plotin et les mystères d_Éleusis f. picavet-1

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  • 8/13/2019 Plotin et les mystres d_leusis F. Picavet-1

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    Plotin et les mystresd'leusis / F. Picavet

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

    http://www.bnf.fr/http://gallica.bnf.fr/
  • 8/13/2019 Plotin et les mystres d_leusis F. Picavet-1

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    Picavet, Franois (1851-1921). Plotin et les mystres d'leusis / F. Picavet. 1903.

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    ANNALHS DU MUSEE GUtMET

    REVUE

    V P' 1.

    L'RI8f;OIE 'DES .IEUG InN S

    t'CBt.)ERtOMLJt[)tMTtOXM[If.

    At. J EAN RVILLE.

    AYMLKCOXCOLfOt))M. K. AA!'L)!

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    '~LOTIN

    ET'LES~STRESD'ELEUSIS

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    !:1: r- vPLOTN

    )' ET ~S

    MYSTRES D'ELEUStS

    u.

    ~h~~

    Les articles fort intressants que M. Goblet d'Alviella a

    publis rcemment dans la Revue de /'Z7M/

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    REVUE DE L 'IIISTOIIIE DES RKUGIOXS4

    taient des initis d'leusis, et la charge d'hirophante, au

    m" et au IVe sicle de notre re, fut occupe plus d'une fois

    par des philosopher no-platoniciens. Jamais peut-tre l'ac-

    cord ne fut plus troit entre la religion et la philosophie .

    Je voudrais indiquer brivement comment Plotin, dont le

    nom et les uvres n'ont pas t rappels, notre connais-sance, par ceux qui ontle mieux tudi les mystres d'Eleusis,a substitu l'interprtation stocienne celle qui a t ac-

    cepte par son cole et par les partisans de l'hellnisme, puisen tirer quelques consquences qui ne semblent pas sans

    valeur pour clairer l'histoire du christianisme lui-mme.

    i

    t

    La philosophie no-platonicienne se prsente d'abord

    comme une initiation rserve ceux qu'on en a jugs dignes

    < Hrennius, Origne et Plotin, crit Porphyre dans la Vie de Plotin,

    taient convenus de tenir secrte la doctrine qu'ils avaient reue d'Am-

    monius. Plotin observa cette convention. Hrennius fut le premier qui

    la viola, ce qui fut imit par Origne. a dernier se borna crire un

    l ivre -Sxf les /~HO))~; et sous le rgne de Gallien, il en fit un autre

    pour prouverque Le Roi M

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    P LOT IN E T L ES My ST &R ES D ~LEU StS 5

    OH ne /e~ cotnmt

    Un jour, crit Porphyre, qu' la fte de Platon je lisais un pomesur te~ar/a~c sacr, quelqu'un dit que j'tais fou, parce qu'il y avait,dans cet ouvrage, de l'enthousiasme et du mysticisme. Plotin prit alors

    la parole et me dit d'une faon tre entendu de tout le monde Vous venez de nous prouver que vous tes en mme temps pote, philo-sophe et /

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    REVUE M L'HISTOIRE DES REUGtOKS6

    gible et contempler le Bien qui est le principe du Beau. Par

    le vice, par l'ignorance, l'me s'loigne de son essence et

    tombe dans la fange de la matire; par la vertu, par la

    science,elle se purifie des souillures qu'elle avait contractes

    dans son alliance avec le corps et elle s'lve l'intelligence

    divine, de laquelle elle tient toute sa beaut.Ds ce premier livre, Plotin fait intervenir trois reprises

    les Mystres pour en expliquer l'institution, les rites, les pra-

    tiques et en esquisser l'interprtation

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    P.OTM ET LES MYSTHES D'LEUStS 7

    Il nous r este maintenant remonter au Bien auquel toute me as-

    pire'. Quiconque l'a vu, connat t ce qui me r este dire, sait quelle est

    la beaut du Bien. En effet le Bien est dsirable par tui mme i l es t le

    but de nos dsirs. Pour l'atteindre, il faut nous lever vers les rgions

    suprieures, nous tourner vers el les et nous dpouiller du vtement que

    nous avons revtu en descendant ici-bas, comme, dans les mystres

    ceux qui sont admis pntrer au fond du sanctuaire, aprs s'tre pu-

    rifis, dpouillent tout vtement et s'avancent compltement nus.

    Au paragraphe suivant, Plotin substitue son idal de

    l'homme sage et heureux celui des Stociens et indique

    plus clairement encore s on intention de remplacer leur inter-

    prtation allgorique des Mystres par celle qu'il puisera

    dans sa propre doctrine. Celui qui est malheureux, dit-il

    d'abord, ce n'est pas celui qui ne possde ni de belles cou-

    leurs, ni de beaux corps, ni la puissance, ni la domination,

    ni la royaut, mais celui-l seul qui se voit exclu uniquement

    de la possession de la Beaut, possession au prix de laquelle

    il faut ddaigner les royauts, la domination de la terre en-

    tire, de la mer, du ciel mme, si l'on peut, en abandonnant

    et en mprisant tout cela, contempler la Beaut face face.

    Puis il ajoute

    Comment faut-il s'y prendre, que faut-il faire pourarriver contem-

    pler cette Beaut ineffable qui, comme la divinit dans les Mystres,

    nous reste cache au fond d'un sanctuaire et ne se montre pas au dehors,

    pour ne pas tre aperue des profanes? Qu'il s'avance dans ce sanc-

    tuaire, qu'il y pntre celui qui en a la force, en fermant les yeux au

    spectacle des choses terrestres et sans jeter un regard en arrire sur les

    corps dont les grces le charmaient jadis*.

    Le livre que Plotin a crit le 9' e t qui porte sur le Bien et

    1) I

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    REVUE DE L'mSTOtRt; t'KS HEUGtOXS8

    l'Un, a paru d'une importance extrme a Porphyre, qui l'a

    plac le 9' dans la Vf Ennade, c'est--dire le dernier de

    toute son dition. En fait c'est un de ceux qu'on tudie avec

    le plus grand profit, quand on cherche saisir rapidement.

    dans ses traits essentiels, la philosophie noplatonicienne,

    Plotin ytraite d'abord de l'Un qu'il distingue de l'Intelligence

    et de l'tre qu'on ne saisit, ni par la science, ni par la

    pense qui est le principe parfaitement simple de tous les

    tres, indivisible, infini, absolu, le Bien considr d'une ma-

    nire tout a fait transcendante. Puis Plotin affirme que nous

    pouvons nous unir l 'Un et que cette union, momentane

    dans notre existence actuelle, est appele a tre perma-

    nente, peut-tre dfinitive. tre uni a Dieu, c'est notre vie

    vritable. Et nous sommes en tat de nous unir a lui, d'un

    ct, parce qu'il est prsent a tous les tres, de l'autre, parce

    qu'il nous suffit

    pour cela de faire

    disparattre en nous toute

    diffrence. Cette union, qui est la vie des dieux, des hommes

    divins et bienheureux, constitue un tat ineffable, extase,

    simplification, don de soi, etc. Si l'me ne peut la maintenir,

    c'est qu'elle n'est pas encore tout a fait dtache des choses

    d'ici-bas, qu'elle ne s'est pas encore identifie l'Un.

    En somme, ce l ivre est bien caractristique de l'poque

    thologique ou mdivale puisqu'il est tout entier employ

    a dterminer ce qu'est la premire hypostase ou le Dieu su-

    prme, et de quelle manire nous arrivons a nous attacher

    lui et atteindre ainsi la vie bienheureuse.

    Or Plotin y fait deux choses galement significatives aupoint de vue qui nous occupe. On sait que la formule clbre

    attribue a saint Paul c'est en Dieu que nous vivons, quenous

    sommes et que nous nous mouvons rattache par l'aptrelui-mme aux doctrines stociennes, a trouv dans ce livre

    de Plotin, une interprtation toute spiritualiste qui, parsaint

    Augustin et ses successeurs mdivistes, est passe a Bos-

    1) Voir le Moyen-Age dans En

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    PLOTtK ET LES MYSTHKS D'ELEUSIS 9

    suet, a Malebranche et a Fnelon. Par ce cte, Plotin a donc

    grandement contribu a l'laboration de la thologie chr-

    tienne. Mais il a aussi, en cela mme, travaill a introduire

    sa philosophie dans les Mystres dont il curait une explica-tion moins matrialiste et plus satisfaisante pour les ten-

    dances religieuses de ses contemporains que celle de sesprdcesseurs les Stociens.

    il faut citer, en son entier, le t qui termine l'dition

    de Porphyre et qui, en raison mme des principes qui l'ont

    dirig, lui parat tenir une place considrable dans le sys-terne:

    < Cer~M c'Mayant dpass d/~ aussi le c~ur des vertus, comme

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    REVOt: HK L'titSIOtHE DES KKUG! OXS

    c 'est ce qui est avant toutes choses. Car certes, ce n'est pas au non-tre

    absolumentqu'ira

    la nature de l'me mais, d'unct,

    tant a lle en

    bas, elle viendra dans le m al et a insi vers le non-tre, non toutefois

    vers le non-tre qui le serait d'une faon acheve. De l'autre, ayant par-couru la voie contraire, elle viendra non autre chose, mais elle-

    mme et a insi n'tant pas dans autre chose, il n'en rsulte pas qu'ellen'est dans aucune chose, mais qu'elle es t en e lle-mme. Et ce lui qui est

    en elle-mme seule, non dans l'tre, est dans ce lui- l. Car i t devient

    ainsi lui-mme non quelque essence, mais suprieur l 'essence dans

    la mesure o il a commerce avec celui-l. Si donc quelqu'un se voit

    devenu cela, il a lui-mme une image de celui- let s 'i l passe au-dessus

    de lui-mme, comme une image allant vers son archtype, il atteindra

    la fin d e sa marche. Mais tombant et perdant cette vue, i l vei llera de

    nouveau la vertu, celle qui est en lui-mme, il s'observera lui-mme, mis

    en ordre de toute faon; il sera de nouveau attg et i l ira par la vertuvers l 'Intelligence, par la sagesse vers Lui (le Bien ou t'Un). Et telle est

    la vie des Dieux, telle est la vie d es hommes divins et ayant e n eux un

    bon dmon, dtachement des autres choses, celles d'ici, vie non rendue

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    PLOTt'< KT LES MYSTRKS D'LEUSIS ii

    agrab)e par les choses d'ici, fuite de celui qui est seul vers~etui qui est

    seul't.

    Ainsi Plotin dbute par rappeler la dfense qui est faite

    dans les Mystres d'en dvoiler le secret aux hommes quin'ont pas t initis. On sait qu'il

    y

    a interdiction absolue,

    quoi qu'en ait pens M. Alfred Maury, de rvler aux pro-fanes les actes ou les paroles qui constituaient les secrets

    (-Mct~opp~a) de l'initiation. Lenormant et Pottier, Foucart et

    Goblet d'Alviella sont absolument d'accord sur ce point*.Mais Plotin explique cette dfense par une raison philoso-

    phique c'est que le divin n'est pas de nature tre divul-

    gu, c'est, comme le disait dj Platon dans un passage du

    Time souventreproduit par Plotin, que si c'est une grandeaffaire de dcouvrir l'auteur et le pre de cet univers, il est

    impossible, aprs l'avoir dcouvert, de le faire connatre

    tous (Time, 28 C.). Et sur cette explication repose, outrel'in-terprtation des Mystres d'leusis, la constitution de la tho-

    logie ngative qui,avec le Pseudo-Denys l'Aropagite, prendraune place si grande dans le christianisme.

    1)Nous avons essay de traduire ce texte aussi tittratement que possible,la traduction de B oui ll et n e n ou s ayant pas toujours paru suffisamment exacte.

    Onpeut consulter la traduction anglaise deTh. Taylor, Select WorAx o~P~oft-nus, p. 468 et suivantes. Nous ne donnons du texte grec queles passagesre-!atifsauxMysteresetdont)a traduction est souligne. -coOM ~c9!).tv :T;).o~ To

    TMV p'J~tt;p!M< TM~! ~TaY(tt, TO ji)) ~Xt.

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    HKVUH UE L'HSTOtH DES BELtGMXS12

    Plotin rappelle ensuite le rle du hirophante, en ce quiconcerne la communication aux initis des objets touchant

    de trs prs aux divinits des Mystres, probablement mme

    leurs effigies (~s;x~~). Ces statues ou attributs diucraient

    des attributs et des reprsentations exposes en dehors du

    pribole elles taient enfermes dans un sanctuaire (~Y~o/,

    ~Jt~o~) ou le hirophante pntrait seul. Elles en sortaient

    pour la fte des Mystres sous la garde des Eumolpides,elles taient transportes Athnes, mais voiles et caches

    aux regards des profanes. Pendant l 'une des nuits de l'initia-

    tion, les portes du sanctuaire s'ouvraient et le hirophante,en grand costume, montrait aux mystes assembls dans le

    -~TT

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    PLOTIN H T LES MY STf 'KK S M 'LEU St S 13

    plus d'un point, l'expression la plus parfaite des conceptions

    chres toute la priode thologique, qui s'tend de Philon

    Galile et Descartes.

    Le livre qui traite des trois hypostases principales, le

    dixime dans l'ordre chronologique, le premier de la cin-

    quime Ennade chez Porphyre, dveloppe ou complte les

    doctrines que nous avons signales dans le livre sur l'Un ou

    le Bien. L'me voit qu'elle a une affinit troite avec les

    choses divines elle se reprsente d'abord la grande me,

    toujours entire et indivisible, pntrant intimement le

    corps immense dont sa prsence vivifie et embellit toutes les

    parties. Ensuite l'intelligence divine, parfaite, immuable,

    ternelle, qui renferme toutes les ides, et constitue l'ar-

    chtype du monde sensible. Enfin, l'Un absolu, Ie

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    RKVUE M L' Ht STO mK DES R EU mO !< Si4

    On pourrait retrouver, dans la plupart des livres importantsde Plotin, des allusions, directes ou indirectes, aux Mystresd'Eleusis. Il nous suffira d'en mentionner quelques-unes,

    puisque nous avons, dans les citations prcdentes, une

    interprtation complte.

    Le second livre sur l'Ame, le 28' dans l'ordre chronolo-

    gique, le 4" de la 4" Enneadc dans l'dition de Porphyre, traite

    des mes qui font usage de la mmoire et d e l'imagination,des choses dont elles se souviennent. Il se demande si les

    mes des astres et l'me universelle ont besoin de l a m-

    moire et du raisonnement ou si elles se bornent contem-

    pler l'intelligence suprme. Il cherche quelles sont les diff-

    rences intellectuelles entre l 'me universelle, les mes des

    astres, l'me de la terre et les mes humaines, quelle est l'in-

    fluence exerce par les astres et en quoi consiste la puis-

    sance de lamagie.

    Bouilletsignale,

    avec raison,

    un beau

    passage qui se termine par ces lignes: Avant de sortir de la

    vie, l'homme sage connait quel sjour l'attend ncessaire-

    ment et l'esprance d'habiter un jour avec les dieux vient

    remplir sa vie de bonheur M(IV, 4, 45). C'est, dit-il, le

    dveloppement d'une pense de Pindare Heureux qui a vu

    les mystres d'Eleusis, avant d'tre mis sous terre Il connatl

    les fins de la vie et le commencement donn de Dieu .

    Ainsi dans son explication synthtique, Plotin fait entrer

    les potes et les philosophes, tous ceux qui, avant lui, four-

    nissent des lments propres figurer dans les constructions

    eschatologiques. Et comme le P. T homassin a encore auxvn" sicle, comment ce paragraphe de Plotin, avec bien

    d'autres paragraphes d'ailleurs, nous pouvons conclure que

    les thories du no-platonisme ont continu inspirer les

    chrtiens.

    Enfin dans le livre, qui est le 30" par l'ordre chronologique

    et le 8' de la 5 Ennade, Plotin s'occupe de la beaut intel-

    ligible et fait figurer toutes les essences dans le moudc

    1)/)'/M< p/o~opAtc", t,p. 81.Voir Bot

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    P LOTIN ET LES MYSTRES D'ELEUSIS i5

    intelligible, comme autant de statues qui sont visibles parelles-mmes et dont le spectacle donne aux spectateurs une

    ineffable flicit M.

    En rsum Plotin, dans les divers passages que nous avons

    rappels, superpose sa philosophie toutes les parties cons-

    titutives et essentielles des Mystres, de faon que tousceux qui, proccups du divin, placent un monde intelligibleau-dessus du monde sensible, substituent le principe de per-fection aux principes de causalit et de contradiction, seront

    conduits accepter son interprtation, s'ils conservent les

    Mystres; prendre pour eux ses doctrines, s'ils renoncent

    tout ce qui rappelle la rellgion antique. Et il faut noter que

    Plotinse met, cet gard, dans une position unique. Il

    pense bien moins dfendre les anciennes croyances qu'faire accepter son systme. S'il invoque les mythes, les

    Mystres ou mme les croyances populaires, c'est surtout

    pour montrer qu'il les complte, et qu'il en donne l'explicationla plus satisfaisante. Comme l'crit Olympiodore, dans son

    C'

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    KKVU DE t/mSTOIRE DES REUGtO~St6

    ses successeurs, la religion pour laquelle ils ont rsolu de

    combattre. C'est c e qui apparat manifestement chez le com-

    mentateur Thcmistius, mort aprs 387, chez Olympiodore le

    jeune, le contemporain de Simplicius, comme chez Jam-

    blique, Proclus ou l'auteur des ~p~f/M B'ey~

    La sagesse, crit Thmistius, fruit do son gnie et de son travail,

    Aristote l'avait recouverte d'obscurit et enveloppe de tnbres, ne

    voulant ni en priver les bons, ni )a jeter dans les carrefours; toi (mon

    pre) tu as pris part ceux qui en taient dignes et pour eux tu as dis-

    sip les tnbres et mis nu les statues. Le nophyte, qui venai t de

    s'approcher des lieux saints, tai t saisi de vertige et frissonnait; triste

    et dnu de secours, il ne savait ni suivre la trace de ceux qui l'avaient

    prcd, ni s 'attacher rien qui pt le guider et le conduire dans l 'in-

    trieur tu vins alors t'offr ir comme hirophante, tu ouvris la porte du

    vestibule du temple, tu disposas les draperies de la statue, tu l'ornas,

    tu la polis de toutes parts, et tu la montras l'initi toute brillante et

    toute resplendissante d'un clat divin, et le nuage pais qui couvrait ses

    yeux se dissipa; et d u sein des profondeurs sortit l'intelligence, toutepleine d 'clat et de splendeur, aprs avoir t enveloppe d'obscurit;

    et Aphrodite a~at x< la clar t de la fo~ 'c~e que

    initiations; enfin l'intuition pure des ides l ' intuition mystique. Le

    but des mystres est de r amener les mes leur principe, l eur tat

    primitif et {inal, c'est--dire /n vie en Zeus dont e~M M~ ~Mec~t!)~,

    avec /~oH't

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    PMTt~ E T LES MYSTtHES D'LKUStS 17

    duction du no-platonisme dans les Mystres, que jamais

    peut-tre l'accord ne fut plus troit entre la religion et la

    philosophie ajoute Mais ce fut le chant du cygne des

    Mystres comme du paganisme lui-mme M. M. Jean Rvillc

    a, de son cte, pens que les Mystres, en inculquant des

    doctrines peut-tre aussi leves que celles du Christianisme,ne firent ainsi que prcipiter leur dfaite, que travailler pour

    l'vaugile. Du jour, dit en terminant M. Goblet d'Aviella,

    o Alexandrie, une fraction des no-platoniciens passa avec

    armes et bagages dans le camp de l'glise naissante, la chute

    du paganisme ne fut plus qu'une question d'annes ').

    Il faut distinguer, ce semble, e ntre le plotinisme et la

    religion hellnique. La 'ruine de celle-ci semble avoir t

    avant tout la consquence de luttes politiques o la violence

    eut infinimentplusde part que lesconvictions philosophiques.Ainsi Constantin place la croix sur le labarum, permet aux

    chrtiens d'exercer librement leur culte par l'dit de Ililanen 3i3, les favorise ouvertement, prside un concile, cons-

    truit une glise chrtienne a Constantinople et porte a son

    casque un clou de la vraie croix; mais il reste Grand Pontife,

    il laisse reprsenter le Dieu-Soleil sur les monnaies, difie a

    Constantinople un temple de la Victoire et ne se fait baptiser

    qu'au moment de sa mort. De mme en ce qui concerne le

    sanctuaire d'Eleusis. M. Gohlet d'Alviella crit En 396,les Goths reparurent en Afrique, conduits par Alaric; les

    moines qui avaient acquis assez d'influence sur l'envahisseur

    pour lui faire

    pargner Athnes, durent lui

    persuader ais-

    ment de se ddommager sur le sanctuaire des Bonnes Desses,

    qui fut livr au pillage et l'incendie . Enfin, quand le mari

    de Thodora, Justinien, fermait en 529 les coles d'Athnes

    o Simplicius et ses amis dfendaient encore, avec le no-

    platonisme, la religion hellnique, il semble bien qu'il ne

    songeait gure a faire triompher les doctrines les plusleves M.

    Le no-platonisme survcut a l'hellnisme. M. Goblet d'Al-

    viella a montr l'influence des Mystres sur les gnostiques,

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    REVUE M t.'H!STOtM DES M MGMXSi8

    sur les chrtiens qui font des emprunts leur terminologie,

    qui distinguent des catchumnes et des ndles qui insti-

    tuent des rites et des formules dont on ne doit pas donner

    connaissance aux non initis qui ont des degrs d'initiation

    et qui utilisent, dans toutes les communauts fondes en

    terre paenne, comme on le voit par l'art des catacombes,les applications du symbolisme des Mystres qui s'en ins-

    pirent pour la cne et pour la messe, comme pour le dve-

    loppement de l'ide sacerdotale. Si donc l'interprtation de

    Plotin s'est jointe aux Mystres et si Plotin s'est attach

    dvelopper une thologie, plutt mtaphysique que l ie la

    religion antique, il en rsulte que son systme fut transmis

    aux chrtiens en mme temps que les Mystres.En outre M. Goblet d'Alviella est d'accord avec Edwin

    Hatch, pour qui l'organisation et les rites des communauts

    chrtiennes en terre hellnique, avec Harnack, pour qui les

    dogmes dans leur conception et leur structure, sont l'oeuvre

    de l'esprit grec sur le terrain de l'vangile. Je crois qu'il est

    possible d'aller plus loin et d'tre plus prcis. Le Ploti-

    nisme a t la synthse, d'un point de vue thologique et

    mystique, de la philosophie et de la pense grecques, de

    celle mme qui, avec Philon, t enta de c oncilier les Grecs

    et les Hbreux. Il constitue, pour cette raison et aussi

    cause du gnie de son auteur, la doctrine la plus complte,la mieux lie, la plus extensive et la plus exacte dans les d-

    tails qu'on puisse souhaiter quand ou admet l'existence d'un

    monde intelligible, tir par abstraction de l'analyse de l'me,quand on prend pour rgle de sa pense et pour rgle aussi

    des choses existantes, le principe de perfection, tout en

    s'efforant de laisser aux principes de contradiction et de

    causalit, une place aussi grande que possible dans le monde

    sensible. Aussi a-t-il t la source o ont le plus souvent

    puis tous les mtaphysiciens et tous les thologiens qui ont

    plac, au premier rang de leurs proccupations, l'existence,

    la nature de Dieu et l'immortalit de l'me humaine. Mais

    comme la doctrine philosophique des noplatoniciens qui

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    PLOTIN KT LES MYSTRES K'LEOStS -19

    continueront Plotin fut souvent unie des croyances oppo-ses au christianisme, comme elle suivit celle du matre, et

    n'en fut pas toujours distingue, elle fut plus d'une fois

    mise contribution par les htrodoxes. De telle sorte quele no-platonisme a aliment toute la spculation des dogma-

    tiques et des mystiques du moyen ge. qu'ils se rclament ou

    non de l'orthodoxie.

    Il faudraitplusieurs

    volumespour

    l'ta-

    blir, pour montrer qu'il constitue, bien plus que l'aristot-

    lisme, le facteur le plus important, on dehors de l'Ancien et

    du Nouveau Testament, au sens large du mot, comme du

    Coran lui-mme, auquel il convient de rapporter l'institu-

    tion des doctrines mdivales. Qu'il nous suffise de rappelerles noms d'Origne, qui semble bien avoir t le condisciplede Plotin, des trois lumires de l'glise de Cappadoce, saint

    Basile, saint Grgoire de Nysse, saint Grgoire de Nazianze,

    de saint Cyrille, l'adversaire d'Hypatie, qui combat Julien

    avec Plotin, de saint Augustin', du pseudo-Dcnysl'Aropagite

    et de Roce, de Jean Scot Hrigne et de saint Anselme, desVictorins et d'Avicebron, de Maimonide et d'Averros, des

    Amauriciens, de saint Thomas et des mystiques allemands,de Descartes, de Spinoza, de Malebranche, de Bossuet, de

    Thomassin, de Fnelon et de Leibnitx. L'examen des textes,

    emprunts la plupart d'entre eux, que Bouillet rapprochede ceux de Plotin et de ses continuateurs, nous permettrait,sans mme procder une recension exacte, de conclure

    une fois de plus que l'on ne peut comprendre la spculation

    thologico-mtaphysique et mystique du moyen-ge, si l'on

    n'y fait rentrer Plotin et son cole*.

    i) Voir le travailprparnotreconfrence des Hautes tudes parM. Grand-georgesurSaintAugustin et leA'~o-~afon~me (Bibliothque des Hautestudes,section des sciences religieuses).

    2) Voir le Moyen-Age, Caractristique theotogico-mtaphysique dans Bnft'