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RDP2007-1-011 Revue du droit public et de la science politique en France et à l'Étranger, 01 janvier 2007 n° 1, P. 193 - Tous droits réservés Droit public Regard critique sur les leçons d'un « maître » du droit constitutionnel Le cas Adhémar Esmein (1848-1913) par Stéphane PINON Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise SOMMAIRE I. _ LA NAISSANCE DE LA DOCTRINE D'ESMEIN II. _ QUELQUES TRAITS SAILLANTS DE LA DOCTRINE D'ESMEIN A. _ La classification des formes de gouvernement B. _ La définition du régime parlementaire III. _ LE RETOUR INSTRUCTIF SUR LA DOCTRINE D'ESMEIN Étudier Esmein c'est entrer dans le champ des surprises. La première ? Le prénom « Adhémar », dont on ne trouve nulle trace sur l'état civil du jeune Jean Paul Hippolyte Emmanuel Esmein, né le 1 er février 1848 dans un petit village de Charente appelé Touvérac, près d'Angoulême. Et pour cause, ce fils d'un maître des postes reçut très tôt de son père le surnom d'« Adhémar ». Pour ce dernier, il y avait là l'occasion de le différencier (les prénoms comme « Jean » ou « Paul » étant très communs à l'époque) et l'occasion surtout de faire référence à un lointain ancêtre _ mentionné sur les archives locales _, chevaucheur du roi au XVI e , et répondant au nom d'« Ademarus Emeno ». Il aurait donc donné à son fils, comme « surnom », le prénom du plus lointain ascendant auxquelles ses recherches l'avaient mené... (1) La seconde ? Lorsque le budget des Facultés d'État de théologie est supprimé en mars 1885, les républicains au pouvoir (Jules Ferry, Paul Bert, René Goblet, etc.) songent maintenir le cours de droit canonique. Plus précisément, ils envisagent de le laïciser en créant au sein de l'École pratique des Hautes études une « section des sciences religieuses ». Mais à qui le confier ? Il fallait tout à la fois trouver le professeur qui possède le capital scientifique suffisant et les « vertus » idéologiques pour occuper ce cours. En 1886, le choix se porte sur Esmein. Avec lui, le ministère de l'Instruction publique a la certitude que la défense du pouvoir temporel est assurée, tout comme la politique de laïcisation de la société républicaine (2) . La troisième ? Il n'a pas inventé la distinction « souveraineté nationale / souveraineté populaire » comme on a pu si souvent le dire (3) . La quatrième ? Ce défenseur du parlementarisme, du régime des libertés (4) , éprouvait un profond mépris pour les droits de la « minorité » politique. Déjà très acérée dans son article célèbre sur les « Deux formes de gouvernement » (publié dans le 1 er numéro de la Revue du Droit Public et de la science politique en France et à l'étranger, 1894, p. 37), sa critique s'amplifie encore davantage dans les Éléments de droit constitutionnel français et comparé : « Tant qu'une minorité reste telle dans le pays, son rôle légitime ne consiste point à réclamer une part dans le gouvernement, mais à s'efforcer de gagner des adhérents pour devenir la majorité ». Quelques pages plus loin, raillant cette fois la tentation de représenter les minorités par le recours au scrutin proportionnel : « C'est l'amour du nouveau, si puissant sur nos contemporains et surtout sur les Français. C'est l'audace dans la calomnie et le goût du scandale, dont profitent surtout les minorités tumultueuses et sans responsabilité » (5) . L'énumération doit toucher à sa fin, non qu'elle s'épuise, mais parce qu'elle s'étire sur d'innombrables domaines. Il

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  • RDP2007-1-011

    Revue du droit public et de la science politique en France et l'tranger, 01 janvier 2007 n 1, P. 193 - Tousdroits rservs

    Droit public

    Regard critique sur les leons d'un matre du droit constitutionnel

    Le cas Adhmar Esmein (1848-1913)par Stphane PINON

    Matre de confrences l'Universit de Cergy-Pontoise

    SOMMAIRE

    I. _ LA NAISSANCE DE LA DOCTRINE D'ESMEIN

    II. _ QUELQUES TRAITS SAILLANTS DE LA DOCTRINE D'ESMEIN

    A. _ La classification des formes de gouvernement

    B. _ La dfinition du rgime parlementaire

    III. _ LE RETOUR INSTRUCTIF SUR LA DOCTRINE D'ESMEIN

    tudier Esmein c'est entrer dans le champ des surprises. La premire ? Le prnom Adhmar , dont on ne trouvenulle trace sur l'tat civil du jeune Jean Paul Hippolyte Emmanuel Esmein, n le 1er fvrier 1848 dans un petit villagede Charente appel Touvrac, prs d'Angoulme. Et pour cause, ce fils d'un matre des postes reut trs tt de sonpre le surnom d' Adhmar . Pour ce dernier, il y avait l l'occasion de le diffrencier (les prnoms comme Jean ou Paul tant trs communs l'poque) et l'occasion surtout de faire rfrence un lointain anctre _mentionn sur les archives locales _, chevaucheur du roi au XVIe, et rpondant au nom d' Ademarus Emeno . Ilaurait donc donn son fils, comme surnom , le prnom du plus lointain ascendant auxquelles ses recherchesl'avaient men... (1)

    La seconde ? Lorsque le budget des Facults d'tat de thologie est supprim en mars 1885, les rpublicains aupouvoir (Jules Ferry, Paul Bert, Ren Goblet, etc.) songent maintenir le cours de droit canonique. Plus prcisment,ils envisagent de le laciser en crant au sein de l'cole pratique des Hautes tudes une section des sciencesreligieuses . Mais qui le confier ? Il fallait tout la fois trouver le professeur qui possde le capital scientifiquesuffisant et les vertus idologiques pour occuper ce cours. En 1886, le choix se porte sur Esmein. Avec lui, leministre de l'Instruction publique a la certitude que la dfense du pouvoir temporel est assure, tout comme lapolitique de lacisation de la socit rpublicaine (2) .

    La troisime ? Il n'a pas invent la distinction souverainet nationale / souverainet populaire comme on a pu sisouvent le dire (3) . La quatrime ? Ce dfenseur du parlementarisme, du rgime des liberts (4) , prouvait unprofond mpris pour les droits de la minorit politique. Dj trs acre dans son article clbre sur les Deuxformes de gouvernement (publi dans le 1er numro de la Revue du Droit Public et de la science politique enFrance et l'tranger, 1894, p. 37), sa critique s'amplifie encore davantage dans les lments de droitconstitutionnel franais et compar : Tant qu'une minorit reste telle dans le pays, son rle lgitime ne consistepoint rclamer une part dans le gouvernement, mais s'efforcer de gagner des adhrents pour devenir la majorit. Quelques pages plus loin, raillant cette fois la tentation de reprsenter les minorits par le recours au scrutinproportionnel : C'est l'amour du nouveau, si puissant sur nos contemporains et surtout sur les Franais. C'estl'audace dans la calomnie et le got du scandale, dont profitent surtout les minorits tumultueuses et sansresponsabilit (5) .

    L'numration doit toucher sa fin, non qu'elle s'puise, mais parce qu'elle s'tire sur d'innombrables domaines. Il

  • est donc ncessaire d'y mettre un peu d'ordre.

    Le pre fondateur de la discipline du droit constitutionnel _ notre matre tous crivait Maurice Hauriou _tait certes un vritable horloger des institutions politiques de la IIIe Rpublique. Mais il tait aussi un historien dudroit (6) , un spcialiste du droit canon (7) , du droit romain (8) , et mme un minent privatiste (9) . Plus tard, il vamme co-diriger la Revue trimestrielle de droit civil, marquant la discipline de son empreinte par un article inauguralrest clbre : La jurisprudence et la doctrine de 1902. ct de ses qualits propres _ une incroyable rudition,une documentation franaise et trangre prodigieuse (10) _, le concours unique de l'agrgation (11) a bienentendu une large part d'explication dans cette facult de pouvoir tout enseigner et dans l'panouissement, pour direcomme Julien Bonnecase, de cet esprit universel (12) . Le cadre strict d'un article ne nous offre videmment pasla possibilit de couvrir toutes les facettes scientifiques du personnage. La dcouverte du Esmein constitutionnaliste suffira bien notre tonnement.

    Car paradoxalement, ce matre penser du droit constitutionnel reste assez peu connu. Aucun ouvrage, aucunethse de doctorat ne lui a t consacr... aucun colloque non plus (13) . Outre la prsence de quelques mmoires de3e cycle (14) , seuls deux articles cibls peuvent tre rfrencs : celui de Jean-Louis Halprin intitul AdhmarEsmein et les ambitions de l'histoire du droit (Revue d'histoire du droit, juill.-sept. 1997, pp. 415-433) et celui deGrard Conac sur Adhmar Esmein, thoricien du systme constitutionnel amricain (Mlanges offerts PatriceGlard, Montchrestien, 1999, pp. 13-21) (15) . Quant la rdition bienvenue des lments de droit constitutionnelfranais et compar (la 6e d. de 1914, avec une prface de Dominique Chagnollaud) par les ditions Panthon-Assas en 2001, elle rend videmment plus accessible la lecture d'Esmein, mais ne saurait constituer une tapesuffisante dans la connaissance de l'auteur.

    Parmi les raisons de ce quasi silence de l'historiographie juridique, plusieurs ont dj t avances. GuillaumeSacriste relve par exemple que les travaux bibliographiques d'envergures manquent sur les grands noms du droitpublic franais (16) . Il y voit une volont des gnrations suivantes de ne pas briser le mythe. Comme leursdoctrines font l'objet d'une sorte de culte rendu par rvrence et dfrence l'autorit traditionnelle , il estprfrable de laisser croire que toute leur vie formait la doctrine (17) . En d'autres termes, on n'a jamais vouluvraiment courir le risque de mettre au jour le conditionnement de l'univers juridique des matres par les intrtset les passions du monde social ; il serait plus inconvenant encore d'apprendre qu'un engagement politique a pumodeler toutes leurs constructions. Le dcoupage disciplinaire pratiqu aujourd'hui constitue coup sr undeuxime obstacle sur le chemin d'une redcouverte des matres , ces derniers tant pour la plupart de vraisgnralistes. Peut-tre aussi que certains _ accrochs une vision apaisante du savoir _ ont pens qu'en cestemps reculs de gense de la doctrine, il n'y avait plus rien puiser (18) . Et que dire de la position pour le moinsinconfortable du jeune chercheur devant des penses aussi riches, aussi globalisantes. Livr ple-mle au pigede l'intimit intellectuelle que ce type de travail engendre entre l'auteur comment et son commentateur , il risquede se laisser compltement investir par la pense qu'il tudie, d'abdiquer devant elle tout esprit critique et de setrouver rduit au rle de simple cho des ides d'autrui (19) .

    Concernant le cas Esmein, le premier lment d'explication est incontestablement prendre en compte tant labranche constitutionnelle a vu ses savants vouer un attachement quasi superstitieux aux enseignements dupass, tant les matres ont longtemps fait figure d'oracles (20) . Mais aujourd'hui que la dette semble s'effacer,qu'enfle de plus en plus une contestation du magistre des juristes de la premire gnration (21) , commentexpliquer qu'Esmein reste dans l'ombre ? Sans doute faut-il y voir la crainte d'tre confront soudainement auvertige. C'est en effet de a qu'il s'agit. Car revenir sur l'oeuvre d'Esmein sans parti pris apologtique peut aboutir se dfaire de l'enseignement reu, jeter les vieux manuels (parfois les plus rcents), considrer la distinction Lgislatif _ Excutif comme une ide fausse, les rgimes de sparation stricte ou souple des pouvoirscomme une vue de l'esprit, l'unicit de la souverainet comme une rcupration habile et idologique des thsesde Bodin, la thorie du mandat reprsentatif (oppos au mandat impratif) comme le moyen d'loignerdfinitivement la Rpublique des assauts du suffrage.

    l'heure du positivisme triomphant dans le discours juridique, on peut dire qu'Esmein tait l'antipositiviste parexcellence. Contrairement au prcepte lmentaire de toute science du droit, imposant de bien distinguer ladescription de ce qui est de la prescription de ce qui doit tre, Esmein dguisait l'adhsion pralable uneorientation idologique derrire l'apparente scientificit de ses modlisations thoriques. La science qu'il dgage est

  • donc purement normative . Comme le rsume fort bien Jean-Louis Halprin dans l'ultime phrase de son tude : S'il n'a pas t lui-mme fidle cette volont de dgager l'histoire du droit de toute doctrine prescriptive, c'est qu'l'aube de la spcialisation, il voulait mettre son amour du droit et de la technique juridique au service de laRpublique et de ses valeurs (22) . C'est d'ailleurs tout le sens de l'article : montrer que l'utilisation de cette mthode historique va servir de levier pour conforter sa fibre rpublicaine. Au prix d'une lecture partiale del'histoire, oriente par le but atteindre (la dfense des institutions de la IIIe Rpublique), Esmein cherche imposerl'ide d'un progrs continu de l'histoire constitutionnelle dont la Rpublique de 1875 serait l'aboutissement (23) .Pour parler comme Michel Troper, Esmein a cr des normes _ des jugements de valeur catgoriques (le lienindfectible entre sparation des pouvoirs et rgime des liberts par exemple) _ partir de principes a priori (24) . Ensomme, la mission qu'il reoit en 1889 d'enseigner le droit constitutionnel en Licence la Facult de droit de Parisse double d'une seconde, au combien stratgique pour le rgime : celle de diffuser une vision rpublicaine dumonde, d'laborer autrement dit un authentique catchisme (25) constitutionnel de la Rpublique. De fait, son degrd'affiliation aux gouvernements de l'poque est en tout point surprenant.

    Pour qualifier cet enrlement dans les institutions politiques rpublicaines _ donnant libre cours un systme de transactions collusives (26) diront les plus critiques _ on peut sans peine rhabiliter le terme de lgiste (27) .Esmein reprsentait en effet la parfaite figure du lgiste de la Rpublique . Comme on a pu l'observer, peu deprofesseurs de droit furent plus prsents dans les nombreuses commissions du ministre de l'Instruction publique ouplus honors par les divers rtributions que le ministre avait sa disposition (28) . Au nombre de ces rtributionssymboliques (socialement trs valorisantes) on le retrouve Prsident ou simple membre du jury d'agrgation demanire rgulire de 1890 1910, Prsident de la commission de discipline du Conseil suprieur de l'Instructionpublique (Conseil prsid par Ernest Lavisse), membre du Comit consultatif de l'enseignement public pour la section droit , membre d'autres commissions ministrielles comme le Comit des Travaux historiques etscientifiques (1901) ou la Commission de rvision du Code civil (1904). Esmein est fait officier de l'Instructionpublique, puis chevalier de la Lgion d'honneur le 31 dcembre 1897. Il est mme nomm membre supplant duTribunal des conflits ds 1893. Se noue donc un vaste systme d'changes, sur le mode donnant-donnant , quivalorise socialement le savoir scientifique du professeur de droit en mme temps qu'il l'incruste dans la sphrepolitique. En bref, ces honneurs ritrs du Pouvoir ne pouvaient s'accorder sans une diffusion fidle d'un systmescientifico-juridique proprement rpublicain. Avec lui, la Rpublique allait donc trouver, dans le monde universitaire,un relais de poids. ce titre il doit faire figure, aux yeux de la postrit, de porte-parole de la gnration qui travailla,comme Ernest Lavisse (1842-1922) (29) , enraciner dans la socit les institutions rpublicaines.

    Et assurment, pour atteindre cet objectif, rien n'est plus prcieux qu'un cours de droit constitutionnel. Legouvernement rpublicain l'a parfaitement compris lorsqu'il dcide dans un premier temps de diffuserl'enseignement de cette discipline dans toutes les Facults de France (dcret du 20 juillet 1882) et dans un second, travers la rforme dcisive du 24 juillet 1889, de crer un cours semestriel de droit constitutionnel en premireanne (jusqu'alors rserv aux tudiants de doctorat). D'aucuns y verront mme la consquence directe de la criseboulangiste. Un temps menace par le suffrage universel, venu rveiller le complexe de csar (30) , l'heure avaitsonn pour la Rpublique d'duquer l'expression dmocratique ou, d'aprs la formule d'Emile Boutmy, de refaireune tte de peuple (31) . Dans une priode de haute lutte pour l'enracinement de la jeune Rpublique, unenseignement approchant d'aussi prs l'exercice du pouvoir _ Olivier Beaud parle mme de liaisons intimes ou incestueuses entre le droit constitutionnel et la politique (32) _ ne pouvait laisser les gouvernants indiffrents.Autant avec un cours de droit constitutionnel dispens par un adversaire du rgime on pouvait craindre que l'imagination ardente des tudiants ne s'gare vers la contestation politique (33) , autant on pouvait esprer, en leconfiant un adepte des institutions, lgitimer le pouvoir en place et loigner la maldiction de 1848. En offrant Esmein le monopole de ce cours semestriel la Facult de Paris, le ministre de l'Instruction publique n'aura pas regretter son choix. La publication de son manuel en 1896 (lments de droit constitutionnel franais et compar), lepremier du genre (34) , en apporte quelques annes plus tard la certitude. Certes, les sentiments rpublicains n'ysont pas affichs avec ostentation ou militantisme ; mieux, ils apparaissent discrtement au fil des pages (...),tissant une toile assez serre pour aboutir une oeuvre de conviction, sinon de combat (35) .

    Tour tour, dans ce plaidoyer en faveur de la IIIe Rpublique, il voque le caractre naturel de la solutionparlementaire, l'aspect harmonieux et logique du systme de la dissolution ; il parle d'une juste moyenne etd'un bon quilibre propos du mandat de quatre ans des dputs ou d'une prsomption lgale des plus sages

  • s'agissant de l'inligibilit la prsidence des membres des familles ayant rgn sur la France (36) . Concernant lapratique du rgime parlementaire, de plus en plus brocarde (notamment pour son instabilit), Esmein crit : Nouscontinuons cependant avoir en lui la foi la plus profonde. Non seulement c'est la forme la plus souple et la plusperfectionne du gouvernement reprsentatif, mais c'est aussi la seule sous laquelle la France ait vraiment connu lalibert rgle (37) . propos maintenant de l'absence de Dclaration des droits dans les textes constitutionnels de1875, au coeur d'une controverse nourrie dans le milieu doctrinal (38) , Esmein tient rassurer ceux quitrouveraient trop prcaire la sret que notre systme donne aux droit individuels (...), la meilleure garantie cetgard, explique-t-il, se trouve dans les moeurs, dans l'esprit national et peut-tre aussi dans l'institution des deuxChambres (39) . En fin de compte, la IIIe Rpublique se prsenterait en elle-mme comme le plus solide rempartcontre la violation des droits individuels. Quant au scrutin uninominal par arrondissement, finalement rtabli par la loidu 13 fvrier 1889, il lui parat le mieux adapt aux habitudes et l'esprit de la trs grande majorit des lecteursFranais (40) . Son orthodoxie constitutionnelle est telle, sa volont de faire corps avec le systme institutionnel enplace tellement prononce, qu'il en arrive carter toute ide de novation. Ainsi, le suffrage des femmes, lerfrendum, le scrutin proportionnel, la reprsentation des minorits, tout est rejet comme attentatoire la mre Constitution de 1875. Comme il l'crit lui-mme pour clore la prface de la premire dition des lments, un brinimmodeste, c'est une tude qui doit rayonner largement dans une grande et libre Rpublique comme la ntre .Incontestablement, elle devait aussi rayonner pour la Rpublique (41) .

    De fait, avec Esmein, on est loin de l'exigence de neutralit axiologique prne par Max Weber, on est loin d'unenseignement postulant que l'observation des faits est le granit sur lequel doit se fonder une science (42) . Enralit, Esmein confond trs souvent l'analyse clinique des institutions et le parti pris politique. En d'autres temps,c'est d' escroquerie intellectuelle qu'il aurait t accus (43) . Comme le souligne J.-L. Halprin, les lments de1896 n'avaient pas seulement l'ambition de proposer un trait la fois lmentaire et scientifique : ilsapparaissent comme un plaidoyer argument en faveur d'une vision rpublicaine du droit constitutionnel (44) . rebours d'une exigence d'impartialit du discours juridique, le professeur mettait donc cette doctrine naissante, ettoutes ses modlisations thoriques, au service de l'idologie rpublicaine dominante de cette fin de sicle.

    I. _ LA NAISSANCE DE LA DOCTRINE D'ESMEINEn facilitant une telle complicit entre le droit savant et le Pouvoir, A. Esmein concourrait l'arrimage de la jeunesseuniversitaire aux institutions de 1875. Doit-on condamner Esmein pour cela ? La rponse peut se faire en deuxtemps : non sur un plan historique, oui sur un plan juridique.

    Historiquement d'abord, il faut relier l'engagement d'Esmein au climat passionnel des trois dernires dcennies dusicle. Aprs quatre ans d'attente, les lois constitutionnelles de la Rpublique sont enfin votes au cours de l'anne1875 (l'anne o Esmein est reu au concours de l'agrgation). En janvier 1879, les rpublicains gagnent enfin lamajorit au Snat, Jules Grvy remplace Mac Mahon l'lyse ; au mois de juin, Paris redevient capitale politiquedu rgime, les Chambres y sigent de nouveau (c'est l'anne o Esmein quitte Douai pour intgrer la Facult dedroit de Paris). Le gnral Boulanger arrive au fate de sa carrire politique en janvier 1889 (l'anne o il a la chargedu cours semestriel de droit constitutionnel) ; dix ans plus tard (au moment o sort la deuxime dition de seslments), l'affaire Dreyfus lance nouveau contre le rgime une droite nationaliste singulirement renforce. Lesmaldictions du pass rdent encore, celles qui incitaient Louis Blanc dire, en 1875, que la Rpublique, enFrance, n'avait jamais eu sa chance puisqu'elle avait toujours t trangle au berceau (45) . En dfinitive, lorsquel'opportunit est donne Esmein de devenir le chef de fil de la doctrine constitutionnelle naissante, pour tous lesrpublicains de conviction, l'objectif est de faire passer la Rpublique de l'utopie la ralit. Et pour cela, il taitimprieux de rgnrer les consciences par l'enseignement et l'ducation. Sur la foi d'Ernest Renan, n'est-ce pasd'ailleurs le professeur prussien qui a gagn la guerre ? Pour les rpublicains franais, le temps tait venu, leurtour, de gagner les esprits. Les instituteurs y contriburent ardemment tout comme les universitaires. L'historienCharles Seignobos laisse par exemple son engagement politique surdterminer l'orientation de ses recherches.Dreyfusard de la premire heure, il participe toutes les entreprises de diffusion des valeurs de son camp. PourChristophe Charle, la seule perspective cohrente est celle du primat du politique dans le choix de notre historien (46) . La grande figure de la sociologie mile Durkheim, protg et soutenu par Louis Liard, incarne lui aussi latentative de constitution officielle d'une science par et pour la Rpublique (47) .

  • La Rpublique est encore fragile, elle n'est pas acquise, elle reste conqurir. La cration de l'cole libre dessciences politiques en 1872 sous l'impulsion d'mile Boutmy doit y contribuer (48) , tout comme la cration d'unechaire de droit constitutionnel la Facult de Paris en 1879 (confie au trs rpublicain doyen de Nancy PhilippeJalabert), tout comme le cours de droit constitutionnel dispens par Esmein aux tudiants de premire anne dixans plus tard. La permabilit affiche de leur doctrine au pouvoir politique est en mesure, juge-t-on au Ministre, desolidifier le rgime par la diffusion d'un vrai catchisme rpublicain. En effet, quelle ressource de toute premireimportance que ce cours de premire anne ! Plus d'un millier d'tudiants le suivent rgulirement, disposs pour ungrand nombre d'entre eux se procurer le manuel du matre (les lments). Les ditions Larose et Forcel nes'y trompent pas ; ds sa sortie en 1896, l'ouvrage rencontre un vif et prompt succs auprs des savants et destudiants (49) . Presque vingt ans aprs, Joseph-Barthlemy tmoigne que ce trait de droit constitutionnel s'estimpos aux tudiants de nos universits ; il a pris sans retard sa place dfinitive parmi les quelques livres que tousceux qui s'intressent la science politique doivent toujours avoir porte de main... (50) . Pour Andr Weiss, untel ouvrage ne pouvait manquer de soulever et d'alimenter, mme en dehors du monde savant, les discussions lesplus vives . Il rappelle aussi que son clat la Facult de droit vaudra son auteur, ds 1901, d'tre appel assurer des enseignement rgulier l'cole libre des sciences politiques ; cette grande maison qui, depuis tantd'annes, partage avec l'Universit la formation de nos administrateurs et de nos diplomates... (51) . sa manire,comme tant d'autres intellectuels de sa gnration, Esmein aura favoris l'avnement de la Rpublique auxrpublicains . Historiquement, tout l'honneur lui revient.

    Mais qu'en est-il de sa dmarche sur un plan juridique ? Elle est plus critiquable.

    Car juridiquement, en mettant sa science des lois , son don de la gnralisation (52) , la puissancecommunicative et la clart de la dmonstration (53) au service des institutions de 1875, il a orient le dogmatismeconstitutionnel naissant sur un versant idologique libral. Le systme qu'il dfend ne s'inspire-t-il pas du systmeissu de la Charte de 1830, le suffrage universel en plus (54) ? En ralit, la jeune Rpublique de l'poque a peur duPouvoir, qu'il vienne d'en haut ou d'en bas (55) . Si la manire d'un fait irrsistible le suffrage universel est venu segreffer sur la Rpublique, cette dernire ne peut en rien se confondre avec le pouvoir du nombre ou des masses.Elle est avant tout une qute, un culte de la raison qui refoule la puissance du fonds irrationnel de la naturehumaine. l'image de l'ducation qu'elle glorifie, la Rpublique suppose le perfectionnement, la vertu ; elle est avanttout intellectuelle . Or nul n'ignore la facult des hommes remplacer les prjugs dtruits par des prjugsnouveaux (56) , leur capacit plbisciter le pouvoir d'un seul. Donc en cette fin de XIXe sicle, nombreux sontencore ceux qui restent immergs dans une vision capacitaire de la Rpublique. Le suffrage universel, on s'yrsigne _ comme devant un processus inexorable _ plus qu'on y adhre. S'ils font du suffrage universel l'archesainte de la Rpublique, les pres fondateurs le maintiennent paradoxalement distance de la vie politique concrte (57) . Avant que le programme d'ducation ne porte ses fruits, il reste peru comme une puissance mystrieuse,imprvisible voire dangereuse, une puissance qu'il convient de dompter. Plus que jamais autour des annes 1880,on redoute que le suffrage n'emporte la jeune Rpublique, qu'une fois de plus, souverainet du peuple et ordrepolitique stabilis se rvlent antagonistes (58) . En ces temps d'enracinement des institutions rpublicaines, il estexclu de cder au fatalisme d'un Michelet dclarant l'Assemble nationale le 6 octobre 1848 Et bien, si le peuplese trompe, s'il se laisse aveugler par un blouissement de sa propre gloire passe (...), et bien, tant pis pour lepeuple ! ce ne sera pas nous, ce sera lui qui aura manqu de persvrance et de courage (59) . Aux premiresheures de la IIIe Rpublique, les lites auront leur mot dire. Cette fois, elles ne laisseront pas l'difice rpublicainsans dfense, emport sous les assauts d'une souverainet dbride. Alfred Fouill, l'un des penseurs officieux durgime, crit ces lignes en 1884 : Le suffrage universel a ses contradictions intimes, ses antinomies (...).Toutes ces contradictions reviennent l'antinomie fondamentale du droit de suffrage, accord tous, et de lacapacit, qui n'appartient rellement qu' un certain nombre (...). Rconcilier la supriorit numrique avec lasupriorit intellectuelle, voil la quadrature du cercle de la dmocratie (60) .

    Finalement, la question urgente qui se pose au moment de la pousse du peuple-lecteur est la suivante : commentviter que ce phnomne ne se dgrade en pure loi du nombre, en pure indtermination ? On redoute qu'auxravages de l'absolutisme monarchique pour les liberts individuelles ne succde un asservissement similaire dansune Rpublique populaire . C'est la proccupation des rpublicains au pouvoir, a devient aussi celle d'un lgiste de la Rpublique comme A. Esmein. Tous s'inscrivent dans l'horizon d'un libralisme hautement suspicieuxvis--vis de la souverainet populaire. On touche l le fond idologique _ ou l'esprit _ qui guide la doctrine

  • constitutionnelle du professeur de la Facult de Paris. Il prend vite la forme d'un impratif : mettre distance desaffaires du pays ce nouveau pouvoir irrversible, celui du peuple. L'apprhension est tenace dans la culture juridiquefranaise (61) . Elle redouble d'intensit en cette fin de sicle. La menace de subversion de l'ordre juridiquerpublicain par les passions du nombre. Voil l'ennemi !

    Ds lors, on comprend pourquoi Esmein glorifie la prtendue sparation des pouvoirs Excutif et Lgislatif, pourquoiil se rfre constamment Montesquieu (cet homme de gnie a-t-il coutume d'crire), pourquoi il voit dans le gouvernement reprsentatif _ celui dans lequel les reprsentants dcident en toute libert et suivant leur propreapprciation _ le produit la fois de l'volution historique et de l'intelligence humaine (62) . Chez lui, laRpublique _ qui fait corps avec les textes de 1875 _ n'est ni plus ni moins que l'art de mettre le rgime distancedu pouvoir d'un seul et du pouvoir du nombre. En bref, c'est la prfrence accorde la souverainet de la raison (63) . Pour Esmein, comme pour les pres de la IIIe Rpublique, concilier l'ordre et le progrs revient(conformment aux enseignements d'Auguste Comte) viter deux erreurs mtaphysiques symtriques etgalement condamnables, le dogme thologique rtrograde et le dogme dmocratique _ la souverainet dupeuple _ rvolutionnaire (64) . Ainsi, et ainsi seulement, seront fixes les conditions positives d'un vraigouvernement rpublicain.

    L se situe la ncessit de porter un regard critique sur l'oeuvre constitutionnelle d'Esmein. Il a eu la responsabilitde poser le socle de ce champ doctrinal, de lui donner ses classifications, son langage, ses codes, la charge deproduire son univers symbolique. Et au lieu de faire vritablement une oeuvre scientifique _ c'est--dire qui sereconnat exclusivement comptente pour clairer les moyens de la connaissance, non pour lui assigner des fins _ ila tabli une doctrine normativiste (65) , plaant les faits et les institutions sous le prsuppos idologique, libralen l'occurrence. Or de la science du droit, le professeur aurait pu avoir une vision plus modeste, moins engagepolitiquement, moins dnature pour tout dire.

    II. _ QUELQUES TRAITS SAILLANTS DE LA DOCTRINED'ESMEINPour tre complet sur le droit constitutionnel chez A. Esmein, il faudrait se pencher son analyse des constitutionsrvolutionnaires, sur son interprtation de Sieys, sur sa thorie de la souverainet nationale, sur sa lecture desrgimes anglais et amricain, etc. En bref, il faudrait plus qu'un simple article. Contentons-nous de cibler notreanalyse sur deux axes majeurs de sa pense : la classification des formes de gouvernement et la dfinition durgime parlementaire.

    A. _ La classification des formes de gouvernementAujourd'hui encore, parmi les classifications structurant le discours constitutionnel figure la distinction entre gouvernement direct et gouvernement reprsentatif (66) . Parfois, on substitue au terme gouvernement leterme de dmocratie (67) ; le plus souvent, on affine la typologie en faisant usage du prfixe semi (le gouvernement semi-reprsentatif oppos au modle semi-direct ). Mais toujours, sans en avoir rellementconscience d'ailleurs, on rend hommage au travail d'Esmein. Tout est parti de son article _ Deux formes degouvernement _ publi dans le premier numro de la Revue du droit public et de science politique en 1894 (pp.15-41). S'y trouve un magistral condens de sa doctrine. Partant, c'est l'esprit mme de la disciplineconstitutionnelle, enseigne pendant si longtemps dans les Facults franaises, qui est l expos.

    Comprendre la logique des gouvernements (au sens large du terme (68) ), c'est comprendre que deux famillesirrductibles s'opposent, explique Esmein, avec d'un ct le gouvernement reprsentatif et de l'autre le gouvernement direct . Chacun rpond sa propre filiation idologique, chacun connat une organisation propre etdes institutions spcifiques pour sa mise en oeuvre. Le premier grand schma dterminatif de la doctrineconstitutionnelle franaise tait pos l. En dpit des contestations qu'il a pu susciter, des adaptations ultrieuresrendues ncessaires, Esmein venait de fixer la premire articulation des canons du champ doctrinal _ une manirede penser le droit constitutionnel _ qui allait survivre aux rformes de surface. Sans doute la distinction entre gouvernement reprsentatif et dmocratie a-t-elle dj connu un long cheminement dans l'histoire des ides,mais avec Esmein, elle devient officielle, organisatrice de la nouvelle science du droit constitutionnel qu'il a pourmission d'inaugurer la Facult de Paris. Il la reprendra avec une tonnante fidlit dans ses crits ultrieurs. Elle

  • apparat bientt en bonne place dans ses lments ; la distinction des formes du gouvernement y est expose dsle second paragraphe de l'introduction gnrale (juste aprs une prsentation des formes de l'tat ) ; elle necessera par la suite d'irriguer l'ensemble de l'ouvrage, avec constance, dition aprs dition.

    Le ton est donn ds les premires lignes de son article publi en 1894 : Depuis que se sont accomplies, dans ledernier tiers du XVIIIe sicle, la Rvolution amricaine et la Rvolution franaise, les peuples libres de l'Occidentvivent sous la forme du gouvernement reprsentatif . Voil ce qu'enseigne l'histoire (69) , une premire vrit s'endgage : seul le gouvernement reprsentatif convient aux peuples libres. Le professeur de droit tient l sonthorme fondateur. Immdiatement, il prcise que ce mode de gouvernement peut prendre l'aspect du rgimeparlementaire ou de la sparation tranche des pouvoirs, telle qu'elle existe aux tats-Unis (70) . Rgimeparlementaire et rgime prsidentiel, rangs dans la classe suprieure du gouvernement reprsentatif, sont doncindniablement porteurs de libert. Mais pour cela, encore faut-il que dans leur fonctionnement quotidien, ils netrahissent pas les traits essentiels du modle reprsentatif. A. Esmein en dgage trois.

    Le premier repose sur l'ide que la nation (l'quivalent du corps lectoral (71) ) n'exerce par elle-mme aucun desattributs de la souverainet. En ralit, elle dlgue le pouvoir de dcider un certain nombre de reprsentants. Lanature de la dlgation est toute spciale puisque ces autorits agissent en toute libert et suivant leur propreapprciation . Sa dmonstration se termine ainsi : la nation leur abandonne pour un temps le libre pouvoir delgifrer pour elle et en son nom (72) . Comme second trait de caractre du gouvernement reprsentatif figure leprincipe de l'irresponsabilit des reprsentants l'gard de la nation, et leur inamovibilit pendant toute la dure deleurs fonctions. Ce type de gouvernement idal n'admet donc pas l'ide d'une rvocabilit permanente des lus.Enfin, troisime critre, capital dans la doctrine d'Esmein : cette reprsentation est conue, non comme unsuccdan du gouvernement direct de la nation par elle-mme, mais comme un systme de gouvernementprfrable celui-ci (73) . L'auteur apporte ici une prcision importante, le gouvernement reprsentatif se prsentenullement comme une solution de repli devant l'impossibilit matrielle d'instaurer le gouvernement direct, onl'adopte parce qu'il peut faire plus et mieux que ce dernier. Seul le gouvernement reprsentatif peut assurerune lgislation claire, soigneusement prpare et utilement discute, affirme Esmein, comme seul il peut procurerl'application intelligente et continue des lois. Aussi, dans ce systme, la nation en masse, c'est--dire le dlguant,est-elle considre comme lgalement et naturellement incapable d'intervenir par elle-mme en aucun des actesqu'accompliront ses dlgus, c'est--dire les pouvoirs constitus (74) . Finalement, ce systme reprsentatif, c'est le produit la fois de l'volution historique et de l'intelligence humaine. Il apparat encore beaucoup d'espritscomme la combinaison la plus ingnieuse et la plus sre qu'aient invente les hommes pour organiser la libertpolitique (75) . La conclusion d'Esmein est sans quivoque. Si cette classe de rfrence a pour principale vertu lasauvegarde des liberts, le gouvernement direct (76) _ la classe oppose _ constitue au contraire une menace.Par voie de consquence, tous ses ressorts institutionnels sont craindre. Un un l'auteur les expose,particulirement ceux qui gagnent du terrain dans les constitutions trangres (77) et en France dans les esprits.Selon lui, emprunter au gouvernement direct certaines de ses rgles de fonctionnement reviendrait altrer la puret du modle reprsentatif ; il dnonce cet gard ces dviations notables observes aux tats-Unis dans les Constitutions votes par les nouveaux tats , ces lments nouveaux et htrognes curieusementdfendus par certains (p. 18).

    La premire inquitude d'Esmein concerne la tentation d'un retour, l'instar des priodes rvolutionnaires, aumonocamrisme. Il n'y aurait rien de pire pour la qualit du travail lgislatif, la Chambre unique n'ayant d'autre choix, terme, que d'excuter le plus exactement possible la volont relle de la nation, exprime par la majorit deslecteurs politiques. Or, reprend l'auteur, la logique du gouvernement reprsentatif repose sur un autre principe : lce n'est pas la nation qui dicte ses dlgus l'expression prcise de sa volont ; au contraire, elle se reconnatincapable de la formuler elle-mme en lois ; elle sait que la loi, pour tre bonne, demande une laborationscientifique et rflchie (p. 28). Et pour que celle-ci soit prserve, pour que ne naisse pas le risque d'uneidentification entre le corps lectoral et l'organe lgislatif, il faut maintenir la division en deux Chambres, prvoir destechniques de dsignation diffrentes, il faut en quelque sorte organiser une vraie coupure entre le choix deslecteurs et le rle dcisionnel des lus. La seconde source d'inquitude du professeur de droit, intimement lie lapremire, se porte sur le mandat impratif . Heureusement, explique Esmein, le gouvernement reprsentatif sedfend mieux contre cet intrus qui s'efforce d'y pntrer . Toutefois, il ne faudrait pas manquer de vigilance etrefuser de voir que les dangers d'un pareil mandat peuvent s'immiscer de manire insidieuse dans les rouages durgimes reprsentatif, par le truchement de la reprsentation lgale et proportionnelle des minorits (p. 36).

  • C'est pour lui une source d'inquitude majeure, peut-tre davantage encore que les prcdentes. En effet, une tellereprsentation laisserait entendre que chaque composante de la nation dispose d'une volont prexistante celledes reprsentants. Ainsi le mimtisme serait-il soigneusement organis entre le corps lectoral et l'assemblelgislative, ainsi les lecteurs et les minorits auraient-ils leurs porte-parole. Esmein y voit un affaiblissementinutile et un facteur de trouble certain dans le systme... Elle serait peut-tre un germe de mort pour legouvernement parlementaire (p. 37) (78) . Enfin, ultime influence contenir, ferment l encore d'une dnaturationvidente, l'introduction du rfrendum ou du droit d'initiative populaire. Tout la fois, c'est la lgislation qui y perdraiten qualit _ alors qu'il est difficile d'obtenir une lgislation cohrente et pondre avec l'initiative parlementaire,comment l'esprer avec l'initiative populaire ? (p. 41) _ et les reprsentants eux-mmes qui s'y trouveraientdconsidrs (79) . Concurrencer de la sorte le travail des reprsentants, livrer les dbats au prjug populaire (80) , serait incontestablement pour Esmein un lment de trouble et de dsorganisation lgislative .

    En 1894, les premiers lecteurs de la Revue du Droit Public apprennent donc que les quatre institutionssuccessivement numres par Esmein (le monocamrisme, le mandat impratif, la reprsentation des minorits, lerfrendum) sont contraires et antipathiques au gnie du gouvernement reprsentatif, parce qu'elles appartiennentau mcanisme logique d'une autre forme de gouvernement (p. 24). Greffes par la force sur un systme au dpartreprsentatif, elles ne pourraient que le dnaturer, le priver de substance, au point de donner naissance un autretype de gouvernement, forcment dviant : le gouvernement semi-reprsentatif. Avatar du gouvernement directdans la typologie d'Esmein, il souffrirait d'une mme infirmit congnitale : celle d'un dangereux voisinage avec ledespotisme populaire.

    Ds lors, il ressort des leons du professeur de droit que tout ce qui peut accorder des prtentions subjectives auxcitoyens l'gard du corps des reprsentants (avec la reprsentation proportionnelle ou le mandat impratif), tout cequi peut leur permettre de se prononcer directement dans les affaires publiques (avec le rfrendum ou l'initiativepopulaire) est attentatoire la logique reprsentative. On peroit l l'intrt majeur de cette premire classification. Ilsuffit en effet de rattacher le systme institutionnel de la IIIe Rpublique au gouvernement reprsentatif, le modle pur par excellence, pour condamner toute ide de rforme inspire du gouvernement direct ou semi-reprsentatif.La doctrine d'Esmein apporte en ralit une parfaite illustration de l'ontologie raliste si souvent prsente dansl'enseignement du droit constitutionnel en France. Pour reprendre la dnonciation de Michel Troper, les catgoriesexposes par la doctrine ne sont pas pour elle des classes d'objets, mais des tres rels, qu'on peut dcrireindpendamment de toute rfrence empirique (81) . Plutt que d'tablir les prceptes d'une science descriptive,Esmein avait prfr la dmarche prescriptive. partir d'un type de gouvernement dcrt arbitrairement (selon unchoix idologique pralable) comme authentique , il va prescrire des rgles institutionnelles appliquer, etcondamner les autres. En bref, la valeur d'une institution comme le rfrendum ou la reprsentation proportionnellene doit plus s'apprcier en soi ou dans sa mise en oeuvre concrte, elle n'aurait de sens que rattache uneclasse de gouvernement (un tre rel ) qui la dtermine. Pour connatre les proprits d'une institution donne,tout dpendrait en somme de son rgime d'appartenance (82) . En dehors de lui, elle perdrait sa raison d'tre, son essence pour parler en philosophe. Les dernires phrases du clbre article d'Esmein sont cet gardloquentes. Cherchant dans un lan ultime loigner le spectre du gouvernement semi-reprsentatif, il crit que s'ilexiste un danger proche et srieux , c'est bien la tentation de lui emprunter isolment telle ou telle de sesrgles, comme un expdient commode pour rsoudre certaines difficults. Le mlange des genres est autrementgrave en politique qu'en littrature, et la logique des organismes est peut-tre la plus imprieuse de toutes (p. 41).

    On touche sans doute l une des fonctions essentielles de la classification d'Esmein : dguiser un acte de volont _ou un jugement de valeur _ derrire une apparence de logique institutionnelle. Ainsi, en rigeant en type pur lergime reprsentatif, est-il facile de discrditer tous les autres, en premier lieu le gouvernement direct . Ainsi est-ilpossible galement de critiquer telle ou telle institution prcise ds le moment o il a t dcid de l'arrimer uneclasse de rfrence impure , distincte du gouvernement reprsentatif.

    La mthode utilise par Esmein est critiquable pour au moins deux raisons. D'abord parce qu'elle se pare dulangage juridique et s'appuie sur le magistre scientifique du professeur de droit pour faire triompher un parti prisidologique. Toute sa dmarche consiste en fin de compte laborer les modlisations doctrinales adquates pourparer l'immaturit et l'ignorance des foules, soudainement armes du bulletin de vote (83) . N'ayant passuffisamment confiance dans la sagesse dmocratique (84) , il invente une catgorie de gouvernement cantonnant lecitoyen dans le choix de ses matres. Chez Esmein comme chez Guizot, tout doit tre fait pour le peuple, mais rienne doit tre fait par lui . Plac devant le fait accompli du suffrage universel, il essayera tout au long de son oeuvre

  • de rsoudre la tension entre le poids grandissant des lections et la crainte d'un gouvernement de participation. Sonmodle reprsentatif a finalement pour but d'articuler savamment gouvernement litiste et lgitimit populaire. Chezlui, comme pour de nombreux juristes de son temps, la morale et l'idologie l'emportent largement sur la techniquejuridique ! Ou plutt chacun peut constater que la technique a t constamment invoque l'appui du choixprconis... (85) .

    Sa mthode est critiquable ensuite sur un plan purement juridique. Car mme en acceptant de faire abstraction de laposture idologique d'Esmein, transparat un autre dfaut majeur : celui d'un certain idalisme juridique (86) . Cedernier, comme l'explique Olivier Beaud, a pour principal travers de surestimer les vertus du concept juridique(c'est--dire plus prcisment du concept issu de la doctrine ) en y voyant tort le seul moyen de rsoudre desproblmes juridiques concrets (87) . Or l'ide ou le concept ne peuvent rien contre le fait. Marcel Prlot l'amagistralement expos propos des constitutions, la dmonstration tant videmment transposable l'ensembledes techniques juridiques. Relatant les difficults prsentes de l'tude du droit constitutionnel franais au seuilde la IVe Rpublique, il crit avec ralisme que ce droit, nous ne saurions trop y insister, est trs diffrent du droitde la constitution . Presque toujours, poursuit-il, il y a la constitution que l'on avait cru faire et celle quel'vnement a effectivement rvle. Pour tre vraiment connu, un rgime doit avoir parcouru toute sa carrire. Il enest de lui comme d'un tre humain. Sa mort seule rvle compltement son visage (88) . Pour reprendre uneformule en vogue sur la Rive gauche au moment o M. Prlot publie son Prcis : l'existence prcde l'essence. C'est ce que n'avait pas voulu voir Esmein en prsupposant tort un lien de causalit entre norme etcomportement. En somme, son idalisme juridique dcoulait d'une surestimation du droit (des notions doctrinales),mais aussi d'une sous-estimation du phnomne politique (89) . Esmein aurait succomb au tout juridique quiconsiste prter aux noncs doctrinaux une vrit et une efficacit de principe, en faisant de ses classificationsle vritable moteur de la pratique institutionnelle. Il a refus en fait d'admettre que les contours d'un rgime ne sedfinissent pas a priori, lorsque les constituants l'laborent ; il n'a pas voulu voir qu'un systme politique existed'abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu'il se dfinit aprs.

    L'harmonie est certes un besoin de l'esprit, mais sur le plan scientifique les constructions savantes sont souventrduites l'tat d'artifice. En ralit, l'une des grandes faiblesses de la doctrine constitutionnelle hrite d'Esmeinest de se retrouver souvent place devant l'alternative suivante : ou bien on tient sauvegarder les logiques de laclassification, mais au dtriment de l'exactitude de la description ; ou bien on cherche dcrire correctement le rel,mais au prix d'un tiolement (voire d'une destruction) du modle professoral. Cela se vrifie avec une particulireacuit s'agissant de l'analyse des rgimes. L encore, la paternit en revient Esmein, l encore les rsultats sontdiscutables.

    B. _ La dfinition du rgime parlementairePour Esmein, l'admirateur de Montesquieu, le ralliement la cause librale emporte une ncessaire mise distancedu peuple (qu'il appelle aussi nation ) par rapport au Pouvoir. La thorie du rgime reprsentatif est une premiregarantie vidente. Toutefois, elle n'est pas suffisante. Il ne faudrait pas en effet que sous l'influence des lectionsrgulires, que sous la pousse du suffrage, le mandat reprsentatif se dnature pour laisser s'tablir unvritable lien de conformit entre la volont des reprsentants et celle des reprsents. Toute perspective delgislation raisonnable, de continuit et d'autorit dans l'action de l'tat serait en effet perdue si dfaut d'intervenirdirectement dans les affaires, le corps lectoral agissait par l'intermdiaire de ses lus. Une seconde garantie taitdonc inventer, non plus au niveau du lien entre le souverain et les pouvoirs constitus, mais entre ces pouvoirseux-mmes. Tout devait donc tre fait _ juridiquement _ pour que la Chambre basse ne rgne pas en matre. Alorsque le spectre de la monarchie absolue semblait s'loigner, il ne fallait en aucun cas orienter la jeune Rpubliquevers une autre forme de despotisme : celui de la nation en masse . Fidle aux enseignements de la traditionpolitique librale, Esmein va riger la sparation des pouvoirs en impratif catgorique. Pour reprendre uneformule de Lon Duguit utilise propos de la souverainet nationale : il n'y a l que la manifestation de latendance constante des hommes donner une vertu surnaturelle certaines ides (90) . Constatant avectonnement la solidit du mythe , Georges Burdeau crira presque un sicle plus tard que la sparation despouvoirs reste la pierre angulaire sur laquelle repose la classification traditionnelle des formes constitutionnellesdans le cadre du systme reprsentatif (91) . La fixation de cette grille de lecture au coeur de la disciplineconstitutionnelle doit beaucoup Esmein.

    Avec ses lments de droit constitutionnel, on apprend donc que dans un pays libre, l'organisation constitutionnelle

  • doit se combiner de telle sorte qu'aucun organe de l'tat ne possde, lui seul, l'autorit gouvernementale.Redoutable chez les tyrans comme chez les peuples, le Pouvoir doit tre rendu anonyme, insaisissable, mis l'cartde toute possibilit d'appropriation. partir de cette perspective spectrale _ celle de la confusion des pouvoirs _allait natre la certitude que leur division engendre des rivalits salutaires. Emiettement de la puissancegouvernementale et rgime des liberts vont ds lors aller de pair dans la doctrine constitutionnelle. D'ailleurs, n'est-ce pas le renforcement de la Chambre des communes en Angleterre ou des tats gnraux en France qui est venuporter un coup fatal l'absolutisme royal ? Il rsulte de l que, dans son apparition premire et dans l'utilit qui luifut reconnue la division du Pouvoir est lie au progrs de la pense librale (92) . Invitablement, une corrlationtrs solide allait natre entre la reprsentation d'un rgime des liberts et le morcellement dans l'usage desprrogatives du Pouvoir. Chez Esmein, la volont de transmuer l'association division des pouvoirs / rgime desliberts en vritable norme constitutionnelle est manifeste. En bref, cette classification a ds le dpart une forteteneur idologique . Le pli est pris ; paralllement au triomphe du dogme de la sparation chez les auteursclassiques (93) , c'est la discipline mme du droit constitutionnel qui se cimente autour de l'idologie librale.Infailliblement, dans l'univers intellectuel des publicistes, va se dessiner la scission entre les rgimes porteurs deliberts (donc respectueux de la sparation des pouvoirs, quelles qu'en soit les modalits) et les rgimes charriantl'absolutisme (donc ports vers la concentration des pouvoirs, quel qu'en soit le destinataire). Une fois de plus, lasouche premire de cette lecture officielle des institutions prend forme chez A. Esmein.

    l'origine, on trouve l'analyse du rgime anglais, dont la Constitution est devenue l'un des lments de la libertmoderne (c'est l'intitul qu'il donne au premier chapitre de ses lments). Par voie de consquence, c'estinvitablement au modle reprsentatif que ce rgime devait appartenir : le droit anglais avait non seulementassur la libert britannique, mais aussi produit une forme nouvelle de gouvernement, destin une largepropagation, le gouvernement reprsentatif des temps modernes (p. 84). Lorsqu'il passe l'analyse du rgimedans son fonctionnement concret ( travers un paragraphe intitul la logique du gouvernement de cabinet et sondveloppement en Angleterre , p. 152 et s.), et juste avant de s'appuyer sur la littrature anglo-saxonnedisponible (94) , Esmein trouve bon de rappeler quelques principes structurants lmentaires. Si le gouvernementparlementaire anglais se prsente comme une varit du gouvernement reprsentatif crit-il, il suppose aussila sparation juridique du pouvoir lgislatif et du pouvoir excutif, qui sont confrs des titulaires distincts etindpendants . Une fois ce rappel des principes effectu peut commencer la description du rgime dans les faits.C'est alors qu'un dcalage se creuse inexorablement.

    Esmein reconnat qu'en Angleterre, les ministres doivent tre pris dans le parti qui runit la majorit dans leParlement, ou tout au moins dans la Chambre populaire (...). De plus, bien que ce ne soit ni une rgle lgale, nimme une condition toujours observe, il est dans la logique du systme que les ministres soient eux-mmesmembres du Parlement, unissant ainsi les fonctions lgislatives celles d'agents suprieurs du pouvoir excutif .La phrase suivante est inspire de Dicey (Introduction to the study of the low of the Constitution, 3e d., 1899, trad.franaise en 1902) qu'il cite en note : Ce sont, par suite, naturellement et ordinairement les chefs de la majoritdans les Chambres, et spcialement dans la Chambre des dputs, qui sont appels au ministre . Que doit-on endduire s'agissant du principe de la sparation entre Excutif et Lgislatif sinon qu'il ne correspond pas la pratiqueconnue Outre-Manche ? Une dduction de ce genre a dj t faite en Angleterre explique Esmein, par WalterBagehot (The English Constitution, Londres, 1867) (95) . Un long extrait de l'ouvrage est alors repris, celui danslequel Bagehot opre un rapprochement entre la dsignation des ministres et une lection, quoique de manireindirecte, par la Chambre populaire (96) . La rponse du professeur la Facult de Paris est cinglante : Mais c'estl trs clairement une erreur juridique, une exagration de langage. La Chambre n'lit pas le Cabinet qui, en droit,ne tient ses pouvoirs que du chef de l'tat (p. 153). Une fois de plus, le parti pris idologique prend le dessus surl'acceptation de la ralit institutionnelle. Malgr l'existence de ce lien unissant les ministres au Parlement,malgr l'existence d'une certaine pntration rciproque comme il le reconnat lui-mme (p. 156) et quand bienmme le livre si remarquable de Bagehot serait corrobor par les interprtations de Lord Bryce ou de SidneyLow, Esmein ne peut se rsoudre laisser le rgime anglais _ la mater parliamentorium _ sortir de l'orbite de lasparation des pouvoirs. Toutes ses convictions philosophiques, tout son difice doctrinal s'en trouveraientmenacs. Il lui faut une porte de sortie. Elle va consister tordre la ralit politique pour sauver ses noncsdogmatiques. Aprs un expos pour le moins fragile sur le rle rel du chef de l'tat dans la formation desgouvernements (97) , Esmein rdige quatre lignes qui changeront la face de la discipline constitutionnelle en France. On le voit, le gouvernement parlementaire n'admet pas la sparation tranche du pouvoir excutif et du pouvoirlgislatif. Il ne les confond pas cependant, comme on l'a quelquefois prtendu. Il admet seulement entre eux unecertaine pntration rciproque (pp. 155-156).

  • La distinction entre sparation stricte (en rgime prsidentiel) et sparation souple (en rgime parlementaire)tait ne (98) . Elle reposait donc sur un refus catgorique d'abandonner le prsuppos libral dans l'interprtationdes rgimes, au bout du compte sur le sacrifice d'une transcription fidle des rapports entre les pouvoirs et du droitpositif au profit de sa posture idologique. Invariablement, alors que la pratique du rgime anglais lui enjoignaitd'abandonner toute rfrence la sparation des pouvoirs excutif/lgislatif , il reprendra avec le mme aplomb_ comme pour affirmer que les faits ne sont rien par rapports aux concepts _ des formules similaires. propos parexemple de l'ide d'une vraie fusion entre pouvoir excutif et Chambre populaire par le biais du parti majoritaire,dveloppe trs tt par Bagehot ou par Bryce, Esmein rpond catgoriquement que ce n'est pas le droit (p.485). Il crit encore que le gouvernement parlementaire consommerait la confusion des deux pouvoirs, si lesministres, comme le voudraient quelques-uns, taient lus en forme par la Chambre des dputs (99) . Oncomprend que pour Esmein, la sauvegarde du rgime des liberts tait incompatible avec la domination de laChambre basse ; il ne concevait pas non plus _ suivant en cela les leons de Montesquieu ou des doctrinaires unsicle plus tard _ que la libert du peuple puisse concider avec le pouvoir du peuple.

    Finalement, se retrouve toujours, comme une mthode argumentaire double dtente, la primaut du parti prisidologique et la surestimation des concepts juridiques sur la description du droit positif. Ds lors que l'observationrigoureuse des pratiques heurte ses convictions aprioriques, il fait le choix d'assurer cote que cote la prminencede ses principes normatifs . Ds lors que de nouveaux phnomnes de pouvoir sont observs (comme l'ide d'unaccord permanent entre majorit et cabinet pour gouverner), il trouve encore des arguties juridiques pour justifier lepass, pour dmontrer que seule la lecture dualiste du rgime parlementaire (donc antagoniste des pouvoirs)est valable. On comprend pourquoi le jeune Ren Capitant dnonait l'obstination des matres se laisser tromper par les formes dsutes et contradictoires que revt encore le rgime parlementaire, et dont il est la fois sidifficile et si ncessaire de faire abstraction pour apercevoir les vritables rgles de son fonctionnement. Plusencore, ils se laissent sduire par une secrte tendresse pour cette thorie subtile, raffine, harmonieuse dans sessymtries, du parlementarisme son ge d'or, et l'on devine qu'ils prfrent la tristesse de savoir perdue une sirare et prcieuse institution l'illusion de la croire encore vivante... (100) . Dans le cas d'Esmein, la critique s'imposeeffectivement. Car sous prtexte de respecter sa grille d'interprtation des rgimes parlementaires (fonde sur lasparation souple des pouvoirs), non seulement on se prive d'une comprhension de l'objet observ mais en plus,on en suggre une vision tronque (101) . La doctrine constitutionnelle franaise mettra presque un sicle pourl'admettre.

    travers les lments de droit constitutionnel _ cet ouvrage phare largement diffus au cours de la priodefondatrice de la discipline _ le suffrage universel se retrouve comme saisi par le droit. Progressivement, en effet,la doctrine d'Esmein va venir envelopper l'immense potentialit du pouvoir populaire en tentant conjointement, parde savantes constructions juridiques, de rguler sa source et de cadenasser sa matrialisation dans l'organisationinstitutionnelle. Ainsi, comme trait marquant de sa pense faut-il retenir la justification d'une souverainet limite et le culte des rgimes aux pouvoirs diviss . La matrice doctrinale commune de nombreuses gnrations deconstitutionnalistes avait l pris forme.

    III. _ LE RETOUR INSTRUCTIF SUR LA DOCTRINED'ESMEIN partir du moment Esmein (102) , situ la charnire des deux sicles, les classifications harmonieusessystmatises dans les lments vont peu peu faire autorit en matire constitutionnelle. Notre auteur, commeMarcel Planiol en droit civil (103) , tait parvenu structurer trs largement le champ doctrinal. Les spcialistes desinstitutions politiques disposaient dsormais de botes pour ordonner l'analyse des phnomnes de pouvoir, pourranger les divers rgimes. Des dcennies durant, elles auront vocation orienter l'ensemble du savoirconstitutionnel. Mais rarement on prendra le soin d'en discuter la valeur (104) , encore moins d'en tudier les origines.

    Pour la plupart des constitutionnalistes des gnrations suivantes, la doctrine du matre Esmein deviendra ladoctrine classique (105) . Sachant que l'adjectif classique doit ici tre entendu non pas au sens d' orthodoxe ou de dsuet mais, un peu comme dans le domaine musical, avec une connotation valorisante. Est classique celui qui est regard comme un modle. Par extension (prcise Le nouveau Littr), tout auteur, tout ouvrage quifait autorit . Voil qui caractrise exactement l'oeuvre d'Esmein. Ds lors, sa thorie juridique des institutionsfondamentales (106) , ses classifications, vont investir de manire irrfutable le paysage constitutionnel franais.

  • l'instar du schma kelsnien de gradation des normes, on peut dire que la discipline va riger la dogmatiqued'Esmein (systmatise pour une large part dans la Contribution du premier Carr de Malberg) en normeprimitive _ en Grundnorm _ sur le fondement de laquelle l'ensemble du systme de valeur va s'difier. Tout commeaux yeux de l'cole du matre de Vienne il y a la ncessit de cette rgle antconstitutionnelle , aux yeux del'cole naissante du droit constitutionnel franais, cette rgle ncessaire, suprme, qui exerce l'influence rgulatricesur tout le cours venir... du champ de la rflexion doctrinale existe aussi : elle s'identifie aux thmatiques majeuresdes lments de droit constitutionnel. Tout comme la Grundnorm est hors d'atteinte des constituants, lesthorisations d'Esmein vont vite apparatre, consciemment ou non, comme meta-discursives pour les juristes.

    Ainsi que l'observe P. Favre avec tonnement, c'est d'abord le plan en deux parties adopt par le matre (distinctionentre les principes gnraux du droit constitutionnel et le droit constitutionnel de la Rpublique franaise ) quiest conserv de nos jours : les manuels (...) commencent encore souvent par un ample dveloppement sur lathorie gnrale du droit constitutionnel et s'achvent par une tude dtaille de la Constitution de la Ve Rpublique (107) . C'est aussi sur le fond que le mimtisme opre puisque s'agissant du contenu de sa premire partie, Esmein n'a videmment pas fait surgir ex nihilo ces vastes concepts _ au titre desquels l'auteur relve les questions de la souverainet, de la sparation des pouvoirs, de la nature des constitutions crites, des types dergime _ mais il est parvenu en donner une forme canonique (108) . Jean-Louis Halprin tablit un constatsimilaire. D'aprs lui, l'auteur des lments acquit rapidement la rputation d'auteur classique , encore citaujourd'hui comme un des pres de la doctrine franaise. Dans ce domaine, il aurait fourni ds 1896 un modleachev d'enseignement et dlimit un espace de recherche pour plusieurs gnrations de publicistes (109) . propos des deux variantes de la sparation des pouvoirs ( souple et rigide ) devant clairer la classificationdes rgimes, Georges Conac parle d'une thorisation rductrice et quelque peu artificielle . Il regrette qu'elle aiteu une si grande influence sur la doctrine franaise . Sa conclusion est la suivante : Dnommer un prototypeinstitutionnel, comme choisir le nom d'une toile, est une affaire de convention. Mais il est grave qu'une appellationcontrle puisse induire en erreur ou conduire des malentendus (110) . Michel Troper son tour, dans sa visioncritique de la modlisation doctrinale franaise (trop souvent prescriptive ), accorde une large part deresponsabilit aux juristes placs la charnire du XIXe et du XXe sicle, parmi lesquels on trouve videmment lafigure d'Esmein (111) . Les gnrations suivantes resteront en dfinitive largement tributaires de cet outillage mental.

    Cependant, est-ce vritablement son procs qu'il faut faire, ou celui de ceux qui lui ont t trop attachs (112) ?

    En effet, il n'y aurait peut-tre pas lieu de revenir aujourd'hui sur les leons d'Esmein si ses lments n'avaientreprsent qu'un ouvrage universitaire parmi d'autres, si la doctrine expose n'avait marqu qu'une tape dansl'apprhension des institutions politiques et des phnomnes de pouvoir en France. Or, non seulement il s'imposeimmdiatement comme LA rfrence incontournable du champ scientifique constitutionnel _ le privilge d'antrioritpar rapport ses autres collgues a assurment jou (113) _ mais, consquence inattendue, il le restera encorependant des dcennies. Ainsi, au lieu de donner le premier lan un champ doctrinal encore mal explor, en pleineconstruction, il va au contraire le figer. Intgrant fidlement les leons d'Esmein, la discipline va peu peu s'ossifiersur une pente idologique librale.

    Des remises en question ont eu lieu ces dernires dcennies (on pense l'cole de la science politique aulendemain de la seconde guerre mondiale, la critique troprienne ou au no-constitutionnalisme enseign parLouis Favoreu), mais toujours, l'image d'immortels principes, le poids des structurations mentales hritesprincipalement d'Esmein demeure. Les discours dissidents prennent de l'ampleur tout en continuant, chez un grandnombre de spcialistes, susciter le frisson du vide. En fait, les gardiens du temple sont encore nombreux(nombreux sont ceux qui continuent dire qu' la sparation stricte connue aux tats-Unis s'oppose lasparation souple en rgime parlementaire (114) ) : ceux qui croient que les assises du droit constitutionnellabores fin XIXe sicle _ dbut XXe sont immuables, ceux qui pensent qu'une gnration peut assujettir sadoctrine les gnrations futures... Ils oublient finalement que si l'histoire fournit des explications, elle n'est pas unejustification. Ils laissent en fin de compte l'instinct formatif cder devant l'instinct conservatif. On se retrouve dansune sorte d'impasse du savoir scientifique, merveilleusement dcrite par Gaston Bachelard, lorsque l'esprit aimemieux ce qui confirme son savoir que ce qui le contredit, o il aime mieux les rponses que les questions. Alorsl'instinct conservatif domine, la croissance spirituelle s'arrte (115) .

    Au registre de ces dogmes constitutionnels vhiculs depuis plus d'un sicle, il y a par exemple la dfense acharne

  • du principe reprsentatif, interdisant toujours la saisine du juge constitutionnel par les citoyens, le veto ou l'initiativepopulaire. Quant la pratique rfrendaire, la place minore des citoyens dans le processus de dcision politiqueest symptomatique d'un esprit de dfiance caractris leur encontre (116) . Il y a l'aspiration rcurrente deshommes politiques _ parfois bien seconds par les juristes _ rformer le rgime au nom d'un type pur, rationnel : le vrai rgime prsidentiel ou le vrai rgime parlementaire (117) . Sur le fond, rien n'a peut-tre chang depuisl'poque o le gnral de Gaulle _ devant la fronde des juristes orchestre l'automne 1962 _ leur reprochait d'tre figs dans la notion du rgime parlementaire tel qu'il tait quand ils faisaient leur Droit... (118) , depuis l'poque oGeorges Pompidou suscitait l'incomprhension en crivant propos de la Ve Rpublique que notre systme,prcisment parce qu'il est btard, est peut-tre plus souple qu'un systme logique : les corniauds sont souventplus intelligents que les chiens de pure race ! (119) . Et pourquoi ne pas considrer qu'aujourd'hui, le plus grandgardien du temple de la doctrine constitutionnelle classique est le Conseil constitutionnel lui-mme ? Unevolution a-t-elle rellement eu lieu depuis que Carr de Malberg _ systmatisant les leons d'Esmein _ crivait que le concept de l'unit de la nation est, par excellence, le fondement et la source de tout le systme du droit tatiquefranais (120) ? De la clbre dcision Quota par sexe I du 18 novembre 1982 celle du 17 janvier 2002 sur leStatut de la Corse en passant par la dcision sur la Charte europenne des langues rgionales et minoritaires du 15juin 1999, la jurisprudence du Conseil permet d'en douter. cet gard, en matire de conformisme doctrinal, lediscours tenu par Pierre Mazeaud le 3 janvier 2006 n'a pas lieu de nous rassurer. Dnonant les dangers de la dmocratie directe , du recours systmatique au choix de la majorit des citoyens , il voque une politique quiconduirait une ligne zig-zagante pour finalement dlivrer un magistral rappel aux sources doctrinales : c'estdire combien les mcanismes de la Reprsentation doivent avoir un effet structurant. Combien justement, ils nepeuvent se borner reprsenter. Par sa fonction de filtrage, d'arbitrage, de synthse et de mise distance desopinions et des intrts particuliers, la Reprsentation nationale doit faire merger la dimension de l'intrt gnral.La Reprsentation nationale doit non seulement exprimer, mais encore organiser la volont gnrale. Rassemblerplutt que ressembler... (121) . On ne peut trouver plus bel hommage rendu aux principes du gouvernementreprsentatif dgags ds 1894 par Esmein.

    Pourquoi une telle rvrence ? Pourquoi une telle rification de la doctrine constitutionnelle dominante (122) ? Pourdes raisons dj voques tenant au caractre conservateur sinon traditionaliste qui a domin longtemps ladiffusion de la discipline (123) . propos par exemple de l'influence des professeurs de droit dans la rdaction de laConstitution de 1946, mile Giraud a eu ces mots : Ces professeurs avaient reu l'enseignement du droitconstitutionnel tel qu'il est distribu dans les Facults et c'est cet enseignement qu'ils taient redevables de leursides fausses et surtout de leur absence d'ides (124) . D'une manire aussi peu amne, on peut reprendrel'explication suggre par Stphane Rials lorsqu'il invoque les gros bataillons des juristes rejetant ce quipourrait troubler leurs vues apaisantes de l'ordre et de la rgle (...). Comme la plupart des autres hommes, ils fuientl'angoisse et s'abandonnent la cohabitation si humaine de vues gnrales conformistes... (125) . Et puis surtout, ilne faut pas ngliger le complexe que les gnrations postrieures de juristes ont pu ressentir face de pareilsmonuments de science juridique, face des penses ce point transversales et finalement hgmoniques. Alorscertes, on pourra toujours objecter que le toit doctrinal pos par Esmein et ses rptiteurs pendant presque unsicle se fissure par endroits ( la sparation des pouvoirs comme pierre angulaire de la classification des rgimesnotamment (126) ) et qu'ailleurs il ne tient plus. Ainsi en va-t-il de la thorie de la souverainet nationale totalement dsosse par Guillaume Bacot, un travail gure contest depuis (127) . Ainsi en va-t-il encore de la lecturedu rgime parlementaire , de plus en plus tudi sous l'angle d'une fusion entre Excutif et Lgislatif (128) .Mais en retour, on ne pourra contester qu'Esmein a rgn en matre sur l'enseignement de la disciplineconstitutionnelle pendant presque un sicle, que ses modlisations thoriques (en ralit prescriptive ), tel unthtre d'ombres, ont encombr longtemps les devants de la scne doctrinale. L'vocation de cette hgmonie suffit rendre la connaissance de l'auteur primordiale aujourd'hui.

    Plus que jamais, l'heure o les mythes du constitutionnalisme libral se dissocient de plus en plus ouvertementdes faits, o la thorie mme de l' tat sur laquelle repose la doctrine classique se vide de sa substance, aumoment o le droit constitutionnel s'internationalise, il semble imprieux de revenir aux sources de cesstructurations doctrinales. Celles qui nous livrent d'inusables typologies, des sries de dogmes souventindmontrables, des schmas explicatifs qui, en ralit, ne font que dplacer les problmes sans les rsoudre. Unefois de plus, on constatera qu'une investigation tourne vers les origines se rvle rarement passive, qu'ellerejaillit au contraire directement sur les solutions juges acquises. Aussi faut-il envisager cette dmarche, non

  • comme une nime approche apologtique des travaux des matres , mais comme une tension vers l'purementdes croyances. En somme, ce qui a valeur de tradition dans l'ordre doctrinal, ce qui renvoie aux principes fondateurs du droit constitutionnel ne doit pas obtenir automatiquement droit de cit dans la lecture actuelle desinstitutions politiques. Le doute mthodique doit prvaloir, a fortiori lorsque l'on connat la prgnance idologique l'oeuvre dans les travaux d'A. Esmein. Si les cathdrales doctrinales, si les diverses classifications inaugures lafin XIXe sicle peuplent encore l'univers constitutionnel, ce n'est pas le gnie des pres qu'il faut vanter, c'estplutt sur l'opportunit du maintien de pareils hritages qu'il faut s'interroger (129) .

    Pour autant, il ne s'agit pas de rejouer la querelle des anciens et des modernes ou d'aboutir au pitinementdes matres d'hier. Notre dette leur gard est colossale, il serait toutefois prjudiciable de croire qu'elle estternelle, sauf videmment driver vers des habitudes anachroniques voire antiscientifiques (130) . Si Carr deMalberg aimait rappeler ses jeunes collgues quelles difficults lui avaient rserves ses premires explorations en droit constitutionnel, tellement la discipline souffrait l'poque d'une absence d'armature doctrinale (131) , onpeut aisment imaginer l'ampleur des difficults rencontres quelques annes plus tt par Esmein. Lorsque leprofesseur de Strasbourg (civiliste de formation) opre son tournant publiciste la charnire des deux sicles,au moins bnficiait-il du faisceau de lumire apport par les lments d'Esmein (132) . En revanche, quand cedernier a eu la charge du cours de droit constitutionnel ds 1889, il dut rellement faire oeuvre de pionnier. Tout tait construire.

    Esmein a alors promu le droit compar comme lment indispensable la comprhension de nos propresinstitutions, il a immdiatement irrigu la discipline constitutionnelle de ses connaissances historiques etphilosophiques. Il a su rendre accessible l'tude concrte des constitutions et les cheminements thoriques les plusardus. Par une attention de tous les instants porte la vie politique et parlementaire, il a galement montr la voie_ ds le commencement _ d'une imbrication souhaitable entre droit constitutionnel et science politique (133) . Pourtous ces apports, sa mmoire mrite d'tre une nouvelle fois salue. Cette concession faite, il doit maintenant trepermis de jeter un regard beaucoup plus critique sur les leons du matre .

    Stphane PINON

    Matre de confrences l'Universit de Cergy-Pontoise

    1 (1) Sur ce point, nos plus vifs remerciements sont adresss Bernard Esmein, arrire petit-fils du professeur de laFacult de Paris, qui a accept de rpondre dans le dtail nos interrogations sur son illustre ascendant. Noustenons galement remercier le petit-fils d' Adhmar Esmein, Monsieur Jean Esmein, toujours dispos nouslivrer sa connaissance tendue de l'histoire familiale. Des lments intressants de la biographie du professeur dedroit figurent galement dans la Notice sur la vie et les travaux de M. A. Esmein lue par Andr Weiss la sancedu 10 fvrier 1917 de l'Acadmie des sciences morales et politiques (Paris, Firmin-Didot et Cie, imprimeurs del'Institut de France, 1917, pp. 1-54).

    2 (2) Ces renseignements nous sont fournis par la thse trs documente de G. SACRISTE, Le Droit de laRpublique (1870-1914). Lgitimation de l'tat et Construction du rle de professeur de droit constitutionnel audbut de la Troisime Rpublique (Doctorat en science politique), Paris I, 2002, p. 317 et s.

    3 (3) Encore rcemment, dans sa trilogie succs sur l'histoire de la dmocratie moderne, Pierre Rosanvallondonne Adhmar Esmein la paternit de cette distinction. Cf. La dmocratie inacheve. Histoire de la souverainetdu peuple en France, Bibliothque des histoires, d. Gallimard, 2000, p. 231 et s. Or, Esmein utilisait l'expressionsouverainet nationale _ ou souverainet de la gnration prsente _ comme synonyme de la souverainetdu peuple. En ralit, la thorisation de cette distinction entre deux expressions radicalement distinctes de lasouverainet revient au professeur Raymond Carr de Malberg (cf. Contribution la thorie gnrale de l'tat,Sirey, tome II, rd., Dalloz, 2003, p. 167 et s.).

    4 (4) tel point que des deux parties qui composent son clbre manuel (Elments de droit constitutionnel franaiset compar, Paris, Larose et Forcel, 1896. Rdition de la 6e d. de 1914 par les d. Panthon-Assas, coll. Lesintrouvables , 2001), la premire est intitule La libert moderne : principes et institutions . Dans la secondedition (1898) de ses lments, ceux qui lui reprochent de ne pas suffisamment tenir compte de la littratureconstitutionnelle allemande, il rpond : comme l'indique le titre gnral que j'ai donn ma premire partie, j'ai

  • voulu tudier les constitutions, et celles-l seulement, qui ont la libert politique pour objet direct , selon le mot deMontesquieu .

    5 (5) A. ESMEIN, lments, op. cit., pp. 321 et 329.

    6 (6) Deux ans aprs son intgration la Facult de droit de Paris (en 1879), il est le premier tre charg du coursd' Histoire gnrale du droit public et priv cr par le dcret du 28 dcembre 1880. En 1891, le ministre letitularise dans la premire chaire spcialise en Histoire du droit. L'anne suivante, il publie son Cours lmentaired'histoire du droit franais (toujours chez Larose et Forcel ). En vingt ans, dix ditions vont suivre. Il faut aussirelever son importante contribution la nouvelle Revue Historique de Droit franais et tranger.

    7 (7) Comme on le sait, il joue un rle dcisif au sein de l'cole libre des Hautes tudes depuis sa dsignation (en1886) comme matre de confrences de la nouvelle section des sciences religieuses . Il en deviendra directeuren 1908. Voir aussi son ouvrage (couronn par l'Acadmie des sciences morales et politiques) intitul Le mariage endroit canonique, Paris, Larose et Forcel, 1891. Pour une nouvelle dfense de l'tat laque, on peut renvoyer Laloi sur la sparation et l'encyclique Gravissimo , Revue politique et parlementaire, 1906, pp. 34-49.

    8 (8) La plupart de ses tudes en la matire sont runies dans A. ESMEIN, Mlanges d'histoire du droit et decritique. Droit romain, Paris, 1886.

    9 (9) Concernant ce champ de comptence, on notera qu'il enseigne le droit criminel la Facult de droit deDouai (o il est d'abord attach en qualit d'agrg de juillet 1875 aot 1879) puis, ds son arrive la Facult deParis, qu'il est charg du cours de lgislation commerciale et industrielle laiss libre par le professeur Lyon-Caen. Il est aussi l'auteur de deux livres remarqus : l'un sur L'histoire de la procdure criminelle en France, etspcialement de la procdure inquisitoire depuis le XIIIe sicle jusqu' nos jours, Paris, 1882 (une traductionanglaise a t publie en 1913), l'autre sur les tudes sur les contrats dans le trs ancien droit franais, Paris,Larose et Forcel, 1883. D'ailleurs, la part importante de droit priv dans son oeuvre ne doit pas conduire tablirune confusion avec les travaux de son propre fils, Paul Esmein, un spcialiste du droit civil (reu au concours del'agrgation en 1919) nomm la Facult de Paris en 1933.

    10 (10) Voir le commentaire des lments de droit constitutionnel franais et compar fait par le professeur FlixMoreau dans cette Revue 1903, p. 348 et s.

    11 (11) Il est reu deuxime en 1875. Il faudra ensuite attendre la rforme de 1896 pour que le concours uniquefasse place quatre agrgations distinctes : droit priv, droit public, histoire du droit, conomie politique. Esmein lui-mme joua un rle dcisif dans cette rforme en tant que membre du Conseil suprieur de l'Instruction publique. Ilen tira pour profit, selon ses voeux, de prsider plusieurs reprises l'agrgation d'Histoire du droit.

    12 (12) J. BONNECASE, La pense juridique franaise de 1804 l'heure prsente, Bordeaux, Delmas diteur, 1933,p. 459.

    13 (13) Il y a peu, le 26 janvier 2007, une partie de ce silence a t combl par la Facult de Cergy-Pontoise. Pierre-Henri Prlot et moi-mme y avons en effet organis un colloque intitul Le droit constitutionnel d'Adhmar Esmein (publication venir assure par le Centre de Philosophie Juridique et Politique).

    14 (14) Rcemment, trois mmoires ont t consacrs la pense constitutionnelle d'Adhmar Esmein : celuid'Alexis MICHEL, Le gouvernement parlementaire dans la pense d'Adhmar Esmein, (mmoire DEA, Paris II,2002), celui de Ludovic DENOLLE, Adhmar Esmein, Deux formes de gouvernement (mmoire DEA, Universitde Caen, 2004) et celui d'Antoine CHOPPLET, La classification des rgimes politiques chez Adhmar Esmein(mmoire de M2, recherche en droit, Universit de Reims, 2006).

    15 (15) De manire plus indirecte, des renseignements prcieux sont donns sur l'auteur et sa doctrine dans lathse de G. SACRISTE (Le Droit de la Rpublique [1870-1914], op. cit.), et dans l'article d'A. Le Pillouer, La notionde rgime d'assemble et les origines de la classification des rgimes politiques , RFDC, no 58, 2004, pp. 305-333.

    16 (16) l'exception tout de mme de Raymond Carr de Malberg. Pour plus de dtails, on s'autorisera renvoyer notre thse, S. PINON, Les rformistes constitutionnels des annes trente. Aux origines de la Ve Rpublique,LGDJ, 2003, pp. 18-19. V. galement E. MAULIN, La Thorie de l'tat de Carr de Malberg, PUF, coll. Lviathan

  • , 2003. Sans oublier la profusion d'articles crits ces dix dernires annes sur le professeur de Strasbourg. notreconnaissance toutefois, il demeure encore un angle mort dans l'tude de son oeuvre. De fait, on a beaucoup tudile Carr de Malberg de la Contribution et pas assez celui qui suit (beaucoup plus original, le second ?), identifinotamment dans l'criture de La loi, expression de la volont gnrale (Sirey, 1931).

    17 (17) G. SACRISTE, Le Droit de la Rpublique (1870-1914), op. cit., p. 9 (en attendant une publication prochainede l'ouvrage on se rfre la version originale de la thse). L'expression mme de pre fondateur entrane aussiune sorte de censure implicite sur de vritables recherches historiques tant donn la charge de transparence, l'indpendance de leur action et la clairvoyance de leur rflexion qu'elle prsuppose (voir Ch. RVEILLARD, Surquelques mythes de l'Europe communautaire, F.-X. de Guibert, 1998, p. 18).

    18 (18) C'est ce que sous-entend P. FAVRE (Naissances de la science politique en France, 1870-1914, Fayard,1989, p. 199) qui explique l'aspect fondateur de l'oeuvre constitutionnelle d'Esmein par la banalit mme du livrepour le lecteur d'aujourd'hui, car cette banalit tient au fait qu'un grand nombre de livres ultrieurs, et des plusutiliss, se coulent dans le cadre donn par Esmein .

    19 (19) B. NOYER, Essai sur la contribution du doyen Bonnard au droit public franais, Thse, Bordeaux I, 1984, p.8.

    20 (20) Voir l'article sans complaisance d'mile Giraud, La responsabilit des Facults de Droit dans le dficit de ladmocratie franaise (cette Revue 1961, pp. 225-285). E. Giraud y voit l'explication d'une conception trique etstrilisante du droit constitutionnel , sans valeur pratique et de faible valeur thorique (p. 259).

    21 (21) cet gard, O. Beaud ( M. Troper et la sparation des pouvoirs , Droits, no 37, 2003, p. 164) note que lalecture eisenmannotroprienne de la sparation des pouvoirs (dnonciatrice de la conception classique )transparat de plus en plus dans les manuels et dans les thses. La thse rcemment publie d'A. LE DIVELLEC enfournit une parfaite illustration. Cf. Le gouvernement parlementaire en Allemagne. Contribution une thoriegnrale (Prface de P. Avril), LGDJ, 2004. Mais encore faudrait-il distinguer A. Esmein, F. Larnaude, le premier R. Carr de Malberg (celui de la Contribution) du cas L. Duguit ou du cas M. Hauriou, originaux et modernessur bien des points. La notion de doctrine classique doit donc s'appliquer en priorit la souche ne des travauxd'Esmein.

    22 (22) J.-L. Halprin, Adhmar Esmein et les ambitions de l'histoire du droit , op. cit., p. 433.

    23 (23) Ibid., p. 423.

    24 (24) M. TROPER, La thorie dans l'enseignement du droit constitutionnel , in Pour une thorie juridique del'tat, PUF, coll. Lviathan , 1994, p. 244. Plus loin, il observe que ... les auteurs prcisent rarement qu'ilstraitent de politique constitutionnelle et qu'entre les diverses solutions qu'ils numrent, leur choix est dict par desprfrences politiques . cet gard, il a raison de prciser immdiatement que tel n'tait pas le cas d'Esmein ou deBarthlemy, qui affichaient clairement leur prfrence pour le systme parlementaire.

    25 (25) Le mot est d'ailleurs employ en 1879 lorsque les Chambres dbattent sur la rforme de la Facult de droitde Paris. Dans un rapport lu au Snat, M. Pelletan a cette phrase : L'enseignement du droit constitutionnel devraitdonc tre en France, comme en Amrique, le premier catchisme introduit dans l'cole primaire... (JO, Snat,sance du 26 mai 1879, annexe no 191).

    26 (26) G. SACRISTE, Le Droit de la Rpublique (1870-1914). Lgitimation de l'tat et Construction du rle deprofesseur de droit constitutionnel au dbut de la Troisime Rpublique, op. cit., p. 300.

    27 (27) Voir le numro 32 de la revue Politix, 1995, intitul Le pouvoir des lgistes . A. Weiss ( Notice sur la vieet les travaux de M. A. Esmein , op. cit., p. 45) lui attribue aussi le qualificatif de lgiste ... On l'a souventcompar, avec raison, ces fiers lgistes qui, depuis Philippe le Bel, avaient t les artisans tenaces de l'unitpolitique et administrative de notre patrie, et dont le souci constant avait t de fortifier l'autorit de la couronnecontre l'anarchie fodale et contre la coalition dissolvante des intrts . Il voit mme dans la figure de Jean Bodin son guide et son inspirateur (p. 46).

    28 (28) G. SACRISTE, Le Droit de la Rpublique (1870-1914), op. cit., p. 319. Il est vrai que sa proximit amicaleavec le trs influent Calixte Accarias (Inspecteur gnral des facults de droit mis en place par J. Ferry) ou avec le

  • futur ministre de l'Instruction publique (du gouvernement Combes) Joseph Chaumi ne pouvait que faciliterl'introduction d'Esmein dans les cercles ministriels.

    29 (29) Voir P. NORA, Le Petit Lavisse , vangile de la Rpublique , in P. NORA (dir.), Les lieux de Mmoire,tome I, Quarto/Gallimard, 2001, pp. 239-276.

    30 (30) Expression de J.-P. AZMA et M. WINOCK, La Troisime Rpublique (1870-1940), Calmann-Lvy, coll. Pluriel , 1970, p. 187.

    31 (31) Cit par P. ROSANVALLON, Le sacre du citoyen. Histoire du suffrage universel en France, Gallimard, coll. folio/histoire , 2001, p. 494.

    32 (32) O. BEAUD, Constitution et droit constitutionnel , in D. ALLAND, S. RIALS, Dictionnaire de la culturejuridique, PUF, 2003, pp. 260-262. Il faut sur ce point mentionner que le droit constitutionnel fut longtemps appel,avec plus de justesse selon nous, droit politique . Voir encore P. AVRIL, Les conventions de la constitution :normes non crites du droit politique, PUF, coll. Lviathan (notamment la Conclusion intitule Droit politique ,pp. 157-163). Le dveloppement du contentieux constitutionnel et de la conception normative de la discipline n'ychange rien. En dernier ressort, l'interprtation donne des textes (quand il y en a...), ou des principes longtempsassocies des maximes principielles abstraites et vagues (R. CARR DE MALBERG, La loi, expression de lavolont gnrale, op. cit., p. 120), demeure politique . Voir titre d'illustration les confessions loquentes de J.Robert, Neuf annes au Conseil constitutionnel , cette Revue no 5-6, 1998, p. 1755 et s.

    33 (33) C'est en effet ce que craignait le gouvernement ultra-royaliste lorsqu'il dcide en 1822 de supprimer la chairede droit public dtenu par Grando. La logique sera identique lorsque la chaire de droit constitutionnel, confie en1834 Pellegrino Rossi, fut supprime en 1852. Voir les renseignements prcieux donns par J.-L. MESTRE in L.FAVOREU (dir.), Droit constitutionnel, Dalloz, coll. Prcis , 9e d., 2006, pp. 12-13.

    34 (34) Il existait bien des prcdents comme l'ouvrage de son ami Charles Lefebvre tude sur les loisconstitutionnelles de 1875 (publi en 1882) ou le Prcis lmentaire de droit constitutionnel (1892) du jeune chargde cours la facult d'Aix, Flix Moreau. Mais la taille modeste de ces tudes, tout comme le public vis _ lestudiants de premire anne _ n'en font pas de vrais traits tels qu'il en existait en droit civil ou en droitadministratif. Quant au Manuel de droit constitutionnel du professeur la Facult catholique de Lyon A. Saint-Girons_ 1re dition publie en 1884 _ il apparaissait trop ouvertement partial (rejet par l'auteur de la rvision de 1884,dfense d'une rpublique royale ...) pour gagner le titre de noblesse d'une tude scientifique .

    35 (35) J.-L. Halprin, Adhmar Esmein et les ambitions de l'histoire du droit , op. cit., p. 417.

    36 (36) Voir les lments de droit constitutionnel franais et compar (d. de 1914), op. cit., pp. 235, 751, 901 et661.

    37 (37) Ibid., p. 259 (nous mettons volontairement en italique).

    38 (38) V. notamment, G. Morange, Valeur juridique des principes contenus dans les Dclarations des droits ,cette Revue 1945, pp. 229-250 ; J.-P. Chaumont, La Dclaration des droits, la constitution et la loi : le dbatdoctrinal sur la valeur juridique de la dclaration en droit public , LPA du 25 aot 1989 (numro spcial consacr la Dclaration des droits de l'Homme et du citoyen) ; Ph. Raynaud, Des droits de l'Homme l'tat de droit ,Droits, no 2, 1995, p. 61 et s.

    39 (39) A. ESMEIN, Elments de droit constitutionnel franais et compar (d. de 1914), op. cit., p. 564.

    40 (40) Ibid., p. 881.

    41 (41) En creux, c'est d'ailleurs ce que laisse entendre Joseph-Barthlemy dans la Prface de la sixime ditiondes lments. propos des solutions proposes par Esmein, il crit : elles se caractrisent par l'optimisme ;l'auteur est, en somme, satisfait par l'tat actuel des choses... . Nous soulignons volontairement le mot optimisme qui revient quatre reprises dans les deux pages suivantes. Optimiste est sans doute utilis la manire d'uneuphmisme, pour viter de dire complaisant . Esmein est finalement tout l'oppos d'un juriste inquiet . Surcette expression fonde justement au carrefour des deux sicles, voir M.-C. Belleau, Les juristes inquiets :classicisme juridique et critique du droit au dbut du XXe sicle en France , Cahiers de Droit, vol. 40, 1999, p. 507

  • et s.

    42 (42) C'est ainsi que Joseph-Barthlemy dfinit l'enseignement du matre qu'il considre cet gard comme un raliste (Prface la 6e d. des lments, op., cit., p. X).

    43 (43) Pour M. TROPER et F. HAMON (Droit constitutionnel, LGDJ, coll. manuel , 29e d., 2005, p. 28), Celuiqui noncerait des jugements de valeur et qui prtendrait le faire en vertu de ses comptences scientifiquescommettrait tout simplement une escroquerie intellectuelle . Cela rejoint les propos du matre de Vienne : Unescience doit dcrire son objet et ce qu'il est effectivement, elle s'interdit de prescrire ce qu'il devrait ou ne devrait pastre sur la foi d'un quelconque jugement de valeur. Faute de quoi, le problme devient alors de nature politique et serapporte l'art de gouverner, activit qui ne s'attache qu'aux valeurs (H. KELSEN, Thorie gnrale du droit et del'tat, trad. B. Laroche et V. Faure, d. Bruylant-LGDJ, coll. La pense juridique , p. 46).

    44 (44) J.-L. Halprin, Adhmar Esmein et les ambitions de l'histoire du droit , op. cit., p. 420. C'est Esmein lui-mme qui, ds la troisime ligne de la Prface des lments (1re d.), qualifie son livre de trait la foislmentaire et scientifique . Bien loin de cette affirmation, G. Sacriste (Le Droit de la Rpublique [1870-1914], op.cit., p. 485) y voit ni plus ni moins que le rceptacle de la doctrine constitutionnelle officielle d'une Rpubliquemilitante .

    45 (45) Cit par C. NICOLET, L'ide rpublicaine en France (1789-1924), Gallimard, coll. tel , 1995, p. 159.

    46 (46) Ch. CHARLE, Paris fin de sicle. Culture et politique, d. du Seuil, coll. L'univers historique , 1998, p. 145.

    47 (47) C. Nicolet, op. cit., p. 312. Voir aussi les dveloppements particulirement riches de l'auteur sur mile Littr(p. 193 et s.) qui, par le biais de son prestige littraire, utilisa un rpertoire d'action comparable.

    48 (48) Son objet est d'assurer, loin des vieilles routines, la formation des cadres de la haute administration dansune France reste bourgeoise et librale mais devenue positive et srieuse. Objet qui sera pleinement atteint : laTroisime Rpublique devra beaucoup de sa stabilit _ stabilit si longtemps maintenue en dpit des agitationspolitiques _ aux promotions de la rue Saint-Guillaume . Cf. J. CHASTENET, Cent ans de Rpublique, vol. II, LaRpublique des Rpublicains (1879-1893), J. Tallandier, 1970, p. 26. Voir aussi, Ch. CHARLE, La Rpublique desuniversitaires. 1870-1940, d. du Seuil, coll. UH , 1994 (notamment les pages 319 et s.).

    49 (49) F. Moreau, commentaire des lments de droit constitutionnel franais et compar, cette Revue, 1903, p.348. Le prouve galement la deuxime dition des lments devenue ncessaire ds 1898.

    50 (50) J. BARTHLEMY, Prface la 6e d. des lments de droit constitutionnel, op. cit., p. VII.

    51 (51) A. Weiss, Notice sur la vie et les travaux de M. A. Esmein , op. cit., pp. 23 et 26-27.

    52 (52) J. Delpech, Analyse et compte rendu des lments (2e d., 1899), cette Revue 1899, p. 534.

    53 (53) A. Weiss, op. cit., p. 18.

    54 (54) On connat la formule de Marcel Prlot propos des institutions de 1875 : la troisime Charte plus lesuffrage universel . Sur ce lien de filiation, voir aussi M. MORABITO, Histoire constitutionnelle de la France (1789-1958), Montchrestien, coll. Domat, 6e d., 2000, pp. 300-306 ou F. Saulnier, Opportunism