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Résumé

Les chaines logistiques globales correspondent à des processus étendus qui mettent en relation des entreprises diverses, participant à une même

création de la valeur. La majorité des travaux sur le management de la chaine logistique portent sur les avantages de la collaboration entre les

acteurs de la chaine de l'offre. Peu de travaux analysent les conflits qui peuvent naitre suite aux transferts de flux entre des acteurs. Les différences

de dotation en ressources et en capacités stratégiques produisent des asymétries de chaine et des situations de domination. Le pouvoir devient ainsi

une donnée fondamentale de la gouvernance des chaines de l'offre. Sa mobilisation (par un acteur individuel ou un groupe d'acteur), ainsi que la

perception de l'exercice du pouvoir (contraignante ou non) qu'en ont les autres acteurs déterminent le niveau de concurrence à l'intérieur d'une chaine

chaîne de l'offre, et in fine la performance globale de la chaine.

ISSN 1029–2225 - e - ISSN 2313 – 6278 ©2016. Sciences, Technologies et Développement

Mots clés : chaîne logistique globale, conflit, pouvoir, livre scolaire

Abstract

Global supply chains correspond to extensive processes that connect the various companies involved in the same value creation. The majority of

work on the management of the supply chain focus on the benefits of collaboration between actors of the chain of supply. Few studies analyze the

conflicts that can be born following the transfer flows between actors. Staffing differences in resources and strategic capabilities produce chain

asymmetries and domination situations. The power thus becomes a fundamental governance of supply chains. Its mobilization (by an individual actor

or group of actors) and the perception of the exercise of power (binding or not) that have other actors determine the level of competition within a chain

supply chain, and ultimately the overall performance of the chain.

ISSN 1029–2225 - e - ISSN 2313 – 6278 ©2016. Sciences, Technologies et Développement

Keywords: global supply chain, conflict, power, school book

1. Introduction

5Les chaines logistiques globales sont une réalité dans l'environnement économique global. Elles structurent des réseaux d'affaires dans le monde. Elles mettent en rapport des entreprises diverses, situées parfois sur plusieurs continents et constituent de ce fait des réseaux de relations d'affaires complexes, porteurs de grandes opportunités de profits pour l'ensemble des partenaires (D'Avenzo et al. 2003, Fabbe-Costes, 2002), cependant, elles sont aussi susceptibles d'ouvrir la voie à des conflits potentiellement destructeurs. Les travaux relatifs au management de la chaine logistique globale ont davantage porté sur les avantages liés à la synchronisation des flux entre les partenaires, depuis le fournisseur du fournisseur jusqu'au client du client (Paché et Bacus-Montfort, 2002). Les dimensions relatives aux conflits et à leur gestion ont très peu attiré l'attention des chercheurs. Bowersox et al. (1997) ont mis en évidence la nature duale des canaux de distributions, avec la présence d'un canal logistique et d'un canal transactionnel. Si le canal logistique est considéré comme le lieu de la coopération (avec la mise en place de processus coopératif visant à fluidifier l'ensemble

5 Auteur correspondant: Anaba501@yahoo.com

des flux du canal de distribution, à coordonner les opérations promotionnelles, la gestion des approvisionnements, etc), le canal transactionnel serait de nature conflictuelle (avec les tensions liées à la prise en charge des stocks, au respect des délais, au partage de la rente, etc). L'intérêt d'analyser le conflit à l'intérieur des chaines logistiques globales découle de la nécessité de prendre en considération toutes les dimensions des relations entre les acteurs d'une chaine de l'offre. S'il est établit que le pouvoir influence l'intensité conflictuelle, la nature et les effets de l'exercice du pouvoir sur l'intensité conflictuelle et la performance demeurent encore dans l'ombre. Les stratégies des acteurs déterminent la nature du pouvoir qu'ils mobilisent dans leurs relations au sein de la chaine, l'intensité conflictuelle étant proportionnelle à la perception qu'en ont les partenaires (Mohr et Spekman, 1994). Il est important dès lors de comprendre les effets de l'exercice du pouvoir par les acteurs dominants sur l'intensité conflictuelle et au-delà sur la performance d'une chaine logistique globale. A cette fin, nous procéderons d'abord à une revue la littérature et à la construction du modèle théorique de la recherche dans

Sciences, Technologies et Développement, Edition spéciale, pp22-26, Juillet 2016 http://www.univ - douala.com/sdt/

ISSN 1029 – 2225 - e - ISSN 2313 - 6278

Pouvoir, intensité conflictuelle, et performance d'une chaine logistique globale: le cas de chaine de distribution du livre scolaire au Cameroun

E. N. Anaba Ehongo

ESSEC, Université de Douala, BP : 1931 Douala - Cameroun

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la première section, ensuite nous évaluerons les différentes relations causales du modèle global à l'aide de données empiriques issues de la chaine de distribution du livre scolaire au Cameroun, enfin nous discuterons des résultats des différentes analyses effectuées afin de mieux comprendre les déterminants de la performance d'une chaine logistique globale. 2. Revue de la littérature

La revue de la littérature va essentiellement consisté en l'analyse des principales dimensions du modèle théorique de la recherche. 2.1. Le pouvoir.

Dans le cadre des travaux portant sur le canal de distribution, le pouvoir peut être défini comme la capacité d'une partie d'affecter les activités d'une autre partie (Liu, Li, Zhang, 2010; Wilkinson, 1981) ou encore "la capacité d'un membre du canal (A) de contraindre un autre membre du canal (B) de faire quelque chose qu'il n'aurait pas fait autrement" (Gaski et Nevin, 1985).L'identification des sources de pouvoir permet de mieux analyser les enjeux de sa mobilisation dans les relations inter-entreprises. A cette fin la typologie de French et Raven (1959) permet de distinguer cinq sources de pouvoir, dont une source coercitive (la coercition) et quatre sources non coercitives (la légitimité, la récompense, la valeur de référence, l'expertise). Hunt et Nevin (1974) ont appliqué la typologie de French et Raven au canal de distribution, leurs conclusions permettent de distinguer les effets des différentes sources du pouvoir sur la relation et le comportement des partenaires. Ainsi, pour ces auteurs le pouvoir d'un acteur A sur un acteur B n'est effectivement perçu par ce dernier uniquement lorsqu'il s'agit de la coercition. Le déploiement de sources non coercitives de pouvoir favorise le développement de mécanismes socio-politiques entre les partenaires à l'échange, et permet l'adhésion des acteurs dont l'obéissance est requise aux valeurs de la partie dominante. L'exercice du pouvoir dans ces conditions n'est pas perçu comme tel par les acteurs dominés et s'inscrit désormais dans l'ordre des pratiques relationnelles ordinaires. De plus, certains auteurs (Gaski, 1984; Lush, 1976) considèrent que l'usage du pouvoir coercitif accroit l'intensité conflictuelle, tandis l'usage du pouvoir non coercitif crée l'harmonie dans les relations, améliore la coopération, réduit des litiges, et la satisfaction des partenaires (Stern et El-Ansary, 1988). Dès lors, nous retenons l'hypothèse selon laquelle le niveau d'intensité conflictuelle reflète le niveau d'emploi du pouvoir coercitif par rapport au pouvoir non coercitif dans la chaine de l'offre. 2.2. Intensité conflictuelle

Le conflit est potentiellement présent dans la plupart des relations d'affaires. Les chaines logistiques globales n'échappent pas à cette réalité (Noireaux et Poirel, 2014). Les conflits sont de différentes natures. Moore (1996) distingue les conflits de nature relationnel, des conflits de nature informationnel, structurel, de valeurs, et d'intérêts. Amason (1996) distingue pour sa part les conflits cognitifs des conflits affectifs. Certains auteurs mettent au centre de l'analyse l'intensité du conflit, indépendamment de sa nature. Ellegaard et Andersen (2015) identifient trois niveaux d'intensité de conflits : les conflits de basse intensité, les conflits de moyenne intensité, et les conflits de haute intensité. Les conflits de basse intensité apparaissent comme des écarts mineurs dans les relations courantes entre les partenaires, leur résolution ne nécessite pas la mise en place de procédures spécifiques, les pratiques relationnelles ordinaires et le bon sens des acteurs suffisent le plus souvent à résoudre ce type de conflit. De plus, ces conflits mineurs peuvent être acceptées comme des éléments intrinsèques de toute relation d'affaires et acceptés comme tels (Bengtsson & Kock, 2000). Les conflits de moyenne intensité sont inévitables dans les relations courantes entre les parties. Ils ne nécessitent pas la mise en place d'une procédure spéciale de résolution, mais exigent un engagement ferme des parties dans la résolution, un échange accrue d'informations, et une mobilisation de ressources cognitives importantes (Medlin et al., 2005; Montoya-Weiss, 2001). Ce niveau de conflit favorise les incitations indispensables à la réalisation des transactions. Les conflits de forte intensité correspondent à une véritable crise dans les relations entre les partenaires, avec une perte de confiance, l'apparition de la suspicion, et le désengagement des partenaires. Ce type de conflit exige la mise en œuvre urgente d'une procédure spécifique de

résolution ainsi qu'une adaptation réciproque importante des parties afin de rétablir l'équilibre de la relation (Jen et Mannix, 2001). La persistance de ce type de conflit marque le début du déclin de la relation.

2.3. Secteur de la distribution du livre scolaire au

Cameroun

Le pouvoir de chaque acteur dépend de sa position relative dans l'organisation de la chaine. Les évolutions fondamentales du secteur de la distribution en Europe et aux Etats-Unis mettent en évidence la montée en puissance des distributeurs au détriment des producteurs, à travers la maitrise du référencement et des variables logistiques de l'approvisionnement (Filser, 2002; Paché, 2006). Par contre en Afrique en général, le contexte de la distribution est marqué par la présence d'un secteur traditionnel important et la persistance d'activités informelles, cette configuration est peu

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propice à l'émergence et à la généralisation d'un format de vente spécifique (Lessassy, 2007). Le secteur du livre scolaire au Cameroun présente une configuration particulière, avec une structure en sablier constituée au sommet des maisons d'édition et des diffuseurs, et en aval un réseau de petites librairies inégalement réparties sur le territoire national. Cette organisation de la chaine de l’offre se caractérise par le quasi-monopole d'une entreprise dans les activités de diffusion (la multinationale française "messapresse") avec près de 95 % du marché à elle seule. L'on peut caractériser le positionnement de "messapresse" dans la chaine de distribution du livre scolaire au Cameroun comme un monopsome en amont par rapport aux maisons d'édition, et comme un monopole en aval dans ses rapports avec les librairies et les kiosques. Dans ce contexte, le diffuseur principal est au centre des échanges et détient de ce fait un pouvoir important vis-à-vis de ses partenaires à l'amont et à l'aval de la chaine de l'offre.

3. La phase empirique de la recherche

3.1. Les analyses factorielles exploratoires

Les données sont issues d'une enquête conduite auprès des librairies sur le territoire camerounais avec au final 84 questionnaires valides. Le questionnaire a été construit à partir de la revue de la littérature, il est constitué de questions fermées sur la base d'échelles de Lickert à 7 points. Une analyse factorielle est réalisée sur les dimensions fondamentales du modèle de recherche en vue de réduire les données en facteurs principaux à l'aide du logiciel SPSS 18 (sur la base du critère critère de la valeur propre supérieure à l'unité). Lorsque la consistance interne de l'échelle mesurée sur la base de l'alpha de Cronbach s'est avérée satisfaisante (α < 6), des items dont la contribution à la formation de la variance est faible ont été écartés. L'analyse factorielle confirmatoire (AFC) a mobilisée la méthodologie des équations structurelles avec le logiciel AMOS 18. La méthode PLS a été retenue, car dans cette recherche nous testons un modèle issue de la théorie. La fiabilité des dimensions de l'AFC s'appuie sur le rhô de Jöreskog (>6) (Nunally, 1978). De même, la validité convergente des construits est vérifiée lorsque le critical ratio (C.R.) a une valeur supérieure à 1,96.

Figure n°1 : le modèle théorique de la recherche

Les analyses factorielles exploratoires. L'analyse factorielle exploratoire de la dimension "le pouvoir non coercitif" a fourni un facteur principal qui explique 61,649% de la variance, et un alpha de cronbach de 0,684. L'analyse factorielle exploratoire de la dimension "le pouvoir coercitif" a donné un facteur principal expliquant 50,738% de la variance, avec un alpha de cronbach de 0,502 < 0,6. Le manque de consistance interne impose une seconde analyse sans l'item "quelquefois votre partenaire vous empêche de faire ce que vous voulez faire" qui a une contribution factorielle faible (0,293). Nous obtenons un seul facteur expliquant 69,910% de la variance et un alpha de cronbach faible (0,570). Dans ces conditions, les variables de cette dimension seront prises séparément. De même, l'analyse factorielle exploratoire de la dimension 'l'intensité conflictuelle" a produit trois facteurs principaux expliquant 64,108% de la variance totale, et un alpha de cronbach de 0,692. Cependant, la consistance interne de la deuxième dimension n'est pas bonne (alpha de cronbach négatif), de ce fait cette composante est abandonnée. L'analyse factorielle

exploratoire de la dimension "la performance de la chaine logistique globale" a donné deux composantes principales et un alpha de cronbach de 0,844. La première composante a trait "service à la clientèle" (α=0,841), et la seconde à "la

satisfaction de la clientèle" (α=0,878). 3.2. Les analyses factorielles confirmatoires (AFC)

L'ajustement du modèle global aux données est satisfaisant au regard des seuils généralement admis (CMIN/DF=0,921; GFI=0,946; AGFI=0,891; IFI=1,013; CFI=1,000). Le rhô de joreskög de toutes les dimensions du modèle structurel sont supérieurs à 0,6 ce qui témoigne d'une bonne fiabilité des dimensions du modèle. L'évaluation de la validité convergente est satisfaisante, car toutes les contributions factorielles du modèle structurel ont une valeur de critical ratio (C.R.) supérieure à 1,96 (Anderson et Gerbing, 1988), ainsi le test t de student est significatif pour l’ensemble des dimensions

latentes du modèle structurel. De plus, l’examen du seuil de

significativité montre que toutes les relations sont

Pouvoir non

coercitif

Intensité

conflictuelle

Performance

chaine

logistique

Pouvoir

coercitif

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significatives (p < 0,01). La validité discriminante correspond à la capacité d'une mesure à fournir des résultats différents d'autres mesures de traits différents (Roussel et al, 2002), elle est satisfaite lorsque la corrélation inter-construit de deux variables latentes est inférieure aux corrélations intra-construits les reflétant. La variance moyenne extraite de chaque dimension latente est supérieure au carré de la corrélation entre chaque variable manifeste et sa variable latente. Le cas des dimensions "pouvoir coercitif" et "pouvoir non coercitif" est réglé par les analyses de fiabilité précédemment conduites. Ainsi la validité discriminante est satisfaisante.

4. Discussion des résultats, limites, et perspectives de

recherche

Il ressort des analyses des relations causales du modèle structurel de la recherche que le "pouvoir coercitif" exerce une influence sur le niveau de la dimension "intensité conflictuelle" avec une valeur de critical ratio (C.R.)significative de 0,809 (p=0,044), par contre l'effet de la dimension "pouvoir non coercitif" n'est pas significatif (C.R.=0,55; p=0,097). Or le niveau d'intensité conflictuelle de la chaine de distribution du livre scolaire peut être qualifié de moyenne (moyenne=2,6; écart-type=1,6), ce qui traduit la force de l'effet du pouvoir coercitif sur l'intensité conflictuelle. De même, la dimension "intensité conflictuelle" a un effet important et négatif sur la performance (-9,414; p=0,012). Dans ces conditions les, l'intensité conflictuelle médiatise l'effet du pouvoir non coercitif et du pouvoir coercitif sur la performance. Cela est confirmé par le test du modèle alternatif (sans l'effet de médiation) qui donne une valeur de (-9,664; p=0,000) pour la dimension "pouvoir non coercitif" et (12,602;p=0,000) pour la dimension "pouvoir coercitif", valeurs supérieurs à ceux du modèle global (7,418 et 8,435). Donc, l'intensité conflictuelle attenue l'effet du pouvoir non coercitif sur la performance et accroit celui du pouvoir coercitif. Il ressort clairement des analyses empiriques que l'hypothèse centrale de notre recherche est vérifiée, à savoir que le pouvoir coercitif accroit l'intensité concurrentielle et attenue la performance globale de la chaine de l'offre. Cependant, l'on ignore les effets du pouvoir en cas d'intensité conflictuelle forte ou faible. Bien que le test du modèle alternatif (en l'absence de la dimension "intensité conflictuelle" renforce l'effet positif des deux types de pouvoir sur la performance, il conviendrait dans une recherche ultérieur de doser les niveaux d'intensité conflictuelle et d'analyser les effets induits de chacune des formes de pouvoir sur la performance de la chaine logistique globale.

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