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L’AVENIR CÔTE D’AZUR N° 2411 20 vendredi 9 novembre 2018 Portrait P our aborder le parcours de ce franco-belge, il est peut-être bon de dé- marrer à la manière de Léon Tolstoï qui ouvrait son roman Anna Karénine ainsi : «Les familles heureuses se res- semblent toutes ; les familles malheureuses sont malheu- reuses chacune à sa façon». Et d’enclencher donc tout de suite par : toutes les vies sont des romans. Mais celle de Patrice de Bruyne l’est encore plus... à sa façon. En effet, comment un jeune architecte plein de talent dans les années 70, (il n’avait pas trente ans), créa- teur de mobiliers délirants, passionné par l’aménage- ment de châteaux d’eau en habitations et d’usines en lofts et simultanément édi- teur de «Home», une revue d’architecture et de décora- tion, va-t-il se retrouver à la tête d’un magazine automo- bile «Chromes & Flammes» qui, dans les années ‘80, sera publié, chaque mois, à 500 000 exemplaires en 5 éditions/langues dans l’ensemble de l’Europe ain- si qu’aux USA ? Une seule réponse : sa passion pour les belles voitures. Mais, en fait, pas du tout. Sa vie n’est donc pas un volant. «Je ne suis nullement passion- né par les automobiles. J’y étais sensible, d’autant plus que tout jeune, avec mon père maître-pailleur de pro- vince, aidé de ma mère, on ne roulait pas sur l’or mais en VW Cox-Split 1950. On était heureux, du moins je l’étais. Et, pour un gamin, voir de temps à autre, du fin fond de ma ville de pro- vince située plein Nord de la Belgique, de belles et très rares voitures sportives et limousines de luxe, laissait croire qu’y circuler devait être comme vivre au para- dis. Je suis venu aux auto- mobiles de façon candide, plein d’illusions. J’ai débuté avec une Dauphine d’oc- casion que j’ai cartonnée contre un tramway. Je suis passé à une Mazda Cou- pé 1200 puis à une Mor- gan 4/4 compétition. J’ai persévéré avec une Panther J72 payée avec les revenus de mon magazine d’archi- tecture. J’ai finalement tout vendu et j’ai œuvré dans la pub. Mon principal client était British American To- bacco pour qui j’ai créé un concept pour concurrencer le célèbre cow-boy Marl- boro. L’idée était de créer une alternative plus actuelle au vieux cow-boy avec des filles belles comme le jour qui roulaient en hot-rods aux couleurs du paquet de ciga- rette «Viking» et offraient ces cigarettes à tous les gens éberlués de les voir dans des véhicules jamais vus, peints avec des flammes et des motifs viking». Us et custom Le succès et l’argent sont au rendez-vous. «D’autant qu’au changement de direc- tion chez British American Tobacco, le successeur a voulu revenir vers des publi- cités plus classiques et on m’a payé des indemnités et m’a offert les hot-rods. Du coup, je roulais avec l’un d’eux quotidiennement et de fil en aiguille j’ai eu l’idée d’un magazine de cus- tom-cars et de hot-rods ain- si que de dragsters ce qui m’a permis de créer la pre- mière course de dragsters en France sur le circuit des 24h du Mans et le maga- zine «Chromes & Flammes», première mouture, que j’ai ensuite dupliqué en cinq ver- sions/éditions mensuelles publiées dans toute l’Europe et aussi un peu aux USA et au Canada. Après une quinzaine d’années, j’en ai eu ras-le-bol, j’ai vendu les éditions étrangères et me suis lancé dans les au- tomobiles de collection, un grand moment qui va durer une vingtaine d’années du- rant lesquelles j’ai participé à des shows automobiles et à des ventes aux enchères. Et puis, j’ai eu une indiges- tion de ce milieu jonché d’entourloupes, d’hypocrisie et de superficialité». Et après une longue absence, près de trente ans, il remet en route «Chromes et Flammes», avec une parution tous les deux mois, dans lequel il est la seule plume, «un magazine conçu, réalisé et imprimé par le Groupe Riccobono Après trente ans d’absence dans les kiosques, le magazine «Chromes & Flammes», dé- dié aux automobiles atypiques, déjantées, extraordinaires, rarissimes, hors de toutes normes, ainsi que «de collection», fait son grand retour, à l’initiative de son créateur : Patrice de Bruyne. Un personnage flamboyant. Alors, en voiture... Echappement libre Patrice de Bruyne et son chien «Blacky» 30 Après 30 ans d’absence, le magazine «Chromes & Flammes» fait son retour Le chiffre «Chromes et Flammes» en 1983

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  • L’AVENIR CÔTE D’AZUR N° 2411 20 vendredi 9 novembre 2018

    Portrait

    Pour aborder le parcours de ce franco-belge, il est peut-être bon de dé-marrer à la manière de Léon Tolstoï qui ouvrait son roman Anna Karénine ainsi : «Les familles heureuses se res-semblent toutes ; les familles malheureuses sont malheu-reuses chacune à sa façon». Et d’enclencher donc tout de suite par : toutes les vies sont des romans. Mais celle de Patrice de Bruyne l’est encore plus... à sa façon. En effet, comment un jeune architecte plein de talent dans les années 70, (il n’avait pas trente ans), créa-teur de mobiliers délirants, passionné par l’aménage-ment de châteaux d’eau en habitations et d’usines en lofts et simultanément édi-teur de «Home», une revue d’architecture et de décora-tion, va-t-il se retrouver à la tête d’un magazine automo-bile «Chromes & Flammes» qui, dans les années ‘80, sera publié, chaque mois, à 500 000 exemplaires en 5 éditions/langues dans l’ensemble de l’Europe ain-si qu’aux USA ? Une seule réponse : sa passion pour les belles voitures. Mais, en fait, pas du tout. Sa vie n’est donc pas un volant. «Je ne suis nullement passion-né par les automobiles. J’y étais sensible, d’autant plus que tout jeune, avec mon père maître-pailleur de pro-vince, aidé de ma mère, on ne roulait pas sur l’or mais en VW Cox-Split 1950. On était heureux, du moins je l’étais. Et, pour un gamin, voir de temps à autre, du

    fin fond de ma ville de pro-vince située plein Nord de la Belgique, de belles et très rares voitures sportives et limousines de luxe, laissait croire qu’y circuler devait être comme vivre au para-dis. Je suis venu aux auto-mobiles de façon candide, plein d’illusions. J’ai débuté avec une Dauphine d’oc-casion que j’ai cartonnée contre un tramway. Je suis passé à une Mazda Cou-pé 1200 puis à une Mor-gan 4/4 compétition. J’ai persévéré avec une Panther J72 payée avec les revenus de mon magazine d’archi-

    tecture. J’ai finalement tout vendu et j’ai œuvré dans la pub. Mon principal client était British American To-bacco pour qui j’ai créé un concept pour concurrencer le célèbre cow-boy Marl-boro. L’idée était de créer une alternative plus actuelle au vieux cow-boy avec des filles belles comme le jour qui roulaient en hot-rods aux couleurs du paquet de ciga-rette «Viking» et offraient ces cigarettes à tous les gens éberlués de les voir dans des véhicules jamais vus, peints avec des flammes et des motifs viking».

    Us et customLe succès et l’argent sont au rendez-vous. «D’autant qu’au changement de direc-tion chez British American Tobacco, le successeur a voulu revenir vers des publi-cités plus classiques et on m’a payé des indemnités et m’a offert les hot-rods. Du coup, je roulais avec l’un d’eux quotidiennement et de fil en aiguille j’ai eu l’idée d’un magazine de cus-

    tom-cars et de hot-rods ain-si que de dragsters ce qui m’a permis de créer la pre-mière course de dragsters en France sur le circuit des 24h du Mans et le maga-zine «Chromes & Flammes», première mouture, que j’ai ensuite dupliqué en cinq ver-sions/éditions mensuelles publiées dans toute l’Europe et aussi un peu aux USA et au Canada. Après une quinzaine d’années, j’en ai eu ras-le-bol, j’ai vendu les éditions étrangères et me suis lancé dans les au-tomobiles de collection, un grand moment qui va durer une vingtaine d’années du-rant lesquelles j’ai participé à des shows automobiles et à des ventes aux enchères. Et puis, j’ai eu une indiges-tion de ce milieu jonché d’entourloupes, d’hypocrisie et de superficialité». Et après une longue absence, près de trente ans, il remet en route «Chromes et Flammes», avec une parution tous les deux mois, dans lequel il est la seule plume, «un magazine conçu, réalisé et imprimé par le Groupe Riccobono

    Après trente ans d’absence dans les kiosques, le magazine «Chromes & Flammes», dé-dié aux automobiles atypiques, déjantées, extraordinaires, rarissimes, hors de toutes normes, ainsi que «de collection», fait son grand retour, à l’initiative de son créateur : Patrice de Bruyne. Un personnage flamboyant. Alors, en voiture...

    Echappement libre

    Patrice de Bruyne et son chien «Blacky»

    30Après 30 ans d’absence, le magazine «Chromes & Flammes» fait son retour

    Le chiffre

    «Chromes et Flammes» en 1983

  • L’AVENIR CÔTE D’AZUR N° 2411 21 vendredi 9 novembre 2018

    Portrait

    au Muy, un voisin, somme toute, car maintenant je vis aux Issambres». Un Sud qu’il connaît bien pour avoir bourlingué de Monaco à Saint-Tropez. Mais, il n’en a pas pour autant perdu le Nord et son «plat pays». «J’ai toujours un pied-à-terre en Belgique où j’ai entrepo-sé quelques voitures de col-lection que je bichonne avec affection. Tout comme mon bureau que j’adore mais trop imposant pour le transporter, c’est une plaque de marbre sur laquelle déborde une coulée de peinture rouge, une véritable oeuvre d’art. Exagérément grand, volumi-neux, voyant, provocant, à l’image de son propriétaire qui du haut de ses 1,90 mètre a avalé des milliers de kilomètres à bord de ses drôles de machines, tout comme il a bouffé la vie... en accéléré.

    Rangé des voitures«Voyez-vous, à l’aune de mes 70 ans, sur les conseils de

    ma compagne, je me lance dans une nouvelle aventure avec la renaissance de «Chromes & Flammes». Au départ, j’ai pensé que mon site www.GatsbyOnline.com était suffisant mais ma compagne Valérie m’a dit que le support papier serait

    mieux adapté». Patrice de Bruyne ne déroge pas à la règle qui ont fait son suc-cès d’antan : des voitures superbes à côté desquelles posent des créatures de rêve dans des positions des plus suggestives. «Je sais ça fait un peu cliché mais que

    voulez-vous cette associa-tion continue de plaire alors pourquoi s’en priver». Mais ce serait quelque peu réduc-teur que de ne s’attacher qu’à la forme (aux formes aussi), aussi belle qu’elle soit. Patrice de Bruyne a un réel talent de conteur. Il ma-nie le verbe aussi bien que son levier de vitesse. Une écriture enlevée, enjouée, provocatrice mais jamais vulgaire, déjantée parfois mais toujours pertinente. Bref, un style qui tient la route. Aujourd’hui, il a cou-pé le contact avec les belles voitures. «Je roule en jeep Wran-gler et ça me convient par-faitement ainsi qu’à mon cooker «Blacky», l’autre amour de ma vie. Mais je dois avouer que ma voiture préférée, c’est la Smart. Comme son nom l’indique, c’est une voiture intelligente car magnifiquement pen-sée et réalisée». Patrice de Bruyne, comme dirait un anglo-saxon, est lui aussi un monsieur très «smart». GC

    Son bureau, véritable oeuvre d’art Le petit Patrice avec sa maman à la mer avec un jouet prémonitoire

    Une belle collection

    A l’aune de mes 70 ans, sur les conseils de ma compagne, je me lance dans une nouvelle aventure

    avec la renaissance de «Chromes et Flammes».