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PRESENTATION D’UNE RELECTURE DES ELEMENTS CLASSIQUES D’UN PROTOCOLE POUR PRECISER LES FORMES D’INSTABILITE. Fabienne LEPLAT, psychomotricienne au CMPP, CAMPS de Firminy Conférence donnée dans le cadre de L’université d’été de l’ISRP, Paris, juillet 2005 L’instabilité psychomotrice est toujours un motif très fréquent de consultation. IL ne s’agit pas ici de faire une revue impossible des travaux traitant de cette question mais de poser les références dans lesquelles s’inscrit ce propos à savoir : l’étude sémiologique de l’instabilité psychomotrice. Pour ce faire je vais m’appuyer sur les travaux de J Bergès qui a repéré 2 formes d’instabilité psychomotrice : l’une qui correspondrait à un état tensionnel et l’autre qui correspondrait à son contraire, l’état déhiscent. Le bilan psychomoteur dans son approche sémiologique va permettre de spécifier les formes de l’instabilité pour pouvoir préciser les approches thérapeutiques. En effet, même si la thérapie psychomotrice est généralement indiquée, ses modalités seront différentes : on ne traite pas de la même manière " les ratés de la contention et les ratés de la contenance ". Pour situer le cadre de ce propos, rappelons que l’instabilité psychomotrice infantile s’observe aux travers de nombreux signes organisés selon 4 axes : l’instabilité motrice avec une agitation plus ou moins importante ; l’instabilité psychique avec des comportements impulsifs et des troubles de l’attention ; la fragilité et la labilité émotionnelle ; les troubles relationnels. Cette réflexion s’inscrit dans une approche psychodynamique et développementale. L’instabilité serait alors une pathologie du lien et avant tout " une pathologie du mouvement tonique ", du geste. La sémiologie de l’instabilité psychomotrice décrit des troubles toniques, praxiques, spatiaux temporels et de la représentation de l’image du corps.

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PRESENTATION D’UNE RELECTURE DES ELEMENTS CLASSIQUES D’UN PROTOCOLE POUR PRECISER LES FORMES D’INSTABILITE.

Fabienne LEPLAT, psychomotricienne au CMPP, CAMPS de Firminy

Conférence donnée dans le cadre de L’université d’été de l’ISRP, Paris, juillet 2005

L’instabilité psychomotrice est toujours un motif très fréquent de consultation. IL ne s’agit pas ici de faire une revue impossible des travaux traitant de cette question mais de poser les références dans lesquelles s’inscrit ce propos à savoir : l’étude sémiologique de l’instabilité psychomotrice.

Pour ce faire je vais m’appuyer sur les travaux de J Bergès qui a repéré 2 formes d’instabilité psychomotrice : l’une qui correspondrait à un état tensionnel et l’autre qui correspondrait à son contraire, l’état déhiscent. Le bilan psychomoteur dans son approche sémiologique va permettre de spécifier les formes de l’instabilité pour pouvoir préciser les approches thérapeutiques. En effet, même si la thérapie psychomotrice est généralement indiquée, ses modalités seront différentes : on ne traite pas de la même manière " les ratés de la contention et les ratés de la contenance ".Pour situer le cadre de ce propos, rappelons que l’instabilité psychomotrice infantile s’observe aux travers de nombreux signes organisés selon 4 axes : l’instabilité motrice avec une agitation plus ou moins importante ; l’instabilité psychique avec des comportements impulsifs et des troubles de l’attention ; la fragilité et la labilité émotionnelle ; les troubles relationnels.Cette réflexion s’inscrit dans une approche psychodynamique et développementale. L’instabilité serait alors une pathologie du lien et avant tout " une pathologie du mouvement tonique ", du geste.La sémiologie de l’instabilité psychomotrice décrit des troubles toniques, praxiques, spatiaux temporels et de la représentation de l’image du corps.

C’est par l’étude du tonus que J.Bergès en est arrivé à distinguer les 2 types d’instabilité :-l’instabilité avec état tensionnel, se caractérisant par une hypertonie qui permet une concrétisation du contenant corporel et empêchant la fuite d’un contenu fantasmatique ressenti comme trop agressif ; Bergès décrit cette instabilité comme " un raté du noyau de contention " ; il y aurait en effet " un noyau tensionnel avec son armure topologique, vécu comme protégé de toutes parts par des réseaux de tension diverses. A un moment il y a une faille et l’instabilité apparaît comme l’explosion qui vient en marquer la fin " ; " l’instabilité posturale, l’agitation parfois extrême apparaît comme une irruption dans un contexte de contention insupportable ".-l’instabilité avec état de déhiscence , se caractérisant par une hypotonie, se manifestant par une incapacité d’activité coordonnée dans un cadre donné ; on observe des alternances entre explosions motrices et sidération.Bergès l’interprète comme une recherche de limites ; " il n’y a aucun noyau et l’enveloppe est une solution de continuité, l’enfant en recherche les limites… "Le bilan va nous permettre d’approcher au plus près l’évaluation du tonus de fond , des difficultés tant au niveau " de l’articulation entre la posture et le mouvement " que de l’évaluation de " la qualité de l’enveloppe". Il évaluera les capacités d’adaptation et

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d’anticipation du projet moteur. Il permettra d’apprécier les éléments de la régulation végétative.

1. L’ENTRETIEN AVEC LES PARENTS ET L’ENFANT :

Cet entretien va permettre de :1. recueillir des informations anamnestiques complémentaires essentiellement axées sur l’histoire et la structuration pychomotrice de l’enfant.2. tenter de repérer et de comprendre la place et la fonction de cette instabilité dans la famille et les explications évoquées .

Durant l’échange on pourra observer :- les éléments de la communication non verbale,- les éléments de l’organisation psychomotrice: postures des différentes personnes présentes, déplacements, dialogues tonico- posturaux, - les mouvements tonico- émotionnels en présence et les modalités relationnelles mises en place autour de cette instabilité.

Le temps de séparation , où les parents sont invités à retourner en salle d’attente est un temps transitionnel indicateur des aménagements trouvés par chacun pour s’adapter à la situation.

2. LE BILAN

Le bilan va alors se dérouler de façon assez classique, entre plusieurs espaces, avec des sollicitations et invitations faites à des niveaux différents. Dans le cadre d’éléments intéressant spécifiquement l’observation des différents types d’instabilité, et non de la recherche même de l’instabilité, je vous proposerai :le temps de rencontre et d’échange avec l’enfant,les épreuves de l’équilibre statique,l’épreuve de la poussée,les épreuves de l’équilibre dynamique,l’épreuve de vigilance,l’évaluation du tonus,les invitations à expérimenter,le jeu de ballon, le jeu spontané,les " zones intermédiaires ".

Le temps de rencontre avec l’enfant :L’enfant est invité à s’asseoir et à échanger autour de cette rencontre. Il va exprimer, par ses postures, ses réactions de prestance, son expression verbale et non verbale, un certain nombre d’éléments indicateurs.

Les épreuves de l’équilibre statique :Ce sont les épreuves classiques d’immobilité reprises de Guilmain yeux ouverts et fermés, les épreuves d’équilibre statique qui renseignent sur les capacités à maintenir des postures et de

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réaliser des mouvements sans perte d’équilibre. On notera alors les modalités de l’organisation tonique, qui, selon Wallon, " vise à maintenir dans les muscles une certaine tension et qui soutient l’effort " le tonus axial et segmentaire, la capacité à maintenir la posture, les réactions de prestance, diffusion tonique, l’attitude générale, l’utilisation du regard, le recours à la verbalisation, la manière d’aborder les épreuves et de se conformer aux consignes.

L’épreuve de la poussée :Cette épreuve nous permet d’évaluer la capacité à maintenir l’équilibre, à parvenir à une régulation tonique adaptée, et à une mobilisation tonico- motrice satisfaisante. On évaluera les réactions d’anticipation, d’adaptation, d’ajustement. On pourra percevoir les réactions aux touchers, ainsi que certaines variations neuro-végétatives et frémissements internes.

Les épreuves de l’équilibre dynamique :Les différentes situations proposées vont mobiliser l’ajustement de l’équilibre, l’organisation tonique, les éléments émotionnels sollicités, les rapports à l’espace, l’utilisation du mouvement et de l’immobilité ainsi que la qualité cinétique. On pourra noter les éléments végétatifs, l’acceptation et le respect des consignes, la manière d’aborder les situations dans les préparations et anticipations tonico- motrices. La place du regard et du langage sera notée.

L’épreuve de vigilance :Cette épreuve est une mise au travail concomitante des éléments de l’équilibre statique et dynamique, dans une observation des synergies nécessaires " faute d’une stricte synergie, il se produit des accrocs capables d’entraver la réalisation en cours "L’observation se fera sur les différentes attitudes, le maintien des postures, l’adaptation et la compréhension, les réactions et variations tonico émotionnelles.

L’évaluation du tonus :Le tonus concerne la tension de tout muscle. Wallon nous a appris que " c’est l’étoffe dont sont faites les attitudes, les postures et la mimique. Source des émotions et étoffe des réactions posturales, il prépare également la représentation mentale ". On évaluera par les épreuves habituelles le tonus de fond, avec la recherche de la passivité, du relâchement et de l’extensibilité et le tonus induit (avec l’étude des syncinésies et des réactions tonico- émotionnelles) . On pourra mettre en évidence une éventuelle paratonie.

Les invitations à expérimenter : Ce sont des invitations faites au cours de certaines épreuves, soit dans la mise en place d’un parcours, soit de l’utilisation proposée de certains éléments de la salle. Ainsi, le banc sera un outil intéressant tant au niveau de son abord et des évocations faites, que de la manière dont l’enfant y monte (avec l’observation de sa tonicité axiale). Les déplacements sur le banc seront des supports à des manifestations particulières autour des questions d’angoisses archaïques, chute, vide qui seront aussi racontées quand l’enfant sera invité à grimper à l’espalier. La question du danger évoquée lors de l’entretien avec les parents sera alors mise en scène et cela sert très fréquemment d’appui à des questionnements sur la solidité, la fragilité, les perceptions de sa fragilité interne ou externe et des solutions proposées. L’enveloppe corporelle y est alors racontée dans ses qualités et dans la manière dont l’enfant va l’éprouver. Les angoisses se montrent alors plus ou moins menaçantes et réactivent des réponses diverses.Ces moments sont une mise en scène, dans le ici et maintenant du bilan, des modalités relationnelles habituelles dans ce type de situation. Le psychomotricien est alors questionné

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sur ses capacités contenantes et mis à l ‘épreuve par les menaces et les provocations faites par l’enfant.

Le jeu de ballon :Proposé dans le cadre de l’évaluation des coordinations, le jeu de ballon, lors de la rencontre avec un enfant présentant une instabilité psychomotrice, fournit de nombreux renseignements.En effet, on sort du cadre strict des épreuves pour être dans un registre connu et ludique. L’enfant répète alors des attitudes habituelles, livrant des éléments de son organisation tonique. Il est dans un jeu d’échange et montre sa manière de supporter et maintenir cette situation. Il est invité du côté d’un agir connu, suscitant émotion et plaisir. Cela peut alors renseigner sur la qualité de cette seconde peau musculaire (substitut au ratage de la constitution de la première, dans cette fonction maintenue de garder sous contrôle tous mouvements internes) ou de la qualité du noyau de contention (qui explose sous l’excès de sollicitations émotionnelles ).On observera des attitudes diversifiées en lien avec le niveau de la structuration psychomotrice.

Le jeu spontané :A un moment du bilan( le plus souvent à la fin), l’enfant est invité à un jeu libre. On observera des attitudes paradoxales : nombre d’enfants sont alors " en panne ", ils sont subitement sidérés et reprennent des éléments du bilan dans une répétition presque compulsive dans lesquelles les réalisations se vident de leur sens. D’autres se précipitent sur le matériel, déballe, se jette par terre, lance des objets tout en questionnant du regard sur les réactions de l’adulte, mettant alors en scène ce qui nous aura été raconté des provocations répétées. Très souvent, les enfants reviennent à la table et demandent à dessiner.

Les " zones intermédiaires " :J’appelle " zones intermédiaires " ces moments d’entre deux, moments de passage d’une épreuve à une autre, d’un espace à un autre, d’un niveau de sollicitation à un autre. On est d’une certaine manière dans la transitionnalité de W.Winnicott , avec une nécessaire adaptation à cette nouvelle situation. L’enfant est alors amené à " abandonner " ce qu’il vient de faire pour se préparer à une suite annoncée mais pas encore en cours. C’est un temps de rassemblement, d’invitation au " silence du corps " pour mieux se mobiliser pour la suite.Dans ces zones on peut aussi évaluer la place du regard et des agrippements. L’enfant amplifiera ses manifestations symptomatiques quand il percevra une menace de " lâcher psychique ".

3 L’APRES COUP

C’est le temps de la réflexion et de l’élaboration qui va prendre en compte les éléments notés concernant l’enfant mais aussi ceux me concernant.Puisque l’instabilité est " dans son agir une lutte contre l’émotion " (B Golse), une " tentative de maîtriser son ressenti en le voyant à l’œuvre chez l’autre " ( D Mellier), le travail sur mes éprouvés va être un indicateur. J Bergès nous y incite : " l’instabilité fait appel au corps de celui qui l’apprécie, qui la supporte ".C’est l’interprétation de ma psychomotricité.

Pour conclure, cette recherche de la spécificité sémiologique de l’instabilité va pouvoir permettre d’envisager des modalités d’approche différenciées.

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Fabienne Leplat a élaboré un document intitulé " De l’examen psychomoteur au protocole ". Il reprend tant les différents éléments de son bilan psychomoteur tel qu’explicité dans l’article. Il est accompagné de deux protocoles, l’un pour les enfants à partir de 6 ans et un pour les moins de 6 ans. Ce document est réalisé en concordance avec le décret de compétences des psychomotriciens français.Il peut être commandé directement auprès de F. Leplat par e-mail : [email protected]. Il peut aussi être commandé auprès des éditions et applications psychologiques, 95 boulevard de Sébastopol, 75002 Paris (France).

Référence : UPBPF, revue « Contact 54 », troisième trimestre 2005