancien maoïste H. Levart p.3La pensée libre J.-P. Roudergues p.6

BILLET D’HUMEURIl frémit de joie dans sa tombe J. Franck p.2

CULTUREAlain Kleinmann, rétrospective M. Delranc-Gaudric p.9Chronique Théâtre S. Endewelt p.6Chronique Cinéma L. Laufer p.11Enfin le cinéma palestinien… C. Hessel p.11

ISSN: 0757-2395 MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E.PNM n° 312 - Janvier 2014 - 32e année Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide Le N° 5,50 e

La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et deracisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient sur la base du droit de l'État d'Israël à la sécurité et sur la reconnaissance du droit à un État du peuple palestinien.

Page 2: Presse Nouvelle Magazine N°312 janvier 2014

2 PNM n°312 - Janvier 2014

LA PRESSE NOUVELLE

Magazine Progressiste Juiffondé en 1934

Editions :1934-1993 : quotidienne en yiddish, Naïe Presse

(clandestine de 1940 à 1944)1965-1982: hebdomadaire en français, PNHdepuis 1982 : mensuelle en français, PNM

éditées par l'U.J.R.EN° de commission paritaire 061 4 G 89897

Directeur de la publicationJacques LEWKOWICZ

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Rédaction – Administration14, rue de Paradis

75010 PARISTel : 01 47 70 62 1 6Fax : 01 45 23 00 96

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Communiqué RAJEL soutien Radio France

L’affaire Dieudonné

22/12/2013. Les associations membresdu RAJEL ont adressé deux motionsde soutien au médiateur de RadioFrance :

Motion de soutien à RADIO France -Le RAJEL (Réseau des AssociationsJuives Européennes Laïques) tient àexprimer son soutien total à la démarchede Radio France signalant les proposantisémites de Dieudonné à Monsieur LeProcureur de la République. ■

Motion de soutien à Patrick Cohen -Le RAJEL (Réseau des AssociationsJuives Européennes Laïques) tient àexprimer son indignation la plus viveface aux propos indignes de Dieudonné.Le RAJEL tient à exprimer son soutien,sa solidarité avec Monsieur PatrickCohen. ■

NDLR : la PNM reviendra en févriersur cette importante question.

12/12/2013. Lu dans Haaretz« Succomber à l’idéologie comme ledemande Harel* est actuellement lavoie facile. C’est juste un peu plus dumême ordinaire : plus de haine, plus debrutalité, plus de guerre, plus de sanc-tions et plus d’isolement…Si Netanyahou était honnête dans salouange de Mandela, il saurait oùconduit la route de Mandela : elleconduit à reconnaitre l’autre en tantqu’être humain et à se réconcilier aveclui. S’il ne choisit pas cette route, il estl’hypocrite que j’ai toujours pensé qu’ilétait. »* Fondateur de l’Institut pour Le SionismeReligieux

Roy Isacowitz 12/12/2013

L’année 2014 commence dans uncontexte marqué par l’austérité, le

chômage et l’injustice fiscale. Un ventmauvais de racisme et de xénophobiesouffle sur la France et sur l’Europe,sans provoquer les réactions, les com-bats suffisants pour le contrer.Sur le plan extérieur, on attend tou-jours une action résolue de la Franceen vue de la reconnaissance par Israëldes droits des Palestiniens, sans aucundoute la meilleure façon de garantir lasécurité d’Israël. Sur toutes ces questions, l’UJRE conti-nuera à prendre position sur la base desprincipes et valeurs hérités de sesaînés. Elle mènera avec conviction uncombat pour ses idéaux de justice, d’é-galité des droits, de liberté et de paix etpour promouvoir une politique de gau-che visant à trouver des solutions et àfaire se lever l’espérance.L’année 2013 a été l’occasion de célé-brer à l'auditorium de l'Hôtel de Villede Paris le 70e anniversaire de la créa-tion de l’UJRE pendant l’Occupation.Bien d’autres anniversaires nous atten-dent pour 2014 :• Tout d’abord, celui des 80 ans denotre journal, la « Naïe Presse ». Dansl’immédiat, félicitons et remercionschaleureusement notre rédacteur enchef, Roland Wlos, alors qu’il doitquitter ses fonctions pour raisons per-sonnelles, pour le travail accompli à latête de la Presse Nouvelle Magazinependant de nombreuses années.• Cent ans ont passé depuis le début dela Grande Guerre où tant de volontai-res juifs s’engagèrent dans l’Arméefrançaise par patriotisme républicain, yconnurent l'horreur des tranchées etdes gaz de combats et payèrent l’impôtdu sang. Nombreux étaient étrangers etdésireux de prouver leur reconnaissan-ce au pays des « Droits de l’homme ».

• Les 70 ans duCRIF (Le ConseilReprésentatif des Israélites de Francedevenu le Conseil Représentatif desInstitutions Juives de France) dontnous aurions souhaité qu'il reste fidèleà l'esprit de sa mission d'origine.L’UJRE a grandement contribué à sa co-fondation pendant les années tragiques. • Nous commémorerons aussi les com-bats de l’année 1944 qui virent le débar-quement des Alliés en Normandie, puis laLibération de Paris. Notre Union, nosgroupes de combat, y participèrent acti-vement sur l’ensemble du territoire.Au titre des activités, nous serons aunombre des associations qui deman-dent à l' UNESCO d'inscrire la fête duPourim Chpil sur la liste représentativedu patrimoine culturel immatériel del’humanité, à défaut de pouvoir yinscrire la langue yiddish. Nous vousinvitons tous à vous mobiliser et à ysouscrire*. Dans le cadre du RAJEL(Réseau des associations juives euro-péennes laïques), nous organisons à laSalle des Fêtes de la Mairie du 10°arrondissement de Paris dès février undébat autour de la laïcité et commémo-rerons comme chaque année l’insur-rection héroïque du Ghetto deVarsovie.Nelson Mandela a disparu mais sesidéaux seront toujours les nôtres. Au filde l’actualité, nous continuerons notrecombat contre l’antisémitisme et leracisme, pour un monde meilleur, unmonde de justice sociale, un monde depaix et de fraternité conforme à nosidéaux de juifs progressistes et laïques.Je souhaite à tous les membres del’UJRE et lecteurs de la PNM, ainsiqu’à leurs familles et amis, une belle etheureuse année 2014 dans un mondeen paix. ■

* voir bon à signer sur Internet

enfants uniquement lorsqu'elles le dési-raient. Par leurs luttes, les Espagnolesacquirent la maîtrise de leur avenir.Orsous le proconsulat de Mariano Rajoy,actuel chef du gouvernement, grandretour en arrière. Les femmes, si le pro-jet de loi passait, redeviendraient soumi-ses à la sainte morale du temps deFranco. L'interruption volontaire degrossesse reprendrait rang de péché capi-tal. La jubilation posthume du Caudillon'aurait pas de bornes.

Mais les femmes d'Espagne n'acceptentpas cette attaque contre leurs libertés.Avec leurs compagnons, elles reprennentle combat, manifestent et refusent massi-vement le projet de Rajoy. Nous sommessolidairesCette fois encore, Franco reviendra làd'où il n'aurait jamais dû sortir, la piredes poubelles de l'Histoire. ■

Jacques Franck26 décembre 2013

Il frémit de joie dans sa tombe

Le FN tel qu’en lui-mêmeJean-Marie Le Pen condamné

Marine Le Pen tente en vain de présen-ter le Front national comme un parti « new look » qui aurait jeté aux ortiesses oripeaux racistes et xénophobes.Las ! En témoigne la condamnation deson père, Jean-Marie Le Pen, à 5 000euros d’amende par le tribunal correc-tionnel de Paris pour injure publiqueenvers les Roms. Le président d’honneur du FN s’enétait pris à la communauté Rom enseptembre 2012 lors de l'universitéd'été du FN à La Baule, en présence desa fille, lançant à l’adresse de la com-munauté Rom : « Nous, nous sommescomme les oiseaux, nous volons natu-rellement ». Moquant la justice aprèsle verdict, il a qualifié sa condamna-tion de « décoration »… A peine l’en-cre de sa condamnation était-elle sècheque l’ex-leader frontiste s’est précipitépour féliciter le gouvernement de droi-te en Espagne proposant l’interdictionde l’avortement… Logique. Le Penpère reprenait les propositions de LePen fille qui lors de la présidentielle de2012 avait dénoncé les "avortementsde confort" et proposé de ne pas rem-bourser les interruptions volontaires degrossesse en cas de problèmes budgé-taires… ■ PK

Vie des associations

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Annonce Soirée UJRE/RAJEL sur la LAICITE : L’Union des Juifs pour laRésistance et l’Entraide, UJRE, est une composante du Réseau des Associations jui-ves européennes laïques (RAJEL). A ce titre, l’UJRE organise une table-ronde-débatsur le thème de

« La laïcité aujourd’hui »Nous serons heureux de vous accueillir le jeudi 6 février 2014, de 18h. à 21h., à la Salledes Fêtes de la Mairie du 10° arrondissement de Paris pour discuter ensemble de toutesles questions soulevées à l’heure actuelle, y compris par l’instrumentalisation de cettevaleur républicaine. Inscription par courriel ([email protected])ou par téléphone 01 47 70 62 16. ■

Le grand général Francisco Franco,Caudillo de ses sujets d'Espagne,

avait consacré sa vie à l'étranglement deslibertés du peuple. Avec l'aide de sa poli-ce, de son armée, de son clergé. Les fem-mes, étaient ramenées à la juste condi-tion de servantes de Dieu et des hommes.Après la mort du général en 1975, lepeuple reprit du poil de la bête démocra-tique. Les femmes firent valoir l'existen-ce de leur corps, leur droit d'en disposerlibrement, y compris celui de faire des

Billet d’humeur

Billet du Président

Pour le nouvel an 2014 où nous célébrons le 80e anniversaire de la Naïe Presse,la PNM offre à ses lecteurs un numéro exceptionnel de douze pages

Page 3: Presse Nouvelle Magazine N°312 janvier 2014

PNM n°312 - Janvier 2014 3

Parcours d ’un anc i en mao ï s t epar Henri Levart

(salaires et cotisations sociales),impliquant des délocalisations pour leminimiser et des investissementsréduits.

Mais un certain nombre de PMEcréent, quant à elles, des emplois eninnovant pour offrir des nouveauxproduits ou procédés de fabrication.Malheureusement, au-delà d’unepériode de quelques années, nécessai-re pour mettre au point leurs prototy-pes, elles connaissent une phase diffi-cile qui les amène souvent à disparaî-tre ou à tomber dans une dépendancetelle que décrite ci-dessus.

Une politique économique de pro-grès consisterait à aider ce typed’entreprises. Il faudrait pour celaleur consentir des prêts à tauxréduits, voire négatifs, sous condi-tion de créations d’emploi et lesfaire bénéficier en priorité du créditimpôt-recherche, avec contrôle desrésultats. Ce crédit est, aujourd’hui,distribué de manière inefficace, sur-tout aux grandes entreprises, commel’a constaté la Cour des comptes.Ces mesures iraient à l’inverse ducrédit d’impôt-compétitivité-emploidont les vingt milliards annuels pro-fitent surtout aux grandes entrepriseset sont financés par une augmenta-tion de la TVA venant amputer lepouvoir d’achat des salariés. ■

Aparaître

Aparaître début février 2014aux éditions Delga, d’Edith

Fuchs, “Auschwitz” : défigura-tion et transfiguration de l’his-toire, préfacé par EmmanuelFaye.

L’essai interroge la façon dontbeaucoup de philosophes, met-tant entre parenthèses l’histoirepolitique du nazisme, réduisentce qu’ils appellent “Auschwitz”à quelques notions et concep-tions générales (la technique, labanalité du mal par exemple). La défiguration de l’histoire àlaquelle ils se livrent trancheavec la capacité des écrivains àrestituer, au contraire, chacunselon son style, un aspect essen-tiel de la destructivité nazie, parla transfiguration artistiquequ’ils en opèrent. ■

Alain Finkielkraut est un phi-losophe médiatique. Outreles radios juives, il sévit sur

France Culture et multiplie les inter-views dans la presse, tout récemmentdans les journaux catholiques (LaCroix et La vie). De plus il vient depublier un livre* dont le titre suffit ànous persuader de ses crispations.Pas question de reprocher au penseuren vogue d’être philosophe, même derenom. Il convient par contre de dis-cerner son engagement réactionnaireà travers ses propos amalgamant defaçon chauvine les concepts de laïci-té, d’identité, d’intégration, de civili-sation. Finkielkraut dixit : « C’estavec l’affaire du voile que je me suisdécouvert républicain ». Grâcessoient rendues à nos amies musulma-nes de le lui avoir permis ! Commentnos concitoyens d’autres confessionsle sont-ils devenus ? Mystère.

La laïcité, issue des droits de l’hom-me, prônée par la Révolution françai-se, revendiquée par la Commune deParis, puis conçue dans un esprit d’a-paisement à l’aube du XXe siècle,acte la séparation des Églises et del’État. Elle ne s’exerce cependant pasdans l’unique sphère religieuse nidans le seul domaine privé. Elle estgarante de l’égalité civique dansl’espace public. Garante du vivreensemble. Ne convient-il pas deconsidérer qu’elle est, par son carac-tère démocratique et social, indispen-sable pour faire société ensemblecomme le concevait Jean Jaurès ?

Il est reproché à Finkielkraut de fairele lit du racisme. Force est de consta-ter que ce reproche est fondé.Englober le port du voile dans l’inté-grisme islamiste au nom de la civili-sation française est du ressort du « choc des civilisations » invoqué parles pires réactionnaires. Notre idéo-logue affirme l’existence d’une civi-lisation française. Au sens littéral, depar les siècles d’existence humainesur notre sol, la formule peut semblerappropriée. Mais la nation françaises’est nourrie, s’est forgée grâce à demultiples apports civilisationnels.Les Lumières, la Révolution fran-çaise, les conquêtes démocratiqueset sociales de notre peuple n’ont-elles pas un caractère universel déjàévoqué par l’abbé Grégoire** ?Finkielkraut considère comme ungâchis le fait de s’effacer soi-mêmepour permettre à l’autre de rester cequ’il est. Mais qui prône pareille

démarche ? La France s’est-elle effa-cée avec le capitaine Dreyfus, avecles partisans juifs, les fusillés del’Affiche rouge ? S’est-elle effacéeavec la physicienne Marie Curie,avec la ministre Simone Weil, avecles mineurs polonais, les maçons ita-liens puis espagnols et les tra-vailleurs algériens de l’industrieautomobile, avec le syndicalisteHenri Krasucki, avec Aimé Césaire,Pablo Picasso, Marc Chagall, DariusMilhaud, Georges Moustaki, avec lescentaines de footballeurs africainsjouant dans nos clubs ? Ils sont lesapports communs de notre pays à lacivilisation humaine.

Il est surprenant d’apprendre quenotre maître à penser considère quela présence de crucifix sur les mursdes écoles italiennes n’a plus designification religieuse mais est denature patrimoniale. Comprenne qui

pourra ! Il condamne en les assimi-lant multiculturalisme et communau-tarisme. Ne conviendrait-il pas deproscrire des thèmes injurieuxcomme « Français issu de la deux-ième ou de la troisième générationd’immigrés » ? De comprendre leshumiliations et souffrances subiesdans ce que sont devenus de vérita-bles ghettos, dans les contrôles aufaciès, dans la persistance d’un chô-mage massif ? Les pataquès moralis-tes dont sont friands tant de bien-pensants ont pour but d’anesthésierles citoyens en quête d’un avenircommun. À nous, progressistes juifsqui avons à cœur de participer aucombat émancipateur, d’apporternotre part à celui de la fraternité. ■

* Alain Finkielkraut, L’identité malheu-reuse, Éd. Stock, 2013, 240 p. 19,50 €.

** Cf. l’article que Pascal Dupuy lui aconsacré dans le numéro 307 de la PNM.

sous-traitance. À la tête de chacunedes « filières » ainsi constituées sesitue un petit nombre de grandes mul-tinationales qui, littéralement, parl’intermédiaire des prix de cession, « pompent » la valeur créée par lesentreprises situées en amont. Si l’onmet de côté les petits commerçantsindépendants, qui ne sont que desquasi-salariés des marques qu’ils dis-tribuent et les professions libéralesauxquelles on n’accède que par l’ob-tention d’un diplôme, il reste deuxcatégories d’entreprises.

Les grandes multinationales sontgérées par un patronat au service degroupes d’actionnaires exigeant unerentabilité maximum. En interne on ytrouve une parcellisation et une stan-dardisation du travail correspondantaux normes du travail taylorien pré-parées par une technostructure plani-ficatrice. Ces organisations sont rigi-des et peu adaptées aux changements.C’est pourquoi une variante est néeau Japon sous la forme du « toyotis-me » désignant ainsi, notamment, lavolonté de capter les initiatives prisespar les salariés pour améliorer l’effi-cacité du travail et une recherche desouplesse adaptative. Mais ces deuxvariantes restent soumises à lacontrainte du coût du capital exigeantune rentabilité financière maximum,une pression sur le coût du travail

Les entreprises : Un monde diversifiépar Jacques Lewkowicz

Les lecteurs de la PNM connais-sent certainement dans leurentourage des « entrepreneurs »,

petits commerçants ou artisans. Quoide commun avec les grandes multina-tionales dont le montant des ventes estparfois supérieur à la richesse annuelleproduite par certains pays ? Peu dechoses à vrai dire et c’est ce que nousvoudrions montrer ici.

Si le mot « entreprise » signifie « pro-jet », la réalité est toujours celle d’uncollectif de travail dont l’autonomiepeut être très variable.

En effet, tout système économiquemoderne se caractérise par une divi-sion du travail. Celle-ci impliquequ’entre la matière première extraitede la mine et le produit fini vendu àl’utilisateur final se situe une cascaded’opérations impliquant achats etventes réalisées par des entreprisesdifférentes. De part et d’autre dechaque relation d’échange contreargent se situe un rapport de forces enfaveur de ceux qui sont en petit nom-bre par rapport au grand nombre.Ainsi, avoir un fournisseur ou unclient représentant plus du quart deson chiffre d’affaires est une sourcede dépendance à son égard. On ren-contre dans l’automobile ou l’agro-alimentaire de nombreux exemplesde ce phénomène encore dénommé

Repères

PhilosophieTribune

Page 4: Presse Nouvelle Magazine N°312 janvier 2014

PNM L’accord des 5+1 sur le nucléai-re a fait dire au Premier ministre israé-lien qu’il s’agissait d’une “erreur his-torique”. Est-ce une formule destinéeà l’opinion publique en interne?Marius Schattner C'est une formuleavant tout destinée à l'opinion interna-tionale. Il n'en demeure pas moins queNetanyahou en est convaincu. Mais,aujourd’hui, l’enseignement le plusgrave pour ce gouvernement est que saposition sur ce dossier lui a fait perdrel’ “ennemi rêvé”. En effet, l’ancienprésident iranien Mahmoud Ahmadi-nejad mélangeait la négation de laShoah avec un programme politiquefou. Ces positions de Téhéran étaientdu pain béni pour la droite israélienne.Maintenant il n’est plus là.

PNM Les négociations secrètesUSA/Iran ne marquent-elles pas lesigne d’une impasse de la politiqueisraélienne sur la question iranienne?Marius Schattner C’est évidemmentun échec flagrant de la politique israé-lienne. Pas seulement parce qu’il y aeu un accord des “5+1” (les cinq mem-bres permanents du Conseil de sécuri-té de l’ONU plus l’Allemagne), maissurtout du fait de la tenue de ces négo-ciations secrètes pendant des moisentre Washington et Téhéran, sans queles Israéliens ne l’aient su. C’est un faitextrêmement inquiétant pour le gou-vernement israélien qui, de par safaute, se retrouve complétement isolésur le plan international. Car par exem-ple lorsqu’il y a eu le changement poli-tique en Iran (avec l’élection du prési-dent Hassan Rohani), il ne s'est pascontenté de mettre en doute l'importan-ce des changements en Iran, tout endonnant une chance à ce nouveau pré-sident. Il s'est empressé de dénoncer lanouvelle direction iranienne comme“un loup déguisé en agneau” et defustiger “l'erreur stratégique” queconstituerait l'accord. Un message quine passe plus.

PNM L’option de frappes israéliennescontre l’Iran est-elle encore envisagée?Marius Schattner Non, catégorique-ment non. Car cette option n’a pas étéprise même quand les circonstancess’y prêtaient aux yeux de Netanyahou.Les responsables militaires y étaientopposés sachant que si Israël pouvaitporter un coup au programme nucléai-re iranien, il était incapable de l’arrê-ter. Cela, les Israéliens le savaientavant l’accord. Désormais, ces frappesne sont plus au goût du jour. Sauf s’ils’avérait que l’Iran reprenne son pro-gramme militaire à grande échelle, cequi en l'état actuel semble improbable.

La question ne se poserait plus alorsavec Israël mais avec les Etats-Unis.

PNM Israël ne va-t-il pas du fait de cetéchec accélérer son programme decolonisation?Marius Schattner La question palesti-nienne n’est pas directement liée audossier iranien. Ce gouvernement estdécidé à poursuivre la colonisation,pour créer un fait accompli irréversi-ble, s'il n'y est déjà parvenu. En réalité,Israël n’est pas prêt à faire des conces-sions indispensables pour un Accordde paix, c’est-à-dire à accepter que latrès grande partie des colonies soitdémantelée. Paradoxalement, si Israëlconsidérait vraiment l’Iran à l’époquecomme une menace existentielle, celaaurait plutôt dû pousser à un Accordavec les Palestiniens. En tout cas, àaucun prix les dirigeants israéliensn’auraient dû se fâcher avec l’adminis-tration Obama. Ils ont fait le contraire,au moment où ils ont le plus besoin desEtats-Unis.

PNM Comment réagit l’opinionpublique face à l’affaire iranienne?Marius Schattner La position très enflèche du gouvernement sur ce dossierne correspond pas exactement au sen-timent global de la population.Aujourd’hui, l’opinion est plus attenti-ve au nouveau ton venant de Téhéranselon ce qu’en relève la presse. Sur lefond, il n’existe pas d’antagonismeisraélo-iranien et d’ailleurs de nomb-reux bloggers israéliens correspondentavec des Iraniens.

PNM Comment comprendre dans cecontexte les propos de Shimon Peres sedéclarant prêt à rencontrer Rohani? Marius Schattner Ces propos nemangent pas de pain, comme on dit.Car il est évident que Rohani n’est pasprêt à rencontrer son homologue israé-lien. Par ailleurs, Peres occupe un rôleà la fois très symbolique et de porte-parole modéré du gouvernement.Globalement, les leviers dont disposeIsraël sur cette question sont très limi-tés. Ils se cantonnent à l’alliance avecla droite républicaine (américaine),d’autant que Netanyahou n’a pas lesoutien de la communauté juive améri-caine dans sa globalité. En résumé,pour l’heure, les dirigeants israélienssont obligés d’avaler des couleuvres.

PNM Quelle issue pour Israël ?

Marius Schattner La position deNetanyahou est claire : dans un con-texte où prévaut une situation dange-reuse autour du pays, il est essentiel detenir bon, de se renforcer militairementet d’attendre que les choses s’arran-

IRAN: ECHEC FLAGRANT DE LA POLITIQUE ISRAÉLIENNE

gent en comptant sur l’appui de ladroite républicaine à Washington ;mais aussi en pariant que la situationdans certains cas pourrisse, comme enSyrie. En réalité, le danger pour cegouvernement résidait dans l’éclate-ment du printemps arabe, mais avecl’arrivée d’un hiver islamiste, ce périlsemble écarté.Il en va autrement des négociationsavec les Palestiniens. Ici la stratégievise à continuer ces négociations pourqu’elles n’aboutissent pas, tout en évi-tant à tout prix que le gouvernementNetanyahou soit accusé de les avoirfait capoter. La tactique, qui a fait sespreuves dans le passé, consisterait àaccepter en théorie les grandes lignesd'un règlement avancées par le secré-taire d'État John Kerry, en assortissantcet accord d'un certain nombre deréserves qui en fait, l'annulent.

Toutefois, en Israël même, il existe uneinquiétude forte dans les milieux éco-nomiques sur les menaces de boycotéconomique (BDS: boycot, désinves-tissement et sanctions) d’Israël. Cettemenace est prise très au sérieux, à telpoint qu’il existe un rapport très alar-mant à ce sujet du ministère desFinances. Ce rapport ultra secret estinterdit de publication. ■

Propos recueillis par Patrick Kamenka

29 décembre 2013

Centre-Afrique :Devise SS sur l’uniformed’un soldat français

Le compte Facebook de l’arméefrançaise a publié, pour illustrerle « bon déroulement » de l’opération « Sangaris » enCentrafrique, une photo d'unmilitaire français. Mal en a prisaux zélés propagandistes car levaillant guerrier arborait surson uniforme la devise SS"Meine Ehre heiβt Treue" (Monhonneur s'appelle fidélité).

La photo a été retirée du réseau"non pas pour cacher une situa-tion mais pour prendre à bras-le-corps une affaire", selonGilles Jaron, porte-parole del'État-major pour qui cet insi-gne "n'appartient pas à l'ar-mée" et affiche "une idéologiecondamnée sans équivoque".

Ces explications emberlifico-tées de la « grande muette »sont un peu minces… d’autantque cette photo fait suite à celled’un légionnaire au Mali, enjanvier 2013, portant un foularden forme de tête de mort…

Le poids des mots… le choc desphotos… ■ PK

Dernière minute :Annexion de la valléedu Jourdain

30/12/2013. On apprend celundi que le gouvernementisraélien s’apprête à voter untexte validant « l’annexion » dela rive Ouest du Jourdain. Cela,en pleine négociation avecl’Autorité Palestinienne censéeaboutir à un règlement définitifdu conflit israélo-palestinien.

La PNM dénonce vigoureuse-ment, s’il était acté, ce coup deforce, condamné par la ministrede la Justice d’Israël, TzipiLivni, « comme coûtant cher entermes d’isolement de l’Étatd’Israël dans le monde ». Cetacte inconsidéré ne pourraitavoir que les pires conséquen-ces dont l’Etat hébreu se seraitrendu totalement responsable.

La raison peut encore l’empor-ter. C’est le vœu de la PNM. ■

4 PNM n°312 - Janvier 2014

GAZA

Ala suite d’un tir meurtrier prove-nant d’un sniper palestinien

contre un citoyen israélien, les ForcesArmées Israéliennes ont à nouveaudéclenché sur Gaza une pluie debombes causant la mort d’une fillette,de plusieurs civils et d’importantsdégâts matériels le jour de Noël.La population de Gaza, déjà frappéepar un blocus israélien de sept annéesest à nouveau martyrisée. La PNM condamne sans réserve laréaction disproportionnée du gouver-nement israélien. Plus que jamais, seule la mise enœuvre par Israël des Résolutions del’ONU, l’arrêt immédiat de la coloni-sation, la relaxe des prisonniers poli-tiques palestiniens, au premier chefde Marwan Barghouti et la conclu-sion par la négociation d’un règle-ment définitif assurant au peuplepalestinien la pleine reconnaissanceet l’exercice de ses droit fondamen-taux est de nature à assurer la sécuri-té des deux peuples, israélien etpalestinien. ■

Interview de Marius Schattner sur les négociations d'Iran

Page 5: Presse Nouvelle Magazine N°312 janvier 2014

À propos d’un livre d’Enzo Traverso

par J.-M. Galano

Beaucoup plus que le détail,souvent trop anecdotique, cesont les grandes lignes du

livre d’Enzo Traverso qui méritent deretenir l’attention : son analyse s’atta-che à faire ressortir ce qu’il y a d’irré-versible dans l’histoire de l’identitéjuive et des représentations que l’ons’en fait.

Alors même que l’antisémitisme étaitfort, enraciné, traditionnel, des pen-seurs et intellectuels juifs assuraient lavie de la réflexion critique et, dans lesdifférentes nations où ils avaient àvivre, ils se montrèrent souvent fac-teurs de progrès, avec un apport origi-nal et une sollicitation permanentevisant à poser, dans chaque société, laquestion de l’ouverture à l’autre.

Mais il y a un avant et un après laShoah, un avant et un après la nais-sance de l’État d’Israël : la haine anti-sémite, profondément désavouée etdéconsidérée, va subir des métamor-phoses, en même temps qu’une «judéophilie » souvent hypocrite per-met aux antisémites d’hier de se don-ner bonne conscience.

La lutte pour l’égalité des droits vadonc peu à peu glisser vers le soutienconservateur à la politique israélien-ne, tandis que l’islamophobie va pren-dre le relais du vieil antisémitisme.

La thèse de l’auteur est que si les juifsont gagné, d’ailleurs de façon précaire,reconnaissance et respectabilité, celas’est fait au prix fort : la torsion d’uneidentité façonnée depuis des siècles.La « question juive », reconfiguréedans le cadre d’un « retour à l’ethnos», se pose désormais dans des termesbanalement nationalistes.

Ce livre trace la ligne d’une histoirerigoureuse. Il donne des éléments àqui veut penser réellement le sionis-me. En même temps, il sous-estimel’apport critique, à l’intérieur de lapensée juive elle-même, de nombreuxintellectuels et militants marxistes.De fait, le traitement réservé à HannaArendt, présentée comme une figureparticulièrement exemplaire, voireunique, cache un peu la forêt des pro-blèmes. En l’état, il s’agit d’un apportextrêmement important qui renouvellebeaucoup de débats en cours, et quenul ne pourra se permettre d’ignorer. ■

* Enzo Traverso, Lafin de la modernitéjuive – Histoire d’untournant conservateur,Éd. La Découverte,2013, 190 p.

Un billet sur l’Iranpar Bernard Chambaz

Au mois de mai dernier, j’ai eula chance d’aller en Iran,envoyé en reportage par

L’Humanité. Mon idée consistait àcouvrir – comme on dit – ou plusmodestement à rendre compte de laréalité d’un pays à la veille de l’élec-tion présidentielle. J’y partais, pousséà la fois par la curiosité, par le souve-nir ébloui d’un premier voyage d’il ya quarante ans, par un certain agace-ment devant les lieux communs pro-pagés dans notre pays, par l’intuitionque les choses étaient sûrement pluscomplexes, donc par la volonté d’al-ler voir de mes propres yeux ce que jepourrais voir, disposé à une énièmevariation sur le vieux principe deMichel Strogoff : « Regarde, de toustes yeux regarde ! ». La durée duséjour (une dizaine de jours seule-ment) et mon ignorance de la languepersane (ou farsi) limitaient le tourd’horizon mais me permettraient tou-tefois d’en revenir avec quelquesimpressions.

L’Iran, on le sait, est un pays vaste,adossé à une histoire millénaire et unecivilisation brillante, un territoirepeuplé de soixante-quinze millionsd’habitants, ouvert sur le Golfe per-sique, et qui n’a rien d’un émirat. Dèsqu’on quitte notre petit Liré, commedisait du Bellay, le monde nous appa-raît dans toute sa vasteté. Et la presseiranienne en langue anglaise nousdonne des nouvelles de pays dont laplupart des citoyens européens igno-rent même la situation ou l’existence.

Naturellement, mais encore est-il bonde le rappeler, il y a voile et voile et ily a mille et une façons de porter levoile. Ce qu’on appelle voile, c’estd’abord le foulard qui n’est pas letchador. Dans les rues des grandesvilles, les femmes en ont un usagedivers, serré autour du visage ou bienassez lâche au contraire, noir selon latradition, mais la plupart portent desvoiles de couleur vive. Les jeunes leportent non sans coquetterie, posé surle sommet de leur chignon de maniè-re à laisser les trois quarts de leur che-velure à l’air libre, accordé à leursboucles d’oreilles, leurs lèvres pas-sées au rouge, leurs sourcils crayon-nés, leurs lunettes de soleil miri-fiques, toute une stratégie de contour-nement de la loi qui leur impose lefoulard dans l’espace public.Néanmoins, la contrainte reste si forteque les femmes, sans foulard dansl’espace privé, continuent à le porter

dans les scènes intérieures des filmset des séries télévisées. Mais, pourêtre franc, j’aurais vu moins de niqaben dix jours d’Iran qu’en une demi-heure de RER pour rentrer de Roissy.

On a rapporté que les Iraniens avaientété privés de tirage au sort de laCoupe du monde de football, ce quin’est pas un drame en soi, et qu’ilsl’avaient été en raison du décolleté dela présentatrice brésilienne, ce quin’est pas le prétexte le plus judicieux.Pour la peine, j’ai repensé aux mar-chandes ambulantes qui se baladentdans le métro de Téhéran avec leurcargaison de soutiens-gorge, roses,vert pistache, et en vendent à l’occa-sion, sinon elles ne seraient pas là.

L’Occident n’a cessé de prodiguer degrandes leçons de démocratie à l’Iranet a multiplié, au nom de cette démo-cratie, les appels pour le moins dépla-cés et imprudents au boycott de l’é-lection. Cela dit, heureusement,quelques spécialistes et anciens diplo-mates ont fait valoir un point de vuebeaucoup plus ouvert et – sommetoute – réaliste qu’ils ont à nouveauaffirmé lors des négociations deGenève cet automne.

Bien entendu, l’Iran est une théocra-tie, une forme moderne du despotis-me, autant pour l’exercice d’un pou-voir très absolu que pour le recours àl’oppression. Une preuve supplémen-taire, les candidatures à la présidencesont validées, ou pas, par le Conseildes gardiens de la Constitution quidépend largement de l’autorité duGuide suprême. La biographie deshuit candidats donne le sentimentd’un parcours assez semblable,d’hommes qui ont gravi tous les éche-lons du cursus honorum. On tendraità les confondre. Avec un minimumd’attention, on observe cependant desdifférences, voire des divergences. Etle résultat même de l’élection, la vic-toire de Rohani, l’a déjà démontré.

PNM n°312 - Janvier 2014 5

La signature d’un accord sur lenucléaire, fin novembre, est un événe-ment très important qu’on espère déci-sif. Au-delà de la question spécifiquedu nucléaire, il semblerait marquer untournant. D’une part, il permet delever une partie des sanctions finan-cières qui étranglaient le peuple ira-nien et de favoriser une ouverture.D’autre part, il permet de repenser l’é-quilibre des relations internationales,y compris la question, qui n’est passeulement subsidiaire, de savoir quientre les chiites et les sunnites exerce-ra le leadership dans le monde musul-man. Dans ce contexte, on peut appré-cier la fermeté dont a fait preuveObama à l’égard d’un gouvernementisraélien prisonnier de schémas et dediscours sectaires.

Ispahan est une ville splendide.J’aurais aimé avoir le temps d’y cher-cher les treize synagogues, certes dis-crètes, mais ce sera pour une autrefois. En effet, la Constitution garantitles droits des juifs, qui ont un député à

l’Assemblée islamique, un député parailleurs directeur de l’hôpital juif deTéhéran qui soigne des musulmansavec des fonds accordés par le gouver-nement. Pour autant, les juifs n’ontpas accès à toutes les charges, n’ontpas droit au mariage mixte ni à desfêtes nationales le samedi. À ce quej’en ai vu et lu, ils n’en restent pasmoins attachés à leur pays.

En décembre, l’Iran a lancé un singedans l’espace (dans une fusée). C’étaitle deuxième. On a beaucoup glosé surle premier singe, au début de l’année,comme s’il avait connu le même sortque Laïka, la chienne soviétique.Celui-ci se nomme Fargam (c’est-à-dire Augure). Evidemment, c’est unpeu moins glorieux que le véhiculechinois posé sur la lune, mais c’estbien le signe d’une ambition scienti-fique et culturelle légitime.

En tout cas, tout ce qui se passe là-basdonne envie d’y retourner et, décidé-ment, de parier un billet sur l’Iran. ■

Page 6: Presse Nouvelle Magazine N°312 janvier 2014

Réédition de La Pensée libre 1941-1942par Jean-Paul Roudergues

Le premier numéro de LaPensée libre sort en février1941, le deuxième un an plus

tard. C’est le fruit du travail deJacques Decour, Georges Politzer etJacques Solomon. Decour a publiédeux romans, collaboré à la revueCommune (l’organe de l’Associationdes Écrivains et Artistes Révolu-tionnaires) et s’est fait connaîtrecomme un brillant germaniste, auteurde traductions, notamment deGoethe. Il a un redoutable talent depolémiste. D’origine hongroise,Georges Politzer est philosophe. Il aferraillé contre l’idéalisme, montranttoutes les capitulations intellectuelleset politiques auxquelles ce courantphilosophique a ouvert la porte. Ils’en est pris à Bergson dans un pam-phlet qui fit beaucoup de bruit : Lebergsonisme, une mystification phi-losophique. Le troisième rédacteurest un jeune et brillant physicien,Jacques Solomon, gendre de PaulLangevin. Tous trois sont communis-tes et proches de la direction du PCF.

Dès juin 1940 ils se sont lancés dansla lutte clandestine, participant auxactions contre l’emprisonnement dePaul Langevin. Avec l’aide du PCFqui leur en a fourni les moyens, ilspublient l’Université libre qui,numéro après numéro, dénonce chezles enseignants ce qui est en train dese mettre en place avec Vichy. Car ilfaut bien constater qu’en dehors desmilieux qui sont résolument acquis àPétain et à la Collaboration, bien desintellectuels, profondément troubléspar la défaite de 1940, se résignentau régime nouveau et ne cherchentpas trop à comprendre les ressortsfondamentaux de la politique nazieen France et dans l’Europe occupée.

Tout de suite le petit trio, autour dequi gravite le romancier RenéBlech**, comprend qu’il faut unerevue spécifique pour traiter en pro-fondeur les questions essentielles.Face à la domestication de la vieintellectuelle, au retour en force del’idéologie réactionnaire et cléricale,face aux lois raciales, à la lâcheté ouà la trahison de nombreux écrivainset intellectuels français dont certains,

avant-guerre, se réclamaient de lagauche, Decour, Politzer, Solomonjugent qu’il faut tout faire pour mon-trer la nature exacte de Vichy et deson régime. Dans cette guerre contrel’obscurantisme, ils se placent sansréserve sous le drapeau de la philoso-phie des Lumières et de la Raison,dans le prolongement de Descartes,Diderot, des penseurs de la Révolu-tion de 89, du marxisme.En fait, ils reprennent le combatamorcé en 1939 par La Pensée dePaul Langevin et Georges Cogniot,qui fut interdite après son deuxièmenuméro par Daladier. D’où le titre LaPensée libre. La revue ne connaîtraque deux numéros puisque Decour,Politzer et Solomon seront pris etfusillés en 1942. Avant de disparaît-re, elle aura fait entendre la voix del’intelligence française en guerrecontre la barbarie la plus sauvage quele XXe siècle ait connue.

Outre les polémiques menées parDecour contre les écrivains qui sesont mis au service de la croix gam-mée, on y trouve l’Obscurantisme auXX e siècle (la célèbre réponse dePolitzer au discours raciste deRosenberg à la chambre des députésen novembre 1940), une chronique del’affaire Langevin en 1940, une analy-se du devenir de la science sous labotte nazie, un récit pathétique desderniers instants des otages deChâteaubriant qu’on devrait rappro-cher du Témoin des martyrsd’Aragon. Et bien d’autres textes depremière force. En fait, c’est toutel’actualité intellectuelle, de juin 1940au début de 1942, qui est présentéepar La Pensée libre.

Certes, comme le constate – et l’excuse– François Eychart dans son introduc-tion, Decour a pu se tromper sur cer-tains signes extérieurs de comporte-ment dans la dénonciation des intel-lectuels qui se sont mis au service deVichy. Ainsi, il n’a pas vu, car il nepouvait pas le voir, que des écrivainscomme Desnos et quelques autres,quoique travaillant au sein de structu-res vichystes, n’en partageaient nulle-ment les objectifs. De même, la for-mule qu’on trouve dans le premier

numéro : « Aujourd’hui littératurelégale veut dire littérature de trahison »(contre laquelle s’est élevé Aragon)n’était pas juste puisqu’elle condam-nait aussi les textes de contrebandequi paraissaient dans des revues dès lafin de 1940.Toutes ces questions sont traitées dansl’introduction. Les noms cités font l’ob-jet de notices biographiques qui permet-tent de savoir qui a fait quoi et ce quesont devenus la plupart des collabos.

Les nouveaux temps fort du Tarmac1 : débats lectures spectacles

Le Tarmac devient Tarmac diplomatique le temps de trois soirées en s’associant avecle Monde diplomatique.

La première soirée, le 18 janvier à 18 heures, s’articulera autour de Nelson Mandela,de l’Afrique du Sud aujourd’hui, et au-delà, autour de « ce que nous raconte le cheminde Mandela sur la différence, le semblable, le dissemblable, l’autre ». Au cours de cetterencontre sera lu l’article d’Achille Mbembe 2 paru dans le Monde diplomatique enaoût 2013 : Nelson Mandela ou les chemins inattendus. Jean-Christophe Servant, chefde service au magazine GEO et collaborateur au Monde diplomatique pour les pagesAfrique, nous immergera davantage dans le pays tout en ouvrant sur des débats et ques-tionnements avec la salle. Pour finir, la lecture d’extraits de textes (littérature, théâtre,poésie) nous fera voyager sur les chemins de la connaissance. Le mercredi 29 Janvier à 17h30, autour du spectacle Macbeth : Leïla et Ben - Abloody History de Lotfi Achour 3, une réflexion sur le pouvoir, Emile Lansman ani-mera la soirée « Shakespeare à toutes les sauces » et fera ainsi découvrir des auteurscontemporains qui empruntent, tout en les détournant, aux personnages et situationsshakespeariennes pour en faire œuvre originale : Larry Tremblay, Arielle Bloesch,Frédéric Latin…Le samedi 1er février à 18 heures, Bernard Magnier invite Kebir Ammi 4 qui nousfera découvrir son nouveau roman « Un génial imposteur » publié au Mercure deFrance.Il ne faudra pas manquer le deuxième spectacle de Jacques Allaire : « Je suisencore en vie 5. » ■

1. Le Tarmac - 159 av. Gambetta Paris 20°, réservations : 01 43 64 80 80 (entrée libre sauf les 2 spec-tacles payants)

2. Né au Cameroun en 1957. Collaborateur du Monde diplomatique, professeur d’histoire et de scien-ces politiques à l’université de Witvatersrand (Johannesburg). Il a écrit plusieurs ouvrages dont « l’Afrique de Sarkozy : un déni d'histoire" et "Critique de la raison nègre ».

3. Metteur en scène tunisien engagé. Il mêle dans ses spectacles, théâtre, cinéma, chansons, marion-nettes hyper réalistes. Sa pièce Hobb story a été un franc succès. Du 28 janvier au 7 février.

4. Né en 1952 au Maroc d’un père algérien et d’une mère marocaine. Vit en France depuis 30 ans. Auteur de plusieurs romans.

5. Avec Anissa Daoud et Jacques Allaire, du 14 au 24 janvier.

Les journalistes, c'est comme les juifs, il faut les pendre.Déclaration intempestive du maire d'une bourgade autrichienne: "Les demandeurs d'a-sile, j'en ai rien à foutre. Ce sont les journalistes qui sont à blâmer. Il faut les pendre.Ils sont comme les juifs." Le maire a dû démissionner. Les juifs et les journalistes apprécieront.

Les journalistes juifs, doublement. ■ NM

Il s’agit d’une des toutes premières revues clandestines de la France occupée, une des plus importantes par sa qualité, la variétédes questions dont elle traite, la vigueur des attaques qu’elle lance contre Vichy et la Collaboration. Mais elle est surtout remar-quable par la hauteur de vue de ses rédacteurs qui exposent avec une clarté sans égale pour l’époque les fondements et les objec-tifs de Vichy.

6 PNM n°312 - Janvier 2014

Littérature On est d’ailleurs étonné de leur nom-bre. La Pensée libre était jusqu’àmaintenant introuvable. On ne peutque regretter qu’il ait fallu attendre silongtemps pour qu’une telle rééditionvoie le jour. Car La Pensée librereprésente un moment essentiel de larésistance communiste, celles desannées 1940 et 1941 que bien des his-toriens dénigrent et caricaturent àplaisir. Avec cette publication, celaleur sera nettement plus difficile. ■

* La Pensé libre 1941-1942,(édition de François Eychart), n° 13/14 des Annales de laSociété des Amis de LouisAragon et Elsa Triolet, Éd.Aden, 358 p., 19 €.

** Auteur de Les rats et Le bar de l’univers,collaborateur de la revue Commune, membrede l’AEAR, résistant, libraire.

Culture

Billet d’humeur

Chronique de

Simone

Endewelt

Page 7: Presse Nouvelle Magazine N°312 janvier 2014

Incrédulité car on voyait mal com-ment appliquer pareille résolutionquand on sait que le Conseil de

l’Europe compte parmi ses 47 Étatsmembres, des pays totalement ou par-tiellement musulmans dont l’Azer-baïdjan ou la Turquie, ce qui donne aubas mot 80 millions de musulmans.Sans compter les chrétiens adeptes dela circoncision : fidèles des Églisescoptes d’Égypte et d’Éthiopie ou denombreuses communautés chrétiennesdu Moyen-Orient. Sans oublier lafamille royale d’Angleterre, la reineVictoria ayant fait circoncire ses fils aumotif qu’ils descendaient du roi David :un usage qui se serait perpétué jusqu’àce que la princesse Diana y mît le holà.

Sans oublier, n’est-ce pas – mais peut-on vraiment parler d’oubli ? – la popu-lation de confession israélite. Israël ad’ailleurs protesté contre une résolu-tion censée, non sans quelque raison,alimenter « les tendances racistes ethaineuses en Europe ». On a même faitvaloir que la résolution viserait exclu-sivement les juifs, la religion mosaïqueétant la seule à rendre la circoncisionobligatoire au huitième jour : « Quandils auront huit jours, tous vos mâlesseront circoncis, de génération engénération. » *. Et d’en conclure quel’on veut chasser les juifs d’Europe.Pour l’Islam, en effet, la circoncision,non obligatoire mais fortement recom-mandée et très largement pratiquée,doit idéalement se faire à sept ans et entout cas avant l’éveil de la sexualité.Étant entendu qu’en Iran, elle se pra-tique le jour même de la naissance.

Certes la circoncision est une atteinte àl’intégrité physique. Mais elle n’estpas que cela. Débordant largement lecadre des religions monothéistes, elleest pour une part importante de l’hu-manité un acte éminemment symbo-lique, fondateur. L’interdire ne porte-rait-il pas atteinte à l’intégrité spiri-tuelle ? En outre au XXe siècle, lamédecine a apporté de l’eau au moulinde la circoncision censée lutter contrela masturbation ou, plus récemment,

■ Les États-Unis ont eu deux grandsécrivains juifs au XXe siècle quiparaissent diamétralement opposésdans leur relation avec leurs origines.Le premier est Isaac Bashevis Singer(1902 Léoncin en Pologne - 1991Miami). Il a fait ses études à Varsovie etcommence à écrire très tôt en hébreu.Puis il a opté pour le yiddish. Il aquitté la Pologne en 1935 pour s’ins-taller de l’autre côté de l’Atlantique.Il est naturalisé en 1941. Son œuvreentière, qui est pléthorique, est entiè-rement écrite en yiddish. Cette atti-tude peut paraître très singulière, sur-tout après la guerre car les camps dela mort des nazis ont quasiment faitdisparaître cette langue. Jamais il n’adouté du bien-fondé de cette étrangemanière de ne s’adresser dans un pre-mier temps qu’à une poignée de survi-vants et dans un pays où a été inventédans la communauté juive un étrangeidiome : le yiglish. Sa persévéranceobstinée et son combat intransigeant(dans un essai, il s’en prend à Kafkad’avoir écrit en allemand et à BrunoSchulz d’avoir composé ses romansen polonais) lui valent de recevoir leprix Nobel en 1978. Il faut dire qu’ilne raconte dans ses romans et nouvel-les que l’univers dont il est issu, pro-fondément religieux et ancré dans latradition talmudique, ses histoires sedéroulant dans le Yiddishland de sajeunesse.

Le second, Philip Roth, est un filsd’immigré juif qui, lui, a quitté laGalicie alors polonaise. Il est né en1933 à Newark (New Jersey). Il a étu-dié à l’université Rutgers. Puis il aenseigné dans différentes institutions,dont, à la fin, Princeton. C’est toutl’opposé de Singer. Il n’évoque pas lepassé et il se concentre sur les problè-mes des juifs aux États-Unis. Leurseul et unique lien est de ne jamaiss’écarter de l’univers dont ils sontissus.

Si le registre des thèmes traités parl’auteur est assez vaste, ils peuventêtre inscrits dans différents cycles qui,à leur tour, se subdivisent.Aujourd’hui, on retrouve dans la col-lection « Quarto » cinq romans quiintéressent de manière spécifique desmoments importants de l’histoire dupays où il est né. La plupart de cescinq livres appartient au cycle deNathan Zuckerman ou s’y apparente.La Pastorale américaine (1997) tour-ne autour de la question de la guerreau Vietnam. Mais ce sont plus lesrépercussions sur les mentalités de sescompatriotes qui passionnent Roth. Àtravers l’histoire de Seymour IrvingLevov, il tisse des liens entre lesgrands événements de la période,comme le scandale du Watergate, larévolution sexuelle ou les émeutes deNewark.

Quant à La Tache (2000), c’est d’a-bord l’histoire d’un ancien professeurde la Nouvelle-Angleterre qui avaitété chassé de son collège après avoirété accusé de racisme. Le récit deZuckerman nous révèle qu’il était enréalité un Afro-Américain à la peauclaire qui s’était fait passer pour juifaprès avoir été dans la marine. Il achangé d’identité et de statut pouréchapper à la condition d’être deseconde classe et de victime de laségrégation et d’humiliations sansnombre. Il n’a jamais parlé à personnede sa véritable identité. Et c’est pourcela qu’il ne s’est jamais défendu desaccusations quilui avaient étéfaites. ■■■ (à suivre)

* L’Amérique dePhilip Roth, traduit del’anglais (États-Unis)par Josée Kamoun, « Quarto », Gallimard,1172 p., 25 €.

prévenir les infections, au nom dequoi, par exemple, une large majoritédes Américains sont circoncis « pourraison d’hygiène ». Tout récemmentencore, l’OMS, constatait l’incidenceplus faible du SIDA dans les popula-tions qui pratiquent la circoncision,sans que la science ait produit d’expli-cation. L’on constate cependant unaccroissement du pourcentage de per-sonnes infectées par le VIH qui s’ex-pliquerait par une relative libéralisa-tion des mœurs.

La résolution de l’Assemblée parlemen-taire du Conseil de l’Europe est prati-quement inapplicable : il sera toujourspossible d’obtenir une prescriptionmédicale, d’opérer clandestinement,non sans risques, ou de profiter d’unsaut au pays. Alors pourquoi l’avoirvotée ? Par amour de l’enfance ? Que nes’attaque-t-on à la mortalité infantilequi fait quelque huit millions de victi-mes chaque année. Aux pratiquesincestueuses qui toucheraient unenfant sur six.

Restent deux hypothèses, au demeurantcompatibles. Mobiliser l’opinion contreune pratique peu conforme à « nos cou-tumes occidentales ». Et, bien entendu,détourner l’opinion des véritables pro-blèmes, tout en faisant de l’audimat etde l’Intermat, les sujets de ce genre étanttoujours vendeurs. ■ NM

* Genèse, XVII : 10-12

La circoncision en questionau Conseil de l’Europe

Le 1er octobre, l’on apprenait avec incrédulité que l’Assemblée parlementai-re du Conseil de l’Europe, suivant les conclusions d’un rapport présenté parla sociale-démocrate allemande Marlene Rupprecht, avait adopté une résolu-tion invitant les États membres à prendre des mesures contre les « violationsde l'intégrité physique des enfants » et à « définir clairement les conditionsmédicales, sanitaires et autres à respecter s'agissant des pratiques qui sontaujourd'hui largement répandues dans certaines communautés religieuses,telle que la circoncision, non médicalement justifiée, des jeunes garçons ».

Philip Roth ou un petit juifdans la grande Amérique

par Gérard-Georges Lemaire

PNM n°312 - Janvier 2014 7

Société Philip Roth

Les cinq de Roanne ont gagné !Le droit du travail est une conquête des luttes. Plus que jamais, il faut le défendre, ce qu’ont fait en masse de nombreux

syndicalistes levés pour la défense des libertés syndicales.

Depuis septembre 2010, cinq militants CGT de la région roannaise étaient en effet poursuivis dans le cadre des actionscollectives entreprises en 2010 pour protester contre la réforme inique des retraites. Reconnus « coupables de dégrada-tions en réunion », ils avaient été convoqués par la police et la gendarmerie pour être inscrits au Fichier NationalAutomatisé des Empreintes Génétiques*, comme des « malfrats », ce qu'ils avaient refusé.Ils ont été relaxés ce 17 décembre alors qu’ils encouraient une peine d’un an de prison et de 15 000 € d’amende. Le tri-

bunal a estimé que "nul" ne pouvait leur imposer cette inscription, du fait qu'alors, ces cinq syndicalistes étaient dispen-sés de toute peine pénale. Mais le préjudice certain, matériel et moral, demeure… Quoiqu'il en soit, ce jugement rendu porte bien au-delà. Pour les syndicalistes, c'est en soi une vraie et belle victoire

contre l'absurdité. Une victoire que nous devrons défendre, n'en doutons pas. ■ Michel Korenfeld* Le champ d’application du FNAEG, initialement créé pour des criminels coupables de délits sexuels, a depuis 1998 été régulièrement éten-

du à la sécurité quotidienne, intérieure, à la récidive des infractions pénales, aux violences conjugales, à la prévention de la délinquance.

Brève sur la relaxe des 5 de Roanne ADN .etc

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C’est dans l’anonymat qu’unejeune femme, qui en juin 1943cessa de porter à l’âge de seize

ans et demi son nom et son prénom pourn’être plus que le numéro matricule 46648 – une parmi les 2500 rescapésd’Auschwitz-Birkenau – rappelle lalibération de ce camp par l’armée sovié-tique. Le numéro 46648 n’est pas unefemme de lettres. Elle écrit sans se sou-cier des effets littéraires. Pourtant, enexorde à son récit, elle place cette phrase :« Existe-t-il une langue pour exprimerl’horreur, la bestialité de cette machineinfernale créée par l’hitlérisme pour l’ex-termination massive ? », saisissant l’in-terrogation qui nous place en face del’impuissance à faire revivre par laparole ce que fut la déportation.

...Au début de janvier 1945, une lueurd’espoir apparut : les Russes appro-chaient. Le 18 janvier, les SS évacuèrentle camp et emmenèrent tous ceux quipouvaient encore marcher. Terribleexode, ponctué tout le long du chemin,par les cadavres de tous ceux qui nepurent suivre et qui furent abattus.Restèrent les malades, ceux desreviers*, dans le camp des hommescomme dans celui des femmes. Je metrouvais parmi celles-ci.

Le camp était toujours agité de millebruits, parmi lesquels ceux d’un trou-peau souffrant de plusieurs dizaines demilliers d’hommes et de femmes...Quand l’évacuation fut achevée, unsilence de mort tomba sur le camp.Abandonnés à eux-mêmes, les déportésvoyaient s’achever leur enfer. L’espoirse levait mais pour la plupart, il étaitdéjà trop tard.

Pendant le temps qui s’écoula entre lafuite des bourreaux et l’arrivée des libéra-teurs, combien moururent encore au seuilde la liberté ? Les plus valides s’organisè-rent en équipes pour ramener quelquesvivres à ceux qui ne pouvaient plus bou-ger de leur grabat. Mais au bout dequelques jours, on ne trouva plus rien. Ilne restait que la neige qui étanchait unpeu la soif et apaisait la fièvre. Nousétions contents d’arriver au salut mais enmême temps, nous étions accablés devoir tant d’entre nous se laisser mourir, nepas recevoir la récompense de leur lon-gue et stoïque résistance.

Pour celles qui avaient conservé leur idéal,pendant ces quinze jours se levait déjà uneangoissante question : « Comment fairepour porter à la connaissance du monde ceque nous avons vécu ? Comment lui fairecomprendre indélébilement l’horreur

des camps pour que les camps soient àjamais bannis de l’histoire des hommes ?Une grande responsabilité nous tombaitdéjà sur les épaules. »

Le 27 janvier, deux amies plus validesque moi, se traînèrent dehors pour mechercher quelque chose à manger. Ellesm’avaient bien recommandé de ne pasbouger de mon grabat pour ne pas usermes dernières forces.

Mais leur absence s’éternisait et je déci-dai d’aller voir. Au bout d’un temps queje ne saurais évaluer, je parvins à ramperjusqu’au seuil du baraquement. Là, jeme hissai sur un coude et dans une espè-ce de rêve, je vis dans le soleil un sabrequi se levait et brillait dans la lumière. Jerestais à observer cet étrange spectacle,me demandant, dans le demi-délire quiétait ma façon de vivre depuis quelquesjours, si j’étais victime d’hallucinations.Plus tard, je sus que c’était un soldatrusse en vêtement blanc qui avec sonsabre coupait les barbelés pour pénétrerdans le camp. Puis quelqu’un m’a soule-vé la tête et m’a tendu quelque chose àmanger. Tout a tourné et j’ai perduconnaissance.

Je n’ai ouvert les yeux que bien plustard. Mes compagnes étaient revenues.Elles m’apprirent que depuis deux jours,nous étions libérés. L’homme que j’a-vais vu avant de sombrer dans l’incon-science était l’un des éclaireurs d’unepatrouille russe qui s’était détournéepour voir se qui se passait dans le sec-teur. Le lendemain, sur des brancards,nous avons été emmenés dans un hôpi-tal de campagne que les Russes avaientaménagé pour nous. Là, nous fûmes net-toyés, nous reçûmes les premiers soins,et on nous donna des effets vestimentai-res de l’armée russe. On nous préparades régimes appropriés à l’état de déla-brement de nos estomacs qui étaient, audire des médecins, aussi délicats que desestomacs de nouveaux nés : des bouil-lies légères, des petites rations…

Les Russes s’étonnaient de notre regardhagard, le regard des déportés. Quelquessemaines plus tard, redevenue valide,j’aidais les infirmières à soigner mescompagnes plus atteintes.

Beaucoup moururent encore. Puis seposa le problème du rapatriement : laguerre n’était pas loin. Nous fûmes éva-cués sur Katowice. J’avais déjà repris dupoids : je pesais 36 kilos. Nous restâmesquelques semaines à Odessa, qui était enruines. C’était le printemps. La neigefondait. Nous embarquâmes.

Nous arrivâmes à Marseille le 8 mai, lejour de l’Armistice.

Le convoi qui m’avait emmenée àAuschwitz comptait 1200 femmes. Ilrestait à peine une vingtaine de survi-vantes… ■ Bella Malamoud

Paulette Sarcey, un témoignage précieuxpar Laura Laufer

Événement au Carré Baudouin le 11 décembre dernier, en présence de PauletteSarcey : la projection intégrale des rushes de son entretien avec Jean-PatrickLebel (2h45). On n’en connaissait seulement la partie consacrée à Drancy, Cité

de la muette, un film de 90 min.

Paulette plonge dans sa mémoire pour nous raconter de manière détaillée son engagementdans la M.O.I (Main d'œuvre immigrée) en tant que jeune juive communiste, l'arrestationdu groupe Krasucki-Rayski, Drancy, le voyage et l'arrivée à Auschwitz, la marche de lamort vers Ravensbrück, la faim dans ce camp où il n’y a rien à manger, l'arrivée desSoviétiques, la rencontre des Américains et des Soviétiques sur l'Elbe. Vingt ans plus tard,Paulette assiste à Frankfort, en tant qu’auditrice accréditée par la Fédération Internationaledes Résistants, à ce qu’elle appelle une mascarade du procès des bourreaux.

Elle témoigne aussi du dur retour à la vie : le combat de nombreux déportés pour se réinsérersocialement, réapprendre à manger et apprendre à vivre avec la mémoire et les cauchemars.

Paulette décrit avec une extrême précision l’organisation industrielle du camp d’Auschwitz,mais surtout l'organisation de la Résistance et celle des femmes au sein même du camp :prendre la décision avec un camarade médecin de déclarer un bébé non viable pour le sous-traire aux mains de Mengele et lui éviter la chambre à gaz ainsi qu’à sa mère, sabotage dansle travail au bloc du Kanada (bloc de triage des effets des déportés), organisation du dyna-mitage du Krematorium IV où les femmes fournirent les explosifs aux hommes duSonderkommando*, fourniture d’une lame de rasoir à Mala qui l’avait demandée, choisis-sant elle-même sa mort pour éviter le spectacle de sa pendaison que les nazis voulaientorganiser devant tout le camp...

À la photo, Dominique Chapuis – opérateur de Lanzmann pour Shoah – filme ce témoi-gnage presque en un seul plan-séquence de 2 h. 45 minutes. Quand l'intensité de son témoi-gnage devient trop forte, Paulette choisit de fumer systématiquement, d'où quelques raresinterruptions dans la prise (montage Christiane Lack). Le résultat est un témoignage parmiles plus précis, intense et rigoureux qu'il soit donné de voir sur ce sujet.

Paulette ne cesse de nous dire que pour elle et ses amies, l'acte de tenir, de survivre et derésister au sein de l'enfer était motivé par l'impératif de revenir et vivre pour dire, raconter,témoigner de la monstruosité de la barbarie, de la valeur de la paix et de la liberté et de l'exi-gence du "Plus jamais ça !".

Raison de plus pour éditer et montrer le film dans son intégralité alors que dans le mondeles périls du pire menacent encore aujourd'hui l'humanité. ■

* À lire : Schlomo Venezia, Sonderkommando, dans l'enfer des chambres à gaz, préf. Simone Veil,2007, Éd. Albin Michel, 264 p., 19.80 €

La Ville de Paris organise en 2014 de très nombreux événements pour commémorerce centenaire.

Pour connaître tous les faits marquants de ce programme qui durera toute l’année,vous pouvez consulter le site :http://www.paris-lutece-magazine.fr/2013/12/commemorations-14-18. ■

8 PNM n°312 - Janvier 2014

27 janvier 1945 - Libération du camp d’Auschwitz par l’Armée rouge

* NDLR : Revier (abrév. all. Kranken-revier) Dispensaire. Dans le langage descamps de concentration nazis, baraque-ment destiné aux prisonniers maladesdont la plupart du personnel venait ducorps prisonnier lui-même.

Rushes

Centenaire de la Première Guerre Mondiale

Dans le cadre du 69e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau, la PNM publie le témoignage de Bella Kirman, épouse de Jean Malamoud,témoignage recueilli par Albert Vulliet, journaliste, lors du 20e anniversaire de la libération de ce camp. Bella se confia alors sous l’anonymat de son seulnuméro matricule. Son témoignage parut dans le Dauphiné libéré du 27 janvier 1965.

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27/01/2014 à 15h.L’UJRE vous invite à la projec-tion en ses locaux, en présencede Paulette Sarcey, de ces rushesinédits. Inscription par courriel([email protected])ou par téléphone 01 47 70 62 16).

J-P Lebel "La mémoire et les imagesen Seine-Saint-Denis" : PauletteSarcey-Szlifke témoigne (1983)© Dominique Chapuis

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Le 15e arrondissement de Parisa eu le triste privilège d’abriterle Vel' d'Hiv, symbole national

de la déportation juive et le champ detir de Balard où furent fusillés 160patriotes dont une vingtaine de juifs.

Ce 14 décembre au matin,

J.-M. Hue, adjoint au Maire du 15e

chargé de la mémoire et du mondecombattant, en lien avec PascalBlanchetier, adjoint au Maire de Caen,et les associations* de familles defusillés, de résistants, d’anciens com-battants, organisait une cérémonie aucours de laquelle un hom-mage particu-lier a été rendu aux cinq fusillés de Caen

habitant le 15e, Émile Billot, Joseph diFusco, François Langouet, Jean Morvan(15/12/1941) et Ydel (Judas)Eideliman** (14/05/1942).

A l’issue du dépôt de gerbes furentchantés La Marseillaise et le Chantdes Partisans, puis prononcées desallocutions retraçant l’histoire desotages fusillés, dont celle remarquablede Claude Lucia di Fusco, précisant

Àl’initiative des partis communis-tes français, allemand et autri-chien, est mise en place en 1941

une organisation appelée TA – Travailallemand, parfois aussi dit Travail anti-allemand – avec pour objectif de pénétrerla machine de guerre ennemie et d’orga-niser au sein de la Wehrmacht elle-mêmedes groupes d’opposants au nazisme, enlien avec la Résistance française.Pour de multiples raisons, cette histoire aété pendant très longtemps et reste enco-re très peu investiguée par les historienset largement inconnue du grand public.C’est pourquoi il m’a semblé utile deregrouper dans cet ouvrage* diverstémoignages que j’ai recueillis au fil desans et divers articles que j’ai écrits sur lesujet. Le livre est constitué de cinq entre-tiens avec des protagonistes de cette his-toire, encadrés par deux textes, l’unpublié en 2004 et l’autre en 2008, suivis

ENFIN LE CINEMA PALESTINIEN DEBARQUE EN FRANCE !

Dans le cadre du 6e festival « Proche-Orient : ce que peut le cinéma » qui s’est déroulé à Parisaux « 3 Luxembourg », Christiane Hessel nous lance un appel qui nous invite à voir ces filmspalestiniens récents : Depuis peu, des salles courageuses (le Saint Michel et les Trois Luxembourg) projettent des filmspalestiniens de qualité à Paris. Il était temps que des cinéastes palestiniens s'expriment sur leurpropre destin et c'est ce qui fait l’intérêt de ce phénomène récent et encore trop confidentiel, fautede trouver des salles prêtes à les accueillir.

Il y a d'abord Omar dont le bouche à oreille parvient à prolonger la présence sur nos écrans etaussi A world not ours*. Deux films magnifiques et passionnants qui nous permettent uneapproche de « l'intérieur » du problème palestinien, grâce à leur vérité et leur sensibilité.

Si l'on n'a jamais eu l'occasion de se rendre dans les Territoires occupés, il est très difficile d'ap-préhender ce que vivent au quotidien les Palestiniens et les ravages d'une occupation qui se pro-longe sur plusieurs générations. Ces films nous aident à mieux comprendre la situation dans cequ'elle a d'exceptionnel et de tragique. Ils sous-entendent ce que sont les effets pervers de toutecolonisation ou toute occupation, où qu'elles se manifestent dans le monde. Tout cela est expri-mé avec pudeur et retenue et ce n'est pas un des moindres mérites de ces deux films, qui n'ontrien de manichéen.

Pour ma part, je souhaite vivement que ces films, qui n'ont heureusement rien de commercial(c'est peut-être là leur problème), soient mieux accueillis par les salles françaises et mieux distri-bués. Ils le méritent pleinement, non seulement par leurs qualités artistiques mais encore par leuroriginalité et leur véracité. C'est donc un véritable appel que je lance ici. ■ Christiane Hessel

* voir critique de Laura Laufer ci-contre.

d’un post-scriptum, qui rendent comptede l’évolution de ma perception et de maconnaissance du sujet, mais qui aussiouvrent des perspectives de recherchesnouvelles. Si la Résistance fut essentielle-ment une affaire d’hommes, dans cetteorganisation, les femmes jouèrent un rôlecapital. Si la mise en œuvre du TA est géné-ralement attribuée aux réfugiés allemands,il convient de signaler que les Autrichienset d’autres germanophones des paysd’Europe centrale, le plus souvent juifs, ytinrent une place déterminante… ■* Claude Collin, Le "Travail allemand",une organisation de résistance au sein dela Wehrmacht - Articles et témoignages,Éd. Les Indes savantes / La Boutique del’Histoire, 2013, 144 p., 22 € Claude Collin, maître de conférences ensciences de l’information et de la communi-cation à l’Université Stendhal de Grenoble, retraité,est l’auteur de divers ouvrages sur l’histoire del’Occupation, de la Résistance et de l’après-guerre.

Alain Kleinmann, RétrospectiveLe peintre Alain Kleinmann, internationalement connu, mais trop peu en France, exposeune rétrospective de son œuvre au Loft du Marais*. Aragon en son temps avait célébré sapeinture. C’est à une plongée dans la mémoire juive, mais pas seulement, que ses œuvresnous invitent : toiles sépia d’un grand raffinement, réalisées à partir de photos anciennes,inclusions de tissus, de passementeries, voilées par le blanc du souvenir, sages philosophespenchés sur des livres, enfants surgissant de la mémoire dans le cartel de boîtes aux lettresanciennes, escaliers à la Rembrandt, valises de bronze, machine à coudre… Tout est mer-veilleusement composé, superposé, comme dans ces toiles où le carton ondulé, avec toutesses couches déchirées, révèle ce qui se cache derrière les choses, et où les écritures à demieffacées interrogent le visiteur. « Ses thèmes sont notre vie » écrivait Aragon et les toilesinspirées par Cuba nous le montrent aussi, comme ce petit film présenté dans le magnifiquesous-sol aux caves voûtées de briques, et qui montre un court opéra créé là-bas à partir de l’un des livres de Kleinmann : La Peinture et autres lieux**,qui inclut le texte d’Aragon, et que je vous conseille vivement pour sa poé-sie et ce qu’il explique de la peinture. ■ Marianne Gaudric-Delranc* Le Loft du Marais, 109 rue du Temple, Paris 3°. Jusqu’au 15 février 2014, dudi. au je. de 11h à 20h. Infos 01 72 60 48 01

** Éd. Dima « Errance ». Alain Kleinmann

que son père, Joseph di Fusco, naturali-sé en vertu du droit du sol, était « morten Français et internationaliste ».Les fusillades des 95 otages du 15décembre ont lieu au Mont-Valérien(69), à Caen (13), à Châteaubriant laBlisière (9), à Fontevraud (4). Pour lapremière fois, les nazis incluent unnombre important de juifs dans les lis-tes de fusillés : 51 sont mentionnéscomme « juifs » dont 44 venus ducamp de Drancy, 3 du Fort deRomainville, 3 de la prison du Cherchemidi et un de la Centrale de Caen. Les44 de Drancy n'étaient pas choisis auhasard. A quelques exceptions près de2 « raflés » et de 3 ou 4 « raciaux », tousétaient communistes dont un membredirigeant de l'Internationale trotskiste. ■

* Familles de Fusillés (Anffmrfa), Fusillés duMont Valérien et de l'Ile de France (ASFM-VIDF), Fusillés de Châteaubriant (Amicalede Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt),Familles de Fusillés de Caen, Union des Juifspour la Résistance et l’Entraide (UJRE),Mémoire des Résistants Juifs de la M.O.I.(MRJ-MOI) et les anciens combattants du15e arrdt. de Paris

72e anniversaire des fusilladesdu 15 décembre 1941

Humanistes et antiracistes, leur combat contre un ennemi implacable s’inscrivait comme une suite logique dans leur vie. Claude Lucia di Fusco

PNM n°312 - Janvier 2014 9

Histoire

Samedi 14 décembre après-midi, nous étions rassemblés commechaque année au Père-Lachaise pour rendre hommage aux 95 otages fusillés le 15décembre 1941, parmi lesquels 52 juifs.Réunis devant le monument d’Auschwitz-Birkenau, nous avons d'abord fleuri lemonument aux résistants de la MOI avant de poursuivre notre hommage devant lestombes de nos héros, dont Israël Bursztyn, 45 ans, né à Varsovie, naturalisé fran-çais, interné le 21 août 1941, était l’administrateur du quotidien de langue juive laNaïe Presse et de la Société des éditions ouvrières juives. ■

Commémoration des premières exécutionsmassives d'otages en France

**Avis de recherche Après la guerre, la majorité des documents concer-nant Ydel Eideliman, ainsi que ceux de nombreux otages du 15 décembre1941ont disparu. Si des lecteurs de la Presse Nouvelle ont des renseignementscomplémentaires, ils peuvent se mettre en rapport avec les familles de fusillés(Jean Darracq: 01 45 46 09 57 ou 06 10 98 84 18) ■

Père-Lachaise, 14/12/2013 - Délégations de l’UJRE, de MRJ-MOI, de l’AACCEdevant le monument dédié aux combattants et fusillés de la M.O.I.

© Sylvie Zaigman

Peinture

Palestine

Le « Travail allemand »par Claude Collin*

Claude Collin, auteur de plusieurs livres sur la résistance, parrain de MRJ-MOI,publie cet ouvrage qu’il présente aux lecteurs de la PNM. Cela prolonge la parutionl'an dernier, à l'Harmattan, de la traduction française de "Jamais résignés", de PeterGingold, fêtée à l'Auditorium de la Ville de Paris et la projection, dans nos locaux, deDas Kind, désormais accessible en CD .

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Giovanni Borromeo et l’invention du virus de Kpar Leonardo Arrighi

Quand un esprit héroïque s’ac-compagne d’une humilitésans faille et d’une foi indes-

tructible, unies à un sens de l’à-proposmordant et presque caustique, lerésultat de ses actes ne peut-être quedéconcertant. Giovanni Borromeo(1898-1961) échappe à toute tentativede classification. Ce qu’il a entreprisest loin de toute logique humainebanale. Ce qu’a accompli le médecinromain pendant l’Occupation redonneun sens à l’essence de l’homme etrappelle que pour figurer parmi lesêtres bons, il ne suffit pas de critiquerou de rejeter le mal, qui se nourritavec voracité de la pusillanimité de laplupart des individus. Borromeo achoisi de suivre à la lettre sa conscien-ce morale au risque de mettre en périlsa vie comme celle de ses proches etde ses employés.

Sans doute l’horreur de ce qu’il avaitvécu au front pendant la GrandeGuerre lui avait-il inculqué une saintehorreur de la violence. Devenu méde-cin, il passa le concours pour devenirchef de service en 1931, mais refusad’entrer au PNF*. Il n’aime pas l’into-lérance du régime. Pendant le prin-temps 1934, il fait la connaissance deFra Maurizio Bialek, prieur del’Ordre hospitalier San GiovanniCalibita et directeur de l’hôpitalFatebenefratelli**. Le religieux veutalors réhabiliter ce vieil établissementet en faire l’un des plus efficaces de laville éternelle. Les deux hommes s’es-timent et se comprennent à merveille.Les travaux de restauration et demodernisation commencent aussitôtet l’hôpital devient rapidement uneréférence au niveau national.

Après tous les revers militaires del’Italie fasciste, l’armistice du 8 sep-tembre 1943, la fuite du roi quittantRome pour se rendre à Brindisi, l’échec de la résistance courageusedes Italiens qui tentent en vain d’arrê-ter les troupes allemandes à Porta SanPaolo, Rome tombe aux mains deKappler, lieutenant-colonel des SS,chargé de la sécurité dans la capitale.

C’est alors que commence l’incroya-ble aventure de Giovanni Borromeo.Il a recueilli des Juifs dans l’hôpital etle prieur travaille activement à créerun réseau de relations sûres pourgarantir la sauvegarde de ces patientsun peu spéciaux.

Mais un beau matin de la fin d’octo-bre, un jeune garçon vient avertir lemédecin qu’un détachement impor-

tant de SS doit venir inspecter l’hôpi-tal. Kappler avait appris que des Juifsavaient reçu des visas du Vatican (il seméfiait déjà de l’attitude de l’Église)alors qu’il préparait les rafles du ghet-to de Rome (16 octobre). GiovanniBorromeo est inquiet de cette intru-sion imminente. Pendant la nuit, ilrédige avec l’aide de tous les méde-cins et infirmiers qui travaillent aveclui de faux dossiers médicaux pourtrois cents faux malades juifs. Coupde génie : il invente en une nuit levirus de K (K pour le généralKesselring, chef de la Wehrmacht àRome), en fait une description cli-nique très détaillée, pointilleuse, ana-lysant surtout les symptômes desmaux provoqués par ce virus encoreinconnu qui se révèle particulièrementdangereux et contagieux. Seul unmédecin aussi brillant que lui pouvaitcréer cette fiction dans un délai aussicourt. Il se présente donc aux autoritésde la SS comme un homme prêt àmettre en jeu sa propre existence poursauver des malades affectés par unvirus mortel.

Un officier allemand s’est présenté àlui en uniforme noir, accompagné parun médecin de la Wehrmacht et uninterprète. Mais Borromeo parle unallemand parfait et accueille ces intrusavec une politesse parfaite et un par-fait sang-froid. Il montre alors la par-tie du bâtiment où il a fait mettre enquarantaine les personnes infectéespar le virus de K, qu’il leur décrit avecune patiente minutie. Les Allemandssemblent surpris et surtout assezeffrayés par cette maladie inconnue –les SS avaient une peur bleue de lacontagion et dans les camps, n’en-traient jamais dans les chambrées desinternés laissant ce soin aux kaposukrainiens ou baltes ; ils finissent pardécider de ne pas pousser plus loinl’investigation. En somme, ils n’ontmême pas vérifié les noms, qui étaienttous faux, ni la véracité des dossiersmédicaux produits.

Après cette visite inquiétante,Borromeo décide de resserrer les liensavec le Vatican et obtient des papiersattestant de son appartenance auxGardes nobles, titre qui assure sonimmunité au cas où, dans les hautessphères, les autorités allemandes déci-deraient de procéder à un nouveaucontrôle. Il devra plus d’une fois seréfugier au Vatican pour se soustraireà une arrestation.

Le débarquement des Américains à

Anzio le 22 janvier 1944 donne ungrand espoir aux Romains.Malheureusement, à la suite d’unesuccession d’erreurs stratégiques, lestroupes alliées mettront quatre mois etdemi pour parcourir les cinquante-huit kilomètres qui séparent Anzio dela Ville éternelle. Sur ces entrefaites,le nombre des personnes souffrant duvirus de K augmente.

C’est pendant cette période d’attenteangoissée qu’un coup de téléphoneparvient à l’épouse de GiovanniBorromeo. Une voix à l’accent alle-mand bien marqué lui demande où setrouve son mari. Elle finit par lui pas-ser le récepteur. Le commandant de lavia Tasso – lieu tristement célèbrepour les sévices et tortures qui s’y pra-tiquent – lui annonce qu’il passera leprendre dans quelques minutes. Prisde court, le couple ne sait trop quefaire. Giovanni prend congé de sonépouse avec d’autant plus d’émotionqu’il pense ne plus jamais la revoir. Safoi dans la mission qu’il accomplitn’en faiblit pas pour autant. Il montedans une voiture de la SS. On leconduit auprès du général Lordi, cap-turé par les Allemands et qui, souf-frant d’une maladie cardiaque abesoin des soins du Dr. Borromeo. Làencore, pure fiction que cette maladiequi va permettre au général de luidonner une liste de personnes à préve-nir avant qu’il ne soit torturé. Il s’ac-quitte de cette mission, grâce à quoitous seront sauvés.

Pendant ce temps, les vrais maladesde l’hôpital Fatebenefratelli étaientdevenus une petite minorité. Enfin, au

MANDELA - MUMIA, UN MEME COMBAT !Déclaration de Johanna Fernandez, porte-parole

de Mumia : « Nous pleurons la mort de Nelson Mandela, le courageux combattant de laliberté en Afrique du Sud qui a été incarcéré pendant 28 ans pour avoir défiéle régime d’apartheid soutenu par les Etats-Unis, et ce malgré la brutalité etla torture. La condamnation à mort, puis à perpétuité, de l'ancien BlackPanther Mumia Abu-Jamal et son incarcération depuis 32 ans pour tenterde le faire taire est en tous points comparable à l’acharnement dont Mandelaa été la victime. Mumia, lui aussi, est devenu un symbole défiant le pouvoir absolu, inhumainet répressif. Comme celle de Mandela, la voix de Mumia résonne avec clarté,humanisme et constitue un engagement indéfectible à la lutte pour la libertédes citoyens du monde. Le combat pour la libération de Mumia, comme celuiqui a libéré Mandela, est le fait d’authentiques révolutionnaires déterminés àdéfendre, quoi qu’il leur en coûte, le droit à la vie et au bonheur pour leurspeuples. Ainsi en va-t-il encore aux États-Unis pour les prisonniers politiquesafro-américains, amérindiens et portoricains ». ■

10 PNM n°312 - Janvier 2014

Le virus K

matin du 4 juin 1944, les habitants deRome ont pu voir les Allemands s’enaller et, le soir, les Américains faireleur entrée dans une explosion de joiede la population. Et tous ceux quiétaient censés être les victimes duvirus de K, miraculeusement guéris !

La Communauté juive de Rome etl’Union des communautés juivesd’Italie ont attesté des mérites et ducourage du médecin. GiovanniBorromeo a reçu la Croix du mérite del’Ordre de Malte et la médaille d’ar-gent Al Valore. Un fait éclairera tardi-vement la personnalité de cet hommehors du commun : il refusera le diplô-me de partisan, choqué qu’il était parles trop nombreuses contradictionsinternes à la Résistance.Le 2 mars 2005, ses trois fils sontreçus à l’ambassade d’Israël où on leurannonce que leur père a été reconnuJuste parmi les nations. Sans doute cedernier, s’il avait vécu plus âgé, aurait-il accueilli la nouvelle avec un grandétonnement, avec une certaine gêne,avec aussi une émotion profonde, carson héroïsme s’accompagnait d’unetrès grande humilité. ■

Traduit de l’italien par Gérard-Georges Lemaire

* PNF : Partito Nazionale Fascista.

** La fondation de l’Hôpital Fatebenefratelli surl’île Tibérine remonte au début du XVIe siècle.

Mumia

L’Île Tibérine fut longtemps un ghetto juif

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Méliès animait, boulevard desItaliens, le théâtre Robert-Houdin où il présentait ses

spectacles de prestidigitation.Il acquiert une caméra et crée en 1897,à Montreuil, le premier studio français :la Star Film où il tourne des fantasma-gories pleines d’humour et de poésie,qui abondent en trucages et effets spé-ciaux, d’humour et de poésie. L’artiste,libre penseur et républicain, y défendaussi ses vues politiques. Il sera unfervent anti – boulangiste et un dreyfu-sard.

L’affaire Dreyfus divise la France :nationalisme, cléricalisme et antisémi-tisme sont avivés par la publication deLa France juive de Drumont et créentde fortes tensions sociales. Comme l’écrit Sternhell : « Avec le boulangismeet l’affaire Dreyfus éclate la premièregrande crise de la démocratie et de l’or-dre libéral. (…) se forge une grandecoalition des révoltés, à la fois contre lelibéralisme bourgeois, démocratique etsouvent conservateur de la IIIe Répu-blique, et contre le marxisme : ce pro-cessus prend alors des dimensions (…)capitales pour l’avenir. Cette droitepopulaire, parfois prolétarienne maisviolemment antimarxiste, sécrète unnationalisme de la terre et des morts, dela terre et du sang ».*Méliès suit l’affaire et se documenteavant de mener sa propre enquête. Ilassiste au procès à Rennes et tournedès août 1899 son film, dans lequel iljoue, pour exposer son point de vue, lerôle de l’avocat de Dreyfus, MaîtreLabori. Le film sort, annoncé parMéliès comme Actualité reconstituéeen onze tableaux et sera interdit à la finde l’année 1900 pour risque d’émeu-tes. Son réalisme dans les détails etdans la chronologie marque le cinémaet crée un genre. L’Affaire Dreyfus estreconnu comme le premier film mili-tant de l’histoire du cinéma.

Méliès avec 520 films est célèbre dansle monde entier. Les grands studiosaméricains copient cet artiste qui neparvient pas à rivaliser avec ces socié-tés à production élevée, ce qui lui faitdire : « Laissons les profits au capita-

liste acheteur et marchand soit, maislaissons au réalisateur sa gloire, cen’est pas trop demander, en bonne jus-tice. (…) ne croyez pas que je meconsidère rabaissé en m'entendanttraiter dédaigneusement d'artiste, carsi vous, commerçants vous n'aviez pasdes artistes pour faire des vues decompositions, je me demande ce quevous pourriez vendre ».Les premiers ennuis financiers deMéliès sont provoqués par Edison,l’inventeur du télégraphe, de la pre-mière centrale électrique et … de lachaise électrique et fondateur de plu-sieurs grands empires industriels telGeneral Electric. Edison qui a brevetéson procédé de perforation de la pelli-cule fait saisir par la justice américainela moitié des copies du Voyage dans lalune. Méliès qui a copié ce procédé faitles frais des poursuites d’Edison contreles contrefaçons internationales et sevoit évincé du marché américain.

En 1911, Pathé prend le contrôle édito-rial de Star Film. En 1913, Mélièscesse toute production et, endetté,revend à Pathé son studio deMontreuil. Ses films devant être ven-dus, il en brûle le stock dans unmoment de colère.

Après avoir repris un temps ses specta-cles de magie, Méliès devient mar-chand de jouets à la Gare Montpar-nasse.

Par la suite ses nombreux chefs-d’œu-vre seront retrouvés là où s’arrêtaientles forains qui les montraient dansleurs spectacles.

En 1914, son théâtre Robert-Houdintransformé en cinéma était fermé, dèsle début des hostilités, par ordre de lapolice. Les films de Méliès qui s’ytrouvaient furent détruits et fonduspour en extraire l’argent et transformésen celluloïd pour les talonnettes dechaussures destinées aux poilus.

L’œuvre de Georges Méliès devintainsi l’une des premières victimes dela Guerre de 14-18. ■

* Zeev Sternhell. Ni droite ni gauche.L’idéologie fasciste en France, Gallimard, «Folio histoire ».

A world not oursde Mahdi Fleifel

Camp de Ain el-Hilweh : le plus grand camp deréfugiés palestiniens du Sud Liban avec 70 000

réfugiés, un chiffre qui grossit avec celui desPalestiniens fuyant la Syrie. C’est là que l’été venu,le réalisateur revient voir son grand-père, son oncleet ses amis. Ses parents ont choisi l’exil à Dubaïavant de vivre au Danemark. Fleifel nous fait vivreune mémoire de l’histoire du camp forgée par leroman familial et la chronique intimiste à traverstrois personnages témoins. Ahmad, le grand-père deMahdi arraché brutalement de sa terre par lesIsraéliens et condamné depuis 65 ans à l’exil forcé

dans les murs du camp. Comme tout réfugié palestinien au Liban, il n’a jamaiseu le droit de circuler et de travailler librement. Malgré la violence du chocprovoqué par la Nakba, jamais Ahmad n’a renoncé à l’idée du retour à saterre. Âgé de 80 ans, il espère encore. L’oncle de Mahdi, Saïd semble perdudepuis la mort de son frère combattant du Fatah. Saïd élève des pigeons surle toit de sa maison et n’espère plus rien. Bassam, ami d’enfance de Madhi adonné sa jeunesse à la cause palestinienne. Après Oslo, il a quitté l’OLP etperdu l’espoir. La terre de Palestine pour lui est devenue mirage. À la fin dufilm Bassam quitte le camp et arrive en Europe où il espère pouvoir circuleret travailler librement. Au fil du temps, à travers les photos, les films defamille et ce qu’il a filmé, Madhi a compris qu’il possédait un grand livre demémoire. De centaines d’heures de rushes, il a construit un récit d’ironie ten-dre marqué par l’influence de Woody Allen pour le ton et la musique choisie.Le film dit la longue patience des réfugiés palestiniens spoliés de leur droit àla terre de Palestine dans un monde où l'État d’Israël poursuit, impuni, la colo-nisation. Un monde dont ils se sentent exclus. ■

Méliès un artiste engagé

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Cycle Cinéma et propagande

Comme des lions de pierre àl’entrée de la nuit

d’ Olivier Zuchuat

De 1947 à 1951, le gouvernement grec, en lutte « contre l'expansion du communisme » a interné

dans des camps de rééducation sur l'île deMakronissos (Grèce) plus de 80 000 citoyens grecsdont la plupart étaient d’anciens résistants à l’occu-pant nazi. Parmi eux se trouvaient des poètes telsYannis Ritsos ou Tassos Livaditis. À partir de leurstextes cachés puis retrouvés sur l’île, ce film-poèmeévoque la survie dans ces camps et décrit la souffrancede ces hommes dont beaucoup furent torturés oumoururent dans cet univers concentrationnaire enca-

dré par l’occupant britannique sous l’égide du président Truman au service duroi Paul, d’extrême droite nationaliste.

Olivier Zuchuat inscrit son film dans la voie du cinéma-essai ouverte par Jean-Daniel Pollet et Marguerite Duras qui en furent les maîtres. Le film confronte desfragments d’écrits poétiques aux textes de rééducation diffusés en permanencepar les haut-parleurs des camps. Il recrée l’univers sonore terrifiant de ces voixqui prétendaient extirper l’idéal communiste et conduire à la repentance. On y litles listes des noms de « repentis », on y profère continuellement des insultes telles que «communistes, vous n’etes que des cobras rouges, d’abominables arai-gnees rouges », on y convoque les internes pour l’interrogatoire ou la torture.

Dans ce film de la trace, la caméra par ses travellings lents glisse le long des pay-sages pierreux de Makronissos comme pour extraire la mémoire de ses ruinessilencieuses, celle des calvaires endurés sous le soleil et sur le sol ingrat de l’île.Aujourd’hui, sous ce ciel d’azur, dans la dernière image du film apparaissent lestouristes, passagers dans ce lieu où de l’histoire tragique des communistes grecstout semble effacé par le vent et le mouvement perpétuel de la mer. Et le choc decette dernière image provoque notre imaginaire contre l’oubli. ■

Le bordereau d’accusation (L'affaire Dreyfus de Melies. Star Film 1899)

Le conseil de guerre en seance a Rennes(L'affaire Dreyfus de Melies. Star Film 1899)

Chronique de

L. Laufer

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Ne pleure pas, ô pays bien-aimé !Attendue, la mort de Mandela n’ena pas moins consterné les progres-sistes du monde entier. Dix joursde deuil national en Afrique duSud. Drapeaux en berne dans denombreux pays. La cérémonie deSoweto restera dans les annales.

Présence d’un nombre sans précé-dent de chefs d’Etat et de gouver-nement. Absences remarquées

dont celle de Shimon Peres etNetanyahou. Poignée de main histo-rique d’Obama à Raul Castro. Dans lestade, le peuple qui danse depuis la mortde Madiba chante « Nelson Mandela »sur l’air d’Asimbo-nanga. Le fils deMandela lancera Amandla à la foule quilui renverra : Ngawetu. Le pouvoir au peuple ! A remarquer, lors de la cérémonie,l’hymne en plusieurs langues nationales,la pluralité des cultes. Le temps des prièresest à la surprise de beaucoup ouvert par legrand rabbin d’Afrique du Sud.Tous prient en anglais. Résumons leursprières : Nkosi sikelele i’Africa ! Dieubénisse l’Afrique. Ainsi s’achève une vie tout entièreconsacrée à un idéal : la fin de l’apar-theid, l’égalité des droits. Missionaccomplie. Une page de l’histoire esttournée. Grâce à la combativité des peu-ples d’Afrique du Sud, à l’organisation,à la solidarité internationale, ne l’ou-blions pas. N’oublions pas que cette luttea ses martyrs, que le régime d’apartheideut ses alliés, que c’est à Paris que futassassinée Dulcie September. Le hérosest entré en Terre promise. Ce n’est pasdonné à tous. Certes, la lutte continue.Certes, le long chemin vers la libertén’est pas terminé. Rappelons que laRévolution française a proclamé il y aplus de deux siècles que « les hommesnaissent et demeurent libres et égaux endroits ». Ils le sont « en droit » et doiventplus que jamais se battre pour que cesdroits ne leur soient pas repris. Souhaitonsà l’Afrique du Sud d’avancer dans unmonde plus complexe que jamais.

Ce long chemin vers la liberté : l’ap-port de la tradition. « C’était un grandhomme ! » Le constat est unanime.Certes, il faisait 1m.93, ce qui ne luiménageait guère de confort dans la cellu-le de 2 mètres sur 3 qu’il occupait àRobben Island. Mais l’enfant sait que lagrandeur c’est autre chose. Alors, il posela question : « Comment devient-on ungrand homme ? » D’abord, en étant unpetit enfant. Aussi Mandela évoque-t-iltrès sérieusement sa toute première for-mation éthique due aux contes dont samère l’a bercé : mères et nourrices dumonde entier nourrissent aussi les esprits.

Mandela appartient àla branche cadette dela lignée royale desThembus. Il seradonc, selon la tradi-tion, élevé non pourrégner mais pourdevenir le conseillerdu roi. On aurait tortde sous-estimer lepoids de cette forma-tion. S’il est un rêveque Mandela n’a pasréussi à accomplir,c’est celui de devenirconseiller du futur président d’uneAfrique du Sud libérée. Il s’est refuséavec acharnement à devenir président etn’a accepté que contraint par un sens dela discipline à toute épreuve. Son pèrel’a prénommé Rolihlahla, « le fauteur detroubles », dit-on. Plus justement, celuiqui vient pour déranger l’ordre établi.Terroriste pour les uns, résistant pour lesautres, rebelle pour tous. A la mort deson père, recueilli et élevé par le régent,il sera initié. L’initiation marque le pas-sage de l’enfance à l’âge adulte. Ellecomporte sa part d’épreuve physique, desouffrance : un homme se doit d’êtrecourageux ; surtout, il le doit aux siens.Non moins déterminante est l’initiationmorale. Les initiés apprennent des sagesqu’un esclave n’est pas un homme etque leur devoir sera, leur vie durant, delutter pour devenir des hommes, eux etles leurs. Le chemin est largement tracé :c’est lutter ou déroger. Notons au passa-ge que les femmes xhosas ne sont pasinitiées. Seraient-elles d’éternellesmineures ? Mandela s’y refusera. Il lesaura vues s’émanciper dans la lutte, ellesseront présentes à la tête du pays. Une fois initié, il assiste aux réunions pré-sidées par le roi, en présence du conseildes sages. Il observe que ce roi n’exerceaucun pouvoir : sa seule fonction est demaintenir l’harmonie de la société par lerespect des règles transmises par lesancêtres, de résoudre les conflits : com-ment ? Mais, en écoutant chacun. Écou-ter, mot magique, car cela implique decomprendre en quoi toute position, pouraberrante qu’elle paraisse, est quelquepart fondée. Le roi ne répond pas, mêmes’il fait l’objet de critiques acerbes. Lebut n’est pas d’avoir raison ; c’est de par-venir à un accord où chacun préserve sadignité. Mandela écoute, observe. Cettelongue école du silence, ne va-t-elle pasl’aider à comprendre l’incompréhensibleet, par exemple, la position des descen-dants des Boers ? Ne la trouve-t-on pas àl’œuvre dans le travail de vérité etréconciliation, dans le rôle de médiateurque l’Afrique du Sud joue ?

Tuer le père ? En toutétat de cause,Mandela refuse l’é-pouse qu’on lui desti-ne et s’arrache à ceque la tradition peutavoir de limitant. Il

entre dans le XXe

siècle, armé déjà desolides repères.

Ne croyons pas qu’ilait dû pour autantrenier cette tradition.Ce n’est nullement

un hasard si la dernière cérémonie,l’enterrement dans l’intimité, compor-tait des rites destinés à aider Mandela àaccéder à son tour au « grade » d’ancê-

« Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire » Nicolas Sarkozy, Discours de Dakar,

26 juillet 2007

12 PNM n°312 - Janvier 2014

Mandela

tre. Métaphore ou conviction, croyait-ilà une vie éternelle ou n’y croyait-il pas? Il avait certainement une vision pluscomplexe, plus riche, plus intime aussique nous nous interdirions d’explorers’il ne nous l’interdisait lui-même. Entout cas, il répétait à l’envi :« Quand j’arriverai de l’autre côté, lapremière chose que je ferai sera de direaux ancêtres : ‘J’ai essayé’ ». Bellehumilité. « Et tout de suite après, jedemanderai ma carte de l’ANC ».Autre marque de modestie : il ne laprendra pas, cette carte, il la deman-dera ! Dernière remarque : la luttecontinue… ■■■ (à suivre)

Dossier constitué parNicole Mokobodzki

Mandela et les juifs Adapté de Jewish Currents (Etats-Unis)

15/12/2013

Diverses organisations juives américaines ont récemment rendu hommage entermes très élogieux à Nelson Mandela. Ce dernier a pour sa part écrit, dans son

livre autobiographique Un long chemin vers la liberté* :« A l’expérience, les juifs m’ont paru avoir l’esprit plus large que la plupart desBlancs sur les questions politiques et raciales, peut-être parce qu’ils ont eux-mêmesété victimes de préjugés, dans le passé. »Cette observation tient incontestablement au rôle joué par des juifs communistes etengagés dans la lutte contre l’apartheid. Lors du procès de 1956, où Mandela et sescompagnons étaient accusés de trahison, on comptait 13 juifs parmi les 30 avocatsde la défense. Au procès en haute trahison de Rivonia (1963-1964) où Mandela futcondamné à perpétuité, 5 avocats sur 12 étaient juifs. Les juifs engagés venaient aupremier rang des rares Sud-africains blancs qui ont combattu l’apartheid de toutesleurs forces, traité les Sud-africains noirs en égaux et mis leurs actes en accord avecleurs prises de position. Ils n’étaient pas tous communistes. A l’époque de l’apartheid, la seule femme par-lementaire qui ait pris position en faveur de l’égalité raciale, exigé la remise en liberté de Mandela, lui ait rendu visite en prison était une femme juive, HelenSuzman** ! Nadine Gordimer, autre femme juive, lauréate du prix Nobel, adhéra àl’ANC et décrit dans ses ouvrages de fiction l’inhumanité de l’apartheid. L’une etl’autre étaient en relation étroite avec Mandela et l’amitié était réciproque.

Après son élection à la présidence en 1994, Mandela fait clairement savoir quela communauté juive est partie intégrante d’une Afrique du Sud non raciale et

exhorte ses membres à ne pas partir. Après un réel fléchissement dans les années 70,la population juive d’Afrique du Sud, majoritairement orthodoxe, reste stable avec70 000 membres. Le grand rabbin Cyril Haris est surnommé le « rabbin de Mandela »en raison de ses liens d’amitié avec ce dernier et du soutien qu’il a apporté au tra-vail de réconciliation pendant la transition entre l’apartheid et la démocratie. Il estd’ailleurs invité à dire une prière en hébreu lors de l’installation de Mandela dansses fonctions de président. Pour la première fois dans l’histoire de l’Afrique du Sud,le judaïsme était ainsi officiellement reconnu. Une fois au pouvoir, Mandela appel-le deux juifs au gouvernement : Joe Slovo et Ronald Kasrils, tous deux membres duParti communiste sud-africain et de l’ANC. À la mort de Joe Slovo en 1995, ildécrète une journée de deuil national. Durant sa présidence, Mandela visite dessynagogues et instaure de chaleureuses relations avec le Jewish Board of Deputies,porte-parole officiel de la communauté juive ; geste magnanime car, des annéesdurant, ce Board of Deputies avait observé un silence prudent sur les questionsraciales de crainte de déplaire au régime de l’apartheid et avait même tenté au débutdes années 1980 de dissuader les organisations juives américaines de s’associer aumouvement antiapartheid…

* Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté, 1995, rééd. Fayard, 2013, 672 p., 32,50€.** Helen Suzman, à lire de N. Mokobodzki in PNM n° 264 (mars/avril 2009) en page 4