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PIMPRENELLE ANTIQUAIRE

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Les sentiers de l'aube YVON MAUFFRET

PIMPRENELLE ANTIQUAIRE

roman

LIBRAIRIE PLON 8, rue Garancière — PARIS-6

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CHAPITRE PREMIER

I L faisait déjà presque nuit et Pimprenelle marchait à grandes enjambées par les rues tranquilles de

la petite ville. Le froid était vif et sec, aussi ne voyait- on de la jeune fille qu'un bout de nez rougi qui émer- geait de son duffle-coat. Elle faillit se heurter à une respectable dame.

— Oh ! pardon, madame Ramy, j'étais dans la lune. — Mais ce n'est rien, ma petite Pimprenelle, moi

aussi je pensais à autre chose... M. Degrave va-t-il bien? — Mais oui, très bien, je vous remercie. Au revoir,

madame Ramy ! — Au revoir, Pimprenelle ! Toute la ville connaissait Pimprenelle et souriait

quand elle passait. Était-ce d'être enfant trouvée qui lui valait cette popularité? Était-ce le fait d'avoir comme père adoptif un être aussi original que Léon Degrave? Ou, plus simplement, était-ce parce qu'elle avait dix-sept ans, qu'elle était jolie comme un cœur et aussi pétillante qu'une grive dans les vignes d'au-

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tomne? Toujours est-il que les gamins les plus mal élevés lui faisaient un petit salut amical quand ils la croisaient, et que les plus austères dames d'œuvre de la paroisse se contentaient de sourire avec indulgence quand on leur racontait le dernier exploit de la jeune fille.

« Ah ! cette Pimprenelle ! disaient-elles, du vif-argent, ma bonne ! On voit bien que c'est Léon Degrave qui l'a élevée ! »

De toute façon, Pimprenelle se moquait bien de ce que les gens pouvaient penser d'elle. A l'angle de la rue Saint-Éloi et de la rue des Tanneurs, elle venait de rencontrer Rip, le chien du boucher et, sans aucun souci des convenances, elle s'était accroupie pour se mettre à bonne hauteur ; Rip était un affreux cabot, trop nourri, de couleur indéfinissable, mais Pimprenelle trouvait qu'il avait de beaux yeux et elle l'aimait bien.

— Bonjour, mon vieux Ripaton ! dit-elle en lui grattant le derrière de l'oreille. Il fait drôlement froid, hein?... Si tu étais un caniche de dame distinguée, tu aurais le droit d'avoir un joli petit pardessus écossais, mais tu n'es qu'un brave chien des rues, mon pauvre Toutou !

Rip gémit doucement ; il remuait la queue de conten- tement et peut-être aussi de compassion sur son propre sort. Soudain l'horloge de la cathédrale égrena lente- ment ses six coups.

— Six heures ! Il faut que je te quitte, mon vieux Rip ! Je ne sais même pas ce que nous allons manger ce soir, tu te rends compte !

Et sur une dernière caresse, elle abandonna le chien. Par une ruelle en pente et mal pavée, elle atteignit le parvis de la cathédrale et, comme chaque fois qu'elle

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passait devant le porche, elle eut un sourire de ten- dresse pour l'admirable petite Vierge du XIII siècle, toute grâce et toute fraîcheur, qui ornait le grand portail.

Elle parcourut encore une vingtaine de mètres et poussa un petit cri d'étonnement en voyant que le magasin n'était pas éclairé.

— Que se passe-t-il? murmura-t-elle. Et, un peu inquiète, elle pressa le pas. Le Capharnaüm, la boutique de Léon Degrave,

était située au rez-de-chaussée d'une antique maison médiévale à encorbellement et à poutres apparentes. Une enseigne enluminée se balançait au vent. Pimpre- nelle poussa la porte d'un geste familier, ce qui déclen- cha tout un système de sonnailles argentines, puis elle s'engagea dans l'obscurité de la boutique. Il lui fallait vraiment une longue connaissance des lieux pour s'y diriger ainsi avec aisance, car le Capharnaüm n'avait pas volé son nom ; on aurait juré que tout ce que la région pouvait contenir de vieilleries, d'objets tombés en désuétude, d'antiquités déchues s'était donné rendez-vous dans ces quelques mètres carrés. Pimpre- nelle se disait parfois qu'elle ne savait pas, même approximativement, tout ce que pouvait contenir la pièce, bien qu'elle y eût grandi et qu'elle eût tenté parfois de mettre un peu d'ordre dans ce bric-à-brac impénétrable.

Elle tourna enfin un commutateur, accrocha avec désinvolture son duffle-coat à une hallebarde rouillée que tenait une armure espagnole du XVI siècle, puis elle se dirigea vers le fond de la boutique et son visage se fit tendre.

Léon Degrave, le maître de céans, « Tonlon » comme

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elle l'appelait, dormait paisiblement dans un fauteuil club en cuir fauve qui semblait étrangement moderne dans cet endroit réservé au passé. Sur ses genoux il y avait, ouverte, une très belle édition des Mémoires de Saint-Simon, et Graine de Violence, le chat noir, ronronnait doucement sur la chancelière où le vieil antiquaire avait enfoui ses pieds.

— Tu dors, Tonlon? appela doucement Pimpre- nelle. Il ne bougea point, mais le chat se leva et vint se

frotter aux jambes de la jeune fille. — Mon pauvre Graine de Violence, je crois qu'il va falloir le secouer ! Il eut un ronronnement approbatif. Doucement,

Pimprenelle posa la main sur le cou un peu décharné du vieillard. — Allons, Tonlon, réveille-toi ! Il sursauta, ouvrit les yeux qu'il avait d'un bleu très

clair et sourit en reconnaissant la jeune fille. — Ah ! c'est toi, ma Pimprenelle ! J'avais vague-

ment senti qu'on m'appelait mais je ne voulais pas m'éveiller, figure-toi ! J'avais trop peur que ce ne soit un client !

Pimprenelle s'assit sur un bras du fauteuil. — Mon pauvre Tonlon, dit-elle en laissant courir

ses doigts sur les cheveux blancs, tu feras toujours un aussi piètre commerçant!... Je me demande pourquoi tu ne mets pas sur la porte du Capharnaüm un écriteau avec : « Entrée interdite à toute personne étrangère au service.» ...Comme cela, tu serais beaucoup plus tran- quille !

Tonlon toussota d'un petit air faussement gêné. Était-ce sa faute à lui, s'il était âgé maintenant, s'il

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tenait à sa tranquillité, s'il voulait pouvoir rêver et lire à sa guise sans être dérangé par un importun? Et sur- tout, pouvait-il s'empêcher de tenir, comme à sa vie même à tous les objets qu'il avait entassés dans son Capharnaüm, au gré des ventes, des occasions, des recherches patientes? Il leva les yeux, timidement, vers le visage de sa fille adoptive. Mais non ! elle sou- riait. Tout allait bien !

— Oh ! tu sais, Tonlon, dit-elle, ce n'est pas que j'y tienne tellement aux clients, moi non plus, mais qu'est-ce que tu veux, tout à l'heure, j'ai aperçu Mme Leblère, l'épicière, et elle m'a souri d'un petit air pincé. Je n'ai pu faire autrement que de me sou- venir que nous lui devions encore deux mille francs du mois dernier... Avoue que les clients ont au moins cela de bon qu'ils nous aident à faire bouillir la mar- mite !

Léon Degrave étouffa un bâillement ennuyé. Les questions d'argent lui avaient toujours paru stupides et manquant d'intérêt au plus haut point. Il avait dépensé une fortune dans sa jeunesse, rien que pour acquérir les livres qu'il aimait en éditions originales et il aurait pu se trouver sur la paille qu'il ne lui serait pas venu à l'idée de s'en séparer.

Aussi, Pimprenelle n'insista pas davantage. Tonlon était maintenant son vieil enfant et si bon, si généreux, si dénué de défense devant la vie, qu'elle ne pouvait que lui pardonner et tenter de le protéger du haut de ses dix-huit printemps...

— Tu sais, Tonlon, il fait un froid épouvantable... Tu auras intérêt à te couvrir si tu vas jouer au bridge, ce soir... La sacristine m'a dit que les oignons avaient triple peau. Ça nous promet un de ces hivers !

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Mais ses hautes considérations météorologiques furent interrompues par le tintement des sonnailles de la porte d'entrée.

— J'y vais, murmura-t-elle. Ne bouge pas ! Un jeune homme se tenait sur le seuil, nullement

intimidé, semblait-il, par l'aspect hétéroclite des lieux. Il était grand avec des cheveux bruns ébouriffés. Il sourit de toutes ses dents lorsqu'il vit Pimprenelle se diriger vers lui.

— Monsieur? — Bonjour, mademoiselle ! Quel froid de canard ! Il ne devait pas avoir chaud, en effet, si on en

jugeait par la minceur de la gabardine qui couvrait ses épaules. Il portait sous le bras un petit paquet.

— Vous désirez quelque chose, monsieur? Pimprenelle pensait toujours aux deux mille francs

de l'épicière. — C'est-à-dire que je désirerais vendre quelque

chose. Un tableau. Crac ! C'était bien le moment ! Pimprenelle s'apprê-

tait à dire au visiteur n'importe quoi, qu'ils ne faisaient point d'achat direct, que de toute façon les tableaux ne les intéressaient pas, mais elle n'en eut pas le temps... Tonlon surgit du fond de la boutique, alléché tout de suite par les propos du jeune homme ; son instinct de vieux collectionneur l'emportait sur toutes les consi- dérations économiques du monde.

— Vous l'avez avec vous, ce tableau? demanda-t-il après avoir salué fort civilement l'inconnu.

— Oui... Oh ! ce n'est pas grand-chose, je le crains. Un petit paysage que j'ai trouvé dans mon grenier. Personnellement, il me semble que c'est très beau, mais je ne suis pas grand connaisseur et j'ignore s'il a

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une valeur quelconque... Mais jugez-en par vous- même, monsieur, je vous en prie !

Il défit rapidement le papier qui entourait le tableau et tendit celui-ci à l'antiquaire. Tonlon avait pris ce que Pimprenelle appelait « sa tête de Cousin Pons » : lorgnons ajustés, sourcils froncés, tête rejetée en arrière, il se plongea dans un examen approfondi de la toile. Il poussait des petits grondements qui pouvaient être aussi bien des marques de désapprobation que des signes de contentement. Le jeune homme interrogea Pimprenelle de la tête, mais celle-ci fit un grand geste d'impuissance. Il fallait laisser l'augure se prononcer en toute sérénité.

Enfin, au bout de quelques minutes, il retira ses lorgnons.

— Monsieur, dit-il, je n'ai certes pas la prétention d'être un expert infaillible, mais enfin je suis un vieil antiquaire et bien des tableaux me sont passés entre les mains... Je puis vous dire tout de suite que l'homme qui a peint ce paysage était indéniablement un peintre, et ce n'est pas si fréquent, croyez-moi... Mais qui est-il ? La signature ici, à droite, est illisible, il faudrait la faire nettoyer. A première vue, il me semble que cela pourrait être l'œuvre d'un petit maître hollandais — ou flamand — du XVII siècle, mais peut-être n'est-ce qu'une bonne copie ; je vous avoue être dans l'incapacité de trancher... En ce cas, elle ne vaudrait pas grand-chose, évidemment...

— Et si ce n'est pas une copie? interrogea le jeune homme avec une pointe d'anxiété dans la voix. Tonlon toussota.

— Si ce n'est pas une copie... Mon Dieu, eh bien, je suppose qu'un marchand de tableaux honnête, vous en

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proposerait, je ne sais pas, moi ! huit cent mille francs, un million... Vous comprenez, cela dépend de la signa- ture...

— Mais comment être fixé? Vous savez, monsieur, cet argent inespéré est très, très important pour moi... Dans une certaine mesure, il risque de changer tout mon avenir.

Tonlon le regarda avec intérêt. Il avait abandonné son air professionnel et ressemblait à ce qu'il était réellement : un vieux brave homme.

— Avez-vous confiance en moi? dit-il. Le jeune homme sourit, et Pimprenelle pensa qu'à

chaque fois qu'il souriait ainsi il semblait rajeunir de plusieurs années et redevenir l'adolescent qu'il avait dû être, il n'y avait pas si longtemps.

— Bien sûr, monsieur ! — Alors, si vous le voulez bien, reprit Tonlon, vous

allez me laisser ce tableau, jusqu'à demain. J'ai l'habi- tude, chaque soir, d'aller jouer aux cartes avec de vieux amis, et l'un d'eux a tenu longtemps une célèbre galerie de peinture de la rive gauche, à Paris. Depuis, il a été ruiné par la guerre, mais ceci est une autre histoire et n'enlève rien à ses connaissances très sûres en matière d'art. Je vais lui demander ce qu'il en pense et je vous dirai sa réponse demain matin.

Le jeune homme réfléchissait. Une certaine contra- riété se lisait sur sa figure :

— C'est ennuyeux, dit-il, car justement, je dois m'absenter demain pour plusieurs jours, et ça m'aurait vraiment arrangé d'être fixé avant de partir. Mais je suppose qu'il n'y a pas moyen de faire autrement ; je viendrai donc vous voir à mon retour.

Alors Pimprenelle intervint :

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— Mais il y a une façon très simple d'arranger les choses, dit-elle. Mon oncle va jouer au bridge, mais il rentre assez tôt, vers dix heures, disons dix heures et demie : le temps que son ami rende le verdict. Si vous voulez repasser au magasin à ce moment-là, nous lais- serons la porte ouverte.

— Ou bien mieux, reprit Tonlon, restez dîner avec nous, à la fortune du pot... Ma nièce s'ennuie un peu le soir, vous lui tiendrez compagnie en attendant mon retour.

Le jeune homme les regarda, surpris, ne sachant trop que penser. Enfin, voilà des gens qui ne le con- naissaient pas une demi-heure auparavant, et qui maintenant le conviaient à leur table ! Il ne savait pas encore que Léon Degrave avait un cœur d'or et qu'il invitait ainsi quiconque éveillait sa sympathie, en toute simplicité, que ce fût un clochard ou un haut fonctionnaire. Cela posait parfois des problèmes à Pimprenelle, la maîtresse de maison, mais bah!... Elle s'en sortait toujours. C'est pourquoi, elle insista à son tour.

— Mais, bien sûr, monsieur, restez ! Oh ! il n'y a pas grand-chose, mais si vous aimez les nouilles à la tomate, c'est ma spécialité. Et puis il y a un fromage de chèvre que j'ai déniché au marché et qui est une pure merveille !

— Eh bien, j'accepte, dit le jeune homme, mais per- mettez-moi alors de me présenter : je m'appelle Fran- çois Meaudieu, je suis ingénieur agronome, j'ai vingt- cinq ans... Voilà !

Léon Degrave lui tendit la main. — Moi, dit-il, vous savez qui je suis : une vieille

bête d'antiquaire, un peu maniaque, et un célibataire

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convaincu — il serait d'ailleurs bien tard pour le regretter ! et un tantinet égoïste.

— Oh ! Tonlon, protesta Pimprenelle avec feu. Ne l'écoutez pas, monsieur : il adore dire du mal de lui, étant incapable d'être malveillant envers les autres !

L'antiquaire l'interrompit en riant. — Taisez-vous, péronnelle. Je me connais mieux que

toi, tout de même ! Enfin, monsieur, reprit-il, j'ai eu la chance, malgré les défauts dont je vous entretenais tout à l'heure, d'hériter dans mon âge mûr d'une nièce adorable... La Providence a été très indulgente avec moi !

François Meaudieu avait l'air d'être de son avis. Il n'était que de voir le regard admiratif qu'il lança vers Pimprenelle, lorsque celle-ci, gênée par les éloges de l'antiquaire, s'éclipsa en prétextant le repas à préparer.

— Tenez, mon ami, reprit Léon Degrave, il me reste encore d'un excellent porto, cadeau d'un vieil astro- logue portugais de mes amis, et décédé depuis, hélas ! Accepteriez-vous d'y goûter?

Et, sans attendre la réponse du jeune homme, il le saisit par la manche et l'entraîna vers l'arrière-boutique mystérieuse du Capharnaüm.

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CHAPITRE II

— Vous l'aimez fort, ou pas très fort? La voix de Pimprenelle venait de la cuisine où elle

s'affairait religieusement à préparer le café. François Meaudieu, lui, le dîner terminé et Léon Degrave parti vers sa séance de bridge avec le tableau sous le bras, avait été installé d'autorité dans un fauteuil Louis XIII.

— Assez fort, s'il vous plaît ! — Vous ne dormirez pas cette nuit. Ce sera tant pis

pour vous ! — J'accepte de courir le risque. Bientôt Pimprenelle sortit de son antre avec la cafe-

tière fumante. — J'ai lu, je ne sais où, qu'il ne fallait jamais offrir

de café le soir, déclara-t-elle... C'est idiot, les conven- tions sociales!... Alors, si vous aimez le café, comme Tonlon ou moi, vous êtes condamné à ne jamais en boire le soir, sous prétexte que cela ne se fait pas... Vous trouvez cela juste, vous?

François Meaudieu ne put s'empêcher d'éclater de rire. — Ça y est !... J'ai dû encore dire une chose qu'il

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ne fallait pas dire ! constata philosophiquement Pim- . prenelle.

— Mais non, pas du tout!... Mais vous l'avez dit si drôlement que j'ai trouvé cela comique... Pardonnez - moi !

Pimprenelle reprit, tout en versant le café dans les vieilles tasses chinoises :

— Tenez, encore les conventions... Vous avez eu envie de rire, et vous avez ri... C'est normal, et vous me demandez pardon, comme si j'avais quelque chose à vous pardonner !... On ne s'en sort pas ! Combien de morceaux de sucre? — Deux... Merci!... Vous voulez tout de même bien que je vous dise merci? questionna-t-il avec une certaine ironie.

Cette fois, ce fut elle qui éclata de rire. — Oh! bien sûr!... Il ne faut quand même rien

exagérer. Il faisait bon dans la grande pièce du premier étage

qui servait de salle à manger-salon à Léon Degrave... Un feu clair brillait dans la grande cheminée sculptée, et on se sentait loin de la pluie et du brouillard qui, dehors, avaient pris possession des rues. La pièce était très vaste et beaucoup moins encombrée que le rez- de-chaussée ; une magnifique bibliothèque en occupait tout un côté et les reliures de cuir offraient leurs titres, comme autant d'invitations à la lecture et au recueil- lement... Par terre, sur les grandes dalles de granit, il y avait un splendide tapis persan, un peu vieilli bien sûr, mais dont les coloris n'avaient pas varié et une peau d'ours semblait défendre la cheminée contre un ennemi possible... Puis quelques meubles très simples, très nobles, comme on en trouvait il n'y a pas si long-

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LES SENTIERS DE L'AUBE Bibliothèque de l'adolescence

« Capitaine Juliette ». — Yvon Mauffret Rhuys. Encore un Breton, nouveau venu dans la collection, dont on reparlera, et non seulement à propos de la jeunesse : « Pimprenelle Anti- quaire » ne le cède en rien à « Capitaine Juliette ».

« Juliette et le Roi de Naples ». — « Alyette aux yeux gris ». Sous le pseudonyme de Bernard Cazèles se dissimule un grave érudit, historien de la mer. Il assure également, dans Les Sen- tiers de l'Aube, la partie « roman historique ». Le succès qu'il rencontre prouve que ces sujets peuvent intéresser la jeunesse.

« L'Enfant Marquée ». — Anita Pereire. Il n'est pas besoin de présenter Anita Pereire au public des Sentiers de l'Aube. La rubrique qu'elle assure au journal Elle, la subtile compré- hension de la jeunesse dont elle y fait montre l'ont rendue populaire sans qu'il soit besoin d'ajouter autre chose. L'En- fant Marquée est une trilogie dont ont paru déjà les deux premiers volumes : Angéline et Angéline au Lycée. Le troi- sième sortira prochainement. Il sera certainement accueilli avec le même enthousiasme que les précédents.

« Le Musicien aveugle ». Ce roman peut être considéré comme l'un des classiques russes de ces dernières années. Nadia Caputo, bien connue de tous ceux qui s'intéressent à la littérature pour la jeunesse, l'a traduit avec fidélité et talent.

« Giannalisa ». — Salvatore Gotta est Grand Prix de Litté- rature italienne pour la Jeunesse. C'est Guillemette de Beau- villé qui l'a présenté et traduit. Guillemette de Beauvillé, à qui l'on doit un roman pour les jeunes sur le tennis, stricte- ment véridique, est, pour l'Europe, la seule femme arbitre de tennis.

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