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  • 8/14/2019 Pollock Jean-Yves. Comment lgitimer une innovation thorique en grammaire transformationnelle la thorie des t

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    Jean-Yves Pollock

    Comment lgitimer une innovation thorique en grammaire

    transformationnelle : la thorie des tracesIn: Langages, 10e anne, n42, 1976. pp. 77-110.

    Citer ce document / Cite this document :

    Pollock Jean-Yves. Comment lgitimer une innovation thorique en grammaire transformationnelle : la thorie des traces. In:Langages, 10e anne, n42, 1976. pp. 77-110.

    doi : 10.3406/lgge.1976.2310

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1976_num_10_42_2310

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_lgge_793http://dx.doi.org/10.3406/lgge.1976.2310http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1976_num_10_42_2310http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1976_num_10_42_2310http://dx.doi.org/10.3406/lgge.1976.2310http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_lgge_793
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    J.-Y. PollockParis XII,DRL Paris VII.GOMMENT LGITIMERUNE INNOVATION THORIQUEEN GRAMMAIRE TRANSFORMATIONNELLE :LA THORIE DES TRACES 1

    0. Introduction.0.1. Le but du prsent article est de montrer quelles conditions doitobir une innovation thorique pour tre considre comme lgitime dansle cadre de l' Extended Standard Theory (EST dans le reste du texte)de la grammaire transformationnelle. Nous prendrons comme exemple lathorie des traces des rgles de mouvement dveloppe au MIT depuisquelques annes.0.2. L'EST peut tre caractrise trs brivement comme un effort pourrestreindre au maximum la classe des grammaires possibles dans la thorie,c'est--dire comme une tentative pour contraindre la classe des phnomnes linguistiques possibles (cf. 1.2.2). Pour ce faire,

    a) On contraint la classe des structures profondes en exigeant que lesrgles de rcriture soient toutes de la forme 2 :(1) Xn -> ... X11"1 ... o X1 = [ocN, pV]1 et X1 = Xb) On contraint la classe des oprations syntaxiques possibles : 1) enposant soit que ces oprations sont prservatrices de structure , soitqu'elles n'oprent que sur des phrases racines 3 ; 2) en dfinissant lestransformations comme des oprations locales s'appliquant deux ISadjacents dans une drivation, en fonction d'une analyse structurale quine peut tre que de la forme :(2) (ai ... an)

    o ai est une variable, une catgorie non lexicale unique ou une suite terminale. Il suit de cette caractrisation extrmement restrictive que denombreuses oprations dfinissables comme des transformations dans lemodle standard ne peuvent plus tre ainsi formules dans TEST. Ainsipar exemple la relation actif-passif ne peut plus tre code dans le formalisme par une seule opration mais par deux, appeles respectivement Agent post-posing et NP pre-posing (voir 1.1, plus bas). De mmel'utilisation des analyses structurales doubles devient impossible. Oncontraint galement les changements structuraux en posant que seules lesoprations formelles suivantes sont possibles : 1) dplacement, 2) adjonction, ) effacement (limit aux catgories non lexicales, savoir [ N, V]) et enfin 4) spelling rules (voir 1.1, plus bas, et la note 6).

    c) On postule par ailleurs que les transformations, ainsi dfinies, sontcontraintes par tout un ensemble de conditions gnrales (sur quelques-unesde ces contraintes, voir 1 3, plus bas).0.3. De la structure de l'EST telle qu'elle merge de cette caractrisationtrop brve on peut tirer un certain nombre de conclusions en ce qui concerne

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    les conditions que devra respecter une innovation thorique pour tre considre comme lgitime :1) II faut, idalement, que cette innovation thorique n'augmentepas le pouvoir descriptif de la thorie.2) Du fait du pouvoir descriptif trs faible de la composante trans-formationnelle ainsi caractrise, d'autres composantes vont jouer un rle

    crucial pour obtenir une caractrisation adquate des jugements d'acceptabilit. Il faut donc, idalement, qu'une innovation thorique puisse trearticulable dans plusieurs composantes de la description (smantique,phonologique par exemple).Nous nous proposons donc d'examiner les points suivants :1) La thorie des traces augmente-t-elle le pouvoir descriptif del'EST ? (Voir 1.2, plus bas.)2) Comment cette innovation thorique s'articule-t-elle avec lesconditions gnrales sur les transformations ? (Voir 1.3.)3) Comment s'articule-t-elle avec les composantes phonologiques etsmantiques ? (Voir 2 et 3.)Nous utiliserons sur ces deux derniers points les travaux d'E. Selkirk(The Phrase Phonology of English and French, MIT, 1972, non publi)et de R. W. Fiengo (Semantic Conditions on Surface Structure, MIT, 1974,non publi). Au terme de cet examen, il nous sera possible d'valuer l'intrte l'innovation thorique constitue par la thorie des traces.

    1. Thorie des traces, capacit generative, conditions surles transformations1.1. FormulationChomsky formule ainsi ce que nous avons appel la thorie des tracesdes rgles de mouvement : Toute transformation de mouvement laisse une trace t et cette traceest considrer comme une variable lie par la catgorie dplace par largle en question 4.

    Ainsi, par exemple, en fonction de la caractrisation des transformationse 0.2, le traitement de la relation (3) et (4) :(3) John kissed Mary(4) Mary was kissed by John

    implique les tapes suivantes :(5) John past be kiss Mary by => ( Agent post-posing)li par

    \t past be kiss Mary by John(6) t past be kiss Mary by John => ( NP pre-posing )Mary past be kiss t by JohnlieL'examen de la relation entre noncs actifs et passifs peut fournirun premier exemple de la faon dont on peut tirer parti de la thorie destraces pour construire une argumentation syntaxico-smantique. On

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    remarque qu'en ce qui concerne les phrases, si Agent post-posing s'applique, lle doit obligatoirement tre suivie de l'application de NP pre-posing . Au contraire dans les NP Agent post-posing peut ne pas tresuivie de NP pre-posing . Comparons :(7) the enemy destroyed the city(8) the enemy's destruction of the city(9) the city was destroyed by the enemy(10) the city's destruction by the enemyi it )11) j 4uere was destroyed the city by the enemy(12) the destruction of the city by the enemy.Par ailleurs un verbe intransitif ne peut subir, dans le cadre de laphrase, Agent post-posing , mais ceci est possible dans le cadre du NP :(13) John painted(14) * j 1/ j was painted by John15) John's painting16) the painting by John.Comment expliquer ces faits ? Si on adopte l'ide que les traces sontdes variables lies par la catgorie dplace, il s'ensuit qu'elles doivent avoirtoutes les proprits des anaphores lies 5, en d'autres termes la relationentre une trace et la catgorie qui la lie doit tre identique la relationexistant entre un terme anaphorique et son antcdent, comme dans :(17) John saw himself(18) John and Peter looked at each other(19) John lost his mind.

    Il existe une contrainte de surface qui exclura par exemple :(20) * himself saw John(21) * each other looked at John and Peter(22) * his mind was lost by John.

    Cette contrainte est approximativement de la forme :(23) [X... NP...] 1Ls LnpJ Lvp vpJ sjo aucun X ne peut avoir NP pour antcdent.Si les traces sont des variables lies, il s'ensuit que (23) a pour casparticulier l'impossibilit de la configuration suivante :(24) mr...NP...i iLs LnpJ lvp vpjsjo NP lie t.On peut associer (11) la structure de surface (25) :(25) t 1 [was destroyed the city by the enemy] 1Ls LnpJ Lvp vpjsjOn voit immdiatement que (11) est alors exclue par la mme contraintequi exclut (20), (21) et (22). Pourquoi (12) est-elle possible ?On fait l'hypothse qu'en ce qui concerne les syntagmes nominauxil existe des spelling rules qui permettent de remplacer t par the , some , etc., rgles analogues dans leur proprit la rgle qui introduit there dans des noncs du type there's a man in the garden . Avant a

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    mise en uvre de ces spelling rules , la structure de surface associe (12)serait, du point de vue qui nous concerne ici, identique (25) et donc excluepar (23)-(24). C'est l'existence idiosyncratique de ces spelling rules qui,dans le cadre de cette argumentation, explique la grammaticalit de (12) : the remplaant t (23)-(24) ne peut plus s'appliquer et (12) n'est pas filtre.Remarquons que le statut de (13), (14), (15) et (16) suit immdiatementde ces considrations : Agent post-posing peut s'appliquer la structuresous-jacente (13), mais la structure drive rsultant de la mise en uvrede cette rgle est (26) :(26) t ] [was painted by John] 1LsLnpJLvp vpJsJexclue nouveau par (23)-(24). La mme transformation s'applique (15),mais nouveau une spelling rule vient effacer / et (23)-(24) ne peutfiltrer (16) 6. Nous dvelopperons plus avant le traitement du passif plusloin (cf. 3). Examinons cependant les exemples (27) et (28) :

    (27) * John destroyed the city by the enemy(28) * John destroyed the city by.Comment expliquer l'agrammaticalit dans ce cas ? Ici c'est la subcatgorisation en structure profonde qui en rendra compte. On postule largle de rcriture suivante :(29) VP->V...(by*)

    o by subcatgorise *. Comme l'indique l' astuce notationnelle, si * estprsent en surface la phrase est mal forme. C'est ce qui explique l'impossibilte (28) ; (27) quant elle est exclue, puisque by subcatgorise *, end'autres termes ne peut tre suivi d'une unit lexicale au niveau de la structureprofonde.1.1.2. Quelques considrations mthodologiques

    a) Cette faon de traiter les problmes est rvlatrice de l'approchede Chomsky deux gards au moins. D'une part on voit que les transformations tant considres comme des oprations formelles extrmementsimples, la composante strictement syntaxique (. e. ce que Chomskyappelle formal syntax ) va engendrer une grande quantit de phrasesmanifestement inacceptables dont au moins une partie devra tre rejete.Pour ce faire on fait appel d'autres composantes de la description ;par exemple, en ce qui concerne le passif, la contrainte (23)-(24) rend compteici de certains cas d' over-generation . Constatons sur ce point qu'il n'y aaucun moyen a priori pour dcider si l'on doit traiter un phnomne par lamise en uvre de telle composante plutt que de telle autre. En d'autrestermes il n'y a aucun moyen a priori de dcider que tel nonc inacceptablel'est pour des raisons syntaxiques ou smantiques. Ainsi (11) est engendrpar la composante syntaxique (et est donc grammatical au sens strict)mais exclu par (23)-(24) et est donc smantiquement mal form. Par contre(27) et (28) sont, eux, non engendrables par la composante syntaxique etdonc syntaxiquement mal forms au sens strict. D'autre part, on voit danscette discussion ce qu'est une explication en linguistique dans I'est. Expliquer, c'est mettre en relation. Le principe (23) est en lui-mme intressantpuisqu'il rend compte de l'ordre d'apparition de l'antcdent et du pronomdans les cas d'anaphore lie. En tant que tel, cependant, il reste arbitraire.Couple la thorie des traces, aux spelling rules , etc., la contrainte enquestion acquiert une ncessite qu'elle n'avait pas auparavant puisqu'elle varendre compte de tout un ensemble de phnomnes pour lesquels elle n'avaitpas t au dpart postule. Comme l'crit J. C. Milner, plus l'ensembledes hypothses est nombreux, complexe et particularis, autrement ditplus les consquences qu'elles impliquent sont spcifies et plus la conci-80

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    dence de ces consquences avec l'observable aura de valeur . Toujours dece point de vue, on voit que la thorie des traces permet d'expliquer (i. e. demettre en relation) pourquoi certaines transformations sont optionnelleset d'autres obligatoires. Dans une thorie qui n'admet pas la thorie destraces, ceci reste une proprit idiosyncratique des rgles : certaines rglessont optionnelles, d'autres obligatoires, et ceci est dterminer au couppar coup. Grce la thorie des traces, couple avec le principe (23) d'interprtation des anaphores lies, on peut envisager un principe gnral,applicable aux rgles de mouvement dplaant des syntagmes nominaux : Sont obligatoires les rgles qui, dans le cas o elles ne s'appliqueraientpas, conduiraient des structures de surface :f fXir. . .NP.. . l lsLnpJLvp vpJsJ.. .NP. . . 11LslnpJ Lvp vpJsJ

    o X ou t sont lies par NP, i. e. des structures filtres par (23)-(24). b) II reste que la thorie des traces ainsi dfinie permet de coder dans

    le formalisme des phnomnes globaux, phnomnes exclus a priori dansle cadre du modle standard. Il est clair par exemple que output de largle NP pre-posing contient une information explicite quant la position du NP prpos par la rgle (/), information videmment absente de lastructure drive de cette rgle si la thorie des traces n'existe pas, et c'estcette trace qui sera utilise par le principe d'interprtation des anaphoreslies qui acceptera ou rejettera la drivation dans sa globalit. De ce faitla thorie des traces a des similitudes avec la thorie des rgles globales,oprations qui font partie, entre autres choses, d'une thorie linguistique,la smantique generative, dont Chomsky dit qu'elle a des consquencespour le moins indsirables puisqu'elle augmente la classe des phnomneslinguistiques possibles (i. e. descriptible par la thorie linguistique) et,corrlativement, en diminue le pouvoir explicatif. Il convient donc d'examinervec attention le rapport entre thorie des traces et contraintes globales, non pour reproduire une polmique sans intrt, mais afin d'tablirsi les restrictions la capacit generative proposes par ailleurs (cf. 0 2)ne sont pas annules par la thorie des traces.1.2. RGLES GLOBALES ET THORIE DES TRACES1.2.1. Rgles globalesDans le cadre du modle standard, une drivation peut tre en groscaractrise comme suit :

    (30) X = (Ki K.i Kn Ko Ks)o Kx Ki-i est l'ensemble de structures prlexicales caractris par lesrgles indpendantes du contexte de la base.

    Ki est appel traditionnellement structure profonde ,Kn est appel traditionnellement structure de surface ,Ks est une reprsentation phontique.On passe de Kj (i < j) Kj+i par la mise en uvre d'une transformationnon lexicale. On passe de Kn Ko par la mise en uvre de rglesde rajustements supposes en partie universelles (sur ce point, voir 2).On passe de Ko Ks par la mise en uvre des rgles de la composantephonologique.Remarquons que l'information ncessaire la mise en uvre d'unetransformation T quelconque sur Kj est tout entire contenue dans Kj,

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    en d'autres termes l'analyse propre de Kj sufft .dterminer si l'indexstructural de T est satisfait. On voit donc que la thorie ne permet enaucune faon d'avoir recours une information contenue dans, par exemple,Kj-2 pour dterminer si oui ou non T peut prendre effet sur Kj. En ce sensles transformations syntaxiques sont des oprations locales dfinies surdes couples d'indicateurs syntagmatiques adjacents dans ]T , C'est contrecette conception que Lakoff introduit l'ide que les transformations ainsiconues sont, trop restreintes, et qu'une thorie linguistique adquateexige l'introduction de rgles qui puissent avoir accs des tapes antrieures de la drivation pour pouvoir s'appliquer ou non un indicateursyntagmatique.Les cas de rgles globales publies dans la littrature de la smantiquegenerative sont trs divers : en fait, aucune tentative n'a t faite dans lecadre de cette thorie pour dresser un inventaire des phnomnes linguistiquesont le traitement exige le recours des contraintes globales. D'unepart, le maintien d'une forme trs forte de l'hypothse de l'invariancedu sens sous transformation oblige recourir des rgles globales pourformuler des analyses qui satisfassent aux exigences minimales d'adquationdescriptive. (Dans le cadre thorique de l'EST, cette dmarche est bienentendu inutile puisque l'hypothse de Katz et Postal est abandonneet que l'interprtation smantique est assigne une phrase sur la base desa structure de surface.) D'autre part, des analyses portant sur des phnomnes syntaxiques et phonologiques mettent en uvre des rgles globales. Nous analyserons en 2 un cas de ce dernier type dans la mesure oil permet de comparer rgles globales et thorie des traces sur une analyselinguistique prcise.1.2.2. Rgles globales ou thorie des traces'?

    Rsumons. La thorie linguistique mise en place par Chomsky postule que les transformations de mouvement laissent une trace t fonctionnant comme une variable lie par la catgorie dplace par la rgle.Nous avons vu propos du passif que cette trace est utilise ultrieurementdans la drivation pour filtrer ou non des structures de surface.En ce sens, ce mcanisme revient permettre l'existence de contraintesglobales. Les rgles globales, et par consquent la thorie des traces, sontdes oprations moins contraintes que les transformations. Peut-on enconclure que les thories linguistiques qui en font usage sont a priori nondsirables ?En d'autres termes, tant donn deux thories linguistiques dont l'unepostule l'existence de rgles moins contraintes que l'autre, devra-t-ona priori retenir la thorie qui retient les rgles les plus contraintes ? Unexemple simple montrera qu'il n'en est rien. Rappelons auparavant brivementce que doit tre une thorie linguistique pour Chomsky (sur ce point,voir le chapitre I de Aspects) :1) Une thorie linguistique doit spcifier la forme des grammairesde toutes les langues naturelles, c'est--dire donner les proprits formellesdes rgles mises la disposition du linguiste dans sa description de languesparticulires.2) LJne thorie linguistique doit fournir au linguiste des critres dechoix pour slectionner, dans l'ensemble des grammaires compatibles avecles faits traiter, une grammaire et une seule.3) Une thorie linguistique vise spcifier de faon aussi restrictiveque possible la classe des phnomnes linguistiques possibles.Supposons deux linguistes postulant respectivement que les languesnaturelles sont isomorphes aux langages formels an bm et a11 bn. Le premierlinguiste pourra poser que les grammaires particulires de toutes les languesnaturelles sont des grammaires de Kleene, c'est--dire des grammairesde la forme gnrale :

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    (31) S-^ ->Tb ^ -*o Voc = { S, , , , } et Vocaux = { S, , }

    On voit qu'il existe une contrainte gnrale sur les rgles d'une grammaire de Kleene : chaque rgle qui introduit du vocabulaire non terminaldoit introduire le mme nombre de termes du vocabulaire terminal. C'estcette contrainte qui dfinit les grammaires de Kleene.Le second linguiste lui posera que les grammaires des langues naturellessont des C-grammaires, c'est--dire des grammaires de la forme :(32) S -> aSbS - ab

    o Voc = { S, a, b } , o Voc Aux = { SOn voit que la contrainte qui caractrisait les grammaires de Kleenea disparu. En ce sens les grammaires de Chomsky sont moins contraintesque les grammaires de Kleene. Pourtant la thorie linguistique du secondlinguiste est prfrable celle du premier en fonction du point 3) ci-dessus.En effet la classe des phnomnes linguistiques que caractrise sa thorieest plus restreinte que celle caractrise par la thorie du premier : an bn estun sous-ensemble de an bm. Aucune tude portant sur la capacit generativefaible de la thorie linguistique postulant l'existence de rgles globalesn'a t publie, notre connaissance. On ne peut donc savoir si l'on setrouve dans une situation analogue celle dcrite plus haut. Cette hypothse n'est cependant pas rejeter et on ne pourra donc pas arguer du faitque, puisque la thorie standard tendue ici expose permet de coder desphnomnes globaux, elle est a priori moins satisfaisante que, par exemple,la thorie standard.Ce point tabli, peut-on choisir entre la thorie des traces et la thoriedes rgles globales ? Ici c'est le point 2) ci-dessus (et par consquent 3))qui nous permet de choisir. On a dit plus haut (cf. 1.2.1) qu'aucune tentativen'avait t faite pour dfinir les types de phnomnes linguistiquesncessitant l'emploi de rgles globales. De ce fait tout phnomne linguistiquest virtuellement redevable d'un traitement utilisant les rgles globales,ce qui multiplie d'autant le nombre de solutions possibles un problmelinguistique. De ce point de vue, la situation en ce qui concerne la thoriedes traces est trs diffrente : en effet, telle qu'elle a t dfinie plus haut,cette thorie spcifie que les seuls phnomnes globaux possibles sont dus la mise en uvre de transformations de mouvements. Par ailleurs toutetransformation de mouvement doit ncessairement laisser une trace. Lenombre d'analyses a priori possibles dans le cadre de la thorie standardtendue qui dfinit la thorie des traces n'est donc en aucune faon augment. On voit par consquent qu'il est possible de maintenir que la thoriedes traces des rgles de mouvement n'augmente pas le pouvoir descriptifde TEST (i. e. le nombre des solutions possibles un problme linguistiquedonn).1.3. Thorie des tbaces et conditions sur les transformations

    De fait, si on nglige pour le moment les travaux d'E. Selkirk, lapremire formulation de la thorie des traces a t donne en liaison avec83

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    une recherche portant sur les conditions gnrales imposer aux transformations. La lecture de Conditions on Transformations montre quel'introduction de la thorie des traces est compatible avec ces conditionsgnrales 7. On voit donc que la thorie des traces, loin d'tre une innovationhorique visant augmenter le pouvoir descriptif du modle standard,s'inscrit dans une perspective qui tente de restreindre ce pouvoir descriptif.C'est cette argumentation que nous reproduisons ici brivement parcequ'elle nous permettra en 1.3.3 d'articuler la thorie des traces et la composante smantique en ce qui concerne les problmes de co-rfrence, derfrence rciproque et de rfrence disjointe :1.3.1. La contrainte du sujet spcifi

    Soient les noncs :(33) The candidates each expected to defeat the other(34) The candidates expected to defeat each other(35) The candidates each expected the soldier to shoot the other(36) *The candidates expected the soldier to shoot each other(37) The men each saw pictures of the other(38) The men saw pictures of each other(39) The men each saw John's pictures of the other(40) *The men saw John's pictures of each other(41) Who did you see pictures of(42) *Who did you see John's pictures of.Dans Conditions , Chomsky fait l'hypothse qu'il existe une transformation de mouvement crant le pronom rciproque each other partir de squences du type each of the N's , par le biais de structures intermdiaires du type (33), (37), etc. (On peut noter en passantque l'argumentation ne serait pas change si on adoptait la solution nontransformationnelle de Fiengo et Lasnik, voir note 5.) Il existe par ailleursune transformation de formation de questions qui extrait les syntagmesen WH. Comment expliquer dans ces conditions que ces oprations ne

    puissent s'appliquer dans (36), (40) et (42) ?Chomsky fait l'hypothse qu'il existe une condition gnrale sur lestransformations responsable de la distribution des faits nots ici, conditionsque l'on doit formuler comme suit :CSS : Aucune rgle ne peut mettre en relation X et Y dans la configuration suivante :

    Z ... WYV ... 1o a = S, NP, o Z est le sujet spcifi de WYV, c'est--dire :a) Z est lexicalb) Z est contrl par une catgorie principale minimale qui ne contientpas X. La clause b) sur Z n'est pas illustre par les noncs (33) (42) maisest rendue ncessaire par les noncs suivants :(43) *We persuaded Bill to kill each other (ex. n 112 de Conditions )(44) We promised Bill to kill each other (ex. n 114 de Conditions )(45) I ordered the boys to have each finished the work by noon (ex. n 121de Conditions )(46) */ promised the boys to have finished the work by noon (ex. n 122de Conditions )

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    qui seraient drivs respectivement de :o kill the othe JJ(43) We each persuaded Bill comp pro to kill the other I[JU f JJ

    contrle(44) I We each promised Bill comp pro to kill the otherLLnp M Ls | JJ

    contrle(45) I ordered the boys each comp pro to have finished the work by noonL Lnp I npJ Ls j JJcontrle(46) I I I promised the boys each comp pro to have finished the work by noon

    contrleOn voit que les relations de contrle , lexiealement dtermines,dterminent la possibilit d'appliquer each movement ou pas. Exemple :

    contrle(43') [We each] persuade [Bill] [comp pro to kill the other]]Lnp J Lnp JL JJ

    X Z W Y VI f fo CPM (X) ne contrle pas pro.On voit que each movement est bloque puisque X ( = each )est domin par une catgorie principale minimum ( NP) qui ne contrlepas pro. A l'inverse (44) est derivable de (44') :

    (44') [We each] promised Bill [comp pro to kill the other]np J ls sjX [ Z W Y V ]

    I L f Jpuisque pro est contrl par la catgorie principale minimum qui contientX (= each ), c'est--dire NP. La situation est videmment inverse ence qui concerne (45) et (46).1.3.2. Quelques problmes1.3.2.1. NP pre-posing , each movement Soit l'nonc inacceptable :

    (47) *John seems to the men to like each other (ex. n 173 b de Conditions ) ;(47) est derivable de (47) :(47') [it seems to each of the men [comp John to like the others]]qui donne par NP pre-posing :(47") [John seems to each of the men [comp to like the others]].

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    Mais partir de (47") rien dans la formulation de each movement ni dans la formulation de la contrainte du sujet spcifie n'interdit dedriver (47). On voit immdiatement, cependant, que si on adopte la thoriedes traces (47) ne peut tre drive. Dans le cadre de cette thorie, en effet,(47") serait :(47'") [John seems to each of the men [comp / to like the others]]

    qui contrevient la contrainte du sujet spcifi :lie(47'") John] seems to [each of the men] [comp t to like the others]LLnp J Lnp npJ Ls sj

    X [ Z W Y V ]On voit que la thorie des traces permet d'tendre, sans la modifier, lavalidit de la contrainte du sujet spcifi.

    1.3.2.2. Tough movement , each movement Soit les noncs :(48) It is a waste of time for us to study Latin(49) Latin is a waste of time for us to study(50) It is a waste of time for us for them to teach us Latin(51) *Latin is a waste of time for us for them to teach us.On voit immdiatement que la contrainte du sujet spcifi bloque lamise en uvre de la transformation de tough movement dans le cas de(51) partir de (50), ce qui correspond au rsultat attendu. Cependant lacontrainte du sujet spcifi bloque aussi la drivation de (49) partir de (48),

    qui est pourtant un nonc acceptable tout comme les noncs (52) ou (53) :(52) The hard work is pleasant for the rich to do (ex. n 164 b de Conditions )(53) Warm water is pleasant for the pigs to wade in (ex. suggr parA. Culioli)drivables des structures sous-jacentes (54) et (55) :

    (54) It is pleasant for the rich to do the hard work(55) It is pleasant for the pigs to wade in warm waterpar l'intermdiaire de l'opration reprsente dans (56) :

    contrle(56) it is pleasant for [the pigs] [comp pro to wade in [warm water] ]Lnp JI Lnp J J

    X L z w I 1(56) montre galement pourquoi la contrainte du sujet spcifi devraitloquer tough movement . Par ailleurs, des exemples comme (57) montrent que tough movement , telle que cette opration est reprsentedans (56), contrevient une autre condition gnrale sur les transformationssavoir subjacency :

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    (57) warm water is tough for me to stop the pigs from wading inderivable comme le montre (58) :(58)[it is tough for me comp pro to stop the pigs from comp pro wading in warm water4 L Lnp I J J J J

    tough movement Aucune rgle ne peut mettre en relation et Y ou X2 et Y dans uneconfiguration du type

    ce qui est contraire la formulation courante de subjacency :ut mettf... Y...1WX21p La otJ pJsi Z et W contiennent respectivement les parenthses droite et gauche d'unnud cyclique. Dans Conditions , Chomsky propose une analyse de tough movement qui remdie ces deux problmes. Il suggre que cette transformatonoit cyclique et soit considre comme une rgle de remplacement depro. On aurait ainsi pour (58) la drivation illustre en (59) :(59) it is tough for me comp pro to stop the pigs [comp pro wading in [warm water 1If L | I L I \ Lnp I JPRO remplacement PRO remplacement PRO remplacement

    Comme on le voit, ni subjacency ni la contrainte du sujet spcifine sont ici viols. Supposons cette analyse correcte et considrons l'nonc(60) :(60) ? toys are fun for the kids to give each other (ex. 173 de Conditions ).Malgr la reformulation de tough movement qui vient d'tre suggre, cetnonc douteux peut parfaitement tre engendr si on n'introduit pas lathorie des traces comme le montre la drivation esquisse en (61) :(61) fit is fun for each of the kids [comp pro to give toys to the other] .

    each movementL'introduction de la thorie des traces, comme dans le cas de l'interactione NP pre-posing et each movement , donne ici une solutioncorrecte comme le montre (62) :lie(62) toys are fun for [each of the kids] [comp t to give to the other]Lnp J L J

    X [ Z W Y VLa catgorie principale minimale dominant X (= each) ne dominepas toys qui lie Z ( = /). On voit que each movement est bloque parla contrainte du sujet spcifi.1.3.2.3. . WH-movement , each movement Considrons l'nonc inacceptable (63) (ex. 182 de Conditions ) :(63) *Who did they expect to kill each other.

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    (63) peut tre driv de (63) par WH-movement et each movement comme le montre (63") :(63') they each expected who to kill the others](63") Twho did they expect to kill each otherOn voit sans peine qu'en dpit de la formulation de WH-movement comme une transformation cyclique optionnelle dplaant le syntagmeen WH dans comp (ce qui permet de conserver sa validit au principe de subjacency , sur ce point voir la discussion dans Conditions ), lacontrainte du sujet spcifi est incapable de bloquer each-movement puisque Z est nul. Remarquons toutefois qu'ici encore l'adoption de lathorie des traces permet de se tirer d'affaire, puisque dans ce cadre ladrivation (63) serait (64) :(64) who did they each expect \t t to kill the others

    X Z W Y VL , I1.3.3. Thorie des traces, conditions sur les transformations, anaphores lieset rfrence disjointeConsidrons les noncs suivants :(65) *Mary appeared to John's friends to hate one another(66) John's friends appeared to me to hate us(67) * John's friends appealed to me to kill us(68) */ appeared to John's friends to hate us(69) / appealed to John's friends to kill us.(65) serait traitable de faon analogue (47), avec la diffrence notableque c'est une rgle d'interprtation smantique qui est ici mise en jeu,et non par une transformation de mouvement comme dans le cas du pronom rciproque each other . (On peut noter en passant que cette diffrence de traitement entre one another et each other est un argument,faible, en faveur de la solution non transformationnelle de Fiengo et Las-nick que nous dcrivions la note 5.)L'nonc (65) peut tre associ la reprsentation sous-jacente (70) :(70) [it appeared to John's friends [comp Mary to hate one anotherqui donne (71) par NP pre-posing :lie

    (71) |Mary appeared to John's friends t to hate one anotherLa rgle d'interprtation smantique s'appliquant aux cas d'anaphoreslies a pour input (71) et cherche associer one another un antcdent. Cette rgle d'interprtation smantique des anaphores lies obit toutes les conditions gnrales et en particulier la contrainte du sujetspcifi. Cette dernire contrainte fait que one another ne peut treassoci John's friends , comme le montre (72) :

    lie(72) Mary appeared to [John's friends] [comp /to hate one another]Lnp J L JX

    IZ W Y ]

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    puisque Z est li par une catgorie minimale principale qui ne domine pasX (= John's friends). De fait, le seul antcdent possible de one another est Mary et en consquence l'nonc (65) est inacceptable pour les mmesraisons que (73) :(73) * Marie hates one another

    que l'on peut comparer :(74) Mary and Peter hate one another(75) John's friends hate one another(76) Mary and Peter appeared to John's friends to hate one another.On voit que one another (et each other ) exige un antcdentsmantiquement pluriel, non collectif (cette dernire restriction est ncessaire si l'on veut exclure ? the group hates one another', the police shot ateach other , etc., dont l'acceptabilit est douteuse).Considrons maintenant les noncs (66)-(69). L'nonc (66) met enjeu un principe, propos au dpart par Postal, que les noncs suivantspeuvent illustrer :(77) a *I believe meb *we believe me *we believe usd *I believe use *hei believes himi(78) a *my belief in meb *our belief in me *our belief in usd *my belief in use *hisi belief in hiOn fait l'hypothse qu'il existe une rgle d'interprtation smantique,s'appliquant en structure de surface des suites du type NP V NP, entreautres, qui stipule que la rfrence des deux NP doit tre disjointe. Ceciest vrai des noncs (77) et (78), mais dans ce cas on aboutit une contradiction puisque les pronoms figurant dans les deux NP ont soit mmerfrence (77-78 a, b, c), soit une rfrence non disjointe (77-78 d). Le principe s'applique toutefois normalement e, qui n'est- mal form que si ne - him et his - him sont interprts comme co-rfrents 8.L'important ici encore est que la rgle d'interprtation esquisseobit aux contraintes gnrales, comme le montrent les exemples suivants(ces noncs correspondent l'exemple (45) de Conditions ) :(79) a we expect them to visit me, i expect them to visit usb *we expect me to visit them, i expect us to visit them *we expect me to be visited by them, i expect us to be visited by

    themd we believe i may still win, i believe we may still win.En ce qui concerne (79) a et d, la rgle de rfrence disjointe est bloquepar la contrainte du sujet spcifi en ce qui concerne a, et par la contraintedes phrases tenses ( Tensed-S Condition ) pour d. C'est pourquoi lespronoms souligns peuvent avoir des rfrences non disjointes. Par contrela rgle s'applique normalement (79) b et c, ce qui, comme dans le casdes exemples (77) et (78), conduit une contradiction qui explique leurinacceptabilit. Considrons maintenant l'nonc (66). Il est driv par NP pre-posing de la structure sous-jacente (80) qui donne (81) :(80) fit appeared to me | comp John's friends to hate us 1

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    lie(81) [John's friends] appeared to me [comp t to hate us 1LLNP J Ls sj

    X ...[... Z ... W YVlOn voit que la rgle ne peut s'appliquer to me et us car cetteapplication contrevient la contrainte du sujet spcifi (Z est li par unecatgorie principale minimale qui ne contrle (= lie) pas X). (67), quant lui, est driv de (82) : lie(82) John's friends appealed to me [comp pro to hate us 1Ls J

    X. ..[... Z . . .W YVlL I JIci au contraire la rgle de rfrence disjointe peut s'appliquer, puisqueest contrl par une catgorie principale minimale qui contrle aussi X.eci conduit nouveau une contradiction responsable de l'inacceptabilite (67). La situation est videmment inverse en ce qui concerne (68) et (69) ;68) est driv de (83) par NP pre-posing qui donne (84) :(83) [it appeared to John's friends [comp i to hate us]]

    lie(84) I appeared to John's friends comp / to hate us

    X ... [ Z W YVlLa rgle de la rfrence disjointe peut s'appliquer i et us ,produisant nouveau une contradiction, puisqu'ici Z est contrl par lacatgorie principale minimale qui domine X. A l'inverse, (69) est drivde (85) :(85) I appealed to [John's friends] [comp pro to kill us ]np j Ls J

    lieX [ Z W YV] .

    ^_h I JIci la rgle de la rfrence disjointe ne peut s'appliquer i et us puisque Z est contrl par la catgorie ( NP) qui domine John's friends ,qui, bien entendu, ne domine pas i .Considrons maintenant les noncs suivants :(86) who did you see pictures of(87) *who did you see Mary's pictures of

    I each otherne anotherhemselves89) *John's friends saw Mary's pictures of90

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    (90) John's friends saw pictures of them (them John's friends)(91) John's friends saw Mary's pictures of them (them = John's friends).Ces noncs ne mettent pas directement en jeu la thorie des tracesmais rvlent un fonctionnement analogue (65)-(69), et par-l mmemontrent l'authenticit des gnralisations faites par cette thorie desrgles de mouvement. Considrons tout d'abord (86) et (87). Pourquoi

    l'extraction du syntagme en WH est-elle impossible en (87) mais possibleen (86) ? On peut associer ces deux noncs les reprsentations sous-jacen-tes (92) et (93) :(92) coMP you saw pictures of who ?(93) coMP you saw [Mary's pictures of who] ?Lnp npJDans le cadre de la thorie lexicaliste, il convient de se rappeler que ladfinition du sujet a t tendue pour couvrir la fonction de Mary's dans (93). On voit alors sans peine que l'impossibilit d'extraire who dans (93) est une fois de plus due la contrainte du sujet spcifi. On lierad'autre part la dissymtrie par rapport cette contrainte, que rvlent (87)et des noncs comme (94), au fait qu'il n'existe pas de nud comp dans lesNP par l'intermdiaire duquel le syntagme en WH puisse chapper lacontrainte du sujet spcifi, comme le montre (95) :(94) you expected John pro to see who]](95) fwho did you expect John pro to see t 11

    (who did you expect John to see)Considrons maintenant les noncs (88) et (90). Dans le cas de (88)on a affaire des cas d'anaphore lie, et la rgle d'interprtation smantiquedcrite plus haut propos de l'exemple (65) s'applique sans que la contraintedu sujet spcifi puisse s'appliquer (Z est nul dans ce cas). De mme largle de la rfrence disjointe s'applique (90), assignant une rfrencedisjointe John's friends et them .La situation est inverse en ce qui concerne (89) et (91). On peutassocier (89) la reprsentation sous-jacente (96) :(96) John's friends saw [Mary's pictures of one another]np npj

    X ... Z W Y VlOn voit que la contrainte du sujet spcifi interdit la rgle d'interprtation smantique de donner one another John's friends commeantcdent. Ici comme dans le cas (65), le seul antcdent possible est Mary's , ce qui est impossible pour les raisons nonces plus haut. Onpourrait contraster (89) des noncs comme :(97) John's friends saw Mary's picture of herself(98) Mary saw John and Mary's pictures of one anotherqui dmontrent ce fait. A l'inverse, dans (91) la contrainte du sujet spcifibloque la rgle de la rfrence disjointe, ce qui permet John's friends et them de pouvoir tre interprts comme co-rfrents.

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    2. Thorie des traces et phnomnes phono-syntaxiques 92.1. Une rgle globale : cas de contraction de BE

    Soient les noncs 10 :(99) / am happy to see you(100) There is much wine left in the bottle(101) Where is the concert at five o'clock(102) / am ready to help you(103) Jane is involved in politics.Les prononciations possibles de ces noncs sont respectivement(99') [aimhsepitaskja], [aisemhsepitasiija](100')(101')(102')(103')

    eazniAtJwainieftinabotl], [egrizmAtJwainleftinabotl]we9Z9kons3:t9tfaiv9klok], [we9tiz9kons9:t9tjaiv8klok]aimreditghelpjg], [aisemredit9helpj9]d3einzinvolvdinpolitiks], [d3einizinvolvdinpDlitiks].Considrons maintenant les noncs :(104) How happy I am to see you(105) / wonder how much wine there is in the bottle(106) Tell Harry where the concert is at five o'clock(107) Ready I am to help you(108) Jane is more involved in politics than you are in linguistics.La prononciation normale de ces noncs est respectivement :(104') [hauhpiai ?) tosiijg](105') [aiwAnda:haumAtJwaine9 } ingbot ]1 7 \\ 9tfaiv9kbk](107') [rediai |*J t9helpj9](108') [d3ein y~\ mo:rinvolvdinpolitiks9nJ9 \*'\ rinlingwistiks].On voit donc sans difficult que, alors que dans (99) (103) la nonrduction de be avait une valeur emphatique , elle n'a manifestementpas cette fonction dans (104) . . (108), pour lesquels la rduction ne peutprendre place.On peut envisager de rsoudre le problme que posent les deux prononciations possibles de (99) (103) de la faon suivante : on posera que,sous-jacente aux prononciations emphatiques et non emphatiques, on a la

    forme pleine de be, i. e./sem/,/iz/, etc. Deux rgles optionnelles s'appliquentalors, la premire abaissant l'accent de ces formes sous-jacentes, la seconderduisant les voyelles la voyelle centrale [], ou effaant ces voyelles,drivant ainsi, par exemple, [m] partir de /aem/. Il est clair que ces rglesont toutes les proprits des rgles phonologiques, i. e. qu'elles s'appliquententre Ko et Ks de (30). On remarque immdiatement que ce traitementde (99) (103) pose des problmes en ce qui concerne (104) (108).Comment expliquer en effet que les deux rgles postules ne puissentprendre effet ? Il semble bien que cette impossibilit soit due des oprationsde dplacement (dans (104) (107)) ou d'effacement (dans (108)), oprations, elles, manifestement syntaxiques. Pour rsoudre ces problmes,G. Lakoff dveloppe l'argumentation suivante : puisque la structure desurface laquelle les rgles phonologiques dcrites plus haut vont s'appliquer e contient pas d'information quant au dplacement ou l'effacement92

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    pralable d'un constituant suivant be, il faut que ces rgles puissent avoiraccs aux tapes syntaxiques de la drivation, i. e. il faut pouvoir disposerd'une rgle globale du type :(109) If at any point in the syntax, a constituant immediatelyfollowing be is moved or deleted, then, later in the phonology,that be cannot undergo stress lowering and contraction (Lakoff, 1970, p. 632).

    2.2. Strong forms et weak forms On peut remarquer que si le traitement de Lakoff dcrit bien les faitsmis en vidence par (104) (108), ce traitement n'est, au mieux, quetrs partiel, puisque les phnomnes analogues en ce qui concerne lespossibilits de rduction peuvent tre constats dans de nombreux cas nemettant pas en jeu be, mais aussi des prpositions, des dterminants, desconjonctions, des modaux, etc., comme le montrent les exemples suivants :a) Modaux(110) What shall I do ?(111) / doubt whether he shall(112) You can dance in New York(113) But I don't think you can in Amherst.b) Prpositions(114) John looked at Peter(115) Who did John look at ?(116) These are for you(117) Who are these for ?c) Conjonctions(118) They came but said nothing(119) But, she said, it'll soon be over(120) He huffed and puffed(121) He huffed and puffed.etc.Le problme soulev ici est en fait un problme bien connu des grammairiens et phonticiens classiques, le problme des weak forms et strong forms en anglais, dont on peut penser que les problmes de rduction e be soulevs plus haut ne sont qu'un cas particulier. Henry Sweet ncrivait propos de ces faits : The weak forms of the verbs and prepositions with [] or a droppedvowel occur only when they are followed without a pause by the wordthe modify or belong to ; if they come at the end of a sentence theyassume the medium or unstressed strong form ; before a parentheticalinsertion, they take strong stress as well. Cette formulation pose videmment des problmes. Que veulent direles notions modify ou encore belong to ? Peut-on leur donner unstatut ? Par ailleurs, on voit sans difficult que les exemples (104) (108)ne sont pas couverts par son enumeration, puisque be non rduit ne setrouve dans ces cas ni devant une parenthtique ni en fin de phrase. Onpeut nanmoins essayer de voir comment cette description peut tre intgre dans une description formelle, et voir si le traitement propos peutnaturellement tre tendu aux cas de ce dernier type.

    2.3. RGLES DE RAJUSTEMENT PHONOLOGIQUESDans le cadre thorique de la grammaire generative classique, c'est--dire n'incluant pas de rgles globales, il s'est dvelopp une conception

    93

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    trs prcise de la relation entre les composantes syntaxiques et phonologiquese la grammaire de toute langue naturelle. L'hypothse fondamentale,exprime par exemple dans le SPE, est que l' output des rgles syntaxiques, c'est--dire la structure de surface d'une phrase, fournit la reprsentation ous-jacente laquelle les rgles phonologiques vont s'appliquer.Cependant il faut garder prsente l'esprit l'ide que lorsque l'on parle destructures de surface en ce qui concerne la composante phonologique,on parle en fait de structures ayant subi certaines modifications du faitde la mise en uvre de ce que le SPE appelle des rgles de rajustement .Le plus souvent, les rgles phonologiques qui oprent un niveau suprieurau mot ne s'appliquent que dans certains environnements syntagmatiques.Ceci est vrai par exemple des rgles prosodiques qui assignent une accentuation aux syntagmes, rgles dont l'application est restreinte certainsconstituants spcifiques. Ceci est galement vrai des rgles que Selkikkappelle external sandhi rules , qui sont des rgles locales, contrairementaux rgles prosodiques, n'oprant que sur ou dans le voisinage de segmentsappartenant deux mots conscutifs en structure de surface. Trs souvent,quand bien mme son environnement phonologique est satisfait, une tellergle de sandhi ne peut s'appliquer, moins que les deux mots conscutifsimpliqus dans la rgle ne se trouvent dans un contexte syntaxique particulier dfinissable en structure de surface. Ceci dit, dans le cadre de laphonologie classique du SPE par exemple, les rgles phonologiques nesont pas en tant que telles sensibles aux structures syntaxiques. Ainsi parexemple la rgle de troncation des consonnes finales du franais, responsable es phnomnes dits de liaison :

    (122) f- son] -> 0/ j 1 # # #ne mentionne pas de catgories syntaxiques dans son environnement. Cequi dtermine l'applicabilit d'une telle rgle, c'est la prsence ou l'absenceet le nombre de limites de mots qui se trouvent entre les deux segmentsdes deux lments terminaux conscutifs de la structure de surface. Cependant es limites de mots sont elles-mmes un reflet de la structure syntaxique, comme le montre la formulation des deux conventions (rgles derajustement) qui rgissent leur introduction.

    (123) La frontire # est insre automatiquement au dbut et lafin de chaque squence domine par une catgorie principale,c'est--dire par une catgorie lexicale nom , verbe , adjectif, ou par une catgorie telle que S, NP, VP, qui dominentune catgorie lexicale (SPE, p. 366). (124) Dans une squence

    w #1 #1 zJx Jyou dans une squence

    Z [# WyL xLo Y S, effacer la limite de mot interne (Selkirk, p. 12).

    Le rsultat de la mise en uvre combine de ces deux rgles de rajustement est que deux mots en structure de surface peuvent tre sparspar soit zro, soit une, soit au plus deux limites de mots. En d'autres termes,94

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    deux mots A et ne peuvent se trouver que dans les configurationsivantes :(125) A] [B

    A][ B ou A ][BA ][ B.

    2.4. La rgle des monosyllabesCeci pos, nous pouvons songer donner une formulation prcise largle de rduction ou d'abaissement de l'accent que nous dcrivions en2.1. Considrons d'abord les noncs (114) et (115). Leurs structures drivesaprs l'application de (123) et (124) (respectivement SPE 1 et SPE 2 dans lereste du texte) seraient :Kde(114) :[[john][ [looked] [at] [Peter] 1 11[s[np J LvpLv J LppLp J Lnp JppJvpJsJKde(115) : who 1 did 1 [johnl [look] [at]] ]]sLcoMPj [auxj [np J [vp[v J [[ J J vpjsJ

    SPE 1 sur (114) : [#[# John #][#[# looked #][# [at] [ Peter #]#] #]#]s [np J [vp|_v vj [ppLp J Lnp npJppJvpJ sjSPE 1 sur (115) : [#[who] [ did] [ John #][#[# look #][# [at] #]#]#]s LCOMpJ LAUxJ LNp J LvpLv J [ pp[p J ppJ vpJ sjSPE 2 sur (114) = Ko[#[# John #][# [looked #][# [at] [ Peter] ] #] #]s |_NP J LvpLv vj LppL J LNP npJppJvpJ sj

    (115) = Ko[# [ who ][ did] [ John #][#[look #][#[at]]#]#]Ls LcompJ |,auxJ Lnp npJ LvpLv vj LppLp J J vpJ SJSPE 2 surA ce stade on peut songer faire dpendre la rduction de la prposition de la prsence d'une unit lexicale accentue sa droite, et/ou du faitqu'il n'existe dans Ko de (114) qu'une seule limite de mot entre cette prposition et l'unit lexicale accentue. Cependant considrons (126) :(126) Who did Peter look at on monday ?Ko serait :

    [ [who][did][ John #][#[look #][#[at] ] ]s LcompJ LauxJ Lnp JLvpLv JLppL JppJvpJ[#[on][# monday] #]#]ppLp J Lnp npJppJ sj

    Aprs application de SPE 1 sur Ko on obtient Kn : [#[at] #] #] [#[on] [# monday #] #] #]ppL JppJ vpJ LppL J Lnp npJppJ sj

    qui permet de mettre en uvre SPE 2. La structure rsultant de l'applicatione SPE 2 montre clairement que la rduction dpend des deux facteurs.95

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    On peut donc formuler la rgle des monosyllabes provisoirement commesuit :(127) V-^l stress] /l(#)[coCoJ [(#) ... [+ stress] ... (#)J(#)J

    On voit immdiatement que cette formulation rend compte de laduction ou de la non-rduction des units soulignes dans les exemples (128)(132) :(128) Who was the strike led by in Philadelphia(129) / left the meeting she stayed at till ten(130) It is the woman we look for help(131) John and Peter should have left(132) I am surprised see you.On voit sans peine cependant que cette rgle, dans sa prsente formulation, ne peut rendre compte du fait que dans (128), par exemple, was peut aussi tre rduit. En effet, pour que (127) puisse s'appliquerici il faudrait que was the strike soit un constituant, ce qui n'est pas lecas, comme le montre (133) :(133) r#rwholfwasir#[the|r#strikel#l ...Ls LcompJ LauxJ LnpLdetJ Ln nJnpJII est immdiat cependant que l'adjonction de variables dans l'indexde la rgle permettra d'en gnraliser l'application aux cas de ce type. Onaura alors la formulation suivante :

    (134) V -4- tress]/ [ x[c0 ,] y[( ) ... [+ stress] (#)] Z #JOn voit que cette formulation permet maintenant de rendre comptee suites de weak forms . Cependant cette nouvelle formulation permetussi de rduire at dans (129) ce que nous voulions prcisment viter.

    On peut remdier ce dfaut en imposant la variable Y la spcificationngative :

    Ainsi formule, la rgle des monosyllabes rend compte de tous les casde rduction ou non-rduction des monosyllabes des noncs (128) (132).On peut remarquer galement que cette rgle va plus loin que la descriptionnformelle de Sweet cite plus haut, puisqu'elle prvoit galement lesphnomnes de rduction ou non-rduction des monosyllabes dans lesnoncs suivants :

    (135) / asked whose house the party is at this week(136) Do you know which doors these keys are for(137) It was longer than the other one could have been(138) Peter has been working harder than Peter has been.On peut illustrer le fonctionnement de cette rgle en considrant (135).Ko de (135) serait, pour la sous-squence qui nous importe :(139) ... [ [ is ir#ratll#ir#rthis]f#weekl#l#l .LvpLcopJ LppLp JJvpj LnpLdetJ Ln nJnpJ sj

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    On voit sans peine que si is peut tre rduit, la restriction ngativesur Y empche la rduction de at :[# 0 f 0 i s 1 \#\ 0 a t 0 ] ] ]vp L J L Lp pJppJvpJ

    (140) [# -MC Co] y[( )... [+ stress] ...( )] Z #][# J ... 0at 1 1#1# th i s 1... #1s Lp J ppJvpj LnpLdet J sj

    (141)Y [ ... [+ stressJ...JZ # J

    Dans (141) Y = ][ ..., ce qu'exclut la spcification ngative sur Yonne plus haut.n voit de mme que cette rgle rend compte automatiquement'noncs comme :(142) John put on his coat(143) John put his coat on the table.Dans (142), on ne peut tre rduit, alors qu'il peut l'tre dans (143).Si on adopte l'analyse de Emonds qui fait des particules des prpositionsintransitives, Ko de (142) serait :

    (144) [#[# John#][#[put ][ [on] ][ [his][ coati 1 #1 #1Ls Lnp JLvpLv vJLppLp J JLnpLdetJLn nJnpJvpJ sjOn voit que la rgle du monosyllabe ne peut s'y appliquer, alors qu'ellepeut s'appliquer (145), qui est Ko de (144) :(145) ... [# [on] [# [the ][ table] 1 1 #1 #1LppLp JLnpLdetJLn nJnpJppJvpJ sj

    2.5. RGLE DES MONOSYLLABES ET THORIE DES TRACESNous pouvons maintenant revenir l'analyse des exemples (104) (108),qui ont motiv ce long dveloppement. Analysons d'abord les cas o undplacement a t opr au niveau syntaxique. Si l'on nglige pour le

    moment la thorie des traces telle que nous l'avons dfinie plus haut, Kode (105), par exemple, serait :(146) ... # [how muchwine] # there #1 [is 1 [ [in] [ [the 1 [ bottle] ] ]...Ls Ls LcoMp J Lnp npJ LcopJ LppLp J LnpLdetJ Ln nJnpJppJ

    II est clair que la rgle des monosyllabes peut s'appliquer is ,contrairement aux faits. Supposons maintenant la thorie des traces adopte. uelle serait Ko de (105) dans ces conditions ? On aurait (147) :(147)[...[ how muchwine] [ there #] [is ][#/#][ #[in][#[the ][# bottle] ] ]...

    Ls Ls LcoMp JLNp JLcopJLnp JLppLp JLnpLdetJLn nJnpJppJ97

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    partir de Kn :(148) [. [ [how muchwine] [there] [is ] [/ ] [ [in] [ [the ] [bottle] ] ][s [s[coMP J [np J [copJ [npJ |_ppLp J LnpLdetJ Ln nJnpJppJaprs application de SPE 1 et 2. On voit donc immdiatement que si Koe (105) est bien (147), la rgle des monosyllabes ne peut s'appliquer (iciencore Y = #] [ #, ce que nous avons exclu). Rsumons. La thorie destraces postule au dpart pour des raisons syntaxico-smantiques nousforce adopter un input pour les rgles phonologiques tel que nousdisposons automatiquement d'un traitement adquat pour tous les phnomnes du type (104) (108), et ce sans avoir modifier ni les rgles derajustement de la composante phonologique (SPE 1 et SPE 2) ni la rgledes monosyllabes qui sont l'une et l'autre indpendamment justifies. Ceciest le type mme de situation o l'on a ce qu'on appelle en grammairegenerative des justifications indpendantes qui renforcent les hypothses qu'instrumentent les analyses, i. e. leur donnent une ncessitqu'elles n'avaient pas, prises isolment. On peut ici nouveau rappelerce qu'crit J. Milner : Plus l'ensemble des hypothses est nombreux,complexe et particularis, autrement dit plus les consquences qu'ellesimpliquent sont spcifies et plus la concidence de ces consquences avecl'observable aura de valeur. Ceci est d'autant plus clair ici que l' observable (rduction ou non-rduction de voyelles dans des units non lexicales) est bien tabli, et non soumis des variations importantes qui rendent douteuse l'argumentation qui y prend appui 13.Venons en maintenant aux exemples qui mettent en jeu des effacements du type de l'exemple (108), comme :

    (149) We worked harder during the summer than we had during thepreceding year(150) John is better at phonology than Peter is at syntax(151) Sam is on the job in the afternoon and Harry is in the morning(152) This won't have the effect on us that it will on you.On voit qu'aucun des items souligns ne peut tre rduit. Disposons-nous d'un traitement possible dans ce cas ? La situation est ambigu ence qui concerne (149) et (151). En effet on pourrait penser que during thepreceding year ou in the morning sont engendrs par l'intermdiaired'une rgle de rcriture du type S -> PP. Dans ce cas la rgle desmonosyllabes dont nous disposons pourrait faire l'affaire puisque son application serait bloque. (150) et (152) cependant seraient des exceptionspuisque, dans ces cas, tout comme pour (108), on aurait trs vraisemblablementne structure drive du type de :(150) [ [than][[NP][ [][ [ ][ ] ] ]our /4\ LS'LcompJLsL J LvpLcopJ LppLpj LnpJppJvpJs(1U5)(153) [ [which] [ [NP][will][#[on][ ] ] ]/

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    La structure de surface associe (150), par exemple, serait alors :(154) [john] [is [better] [ [at] [phonology ] ] ]s[np J LvpL ap J LppLp j Lnp npJppJvpJsJ

    [ [than][ [Peter][is [ t ] [at [syntax]]] ] ] ]s [compJ [s L J Lvp Ladj J Lpp L npJ J J sj s'J sjSPE 1 et 2 s'appliquant (154) donneraient (155), Ko de (150) :(155)... [ [is ][ #][# [at] [# syntax] ] ] ].LvpLcopJL adj JLppLpjLnp npJppJvpj sjII est immdiat alors que la rgle des monosyllabes ne peut s'appliquerici, ce qui est le rsultat que nous recherchons. Cette solution nous sembleparfaitement concevable. Elle a cependant un inconvnient majeur dansle cadre thorique que nous exposons ici. En effet, si on adopte la carac-trisation des transformations de 0.2, il n'existe pas d'effacement sousidentit et par consquent cette solution ne peut videmment pas treadopte. Cette dcision nous force alors adopter une analyse pour lesfaits du type (149) (152), reposant sur ce que Wasow a appel TheEmpty Structure Hypothesis 14. En fonction de cette dernire hypothse,la structure de surface associe (150) serait non pas (154) mais (156) :

    (156) identique (154) sauf [ [is ] [ A ] [ [at] [syntax] ] ]LvpLcopJ LadjJ LppLp J Lnp JppJvpJo reoit une interprtation (i. e. good ) par l'intermdiaire de lamise en uvre de rgles d'anaphore s'appliquant au niveau de surface.

    SPE 1 et 2, s'appliquant (156), donnent (157) :(157)... [#[is ][ A #][# [at] [syntax] ]#]#]LvpLcopJL adj JLppLp Lnp npJppJvpJ sjII est clair que la rgle des monosyllabes ne peut s'appliquer ici. Onvoit donc ici encore que des analyses et hypothses avances, et en principe justifies ailleurs, nous fournissent l' input phonologique satisfaisantpour que la rgle des monosyllabes nous donne des rsultats corrects, et cesans que nous ayons la modifier.

    3. Thorie des traces et interprtation smantique.3.1. Le cadre gnralChomsky crit dans Questions of form and interpretation : There is I think good evidence that one central element in semanticinterpretation is determined by deep structure and the lexical itemsthat appear in them, namely, thematic relations such as Agent,Goal, Instrument and so on. One can look forward, I think, to a convergence f proposals by Katz, Gruber, Fillmore, Jackendoff, Davidsonand others in this domain. Apart form thematic relations, it seems tome that semantic interpretation relates only to surface structure,or perhaps to what Postal has called shallow structure . If so, wemay assume that thematic relations are carried over under transformation, so that surface structure in this extended sense, completelydetermines semantic interpretation, including matters of anaphora,

    scope, presupposition, predication, topic and focus, illocutionary99

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    force, and perhaps more. Under the trace theory of movement rules,hich seems to me well-motivated, a surface structure is in somesense similar to a logical formula with bound variables. We might,then, loosely think of a transformational grammar from a semanticpoint of view as a mapping of a structure of thematic relations ontoa kind of logical form. A crucial issue, from this point of view, isthe nature of semantic constraints on well formedness of surfacestructure. Cette citation dfinit le cadre gnral de l'interprtation smantiquedans l'Extended Standard Theory avec suffisamment de prcision, noussemble-t-il, pour que nous n'ayons pas la reprendre 15. Nous avons djdvelopp dans une certaine mesure certains problmes smantiques, commeceux de la rfrence rciproque , de la rfrence disjointe et de la co-rfrence (cf. 1.3.2, 1 .3.3 et la note 5). De mme Chomsky a montrdans Conditions on Transformations comment le traitement smantique des questions impliquait, dans ce cadre gnral, l'utilisation desvariables lies que sont les traces (cf. le paragraphe 16 de ce dernier article).Nous nous contenterons donc de dvelopper ici le problme de ce qu'ilappelle the nature of semantic constraints on well formedness of surfacestructure , en donnant un compte rendu de la thse de R. Fiengo et plusparticulirement de son chapitre 2 Semantic Conditions on NP-Binding .3.2. Le passif revisited

    Rappelons brivement les hypothses faites par Chomsky en ce quiconcerne le passif :a) L'auxiliaire be en du passif est engendr optionnellement dans labase ;b) Le syntagme prpositionnel en by du passif est engendr optionnellement avec be en dans la base. Ceci veut dire que dans un nonc dutype :(158) John was given credit for a theoretical discovery made by somebodyelse

    il n'y a pas d'effacement d'un syntagme en by non spcifi mais que (158)est driv de (159) :(159) [*p] past be en give Will credit for a theoretical discoverymade by somebody else

    par NP pre-posing comme l'indique (160) :(160) [John] past be en give t creditLnp JII suit de ces hypothses que les structures (161) (166) sont toutesengendrables par la base :(161) John past kiss Mary(162) John past be en kiss Mary by *(163) John past be en kiss Mary(164) * past kiss Mary(165) * past be en kiss Mary(166) * past be en kiss Mary by *.Ni Agent post-posing ni NP pre-posing ne peuvent s'appliquer (161), de laquelle on ne peut donc driver que l'nonc (167) :(167) John kissed Mary.100

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    A partir de (162) on peut driver :(168) I was kissed Mary by John

    par Agent post-posing . (168) sert d' input NP pre-posing qui donne(169) :(169) Mary was kissed t by John.De (163) on ne peut driver que (170) :(170) John was kissed Mary

    puisque, du fait de l'absence d'un syntagme en by , Agent post-posing ne peut s'appliquer, ce qui interdit NP pre-posing de s'appliquer.De (164) on peut driver (171) :(171) Mary kissed t

    par NP pre-posing. De mme on peut driver (172) partir de (165) parla mme opration :(172) Mary was kissed t.Enfin de (166) on peut driver (173) par NP pre-posing :(173) Mary was kissed I by *(173) est filtr puisqu'il contient * , ce qui est exclu (sur ce dernierpoint et sur l'obligation qu'il y a appliquer NP pre-posing (168),

    voir 1.1 et 1.1.2).On voit donc que si les hypothses a) et b) sont retenues on va pouvoirdriver les noncs parfaitement inacceptables (170) et (171) :(170) *John was kissed Mary(171) *Mary kissed.On se trouve ici en prsence d'un de ces cas d' over-generation que produit invitablement, selon Chomsky, une syntaxe dont on a rduitle pouvoir expressif au maximum. Il faut donc filtrer (170) et (171) par lamise en uvre d'un filtre smantique indpendamment motiv.

    3.3. Prdication d'une propritConsidrons les noncs suivants :(174) John seems to have kissed Mary(175) John was considered for the job (ex. n 47 b de Fiengo)(176) John was hit in the face(177) John hit Peter in the face.Selon Fiengo, (177) diffre de faon fondamentale de (174)-(176),en ce sens que dans (174)-(176) il y a prdication d'une proprit sur John ,ce qui n'est pas le cas de (177). De ce point de vue (174)-(176) sont quivalents un nonc comme :(178) John eats cheese (ex. n 48 a de Fiengo)

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    qui peut tre mis en relation avec :(179) John is a cheese eater (ex. n 49 a de Fiengo).De ce point de vue, (177) a quant lui les proprits d'un nonccomme (180) :(180) John ate cheese once yesterday (ex. n 48 b de Fiengo)

    qui ne peut tre mis en relation avec :(181) ? John was a cheese eater once yesterday (ex. n 49 b de Fiengo).Fiengo pose que ate cheese once yesterday ou hit Peter in theface ne peuvent avoir qu'une interprtation vnementielle ( eventiveinterpretation ). On voit donc que le filtre smantique que Fiengo cherche utiliser impliquera l'utilisation du concept de prdication d'une proprit 16, qu'on cherchera contraster avec celui d' interprtation vnementielle . En soutien de cette hypothse Fiengo met en avant les faitssuivants :a) II est possible de coordonner des syntagmes adjectivaux qui,d'aprs lui, sont la forme par excellence de la prdication d'une proprit,avec des syntagmes verbaux passifs, comme le montre (182) :(182) John is the only person I know who is both intelligent and believedto be of royal blood (ex. n 50 a de Fiengo)ce qui n'est pas le cas de be ing, le marqueur d'aspect inaccompli, puisqu'onne peut avoir (183) :(183) *John is the only person I know is both wealthy and working longhours.b) Fiengo fait l'hypothse supplmentaire que pour que propertyinterpretation puisse s'appliquer un groupe nominal il faut que ce groupenominal ait un intended referent 17 . C'est ce qu'il appelle la prdicabi-lit d'un groupe nominal. On voit alors qu'on peut rendre compte de ladiffrence d'interprtation entre :(184) Mary is looking for a man with blue eyeso a man with blue eyes peut avoir un intended referent ou pas,comme le montrent les deux suites possibles de (184) :(185) but I don't know whether she' II find one(186) but I know he is goneet (187) a man with blue eyes is being looked for by Maryqui ne peut tre suivi que d'noncs du type (186) 18.c) A partir de la notion de prdicabilit , ainsi non dfinie, Fiengopose qu'un groupe nominal prdicable doit pouvoir tre qualifi. Il

    remarque alors une concidence entre la passivabilit de certaines expressionsidiomatiques et le fait que ces expressions sont galement modifiables pardes adjectifs, comme le montrent des noncs du type (188)-(189) et (190)-(191):(188) Advantage was taken of Ed by John(189) Heed was not paid to careful formulation by Bob(190) John took great (unfair) advantage of Ed(191) Bob paid insufficient heed to careful formulation.On pourra contraster ces exemples avec l'impossibilit qu'il y a passiver les expressions idiomatiques des noncs suivants, pour lesquelsni les passives, ni les phrases contenant un adjectif ne peuvent avoir leurvaleur idiomatique :

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    (192) John kicked the bucket(193) John kicked the yellow (oak) bucket(194) the bucket was kicked by John(195) John is pushing up daisies(196) John is pushing up white (artificial) daisies(197) daisies are being pushed up by John 19.3.4. Le filtre smantiqueA partir des faits (?) du type a), b) et c) de 3.3, Fiengo propose lefiltre suivant :

    Dans la structure :... NP

    o NP lie /, a est interprter comme prdiquant une proprit surle rfrent projet ( intended ) du NP 20. Revenons maintenant aux exemples (170) et (171) dont la structurede surface serait (198) et (199), respectivement :(198) John [was kissed Mary] 1Ls Lvp JJ

    (199) [Mary [kissed illLs Lvp JJOn devine facilement le raisonnement fait par Fiengo en ce qui concerne(199) : en fonction du filtre smantique a (= VP dans ce cas) doit tre interprt comme une proprit du rfrent de Mary . Cependant (199) necontient pas be en. Si nous faisons l'hypothse que l'auxiliaire du passifest en fait une forme de la copule, on pourra poser que (199) est inacceptablepour les mmes raisons que (200) :(200) *Mary happy.En d'autres termes on dira que lorsqu'une expression doit ncessairement tre interprte comme une proprit (et c'est le cas aussi bienpour a que pour les syntagmes adjectivaux), la prsence de la copule estobligatoire. L'explication de l'inacceptabilit de (198) est du mme type,mais invers, pour ainsi dire. Remarquons que le filtre smantique prsentplus haut ne peut s'appliquer (198) puisqu'elle ne contient pas de trace,et par consquent kissed Mary ne peut tre interprt comme prdiquantune proprit du rfrent de John . Par consquent l'auxiliaire du passif( = copule) ne peut pas recevoir d'interprtation par la mise en uvre dufiltre ; (198) est donc filtr parce que be en ne reoit pas d'interprtation 21.

    4. Conclusion.Il nous reste valuer l'intrt de la thorie des traces que nous venonsde prsenter.a) II nous semble, au vu du dveloppement de 1.2.2, que Chomskyasserte lgitimement que l'innovation thorique que constitue la thoriedes traces n'accrot pas le pouvoir descriptif de la thorie standard tendue.b) Toutefois, en raison du flou qui entoure les spelling rules (cf.note 6), il ne nous semble pas que les gnralisations concernant la distribution des traces et des anaphores lies que nous prsentons en 1 1 soient

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    trs bien tablies (voir galement les remarques faites la fin de la note 5).Afin d'tablir de faon convaincante la validit de ces gnralisations,une caractrisation prcise des proprits formelles des spelling rules seraitncessaire.c) II nous semble que la thorie des traces trouve ses meilleures motivations dans les faits que nous prsentons en 1.3.2 et 1.3.3 concernant larelation qu'il est possible d'introduire entre thorie des traces et conditionssur les transformations, thorie des traces et rfrence rciproque ,rfrence disjointe et co-rfrence d'une part, et dans le traitement intressant qu'elle permet des phnomnes phonosyntaxiques que nous prsentons en 2.d) Les considrations smantiques prsentes en 3 nous semblenttrop vagues et trop inconsistantes (cf. les notes 15, 16, 17, 18, 19, 20 et 21)pour que la thorie des traces y puisse trouver un soutien quelconque, bienqu' l'vidence les notions utilises aient un certain intrt intuitif.

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    1. Cet article est une version remanie d'un expos fait au sminaire de Monsieurle Professeur A. Gulioli en mars 1975. Il importe de remarquer ici qu'il repose surdes cours et confrences faits par N. Chomsky pendant le Summer Linguistics Institute organis Amherst par l'universit du Massachusetts en 1974, auquel nous participions. Il reprend pour une bonne part des analyses dveloppes par Chomsky cemoment, analyses qui peuvent avoir chang depuis. J'ai bnfici pour sa rdactionde l'aide directe ou indirecte des membres de l'quipe de phono-syntaxe du DRL deParis VII, ainsi que de conversations ou discussions avec Jean Pmiez et JosDeulofeu. Je tiens par ailleurs remercier particulirement E. Williams, qui m'adonn l'ide de nombreux dveloppements et m'a vit de nombreuses erreurs, ainsique R. Kayne qui, ayant lu une premire version de cet article, m'a suggr denombreuses amliorations. Il va de soi que les restrictions d'usage sur la responsabilitdes personnes cites s'appliquent au prsent article.2. Sur les motivations conduisant la notation en X (X3 ici est quivalent X), voir Remarks on Normalization .3. Sur ces notions, voir J. Emonds, Root and Structure Preserving Transformations, Indiana Linguistics Club, 1970.4. On peut, en suivant Chomsky, caractriser le statut de t comme suit : t estune variable lie, non rfrentielle comme le pronom de John lost his way , par consquent smantiquement nulle et donc remplaable par transformation.De ce point de vue, / a les mmes proprits que * qui est aussi un lment smantiquement vide et par consquent remplaable par une transformation. Ce n'est lecas ni de 0 ni de ni de pro, qui ne sont pas smantiquement vides : 0 quivaut quantification indfinie , et et pro reoivent une spcification smantique par la miseen jeu de rgles d'interprtation smantique du type gapping . Tous ces lments ontcependant une proprit en commun qui est de ne pas avoir de spcification phonologique,e qui ne veut pas dire que rien ne les manifeste au niveau phonologique, dumoins pour t et , dont la prsence bloque un certain nombre de rgles phonologiques.Sur ce dernier point, voir la section 2 du prsent article. Une dernire remarque propos de t : l'index structural des transformations de mouvement n'a pas besoin dementionner t explicitement puisque toutes les transformations de mouvement mettenten jeu des traces ; un principe gnral les y introduirait.5. Cette terminologie est emprunte la thse de Helke A grammar of EnglishReflexives , MIT dissertation, 1971, qui parle de bound pronouns propos destermes souligns dans les exemples suivants :John lost his wayJohn saw himself m the mirror

    John blew his cool.Cette terminologie a t tendue aux pronoms rciproques each other , oneanother , etc., qui ont t tudis pour la premire fois par R. C. Dougherty dans lecadre de l'Extended Standard Theory (cf. A grammar of Coordinate ConjoindedStructures , Language, vol. 46, n 4, 1970, et vol. 47, n 2, 1971). Ce sont ces dernirestudes qui ont pour la premire fois parl d'une proprit trs importante des pronomsnon lis, que l'on peut rsumer en disant qu'un pronom non li peut tre anaphoriquejustement dans les cas o il peut galement tre non anaphorique. C'est en dernireinstance cette proprit des pronoms non lis qui rend les solutions transformationnelles classiques (dont celle d'Aspects) trs peu satisfaisantes (sur ce point, voir la discussionde la section 1.3.3 propos de la rfrence disjointe ). En ce qui concerne les casde bound anaphora deux approches diffrentes ont t adoptes dans le cadre del'Extended Standard Theory. D'une part les travaux de Dougherty et Helke (op.cit.) mettent en jeu des mcanismes transformationnels, comme par exemple la rglede each-movement que nous prsentons la section 1.3.2, qui drive le pronomrciproque each other par dplacement du quantifieur each , ou encore commel'analyse de Helke propos des rflchis, qui drive des rflchis comme herself , himself , myself , etc., partir de suites du type self , par la mise en uvred'une transformation de copiage ( copying transformation ) de traits partir del'antcdent. Chomsky a adopt ces analyses dans Conditions on Transformations mais y a renonc depuis pour adopter une solution purement interprtative , solutionretenue par R. Jackendoff (voir son livre Semantic Interpretation in GenerativeGrammar) ou encore par Fiengo et Lasnik ( The logical Structure of Reciprocal Sentences in English , Foundations of Language, 9, pp. 447-468). Sur ce dernier pointle dbat n'est pas clos et Dougherty a publi une tude critique de l'article de Fiengoet Lasnik (cf. Syntax and Semantics of Each other , constructions , Foundationsof Language, 1, septembre 1974). Quoi qu'il en soit, toutes ces tudes sont d'accordpour dfinir d'une faon ou d'une autre une contrainte du genre de (23), qui dfinitl'ordre d'apparition des pronoms lis et leurs antcdents, contrainte gnralementdfinie en termes de la notion de command , parfois redfinie de faon ce que cettenotion s'applique aussi au nud cyclique NP. Fiengo, par exemple (1974, op. cit.),

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    dfinit la contrainte de faon plus prcise : L'antcdent d'un pronom li doit prcderle pronom ou le commander asymtriquement (nous changeons la terminologieutilise par Fiengo par souci de lisibilit). On peut remarquer que si l'on trouve effectivement des pronoms lis et des antcdents dans toutes les configurations prvues parcette formulation, il n'en est pas de mme en ce qui concerne les traces, et, de ce pointde vue, la formulation du texte est quelque peu trompeuse. Ainsi, par exemple, correspondant une phrase du type Pictures of each other as criminals amused the candidates (ex. 4 de Fiengo, p. 91), o the candidates commande asymtriquement eachother , il n'existe pas de configuration

    qui lui ferait pendant, du moins en anglais. Si toutefois on analysait, dans le cadrethorique que nous dcrivons ici, les constructions en faire ou laisser du franais,que l'on trouve dans des phrases du type :(a) Pierre a fait manger sa soupe Paul(b) Pierre a laiss boire du vin son filscomme tant drives de structures du type :

    Pierre a fait Paul manger sa soupe *Ls Ls sj UpJsJpar la mise en uvre d'une transformation du type :

    (Pierre a fait t manger sa soupe I PaulLs U J L JJon aurait effectivement une configuration du type de celle note plus haut. Cette analysee heurterait toutefois des difficults : il faudrait en effet poser que dans

    (c) Pierre a fait manger sa soupe Paul avec une cuillre avec une cuillre est aussi extrait de la phrase enchsse et monte dans laphrase matrice. De mme on ne pourrait driver, comme me le fait remarquer R. Kayne :(d) Je l'ai fait manger Paulqui serait drive de :

    lie par() [Je ai fait / manger la | Paull

    puisque placement de clitiques serait bloqu par la contrainte du sujet spcifi,omme le montre : f =L_T 1(d ) Je ai fait / manger la Paul

    lie parOn peut toutefois remarquer qu'on pourrait expliquer le caractre douteuxd'noncs comme :(e) ? Jean l'a laiss boire son fils(f) ? Jean l'a laiss manger Mariede cette faon. On pourrait contraster ces cas avec :(g) Jean lui a laiss boire du vin(h) Jean lui a laiss manger du savarinqui me semblent meilleurs que (e) et (f) ou (i) et (j)(i) t Je la lui laisse boire(j) ? Je le lui laisse manger.

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    Le statut de ces noncs est cependant trop incertain pour qu'on puisse y fairereposer la thorie des traces, d'autant plus que si on adopte cette analyse en ce quiconcerne (e) et (/ ) on voit mal comment on pourrait expliquer que (k) et (/) sont parfaitement acceptables :(A:) Jean en a laiss boire son fils(/) Jean lui en a laiss manger.6. La force de l'argumentation prsente ici dpend videmment de son maillonle plus faible qui nous semble tre les spelling rules . On ne sait presque rien desproprits formelles qu'il faudrait leur donner. On voit mal par exemple ce qui viendraitbloquer, filtrer des noncs du type :* There was killed a man by John*There was kissed a little girl by my motherqui seraient drivs par there insertion aprs Agent post-posing . Par ailleurs ces spelling rules nous forcent poser que dansDisrespect of authority by the young is increasing(ex. n 17 de Fiengo, 1974, op. cit.) 0 vient effacer la trace t qui se trouve dans uneconfiguration interdite.7. Compatible seulement et non pas rendue ncessaire . Pour que cela soitle cas il faudrait pouvoir dmontrer que des solutions plus classiques ne peuveni enaucune faon faire l'affaire. Dans Conditions , Chomsky examine un certain nombrede ces solutions plus classiques aux problmes que nous prsentons en 1 3.2, solutionsqui dans un certain nombre de cas nous semblent pouvoir tre dfendues.8. Un mot sur les restrictions qu'illustrent (66) et (67). Remarquons d'abordqu'elles s'appliquent bien entendu au franais et qu'elles rendraient compte de l'inaccep-tabilit de :(a)(b)(c)(d)(e)(f)

    II me nous prsente, * II me prsente nousII te vous prsente, * II te prsente vousVous t'aimezTu vous aimesJe nous aimeNous m'aimons.On remarque toutefois que cette inacceptabilit peut varier, tout comme enanglais. Ainsi (g) et (h) me semblent trs acceptables :(g) Je nous vois dans la glace(h) I can see us in the mirror.De mme, Claire Blanche-Benveniste remarque dans sa thse (Recherches envue d'une thorie de la grammaire franaise, p. 45) que ces restrictions peuvent trevioles titre de plaisanterie et remarque qu'on trouve dans Les Lauriers de Csar Je nous aurais bien achet . On voit donc que ce que Chomsky appelle le principede la rfrence disjointe devrait tre formul de faon pouvoir rendre compte de cescas ainsi que de l'asymtrie que rvlent les deux noncs suivants qui, si l'on s'entient la prsente formulation, devraient tre aussi acceptables l'un que l'autre, ce quin'est manifestement pas le cas :(i) John's friends appeared to me to hate us ( = 71 plus bas)(/) ? John's friends appeared to us to hate me.Quoi qu'il en soit, le principe de la rfrence disjointe, mme dans sa prsente

    formulation, manifestement insuffisante, permet de rendre compte de la diffrenced'acceptabilit entre, par exemple :(k) ? / love us(l) ? Je nous aimeet (m) He appears to me to love us() // semble nous aimer.De ce point de vue, si l'on souhaite rendre compte de ces cas, il est ncessaire defaire appel la thorie des traces. Partant, l'argumentation dveloppe plus basconstitue une bonne motivation pour cette thorie.9. Comme nous le disions en introduction, la majeure partie de cette section estun expos de la thse de E. Selkirk, une diffrence prs toutefois : sa thorie destraces est assez diffrente de celle que nous exposons, bien que nous pensions (et c'est

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    aussi son avis) que les deux approches soient quivalentes. La thorie des traces deSelkirk peut tre rsume rapidement comme suit : elle fait l'hypothse que SPE 1(voir 2.3, plus bas) s'applique non pas au niveau de la structure de surface (kn dansnotre terminologie) mais au niveau de la structure profonde, et que les oprationstransformationnelles du type dplacement ou effacement n'effacent pas et ne dplacentpas les limites de mots qui flanquent les constituants dplacs ou effacs ; ce sont ceslimites de mot rsiduelles que Selkirk appelle traces ; par ailleurs, Selkirkne pense pas qu'il soit vraiment possible de mettre en relation traces syntaxiques ettraces phonologiques (elle crit par exemple la page 73 de sa thse : I have reservationsbout considering the pronominal traces which are motivated by the syntaxand the word boundary traces which block phonological rules to be one and the samething ). On peut en effet remarquer qu'il n'y a a priori aucune raison de penser qu'uneentit postule pour des raisons syntaxico-smantiques doit ncessairement avoir uncorrlat phonologique (ceci nous ramnerait une approche structuraliste de l'analyselinguistique). Toutefois, il nous semble que si on se trouve dans une situation o unetelle analyse ne conduit pas des absurdits, la recherche de la corrlation entre phnomnes syntaxiques et phonologiques est dsirable et apporte une justification indpendanteussi bien l'analyse syntaxique qu' l'analyse phonologique (voir 2.4). En consquence, nous avons cherch lier traces phonologiques et traces syntaxiques .On peut voir alors qu'il est inutile de poser que SPE 1 s'applique au niveau de lastructure profonde.10. Ces exemples sont tirs de la thse de Selkirk (op. cit.) et de l'articlede G. Lakoff ( Global Rules , Language 46, 3, pp. 627-639).11. Cit par Selkirk (op. cit., p. 40).12. En utilisant (125), on peut donner la rgle des monosyllabes une formulationplus compacte :

    V - stressl /# w|"c0 Coj|"(#)XVY(#)j Z #1o X T U (Selkirk, op. cit., p. 54).La restriction sur les variables n'a pas besoin de mentionner ] [puisque, tant donnA B, on a ncessairement A ] [ B. Quelle que soit la formulation, la rgle des monosyllabes pose un problme intressant la thorie phonologique. On remarque eneffet que l'on doit soit poser qu'elle s'applique de droite gauche dans une suite, ouque cette rgle s'applique de faon simultane. On voit sans difficult que ces spcifications sur le mode d'application sont ncessaires si l'on veut pouvoir obtenir laprononciation rduite de could , dans (137) par exemple. Le problme qui se pose

    alors est le suivant : peut-on dresser une typologie des rgles dont l'application estsimultane, quel formalisme doit-on adopter en ce qui concerne ces rgles ? Ce typede problme n'a pas reu beaucoup d'attention de la part des phonologues gnrativistesjusqu' maintenant. Des travaux sont cependant en cours sur ces problmes, tudispar J. R. Vergnaud et M. Halle.13. On doit toutefois remarquer que dans certains cas les traces font double emploi.Si l'on prend par exemple l'nonc (128) :(128) Who was the strike led by in Philadelphiaon voit que entre by et Philadelphia s'intercale une trace. On aurait donc aprsSPE 1 et SPE 2 :(128') ... #]# t] ]\ fini \# Philadelphia] ...1[ J Lnp JppJ [pplp J Lnp NPJ

    ce qui empche la rduction de by . Sans la thorie des traces, kn serait(128") ... #] #] # fin] # Philadelphia] ...[[ JppJ LppLp J LNp NpJIci aussi la rgle des monosyllabes serait bloque. Je ne vois pas pour le momentcomment valuer ce trop-plein thorique.14. Voir Wasow, Anaphoric Relations in English, MIT dissertation 1972,ch. 3, pp. 98 et suiv.15. On peut toutefois la commenter. Cette citation met en vidence, nous semble-t-il,un trait caractristique de la grammaire transformationnelle lorsqu'elle aborde unecaractrisation gnrale de la smantique, c'est--dire une forme de logicisme quioscille entre une forme bnigne et une forme dangereuse . Nous appelons logicismebnin l'hypothse qu'une reprsentation smantique et un calcul smantique devrontmettre en uvre des notions du type oprateur , argument , variables libres 108

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    et variables lies , etc., qui sont toutes, effectivement, des notions empruntes aucalcul logique. Nous appelons logicisme dangereux la croyance que la smantiquedes langues naturelles peut tre traite telle quelle par le biais d'emprunts directs tel ou tel domaine de la logique ou tel ou tel outil logique, comme par exemple lesquantificateurs universels et existentiels. En ce qui concerne le cadre thorique del'Extended Standard Theory, cette forme de logicisme dangereux nous semble toutefoisappele disparatre dans la mesure o les quelques analyses smantiques produitesdans ce cadre, quelle que soit par ailleurs leur valeur, produisent et mettent en uvredes concepts et notions qui d'une part sont rebelles ce genre de rduction logicisteet dont, d'autre part, tout le monde s'accorde reconnatre qu'il faudra bien, d'unefaon ou d'une autre, les intgrer aux descriptions smantiques. (C'est le cas parexemple de la notion de prdication d'une proprit que nous prsentons plusbas en 3.3.)16. Fiengo ne s'embarrasse pas de scrupules et ne dfinit pas son concept de prdication d'une proprit . Il se contente de donner des exemples qu'il considre commeintuitivement satisfaisants de property interpretation . On peut remarquer que dece simple point de vue intuitif on peut trouver des contre-exemples son hypothsesur l'interprtation smantique des constructions passives. On voit mal pourquoil'interprtation d'un nonc comme :John was kissed by Mary once yesterdayserait moins eventive que celle de :Mary kissed John once yesterday.17. Cette notion n'est pas dfinie.18. Sous cette forme l'analyse de Fiengo est fausse, comme le montre l'noncsuivant :300 more signatures are needed for the petitiono 300 more signatures n'a manifestement pas de rfrent intended .19. Cette analyse force poser, comme le note Fiengo lui-mme, que dans l'expressiondiomatique the ice was broken

    was broken est un syntagme adjectival. Par ailleurs, comme il le remarque lui-mme nouveau, on peut parfois modifier des expressions idiomatiques ; par exemple, onpeut trs bien avoir :John kicked the proverbial bucketJohn is pushing up the proverbial daisies.

    Par ailleurs, si on tend ses remarques d'autres cas