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42] Embryologie D ans son ouvrage De la généra- tion des animaux, datant du IV e siècle avant notre ère, Aris- tote écrit, à propos de la formation des organismes vivants: « Toutes les par- ties ne se forment pas simultané- ment […]. En effet, certaines existent manifestement déjà quand d’autres n’existent pas encore. » Le philosophe grec est ainsi le précurseur de l’ap- proche « épigénétique » du dévelop- pement de l’embryon. Selon cette acception du terme, un embryon ne se construit pas selon un plan qui pré- existe – comme le pensait Platon avant Aristote –, mais par adjonction suc- cessive de diverses structures, chacune étant nécessaire au développement de la structure suivante. Cette approche épigénétique du développement a perduré jusqu’au XX e siècle. Ainsi, dans les années 1900- 1910, le naturaliste écossais d’Arcy Thompson et le médecin français Stéphane Leduc ont supposé que la morphologie d’une étape du déve- loppement déterminait, par les seules lois de la mécanique et de l’hydrody- namique, la morphologie de l’étape suivante. Avec l’essor de la génétique, dans les années 1920, puis de la biologie moléculaire, depuis les années 1960, cette conception a fait place à l’idée d’une embryogenèse essentiellement contrôlée par l’expression de gènes spécifiques, les « gènes du dévelop- pement ». Dans la conception géné- tique la plus classique, l’embryon se développerait par l’application d’un « programme de construction » pré- établi contenu dans ces gènes, pré- sents dans la cellule œuf fécondée, l’ovocyte. Dans un embryon, sous le contrôle de gènes, des forces sont impliquées dans le mouvement des cellules et la formation des organes. On découvre que ces contraintes peuvent modifier l’expression de gènes du développement. Embryologie Emmanuel Farge Titre web sur fond blanc dans maquette avant pdf Biologie-santé (Biologie animale) 1. DANS UN EMBRYON, les cellules subissent des mouvements dits morphogénétiques, responsables des changements de forme et de la mise en place des organes. Des bio- logistes ont récemment montré qu’une pression exercée sur un embryon de droso- phile en croissance (a) agit sur l’expression de certains gènes, par l’intermédiaire de molécules situées sous les membranes cellulaires (b). Les produits de ces gènes sont indispensables à la mise en place correcte de certains organes de la drosophile, ici l’avant du tube digestif (c, en vert). Qui plus est, sans ces contraintes mécaniques, l’embryon ne se développe pas correctement. a b a www.illustrer.fr pls_379_p000_000_Farge.xp_JJP_02_04 3/04/09 19:43 Page 42

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42] Embryologie

Dans son ouvrage De la généra-tion des animaux, datant duIVe siècle avant notre ère, Aris-

tote écrit, à propos de la formation desorganismes vivants : « Toutes les par-ties ne se forment pas simultané-ment […]. En effet, certaines existentmanifestement déjà quand d’autresn’existent pas encore. » Le philosophegrec est ainsi le précurseur de l’ap-proche « épigénétique » du dévelop-pement de l’embryon. Selon cetteacception du terme, un embryon nese construit pas selon un plan qui pré-existe – comme le pensait Platon avantAristote –, mais par adjonction suc-cessive de diverses structures, chacuneétant nécessaire au développement dela structure suivante.

Cette approche épigénétique dudéveloppement a perduré jusqu’auXXe siècle. Ainsi, dans les années 1900-

1910, le naturaliste écossais d’ArcyThompson et le médecin françaisStéphane Leduc ont supposé que lamorphologie d’une étape du déve-loppement déterminait, par les seuleslois de la mécanique et de l’hydrody-namique, la morphologie de l’étapesuivante.

Avec l’essor de la génétique, dansles années 1920, puis de la biologiemoléculaire, depuis les années 1960,cette conception a fait place à l’idéed’une embryogenèse essentiellementcontrôlée par l’expression de gènesspécifiques, les « gènes du dévelop-pement ». Dans la conception géné-tique la plus classique, l’embryon sedévelopperait par l’application d’un« programme de construction » pré-établi contenu dans ces gènes, pré-sents dans la cellule œuf fécondée,l’ovocyte.

Dans un embryon, sous le contrôle de gènes,

des forces sont impliquées dans le mouvement des cellules

et la formation des organes. On découvre que ces contraintes

peuvent modifier l’expression de gènes du développement.

Embryologie

Emmanuel Farge

Titre web sur fond blanc dans maquette avant pdfBiologie-santé (Biologie animale)

1. DANS UN EMBRYON, les cellules subissent des mouvements dits morphogénétiques,responsables des changements de forme et de la mise en place des organes. Des bio-logistes ont récemment montré qu’une pression exercée sur un embryon de droso-phile en croissance (a) agit sur l’expression de certains gènes, par l’intermédiaire demolécules situées sous les membranes cellulaires (b). Les produits de ces gènes sontindispensables à la mise en place correcte de certains organes de la drosophile, ici l’avantdu tube digestif (c, en vert). Qui plus est, sans ces contraintes mécaniques, l’embryonne se développe pas correctement.

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L ’ E S S E N T I E L

✔ Un embryon

se forme sous

le contrôle des gènes

du développement.

✔ Certains gènes, tel

twist, contrôlent

la localisation

de protéines impliquées

dans le mouvement

des cellules.

✔ Inversement,

les déformations

mécaniques peuvent

entraîner l’expression

de gènes

du développement

et, par suite,

la mise en place

des organes.

c

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G A S T R U L A T I O N E T P O L A R I S A T I O N D E L’ E M B R Y O N

L e développement de l’embryonmet en jeu des déplacements

et des changements de forme descellules de l’épithélium qui entourele vitellus central. Au tout début, aucours d’une phase nommée gas-trulation, la partie de l’épithéliumcorrespondant au futur mésoderme(a, en rouge), au centre de la par-tie ventrale, s'invagine (le méso-derme donnera les organes internesà l’exception du système nerveux,issu de l’ectoderme, et du systèmedigestif, dérivant de l’endoderme ).Un sillon ventral se forme alors.

Le mésoderme s'étend etconstitue la « bande germinale »,qui s'enroule du côté dorsal de l'em-bryon. Puis, à l'avant et à l'arrière,le futur endoderme (a, en jaune)s'invagine aussi en deux poches.Puis les ébauches des structures

(segments) apparaîtront juste aprèssur la bande germinale.

Ces mouvements morphogé-nétiques se déroulent selon l’axeantéro-postérieur et l’axe dorso-ventral de l’embryon. Ceux-ci sontguidés par des gradients (des dif-férences de concentrations) de pro-téines, les morphogènes, quiactivent ou inhibent l’expressionde gènes cibles (b).

Ainsi, le gradient du morpho-gène Bicoid contrôle la partie anté-rieure de l’embryon dont dériverontla tête et le thorax. Bicoid activel’expression d’un gène nomméhunchback, qui lui-même régulel’expression d’autres gènes (krup-pel, knirp, etc.). Les protéines qu’ilscodent ont une concentrationvariable le long de l’axe antéro-postérieur (b).

De même, le gradient du mor-phogène Nanos caractérise la par-tie postérieure. Ces gradients depolarité antéro-postérieure assu-rent la mise en place des premierséléments de segmentation du corpsde la larve. D’autres gènes de seg-mentation, tels ceux de la famillePair-rule, affineront ensuite cettemise en forme.

Parallèlement à la polarisa-tion antéro-postérieure, s’amorce lapolarisation dorso-ventrale (b, encoupe) : le signal est donné par laprotéine Dorsal, présente dans toutl’embryon, mais qui n’est activéeque dans les cellules ventrales. Elleactive ou inhibe l’expression degènes codant divers facteurs detranscription, dont twist, snail ouencore zernüllt (zen). Sa concen-tration dans les noyaux cellulaires

croît du dos vers le ventre de l’em-bryon. Quand Dorsal active l’ex-pression de ses gènes cibles, lesprotéines produites ont un gradientcroissant de concentration de la par-tie dorsale vers la partie ventrale ;inversement, quand elle les inhibe,le gradient produit est décroissant.

Ainsi, dans les noyaux des cel-lules ventrales, où la concentrationde Dorsal est la plus élevée, la trans-cription des gènes twist et snail estactivée, tandis que celle des gènesdpp et zen est inhibée. L’expressioncombinée de twist et de snail déter-mine la nature ventrale des tissus,qui forment le mésoderme. Dans lapartie dorsale, la faible concen-tration de Dorsal permet l’expres-sion de dpp et de zen, ce qui imposela nature dorsale des tissus, quidonneront l’ectoderme.

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Les travaux scientifiques des 40 dernières annéesont confirmé cette conception de l’embryogenèse. Ellea été reconnue par l’attribution du prix Nobel de méde-cine 1995 à Christiane Nüsslein-Volhard, Eric Wies-chaus et Edward Lewis pour leurs découvertes du« contrôle génétique du développement embryon-naire précoce ».

Les forces au cœur de l’embryon

Or, depuis quelques années, la conception purementgénétique du développement embryonnaire se trouveà son tour remise en question. Elle n’est pas fausse,mais elle doit être complétée. En particulier, diversesrecherches, dont celles que nous avons conduites àl’Institut Curie, ont établi que les contraintes et

déformations mécaniques subies par les tissus de l’em-bryon peuvent influer sur l’expression de certainsgènes du développement et, par conséquent, sur lecontrôle génétique du développement d’un organismeen devenir (voir la figure 1). Ces résultats réintrodui-sent certains paramètres mécaniques au cœur des pro-cessus actifs de développement embryonnaire, sansle réduire à sa seule composante physique. Il s’agitplutôt de coupler ces paramètres à la composantegénétique et moléculaire du développement.

Pour comprendre comment s’opère un tel cou-plage, nous décrirons d’abord les grandes lignes dela mise en place des structures de l’embryon de dro-sophile. Puis nous examinerons le contrôle génétiquede cette mise en forme, et les mécanismes qui com-mandent les mouvements cellulaires responsables dela morphogenèse mécanique. Enfin, nous montre-

a b

Vitellus

FACE DORSALE

FACE VENTRALE

AVANTMésoderme

NanosBicoid

Vitellus

Endoderme

ZenDppRhomboidTwist et Snail

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ARRIÈRE

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rons comment les contraintes mécaniques qui s’exer-cent sur les cellules du tissu embryonnaire déclenchentl’expression de gènes du développement, et partici-pent ainsi au contrôle de l’embryogenèse.

Un animal est doté d’une partie antérieure, géné-ralement nommée la tête, et d’une partie postérieure,d’un ventre et d’un dos, d’une partie gauche et d’unepartie droite initialement symétriques. Cette organi-sation polarisée s’amorce très tôt, avant même la fécon-dation, ou juste après. Ainsi, des cellules se positionnentdans la partie avant, d’autres dans la partie arrière del’embryon, etc. (voir l’encadré page ci-contre).

Autre caractéristique, les tissus qui constituerontles organes changent très tôt de forme, en suivant cesaxes de polarisation. Chez la drosophile, dans lesheures qui suivent la fécondation, l’embryon appa-raît formé d’un tissu périphérique, un épithélium faitde milliers de cellules, et d’une partie centrale conte-nant des réserves nutritives, le vitellus. Puis certainsdomaines de l’épithélium périphérique se courbent– s’invaginent – vers l’intérieur de l’embryon. Lamorphologie change. C’est la gastrulation, durantlaquelle se forment les trois feuillets dont dériverontles tissus de la larve : le feuillet extérieur, l’ectoderme,le feuillet intérieur, l’endoderme, et le feuillet inter-médiaire, le mésoderme. L’ectoderme produira l’épi-derme et le système nerveux ; l’endoderme le tubedigestif, et le mésoderme les muscles, le squelette etles vaisseaux sanguins.

La gastrulation commence avec l’invagination dumésoderme, le long d’une ligne ventrale. Dix minutesaprès, le mésoderme ventral s’allonge fortement versl’arrière, et moins nettement vers l’avant, en une «bandegerminale » (ou bande germinative), dont dérivera lamajeure partie de l’embryon. Encore dix minutes, et lesfuturs tissus digestifs s’invaginent à l’avant et à l’ar-rière. Dans le même temps, des segmentations se des-sinent, prélude à la mise en place des segments de latête, du thorax et de l’abdomen, et des différentes struc-tures de la larve et de l’insecte adulte.

À l’évidence, cette succession d’événements demorphogenèse – dont nous n’avons esquissé que latrame – est l’objet d’un contrôle et d’un guidage, indis-pensables au bon déroulement des mécanismes dedifférenciation cellulaires et des mouvements mor-phogénétiques des cellules. Quel en est le « metteuren scène »? C’est là que les gènes entrent en scène.

Le contrôle génétique de la morphogenèse

Entre la fin des années 1950 et les années 1970,Klaus Sander, à Fribourg, a réalisé d’étonnantes expé-riences d’embryologie. Il déplaçait vers l’avant uneportion du cytoplasme postérieur d’œufs d’un insecte(une cicadelle), ce qui provoquait la formation d’unabdomen antérieur. Ou il ligaturait de jeunes embryonsen leur milieu à différents stades de développe-ment. Il observait alors que les segments de la partie

centrale de l’embryon manquaient. En 1975, il fit l’hy-pothèse que des « déterminants » du développementétaient produits selon un double gradient de concen-tration par des « centres organisateurs » postérieur etantérieur. Dans les années qui suivirent, ces recherches,reprises notamment à Tübingen chez la drosophile parl’équipe de Christiane Nüsslein-Volhard, ont établique ces déterminants, dits maternels, car déjà pré-sents dans l’ovocyte, sont des facteurs biochimiques :les morphogènes. En rapprochant ces travaux desrésultats de la génétique de la drosophile, on s’estaperçu que les morphogènes sont des protéines dont

la concentration varie dans l’embryon selon des gra-dients, le long de l’axe antéro-postérieur ou le longde l’axe dorso-ventral. Ce sont des facteurs detranscription : en se fixant à l’ADN, ils activent, enfonction de leur concentration, l’expression des dif-férents gènes qui gouvernent la mise en place dessegments dont dériveront les parties du corps et lesorganes de la larve.

Par exemple, la polarisation dorso-ventrale estamorcée par l’activation asymétrique de la protéineDorsal (voir l’encadré page ci-contre). Présente dans toutl’embryon, Dorsal n’est pourtant activée, par un signalmaternel, que dans les cellules du pôle ventral del’embryon. En réponse à cette activation, elle est trans-portée dans le noyau de ces cellules, où elle stimulel’expression de deux gènes spécifiques, twist etsnail. Ces derniers déclenchent la fabrication des pro-téines correspondantes, Twist et Snail, uniquementdans les cellules ventrales. Ils en déterminent ainsila nature ventrale. Les autres cellules, par défaut,deviendront dorsales.

2. LA GASTRULATION de l’embryon de drosophile est pilotée par la redistribution d’unmoteur moléculaire, la myosine. Sur ces coupes d’embryons, elle est marquée par unanticorps fluorescent (en blanc). Avant la gastrulation (a), la myosine est localiséedu côté « basal » des cellules, près du centre de l’embryon. Au début de la gastrula-tion (b), elle apparaît aussi à l’opposé, du côté « apical » des cellules, sur la partieventrale de l’embryon (flèche blanche). À un stade plus avancé (c), elle reste locali-sée du côté apical. Cette évolution est contrôlée par le gène twist.

QUEL EST LE « METTEUR EN SCÈNE » DE LA MORPHOGENÈSE ?Ce sont des gènes du développement, mais ces derniers peuvent eux-mêmes être activés par des contraintes mécaniques.

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Ainsi, la polarisation de l’embryon etla genèse des domaines de différenciationtissulaires sont sous le contrôle d’une sériede gènes et de protéines du développe-ment. Mais comment déduire d’un telcontrôle génétique les mécanismes com-mandant les mouvements cellulairesnécessaires à la morphogenèse ? Durantles 20 dernières années, les équipes de EricWieschaus, à Princeton, et de Maria Lep-tin, à Tübingen, puis à Cologne, ont misen évidence les gènes et les protéines quicontrôlent le déclenchement des mouve-ments morphogénétiques lors de la gas-trulation. Toutefois, leur action n’expliquaitpas comment se déroule ce processus.

Depuis le début des années 1990, plu-sieurs équipes ont découvert que la mor-phogenèse embryonnaire met en œuvre descontraintes mécaniques, dont on commenceà comprendre l’origine moléculaire. Ainsi,lors de la gastrulation, l’invagination dufutur mésoderme provient d’un change-ment de morphologie des cellules de cefeuillet qui, d’une forme cylindrique, pren-nent une forme plus conique. La surfaceexterne des cellules diminue par rapport àleur surface interne, ce qui produit la cour-bure nécessaire à l’invagination. Mais com-ment ces cellules changent-elles de forme?En 1991, l’équipe de Daniel Kierhart, alorsà Harvard, a montré qu’une molécule, lamyosine-II, est très concentrée sous la mem-brane apicale des cellules, la partie de lamembrane située au « sommet » de la cel-lule, à l’opposé de la membrane basale (voirla figure 2). La myosine est un «moteur molé-culaire » qui entraîne une contraction de lasurface là où elle est concentrée.

Comment les cellules « savent-elles »lesquelles doivent concentrer la myosineau niveau de leur surface externe et chan-ger de morphologie ? C’est le rôle ducontrôle génétique : la localisation de la

myosine est sensible aux morphogènes pré-sents dans les cellules du mésoderme, Twistet Snail. Le rôle de Twist est le mieux connu.Cette protéine active indirectement uneenzyme capable de provoquer la concen-tration apicale et la contraction de la myo-sine. La protéine Snail participe aussi à cemécanisme. Or l’augmentation de tensiondes membranes apicales du mésoderme,conséquence de la redistribution de la myo-sine, suffit à provoquer l’invagination dumésoderme, et l’ensemble des mouvementsmorphogénétiques in vivo. C’est ce que nousavons confirmé en 2008 grâce à une simu-lation sur ordinateur (voir la figure 3).

Ainsi, bien que la nature des interac-tions entre les protéines Twist et Snail etla myosine soit en cours d’investigation,il est avéré que ces deux morphogènessont responsables de l’invagination amor-çant la gastrulation, parce qu’ils contrô-lent la localisation apicale et la contractionde la myosine.

La myosine sous contrôle

Au cours de la gastrulation, l’autre phé-nomène morphogénétique est l’extensionde la bande germinale. En 2004, ThomasLecuit et Pierre-François Lenne et leurs col-lègues de l’Institut de biologie du déve-loppement et de l’Institut Fresnel, àMarseille, ont montré qu’elle découle dela réorganisation des contacts des cellulesde l’épithélium embryonnaire ventral, aucours d’un processus nommé intercalationcellulaire. La myosine s’accumule, souscontrôle génétique, dans les parois per-pendiculaires à l’axe antéropostérieur. Elleprovoque alors la contraction de ces sur-faces cellulaires, ce qui déplace les cel-lules selon l’axe dorsoventral. Si bien que,progressivement, les cellules changent de

3. L’INVAGINATION DU MÉSODERME d’un embryon de drosophile a étésimulée par l’équipe de l’auteur. Un anneau de cellules, vues en coupe, estimmergé dans un liquide visqueux non compressible (a). On augmente lestensions au niveau de la périphérie apicale des cellules, repérée par des

points rouges (b). Cette augmentation, conséquence de l’accumulation api-cale de la myosine, suffit à entraîner l’invagination caractéristique de la gas-trulation (c etd). La tension et le mouvement des cellules créent des courants,dont l’intensité est symbolisée par les zones et les lignes colorées.

Le lamarckisme revisité

✔ Supposons que la sensibilité des embryons à la déformation soit apparue quand il n’existait encore quedes amas de cellules sans fonction physiologique. Une pression sur un telamas aurait provoqué une invagination.Cet amas ingérant tout ce qui le touchait, une bouche-intestin primitive aurait pu apparaître. De telsamas cellulaires, adaptés à des milieuxriches en substances ingérables,auraient donné naissance à des organismes capables de formerune bouche-intestin sous l’effet demouvements morphogénétiquesinternes. Cette interprétation fait un lienentre la théorie du précurseur de l’évolution, Jean-Baptistede Lamarck, et la théorie darwinienne :l’environnement n’aurait pas seulementun rôle de sélection, mais il induiraitaussi certains changements, lesquelsseraient soumis à la sélection naturelleavant d’être transmis par l’hérédité.

Emmanuel FARGE, directeur de recherche INSERM àl’Institut Curie, à Paris, est responsable de l’Équipe mécanique et génétique du développementembryonnaire et tumoral, au seinde l’unité mixte 168 du CNRS.

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position et s’intercalent les unes entre lesautres, induisant donc l’extension de l’axeantéropostérieur du mésoderme.

De ce qui précède, retenons un pre-mier enseignement : c’est la répartitionintracellulaire hétérogène de la myosinequi donne naissance aux mouvementsmorphogénétiques des tissus, par le biaissoit de changements de forme (dans le casde l’invagination du mésoderme), soitde mouvements des cellules (pour l’ex-tension de la bande germinale). Cette« mécanique » de la morphogenèse ani-male met en lumière un mode de régula-tion du développement que la génétiquen’avait abordé que très rarement. Pourautant, le génome n’est pas absent du jeupuisque deux morphogènes, Twist et Snail,sont nécessaires au contrôle du compor-tement de la myosine, le moteur des mou-vements cellulaires. Il y a donc un contrôlepar la génétique de la production des forceset des déformations.

Mais cette conclusion est-elle suffisante?Peut-on imaginer qu’un embryon puissese développer correctement et de façonreproductible en réponse aux « instruc-tions » données par le génome sans que cedernier ne soit jamais en mesure de « véri-fier » l’état morphologique dont il a lacharge ? Autrement dit, n’est-il pas rai-sonnable de supposer que l’ADN, qui codeles morphogènes, est informé des étapesclefs du développement morphologiquede l’embryon?

Le rôle essentiel de la pression

Puisque les changements de forme de l’em-bryon créent en permanence de nouvellescontraintes mécaniques, nous avons faitl’hypothèse que certains gènes du déve-loppement embryonnaire sont « méca-nosensibles » : leur expression seraitmodifiée par les pressions et déformationsmécaniques subies par les cellules du tissuembryonnaire. En 2003, nous avonsconfirmé pour la première fois ce scéna-rio. Voyons comment.

En premier lieu, est-il possible demoduler l’expression de gènes en réponseà des contraintes mécaniques appliquéessur des cellules vivantes ? En 1993, deschercheurs de Boston ont étudié in vitrol’expression des gènes dans des cellulesendothéliales en culture cellulaire, pro-venant de la paroi de vaisseaux sanguins.Ces cellules étant normalement soumises

à des contraintes mécaniques liées au fluxsanguin, ils voulaient savoir si l’expres-sion des gènes en était modifiée. Ils onteffectivement montré que l’expression dugène PDGF-B peut être modulée par uneforce hydrodynamique subie par les cel-lules endothéliales. Puis d’autres équipesont mis en évidence que diverses protéinessont « mécanosensibles » ; par exemple,sous l’effet d’une contrainte appliquée àune cellule, des facteurs de transcrip-tion, c’est-à-dire des protéines qui régu-lent l’expression des gènes, sont transférésdu cytoplasme jusque dans le noyau, oùils stimulent l’expression de certains gènes.

Or les expériences que nous avons réa-lisées ont montré que ce type d’interactionsexiste aussi chez l’embryon de drosophilepour certains gènes « maîtres » du déve-loppement (qui contrôlent l’activationd’autres gènes). L’expression de gènes dudéveloppement peut être déclenchée parune déformation mécanique du tissuembryonnaire. Une étape de « mécano-transduction » convertit le signal méca-nique en un signal biochimique qui activecette expression. En d’autres termes, il estpossible de « reprogrammer » mécani-quement la génétique du développement.

Notre première expérience a consistéà appliquer une déformation artificiellefaible et uniforme à un embryon de droso-phile juste avant ses premiers mouvementsmorphogénétiques, lors de la gastrula-tion. L’embryon était placé entre une mem-brane semi-perméable, qui permettait leséchanges d’oxygène avec l’extérieur, et unepetite plaque de verre très mince dont laposition était contrôlée par un micromani-pulateur mécanique et piézo-électrique.Ainsi, l’embryon pouvait être déformé laté-ralement, et sa dimension dorsoventraleaugmentait de l’ordre de dix pour cent,durant dix minutes, ces valeurs étant lesordres de grandeur des mouvements déve-loppés au cours de la gastrulation.

L’expression des gènes et la concen-tration des protéines correspondantesétaient évaluées par différentes méthodes,dont l’utilisation d’anticorps fluorescents.Nous avons alors observé que la défor-mation provoque une production homo-gène, en périphérie de l’embryon, de laprotéine Twist, alors qu’elle n’est norma-lement présente que sur la face ventrale(voir la figure 4). Comme Twist est une pro-téine essentielle de la polarisation dorso-ventrale et de la gastrulation, la déformationpeut être considérée comme un moyen de

4. LA SYNTHÈSE DE LA PROTÉINE TWISTest limitée aux cellules antérieures, ventraleset postérieures de l’embryon de drosophile (zonefluorescente en a). Elle s’étend à la zone dor-sale quand on exerce une légère pressionlatérale sur tout l’embryon (b). Twist est syn-thétisée entre autres dans les cellules stomo-déales (zone entre les flèches rouges, en c)lorsqu’elles sont comprimées par l’extension dela bande germinale. Des mutations qui bloquentce mouvement inhibent sa synthèse (d). Maiscette dernière est rétablie (e) quand on com-prime à nouveau les cellules du mutant.

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changer mécaniquement le cours génétiquedu développement embryonnaire dès lesstades les plus précoces.

Toutefois, la question essentielle est desavoir si la propriété de mécanosensibilitéactivant la synthèse de la protéine Twist aun rôle fonctionnel au cours du dévelop-pement embryonnaire. Des déformationsnaturelles subies par certains tissus de l’em-bryon en réponse aux mouvements mor-phogénétiques sont-elles susceptibles dedéclencher mécaniquement l’expressiondu gène twist? Nous avons étudié cette ques-tion en examinant les cellules dites stomo-déales du pôle antérieur de l’embryon (voirla figure 4). Destinées à former le tube diges-tif antérieur de l’embryon, elles sont com-primées par la bande germinale qui s’étendau début de la gastrulation.

L’induction mécanique de twist

En 2008, nous avons achevé de démontrerque la protéine Twist est synthétisée enabondance dans les cellules stomodéalessous l’effet de leur compression (voir lafigure 5). Si l’on élimine cette pression, ensupprimant par ablation laser quelques cel-lules du tissu dorsal contre lesquellesbute la bande germinale lorsqu’elle s’al-longe (collaboration avec E. Beaurepaire, àl’École polytechnique), la protéine Twistcesse d’être synthétisée dans les cellulesstomodéales. En revanche, une compres-sion artificielle la rétablit. Ainsi, nous avonsmis au point une méthode qui reproduitquantitativement les déformations phy-siologiques internes subies par les cel-lules stomodéales dans l’embryon normal.On applique un gradient de champ magné-tique sur un fluide magnétique injecté dansles cellules voisines des cellules stomo-déales, ce qui permet de moduler de façontrès précise la force exercée sur ces cellules.

La différenciation de la partie anté-rieure du tube digestif de l’embryon à par-tir des cellules stomodéales est la principaleconséquence connue de l’activation dugène twist par les contraintes mécaniques.Lorsque l’on réduit, à l’aide de manipu-lations génétiques, l’expression de ce gènedans les cellules stomodéales, le tube diges-tif est malformé: dans toute sa partie anté-rieure, les cellules différenciées capablesde réaliser la digestion manquent. L’in-testin ne fonctionne pas correctement, etles larves meurent au bout de quatre à cinqjours de développement. La forte expres-

L E S G È N E S D E C A N C E R S S O U S P R E S S I O N

L a surexpression du gènetwist a été observée dans

plusieurs cancers, tels ceux dela prostate et du sein. L’équipede l’auteur et celle de SylvieRobine, à l’Institut Curie, ontmontré en 2008, chez la sou-ris, que twist s’exprime aussien réponse aux contraintesmécaniques dans un tissu decôlon dont un gène (APC) estmuté (voir ci-dessous ; en b, letissu comprimé) ; en revanche,il ne l’est pas dans le tissu sain.Chez l’homme, le gène APC estmuté dans 80 pour cent destumeurs de côlon ; c’est unimportant facteur de risquede cancer.

Les expressions des gènestwist et APC seraient liées : onsait que la protéine bêta-caté-nine se décroche de la mem-brane cellulaire, sous l’effetd’une pression, pour activertwist. Or la protéine APC parti-cipe à la dégradation de la bêta-caténine dans le cytoplasme.La mutation du gène APC lais-serait donc une plus grandequantité de bêta-caténine pas-ser dans le noyau. Cette der-nière suractiverait le gène twist,mais aussi le gène myc, lesquelsfavorisent la progression tumo-rale. Le tout aurait pour effetde stimuler la prolifération cel-lulaire et de diminuer l’adhé-

rence des cellules cancéreusesentre elles, augmentant ainsile risque de leur dissémination.Ce constat rejoint des obser-vations qui mettent en causeles mutations de la cadhérine E,protéine d’adhérence, dans laformation de métastases.

Il est donc possible que lescontraintes mécaniques liéessoit au transit intestinal, soit àla pression des tissus due à lacroissance tumorale, déclen-chent l’expression du gènetwist. Celui-ci contribueraitalors au pouvoir invasif destumeurs dans les tissus où lescellules portent une mutationdu gène APC.

5. LA COMPRESSION DES CELLULES DU STOMODEUM, une région antérieure de l’embryon(flèches jaunes), a été suivie in vivo. En haut, les noyaux cellulaires sont marqués en violet parune protéine fluorescente. Deux états de compression (a et b) sont séparés de 350 secondes ;en b, les cellules sont comprimées. L’ablation par laser d’un fragment de tissu dorsal élimine lacompression (c) : l’expression du gène twist (marquée par une fluorescence verte) est alorsinhibée dans ces cellules (entre les flèches rouges). On peut rétablir la compression (b) et l’ex-pression de twist (d) en injectant un fluide magnétique dans les cellules voisines (au niveau desflèches vertes en a et b, de la zone noire en d), puis en exerçant une pression sur les cellules del’intérieur du tissu à l’aide d’un champ magnétique.

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sion de la protéine Twist dans les cellulesstomodéales au stade de leur compressionest donc indispensable à la formation d’untube digestif fonctionnel. Ainsi, l’activa-tion de l’expression du gène twist parune contrainte mécanique participe audéveloppement fonctionnel de cet organe.

Comment le signal de pression est-iltransmis jusqu’au gène cible, en l’occur-rence twist ? Nos recherches ont mis enévidence le rôle d’une protéine, la bêta-caté-nine, nommée Armadillo chez la drosophile.Cette protéine, qui relie le cytosquelette (l’ar-mature des cellules) aux cadhérines E (desprotéines de liaison entre les cellules), estlibérée dans le cytoplasme et dans le noyauen réponse aux déformations; elle joue lerôle de facteur de transcription du gène twistdans le noyau, c’est-à-dire qu’elle endéclenche l’expression (voir la figure 6). Unscénario possible à l’échelle moléculaire estle suivant : sous l’effet de la pression, laconformation de la protéine Armadillochange, ce qui dévoile un site sur lequel uneenzyme peut fixer un groupe phosphate.Cette modification chimique décrocherait

Armadillo de la cadhérine E. La protéineserait alors transportée jusque dans le noyauoù elle activerait l’expression du gène twist.Un même mécanisme serait en jeu dans l’ac-tivation du gène twist dans des tumeurscancéreuses (voir l’encadré page ci-contre).

L’induction mécanique a été trouvéedepuis dans d’autres étapes du dévelop-pement embryonnaire de la drosophile. Ilest vraisemblable qu’elle est aussi à l’œuvrechez les embryons de vertébrés ; nous ten-tons actuellement de le vérifier sur un autremodèle animal.

Ainsi, certains événements majeurs dudéveloppement embryonnaire, comme icila formation d’un tube digestif fonction-nel, ne sont pas plus sous le contrôle exclu-sif des gènes du développement, que sousle contrôle exclusif de forces mécaniquesou hydrodynamiques. Ils sont plutôt leproduit de leur couplage. Cette concep-tion d’une interaction réciproque dugénome, des protéines et des contraintesmécaniques liées à la morphogenèseouvrent de nouvelles perspectives utilesen biologie, mais aussi en médecine. ■

6. LA PROTÉINE ARMADILLO DE LA DROSOPHILE déclenche l’ex-pression du gène twist dans les cellules stomodéales sous l’effet d’unecontrainte (a). Elle fait partie d’un réseau moléculaire à base d’actineet de myosine, situé sous la membrane des cellules et relié à une pro-téine de liaison des cellules, la cadhérine E (b). Sous l’effet de la com-

pression, Armadillo se décroche de la cadhérine E et pénètre dans le noyauoù elle active l’expression de twist (c). Ce processus requiert la protéineSrc42A, qui régule l’interaction de Armadillo avec la cadhérine E. Finale-ment, la protéine Twist contrôle l’état de différenciation fonctionnelle dutube digestif antérieur et – cela reste à démontrer – sa forme (d).

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a d

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Membranecellulaire

Cadhérine E

Actine

Myosine

Src42A

Armadillo

Noyau

Cellules différenciéesCellules comprimées

Activationdu gène

twistArmadillo

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