poésies allemandes : klopstock, goethe, schiller, burger ... · tera; encore faudra-t-ildéduire...

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Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France Poésies allemandes : Klopstock, Goethe, Schiller, Burger / morceaux choisis et traduits par M. Gérard [de Nerval]

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Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Poésies allemandes :Klopstock, Goethe, Schiller,

Burger / morceaux choisis ettraduits par M. Gérard [de

Nerval]

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Poésies allemandes : Klopstock, Goethe, Schiller, Burger /morceaux choisis et traduits par M. Gérard [de Nerval]. 1830.

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BIBLIOTHÈQUECHOISIE

PAR UNE SOCIETE DE CENS DE t.ETTBES

SOCS t.& MRKCTMNDE tt. MMRBNTtE.

V SECTION.

CHOIX DE POESIES.

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TotMles ouvrages publiés par la BtBMOTntoee

eaoMtB sont !a propr!ét6 deséditeaM; chaquevolume est empreint de son cachet:le contre-facteur aéra poursuivi suivant la rigueur deslois.

tMPmttEtt'E DE BHTHPtEBM Mat'M.n 5 à P!"M.

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POÉSIES

ALLEMANDES.

KLOPSTOCK, GOETHE SCHtLLEK

BURGER.

MORCEAUX CHOISIS ET TRADUITS

PAR M. GÉRARD

PARIS.MCBE&U DB LA BtBUOTnkQUE cn<MSÎË~

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INTRODUCTION.

Cn serait une erreur de croire que laUttérature allemande, aujourd'hui si bril-lante, si fertile en grands noms, rivale det'An~teterre et de la France, remonteparune chaîne non interrompueà cette vieiUepoésie du Nord dont elle porte le carac-tère. Entre ces deux poésies, il y a unabune la barbarie qui ignore, l'imitationqui tue, et les faiseurs de vers latins. Hon-neur donc à cette famille de poètes natio-

naux qui commence à Klopstock et quidure encore Ds ont dédaigné les serreschaudes bâties à grands frais dans les châ-teaux de teur froide patrie, mais ils se

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sont élancés dans ses montagnes, dans sestbréts; !ts y ont chen'hé les vestiges de lamythologie d'Cdin et un écho du chantdes vieux bardes saxons. De là une litté-rature originale, nationale, qui grandirades siècles encore,et qui ne date que d'undemi-siècle; de sorte que l'histoire n'enest pas longue s'il ne s'agit que d'une no-menclature d'auteurs et d'ouvrages maisimmense s'il s'agit de les apprécier.

C'est ce que je n'essaierai pas. Je n'im-poserai point à mes lecteurs une admira-tion sur parole. Cependant l'allemand estune' langue si peu répandue que, lorsquenous autres traducteurs indignes nous af-firmons que tel auteur ou tel ouvrage estsublime, on nous croit par complaisance

et sans plus d'informations. On a fait ainsichez nous telle réputation colossale dontles étrangers s'étonnent bien fort, j'en-tends ceux qui ne savent pas comment enFrance se font les réputations.

Pour moi, j'offre ici des traductionsde

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vif enthousiasme et de premier jet, queje n'ai peut-être pas réussi à faire bonnes,mais qui du moins sont exactes et con-sciencieuses. Les jugements tout faits n'a-vancent rien en littérature des traduc-tions f!dè!es peuvent, je crois, davantage.Quant aux imitations, on n'en veut plus,et on a raison.

Et jamais les traductions ne furent plusmultipliées qu'aujourd'hui. H y en a quidisent C'est l'irruption des Goths et desVandales1 d'autres C'est la restaurationque les étrangersnous amènent' la Res-tauration toute bienfaisante et aussi touteglorieuse. Je penche vers ce dernieravis, et je me fonde sur l'exemple même del'Allemagne.

Là les plus grands auteurs n'ontpas dé-daigné de traduire; mais c'était autant pourmontrer ce qu'il fallait éviter que ce qu'ilfallait faire. Schiller traduisait Racine, etdisait à ses compatriotes Vous voyez bienqu'il n'ose pas assez! Il traduisait Shakes-

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peare, et disait Vous voyez bien qu'ilose trop !OfScbiHern'imitait ni Shakes-

peare ni Racine, mais il faisait commeeux, et peut-êtreaussi bien. On va se ré-crier. Supposons qu'il fit plus mal, il n'é-tait au moins ni Français ni Anglais; ilétait lui, il était Allemand.

Ainsi, pour juger cet auteur et cetteécole, il faut oublier un instant toutes lestraditions de notre pays, toutes tes exi-gences de notre poétique et ne pointridiculiser tel habit parce qu'on n'enporte point de pareil chez nous. Je crois

que cet avis n'est pas inutile pour unepartie de ceux qui liront ce livre.

Si même je pouvais d'avance les mettredans le secret du travail ues poètes alle-mands, ils concevraient mieux peut-êtreet leurs beautés et leurs défauts; ils com-prendraient que c'est une tout autre ma-nière de composer que celle de nos au-teurs que chez nous c'est l'homme quigouverne son imagination; que chez les

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Allemands c'est l'imagination qui gou-verne l'homme, contre sa volonté, contreses habitudes, et presque à son insu.

Quel contraste en effet entre leur vieet leurs pensées Plus l'Allemand a étéfroid et correct dans ses occupations jour-nalières, plus son imagination devientfantasque et vagabonde lorsqu'U la laissealler, ou qu'il se laisse aller à elle et ilest alors merveilleux de la voir, au milieud'une atmosphèrede brouillards et de fu-mée de tabac, lui créer un univers magi-que tout plein de ngures légèreset gra-cieuses.

Voyez le poète allemand, dès qu'il apu échapper à la vie commune,se jeterdans un fauteuil, et s'abandonner à l'en-chanteresse dont la main divine se posesur ses yeux et I<*s ouvre à des aspectsnouveaux c'est alors qu'il aperçoit tantôtcomme une échelle de Jacob jetée de laterre au ciel, tantôt comme une vasteroue, un zodiaquecéleste qui tourne avec

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ses signes bizarres et éclatants; le Scor-pion et la Vierge le Capricorne et lesGémeaux;Marguerite et Méphistophélès;plus loin, la Fiancée de Corinthe, quigrandit jusques au plafond; une nuit deSabbat, une chasse infernale Lénore àcheval dans les bras d'un fantôme. Ils'identifie avec tout cela il ne voit passeulement, mais il entend; il entend, etcependant, qu'on tire le canon à sesoreilles, et l'on n'éveillera pas son atten-tion. Il entend la voix murmurante duRoi des aulnes qui veut séduire un jeuneenfant; le //<M~7<~ d'une cloche dansla campagne, !e lzopl Ao~/ ~< d'uncheval au galop, le cw-c/ï<c d'une porteen fer qui se brise. Et puis, s'il a uneplume, il jette tout cela sur le papier,comme il l'a vu, comme il l'a entendu,sans s'inquiéter d'être lu, et surtout sansse dire cela est-il pur? cela est-il noble?et au fond qu'est-ce que cela prouve?Après quoi il ne touche plus à son travait,

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et le laisse pour ce qu'il est. un vraichaos, soit du ridicule souventà force desublime. ou bien un monde, tout nnmonde spirituel, aussi vrai qu'il est pos-sible de l'inventer.

Allcx donc maintenant appliquer à untel ouvrage cette critique rétrécie, fille deLa Harpeet de Geoffroy, qui combat trai-treusement les mots à coups d'épingles, ettue ainsi en détail la plus subUme con-cept ion.

On bien lisez-le superfieiellement,avecvos préventions de coHége, et sans songerque vous n'êtes plus en France, sans rap-peter à vous vos Utusions de jeunehomme,et les singulières pensées qui vous ont as-sailli parfois dans une campagne au clairde lune, et bientôt vous aurez jeté lelivre avec le mépris d'une curiosité trom-pée, et vous serez rentré dans votre cerclede pensées habituelles, en murmurantcomme un homme qu'on a troubié dans

son sommeil.

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Ah ce sera peut-être un peu la fautedu traducteur mais il ne prétend pas vousdonner l'ouvrage étranger tel qu'il est; ilcompte que vous suppléerez à ce qui luimanque, et si vous ne vous sentez pasassez poète pour cela, il ne faut pas lelire.

Voulez-vous avoir une idée de ce qu'unetraduction de poésies étrangères, très-bonne même, est à l'original, supposez laplus belle ode de J. B. Rousseau, mise

en prose, et vous verrez ce qu'il en res-tera; encore faudra-t-ildéduire la diffé-rence du génie des deux langues, qui faitque ce qui est sublime chez l'une, chezl'autre est ridicule.. Je n'appuie autantsurce sujet que parce que j'ai vu bien des

gens qui avaient lu des ouvrages alte-mands dans des traductions françaises,s'écrier Ces Allemands n'ont pas le senscommun Cela revient à dire Ces Alle-mands ne sont pas Français.

Or il y a en Allemagne une école fran-

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caise à savoir, Vieland, Gessner, Les-sing, Kotzebue et autres, plus grandshommes chez nous que chez eux, et quel'on choisissait, il y a quelques années,pour nous faire connaitre la littératureallemande, commeplusfaciles à compren-dre pour nous. Eh bien je vous jure, quela plupart de leurs ouvrages ne sont pasallemands, mais bien français, moins l'es-prit et la grâce qui tiennent au terroir.

Aussi n'ai-je traduit ici que les poèteset les ouvrages vraiment allemands, aurisque d'être mal compris et mal jugéj'ai peu à craindre, il est vrai, pour lesauteurs du premier votume, dont la ré-putation est faite en France; cependantles poèmes que j'en ai recueillis sont lesmoins connus, les plus difficiles à ren-dre en prose, et je ne sache pas qu'on aitjamais publié sur eux un travail bien com-plet. Madame de Staël même, sauf troisou quatre morceaux qu'elle a traduits, asemblé craindre d'en donner autre choseque des analyses.

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Mais c'est son ouvrage sur l'Allemagne,qu'il faut lire et relire, pour se faire uneidée juste du mérite des poésies a)lc-mandes car il y a peu de chose à direaprès elle et autrement qu'elle; aussi nes'étonnera-t-on pas que je la cite plutôtque de la répéter.

« Les poètes allemandes détachéesdit-elle, sont, ce me semble, plus remar-quables encore que les poèmes, et c'estsurtout dans ce genre que le cachet del'originalité est empreint. I) est vrai aussi

que les auteurs les plus cités à cet égard,Goëthe, Schiller, Burger, etc. sont del'écolemoderne, et que celle-là seuleporteun caractèrevraiment national. Goëthe aplus d'imagination,Schiller plus de sensi-hUité, et Burger est de tous celui qui pos-sède le talent le plus populaire. En exa-minant successivementquelques poésies deces trois hommes, on se fera mieux l'idéede ce qui les distingue. Schiller a de l'ana-logie avec le goût français toutefois on

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ne trouve dans ses poésies détachées rienqui ressemble aux poésies fugitives deVoltairc cette élégance de conversationet presque de manières, transportée dansla poésie, n'appartenait qu'à la France,et Voyait c, en fait de grâce était le pre-mier des écrivains français. Il serait inté-ressant de comparerles stances de SchiUer

sur la perte tic la jeunesse, intitulées<'Zr/c< avec celles de Voltaire:

Si tou< tentez que i'a!nMencore.R~nd* t mui t'agf des amoMr! ele.

» On voit, dans le poète français, l'ex-pression d'un regret aimable, dont lesplaisirs de l'amour et les joies de la viesont l'objet; le poète allemand pleure laperte de l'enthousiasme et de l'innocentepureté des pensées du premier âge; etc'est par la poésie et la pensée qu'il seflatte d'embellir encore le dédin de sesans. H n'y a pas dans les stances de Schil-ler cette ctarté facile et brillante que per-

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met un genre d'esprit à la portée de toutle monde; mais on y peut puiser des con-solations qui agissent sur t'orne intérieure-ment. Schiller ne présente jamais tes ré-flexions tes plus profondes que revêtuesde nobles images il parle à l'hommecomme lanature elle-même; car la natureest tout à la fois penseur et poète. Pourpeindre l'idée du temps, elle fait coulerdevant nos yeux tes flots d'un fleuve iné-puisable et pour que sa jeunesse éternellenous fasse songer à notre existence passa-gère, elle se revêt de fleurs qui doiventpérir, elle fait tomber en automne lesfeuilles des arbres que le printemps avues dans tout leur éclat la poésie doitêtre le miroir terrestre de la Divinité, etrénéchir par tes couleurs tes sons et lesrhythmes, toutes tes beautés de l'univers.

» La pièce de vers intitulée la C/oeA<

consiste en deux parties parfaitement dis-tinctes les strophes en refrain exprimentle travail qui se fait dans la forge, et entre

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chacune de ces strophes il y a des versravissantssur tes circonstances solennelles,

ou sur tes événements extraordinairesan-noncés par tes cloches, tels que la nais-sance, te mariage, la mort, l'incendie, larévottc, etc. On pourrait traduireen fran-çais tes pensées fortes, tes images belleset touchantes qu'inspirent à Schitter lesgrandes époques de la destinée humaine;mais il est impossible d'imiter noblementtes strophes en petits vers et composéesde mots dont le son bizarre et précipitésemble faire entendre tes coups redoubléset tes pas rapidesdes ouvriers qui dirigentla lave brûlante de l'airain. Peut-onavoirl'idée d'un poëme de ce genre par unetraduction en prose ? c'est lire la musiqueau lieu de l'entendre encore est-il plusaisé de se figurer, par l'imagination, l'ef-fet des instruments qu'on connaît, quetes accords et tes contrastes d'un rhythmeet d'une langue qu'on ignore. Tantôt labrièveté régulièrt du mètre fait sentir

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l'activitédes forgerons, l'énergie bondée,mais continue, qui s'exerce dans tes occu-pations matérielles et tantôt, à coté dece bruit dur et fort, t'en entend les chantsaériens de l'enthousiasme et de la mélan-colie.

f L'originalité de ce poème est perduequand on le sépare de l'impression queproduisent une mesure de vers habilcmentchoisie et des rimes qui se répondentconune des échos intelligents que la penséemodifie; et cependant ces effets pittores-

ques dessonsseraienttrès-hasardésenfran-çais. L'ignoble nous menace sans cessenous n'avons pas, comme presque tous les

autres peuples, deux langues, celle de la

prose et celle des vers; et il en est desmots comme des personnes, là où les

rangs sont confondus, la familiarité estdangereuse.

» Je ne finirais point si je voulais parlerde toutes tes poésies de Schiller, qui ren-ferment des pensées et des beautés nou-

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velles. t) a fait sur le départ des Grecsaprès la prise de Troie, un hymne qu'onpourrait croire d'un poète d'a!ors tant lacouleur du temps y est fidèlement obser-vée J'examinerai, sons le rapport de t'tutdramatique, te talent admirable des Alle-mands pour se transporterdansles siècles,dans les pays, dans les caractères tes plusdifférents du tour superbe faculté, saH-'!aqueUe les personnages qu'on met enscèue ressemblent à desmarionnettesqu'unmême fil remue et qu'une même voixcelle de l'auteur, fait parler. Schutcr méritesurtout d'être admire comme poète dra-matique. Goëthe est tout seul au premierrang dans l'art de composer des élégies,des romances,des stanc es, etc. ses poésK'hdétachées ont un mérite très-différent d<'

celles de Voltaire. Le poète français a sumt~tre en vers l'esprit de la société la plusbriUantf; le poète allemand réveille dansrame, par quelques traitsrapides, des impressions soutanes et profondes.

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» Goëthe, dans ce genre d'ouvrages,est naturel au suprême degré; non-seule-ment naturel quand il parle d'après sespropres impressions, mais aussi quand ilse transporte dans des pays, des mœurset de..situations toutesnouvelles; sa poésieprend facilement la couleur des contréesétrangères; il saisit avec un tatent unique

ce qui plait dans les chansons nationalesde chaque peuple; il devient, quand il leveut, un Grec, un Indien, un Morlaque.Nous avons souvent parlé de ce qui ca-ractérise les poètes du Nord, la mélan-colie et la méditation. Goëthe, commetous les hommes de génie, réunit en luid'étonnants contrastes; on retrouve dans

ses poésies beaucoup de traces du carac-tère des habitants du Midi; il est plus entrain de l'existenceque!esSeptentrionauxil sent la nature avec plus de vigueur et desérénité;son esprit n'en a pas moins deprofondeur, mais son talent a plus devie; on y trouve un certain genre de uaï-

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vête qui réveille à la fois le souvenirde lasimplicité antique et de celle du moyenâge ce M'est pas la naïveté de l'innocence,c'est celle de la (orée. On aperçoit danstes poésies de Goëthe qu'il dédaigne unefoule d'obstacles, de convenances decritiqueset d'observations qui pourraientlui être opposées. Il suit son imaginationoù elle le mène, et un certain orgueil enmasse l'affranchitdes scrupulesde l'amourpropre. Goëthe est en poésie un artistepuissamment maitre de la nature, et plusadmirable encorequand il n'achèvepas sestableaux; car ses esquisses renfermenttoutes les germes d'une belle fiction; mais

ses fictions terminées ne supposent pastoujours une heureuseesquisse.

» Dans ses étégies composées à Rome,il ne faut pas chercher des descriptionsdel'Italie; Goëthe ne fait presque jamais cequ'on attend de lui, et quand il y a de lapompe dans une idée, elle lui déplait; il

veutproduire de l'effet par une route dé-

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tournée, et comme à l'insu de l'auteuret du lecteur. Ses élégies peignent l'effc*de l'Italie sur toute son existence, cett''ivresse du bonheur, dont un beau ci<'l

le pénètre. H raconteses plaisirs, mémelc~plusvulgaires,à la manière de Properce;et de temps en temps quelques beaux sou-venirs de la viUe maîtresse du monde don-nent à l'imagination un élan d'autant plusvif qu'elle n'y était pas préparée.

» Une fois, il raconte comment il rencontra dans la campagne de Rome umjeune femme qui allaitait son enfant, as-sise sur un débris de colonne antique it

voulut la questionner sur les ruines dont

sa cabane était environnée; elle ignorait.

ce dont il lui parlait; toute entière aux af-fections dont son âme était remplie, elleaimait, et le moment présent existait seul

pour elle.

» On lit, dans un auteur grec, qu'unejeune fille, habile dans l'art de tresser lesfleurs, lutta contre son amant Pausias qui

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savait les peindre. Goëthe a composésurccsujet une idylle charmante. L'auteur decette idylle est aussi celui de Werther.

Après s'être fait grec dans Pausias,Goethe nous conduiten Asie, par une ro-mancepleine de charmes, la ~?<p.

Plusieurs pièces de Goëthe sont rem-plies de gaité; mais on y trouve rarementle genre de plaisanterie auquel nous som-mes accoutumes il est plutôt frappé parles images que par les ridicules; il saisit

avec un instinct singulier l'originalité desanimaux toujours nouvelle et toujours lamême. La .<M<'M«ger«' <~ Lily, le C~M<<&* noce fAt~M le tWM;B c~<~f<!M, peignentces animaux, non comme des hommes,à la manière de La Fontaine,mais commedes créatures bizarres dans lesquelles lanature s'est égayée. Goëthesait aussi trou-ver dans le merveilleux une source deplaisanteries d'autant plus aimables,qu'au-cun but sérieux n~ s'y fait apercevoir.

') Une chanson, intitutée /ete f/M .S'w

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cier, mérite d'être c!tée sous ce rapport.Un disciple d'un sorcier a entendu sonmaître murmurer quelques paroles ma-giques, à l'aide desquelles il se fait servirpar un manche à balai il les retient, etcommande au balai d'aller lui chercher del'eau à la rivière pour laver sa maison tebalai part et revient, apporte un sceau,puis un autre, puis un autre encore, ettoujours ainsi sans discontinuer. L'élèvevoudrait l'arrêter, mais il a oublié les

mots dont il faut se servir pour cela lemanche à balai, ndèle à son office, vatoujours à la rivière, et toujours y puisede l'eau dont il arrose et bientôt submer-gera la maison. L'élève, dans sa fureur,prendunehacheetcoupeen deuxle mancheà balai alors les deuxmorceauxdu bâtondeviennentdeux domestiques au lieu d'unet vont chercher de l'eau, et la répandentà l'envidans les appartementsavec plus dezèle que jamais. L'élève a beau dire desinjures à ces stupides bâtons, ils agissent

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sans relâche; et la maison eût été perduesi le maitre ne fut pas arrivé à tempspoursecourir l'élève, en se moquantde sa ridi-cule présomption. L'imitation maladroitedes grands secrets de l'art est très-bienpeinte dans cette petite scène.

a H nous reste à parler de la source iné-puisabledes effetspoétiques en Allemagne,la terreur les revenants et les sorciersplaisent au peuple comme aux hommeséclairés c'est un reste de la mythologiedu Nord, c'est une disposition qu'ins-pirent assez naturellement les longuesnuits des climats septentrionaux; et d'ail-leurs, quoique le christianisme combattetoutes les craintes non fondées, les super-stitions populairesont toujours une analo-gie quelconqueavec la religiondominante.Presque toutes les opinions vraies ont àleur suite une erreur; elle se place dansl'imagination comme l'ombre à côté de laréalité c'est un luxe de croyancequi s'at-tache d'ordinaire à la religion comme à

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l'histoire je ne sais pourquoi l'on dédaignerait d'en faire usage.Shakespeare a tirédes effets prodigieuxdes spectres et de lamagie, et la poésie ne saurait être popu-laire quand elle méprise ce qui exerce unempireirréfléchi sur l'imagination. Le gé-nie et le goût peuvent présider à l'emploide ces contes il faut qu'il y ait d'autant:plus detalentdansla manière de les traiter,que le fond en est vulgaire; mais peut-êtreque c'est dans cette réunion seule queconsiste la grande puissance d'un poème.Il estprobableque les événementsracontésdans l'Iliade et dans l'Odisséc étaientchantés par les nourrices,avant qu'Homèreen fit le chef-d'œuvrede l'art.

» Burger est de tous les Allemands celuiqui a le mieux saisi cette veine de super-stition qui conduit si loin dans le fond ducoeur. Aussi ses romances sont-elles con-nues de tout le monde en Allemagne. Laplus fameuse de toutes, Lénore, n'est pas,je crois, traduite en français, ou du moins

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il serait bien difncile qu'on put en expri-mer tous les détails, ni par notre prose, nipar nosvers.

I!urger a fait uneautre romance moinscélèbre, mais aussi très-originale, intitu-lée le Féroce 6%<M~fM/. Suivi de ses valetset de sa meute nombreuse, il part pourla chasse un dimanche, au moment onles cloches du village annoncent le servicedivin. Un chevalier dont l'armure estblanche se présente à lui et le conjure de

ne pas profaner le jour du Seigneur; unautre chevalier, revêtu d'armes noires,lui fait honte de se soumettreà des préju-gés qui ne conviennent qu'aux vieillardset aux enfans le chasseur cède aux mau-vaises inspirations; il part, et arrive prèsdu champ d'une pauvre veuve elle sejette à ses pieds pour le supplier de nepas dévaster la moisson, en traversant lesblés avec sa suite le chevalier aux armesblanches supplie le chasseur d'écouter !apitié le chevalier noir se moque de ce

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puéril sentiment le chasseur prend laférocitépour de l'énergie, et ses chevauxfoulent aux pieds l'espoir du pauvre et del'orphelin.Enfin le cerfpoursuivise réfugiedans la cabane d'un vieil ermite, le chasseur veut y mettre le feu pour en tairrsortir sa proie l'ermite embrasse segenoux, il veut attendrir le furieux quimenace son humble demeure; une der-nière fois, le bon génie, sous la formedu chevalierblanc, parle encore le mau-vais génie, sous cette du chevalier noirtriomphe le chasseur tue l'ermite, ettout à coup il est changé en fantôme, etsa propre meute veut le dévorer. Une su-perstition populaire a donné lieu à cetteromance l'on prétend qu'à minuit, dan~de certaines saisons de l'année, on voitau-dessus de la forêt où cet événementdoit s'être passé, un chasseur dans tfnuages poursuivi jusqu'au jour par seschiens furieux.

Ce qu'il y a de vraimentbeaudans cett<:

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poésie de Burger, c'est la peinture de l'ar-dentevolonté du chasseur elle était d'a-bord innocente, comme toutes les facultésde t'ame; mais elle se dépravetoujours deplus en plus, chaque fois qu'il résiste à saconscience, et cède à ses passions. Il n'a-vait d'abord que l'enivrementde la forceil arrive enfin à celui du crime, et ta terrene peut plus le porter. Lesbons et les mau-vais penchants de Htomme sont très-biencaractérisés par les deux chevaliers bLncet noir les mots, toujours lcs mêmes, quele chevalier blanc prononce pour arrêterle chasseur, sont aussi très-ingénieuse-ment combinés. Les anciens, et les poètesdu moyen âge, ont parfaitement connul'effroi que cause, dans de certaines cir-constances, le retour des mêmesparoles;il semble qu'on réveille ainsi le sentimentde l'inflexible nécessité. Les nombres, lesoracles, toutes les puissances surnaturel-les, doivent être monotones; ce qui estimmuable est uniforme; et c'est un grand

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art dans certaines fictions, qui, d'im!tcr,par les paroles, la nxite sotenneHc que l'i-maginatton se représentedans l'empiredestcnehros et de la mort

a On remarque aus:.i, dans E.ngcr, unecertaine familiarité d'expression fpd nenuit point à la dignité de la poésie, et qmen augmente singfdicroncnt l'effet. Q)Mnd

on parvient à rapprocher de nous la ter-reur ou l'admiration, sans a«aih!irni l'uneni l'autre, ces sentiments deviennentné-cessairement beaucoup plus forts c'estmc!er, dans l'art de peindre, ce que nousvoyons tous les jours à ce que nous nevoyons jamais, et ce qui nous est connunous fait croire à ce qui nous étonne. »

Je ne répète pas lcs ingénteusesanatysesqui se trouvent encoredans ce chapitre demadame de Staë! ses jugements suffisent,et ils seront confirmés peut-être par lalecture des morceaux dont elle a parlé etque j'ai traduits.

H ne me reste pins qu'à raconter que!'

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que chose de la vie des poètes qui com-posent ce volume; car ce n'est point lelieu d'écrire l'histoire de la littératureattcmande à propos d'un recueil de poe-sMs; sctUcme'tt je \ais, comme par transi-tion passer rapidement en revue tessiècles littéraires de l'Allemagne jusqu'àtUopstock, avec clui, ainsi que je l'ai dit,commence une littérature toute nouvelle.et la seule qui mérite notre intérêt.

On n'a que des notions très-incertainessur les anciens poètes germains le grandnombre de peuples et d'idiomesdifférentsdont l'Allemagne se composait au tempsdes Romains e~t cause de l'embarras dc&

historiens à cet égard. Les ouvrages lesplus anciens et les plus remarquablesdont

on se souvienne sont écrits en gothique;mais cette langue cessa bientôt d'être enusage, et fut remplacée par la languefranque, que parlaient les Francs qui en-vahirent la Gaule sous les Mérovingiens.Cette dernière fut parlée aussi en France

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jusqu'à Charlemagne, qui tenta de la re-lever de la désuétude o~ elle commençaità tomber, en Allemagne surtout. tl litnome faire un recueil des légendes etchants nationaux composés en cette ian-gue mais eUe ne fut plus d'un usage gé-nérât, et, comme le latin, ne sortit plusde l'enceinte des cours et des couvents.Le saxon ou bas-gennain plaisait davan-tage au peuple,et c'est en saxon que fu-rent composées les premièrespoésies vrai-ment nationalesde l'Allemagne.

Leur succès fut tel que Charlemagne enfut épouvanté. Ces chants, tout empreintsdu patriotisme et de la mythologie desSaxons, étaient un des plus grands obsta-cles aux progrès de sa dominationet dela religion chrétienne qu'il voulait leurimposer. Aussi furent-ils sévèrement dé-fendus après la conquête,et ceux parti-culièrement que ces peuples avaient l'u-sage d'entonner sur la tombe de leursparents.

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Cette pruM:ription dura encore, mem')après la dissolution de l'empire do Char-temagnc parce que les ccct~siastMptcscraignaient aussi l'influence des idées su-perstitieusesqui r~gna!cMtdans ces chaHtit,qu'ils nonMM.tientjMMM't<<f«An/~MM(car-nthta diabolica ),

De là ptusteurssiècles où lespoésies la-tines furent seules permues et encours-gecs par cotMéfptcnt,point <!e littérature,et un retard immense dans la civiMsatiuo

Le temps des croisades changeaun potta face des choses. Les the~atiers alle-mands, dans leurs voyages, traversèrentla Provence, les champs poétiques det'Orient, et, à leur rctonr ou pendant tesloisirs de la guerre sainte, ~'occupèrentde litteratare et compo~creat un grandnombre de chants dont une partie est ve-nue jusqu'à nous.

Tout cela est une pâle contre-épreuvedes poésies romantiques de nos trouba-dours tes croisades, tes tournois, la ga

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lanterie chevaleresque, sont les étcrn<'t-'sujets de çes poëmesbizarremente~lunu-nés des couleurs vives et joyeuses du Mid i

et des sombres peinturesdu Nord; imita-tions lourdes et sans génie, parce qu'ellesétaient mutattons,d'&utaut plus mUeutcs

que les matériaux en étaient plus riches

comme ta grotesque demeure que se bâtitun Turc avec les débris d'un temple

grec.Cependantil y a~aMales démensd'une

régenératton, si des hommes dc~cme hffussent rencontrés; mais le jour n'était pasencorevenu, F A!lemagne allait créer Fimprimerie, et une longue stériuté préeédauun tel enfantement.

Il se trouve pourtant parnn ce chaos unde ces phénomènes isolés qu'on rencontrcparfois daus les littératures; qui ne saventd'où ils viennent, ni où ils vont,etque l'ondirait tombés du ciel je veux parler ducélèbre poème des Niebelungen, ou ~twdes Bfctot, sorte d'Iliade sans nom d'au-

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teur, recueil de < apsodies nationales beau-.

coup trop vanté de ceux qui ne l'avaient

pas lu, mais qui tnérite d'êtreétudie par les<tit<'mands surtout, et qui d'ailleurs esttellement au-dessus des autres composi-tions de ces toups-tà, ~u'on ne peut lerattacher à rien de ce qte l'on en con-nait.

Ensuite vinrent les ïaa!tces chantem&

OK w<'M~<tfc~g~ troubadours bourgeoisqui s'emparèrentde lapoésie quand les ehe-\atiers,quijusque-tat'avaient seuls culti-vée, n'en voulurent plus, parce que, dans

ces temps de troubles et de guerres, ilsavaient à faire autre chose, et que dureste la mode en étaitpassée.

Cette nouvelle époque de la littératurese poursuivit, non sans quelque ée!at,jus-qu'au temps de h réformation qui pensa

tuer à jamais ht poésie en Allemagne

et qui ne la trouvait bonne qu'à rimer descantiques sacrés. Du reste, le goût desAllemands d'alors pour les sciences posi

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tives les détournait encore davantaged'ungenre de littérature qui n'avait, jusquc-ta,produit que peu d'essais remarquables,etpas un bon ouvrage.

A Kiopstoek! à Goëthe à Schitler!car cette revue est fatigante dussions-nous fairc quelque injustice à Opitz, àGottsched, à Bodmer, poëtesdu xvn* siè-cle et du commencement du xvm%quitrouveraient une place brillante dans unehistoire detaiUée de la littérature aUe-mande.

Frédéric Gottlob Klopstock naquit àl'abbaye de Quedlinbourg en *7a4. Sil'éclat des premièresétudes prouvait quel-que chose pour l'avenir, il eût fallu déses-pérer de celui de Klopstock.

CependantcetécoHer, ignorant et dis-trait, dont l'âme s'était conservée encorevierge des Grecs et des Romains,rêvait lapoésie moderne; mais religieuse, actuelle,nationale, et, suivant l'expression deSchlegel, «M<C/MM< <ftMK* MKHK au cArn-

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~WMwe et </<? /'M~K' A la w~o/b~c duNord comme <HM'~<~ P/CM<*M~/)~M!C<-

~«M.C de toute culture intellectuelle et detoute poésie <*Hny~<e wo</c/v<c. Aussila sensation que produisît enAtientitgnel'apparition de ~Mi~M~<&' fut-cUeprodi-gieuse lilistoire Mttérairc de tous lespeuples offre peu d'exemples d'un suc-ces aussi éclatant; c'était un de ces ou-vrages que chacun regarde comme la réa-lisation de tous ses vœux, de toutes sesespérancesen littérature, et .pn remettentàt'écote tous tes écrivains d'un siècle. Desorteque rien ne manqua au triomphateur,pas même tes insultes des esclaves toutestes coteries, toutes tes écotes littérairesdont ce succès ruinait totalementtes prin-cipes et la poétique, fondirent furieuse-ment sur le jeune étudiant qui se trouvaitêtre soudain le premier et même le seulpoète de l'Allemagne.Mais,ausein de toutecette gloire,Klopstockavait à peinedequoivivre, et se voyait forcé d'accepter l'offre

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d'un de ses parents nommé Veiss, qui luiproposait de faire l'éducation de ses en-fants. Il se rendit chez lui à Langensatza,et là se prit d'une passion malheureusepour la soeur de son ami Schm!ed.Cctt~

eune fille, qu'il appelle Fanny dans sc~poésies, honorait le poète presque commeun Dieu, mais le refusa constamment pourépoux. Il tomba alors dans une métancoUcqui dura long-temps cependantses études!ntér{ures et ses voyages finirent par !'eoguérir si bien, qu'U épousa, en t~S~.Mar-guerite Moller,une de ses adnuratriees lesplus passionnées.

Or ce fut là la plus belle époque de savie; il terminait les dix premiers chantsde la ~t/eMM~c, et composait ses plusbelles odes; mais, depuis la mort de safemme, arrivée en t758, et à laquelle ilfut extrêmement sensible, il ne retrouvaplus les inspirations de sa jeunesse; seu-lement il s'enthousiasma plus tard pourles premiers temps de notre révolution,

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11 composa un assez grand nombre d'odespolitiques, qui lui valurent le titre decitoyen français.

C<'p('n<tant le t e~ncd<* !.t terrenrfut bien-tôt l'objet de toute son indignation, commeon le verra dans l'ode sur Charlotte Cor-~:)y te vieux poète pleurait alors amère-ment les dernières iuusions pour lesquelles<on âme s'était réveillée, et que te couteaude Robespierre avait aussi frappées demort.

Ktopstock mourutà Hambourgen i 8o3,(près avoir été témoin de la plupart destriomphes de Goëthe et de Schiller, danscette littérature qu'itavait relevéeet commepréparée à un essor plus sublime. Il était,ainsi que Vieland et Goëthe, 'Ttembre del'Institut national de France.

Goëthe marche le second de cette fa.mille de poètes créateurs; !l mérite encoreplus que Klopstockle titre de régénérateurde la littérature allemande car tous les

genres lui (urcntdévolus, et à tous il traça

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3es routes nouvelles: géant de la po~&t.romantique moderne, il jouit encore <)<

ses triomphes, et assiste vivant à son im-mortalité.

Goëthe ( Jean Wolfgang ) naquit aFrancfort-sur-Ie-Meinen 1749, et se trouveparconséquentaujourd'hui dans sa quatrevingt-unième année. Son enfance fut pt')sprécoceque celle de KJopstock cenend:))))je ne rapporterai pas les singulières anec-dotesque les biographesallemands se pta!sent à en raconter. Je me méfie beaucoupde ces traits merveilleux de l'enfance dessgrands hommes, sur lesquels on s'étendd'ordinaire avec tant de complaisance,et où l'on veut voir contenu tout leuravenir pourtant il est une anecdote despremièresannées de Goëthe, racontée parhii-méme, dans ses Mémoires, avec tantd'agrément que je ne puis résister à l'en-vie de la citer, mais je me garderai biend'en tirer des conséquences,on la prendrapour ce que l'on voudra

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« A six ans, te terrible désastre de Li:tbonne avait suscité dans cette jeune âmedes doutes momentanéssur la bontédivineA moins de sept ans il conçut la pensée des'approcher immédiatement de ce grandDieu de la nature, créateur et conserva-teur du ciel et de la terre, dont les bontésinfinies lui avaient eu bientôt fait oublierles signes de son courroux. Le moyen!< que j'employai, dit-il, était assez singu-« lier. Ne pouvant me figurer cet Être

a suprême,je le cherchai dans ses œuvres,a et je voulus, à la manière des patriar-

Bches, lui élever un autel. Des produc-tions de la nature devaientme servir àreprésenter le monde, et une namme

a aUumée pouvait figurer l'âme de l'homme

)' s'élevant vers son Créateur. Je choisisdonc les objets les plus précieux dans la

Mcollection des raretés naturellesque j'a-vais sous la main. La difnculté était deles disposer de manière a en former un

D petit édinee. Mon père avait un beau

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e pupitre de musique en !aquc roug<* aquatre faces, orné de neurs d'or, et en

» forme de pyramide, pour exécuter des

Mquartetti; on s'en servait peu depuisquel-quetemps: je m'enemparai. J'y disposai

par gradation, les uns au-dessus des au-très, mes échantiMons d'Itistoire natu-ret)e, de manièreà leur donnerun ordreclair et significatif. C'était au lever dusoleil que je voulais offrir mon premieracte d'adoration. Je n'étais pas encoredécidé sur la manière dont je produirais

la flammesymbolique qui devait en mêmetemps exhaler un parfum délicieux. Je

réussis entm à accomplir ces deux condi-

')tions de mon sacrince. J'avais à ma dis-

'< position de petits grains d'encens ils

» pouvaient, sinon jeter une flamme, aumoins luire en brûlant et répandre une» odeur agréable. Cette douce lueur d'un

a parfum allumé exprimait m~me mieux

» à mon gré ce qui se passe en notre âmea dans un pareil moment. Le soleil était

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a déjà levé depuis tong-tcmps; mais les

')maisons voisinesen interceptaientencore

wtes rayons. 11 s'élevaenfinassez pour que

? je pusse, à l'aide d'un miroir ardent,))

allumer mes grains d'encens, artistement

Mdisposés dans une belle tasse de porce-

x laine. Tout réussit selon mes vœux mapieté fut satisfaite, mon autel devint le

0 principal ornement de la chambre où itétait placé. Les autres n'y voyaientqu'une collectionde curiosités naturettcs,

a distribuée avec ordre et élégance,,moi

« seul j'en connaissais la destination. Jevoulus renouvelerma pieuse cérémonie

x malheureusement quand le soleil se mon-tra, je n'avais pas sous la main de tasse

t de porcelaine; je plaça! mes grainsd'encens au haut du pupitre; je lesallumai; mais j'étais tellement absorbédans mon recueillement, que je ne m'a-perçus du dég&t causé par mon sacri&:e que lorsqu'il n'était plus temps d'y

» porter remède. Les grains d'encens

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avaient, en bruant, couvert de tacht'M nôtres la belle laque rouge et les neurs

d'or qui la décoraient, commesi le ma-iin esprit, chassé par mes prières, eutlaissé sur le pupitre les traces !neffa-caMes de ses pieds, a"Le jeune pontMe se trouvait alors dans

le plus grand embarras. H parvint à ca-cher le dommage au moyen de son édificede curiositésnaturelles; mais il n'eut plusle courage de renouveler son sacrince, etil crut trouver dans cet accident un avis dudanger qu'il y avait à vouloir s'approcherde Dieu, de quelquemanièreque ce fût. Il

Lepère de Goëthe, jurisconsultedistin-gué, destinait son fils à suivre la mêmecarrière, et se chargea iui-méme de sonéducation. Il n'avaitnégligé qu'unechose;ic'était de consulter tes goûts du jeunehomme, qui cependant, comme il le rap-

JMMMt~M de Cc~te, pMbMët par Aubert deVitry.

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porte tui-mcme dans ses mémoires, fit desefforts inconcevables pour s'appliquer àl'étude qu'on distrait lui voir suivremais c'était un de ces caractères qui n'a-gissent que spontanément, et qui avec lesmeilleures intentions possibles font tou-jours tout autre chose que ce qui leur estprescrit; ainsi il apprenait de lui-mêmelamétaphysique,la géologie, !a physiologie,t'anatomie, tes langues étrangères, et par-venait a peine à prendre ses degrés dansla science du droit. Mais ce fut bien autrechose quand il commençaà entrer dans lemonde, un Klopstock lui tomba sous lamain, et comme le glaive dAchille luirévéla tout à coup sa vocation et sa des-tinée. Des lors toutes tes forces de sonâme se tournèrent vers la littérature, etnulle époque n'était plus favorable pourl'apparition d'un homme de génie. CarKlopstock, qui avait commencé une révo-lutionsi brillante,était loin de l'avoir ter-tninée, il avait éveitté partout une soifde

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poésie, un dcsir de bons ouvrages qui risquaitdc s'éteindrefauted'aliments;en vaintout Fessaimdes poètes en sous ordreaspi-rait à continuer te ~rand homme, sa puis-sante voix qui av.'it retnue rAUeutagnenetrouvait plus que de faibles échos et pasune voixcapable de répondre à son appel.

Le génie n'aperçoit pas nn chaos sansqu'il lui prenne envie d'en faire un monde;ainsi Goëthe s'élança avec délices parmitoute cette confusion, et son premier ou-vrage Gof<z de Z!<<tAw~t'K fixa tons lesregards sur lui. C'était en t~3, il avaitalors vingt-quatreans. Ce drame nationalqui ouvrit à ta scène allemande une nou-veUe carrière, valut à son auteur d'uni-versels applaudissements,mais comme iln'avait pu trouver de libraire pour le pu-blier et qu'il l'avait fait imprimerlui-même,il fut embarrassé pour en payer les frais, acause d'une contrefaçon qui lui ravit soubénéfice. Werther parut un an après, 'tchacun sait quel bruit fit ce roman d.a~

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toute l'Europe: Ce petit livre, dit Goethe

» lui-même,fit une impression prodigieuse,<' et la raison en est simple il parut à

point nommé une mine fortement char-gée, la plus légère et!nceU<'suffit à l'em-

» brascr Werther fut cette et!ncc)!e. Lesprétentions exagérées, tes passions mé-contentes, les souffrances imaginaires,tourmentaient tous les esprits. Werther

était l'impression Mè!e du malaise ge-nerat t'explosion fut donc rapide et

» terrible. On se laissa même entraincrpar le sujet; et son effet redoubla sous» l'empirede ce préjugé absurde qui sup-

pose toujours à un auteur dans t'intërétde sa dignité l'intention d'instruire. Onoubliaitque celuiqui se borne à racontern'approuve ni ne btâme,mais qu'il tàcbeà développer simpleinfat la successiondes sentiments et des faits. C'est par làqu'il éclaire, et c'est au lecteur à réné-chiretàjuger.

w

De ce moment commença cette sorte de

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fanatisme de toute l'Allemagne pourGoëthe, qui faisait dire à madame deStaël,« que les AHemandschercheraientdel'esprit dans l'adresse d'une lettre écritede samain. » Lesouvragesqu'il fit paraitresuccessivementverscette époquepeuvent,il est vrai, nous le faire comprendre, etsont maintenant assez connus en Francepour que je me dispense d'en faire t*é!oge

il suffit de nommer Famst, Egmont, leTasse, etc., pour trouver des oreillesattentives. En rendre compte n'entre pasdans mon plan, et cependantje n'auraispasautre choseà faire si jevoulais donnerici la vie de Goëthe, car elle ne se com-pose que d'événementstrès-simples et quidépendent tous de la publication de sesouvrages. En 1775,tespremierslui avaientconcilié t'amitié du duc de Saxe-Veimaraussitôtaprès son avènement, ce princel'appela auprès de lui et en fit son pre-mierministre. Depuis cette époque, Goë-the demeura toujours à Vsimar, parta-

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géant son temps entre les affaires publi-queset ses travaux littéraires, et fit de cettepetiteville FAthcHesde l'Allemagne. Là seréunirentSchiller, Herder,les deuxScble-gel, Stolbfrg, Barat, Bœttiger; glorieuxrivaux, poétique cénacle où descendait lesouffle divin, où s'élaborait pour l'Alle-magne un siècle de grandeur et de lu-mières.

Parmi les poètes créateurs de ce temps,il ne faut pas oublier Godefroy-AugnsteBurger, qui, moins célèbre que Goëthe,parce qu'il n'embrassaqu'un seul genre delittérature,ne lui fut pas cependant mie-rieur dans ce genre. Ses poésiessontmêmeplus populaires en Allemagne, et c'est lasorte de gloire dont il fut le plus avide,et qu'en effet les écrivains généralementparaissent estimer trop peu. Burger futpoète dès sa plus tendre enfance,maispasautre chose. En vain s~n père voulut-il leforcer d'apprendre le latin; au bout dedeux ans d'études il savait à peine sa pre-

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mière déclinaison sa jeunessefut très-dis-sipée et ce fut au point que ses parents l'a-bandonnèrent,jusqu'à son retouraune viemeilleure, qui se fit assez long-temps at-tendre. Ennn de bons amis parvinrent àlui inspirer le goût del'étude;et l'un d'eux,Baie, lui procura un petit emploi. Ce futvers ce temps (t~a), qu'il composa sa fa-meuse ballade de Lénore, qu'on chante

encore dans toute l'Allemagne. Deux ansaprès il se maria, mais cette union ne futpas heureuse. Après la mort de sa femmeil épousa sa belle sœur, et la perdit peude mois après. Un troisième mariage mitle comble à ses chagrins, et accéléra samort, qui eut lieu le 8 juin ï7~4. Burgera laissé des chansons, des ballades, descontes, des épigrammes, et quelques tra-ductions fort estiméesen prose et en versParmi ces dernières on distingue Macbeth,

que Schillertraduisit aussi.Je viens de nommer Schiller, et c'est

encoreun de ces noms qu'on ne peut pro

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noncer en France sans éveiller un concertde louanges et d'admiration. Chacun set'appelletes nombreux succès qu'obtinrentsur notrescenc,metnedes imitations faiblesde ses principaux ouvrages Watstein, Ma-rie Stuart.Ficsquc, Jeanne d'Arc, Amouret Intrigue, Don Cartes, Guillaume TcU

tout cela nous < st apparu successivement,et t'en peut dire que le drame modernen'a rien produit de meilleur cn France nien Auj~etcrre.

Jean Frédéric Schiner naquit, en 1Sa,à Mat hac, petite vme de Souabe sonpère, <pM était jardinier du duc de Wur-temberg, lui fit faire quelques études,jasqu'au temps où le duc de Wurtembergle prit sous sa protection, et lui ayant faitapprendreun peu de médecine,le nommaà vingt ans par grâce singulière chirurgiende son régiment de grenadiers. Mais lejeune Schiller, qui avait peu de goût pourcette carrière, en avait pris beaucoupaucontrairepour le théâtre, et composa vers

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ce temps, son premier ouvrage, les ~<ga~y, qui fut représente à Manhein avecun grand succès.Son protecteurcependant

ne s'en émerveilla pas, et lui ordonna d'eufinir avec le théâtre sous peine de perdtsa protection. Sa sévérité s'étendit jusqu':)le priver quelque temps de sa libertél'hommequi avait écrit les Brigandsdevaitsouffrirplus que tout autre d'une telle pu-nition; aussi saisit-il avec empressementla premièreoccasion de s'échapper, et dfs

ce moment la littérature fut sa seule res-source. Il se fixa à Manheim et y composaplusieurs pièces de théâtre, qui, à i'âgtde vingt-quatre ans, le placèrent au pre-mier rang des écrivains de sa patrie. C'estde cette époque (1783) quedatent ses pre-mières poésies, qui furent universellemen-,admirées, et lui valurent une bette ptactauprès de Goëthe, que dansce genre pourtant il n'effaça pas. C'est ce que ne peuventse figurer ceux qui les lisent dans les tra-ductions,car là Schiller est plus brillant

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et il reste plus de lui; mais la grâce, laNaïveté, le charme de la versincation,voilà

ce que les traductionsne peuvent rendre,et les imitations encore moins.

Sehitter fit paraitre, en ï 700, son ~M~MM

de laguerrede trenteans, quiest undes plusbeaux monuments historiquesque les Al-lemandsaient produit.En 1792, sa réputa-tionétaitdéjàeuropéenneet l'assembléena-tionalelui défera le titre decitoyen françaisrécompense alors bannale,mais qui eut une

heureuse influence, s'il est vrai, commeon l'a dit, qu'il composa sa tragédie deJeanne d'Arc, comme tribut de reconnais-sance envers cette nouvelle patrie. Vers lesderniers temps de sa vie, il publiaun grandnombre de traductions à l'exemple deGoëthe, et mourut en terminantune ver-sion littérale de Phèdre.

Il était âgé de 4~ ans,et succomba à uneSevré catarrhale que ses travaux conti-nuels avaient aggravée. On lui demandaquelques instants avant sa mort comment

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INTRODUCTION.

il se trouvait Toujoursplus tranquille.Et il expira.

C'était le mai t8o5 sa mort causaun deuil universel, d'autant plus profondqu'elleétait moins attendue,et que le sou-venir de ses sublimes travaux était encoreune espérance. Ses restes ont été transférésdepuis dans le tombeaudes rois une telledistinction n'ajoutera rien à sa gloiremais elle honore le pays et le prince quil'ont décernée.

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BURGER.

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BURGER.

LÈNORE.

L~NOBK se lève au point du jour, elleéchappe a de tristes rêves «Withehn,monépoux'es-tumort? es-tu parjure Tarde-ras-tu long-tempsencore » Le soir mêmede ses noces il était parti pour la bataillede Prague, à la suite du roi Frédéric, etn'avait depuis donné aucune nouvelle desa santé.

Mais le roi et l'impératrice, las de leursquerelles sanglantes,s'apaisantpeu à peu,conclurent enfin la paix et cung etclang an son des fanfares et des tim-bales, chaque armée, se couronnant de

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joyeux feuillages,retourna dans ses tbyetsEt partout et sans cesse, sur les che

<nins, sur les ponts, jeunes et vieux, four-millaient à leur rencontre. Dieu soit

toué! » s'écriaient maint enfant, mainteépouse. « Sois le bien venu s'écria!)mainte fiancée. Mais hélas! Lënore seut'attendait en vain le baiser du retour.

Elle parcourt tes rangs dans tous hsens; partout elle interroge. De tous ceuxqui sont revenus, aucun ne petit lui don-

ner de nouvelles de son époux bien ahwLes voitadéjà loin: alors, arrachant h<scheveux, elle se jette à terre et s'y rouhavec délire.

Sa ntèrp accourt « Ah Dieu t'assiitttQu'est-ce donc,n<a pauvre en&nt? et

eUe la serre dans ses bras.'<Oh ma mère,

ma mère, il est mort! mort que péri~le monde et tout!Dieun'a point de pit!cMalheur malheurà moi!

Dieu nous aide et nous fasse grâce

Ma fille, implore notre père ce qu'it f.

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est bien fait, et jamais il ne nous refuse

son secours.–Oh! ma mère, ma mère!1vous vous trompez.Dieu m'a abandon-née à quoi m'ont servi mes prières ? àquoi me serviront-elles?

–BMon Dieu ayez pitié de nous Ce-lui qui connait le père sait bien qu'il n'a-bandonne pas ses enfants le Très-Saint-Sacrement calmera toutes tes peines!Oh ma mère, ma mère! Aucun sacre--ment ne peut rendre la vie aux morts

h Mon Dieu ayez pitié de nous.N'entrez point en jugement avec ma pau-vre enfant elle ne sait pas la valeur deses paroles. ne les lui comptez pas pourdes péchés Ma fille oublie les chagrinsde la terre; pense à Dieu et au bonheurcéleste; car il te reste un époux dans leciel

o Oh ma mère, qu'est-ce que lebonheur? Ma mère, qu'est-ce que t'en-ter?. Le bonheur est avec Wilhelm, etl'enfer sans lui Éteins-toi, flambeau de

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ma vie, éteins-toi dans l'horreur des té-nèbres! Dieu n'a point de pitié. Oh mal-heureuse que je suis a»

Ainsi le fougueux désespoir déchiraitson cœuret son Ame, et lui faisait insulterà la providence de Dieu. Elle se meurtritle sein, elle se tordit les bras jusqu'aucoucher du soleil jusqu'à l'heure où lesétoiles dorées glissent sur la voûte descieux.

Mais au dehors quel bruit se fait enten-drc? Trap trap! trap! C'est comme le

pas d'un cheval. Et puis il semble ,qu'uncavalier en descende avec un cliquetisd'armures il monte les degrés. Ecoutez

écoutez! La sonnettea tinté doucement.Rtingungting!et, à travers la porte, unedouce voix parle ainsi

Holà holà ouvre-moi,mon en-fant Veittes-tu?ou dors-tu? Es-tu dan~

la joie ou dans les pleurs ? Ah Wilhelml c'est donc toi si tard dans la nuitJe veillais et je pleurais. Hélas! j'ai

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cruellement souf~rt. H'ouviens-tudoncsur ton cheval ?

« Nous ne montonsà cheval qu'a mi-nuit et j'arrive du fond de la itohéme:c'est pourquoi je suis venu tard, pour teremmener avec moi.– Ait Wilheim, en-tre ici d'abord; car j'entendsle vent sifflerdans la forêt.

"Laisse lc vent siffler dans la foret,enfant; qu'importe que le vent siffle. Lecheval gratte la terre, les éperons réson-nent je ne puis pas rester ici. Viens, Lé-nore, chausse-toi, saute en croupe surmon cheval; car nous avons cent lieues àfaire pour atteindreà notre demeure.

Hé)as comment veux-tu que nousfassions aujourd'hui cent lieues, pour at-teindre à notre demeure ? Écoute la clo-che de minuit vibre encore. Tiens!tiens comme la lunebrille Nous et lesmorts, nous allons vite; je gage que je t'yconduiraiaujourd'hui même.

Dis-moi donc où est ta demeure?

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Y a-t-il place pour moi?– Pour nousdeux. Viens, Lénore, saute en croupe:le banquet de noces est préparé, et lesconviés nous attendent, o

La jeune fille se chausse,s'élance, sauteen croupe sur le cheval; et puis en avant;hop hop! hop Ainsi retentit le galop.Cheval et cavalier respiraient à peine; et,sous leurs pas, les cailloux étincelaient.

Oh comme à droite, à gauche, s'envo-laient à leur passage, tes prés, les bois etles campagnes; comme sous eux les pontsretentissaient!« –A-t-eMepeur, ma mie?La lune brille. Hurra tes morts vontvite. A-t-elle peur des morts? Non.Mais laisse tes morts en paix 1

» Qu'est-cedonc là-bas que ce bruit etces chants ? Où volent ces nuées de cor-beaux ? Écoute. c'est le bruit d'unecloche;ce sont les chants des funérailles

« Nous avons un mort à ensevelir.x Et leconvoi s'approche accompagné de chantsqui semblent tes rauques accents des hôtesdes marécages.

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–"Après minuit vous ensevelirez cecorps avectout votreconcert de plaintes etde chants sinistres moi, je conduis monÉpousée, et je vous invite au banquet de

mes noces. Viens, chantre, avance avec lechœur, et nous entonne l'hymne du ma-riage. Viens, prêtre, tu nous béniras.

Plaintes et chants, tout a cessé. labière a disparu. Sensible à son invita-tion, vcUà le convoi qui les suit.Hurra

tuirra ïl serre le cheval de près, et puis:n avant Hop hop hop ainsi retentit le~alop. Cheval et cavalier respiraient àpeine, et sous leurs pas tes cailloux étin-:elaient.

Oh! comme à droite, à gauche s'envo-aient à leur passage les prés, les bois etles campagnes. Et comme à gauche, àlroite, s'envolaient les villages,les bourgs:t les villes. –«A-t-eUe peur, ma mie?La lune brille. Hurra les morts vontvite. A-t-elle peur des morts?–Ah!laisse donc les morts en paix.

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Tiens tiens! vois-tu s'agiter, au-près de ces potences, des fantômesaériens,

que la lune argente et rend visibles? t!dansent autour de la roue. Ça coquinsapprochez; qu'on me suive et qu'on dansele bal des noces. Nous allons au ban-quet joyeux."»

Husch husch husch toute la bandes'élance après eux, avec le bruit du vent.parmi les feuilles desséchées et puis enavant Hop hop hop ainsi retentit le

galop. Cheval et cavalier respiraient .)

peine, et sous leurs pas les cailloux étince-laient.

Oh! comme s'envolait,comme s'envo-lait au loin tout ce que la lune éclairaitautour d'eux! Comme le ciel et le,étoiles fuyaient au-dessus de leurs têtes!

·~

-A-t-elle peur, ma mie? La lunebritle.Hurra tes morts vont vite. Oh monDieu laisse en paix les morts.

–a Courage, mon cheval noir. Je cro!~

que le coq chante le sablier bientôt sera

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tout écouté. Je sens l'air du matin.Mon cheval hâte-toi. Finie finie estnotre course! J'aperçois notre demeure.Les morts vontvite. Nous voici

Il s'étance à bride abattue contre unegrille en fer, la frappe légèrement d'uncoup de cravache. Les verroux se bri-sent, les deux battants se retirent en gé-missant. L'élan du cheval l'emporte parmides tombes qui, àt'éctat de la lune, appa-raissent de tous côtés.

Ah voyez au même instant s'opèreun effrayant prodige hou! hou! le man-teau du cavalier tombe pièce à pièce

comme de l'amadou br&tée; sa tête n'estplus qu'une tête de mort décharnée, etson corps devient un squelette qui tientune faux et un sablier.

Le cheval noir se cabre furieux, vomitdes étincelles, et soudain. hui! s'abimeet disparait dans tes profondeurs de laterre des hurlements, des hurlementsdescendent des espaces de l'air, des gé-

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missements a'ê!èvent des tombes souter-raines. Et le ctewr de Lénore palpitaitde la vie à la mort.

Et tes esprits, à !i) clarté de la lune, seformèrentea road autour d'ette, et dan-sèrent chantant ainsi: PaUence!patience'quand la peine brise ton coeur, ne blas-phetne jamais le Dieu du ciel Vtuc! toncorps de!Mre. que Dien fasse gr&ce atoname!"u

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LA MERVE!M<E DES FLEURS.

DANS une vallée silencieuse brille unebe!tepetitef!enr;savMenatte!'a'<!etiecœur,'omone tes feux du soleil couchant; elleta bien pt«sde prix que l'or, que les perlcstêt les dia'aantt, et c'est à juste titre qu'ontrappeUc ia merveille des fleurs.} H faudrait chanter bien tong-tcmpshtOMr cëtébrer toute la vertu de ma petite~Beur et les miracles qu'elle opère sur !c

corps et sur l'esprit; car il n'est pas d'é-!iixir qui puisse égater les e~ets qu'eUcproduit, et rien qu'à la voir on ne le croi-rait pas.

Celui qui porte cettemerveille dans soncœur devient aussi beau que lcs anges;c'est ce que j'ai remarqué avec une pr«-

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fonde émotion dans tes hommes coMOttdans tes femmes, aux vieux et aux jeune''eue attire les hommages des plus bctt~&mes ) ~tte qu'un tatisman irrésistible.

Non, il n'est rien de beau dans une t<*<<

orgueilleuse, fixe sur un cou tendu qtfcroit dominer tout ce qui t'entoure; st

l'orgueil durang ou de l'ort'a raidi te cou.ma fleur merveilleuse te le rendra Bex!Mc.

et te contraindra à baisser la tête.Elle répandra sur ton visage t'ahnab)t

couleur de !a rose, elle adoucira le feu <));

tes yeux en abaissant leurs paupières ~i

ta voix est rude et criarde, elle lui douuer& le doux son de la itutc, si ta matchtest lourde et arrogante, eUe la rendra <<

gère commele zéphyr.Le cceur de l'homme est comme un

luth fait pour le chant et l'harmonie, maisouvent le plaisir et la peine en tirent d<

sons aigus et discordants la peine,qua'tes honneurs, le pouvoir et la richeséchappentà ses voeux; le plaisir torst;

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«rués de couronnes victorieuses, ils vien-nent se mettre à ces ordres.

Oh comme la Neur merveilleuse remplitalors les cœurs d'une ravissante harmonie!

comme eUe entoure d'un prestigeenchan-tcMr la grav!téet la pta!santer!e Rien dausles actMM~ alors, rien dans les paroles quipuisse blesser personne au monde; pointd'orgueil, pointd'arrogance, point de pré-tention!

Oh 'que la vieest alors douceet paisiMe!1Quel bienfaisant sommeU plane autour dulit où l'on repose! La merveilleuse fleurpréservede toute morsure,de tout poison!e serpent aurait beau vouloir te piquer, il

ne le pourraitpas

Mais, croyez-moi, ce que je chanten'est pas une fiction, quelque peine qu'onpuisse avoir à supposer de tels prodiges.Mes chants ne sont qu'un reflet de cettegrâce céleste, que la merveille des fleursrépand sur les actions et la vie des petits etdes grands.

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Oh! si vous aviez connu celle quintj~dis toute ma joie la mort l'arracha demes bras. sur l'autel m~me de l'hymen;vous auriez aisément compris ce que peutla divine &ew, et la vérité vous serait ap-parue, comme dans le jour le plus pur.

Que de fuis je lui dus la conscyvattOMde cette merveille! elle la remettait dou-cement sur mon sein, quand je t'avaïsperdue; maintenantun esprit d'impatiencel'en arrache souvent, et toutes tes fois quele sort m'en punit, je regrette amèrement

ma perte.0 toutes tes perfections que la fleur

avait répandues sur le corps et dans l'es-prit de mon épouse chérie, les chantstes plus longs ne pourraient tes énumé-rer et comme elle ajoute plus de charmesà la beaiuté, que la soie, les perles et l'or,je la nomme la merveille des fleurs, d'au-tres l'appellent la modestie.

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SONNET

COMPOSÉ PAR nURGRR APH~S LA MORT

«K SA SRt:0]'rot! FEMME.

MA tendresse, comme la colombe long-temps poursuivie par le faucon, se van-tait d'avoir enfin trouvé un asile dans lesilence d'un bois sacré.

Pauvre colombe! que ta co~nanee esttrompée Sort fatal et inattendu! Sa re-traite, que rofit ne pouvait pénétrer, estincendiée soudain par la foudre!

Hélas et la voici encore errante Lamalheureuse est réduite à voltiger du cielà la terre, sans but, sans espoir de repo-ser jamais son aile fatiguée.

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Car ou trouver un cœur qui prennepMé du sien, prés de qui elle puisse en-core se rechauScr comme autrefois? Un

tel cœur ne bat plus pour cMe sur la terre

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Mes amis, il vous est arrivé pt'ut-ettfde fixer sur le soleil un regard, soudainabaissé mais it restait dans votre cei!

comme une tache livide, qui tong-tcmpsvous suivait partout.

C'est ce que jai éprouve j'ai vu brillerla gloire, et je l'ai contemplée d'un regardtrop avide. une tache noire m'est restéedepuis dans tes yeux.

Et elle ne me quitte plus, et sur quel-que objet que je nxe ma vue, je la vois s'yposer soudain, comme un oiseau de deuil

Elle voltigera donc sans cesse entre lebonheur et moi'0 mes amis, c'estqu'il faut être un aigle pour contemplerimpunément le soleil et la gloire!

SONNET.

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Qua la chanson du brave homme reten-tisse au loin comme le son des orgues etlebruitdes cloches! L'or n'a pu payer soncourage,qu'une chanson en soit la récom-pense.Je remercieDieudem'avoir accordéle don de louer et de chanter pourchanter et louer le brave homme.

Un vent impétueuxvint un jour de h'

mer et tourbillonna dans nos plaines lunuages fuyaient devant lui, comme devan)le loup les troupeaux;il balayaitleschamps,couchait les fordts à terre; et chassait <!<

leurs lits les neuves et les lacs.Il fondit les neiges des montagneset !c?

précipita en torrents dans les plaines; Ir,

LA CHANSON

OU BRAVE HOMME.

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rivièress'entrentencoreet bientôt tout leptat pays n'offrit plus que l'aspect d'unemer, dont les vagues effrayantes roulaicntdes rocs déracinés.

Il y avait dans Ja vallée nu pont jetéentredeuxrochers,soutenusur d'immensesarcades, et au milieu une petite maison

que le gardien du pont habitait avec safemme et ses enfants: Gardien du pont,sauve-toi vite

L'inoudatinnmenaçantemontetoujourst'ouragan et tes vagues hurlaient déjà plusfort autour de !a maison; le gardien mont:*

sur le toit, jeta en bas un regard de dé-sespoir

«Dieu de miséricorde! au se-

cours nous sommesperdus. au secourstLes glaçons roulaient l'un sur l'autre,

tes vagues jetaient sur tes rives des piliersarrachésaupont dontellesruinaientà grandbruit tes arches de pierre mais le gardientremblant, avec ses enfants et sa femme,criaitplushaut que tes vagues et l'ouragan.

Les glaçons routaient l'un sur l'autre,

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ça et là vers les rives, et aussi les débrisdu pont ruiné par les vagues, et dont t.)destructiontotale s'approchaitCiel mi-séricordieux,au secours!

Lerivage éloigné était couvertd'unefoulede spectateurs grands et petits; et chacuncriait et tendait les mains, maispersonnenevoulait se dévouer pour secourirces mal-heureux;et le gardien tremblant, avec sesenfants et sa femme, criait plus haut queles vagues et t'onragan.

Quand donc retentiras-tu, chanson d~brave homme, aussi haut que le son des

orgues et le bruit des cloches ? Dis enfin

son nom, répète-le, ô le plus beau de tousmeschants! La destruction totaledu ponts'approche.Bravehomme,bravehomme,montre-toi

Voici un comte qui vient au galop, unnoble comte sur son grandcheval: au'elc\cct-il avec la main ? une bourse bien pleine etbien ronde Deux cents pistoles sontpromisesà qui sauvera ces malheureux

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Quiest le bravehomme, est-ce le comte?Dis-le, mon noble chant, dis-le: le comte,par Dieu était brave; mais j'en sais unplus brave que hn. 0 brave homme, bravehomme, montre-toi! De plus en plus lamort menace

Et l'inondation croissait toujours, etl'ouragan sifflait plus fort, et le dernierrayon d'espoir s'éteignait sauveur, sau-veur, montre-toi! L'eau entraine toujoursdes piliers du pont et en ruine les arches àgrand bruit.

« Halloh! haUch vite au secours! '< Et

le comte montre de nouveau la récom-pense chacun entend, chacun a peur, etnul ne sort de l'immense foule en vainle gardiendu pont, avec ses enfants et safemme, criait plus haut que les vagues etl'ouragan.

Tout à coup passe un paysan, portantle bâton du voyage, couvert d'un habitgrossier, mais d'une taille et d'un aspectimposant; il entend le comte, voit ce dont

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il s'agit, et comprend l'imminence dudanger.

Invoquant le secoursdu ciel, il se jettedans la plus proche nacelle,brave I<*s tour-billons, l'orage et le choc des vagues etparvientheureusementauprèsde ceux qu'ilveut sauver! Mais hélas! l'embarcationest trop petite pour tes recevoir tous.

Trois fois il fit le trajet malgré lestourbillons, l'orage et te choc des vagues,et trois fois il ramena an bord sa nacellejusqu'à ce qu'il les eût sauvés tous; à peineles derniers y arrivaient-ils que les restesdu pont achevèrentde s'écrouter.

Quelestdonc,quel est ce brave homme ?Dis-le, mon noble chant, dis-le! Maispeut-être est-ce au son de l'or qu'il vientde hasarder sa vie; car il était sûr que le

comte tiendrait sa promesse, et il n'étaitpas sûr que ce paysan perdit la vie.

–<t Viens ici, s'écria le comte, viens ici,mon brave ami Voici la récompense pro-mise, viens, et reçois-la Dites que !e

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comte n'étaitpas un brave homme -Par-dieu c'était un noble cceuï! Mais,certes, un cœur plus noble encore et plusbrave battait sous t'habit grossier dupaysan

« Ma vie n'est pas à vendre pour del'or je suis pauvre, mais je puis vivredonnezvotre or au gardien du pont, caril a tout perdu, x H dit ces mots d'un tonfranc et modeste à la fois, ramassa son bâ-ton et s'en alla.

Retentis, chanson du brave homme, re-tentis au loin, plus haut que le son des

orgues et le bruit des cloches. L'or n'a pupayer un tel courage, qu'une chanson ensoit la récompense Je remercie Dieu dem'avoiraccordéledon de louer et de chan-ter, pour cétébrer à jamais le bravehomme!

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LE FEROCE CHASSEUR.

LE comte a donné Je signal avec suncor de chasse: Haltoh! hattoh! dit-il, apied et à cheval Son coursier s'élance enhennissant derrière lui se précipitent etles piqueurs ardents, et les chiens quiaboient détaches de leur laisse, parmi !c~

ronces et les buissons, tes champs et lesprairies.

Le beau soleil du dimanche dorait d~jale haut clocher, tandis que tes cloches an-nonçaient leur réveit avec des sons harmo-nieux et que tes chants pieux des mdèttsretentissaientau loin dans la campagne.

Le comte traversait des chemins encroix, et tes cris des chasseurs redoublaientplus gais et plus bruyants. Tout à coup.

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MM cavalier accourt se placer a sa droiteet un autre à sa gauehf. Le cheval du pre-mier était blanc comme de l'argent, celuidu secondétait de couleur de feu.

Quets étaMRt ces cavaliers venus à sadroite et à sa gauche? Je le soupçonne!Men,mais je ne l'affirmerais pas! Le pre-micr, beau comme le printemps, brillaitde tout l'éclat du jour: le second, d'unepâleur effrayante, lançait des éclairs de sesyeux comme un nuage qui porte la tem-pête.

Vous voici à propos, cavaliers,

soyez les bienvenus à cette noble chasse;il n'est point de plus doux plaisir sur laterre comme dan~ tes cieux. » Ainsi par-lait le comte, se frappant gaiement sur leshanches, et tançant en l'air son chapeau.

–'Le son du cor, dit avec douceur lecavalier de droite, s'accorde mal avec lescloches et les chants des ndèles; retournechez toi; ta chassene peut être heureuseaujourd'hui écoute la voix de ton boa

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ange et ne te laisse point guider par lemauvais.o

–«En avant! en avant! mon nobleseigneur, s'écria aussitôt le cavalier degauche,que vient-on nous parler de eto-ches et de chants d'église? La chasse estplus divertissante laissez-moi vous con-seiller ce qui convient à un prince etn'écoutezpoint ce trouble-fête. Il

–-«Aht bien parlé! mon compagnon degauche; tu es un homme selon mon coeur

ceux qui n'aiment pas courir le cerf peu-vent s'en aller direleurs patenôtres pourtoi mon dévot compagnon, agis à ta fan-taisie et laisse-moi Mre de même. »

Harry! hurra! Le comte s'élance à tra-vers champs, à travers monts. Les deuxcavaliers de droite et de gauche le serrenttoujours de près. Tout à coup un cerfdix cors tout blancvient à semontrerdanste lointain.

Le comte donne du cor piétons etcavaliers se précipitent sur ses pas. Oh

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oh en voilà qui tombent et qui sont tuésdanscettecourserapide « Laissez-les, lais-sez-les rouler jusqu'à l'enfer! cela ne doitpoint interrompre les plaisirs du prince.

Le cerf se c~che dans un champ cultivé,et &'y croitbienen sûreté soudain unvieuxlaboureur se jette aux pieds du comte enle supptiant «

Miséricorde bon seigneur,miséricorde! 1 ne détruisez point le fruitdes sueursdu pauvre! »

Le <tvauer de droite se rapproche etfait avec douceurquelquesreprésentations

au comte; mais celui de gauche l'excite aucontraire à s'inquiéter peu du dommagepourvu qu'il satisfasseses plaisirs.Lecomte,méprisanttesavis du premier, s'abandonneà ceux du second.

–«Arriére, chien que tu es! crie lecomte furieux au pauvre laboureur,ou jete vais aussi donner la chasse, par le dia-ble! En avant, compagnons, et pour ap-puyer mes paroles, faites claquer vosfouets aux oreilles de ce misérable »

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Aussitôt fait que dit, il franchit le pre--mierles barrières,et sur ses pas, hommes

chiens et chevaux, menant grand bruit,bouleversent tout le champ et foulent auxpie<ts la moisson.

Le cerf effrayé reprend sa course à tra-vers champs et bois, et toujourspoursuive

sans jamais être atteint, il parvient dans

une vaste plaine où il se méle pour échap-

per à la mort, à un troupeau qui paissaittranquillement.

Cependant, de toutes parts, à travers~ois et champs, la meute ardente se préci-pite sur sestracesqu'ellereconnaît. Le ber-ger, qui craint pour son troupeau, va sejeter aux pieds du comte

a Miséricorde seigneur, miséricorde!Faites grâce à mon pauvre troupeausongez, digne seigneur, qu'il y a là tellevache qui fait l'unique richesse dequelque

pauvre veuve. Ne détruisez pas le bien dapauvre. Miséricorde! seigneur, miséri-corde

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Le cavalier de droitese rapprocheencoreet fait avec douceur quelques représen-tations an comte; mais celui de gauchel'exciteau contr.tire à s'inquiéter peu dudommage pourvu qu'it satisfasse ses plai-sirs. Le comte, méprisant tes avis du pre-mier, s'abandonne à ceux du second.

« Vil animal o~es tu m'arrêter ? Je vou-drais te voir changer aussi en bœuftoi ettes sorcière de veuves,je vous chasseraisjusqu'auxnuages du ciel a

HaUoh!en avant, compagnons, doho!hussassah Et la meute ardente chassetoutdevant elle. Le berger tombe à terredéchiré, et tout son troupeau est mis enpièces.

Le cerfs'échappeencoredans la bagarre,mais déjà sa vigueur est affaiblie toutcouvert d'écume et de sang, il s'enfoncedans la forêt sombre, et va se cacher dansla chapelle d'un ermite.

La troupe ardente des chasseurs se pré-eipite sur ses traces avec nn grand bruit

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de fouets, de cris et de cors. Le saint <*rmite sort aussitôt de sa chapelle et patht~au comte avec douceur

Abandonne ta poursuite et respectel'asile de Dieu Les angoisses d'unepau-vre créature t'accusent déjà devantsa jus-tice. Pour la dernière fois, suis monconseil ou tu cours à ta perte. »

Le cavalier de droite s'approchede non-veau, et fait avec douceur des représen-tations au comte, mais celui de gauchel'excite au contraire à s'inquiéter peu dudommage,pourvu qu'il satisfasse ses plai-sirs le comte, méprisant tes avis du premier s'abandonne à ceux du second.

Toutes cps menaces, dit-il, me eausent peu d'effroi le cerf s'envotat-it ailtroisièmeciel, je ne lui ferais pas encoregrâce; que cela déptaise à Dieu ou à toi,vieux fou peu m'importe, et j'en passerai

mon envie. »D fait retentir son fouet, et souffle dans

son cor de citasse. En avant, compagnons,e

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en avant –L'ermiteet la chapelle s'é-vanouissent devant lui. et derrière, hom-

mes et chevaux ont disparu. Tout l'ap-pareil, tout le fracas de tachasse, s'estensevelidans l'éternel silence.

Le comte, éMouvanté, regarde autourde lui. Il embouche son cor, et aucunson M'en peut sortir. H appelle et n'en-tendplus sa propre voix. son fouetqu'ilagite est muet. son cheval qu'il excite

ne bouge pas.Et autour de lui tout est sombre.

tout est sombre comme un tombeau. Unbruit sourd se rapproche, tel que la voixd'une meragitée, puis gronde sur sa têteavec le fracas de ta tempête, et prononcecette effroyable sentence

« Monstre, produitpar l'enfer! toi quin'épargnes ni l'homme, ni l'animal, niDieu même; le cri de tes victimes t'accusfdevant ce tribunal, ou brûle le flambeaude la vengeancet

Fuis, monstre fuis carde cet instant

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la démon et sa meute infernale te pour-suivront dans l'éternité ton exemple seral'effroi des princesqui, pour satisfaire unplaisir cruel, ne ménagent ni Dieu ni tc'<

hommes.B

La foret s'éclaire soudain d'une lueurpâle et blafarde. le comte fnssonne.l'horreur parcourt tous ses membres, et

une tempêteg!acée tourbillonne autour delui.

Pendant l'affreuxorage, une main noiresort de terre, s'élève, s'appuie sur sa tête,se referme, et lui tourne le visage sur'tedos.

Une flamme bleue, verte et rouge,éclateet tournoie autour de lui. Il est dans unocéan de feu; il voit se dessinerà trave'sla vapeur tousles hôtes du sombreaMmedes milliersde ngureseffrayantes s'en élfvent et se mettent à sa poursuite.

A travers bois, à travers champs, <t

fuit jetant des cris douloureux; mais):'

meute infernale le poursuit sans relâche,

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le jour dans le sein de la terre, la nuitdans l'espace des airs.

Son visage demeure tourné vers sondos ainsi il voit toujours dans sa fuite lesMonstresque l'esprit du mal ameute contrelui; il lesvoit grincer des dents et s'élancerprêts à l'atteindre.

C'est lagrande chasse infernalequi durerajusqu'audernierjour, et qui souvent causetant d'effroi au voyageur de nuit. Maintchasseurpourrait en faire de terribles ré-cits, s'U osait ouvrir la boudif~~itf~deschoses pareittes.

UN.

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TABLE.

p~~tt)MOMM)(tt). 1

KLOP8TOCK.

MaPatrio. ?LMCoMteUatiom. 58LcsdeuxMaMS. 65Les Heures de t'ïnspiratton. 6~

A SctmMed,ode écrite pendant uae maladiedangereme.). 70PMMM~ ySMonEtTenr. 78HermannetTrMneMa. StHermann, chantèparlesbardeswerdomar,

Kerding etDarmont. 8~

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~htMMM.Complainte de la noble Femme d'Atao

Aga; imitée duMortaqae. g6L'Aig!petIaCo!on)t)e.totLe Chercheurde treMK.tu.}CoMotation dans les larmes. io6Le HoidMAatne: to8L'Ëtèvesorcier.ttoLe Voyageur. tt4h<'Barde. ta5Le Roi deThaïe. ta5LesMystet<M.t97

SCHILLER.

La Chanson de ta c~che. t5SLePtongeHr. <5tt

La Puissance duChant. t5~

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P~ga<enM9ao)ong. '6tËpitro & Goethe,tor<qu'!t traduisit pour le

théâtre le Mahomet de Votta!re tCdLe Partage de laterre. t~Le Comted'MatMbonrg. t ~5

Le Commencementdu ox*S~ete. t?~Le Dragon deRhodef. t8aJeanned'Arc.tg~LeCant. tj)6L'Idéat. tgqLxBatatMe.(t3LaCaution. 207Dëoir. a,:Cotomb.t,5La Grandeur du monde. 2t6Adieux auLecteur. 218

BURGER.

LMMM.9MLaMerveiMedesFteuM.ao3Sonnet composé par Burger après la mort

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~MMcondetenxMc.7tunnet. a:yLa Chanaun du Brave HonuMe. a4,,~e MroceChaMeur. ~j,

1Le féroce Chatiseur, .·aQn `

UN.