pour vivre comme elle l’a choisi tout en …sports, sports et loisirs de nature, tiers de...

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Guide pratique d’accompagnement à la création d’entreprises Trajectoire SPORT Trajectoire SPORT NATURE Trajectoire CULTURE 92 on parcours Quand on sait que l’altitude la plus élevée relevée à Bourges est de 120 m, on peut s’étonner de trouver cette Berrichonne à la tête d’une entreprise qui s’appelle « Esprit Parapente » et qui est située... dans les Alpes du Sud. Pourtant, quand on découvre le parcours de Delphine, tout s’éclaire. Delphine est une jeune scientifique qui accorde plus d’importance aux gens qu’aux formules. C’est essentiellement pour cette raison qu’elle a abandonné le projet professionnel qui l’a décidée à s’inscrire en faculté de sciences à Limo- ges, à la sortie du lycée. Au départ, Delphine n’a en effet qu’une envie : devenir contrôleur aérien. Ce pro- jet la conduit presque naturellement à passer un DEUG de mathématiques, puis une licence de physique. Le week-end, elle réserve son temps libre à sa passion. C’est à l’âge de 18 ans qu’elle découvre le vol libre, dans le cadre des activités sportives proposées par sa faculté. Au départ, on ne peut pas dire que cette pra- tique sportive soit une révélation, bien qu’elle lui per- mette de se retrouver dans le milieu qu’elle affectionne : le plein air. En revanche, elle y trouve ce qu’elle recherche et qui détermine déjà son choix comme dans tout ce qu’elle entreprend : le facteur humain. C’est dans le Cantal qu’elle décide d’effectuer sa semaine de stage d’ini- tiation. Comme le courant passe avec POUR VIVRE COMME ELLE L’A CHOISI... TOUT EN GARDANT LES PIEDS SUR TERRE Cette jeune trentenaire n’a peur de rien et sait ce qu’elle veut depuis long- temps déjà. Ce sont ces qualités qui l’ont conduite jusque dans la Drôme à l’âge de 21 ans. L’entreprise, c’est un choix de moyen et non une fin en soi. Le choix des activités qu’elle propose : un juste compromis entre hasard et nécessité… pour que sa vie soit conforme à ses exigences. Ce qui l’intéresse avant tout, c’est de vivre comme elle l’entend ! s Esprit Parapente « Le choix du vol libre, c’est d’abord la rencontre avec des gens plutôt qu’une activité » Delphine PILLE Guide Print ok.indd 92 20/01/12 20:00

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on parcours

Quand on sait que l’altitude la plus élevée relevée à Bourges est de 120 m, on peut s’étonner de trouver cette Berrichonne à la tête d’une entreprise qui s’appelle « Esprit Parapente » et qui est située...dans les Alpes du Sud.Pourtant, quand on découvre le parcours de Delphine, tout s’éclaire. Delphine est une jeune scientifique qui accorde plus d’importance aux gens qu’aux formules. C’est essentiellement pour cette raison qu’elle a abandonné le projet professionnel qui l’a décidée à s’inscrire en faculté de sciences à Limo-ges, à la sortie du lycée.Au départ, Delphine n’a en effet qu’une envie : devenir contrôleur aérien. Ce pro-jet la conduit presque naturellement à passer un DEUG de mathématiques, puis

une licence de physique. Le week-end, elle réserve son temps libre à sa passion.C’est à l’âge de 18 ans qu’elle découvre le vol libre, dans le cadre des activités sportives proposées par sa faculté. Au départ, on ne peut pas dire que cette pra-tique sportive soit une révélation, bien qu’elle lui per-mette de se retrouver dans le milieu qu’elle affectionne : le plein air. En revanche, elle y trouve ce qu’elle recherche et qui détermine déjà son choix comme dans tout ce qu’elle entreprend : le facteur humain.

C’est dans le Cantal qu’elle décide d’effectuer sa semaine de stage d’ini-tiation. Comme le courant passe avec

POUR vIvRE cOMME ELLE L’A chOISI...TOUT En GARDAnT LES PIEDS SUR TERRE

Cette jeune trentenaire n’a peur de rien et sait ce qu’elle veut depuis long-temps déjà. Ce sont ces qualités qui l’ont conduite jusque dans la Drôme à l’âge de 21 ans. L’entreprise, c’est un choix de moyen et non une fin en soi. Le choix des activités qu’elle propose : un juste compromis entre hasard et nécessité… pour que sa vie soit conforme à ses exigences. Ce qui l’intéresse avant tout, c’est de vivre comme elle l’entend !

s

Esprit Parapente

« Le choix du vol libre, c’est d’abord la rencontre avec des gens plutôt qu’une activité »

Delphine PILLE

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les gens qui tiennent cette école, elle y revient l’été suivant, puis tous ceux qui suivent. Les deux premières saisons, elle fait les navettes, et la troisième année, elle est monitrice.On est en 1998 quand Delphine échoue de 13 /100 à son concours. À l’âge de 21 ans, elle subit son premier échec et les conséquences sont irréver-sibles sur ce projet qui lui tient à cœur depuis des années. Avoir échoué de si peu, sans avoir rencontré un seul exa-

minateur auquel elle puisse expo-ser ses motiva-tions, cela sus-cite en elle la

révolte et provoque une remise en cause qui va changer le cours de sa vie : « Ça m’a décidée à prendre une année sab-batique pour apprendre d’autres choses, rencontrer d’autres gens. »

Pour tourner la page, elle décide de partir dans le Sud. C’est dans la Drôme qu’elle s’installe par hasard et qu’elle décide de poursuivre sa vie car, c’est décidé, elle ne repassera pas son concours de con-trôleur aérien.Après une année passée à digérer ce changement, elle décide de reprendre ses études à Valence à l’IUP LEST (loisirs, environnement, sport, tourisme). Il n’y a pas de nouveau projet professionnel à la clé, juste une opportunité de poursuivre ses études en maîtrise et de passer son BE parapente en parallèle. Pour l’obtention de son diplôme univer-sitaire, elle doit faire un stage de cinq mois, qu’elle réalise dans la commune de l’Argentière-la-Bessée. Là, elle s’occupe de la mise en place du réseau des sen-tiers de randonnée, se familiarise avec la cartographie et découvre l’animation des réseaux d’acteurs. Parce qu’elle n’a pas fini sa mission et qu’elle a donné satis-faction à ses employeurs, elle devient

salariée pen-dant les sept mois suivants. Cette expé-rience est très enrichissante à plusieurs titres, mais elle comprend que les résultats de son travail ne dépen-dent pas seulement des efforts qu’elle déploie ou de la pertinence des résultats qu’elle obtient.

Le compromis, c’est dans une école de parapente installée dans la Drôme qu’elle le trouve… ainsi que par le choix du statut de travailleur indépendant. Au début, elle travaille seulement avec ses deux collègues, travailleurs indé-pendants comme elle. Elle découvre rapidement que l’activité est insuffisante pour en vivre à l’année et qu’elle aura du mal à trouver une activité complémen-taire sur place.C’est donc un peu par hasard que ses choix de vie l’amènent à construire un parcours qui est assez emblématique de ce que l’on observe dans ces secteurs d’activité.

Pour compléter ses revenus, elle s’en-gage en effet dans la pratique du ski de fond et devient rapidement pisteur secouriste. C’est à Vallouise qu’elle exerce cette activité complémentaire, qui lui permet de découvrir les règles du jeu du travail en station et de mesurer en une saison qu’elle pourrait proposer des vols en biplace aux skieurs. « En terme d’aérologie, cette vallée est par-ticulièrement protégée. » Les années précédentes, d’autres travailleurs indé-pendants s’y sont cependant essayés sans succès. Qu’à cela ne tienne, Delphine s’engage dans cette nouvelle aventure et abandonne son emploi salarié saisonnier sans remords.

« Après cet échec, je ne veux plus entendre

parler d’études purement théoriques. »

« J’ai découvert que l’emploi salarié ne me convenait pas. Je n’ai pas aimé cette sensation d’être verrouillée. »

« Pour vivre ici, il faut créer son entreprise. »

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Elle « sent que ça va fonctionner ».Au départ, le lancement se fait progres-sivement et lui permet de « vivre tran-

quillement ». Pour rendre son activité économique-

ment plus sereine, elle décide de mettre en place une activité de luge, le « snake-gliss », qu’elle a découverte par hasard, grâce à un ami. À première vue, cette nouvelle activité n’est pas très compli-quée et l’investissement est mesuré. Cela consiste en effet à faire descendre les pistes en luges attachées les unes aux autres. Sa bonne connaissance de la station et des professionnels qui y vivent lui permet de négocier les autorisations dont elle a besoin et de recruter les moniteurs de ski et accompagnateurs en moyenne montagne qui encadrent ce nouveau produit.

Côté Drôme, les choses se pas-sent bien pendant huit ans. Quand la collaboration cesse en 2007, elle réalise que son statut de travailleur indépen-dant, qui lui va si bien, ne la protège pas

suffisamment.

Pour créer Esprit Parapente, elle veille à lui don-ner une identité et une âme.

Aujourd’hui, elle passe ses étés dans les Baronnies et ses hivers à Vallouise. Elle a créé une EURL pour porter la partie commerciale de l’école de parapente, et elle a conservé son statut de travailleur indépendant pour l’activité de monitorat. Depuis l’an dernier, elle a un comptable « parce qu’elle ne s’en sort plus, chacun son métier ! ».

Elle a vite compris qu’elle pourrait vivre du parapente durant toute l’année. Mais, pour protéger cette activité qui lui tient tant à cœur, elle comprend également rapi-dement qu’une autre activité est nécessaire pour garder la qualité de vie souhaitée et lui assurer un revenu complémentaire.

Professionnellement, elle est dans une phase moins créative qu’à une époque. Il faut dire qu’elle est engagée dans un projet, mais sur un plan beaucoup plus personnel : à 33 ans, elle attend son pre-mier enfant. Pour pouvoir s’occuper de lui comme elle l’entend, il va falloir qu’el-le s’organise autrement tout en ayant des revenus suffisants pour l’élever. Sa maison, elle en est déjà propriétaire ; quant à son activité profes- sionnelle, elle se prépare à la gérer dif-f é re m m e n t … et en toute sécurité. C’est pour ça qu’elle a créé Esprit Parapente en EURL et « pour que cela garde son identité même si je suis moins sur le terrain un certain temps ».

Dans trois ou quatre ans, quand son enfant aura grandi, il lui faudra certaine-ment arrêter les bisaisonnalités. Elle s’y prépare sereinement car ce qui compte pour elle, c’est exercer le travail de son choix et vivre là où elle l’a décidé, « en toute simplicité ».

on point faible

n « Mon site internet compense mes difficultés à communiquer. »

s

«J’y vais, je travaille beau-coup et, jusqu’à présent, ça a toujours marché ! »

« J’ai beaucoup perdu en ne travaillant plus

dans cette école. La société de fait, c’est bien tant que tout va

bien, mais quand ça va plus, on perd le fruit

d’années de travail. »

« Les trois mois d’hiver restent économiquement non négligeables compa-rés aux sept mois d’été. »

« La luge, c’est ce qui me permet de manger. L’en-seignement du parapente, c’est ce qui me fait vibrer et vivre, et qui m’a permis de choisir cette vie. »

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Elle progresse cependant. En créant « La Transdromoise », une course de vol ran-donnée, elle a décidé de communiquer à la fois sur son activité et sur son image.

es points forts

n « Je fais bien la différence entre le travail et les loisirs. Si je tiens dans ce

milieu, c’est parce que j’ai bien cloison-né les deux. »

n « Avec une bonne réputation, dans le milieu du vol libre le bouche à oreille, ça marche. »

n « L’aspect économique ne m’inquiètepas parce que je ne m’engage que si je sens que tout va bien se passer. Si je ne sens pas, je fais pas. »

Date de création 2007

Investissement initial

10 000 € la première année en 2007, 20 000 € en 2008 et 10 000 € en 2009

Forme juridiqueIndépendante pour l’enseignement du vol libre, gérante de l’EURL pour le reste de son activité.

Chiffre d’affaires Ces trois dernières années, ses bénéfices ont plus que triplé.

Progression du CA 7,5 %

PersonnelAucun salarié à l’année. Elle ne travaille qu’avec des travailleurs indépendants.

ActivitésActivités hiver : vol en biplace et descente en luge encadrée.Été : vol en biplace et enseignement du parapente (formation de pilotes).

Coordonnéesn www.esprit-parapente.com n www.pleine-nature-ecrins.comn www.transdromoise.fr

Portrait de l’entreprise

s

Oser et ne pas être stressé par le lendemain.

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