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LA CHINE ET LES TECHNOLOGIES DU CHARBON PROPRE 21 TOUR DE VIS CONTRE LE PIRATAGE AU NIGÉRIA 2 14 P.I. ET FINANCEMENT des actifs à valoriser INNOVATION VERTE GENÈVE – OCTOBRE 2008 – N°5

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Page 1: P.I. ET FINANCEMENT...Gaye. La rémunération de Pullman, pour son rôle dans la création et le placement de ces obligations, s’est élevée à 10% des sommes mobilisées. Les principaux

LA CHINE ET LESTECHNOLOGIES DUCHARBON PROPRE

21 TOUR DE VIS CONTRE LE PIRATAGEAU NIGÉRIA

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P.I. ET FINANCEMENTdes actifs à valoriser

INNOVATIONVERTE

GENÈVE – OCTOBRE 2008 – N°5

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PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET FINANCEMENT

PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET FINANCEMENT – UNE INTRODUCTION

DIX COMMANDEMENTS

LES INCIDENCES DU PROCESSUS DE LA CNUDCI

LES DÉFIS DU FINANCEMENT DE LA P.I.

AU TRIBUNAL

JOHNSON & JOHNSON C. CROIX-ROUGE AMÉRICAINE

CHANGEMENT CLIMATIQUE

LA CHINE INNOVE DANS LE SECTEUR DES TECHNOLOGIES DU CHARBON PROPRE

SENSIBILISATION

COMMUNICATION EFFICACE: NOUVEAUX OUTILS DE L’OMPI À PORTÉE DE MAINS

LES ACHETEURS DE CONTREFAÇONS POUR CIBLE

SOUS LES PROJECTEURS

PIRATAGE – LA COMMISSION DU DROIT D’AUTEUR DUNIGÉRIA

CONSERVATION NUMÉRIQUES ET DROIT D’AUTEUR

COLLABORATEURS, CRÉATEURS, TRICHEURS

COURRIER DES LECTEURS

CALENDRIER DES RÉUNIONS

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TABLE DES MATIÈRES

GENÈVE, OCTOBRE 2008

Photographie de couverture:istock.com

Rédaction: Sylvie CastonguayGraphisme: Sheyda NavabTraduction: Henri Tasca

RemerciementsLucinda Longcroft (Secteur du droit d’auteuret des droits connexes de l’OMPI) P. 2Lisa A. Iverson, membre du cabinet Neal &McDevitt, LLC, et Anuradha Swaminathan(Division des communications et de la sensibilisation du public de l’OMPI) P. 12

Avec la contribution deAnuradha Swaminathan (Division des communications et de la sensibilisation dupublic de l’OMPI) P. 25Fabio Weissert (Division des communications etde la sensibilisation du public de l’OMPI) P. 17

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MAGAZINE DE L’OMPI NUMÉRO 5/2008 © Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle

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Pourquoi les dirigeants d’entrepriseset les responsables des politiquespubliques devraient-ils s’intéresseraux actifs de propriété intellectuelle?Ou aux dernières nouveautés enmatière de financement des entre-prises? Parce qu’ils ne peuvent passe permettre de faire autrement. Lesdroits de propriété intellectuelle, eneffet, ne constituent pas seulementdes actifs de grande valeur, maisaussi une source importante de fi-nancement. Le développement del’innovation est une préoccupationtrès importante pour les pays dumonde entier; pour les entreprises,qu’il s’agisse de jeunes pousses oude PME innovantes, l’accès au finan-cement est vital.1

Les actifs incorporels, et notam-ment les droits de propriété intel-lectuelle, peuvent augmenter la valeur des entreprises, etle fait de savoir en apprécier l’importance permet à leursdirigeants de prendre des décisions financières et com-merciales plus informées. Une meilleure évaluation de cesactifs peut aussi faciliter les négociations avec les institu-tions bancaires et l’accès au crédit ou l’obtention d’unmeilleur taux sur un prêt.

Pratiques de financement

La plupart des lecteurs connaissent les outils de finance-ment classiques fondés sur la propriété intellectuelle, telsque les licences (redevances) et la vente directe de bre-vets ou de marques. Les entreprises ont toutefois trouvé

depuis peu de nouvelles manièresde mobiliser des fonds à l’aide deleurs droits de propriété intellectuel-le, dont l’une consiste à mettre cesdroits aux enchères. Plusieurs foispar année, des maisons spécialiséesdans ce domaine organisent des en-cans d’actifs incorporels à la criée eten ligne qui offrent aux titulaires dedroits une possibilité d’accès rapideà des liquidités et créent pour lesacheteurs potentiels d’actifs imma-tériels un marché jusqu’alors inexis-tant. Ces ventes sont organisées pardes firmes telles que Ocean Tomo, IPBewertungs AG et IP Auctions Inc. Ilexiste aussi des plates-formes enligne d’échange de droits de pro-priété intellectuelle, par exemple laplace de marché Yet2.com et labourse d’échange technologiqueexploitée par la société Tynax.

Une autre manière de mettre à profit la valeur d’un actifde propriété intellectuelle est de l’utiliser comme garantie.Bien que les biens donnés en sûreté soient normalementdes actifs corporels tels que des biens immobiliers, deséquipements ou des stocks, l’apport de droits de proprié-té intellectuelle en garantie d’un prêt peut contribuer àaugmenter le montant de celui-ci. Lorsque l’emprunteurengage ses brevets, ses marques ou ses œuvres protégéespar le droit d’auteur, la valeur des biens donnés en garan-tie croît, et avec elle, les chances d’obtenir le montant re-cherché. Certaines banques utilisent aussi les actifs depropriété intellectuelle comme instrument de renforce-ment du crédit. Devant le nombre croissant d’opérations

PROPRIÉTÉINTELLECTUELLE ET FINANCEMENTUNE INTRODUCTION

1 Voir Intellectual Propertyand Access to Finance forHigh Growth SMEs,document de réflexionde la Direction généraledes entreprises et del’industrie de laCommissioneuropéenne, Bruxelles,14 novembre 2006.

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Le financement de la propriété intellectuelle, c’est-à-dire l’utilisation en garantie d’une créance de marques, des-sins et modèles, brevets et droits d’auteur ou autres actifs intellectuels, suscite un intérêt croissant dans les milieuxconcernés. De plus en plus d’entreprises, qu’elles soient multinationales ou PME, utilisent leurs droits de proprié-té intellectuelle comme source de crédit, et de plus en plus d’institutions financières réalisent des opérations danslesquelles ces droits sont donnés en sûreté. Une institution des Nations Unies mène parallèlement des travauxavec ses États membres afin de moderniser les pratiques en matière de financement garanti et de permettre auxtitulaires de droits de propriété intellectuelle d’obtenir des crédits dans de bonnes conditions de coût. L’article quisuit, écrit par un spécialiste en propriété intellectuelle de la firme suisse IP CONSULT 4U GmbH, nous présente cesquestions. Il est suivi des “Dix commandements” en matière de financement de la propriété intellectuelle deJeremy Phillips et de deux articles dans lesquels Lorin Brennan et Ben Goodger examinent les travaux en coursdans le cadre de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) en ce quiconcerne l’élaboration de politiques internationales dans ce domaine.

Les grandes banques acceptent plusfacilement les méthodes actuellesd’évaluation de la propriété intellectuelledans les opérations portant sur des brevetsou des marques d’importance.

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de financement qui sont ainsi appuyées par des droits depropriété intellectuelle et l’augmentation des sommesliées à la concession de licences de propriété intellectuel-le, Wall Street et les marchés financiers du monde entiercommencent à manifester de l’intérêt.

L’hypothèque est probablement la forme de sûreté quiprésente le moins de risques, mais elle suppose toutd’abord la cession des droits de propriété intellectuelleau prêteur, puis la concession au débiteur d’une licencesur ces derniers. Le problème que cela pose est que lecréancier devient titulaire des droits de propriété intel-lectuelle, sur lesquels il a donc la haute main, et que ce-la peut représenter un risque pour le fonctionnementde l’entreprise du débiteur, ainsi que pour les preneursde sous-licences.

Certains titulaires de droits de propriété intellectuelle fontappel au mécanisme de la titrisation, qui leur permet demobiliser plus facilement les montants qui leur sont né-cessaires, dans la mesure où il fournit une couverture adé-quate aux créanciers. Les opérations de titrisation d’actifsde propriété intellectuelle sont plus courantes dans les in-dustries du cinéma et du disque, mais elles se répandentmaintenant aussi dans les secteurs de la biotechnologie etdes logiciels. Les exemples les plus connus à cet égardconcernent la titrisation des flux de redevances généréspar les droits de musiciens célèbres – par exemple:

l’émission par David Bowie, en 1997, d’obligationsremboursables à 10 ans garanties par les droits d’édi-tion et les originaux de 25 albums déjà enregistrés a permis à l’artiste d’emprunter USD55 millions.L’acquéreur de ces titres se voyait reconnaître le droitde percevoir les redevances à venir des albums deBowie jusqu’au remboursement intégral du principal,augmenté de 8% d’intérêt par an;l’émission par Nickolas Ashford et Valerie Simpson, pa-roliers et producteurs de grands succès tels que la chan-son “Ain’t No Mountain High Enough”, de USD25 millionsd’obligations “adossées” à leurs droits sur 247 titres.

Ces montages sont l’œuvre de David Pullman, fondateurde la firme d’investissement spécialisée Pullman Group,qui a mis sur pied des opérations comparables pourJames Brown, les Isley Brothers et les héritiers de MarvinGaye. La rémunération de Pullman, pour son rôle dans lacréation et le placement de ces obligations, s’est élevée à

10% des sommes mobilisées. Les principaux acquéreursétaient des investisseurs institutionnels, tels que des fondsde retraite et des compagnies d’assurances, pour qui cesinstruments s’inscrivent dans le cadre de la diversificationde portefeuilles de placements.

Bien que le potentiel des produits financiers adossés à desdroits musicaux soit largement reconnu, ces derniers sontencore peu répandus, à la fois pour des raisons de volatili-té de marché et de méconnaissance de l’industrie de lamusique par le monde de la finance.

La titrisation est également une pratique bien connuedans le domaine des brevets, le caractère exclusif desdroits attachés à ces derniers permettant de les considé-rer comme des actifs commerciaux. Les acteurs sont nom-breux sur ce marché, allant de firmes spécialisées dans lareprésentation d’inventeurs individuels (par exempleFergason Patent Properties LLC, une société de conces-sion de licences de propriété intellectuelle et de dévelop-pement fondée par James Fergason, lui-même inventeurdans le domaine des écrans à cristaux liquides) à des cour-tiers en brevets tels que Pluritas, iPotential et IP Value enpassant par des agrégateurs de brevets comme la sociétéaméricaine Intellectual Ventures.2 La propriété intellec-tuelle est en outre de plus en plus présente dans les acti-vités des fonds d’investissement.

Altitude Capital Partners, par exemple, est un fonds d’in-vestissement privé de USD250 millions qui s’intéresse auxactifs de propriété intellectuelle, soit les brevets, lesmarques, le droit d’auteur et les flux de redevances, et auxsociétés axées sur ces derniers. Il travaille tant avec desparticuliers qu’avec des sociétés titulaires de droits de pro-priété intellectuelle. Le fonds Altitude a fait en février 2007dans DeepNines, un fournisseur de solutions de sécuritépour réseaux informatiques, un investissement dont la ré-munération est assurée par les revenus de propriété intel-lectuelle de la société, en prenant en contrepartie les ac-tifs de celle-ci. Altitude a aussi investi en avril 2008, enpartenariat avec Goldman Sachs & Co., USD11 millionsdans Intrinsity, Inc., une société texane qui détient lesdroits de propriété intellectuelle d’une technologie utili-sée dans la conception de cœurs de microprocesseurs. >>>

2 Voir Art Monk et RonLaurie, Inflexion Point,“Business OpportunityAlternatives toAssertion-Based PatentMonetization”.

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Catégories d’actifs incorporels

Avant d’engager des négociations avec un bailleur de fonds, le dirigeant d’entreprise désireux d’obtenir un fi-nancement sur la base de ses droits de propriété intellectuelle aura tout intérêt à bien comprendre les caté-gories d’actifs incorporels suivantes:

Actifs à valeur réalisable: actifs de propriété intellec-tuelle tels que brevets, marques et droit d’auteurayant fait l’objet d’une concession de licence dont lespaiements de redevances leur sont directement attri-buables. C’est cette catégorie d’actifs que préfèrentles investisseurs soucieux de disposer d’une sûretéd’une valeur suffisante et d’une trésorerie permettantle remboursement.

Actifs à valeur implicite: actifs de propriété intellectuellenon concédés en licence ou faisant seulement l’objetd’une utilisation interne (par exemple droits proté-geant des listes de clientèle ou des bases de données).Avant de les accepter en contrepartie, l’investisseurvoudra comprendre quelle est leur valeur d’exploita-tion par le détenteur et quelle serait, le cas échéant,leur valeur de liquidation.

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Peut-on se fier aux évaluations?

L’évaluation constitue un aspect essentiel du processus definancement des actifs de propriété intellectuelle. La titri-sation du risque qui en découle nécessite en effet de sa-voir quelle est la valeur de ces actifs au moment de l’opé-ration. Les méthodes existantes d’évaluation de lapropriété intellectuelle sont surtout efficaces pour desbrevets3 et des marques4 d’importance, pris séparément.Aucune ne se prête pour l’instant d’une manière indis-tincte à tous les actifs de propriété intellectuelle, quelleque soit leur importance, mais il n’en reste pas moins quela détermination de leur valeur peut constituer une né-cessité, par exemple à des fins comptables ou fiscales.

Les plus récentes initiativesen la matière sont la créa-tion sur l’American StockExchange d’un indice bour-sier basé sur la valeur desdroits de propriété intellec-tuelle des sociétés et unprojet d’établissement, àChicago, d’une bourse de lapropriété intellectuelle vi-sant à permettre aux inves-tisseurs et aux entreprisesde participer à une grandevariété de produits finan-ciers axés sur la propriétéintellectuelle, notammentintroduction en bourse in-dividuelle ou en partenariatde titres qualifiés, indices,contrats à terme et optionsde propriété intellectuelle,

titres de créance adossés à des droits de propriété intellec-tuelle, introduction en bourse de sociétés disposant d’unportefeuille de brevets important et nouveaux produits in-diciels fondés sur la propriété intellectuelle.

L’Institut allemand de normalisation (DIN) a publié, en2007, “des principes généraux pour l’évaluation adéquatedes brevets” (PAS 1070 (SAB)), afin de permettre une ap-préciation de la qualité des rapports d’évaluation et desévaluations d’experts. L’organisme a ensuite formé un co-mité de travail qui sera chargé, si les groupes concernésexpriment à l’unanimité leur intérêt à cet égard par l’inter-médiaire de leurs bureaux nationaux de normalisation,d’élaborer une norme ISO pour l’évaluation des brevets.

Cadre juridique

Il est intéressant de noter que la plupart des pays ne dis-posent pas d’un cadre juridique approprié en ce quiconcerne les opérations de financement d’actifs incorpo-rels, et notamment de propriété intellectuelle. Bien quecertains juristes et universitaires soient conscients de cettelacune, il semble que les pressions politiques aient été in-suffisantes, jusqu’à présent, pour déclencher une moderni-sation des systèmes juridiques. Cela dit, la question du fi-nancement de la propriété intellectuelle fait actuellement

l’objet de travaux d’élaboration de politiques au niveau in-ternational. La Chambre de commerce international a pu-blié au chapitre B)V) de sa feuille de route en matière depropriété intellectuelle un tour d’horizon des actions en-treprises à cet égard par le secteur privé et les gouverne-ments (www.iccwbo.org/policy/ip/id2950/index.html).

La Commission des Nations Unies pour le droit commer-cial international (CNUDCI) a établi en 2000 un groupe detravail chargé d’étudier la question des sûretés sur lesbiens personnels, et notamment les actifs incorporels. Cegroupe de travail a reçu pour mandat d’élaborer des re-commandations en vue de la mise en place d’un régimejuridique efficace pour les sûretés sur les biens faisant l’ob-jet d’une activité commerciale et de recenser les ques-tions à traiter, notamment la forme de l’instrument et lagamme exacte des biens pouvant servir de garantie.5

La décision d’entreprendre des travaux sur le droit des sû-retés a été prise pour répondre à un besoin, soit celui dedisposer d’une législation efficace, permettant de lever lesobstacles juridiques au crédit garanti et ayant, par consé-quent, des incidences bénéfiques sur la disponibilité et lecoût du crédit. La CNUDCI a conclu en 2007 ses travauxsur un guide législatif dans lequel elle formule des recom-mandations pour un régime juridique uniforme sur lesopérations garanties couvrant également le financementdes droits de propriété intellectuelle. Ce guide législatifdoit être considéré dans le contexte des politiques précé-demment élaborées par la CNUDCI, dont notamment laConvention des Nations Unies sur la cession de créancesdans le commerce international et la Loi type sur l’insolva-bilité internationale.

L’avenir du financementde la propriétéintellectuelle

Le succès du financement de la propriété intellectuelle re-présente un progrès important sur la voie d’une écono-mie fondée sur la propriété intellectuelle:

Amélioration de la capacité d’emprunt des entreprisesstocks, comptes clients et propriété intellectuelle de-venant plus attrayants, ils permettent d’accéder àdes montants plus élevés, et cela à un coût moindre.

Transparence du système de crédit et confiance dansles marchés de capitaux

la mise en place d’un système général d’enregistre-ment des créances tel que celui envisagé par laCNUDCI dans son guide législatif sur les opérationsgaranties sera sécurisante, d’un point de vue juri-dique, pour les créanciers, dans la mesure où ellerenforcera la transparence de la structure de créditde l’emprunteur ainsi que la visibilité des opéra-tions garanties.

Le financement des actifs de propriété intellectuelle joue-ra un rôle déterminant pour les participants du marché, enleur permettant de réaliser leurs objectifs économiques.

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David Bowie a émis, en 1997, pour USD55 millionsd’obligations remboursables à 10 ans garanties parles droits d’édition et les originaux de 25 albums déjàenregistrés.

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3 Voir par exemple Patent Valuation from aPractical View Point, andSome Interesting PatentValue Statistics From thePatentValuePredictorModel par Rick Neifeld,24 avril 2008.

4 Voir par exemple Brand Valuation: what it means and why itmatters par David Haighdans Brands in theBoardroom, IAM,supplément n° 1.

5 Documents officiels del’Assemblée générale,Cinquante-sixièmesession, Supplément n°17 (A/56/17),paragraphes 346 et suiv.www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A%2F56%2F17&Lang=F.

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Qu’ont à voir ensemble la finance et la propriétéintellectuelle?

En un mot? Tout. Pour développer un nouveau pro-duit, pour fabriquer le prototype du prochain gadgetà la mode, pour payer les honoraires des spécialisteset les taxes officielles, il faut de l’argent. Ce qui est af-fligeant, c’est que le titulaire de droits de propriété in-tellectuelle n’est récompensé que si sa création per-met de réaliser une opération rentable, tandisqu’autour de lui, tout lemonde – banques, comp-tables, avocats, agencesd’études de marché ou depublicité et offices de bre-vets et de marques – reçoitsa rémunération, que le pro-jet fondé sur lesdits droitsdécroche la timbale ousombre corps et biens.

L’envie d’innover et de créernous démange tous oupresque, mais à de rares ex-ceptions près, nous ne nais-sons pas riches. Si nous vou-lons exprimer pleinementnos talents créatifs, nous de-vons donc trouver quelque part l’argent qui nouspermettra de le faire. Nous pourrons par exemplecontracter un emprunt à la banque ou une hypo-thèque (souvent en échange d’une part des profitsréalisés grâce à nos droits de propriété intellectuelleou en transférant ceux-ci à notre créancier en guisede sûreté), tenter d’obtenir une subvention ou enco-re augmenter nos revenus en travaillant la nuit.

Quoi qu’il en soit, l’innovateur qui a besoin d’argent aégalement besoin de conseils. Les “Dix commande-ments” qui suivent seront utiles dans presque tous lescas. Il faut savoir, toutefois, qu’ils constituent seule-ment une base et ne peuvent en aucun cas rempla-cer une stratégie financière soigneusement élaboréeou les conseils d’un professionnel.

À noter aussi que lorsque l’objet des droits est créépar un salarié, ces commandements s’appliquentaussi, mais que c’est alors à l’employeur, et non àl’employé créatif, de les observer.

Tu devras…

1. Délimiter clairement l’objet des droits. Les inven-teurs créent des inventions. Les concepteurscréent des dessins ou des modèles. Mais ce sontles avocats qui créent des droits de propriété in-tellectuelle lorsqu’ils annoncent, après avoir exa-miné un nouveau concept, qu’il renferme plu-sieurs objets de protection. Ainsi, à un inventeurqui croit avoir inventé une lampe de poche, lespécialiste de la propriété intellectuelle appren-

dra que cette dernière peutêtre protégée par un brevet,du fait de son utilité, par unmodèle, pour sa forme,éventuellement par unemarque, encore pour sa for-me, et ainsi de suite.Autrement dit, si vous envi-sagez de donner votre pro-priété intellectuelle en ga-rantie à un créancier ou enlicence à un fabricant, vousavez tout intérêt à savoir ceque vous avez en main.

2. Lire les clauses en petitscaractères des documents fi-nanciers. Les prêteurs com-

merciaux quels qu’ils soient – et pas seulementles banques – sont très attachés à leur argent.Autant, en fait, que peut l’être l’inventeur à sanouvelle création, ce qui est normal, puisque cetargent est leur principal actif. Il en résulte queleurs contrats contiennent toujours des clausesconçues pour les protéger. Par conséquent, lisezattentivement les détails de votre contrat et, aubesoin, demandez des explications. Qu’arrive-t-ilsi les consommateurs décident de ne pas acheterle bidule indispensable pour lequel la banquevous avance de l’argent en prenant quelquesbrevets en garantie? Devient-elle propriétaire deces brevets? Peut-elle saisir votre outil de produc-tion? Votre voiture? Autre chose?

3. Tenir les dossiers avec rigueur. Surtout si vous bé-néficiez d’un financement public – ou pour le casoù l’on vous reprocherait de ne pas avoir utiliséles fonds avancés aux fins pour lesquelles ils l’ontété. La tenue de dossiers n’est pas une activité

DIXCOMMANDEMENTS

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Cet article de JEREMY PHILLIPS est le deuxième que publie le Magazine de l’OMPI (voir “Une journée dans la vied’un blogmestre”, n° 2/2008). Le professeur Phillips nous propose ici sur le mode “biblique” une liste des chosesà faire et ne pas faire dans une opération de financement de propriété intellectuelle.

Lisez les petits caractères. Les banques et les prêteurscommerciaux ajoutent dans les contrats des clausesconçues pour leur propre protection. Assurez-vousqu’elles vous conviennent.

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passionnante, mais elle peut vous éviter bien desennuis et bien des situations embarrassantes.

4. Reconnaître qu’on ne peut pas tout faire soi-mê-me. Il est rare, de nos jours, que les créateurs dis-posent à la fois des installations, des équipe-ments, du savoir-faire et des compétences degestion nécessaires pour mener un projet de latable à dessin (ou de l’écran d’ordinateur) jusquesur le marché. Ne perdez pas votre temps et votreargent à apprendre ce que vous pourriez acheterou sous-traiter à l’extérieur – à moins qu’il ne soitparticulièrement avantageux de le faire.

5. Prévoir un plan de secours. Les meilleures straté-gies peuvent se solder par un échec. Cela s’ap-plique à plus forte raison lorsqu’elles concernentdes produits ou des services nouveaux, vu quepersonne, par définition, n’a jamais fait ce que letitulaire des droits de propriété intellectuelle es-père faire. Les enseignements du passé ne sontdonc pas d’une grande utilité pour prévoir ce queréserve l’avenir. C’est pourquoi il est sage de pré-voir un plan “bis”. Élaborez une liste de questionsdu type “Que se passerait-il si…” et voyez où celavous mène. Si vous constatez qu’aucune autrepossibilité ne se dégage, demandez-vous s’il neserait pas plus prudent, compte tenu du risque fi-nancier, de renoncer carrément à l’élaboration del’objet de propriété intellectuelle concerné.

Tu ne devras point…

6. Être avide. Dans la plupart des cas, les droits depropriété intellectuelle rapportent peu ou pas dutout par eux-mêmes, mais peuvent s’avérer trèsrentables lorsqu’ils sont combinés aux produitsou services d’un tiers. Par exemple, le chef cuisi-nier qui a mis au point la recette d’une pizza déli-cieuse pourra gagner beaucoup plus d’argent enla concédant en licence à une chaîne de restau-rants en franchise – même si chaque pizza rap-porte plus à cette dernière qu’à lui-même – qu’enouvrant sa propre pizzeria où il devra ensuite pas-ser ses journées à surveiller ses concurrents pours’assurer qu’ils ne copient pas ses produits.

7. Négliger les droits de propriété intellectuelle destiers. Un droit de propriété intellectuelle peut êtresans valeur s’il ne s’accompagne pas d’une autori-sation d’utilisation du titulaire d’un autre, commepar exemple dans le cas d’un lubrifiant brevetéqui ne peut pas être fabriqué sans porter atteinteau brevet de sa version originale. Étant donné quedes sommes substantielles peuvent être dues, dece fait, à l’autre titulaire de droits, il importe d’enavertir le prêteur à l’avance, car celui-ci pourra en-gager des poursuites contre l’emprunteur s’ils’avère que l’objet de propriété intellectuelle don-né en garantie n’est pas utilisable tel quel.

8. Oublier la dynamique du marché. Il est facile des’imaginer que l’innovation que l’on commerciali-

se va littéralement prendre le marché et marquerl’avènement d’une époque heureuse qui durerajusqu’à la fin des temps et au cours de laquelle lenouveau produit ne cessera plus d’être fabriqué,distribué, acheté et vendu avec profit. C’est rare-ment ainsi que les choses se passent dans la réali-té. Lorsqu’un produit a du succès, des concurrentss’empressent d’y apporter leurs propres innova-tions et de profiter de son potentiel commercial,ou même de le développer (qui se sert encored’un lecteur de cassettes?); les modes et les goûtschangent (si un nouveau disque de Bing Crosbysortait en 2008, à combien d’exemplaires se ven-drait-il?); l’environnement lui-même a son influen-ce, puisque des produits par ailleurs séduisantssont désormais rejetés en raison de leur “emprein-te carbone”. La morale est claire: lorsque vous cal-culerez le nombre d’années de vente de votreproduit qui vous permettra de rembourser votreemprunt ou de récupérer le droit de propriété in-tellectuelle que vous avez hypothéqué, faites-leavec circonspection, car il se peut que vous ayezmoins de temps que vous ne pensez.

9. Méjuger les effets de “déperdition”. Dans un mon-de où les appareils permettant la copie privéesont omniprésents, il peut être difficile de fairerespecter le droit d’auteur sur des œuvres tellesque les enregistrements sonores, et cela même sices dernières ont rapporté des sommes colos-sales lors de leur lancement. Si les mécanismesde la propriété intellectuelle ne parviennent pasà enrayer les déperditions dues à la contrefaçon,de telles œuvres peuvent continuer à jouir d’unsuccès considérable pendant que les revenusqu’elles génèrent se réduisent à presque rien.

10. Ne pas emprunter plus que nécessaire. Si les sub-ventions n’ont généralement pas besoin d’êtreremboursées, il en va tout autrement pour les prê-teurs privés. Ces derniers font en outre leur argenten vous faisant payer des intérêts, ce qui signifiequ’à la fin de l’opération, vous aurez probable-ment remboursé beaucoup plus que le montantemprunté. Pour limiter les coûts, il vous faut i) nepas emprunter plus que ce qui vous est nécessai-re selon votre budget et ii) ne pas emprunter troptôt, de manière à ne pas commencer à rembour-ser avant d’avoir pu faire usage de votre prêt.

Épilogue

L’innovation est un trouble cérébral contre lequel iln’existe aucun traitement efficace. L’argent permetparfois d’en améliorer les symptômes, mais seule-ment à condition d’être administré adéquatement etsi le patient observe le mode d’emploi qui lui est four-ni. En ce qui concerne les premiers secours, toutefois,contentez-vous d’observer les Dix commandements.Vous ne devriez pas vous tromper de beaucoup.

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Bien que peu remarqués, lestravaux de la CNUDCI pour-raient avoir des suites impor-tantes pour les entreprisesaxées sur la commercialisationd’actifs de propriété intellec-tuelle, de l’industrie cinémato-graphique aux grandes fran-chises, en passant par lescompagnies pharmaceutiques.Faciliter l’accès des entreprisesau financement est un butlouable. Il se pourrait toutefoisque cette initiative ait pourconséquence involontaire deporter un dur coup au com-merce de propriété intellec-tuelle – actuellement l’une desactivités commerciales les plusimportantes de l’économie mondiale, avec un volume es-timé à USD300 milliards. Le problème tient au fait que l’ontente de transposer à tout prix aux activités de propriétéintellectuelle, qui concernent essentiellement des actifsimmatériels, une perspective et des dispositions juri-diques conçues pour les actifs corporels.

Guide législatif de laCNUDCI – Principalesquestions de financementde la P.I.

Le créancier garanti devrait-il pouvoir bénéficier d’unelicence, en cas de défaillance, sans avoir à produire au-cun autre document?Un titulaire de droit de propriété intellectuelle qui a concé-dé ce dernier en licence s’attend à recevoir des redevancesen contrepartie. Le preneur de licence peut à son tourconcéder une sous-licence sur ce même droit, et donc sefaire verser des redevances par le preneur de sous-licence.Il peut aussi chercher à obtenir un financement, en offrantcomme sûreté les revenus futurs découlant de cetteconcession de sous-licence. La licence principale contientgénéralement une clause prévoyant qu’une telle opérationest impossible sans le consentement du titulaire originairedu droit de propriété intellectuelle concerné, ce qui estune manière, pour ce dernier, de conserver une certainemaîtrise de la situation, par exemple en cas de difficultés fi-nancières chez le preneur de sous-licence. Le Guide légis-latif semble lui retirer ce droit, en accordant au créancier le

“bénéfice” automatique de lalicence, nonobstant la présen-ce de dispositions contrairesdans le contrat de licence. Celapourrait être tout aussi désa-vantageux pour le preneur desous-licence que pour le titu-laire du droit. Le créancierpourrait en effet imposer auxpreneurs de sous-licence desdispositions dont l’effet immé-diat serait une augmentationde revenus mais qui, à long ter-me, risqueraient de déprécierla propriété intellectuelleconcédée – par exemple lesforcer à apposer une marquesur des produits à fort volumede vente mais s’adressant à un

marché de moins bonne qualité ou autoriser la vente deproduits en dehors du territoire délimité par le contrat delicence, en empiétant donc sur d’autres droits concédéspar le titulaire de propriété intellectuelle.

La loi du lieu de situation de la partie qui titrise ses re-devances devrait-elle s’appliquer à la déterminationde la priorité, indépendamment du choix de droit ap-plicable des parties?Le Guide législatif prévoit qu’en cas de concurrence de ré-clamants en ce qui concerne la créance, la loi du lieu de si-tuation du preneur de licence ayant donné ses droits ouredevances en garantie s’applique, même si les parties ensont convenues autrement aux termes de leur contrat.

Voici un exemple de ce que cela pourrait donner en pra-tique: la société allemande German Co. concède à la so-ciété indienne Indian Co. une licence de fabrication deproduits protégés par des enregistrements de dessin etmodèle et de marque en Inde et aux États-Unisd’Amérique. Indian Co. concède la fabrication en sous-li-cence à diverses autres entreprises en Inde et aux États-Unis d’Amérique. Indian Co. contracte aussi auprès de lasociété américaine US Lender un emprunt garanti par unehypothèque sur l’ensemble de ses revenus de sous-licen-ce. Indian Co. fait faillite. La licence de German Co. à IndianCo. était régie par le droit allemand. La garantie hypothé-caire donnée par Indian Co. à US Lender était régie par ledroit américain. Les sociétés German Co. et US Lender es-timent toutes deux avoir priorité sur les redevances que >>>

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BEN GOODGER, responsable international de la commercialisation de la propriété intellectuelle chez Rouse & CoInternational, a de nombreuses années d’expérience dans différents domaines du droit commercial, et notam-ment en matière de stratégie et valorisation de propriété intellectuelle, haute technologie, protection demarques et gestion d’image et droit de l’informatique et de l’Internet. Il se penche dans cet article sur les préoc-cupations des titulaires de droits de propriété intellectuelle face au processus de la CNUDCI.

Les entreprises dont la valeur est principalementfondée sur des actifs de propriété intellectuelle sontde plus en plus nombreuses. La marque Nike estévaluée à plus de USD12 milliards, c’est-à-dire plus quetous les actifs immobiliers et matériels de la société.Ces biens incorporels peuvent être utilisés pourgarantir un financement.

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LES INCIDENCES DU PROCESSUS DE LA CNUDCI

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les preneurs de sous-licence d’Indian Co. continuent deverser. Quel est le droit applicable? Selon le Guide législa-tif, ce serait le droit indien.

Un registre mondial unique pour toutes les sûretés etcréances sur des droits de propriété intellectuelle?Le Guide législatif envisage l’établissement d’un “registregénéral des sûretés”. L’intention est bonne: définir uncadre à l’intérieur duquel pourra être créé un système pu-blic simple et économique pour l’enregistrement des no-tifications relatives aux sûretés. En pratique, toutefois, cet-te idée simple soulève une multitude de problèmes:

elle n’est pas suffisamment précise quant aux infor-mations qui devront être fournies au sujet des droitsgarantis. Un objet de propriété intellectuelle peut eneffet être soumis à un grand nombre de droits diffé-rents les uns des autres; par exemple, dans le casd’un film, les droits de télévision peuvent faire l’objetd’une licence à une personne, tandis que les droitscinématographiques sont donnés à une autre;les enregistrements seraient effectués sous le nomde la personne qui constitue la sûreté, et non souscelui du droit grevé. Dans un cas où il serait néces-saire, avant de conclure un accord portant sur unemarque, de vérifier que celle-ci n’est pas affectée parailleurs à la sûreté d’une créance, il serait donc im-possible de le faire sur la base du nom de laditemarque. Or, si l’on ne sait pas qui sont les parties in-téressées à un objet de propriété intellectuelle, com-ment fait-on pour s’assurer de ne pas porter atteinteà leurs droits? le guide ne prévoit aucun mécanisme de vérificationet d’élimination des inscriptions frauduleuses dans lesystème d’enregistrement. Autrement dit, ce dernierpourrait être utilisé pour créer de fausses sûretésayant toutes les apparences de l’authenticité et quiseraient très difficiles à supprimer. Voilà qui serait trèsalléchant pour les pirates et les contrefacteurs;étant distinct des systèmes nationaux d’enregistre-ment de droits de propriété intellectuelle, le systèmed’enregistrement prévu par le guide imposerait desrecherches multiples. Aucune règle n’est prévue ence qui concerne la résolution des différends aux-quels peuvent donner lieu des inscriptions, parexemple dans le cas où un cessionnaire de bonne foise trouve, en utilisant un système national d’enregis-trement de la propriété intellectuelle, en conflit avecun créancier garanti qui revendique la priorité selonles lois du pays d’origine du débiteur, en se récla-mant du système de la CNUDCI;enfin, et c’est peut-être là le point le plus fondamen-tal, l’enregistrement dans le système en question n’estpas obligatoire, de sorte que rien ne garantirait queles sûretés détenues y figurent toutes sans exception.

Le créancier devrait-il avoir, en cas de défaillance, ledroit de proposer librement des produits contenantl’objet de propriété intellectuelle concerné?Les licences de propriété intellectuelle confèrent cou-ramment le droit de fabriquer et de proposer des pro-duits contenant l’objet de propriété intellectuelleconcerné, tels que DVD, articles de mode, médicaments,

etc. Qu’arrive-t-il en cas de défaillance d’un preneur de li-cence qui a constitué une sûreté sur les droits découlantde sa licence et les produits fabriqués en vertu de cesderniers? Le guide autorise le créancier à procéder libre-ment à une nouvelle concession de licence ou à unecession des produits, sans référence à la licence. Il auto-rise donc un créancier garanti, en cas de défaillance dupreneur de licence, à prendre les produits et à les re-vendre, à concéder une nouvelle licence sur les droits età percevoir les redevances des preneurs de sous-licenceet, ce faisant, à “choisir la méthode, les modalités, la date,le lieu et d’autres aspects de la disposition, de la locationou de la mise sous licence”.

Le preneur de sous-licence peut, dans certains cas, êtreautorisé à payer les redevances en nature ou simplementà restituer, à titre de paiement, les produits de valeur ayantrapport aux droits de propriété intellectuelle concernés,par exemple originaux d’enregistrements cinématogra-phiques ou sonores, codes objet de logiciels d’ordinateursou produits invendus revêtus d’une marque. Le Guide lé-gislatif permet aussi au créancier de prendre pleine et en-tière possession de ces actifs. De quoi le motiver plus à ex-ploiter ces derniers ou à les vendre au plus tôt au plusoffrant qu’à examiner ses responsabilités envers le titulai-re des droits de propriété intellectuelle. Cela pourrait aus-si porter préjudice aux autres preneurs de licences et desous-licences sur la marque.

Où en est-on?

Le Guide législatif de la CNUDCI a été finalisé et adoptéen décembre 2007, étant expressément entendu qu’uneannexe sur la propriété intellectuelle sera établie afind’aider les États, dans le cadre de la modernisation deleur législation sur les sûretés, à appliquer les conceptsqui le sous-tendent aux opérations portant sur des droitsde propriété intellectuelle. Les travaux d’élaboration decette annexe sont en cours, avec l’assistance d’un grou-pe d’experts issus des secteurs de la banque et de la pro-priété intellectuelle.

La communauté de la propriété intellectuelle reste tou-tefois préoccupée par le fait que le texte de cette annexesur la propriété intellectuelle ne prend pas encore encompte, et cela malgré de longs débats, les difficultésque pose l’application du Guide législatif au monde de lapropriété intellectuelle. Il est fortement souhaitable queles représentants des ministères chargés des questionsde propriété intellectuelle dans les États membres del’OMPI et les autres parties prenantes de la propriété in-tellectuelle prennent une part active à cette initiative et,si possible, au processus de la CNUDCI de manière à bienfaire comprendre les besoins de la communauté de lapropriété intellectuelle dans le cadre de cette importan-te réforme juridique.

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Dans l’économie de l’infor-mation mondialisée quenous connaissons aujour-d’hui, les biens tangibles,qui dominaient les échangescommerciaux depuis les dé-buts de l’ère industrielle,font place de plus en plus àdes actifs incorporels. Enplus d’être elle-même unimportant objet de com-merce, par exemple dans leslicences relatives à descontenus en ligne, la pro-priété intellectuelle repré-sente une part croissante dela valeur des produits tradi-tionnels, des articles de mode des grandes marquesaux médicaments brevetés. Cette évolution estcertes stimulante, car elle fait naître d’intéressantespossibilités de développement commercial, mais ellese traduit aussi par une profonde remise en causedes pratiques juridiques établies.

Le droit de la propriété intellectuelle, en effet, a tou-jours été axé sur la protection de la propriété. Le droitcommercial, en revanche, se préoccupe de conclureet de faire respecter des contrats dans un contexte decommerce. Il a toutefois été élaboré en grande partiepour des opérations relatives à des biens corporels,ce que les objets de propriété intellectuelle, évidem-ment, ne sont pas. Vu la place de plus en plus impor-tante qu’occupe la propriété intellectuelle dans lecommerce moderne, l’harmonisation de ces diffé-rents aspects du droit devient impérative.

Ce processus est déjà engagé dans un domaine, à sa-voir celui des garanties de financement. La Commissiondes Nations Unies pour le droit commercial interna-tional (CNUDCI) a promulgué en décembre 2007 leGuide législatif sur les opérations garanties, un docu-ment longtemps attendu destiné à aider les États àmoderniser leur législation et à améliorer l’accès aucrédit abordable. Ce document étant toutefois axéprincipalement sur des pratiques de financementconçues pour les biens corporels et les créances

commerciales relatives à cesderniers, il a été admis qu’ildevra faire l’objet de certainsajustements en ce quiconcerne plus particulière-ment les actifs de propriétéintellectuelle. Il ne s’appliquepas, par conséquent, “dans lamesure [où il est] contraireau droit de la propriété intel-lectuelle”. La CNUDCI tra-vaille actuellement à l’éta-blissement d’une annexedestinée à adapter le guide àla propriété intellectuelle.

La CNUDCI a remarquable-ment bien réussi à délimiter les attentes très diversesdes prêteurs commerciaux et des titulaires de droitsde propriété intellectuelle, mais il reste beaucoup àfaire pour réaliser une harmonisation véritable. La vo-lonté d’élaborer des règles modernes pour le finan-cement des actifs de propriété intellectuelle a été ex-primée avec force par des professionnels de tous lessecteurs concernés, et le Secrétariat de la CNUDCI aapporté au processus un appui sans faille. De nom-breuses questions sont encore irrésolues, dont no-tamment celles qui suivent.

Opposabilité: dans de nombreux pays, la législationsur le commerce dispose qu’une sûreté n’est oppo-sable aux tiers que si elle est enregistrée. Le Guide lé-gislatif de la CNUDCI propose d’établir, aux fins d’ins-cription des avis relatifs aux sûretés, un registre debiens meubles qui pourrait être étendu à la proprié-té intellectuelle. De nombreux systèmes juridiques,notamment ceux dont le droit du financement dé-coule de principes de nantissement, prévoient qu’enl’absence d’enregistrement, certains types de droitsde propriété intellectuelle comme les droits d’auteurou les secrets d’affaires ne peuvent pas faire l’objetd’un financement. Le guide de la CNUDCI permet-trait d’utiliser ces actifs pour garantir des prêts, ce quiconstituerait une amélioration notable. Dans certainsÉtats, toutefois, en particulier ceux dont le droit enmatière de garantie des crédits est axé sur la notion >>>

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LORIN BRENNAN est un avocat des États-Unis d’Amérique, spécialisé dans la concession et le financement de li-cences internationales de propriété intellectuelle. Il est actuellement conseiller spécial de l’Independent Filmand Television Alliance et membre du comité de la CNUDCI sur les opérations de financement garanties par desactifs de propriété intellectuelle. M. Brennan est l’un des dirigeants de la firme Gray Matter LLC, qui conçoit deslogiciels de gestion des droits pour les licences internationales de propriété intellectuelle.

La création sur l’American Stock Exchange d’un indiceboursier basé sur la valeur des droits de propriétéintellectuelle des sociétés et un projet de bourse de lapropriété intellectuelle à Chicago sont parmi lesinitiatives visant à fonder l’évaluation des actifs depropriété intellectuelle sur le marché.

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LES DÉFIS DU FINANCEMENTDE LA P.I.

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d’hypothèque, l’absence d’enregistrement n’est pasconsidérée comme un empêchement, et une sûretédétenue sur un droit de propriété intellectuelleprend effet dès la conclusion du contrat, commepour n’importe quel autre transfert. L’impositiond’une obligation d’enregistrement des sûretés dansces États supposerait des formalités supplémentairespour rendre ces dernières opposables aux tiers, ycompris, le cas échéant, aux contrefacteurs.

Coordination des registres: de nombreux pays ont desregistres de droits de propriété intellectuelle, notam-ment en ce qui concerne les brevets et les marques,et ces derniers permettent souvent l’inscription dessûretés. L’harmonisation de ces systèmes d’enregis-trement existants avec le registre des biens meublesproposé par la CNUDCI soulève des questions depriorité et d’opposabilité.

En ce qui concerne la priorité, le guide reconnaît cel-le des registres de propriété intellectuelle existants,en préconisant qu’une sûreté inscrite dans un tel re-gistre ait préséance sur toute garantie i) inscrite dansle registre général des sûretés à un moment quel-conque ou ii) inscrite dans le registre de propriété in-tellectuelle à une date ultérieure. La priorité est ce-pendant fondée sur la règle dite “pure race”,c’est-à-dire d’inscription pure, qui s’applique mêmeen présence d’une cession antérieure connue. Les re-gistres de propriété intellectuelle de nombreux paysutilisent des règles différentes, par exemple celle de“pure notice” (notification d’inscription pure), en vertude laquelle les droits prioritaires sont ceux de la per-sonne à laquelle la sûreté est cédée ultérieurement etqui l’achète de bonne foi, sans connaissance de cau-se. L’inscription est encouragée dans ce système,étant donné qu’elle constitue une notification suffi-sant à éviter ultérieurement un tel transfert, mais ellen’est pas strictement nécessaire. D’autres pays appli-quent la règle de “race notice” (priorité/notification),qui reconnaît la priorité, entre plusieurs acheteurs debonne foi, à celui qui a été le premier à inscrire la sû-reté. D’autres encore prévoient que l’inscription créeune présomption de priorité réfragable en cas d’ins-cription antérieure. Tous ces systèmes doivent êtreharmonisés, ce qui signifie qu’un complément d’étu-

de est nécessaire en ce qui concerne la règle de “pre-mière inscription” du guide législatif.

La question connexe de l’opposabilité et celle des pro-blèmes posés par le fait que le système d’enregistre-ment prévu par le guide n’exige qu’une simple notifi-cation avec une description générale de la sûreté prisecontre le débiteur (du genre “tous les droits de proprié-té intellectuelle détenus ou qui le seraient ultérieure-ment”) ont déjà été abordées dans l’article précédent.

Transferts dans le cours normal des affaires: une autrequestion qui se pose est celle de savoir si la notionde “cours normal des affaires” devrait s’appliquer à lapropriété intellectuelle. Cette dernière permet de ré-duire le coût des opérations dans lesquelles les par-ties prévoient raisonnablement que la vente desbiens grevés entraînera l’extinction de la sûreté quis’y applique. L’acheteur d’un stock de produits nes’attend pas à ce que le prêteur qui finance ce stockconserve le droit d’en reprendre possession en casde défaillance du vendeur. Si c’était le cas, il est clairque l’acheteur demanderait une renonciation à cedroit, renonciation que le prêteur lui accorderaitd’autant plus volontiers que l’opération permettraitde générer les fonds nécessaires au remboursementdu prêt. Le Guide législatif tient compte de cette at-tente commerciale, en prévoyant l’extinction de lasûreté dès lors que le bien a été vendu dans le “coursnormal des affaires”. L’idée a été avancée d’étendrecette notion aux licences non exclusives portant surdes droits de propriété intellectuelle, les attentescommerciales étant les mêmes dans ce domaine. Cen’est toutefois pas toujours le cas. Il existe de nom-breuses situations, par exemple dans le financementde productions cinématographiques ou de licences,dans lesquelles les parties s’attendent à ce que lacharge de la sûreté prise en garantie soit transmiseau preneur de licence, et même l’exigent. Les pre-neurs de licences savent qu’il leur incombe deprendre toutes les mesures raisonnables pour semettre en contact avec les prêteurs antérieurs et né-gocier avec eux un accord de “non-immixtion” s’ilsveulent pouvoir continuer de jouir de leur licence àla suite d’une forclusion. Les professionnels de lapropriété intellectuelle estiment par conséquentque ce type de situation se rapproche plus de ce quise passe pour les baux de location lors de la cessiond’un immeuble de bureaux grevé par un prêt hypo-thécaire que d’un cas de vente de stock de produits,de sorte qu’une règle de “cours normal des affaires”relèverait des “exceptions et limitations” et porteraitatteinte à l’exploitation normale.

Propriété intellectuelle et produits: prenons le cas d’unappareil-photo numérique dont le mécanisme estcommandé par un logiciel protégé par le droit d’au-teur et qui est vendu sous une marque. Comment leprêteur qui prend 100 de ces appareils photo en ga-rantie doit-il les décrire: “ appareils-photo numé-riques” ou “appareils-photo numériques et droits depropriété intellectuelle”? Certains soulignent la lour-deur de la deuxième description ou le fait qu’elle ne

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Les travaux de la CNUDCI à Vienne ont permis de délimiterles diverses attentes des prêteurs commerciaux et destitulaires de droits de propriété intellectuelle, mais il restebeaucoup à faire pour réaliser une harmonisation véritable.

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vient pas naturellement. Il faudrait donc que la des-cription de biens corporels pris en sûreté puisse in-clure ce que l’on appelle parfois la propriété intellec-tuelle qui leur est “intégrée” ou “connexe”, ce quipermettrait aux créanciers, en cas de défaillance, dedisposer de ces biens sans avoir besoin de faire réfé-rence aux droits de propriété intellectuelle. Cela po-se toutefois un problème, en ce sens que ce qui n’està l’origine que la description pratique d’une sûretépeut devenir une sorte de licence obligatoire. Si lesappareils photo ont été achetés dans le cadre d’uneopération licite, avec l’autorisation du titulaire desdroits de propriété intellectuelle, ces derniers sontsatisfaits (par exemple “épuisés”), de sorte que lecréancier ne les exerce pas en cas de forclusion. Si lesproduits sont piratés, le créancier ne doit pas avoir ledroit d’en disposer sans égard aux droits de proprié-té intellectuelle. S’ils ont été fabriqués en vertu d’unelicence restreinte, il semblerait logique que leur des-cription à titre de sûreté en fasse mention. Il s’agitd’un aspect qui semble être déjà pris en compte parle droit traditionnel de la propriété intellectuelle,mais il pourrait être utile de mieux l’expliquer.

Droit applicable: quel est le droit qui doit s’appliqueren matière de création, d’opposabilité, de priorité etd’application d’une sûreté constituée par un droit depropriété intellectuelle, en particulier si l’effet de cedernier s’étend à plusieurs pays? D’un point de vuede droit commercial, on aimerait que toutes cesquestions soient régies par un seul et même ordre ju-ridique, par exemple celui du pays dans lequel setrouve le constituant. D’un autre côté, la détermina-tion de la personne autorisée à faire valoir le droit depropriété intellectuelle et à en être titulaire – des as-pects qui ont une incidence sur les moyens de re-cours et font donc intervenir le principe traditionnelde la territorialité et la “loi de l’État qui accorde la pro-tection” – est directement influencée par les règless’appliquant à l’opposabilité aux tiers et à la priorité. Ilserait anormal que la législation d’un pays A déter-mine si un droit de propriété intellectuelle est biendétenu et opposable aux tiers dans un pays B.

Ce sont là quelques-unes des questions qui se sontposées dans le cadre des travaux de la CNUDCI envue de l’élaboration d’une annexe au Guide législatifconsacrée à la propriété intellectuelle. Ce processus acontribué à mettre en lumière la diversité des be-soins commerciaux et des attentes des personnesconcernées. Les prêteurs qui financent des fonds deroulement voudraient avoir une “sûreté sur l’entrepri-se” pouvant être exercée facilement, par simple noti-fication, sur les actifs présents et futurs du débiteur, ycompris de propriété intellectuelle. Le Guide législa-tif se prête bien, par son orientation, à ce type de mé-canisme. Les spécialistes du financement de produc-tions cinématographiques ou de franchises veulentune garantie sur actifs donnant priorité sur les reve-nus de licence et les redevances, avec un systèmed’enregistrement qui leur soit familier. Ces perspec-tives sont toutes deux importantes et il est possiblede les satisfaire, dans un cas comme dans l’autre. Ilfaudra cependant des efforts diligents pour y parve-nir. La participation au processus de spécialistes enpropriété intellectuelle des gouvernements et desorganisations professionnelles serait bienvenue etcontribuerait à mener celui-ci à bonne fin.

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Venez bloguer pour en savoir plus sur le financement de la propriété intellectuelle – ou partager votre savoir

Les lecteurs du Magazine seront peut-être intéressés de savoir que les questions situées à la jonction de la pro-priété intellectuelle et de la finance suscitent l’intérêt d’une communauté de plus en plus nombreuse d’en-thousiastes. Les domaines concernés sont notamment l’évaluation des droits de propriété intellectuelle, lafixation des taux de redevances, les calculs de préjudice, l’utilisation de la propriété intellectuelle pour garan-tir les prêts, le financement des jeunes entreprises fondées sur la propriété intellectuelle et la création de nou-veaux modèles de concession de licences et de protection des droits. Le groupe en question est animé d’unélan nouveau depuis qu’une réunion de la CNUDCI sur l’établissement d’un Guide législatif sur les opérationsgaranties par des actifs incorporels a révélé à Vienne, en 2007, que les connaissances du secteur financier enla matière dépassaient de loin celles des participants des milieux de la propriété intellectuelle. Bénéficiant del’aide et des encouragements d’organismes tels que MARQUES, l’Association internationale pour les marqueset l’IFPI, ce groupe s’est donné un objectif de sensibilisation, à l’intérieur comme à l’extérieur des industries etprofessions de la propriété intellectuelle.

IP Finance, un blogue informel sur ces questions, est accessible à l’adresse http://ipfinance.blogspot.com. Les lec-teurs qui voudraient en savoir plus ou partager leur savoir en la matière y sont les bienvenus.

Les titulaires de droits de propriété intellectuelle sontperdus dans un dédale de lignes directrices conçues pour lesactifs corporels.

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Les sociétés de la Croix-Rouge utilisent comme em-blème, en hommage à Henri Dunant et aux autresfondateurs de l’organisation à Genève, une inversiondes couleurs du drapeau national suisse. Aide médi-cale neutre aux combattants sur les champs de ba-taille, visites aux prisonniers de guerre et aux habi-tants des camps, distribution de colis et de lettresaux prisonniers, échanges de prisonniers et missionsspéciales d’aide sanitaire et alimentaire ou autre se-

cours d’urgence aux com-battants des deux camps etaux populations civiles deszones de guerre: les imagesd’humanité et d’abnégationévoquées par ce signe nemanquent pas.

Il peut pourtant servir aussià gagner de l’argent, parexemple dans le cas de lasociété Johnson & Johnson(J&J). C’est ce qui a conduitcette entreprise à assignerla Croix-Rouge américainedevant les tribunaux, enaoût 2007, pour atteinte àses droits de marque. Maiscomment les deux partiesont-elles pu utiliser le mê-me emblème sans conflitapparent, de la fin du XIXe

siècle jusqu’en 2007?

L’emblème a été officielle-ment adopté en Suisse en1864. Son utilisation par J&J

a débuté en 1887. La Croix-Rouge américaine a étéfondée en 1881, et le Congrès des États-Unisd’Amérique lui a accordé en 1900 une charte interdi-sant toute utilisation de son emblème par des tiers.Étant donné que la société J&J l’exploitait alors de-puis déjà 13 ans, elle fut autorisée à le conserver. Elleprétend aussi qu’en 1895, Clara Barton, fondatrice dela Croix-Rouge américaine, avait accepté de lui endonner l’exclusivité pour ses produits (elle a invoquéà cet égard la notion de “promissory estoppel”, c’est-à-dire de force obligatoire de la promesse donnée).

Le fait nouveau pour J&J, dans cette situation, estque la Croix-Rouge a fini par utiliser le signe sur desproduits qu’elle vendait aux consommateurs et

qu’en 2004, elle a autorisé d’autres sociétés à l’utilisersous licence sur des produits tels que désinfectantspour les mains et trousses d’urgence et de premierssecours, qui étaient en concurrence directe avecceux de J&J. La société demandait donc que soientordonnés l’interdiction à la Croix-Rouge d’exploiterou de concéder l’emblème en licence pour destrousses de premiers soins, du matériel de protec-tion ou tout autre produit connexe, la destruction detous les exemplaires de ces produits encore en cir-culation, le versement de dommages punitifs et lepaiement des frais de justice de J&J.

Le juge fédéral de première instance J. Rakoff rejetal’argument de “promissory estoppel” en novembre2007, au motif que la Croix-Rouge n’avait jamais pro-mis de s’abstenir d’utiliser l’emblème pour des pro-duits de premiers secours, de santé, de protectionou d’urgence. Restait la prétention de J&J selon la-quelle la Croix- Rouge avait contrevenu aux lois fé-dérales en concédant l’emblème en licence à d’autressociétés, que le juge Rakoff rejeta également en mai2008. Il semble que les décisions de ce dernier aientété grandement influencées par le fait que la Croix-Rouge reste une organisation caritative et non lucra-tive: il a observé que la charte du Congrès prévoyait,et cela en bonne logique, l’exploitation de l’emblè-me à des fins commerciales utiles à la mission cari-tative de la Croix-Rouge et qu’en dernière analyse,c’est à ses activités non lucratives que cette dernièreconsacrait les fonds recueillis grâce aux licencesconcédées. Il a aussi fait remarquer qu’il y avait unecertaine ironie dans le fait que la société J&J avait el-le-même conclu un tel accord de licence avec laCroix-Rouge!

Le juge Rakoff n’a pas manqué d’ironiser aussi lors-qu’il a rejeté l’argument utilisé par la Croix-Rouge,dans sa demande reconventionnelle, selon lequel lasociété J&J s’était rendue coupable d’utilisation abu-sive de l’emblème et de contrefaçon de marque. Sil’on admettait qu’elle devait se limiter, comme le fai-sait valoir la Croix-Rouge, à vendre des troussescontenant exactement les mêmes articles qu’au dé-but des années 1900, a souligné le magistrat, “la so-ciété J&J se retrouverait dans l’obligation absurde deproposer jusqu’à la fin des temps des trousses gar-nies de fil de catgut et d’emplâtres.”

Le temps a finalement joué lui aussi contre J&J.Comme l’a précisé le juge Rakoff dans sa décision de

JOHNSON & JOHNSONc. CROIX-ROUGEAMÉRICAINE

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La croix rouge sur fond blanc est l’emblème deprotection originel, déclaré comme tel dans laConvention de Genève de 1864. Pendant la guerred’Orient (1876-1878), qui opposait les Russes etles Turcs, l’empire ottoman adopta un croissantrouge, ses dirigeants estimant que la croix neconstituait pas un symbole approprié pour lessoldats musulmans.

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mai 2008, étant donné que laCroix-Rouge américaine “utili-se le nom et l’emblème de-puis plus de 100 ans et s’est vuaccorder le droit exclusif de lefaire par le Congrès, J&J nepeut pas faire valoir sérieuse-ment que les mots “croix rou-ge” et l’emblème de la croixrouge servent exclusivementà désigner les produits J&J.”

J&J prétendait aussi que laCroix-Rouge s’était immiscéedélibérément dans ses rela-tions avec deux entreprises etque quatre autres sociétéss’étaient rendues coupablesde rupture de contrat en com-mercialisant des articles revê-tus de l’emblème. Ses chancesd’avoir gain de cause s’étanttoutefois nettement amenuisées entre-temps, la so-ciété conclut, en juin 2008, avec la Croix-Rouge unetransaction mettant définitivement fin à la procédu-re, en vertu de laquelle les parties sont toutes deuxautorisées à continuer d’utiliser l’emblème.

Il est possible que le souci depréserver sa réputation aitcontribué à décider J&J à tran-siger. Valait-il la peine de vou-loir faire triompher le profitsur l’humanitaire? Car c’estbien ainsi qu’une partie desmédias et du public a perçul’affaire. Tandis que le PDG deJ&J déclarait que la poursuiteavait été engagée à contre-cœur, mais parce qu’il fallaitbien protéger les marques desa société, la Croix-Rouge a af-firmé au cours de la procédu-re que les profits issus de lavente de produits revêtus deson emblème étaient utilisésaux fins de financement deson action humanitaire. Auxyeux du public, l’image de lapuissante entreprise rivalise

difficilement avec celle d’une institution qui a dé-montré qu’elle était – et continue d’être – au servicedes plus démunis de la planète.

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Protection internationale de la croix rouge

Le principal fondement juridique de la protection internationale des noms et acronymes des organi-sations intergouvernementales est l’article 6ter de la Convention de Paris pour la protection de la pro-priété industrielle. Un certain nombre de dénominations ne relevant pas du champ d’application decet article sont toutefois protégées en droit international sur la base d’autres traités. C’est notammentle cas des emblèmes et dénominations du Mouvement de la Croix-Rouge. Cette possibilité est expres-sément prévue par l’article 6ter de la Convention de Paris, lequel précise que la protection qu’il confè-re ne s’applique pas aux “armoiries, drapeaux et autres emblèmes, sigles ou dénominations qui ont dé-jà fait l’objet d’accords internationaux en vigueur destinés à assurer leur protection.”

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est une organisation internationale humanitaire pri-vée fondée en 1863 avec les buts suivants:

Le statut international et les idéaux de la Croix-Rouge ont été reconnus en 1864 par la premièreConvention de Genève, fondement du droit international humanitaire. Le texte de cette dernière a étémodifié depuis pour reconnaître d’autres emblèmes tels que le croissant rouge.

Les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, comme par exemple la Croix-Rougeaméricaine, sont reconnues par le CICR et sont membres de la Fédération internationale des Sociétésde la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, fondée en 1919 pour assurer la coordination des activitésentre les sociétés nationales et le Mouvement de la Croix-Rouge.

Le logo à la croix rouge sur quelques-uns despremiers produits de la société Johnson & Johnson.

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création de sociétés nationales ayant pour mis-sion de porter assistance aux blessés de guerre;neutralité et protection des blessés de guerre;utilisation de volontaires pour dispenser des se-cours sur les champs de bataille;

organisation de conférences supplémentairespour que ces concepts soient consacrés dans lecadre de traités internationaux contraignants;adoption d’un signe distinctif pour le personnelmédical présent sur le champ de bataille, à savoirun brassard blanc revêtu d’une croix rouge.

Page 16: P.I. ET FINANCEMENT...Gaye. La rémunération de Pullman, pour son rôle dans la création et le placement de ces obligations, s’est élevée à 10% des sommes mobilisées. Les principaux

La Chine est considérée commel’un des principaux émetteursde gaz à effet de serre (GES) dela planète. On estime que 70%de ses besoins énergétiquessont couverts par la combus-tion du charbon, dont la plusgrande partie est effectuéedans des centrales électriquesvétustes qui sont à l’origine dela majeure partie des émissionsde GES.1 Le charbon y est tou-jours utilisé dans la plupart despoêles domestiques pour la cui-sine et le chauffage ainsi quepar les grandes compagniesproductrices d’électricité, dontles procédés contribuent forte-ment au gaspillage énergé-tique. Environ 86% du charbonest brûlé avec des mesures limi-tées de contrôle de la pollution. De plus, dans les raresfoyers qui en possèdent, les conduits d’évacuation de lafumée sont mal entretenus.2

La situation est désastreuse. En effet, les maladies respi-ratoires causées par la pollution de l’air provoquent plusd’un million de décès par an, tandis que 400 000 décèsévitables sont dus à la pollution de l’air intérieur qui gé-nère des maladies comme le cancer du poumon, l’affai-blissement du système immunitaire et la bronchopneu-mopathie chronique obstructive.3 Les préoccupations deprotection environnementale pourraient cependantempiéter sur la croissance économique. Le pays a unepopulation de plus d’un milliard d’habitants, qui croît aurythme vertigineux de 9% par an, mais au moins 135millions de Chinois survivent avec moins d’un dollar parjour, et plusieurs autres millions avec à peine plus. Legouvernement chinois s’efforce donc de trouver des

moyens de concilier progrès éco-nomique et énergie plus propre.

Est-il possible de s’attaquer auproblème sans sacrifier la crois-sance économique? Où en sontles travaux de recherche et dedéveloppement visant à garantirun avenir plus écologique?

L’Académiedes scienceschinoise (ASC)

Malgré les sérieux problèmesque cause son utilisation, le char-bon est une source d’énergie peucoûteuse et abondante, et ne se-ra donc pas abandonné de si tôt.Il existe des mines de charbonsur tous les continents, à l’excep-

tion de Antarctique. La Chine a cependant pris conscien-ce du potentiel économique que représente le dévelop-pement de technologies du charbon propre (TCP) pourle marché étranger et local. La création d’un marché desTCP pourrait aider la Chine dans son double effort de ré-duction de la pollution et de maintien de la croissanceéconomique. Le marché chinois, fort de son milliard d’in-dividus, permettrait une courbe d’apprentissage rapidepour la fabrication et la commercialisation des TCP, cequi réduirait les coûts de production. Si la Chine trouveles bonnes solutions, elle pourrait très bien dominer lemarché de ces technologies. Ses scientifiques font déjàd’importants progrès dans cette direction.

Le besoin de sources d’énergie de substitution et renou-velable stimule la recherche scientifique et technolo-gique en Chine à l’heure actuelle. L’Académie dessciences chinoise (ASC) – l’administration en charge de

1 Xin Lu, Zhufang Yu, LinxinWu, Jie Yu, Guifeng Chen,Maohong Fan. 2008.“Policy Study onDevelopment andUtilization of Clean CoalTechnology in China.” Fuel Processing Technology89: 474-484. Yu Dawei. “China Holds Its Breathfor Clean Coal Power”,April 30, 2008, Caijing,accessed July 7, 2008.

2 Lu Zhi, Michael Totten,and Philip Chou. 2006.“Spurring Innovations forClean Energy and WaterProtection: AnOpportunity to AdvanceSecurity and HarmoniousDevelopment.”ChinaEnvironment Series.China EnvironmentForum. Washington DC:Woodrow WilsonInternational Center forScholars: 61-84, p. 62;Junfeng (Jim) Zhang andKirk R. Smith. “HouseholdAir Pollution from Coaland Biomass Fuels inChina: Measurements,Health Impacts, andInterventions.”Environmental HealthPerspectives Vol. 115, No.6, June 2007; Minchener,Andrew J. “Coal in China.”Energeia. Vol. 16. No. 5,2005. University of Kentucky,Center for AppliedEnergy Research, p. 2.

3 Zhang and Smith. 2007.

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L’un des secteurs qui posent le plus deproblèmes en matière énergétique estl’industrie cimentière, obligée de suivre lerythme de la forte demande en construction.

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LA CHINE INNOVEDANS LE SECTEURDES TECHNOLOGIESDU CHARBONPROPRE

Le charbon, bien qu’il soit la première source d’énergie dans un grand nombre de pays, est également un combustible hau-tement polluant et décrié comme tel. De nombreux efforts sont faits pour le rendre plus propre, dont notamment des in-novations en matière de réduction des émissions de polluants et du gaspillage d’énergie. Dans cet article, SARAH JESSUP,titulaire d’un doctorat et directrice du Programme sur la Chine au Creative and Innovative Economy Center (CIEC) de la fa-culté de droit de l’université George Washington, rend compte des initiatives de la Chine pour élaborer des techniquespropres d’exploitation du charbon et des technologies énergétiques de substitution. Sarah Jessup a vécu pendant 18 moisdans la province charbonnière du Shanxi, où elle a pu étudier sur le terrain le processus de réforme économique chinoiset ses incidences sur les institutions politiques, économiques et culturelles.

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la recherche qui finance denombreux instituts de re-cherche et a tissé des partena-riats avec des organisationsnon gouvernementales et desentreprises locales et étran-gères – accorde une impor-tance particulière à ce domai-ne. Cependant, cette pousséedes technologies du charbonpropre n’est pas due à la régle-mentation environnementalecomme c’est le cas ailleurs.Elle voit plutôt sa source dans

des politiques favorables au développement techniqueliées à de nombreuses mesures incitatives de la part del’État. Depuis 1979, 41 brevets chinois ont été déposéspour des technologies du charbon propre. Dix-huit deces dernières ont été développées localement et sontactuellement utilisées. Elles concernent aussi bien laproduction d’énergie par des méthodes de pointe que lecontrôle de la pollution.4

Par exemple, en 1995, M. Li Jinghai, ingénieur chimistede l’ASC travaillant pour l’Institut d’ingénierie des procé-dés, a mis au point un procédé pour réduire la pollutiondue aux oxydes d’azote (NOX), au dioxyde de carbone(CO2) et à la suie dans les petites structures. Cette tech-nique de combustion du charbon sans fumée et sansNOx appelée Jieou-Technology a reçu un brevet, l’un dessept détenus par le M. Li en matière de technologies ducharbon propre. La Beijing GW Process TechnologyCompany Ltd. a été créée en 2003 pour développer etexploiter le procédé en question. Cette société produitdes chaudières à charbon de petite et moyenne taille àusage industriel et résidentiel pour le chauffage et l’ali-mentation en eau chaude.

L’un des secteurs qui posent le plus de problèmes en matiè-re énergétique est l’industrie cimentière, obligée de suivre lerythme de la forte demande en construction. Durant le pro-cessus de production du ciment, un ingrédient, le mâchefer,doit être chauffé à 1450 degrés Celsius (2642 degrésFahrenheit). Jusqu’à récemment, ceci était réalisé dans desfours archaïques qui provoquaient une énorme perte d’éner-gie, mais les choses ont changé grâce à Tang Jinquan, ingé-nieur et désormais directeur général de Dalian East EnergyDevelopment (DEED). Il détient cinq brevets de systèmes decogénération pour les fours à ciment, un procédé de son in-vention qui permet de capter la déperdition de chaleur et dela réutiliser pour créer de l’énergie qui alimente les turbinesde l’usine. Ces systèmes réduisent de 60% l’énergie utiliséedans la production de ciment, dont la plus grande partieprovient du charbon. DEED a été créé en 2004 par M. Tang etdeux partenaires et vend actuellement des systèmes de co-génération à travers toute la Chine ainsi que dans d’autrespays comme le Viet Nam, l’Inde et le Pakistan.5

Créer des partenariats

Les États-Unis d’Amérique possèdent les plus grandes ré-serves connues de charbon, qui fournissent 50% de leurélectricité, soit deux fois plus que leur deuxième source

d’énergie, le nucléaire. Les centrales électriques améri-caines sont responsables de 40% des émissions de CO2 dupays. Un quart du charbon mondial se trouve aux États-Unis. L’agence américaine de protection de l’environne-ment (EPA) a reconnu cette année que les émissions deGES constituent un danger pour la santé, sur la base d’uneétude publiée l’année dernière. L’ASC ne pouvait pas rêverd’un meilleur endroit où trouver des partenaires pour sesrecherches sur les technologies du charbon propre.

L’Université de Californie à Berkeley, l’université Stanfordet de nombreuses autres universités américaines ont desprojets communs avec divers instituts chinois.L’université Western Kentucky (WKU) a établi un parte-nariat à long terme avec dix universités chinoises diffé-rentes. Les étudiants et chercheurs chinois viennent auxÉtats-Unis pour étudier pendant un à cinq ans, puis re-tournent dans leur pays en connaissant des techniquesde pointe qui ne sont pas encore appliquées en Chine.

M. Pan Weiping, originaire de Taiwan, enseigne à WKUdepuis 23 ans. Ses travaux sur laréduction des émissions seconcentrent sur quelques-unsdes nombreux polluants liés aucharbon. La pollution au char-bon est composée de dioxydede soufre (SO2), de NOX (ces der-niers se combinant pour formerdes particules polluantes et dela suie), de mercure, de toxinesde l’air et de CO2, un gaz à effetde serre qui est le premier res-ponsable du réchauffement dela planète. Les recherches sur lapollution de l’équipe de WKU visent à réduire les émis-sions de NOX et SO2, ou pluies acides, grâce à troismoyens existants: la réduction catalytique sélective (RCS)contre les émissions de NOX, les filtres électrostatiquescontre les émissions de particules et la désulfuration parvoie humide des gaz de combustion, qui utilise du car-bonate de calcium (calcaire) pour réduire le SO2. La re-cherche sur la réduction des émissions de mercure estencore à ses débuts, aux États-Unis comme en Chine.

En Chine, la priorité est donnée à la réduction des émis-sions de SO2, pour laquelle les filtres électrostatiquessont le seul procédé utilisé pour l’instant. Selon M. Pan,les usines disposent souvent de systèmes de désulfura-tion (pour le SO2), mais ne les utilisent pas en raison descoûts élevés liés à l’addition de chaux. La réglementationsur l’environnement les obligera toutefois à le faire doré-navant. La Chine est en train de rattraper son retard enmatière de réduction des émissions de SO2, et les cen-trales électriques sont maintenant obligées de s’équiperde systèmes de désulfuration.

Importation de technologies

Les responsables chinois de l’énergie et de l’environne-ment sont également conscients de l’utilité d’importerdes technologies du charbon propre pour améliorer rapidement les technologies locales. La société General >>>

4 Xin Lu et.al. 2008.5 James Fallows. “China’s

Silver Lining.” AtlanticMonthly. June 2008.Jung-Myung Cho andSuzanne Giannini Spohn.“Environmental and HealthThreats from CementProduction in China.”China EnvironmentalForum. A ChinaEnvironmental HealthResearch Brief. August 30,2007

6 Sierra Club, “Dirty CoalPower.” www.sierraclub.org/cleanair/factsheets/power.asp.

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M. Li Jinghai est titulairede sept brevets pour destechnologies du charbonpropre.

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Le triporteur d’un livreur de charbon. Ce combustibleest toujours utilisé dans la plupart des poêlesdomestiques pour la cuisine et le chauffage.

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Electric avait inventé, à la fin de l’année 2005, un moteurà gaz pour les mines de charbon qui fonctionne selonun procédé breveté consistant à récupérer le méthane

sous forme gazeuse pourle convertir en énergie. Enjanvier 2006, une com-pagnie minière chinoisea acheté deux de cesmoteurs pour ses minesde la province d’Anhui.Opérationnels quelquesmois plus tard, les mo-teurs ont permis auxmines d’Anhui de réduirede 85% leurs émissionsde méthane et de pro-duire de l’énergie. Les inventeurs de technolo-gies du charbon propre

du monde entier vendent leurs produits en Chine en espérant avoir les droits d’exclusivité pour distribuer cestechnologies dans tous les pays.

Un bel avenir

La Chine intègre petit à petit les demandes du marchédans son processus de recherche et d’innovation. Sonsystème politico-économique émergent se dote gra-duellement de systèmes efficaces en matière de finan-cement et de brevets. De meilleures politiques d’inves-tissement aideront les chercheurs chinois des secteurspublic et universitaire à collaborer avec le secteur privénational et international, tandis qu’un système de pro-priété industrielle approprié pourra faciliter les accordsde collaboration en recherche-développement. Le systè-me des brevets en pleine expansion de la Chine contri-bue de manière importante à encourager le déploie-ment et le développement de technologies de charbonpropre innovantes, en particulier grâce au renforcementdes droits de propriété intellectuelle. Les technologiesqui apparaissent grâce aux partenariats évoqués plushaut pourraient être responsables un jour d’une grandepart de la réduction des problèmes de pollution dus à laproduction d’énergie à partir du charbon.

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La Chine récipiendaire de prix pour l’innovationdans le domaine de l’énergie durable

En Chine, de nombreux inventeurs et innovateurs travaillant seuls ou avec une petite équipe déposentdes brevets pour des produits environnementaux tels que des poêles à biomasse. Trois de ces inven-teurs viennent de se voir décerner le Prix Ashden pour l’énergie durable, une distinction britanniquequi récompense les inventions de particuliers ou d’institutions contribuant à la réduction des gaz à ef-fet de serre.

En 2006, l’un de ces prix avait été remis à la Shaanxi Mothers Environmental Protection VolunteerAssociation, un groupe qui avait inventé un poêle à biogaz pour la cuisson et l’éclairage utilisant desdéchets porcins et humains comme combustible. Sous la direction de Wang Mingying, ce groupeavait été créé en 1997 par la Fédération des femmes de Shaanxi. Le poêle, dont la mise au point avaitété confiée à M. Qiu Ling, professeur à la Northwest Forest and Agriculture University, s’est vendu à1294 exemplaires depuis 1999.

D’autres prix Ashden ont été remis à des inventions chinoises, notamment en 2007, pour un poêle àdéchets agricoles et au bois mis au point par Pan Shijiao. Les recherches avaient débuté en 2000, et lacommercialisation est assurée par une société établie en 2005, la Beijing Shenzhou Daxu Bio-energyTechnology Company Ltd. Un autre prix a été remporté en 2008, pour un système solaire conçu par leProjet de développement de l’énergie renouvelable (REDP), dirigé par Luo Xinlian et Wang Wei. Établien 2001, le REDP visait à installer des systèmes solaires autonomes pour produire de l’électricité dansdes régions peu peuplées de l’Ouest et du Nord-Ouest de la Chine, dont la plupart des habitants vi-vent de l’élevage. Ce projet, qui est une collaboration d’un organisme de planification d’État, laNational Development and Reform Commission, et de la Banque mondiale, a permis d’installer400 000 systèmes solaires entre 2004 et 2008, dont un grand nombre ont été subventionnés parun programme du REDP.

L’abandon des combustibles fossiles comme sourced’énergie n’est pas pour demain, notamment en ce quiconcerne une ressource peu coûteuse et abondantecomme le charbon.

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COMMUNICATIONEFFICACENouveaux outils de l’OMPI à portée de mains

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De grandes firmes de relations publiques s’y sont cassé les dents. Des offices de propriété intellectuelle dotésde budgets importants ont connu quelques succès retentissants, mais aussi, dans certains cas, des échecs cui-sants. D’autres, plus petits, demandent instamment de l’aide. De quoi s’agit-il?

De l’élaboration de campagnes efficaces de sensibilisation aux questions de propriété intellectuelle. Il suffit derelire quelques anciens numéros du Magazine de l’OMPI. Aux États-Unis d’Amérique, la campagne de publicitévisant à encourager la créativité chez les jeunes a été, avec son film primé “L’aimant à chats”, une réussite écla-tante. Même chose en ce qui concerne le Brésil et sa campagne anticontrefaçon “Les pirates, très peu pour moi”.Le Canada, en revanche, a eu le très éphémère “Captain Copyright”, et aux Philippines, une campagne conçuepar une agence de relations publiques a été mise au rancart. Pas facile à vendre, la propriété intellectuelle.

Les questions qui se posent sont toujours nombreuses et varient selon le message que l’on veut faire passer,par exemple promouvoir l’innovation, l’utilisation du système de la propriété intellectuelle ou la lutte anticon-trefaçon, ou la cible visée – jeunes, parties prenantes de la propriété intellectuelle ou PME:

que pensent les adolescents de leur capacité d’inventer?pourquoi certaines PME ne déposent-elles pas leur propriété intellectuelle?que faudrait-il faire pour dissuader les consommateurs d’acheter des contrefaçons?qu’ont de particulier les actions de sensibilisation visant à encourager l’innovation qui ont connu de bonsrésultats?existe-t-il des guides sur les brevets en espagnol?quels sont les outils de sensibilisation les plus utilisés dans les campagnes de lutte contre le piratage?

Des solutions sous forme de bases de données

Pour aider les participants à la réalisation d’activités de sensibilisa-tion à la propriété intellectuelle à trouver des réponses, entreautres, à ces questions importantes, la Division des communica-tions et de la sensibilisation du public de l’OMPI a créé deux nou-velles bases de données qui viennent compléter le Guide OMPI desensibilisation à la propriété intellectuelle publié en 2007. L’unecontient des études portant sur le degré de sensibilisation, les at-titudes et les comportements face à la propriété intellectuelle dediverses audiences – étudiants, enseignants, inventeurs, créatifs,consommateurs, PME, chercheurs et autres. L’autre recense desexemples concrets d’initiatives de sensibilisation – annonces d’in-térêt public, sites Web, prix, guides, matériel didactique, événe-ments spéciaux, etc. – mises en place pour communiquer avecces audiences.

Ces bases de données sont destinées à servir de source d’information générale et d’inspiration. Elles peuventaussi être utilisées pour trouver des partenaires pour la réalisation de nouvelles études et l’organisation d’acti-vités de sensibilisation. Elles sont dotées d’interfaces de recherche de base simples à utiliser, qui permettentaux utilisateurs de trouver rapidement les informations pertinentes à partir de la catégorie de sensibilisationqui les intéresse (création de propriété intellectuelle, utilisation et sensibilisation à la propriété intellectuelle etinfractions à la propriété intellectuelle). Une option de recherche avancée donne accès à d’autres variablestelles que notamment pays, groupe cible et centre d’intérêt.

Ces interfaces de recherche ne sont proposées pour l’instant qu’en anglais, mais les études et initiatives de sen-sibilisation auxquelles elles donnent accès concernent plus de 90 pays et renvoient à une documentation ré-digée dans plus de 20 langues différentes. Des études de cas consacrées à des efforts de sensibilisation parti-culiers du monde entier s’ajouteront bientôt à ces bases de données.

Des interfaces de recherche simples à utiliserdonnent accès à une véritable mine d’études etd’exemples d’initiatives de sensibilisation à lacréation, à l’utilisation et au respect de lapropriété intellectuelle.

Les bases de données de

sensibilisation de l’OMPI

sont accessibles par les

adresses suivantes:

www.wipo.int/ip-outreach/en/research et

www.wipo.int/ip-outreach/en/practice Le Guide OMPI de

sensibilisation à la

propriété intellectuelle est

disponible en français,

anglais et espagnol à

l’adresse:

www.wipo.int/ip-outreach/en/guides/

Pour tout commentaire ou

recommandation

concernant des études ou

des initiatives de

sensibilisation pour les

bases de données, veuillez

nous écrire à l’adresse:

[email protected].

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Gouvernements, décideurs internationaux et entreprises ti-tulaires de droits de propriété intellectuelle mènent dans lemonde entier une guerre constante contre la contrefaçon.D’autres, en revanche, ont tout à fait intérêt à encourager cecommerce illicite, notamment les contrefacteurs eux-mêmes et de nombreux consommateurs. S’attaquer auxfournisseurs ne suffit pas à endiguer le flot des contrefa-

çons, ni même à le ralentir. Il faut s’in-téresser aussi aux demandeurs, c’est-à-dire aux consommateurs. Voici lesgrandes lignes d’un cadre destiné àaider les responsables des services decommercialisation internationale etautres gens d’affaires à comprendreque leur stratégie de marketing doitêtre créative et dynamique, afin deleur permettre de résister à la fois auxcontrefacteurs et aux consomma-teurs de leurs produits.

La plupart des initiatives entreprisespour juguler la contrefaçon échouentparce que les attitudes et comporte-ments des consommateurs n’ont pasété pris en compte d’une manièreadéquate dans leur élaboration.Cette constatation est d’ailleurs sur-

prenante, vu que les consommateurs s’attendent à ce queleurs gouvernements les protègent contre les dangers liésaux copies de médicaments, de pièces d’automobiles oud’avions et d’un certain nombre d’autres produits suscep-tibles de causer la mort. Paradoxalement, ces mêmesconsommateurs défendent leur droit d’acheter, à la placed’un article de marque authentique au prix fort, une contre-façon de piètre qualité, mais beaucoup moins coûteuse.

Les consommateurs estiment généralement qu’ils sontcapables de faire la différence entre une contrefaçon et unoriginal. Pour un grand nombre d’entre eux, l’acquisitiond’une copie est un jeu, particulièrement lorsqu’il s’agitd’un article de mode qu’ils achètent en toute connaissan-ce de cause, sans se soucier de sa qualité, parce qu’il estmoins cher. Une telle attitude est en contradiction avec lesnormes établies par la loi, les codes de conduite publiéspar les entreprises, voire le souci de bien-être desconsommateurs eux-mêmes. Ces derniers sont prêts àignorer les conséquences néfastes qu’elle entraîne, mêmes’ils les devinent, simplement pour faire bonne figure de-vant leurs amis et leurs pairs. La prise en compte de cette

attitude dans l’analyse du rôle que jouent les consomma-teurs dans le marché de la contrefaçon est donc indispen-sable, car autrement, toute initiative prise pour les dissua-der de faire de tels achats restera sans effet.

La contrefaçon ne peut être vaincue que par des actionsciblant toutes les parties prenantes, tant du côté de l’offreque de la demande, en ayant en outre procédé à une éva-luation réaliste des divers coûts, avantages et compromisconcernés. Les consommateurs se trouvent donc aucentre d’un marché international complexe, au sein du-quel différentes parties se préoccupent chacune de sespropres intérêts, ce qui conduit à des analyses coûts-avan-tages en conflit les unes avec les autres.

Consommateurscomplices: les naïfs etles cyniques

Les consommateurs qui achètent des produits contrefaitssont des complices, car ils perpétuent la demande qui per-met à ce commerce illicite de produits et services de conti-nuer d’exister. Certains d’entre eux, et particulièrement lesjeunes, pèchent par naïveté: ils aiment faire une bonne af-faire, sont persuadés de savoir faire facilement la différenceentre des produits licites et illicites, et considèrent que la co-pie d’articles de mode n’est qu’un jeu sans conséquence. Ilsestiment que leur gouvernement prendra les mesures né-cessaires pour les protéger contre les dangers invisibles liésaux produits illégaux que sont les contrefaçons et qu’ils nefont eux-mêmes rien de bien grave lorsqu’ils achètent unvêtement copié. D’autres consommateurs sont cependantcyniques dans leur complicité. Ils reconnaissent haut et fortavoir acheté des produits contrefaits en toute connaissancede cause, n’y voient rien de moralement répréhensible etn’ont aucun problème à s’entendre avec des contrefacteurspour obtenir un bon prix. Rien de surprenant, dans cesconditions, à ce que les efforts des gouvernements, des or-ganisations internationales et des entreprises pour enrayerla contrefaçon n’aient rien donné: la demande internatio-nale est trop forte et trop persistante.

Nos recherches ont mené à plusieurs conclusions démon-trant qu’il existe des différences fondamentales entre lesconsommateurs complices et les fortes têtes déclarées:1. de nombreux consommateurs considèrent que la plu-

part sinon la totalité des produits contrefaits n’ont riende trompeur et qu’ils sont à même de faire un choixconscient entre un produit authentique et un faux;

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Cet article est un condensé de l’étude intitulée “Cost Benefit Models of Stakeholders in the Global CounterfeitingIndustry and Marketing Response Strategies”, par LYN S. AMINE et PETER MAGNUSSON, parue dans MultinationalBusiness Review, 15(2): 1 23 (2007). Cette version a été préparée spécialement par les auteurs pour le Magazinede l’OMPI.

L’une des affiches d’une série duréseau canadien de lutte contre lacontrefaçon.

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LES ACHETEURS DE CONTREFAÇONSPOUR CIBLE

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2. de nombreux consommateurs n’ont pas du tout conscien-ce des dangers que posent les contrefaçons trompeuses;

3. bien que conscients de la complexité du problème, lesgouvernements, les organisations internationales et lessociétés titulaires de droits de propriété intellectuelle en-globent souvent toutes les contrefaçons dans la mêmecatégorie de produits trompeurs et potentiellement, voi-re effectivement, préjudiciables aux consommateurs enparticulier et aux entreprises et à la société en général.

Le rôle de lacommercialisation

Si les consommateurs complices ne sont dissuadés ni par lacrainte de conséquences néfastes pour eux-mêmes oupour les tiers ni par celle de s’exposer à des problèmes ousanctions juridiques et s’ils sont en outre disposés à accep-ter une qualité moindre en échange d’un prix plus bas, exis-te-t-il des stratégies commerciales susceptibles de les fairechanger d’attitude? Nous définissons tout d’abord des ca-tégories de consommateurs et des types de produits, pourproposer ensuite quatre stratégies de commercialisationdont chacune correspond à un certain type de demande.

Ce cadre d’analyse met en lumière les contradictions fon-damentales qui existent entre trois catégories de partiesprenantes: les contrefacteurs, les sociétés titulaires dedroits de propriété intellectuelle et les consommateurs.

Ses différents niveaux attirent l’attention sur le caractèrecomplexe et multidimensionnel des interfaces entre par-ties prenantes; ils incitent aussi à considérer la possibilitéde référentiels multiples et simultanés.

Du point de vue des consommateurs

Nous distinguons quatre types de consommateurs quiachètent, utilisent ou ont sous les yeux les différentes ca-tégories de produits identifiées dans chacun des qua-drants du schéma. Le degré du risque de confusion posépar les contrefaçons (de non trompeur à trompeur) est re-présenté en abscisse, tandis que celui de la consciencequ’ont les consommateurs de ce risque et du danger liéaux contrefaçons figure en ordonnée.

Les victimes sont les consommateurs qui, en raison ducaractère particulièrement trompeur du produit qu’ilsachètent (valve cardiaque, médicament ou pièce d’avion,par exemple) ne se rendent pas compte qu’il s’agit d’unecontrefaçon et sont atteints dans leur sécurité physique.Nous donnons ensuite le nom de suiveurs de mode auxconsommateurs complices cyniques qui achètent en tou-te connaissance de cause des copies parfaitement trom-peuses de sacs à main, bijoux ou vêtements de marquesconnues, simplement pour impressionner leur entourageet sans qu’il en résulte pour eux aucun préjudice. Dans la >>>

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Analyse des compromis coûts-avantages

Cette figure présente une analyse des compromis coûts-avantages associés aux sociétés titulaires de droits de propriété intellectuelle,aux consommateurs internationaux et aux contrefacteurs.

Danger élevé pour les consommateursRisque élevé, coûts importants, haut degré de

responsabilité pour les titulaires de droits

Perception du titulaire de droitsFaible risque de perte

Perception du contrefacteurPotentiel de vente et

de profit faible à modeste

Perception du titulaire de droitsRisque élevé de perte financière

et de réputation

Consommateurs peu conscientsdu risque de confusion

Consommateurs très conscients du risque de confusion

Perception du contrefacteurPotentiel de profit très élevé

Danger faible à nul pour les consommateursRisque ou responsabilité faible pour

les titulaires de droits

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Très

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Stratégie du titulaire de droits:théorie du BOP

Stratégie du titulaire de droits:circonscrire, attaquer et

supprimer la menace

Stratégie du titulaire de droits: porter plainte, coopter et ignorer la source

Stratégie du titulaire de droits:éduquer le consommateur et

réorienter la demande

Vulnérables

Opportunistes

Victimes

Suiveurs de mode

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catégorie des produits non trompeurs, les opportunistessont les consommateurs complices cyniques qui savent

qu’ils achètent des produits dequalité inférieure et des contrefa-çons – articles de consommationcourante dans le domaine alimen-taire, ménager, etc. Les consomma-teurs vulnérables, enfin, sont ceuxqui courent un risque de préjudiceimportant parce qu’ils utilisent desproduits de marques connues

comme des articles ménagers, des cosmétiques, despièces d’auto ou des médicaments en vente libre sans sa-voir qu’il s’agit de faux, bien que leur mauvaise qualité soitapparente. Entrent dans cette catégorie les très jeunes, lespersonnes âgées et les consommateurs peu éduqués ouanalphabètes, qui n’ont parfois aucun moyen de faire unchoix informé.

Du point de vue des contrefacteurs

Pour les fabricants de contrefaçons, les produits non trom-peurs n’offrent pas un potentiel de vente et de profit trèsintéressant, parce que les consommateurs, qui perçoiventfacilement leur piètre qualité, ne les achètent qu’une seu-le fois, par opportunisme. Les contrefacteurs ne s’attar-dent donc pas longtemps à ce type de fabrication, qui neconstitue pour eux qu’une étape d’apprentissage. Il y a, enrevanche, beaucoup d’argent à faire avec des contrefa-çons de qualité, prêtant réellement à confusion.Autrement dit, plus le produit est trompeur et plus sa va-leur perçue sur le marché est élevée, plus les producteursde contrefaçons ont de chances de s’enrichir.

Titulaires de droits

Pour les titulaires de droits de propriété intellectuelle,toutes les contrefaçons – même les articles non trom-peurs qu’achètent les opportunistes – sont préjudi-ciables à leur image de marque. Le problème peut leursembler moins urgent lorsqu’il concerne des produits pré-sentant un faible risque de confusion, vu que les oppor-tunistes peuvent les différencier facilement des produitsauthentiques; ils ne doivent toutefois pas le négliger, mê-me s’il n’en résulte pour eux qu’un faible risque de perteou de responsabilité, car ils peuvent être extrêmementdangereux pour les consommateurs vulnérables.

Avec leur haut degré de qualité et leur aspect raffiné, lesproduits trompeurs constituent, en revanche, une impor-tante source de préoccupation pour les titulaires de droitsde propriété intellectuelle, car ils peuvent être très dange-reux, même pour un acheteur ou un utilisateur attentif. Sices produits ne menacent pas particulièrement les sui-veurs de mode eux-mêmes, ils n’en compromettent pasmoins la propriété intellectuelle, les revenus et la réputa-tion des entreprises. Il y a aussi le risque de poursuites enjustice engagées par des victimes, par exemple dans lescas de contrefaçon d’appareils médicaux ou d’équipe-ments industriels, avec toute la publicité négative et lesautres conséquences nuisibles qui peuvent en résulterpour les activités du titulaire de droits.

Répliques commerciales

Les quatre stratégies proposées ci-dessous vont plus loinque celle consistant à s’attaquer aux fournisseurs decontrefaçons afin de réduire ou d’éliminer la demande desconsommateurs. Elles auront en outre pour effet de mieuxsensibiliser certains secteurs de la population, de changerles attitudes et de modifier les comportements desconsommateurs, et peuvent être mises en œuvre sans dé-lai par les entreprises qui commercialisent leurs produitsau niveau international.

Suiveurs de mode – éduquer et réorienter la demande:faire de la publicité autour des poursuites relatives à descomportements de consommation illicites; jouer sur le“marketing viral” pour faire savoir dans les milieux visés qu’iln’est plus acceptable d’acheter des contrefaçons; encoura-ger la désapprobation sociale de ceux qui possèdent descontrefaçons. La campagne anti-fourrure “Fur is Dead”* dePETA constitue un excellent exemple à cet égard.

Opportunistes – porter plainte, ignorer ou coopter lasource: dénoncer les contrefacteurs aux autorités; coopterles fournisseurs; ignorer les entreprises illicites, qui finirontpar faire faillite faute de pouvoir réaliser des profits; envi-sager de développer les gammes de produits ou de lancerde nouveaux produits; positionner les marques et fixer lesprix selon les niveaux de revenu des opportunistes.

Consommateurs vulnérables – appliquer la théorie du“bas de la pyramide” (BOP): contribuez à la création deproduits et de services correspondant aux besoins desconsommateurs disposant de moyens très limités. Leurprix plus bas permettra à ces consommateurs de la basede la pyramide d’acheter des produits de première néces-sité et d’améliorer leur qualité de vie.

Victimes – circonscrire, attaquer et supprimer la me-nace: il est nécessaire que des actions soient menées parles titulaires de droits de propriété intellectuelle en colla-boration avec les autres entreprises, les gouvernementsnationaux, les organisations internationales, les institu-tions juridiques et les forces de sécurité, afin d’identifier lescriminels et de les traduire en justice. L’imposition dessanctions les plus sévères et le fait d’assurer une large pu-blicité à ces actions auront un effet dissuasif sur les autresopérateurs illicites.

Les entreprises de commercialisation devraient publier, àl’avenir, des études de cas autour des succès qu’elles au-ront remportés et des méthodes qu’elles recommandentà cet égard. Les dirigeants gouvernementaux et les res-ponsables des politiques publiques doivent aussi échan-ger les résultats de leurs plans d’action (par l’intermédiai-re de l’OMPI et de l’OMC), de manière à ce que lesstratégies les plus efficaces puissent être mises en œuvreà travers le monde. L’adoption de ces perspectives, for-mules et stratégies permettra de mettre à la fois un frein àl’offre et à la demande de contrefaçons, et ainsi de réduirele phénomène et créer de nouvelles possibilités commer-ciales pour toutes les catégories de consommateurs.

* People for the EthicalTreatment of Animals2006

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Gouvernements,services douaniers et

policiers et entreprisestitulaires de droits de

propriété intellectuellemènent une guerreconstante contre lacontrefaçon dans le

monde.

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STRAP et CLAMP – deux termes anglais qui, une fois tra-duits par “cravache” et “étau”, évoquent fortement desimages d’intervention policière et de sanctions. Rien deplus normal, puisque ce sont les acronymes des initiativesde lutte contre le piratage de la Commission du droit d’au-teur du Nigéria (NCC): la Strategic Action Against Piracy,lancée en 2005, et son organe de règlement extrajudiciai-re des litiges, le Copyright Litigation and MediationProgramme, qui l’a suivie un an plus tard. Dans sa guerrecontre les pirates, le NCC s’est mis en mode d’attaque etobtient des résultats concrets.

La dynamique du piratageau Nigéria

Il y a dix ans le marché nigérian des CD était à peu près in-existant. La musique populaire locale était publiée sur cas-sette, et les contenus étrangers sur disque compact, ce quiles rendait inaccessibles à la majorité. Alors qu’il n’y avait àl’époque qu’une ou deux usines de CD, elles sont aujour-d’hui au nombre de 15, avec un réseau de distributionconfus qui ne réussit pas à faire face à la demande. Les 100000 disques licites produits chaque jour sont vite absorbéspar une population de plus de 140 millions de personnes, cequi laisse beaucoup de place pour les pirates. Il y a donc unmanque d’installations de production légales, susceptiblesde fournir à la population des produits licites à bon prix.

La lutte contre le piratage est compliquée par l’étenduedu territoire et l’absence d’organisation du marché inté-rieur, mais ce ne sont pas là les seuls problèmes:

des différends frontaliers opposent le Nigéria à ses quatrevoisins: le Bénin, le Cameroun, le Niger et le Tchad;les ressources étant limitées, elles doivent être utili-sées d’une manière efficace et leurs interventions surle terrain sont nécessairement ciblées;la population ne connaît pas les lois et règlementssur la propriété intellectuelle.

La législation du Nigéria prévoit que la NCC est respon-sable de l’administration, de la réglementation et de l’ap-plication du droit d’auteur dans le pays. Voilà qui n’est pasune mince entreprise, car l’organisme doit changer gra-duellement des attitudes profondément ancrées, depuisla jeunesse, dans la population, y compris chez les res-ponsables politiques eux-mêmes. Comment faire lorsquel’on doit en même temps renforcer les capacités danstoutes les institutions gouvernementales, notamment ence qui concerne la répression des infractions? La mise enœuvre de l’initiative STRAP de lutte contre le piratage s’ar-ticule autour de trois plateformes stratégiques: informa-tion et éducation du public, répression des infractions etadministration des droits.

La stratégie

La stratégie d’information vise à faire connaître aux partiesprenantes leurs droits de propriété intellectuelle et à leur

apprendre à les défendre, à favoriser le respect de la pro-priété intellectuelle chez les utilisateurs et à encourager lacréativité. La répression des infractions, qui découle desplaintes des titulaires de droits, comprend la saisie descontrefaçons et l’engagement des poursuites contre lesprésumés contrefacteurs. L’administration des droits re-couvre la gestion collective, la notification et la gestion desdroits de propriété intellectuelle, ainsi que la surveillancedes usines, afin de s’assurer qu’elles produisent conformé-ment à la loi. L’action de la STRAP s’étend à tous les aspectsdu droit d’auteur, du cinéma à la musique et des logicielsaux livres et aux émissions radiodiffusées.

Au cours de sa première année d’opération, la branche derépression des infractions de la STRAP a arrêté un certainnombre de contrefacteurs quiont prétendu ne pas savoir qu’ilsavaient besoin d’une autorisa-tion pour reproduire des conte-nus ou qu’ils ne savaient pas oùni comment s’en procurer une;ils plaidaient donc l’ignorancepour expliquer pourquoi ilsopéraient en marge de la loi.Parallèlement, un grandnombre de petits titulaires dedroits n’avaient pas les moyensd’engager des poursuites contreces contrefacteurs. C’est ainsique le programme CLAMP, quifait partie intégrante de laSTRAP, a été créé afin de donneraux petits titulaires de droits la possibilité de négocier desrèglements extrajudiciaires et des concessions de licenceavec les contrefacteurs. Après un an, les médiateurs duCLAMP ont à leur actif onze règlements extrajudiciaires.

Bilan des premièresannées

De mai 2005 à mai 2007, la STRAP s’est déplacée à traverstout le pays afin de procéder à l’inspection d’usines et depoints de vente de disques compacts ainsi que d’installa-tions de production et de maisons de location de disquesoptiques et vidéo. Elle a en outre mené plus de 115 opé-rations contre des contrefacteurs de livres, de musique, defilms, de logiciels et d’émissions. Voici son bilan:

373 suspects arrêtés;8 346 815 œuvres pirates saisies;15 procédures engagées pour atteinte au droit d’au-teur, dont quatre, jusqu’à présent, ont mené à descondamnations: deux par la Haute cour fédérale deMaiduguri pour contrefaçon de livres et deux par laHaute cour fédérale de Calabar pour piratage d’émis-sions radiodiffusées;pour 1 263 000 000 de nairas nigérians (USD10 710 000),au prix du marché, de contrefaçons détruites publi-quement (par le feu);

PIRATAGELa Commission du droit d’auteur du Nigéria

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M. Adebambo Adewopo, directeur général de la NCC,inspecte des CD, DVD et VCD saisis sur le marché Wused’Abuja.

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15 usines de disques optiques soumises au nouveauRèglement sur les usines de disques optiques, entréen vigueur en décembre 2006.

La STRAP attribue une immense part de son succès à la co-opération des divers organes d’application des droits concer-nés, dont notamment les services de police et de douane,l’Organisation de normalisation du Nigéria, la NAFDAC (orga-nisme national pour l’administration et le contrôle des ali-ments et médicaments) et la Commission des crimes écono-miques et financiers ainsi que les acteurs industriels.

Sensibilisation: juristes,enseignants, enfants

La Commission sur le droit d’auteur ayant relevé un sérieuxmanque de connaissances en matière de propriété intellec-tuelle au Nigéria, la STRAP a été chargée de créer un pointde formation pour les juristes, ce qu’elle a fait avec l’aide del’Académie de l’OMPI. Après avoir formé, dans un premiertemps, les formateurs, ce programme a été étendu aux ju-ristes en propriété intellectuelle et permet maintenant d’of-frir une assistance à d’autres pays africains en organisant desvisites d’études à leur intention. La STRAP a élaboré sonpropre matériel de formation, afin de pouvoir enseigner lapropriété intellectuelle dans une perspective locale, sur labase d’exemples et d’études de cas propres au pays.

La STRAP a également créé des Clubs du droit d’auteurdans les écoles, afin de sensibiliser les jeunes. Dix établis-sements participent actuellement au programme, dontdeux sur le territoire de la capitale fédérale et huit dans lesud-ouest du Nigéria. Les élèves y reçoivent régulière-ment, sous forme de formules concises, des informationssur le droit d’auteur et les dangers de la contrefaçon. Leprincipal objectif de cette initiative est toutefois d’encou-rager les jeunes à être créatifs et sensibles aux idéaux dudroit d’auteur et de la propriété intellectuelle.

Appel à la collaboration

La NCC a réalisé, en collaboration avec la fondation Ford,une enquête intitulée Survey of Copyright Piracy inNigeria, d’où il ressort que 58% des œuvres protégées parle droit d’auteur sont piratées au Nigéria. Ce piètre résul-tat, malgré les efforts et les succès obtenus par la STRAP,est expliqué par la pauvreté, le coût élevé des originaux, lecaractère très lucratif de cette activité et l’insuffisance desmoyens de lutte mis en place.

L’enquête avait été commandée par M. AdebamboAdewopo, directeur général de la NCC, dans le but deconstituer une base d’information et de statistiques pourl’initiative de la STRAP. M. Adewopo s’est dit surpris par “ledegré d’ignorance du système du droit d’auteur démontrépar les titulaires de droits, les organes de répression etd’autres agents de l’État considérés, jusque-là, commeétant suffisamment informés”. Il a observé que ce constat“démontre que la commission doit intensifier son program-me d’information du public et d’éducation des titulaires dedroits, de manière à ce que les parties prenantes soient sen-sibilisées à l’existence de leurs droits et aux méthodes per-mettant de faire face adéquatement au phénomène du pi-ratage des œuvres protégées par le droit d’auteur.”

M. Adewopo a profité de la publication des résultats decette enquête, le 28 août dernier, pour appeler les partiesprenantes à collaborer à l’initiative de la STRAP. Il a donnéacte du fait que la NCC a besoin de ressources supplé-mentaires pour administrer et faire connaître et respecterle droit d’auteur, en soulignant toutefois que la solution dela lutte contre le piratage réside dans la collaboration de lacommunauté.

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D’banj, vedette du R’n’B et du hip-hop et ambassadeurde la STRAP

D’banj a eu 28 ans le 9 juin. Et ce jour-là, une chose le préoccupait: le piratage. Koko Master – c’est le surnom que lui ont don-né ses admirateurs – a donc décidé de faire un tour à la Commission du droit d’auteur du Nigéria. C’était une drôle de maniè-re de fêter un anniversaire, mais après avoir remporté plusieurs prix et fait sa place sur la scène internationale, le chanteur, com-positeur et harmoniciste nigérian en avait appris plus qu’assez sur la contrefaçon pour avoir envie d’aider à y remédier.

“J’ai vu ce que la NCC a fait pour d’autres artistes, et cela m’a encouragé à venir ici, pour apporter mon soutienau programme STRAP, a-t-il déclaré. Le piratage est une plaie pour l’industrie du divertissement. Il faut mettreen place des stratégies adéquates, pour que les artistes puissent bénéficier de la vente de leurs disques. Dansles autres pays, les artistes gagnent de l’argent avec les redevances. Mais ici, au Nigéria, nous sommes très peunombreux à recevoir la part qui nous est due.” D’banj veut collaborer avec la NCC afin de trouver une solutionau problème.

Le chanteur D’banj – Koko Master – est allé célébrer son anniversaire à la Commission du droit d’auteur du Nigéria.

D’banj a étudié le génie mécanique à l’université. Il a obtenu le prix du meilleur artiste africain aux MTV Europe Music Awardsen 2007, le prix de la révélation hip hop aux Hip Hop World Awards en 2006, le prix de l’artiste masculin le plus prometteur auxKORA All African Awards en 2005, pour n’en citer que quelques-uns. Il a récemment signé avec le chanteur, compositeur et pro-ducteur de disques R’n’B et hip-hop américain d’origine sénégalaise Akon.

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Pourriez-vous imaginer unmonde sans l’Iliade etl’Odyssée d’Homère? LaNeuvième symphonie deBeethoven? Huckleberry Finnet ses aventures, par MarkTwain? Les Iris de Van Gogh?Romans, lettres, photographieset gravures, musique et filmssont autant de lucarnes surl’histoire et la culture qui nousinforment et nous divertissent,nous aident à comprendre lepassé et constituent les basesdu savoir et de la créativité deceux qui nous succèdent. C’estgrâce aux efforts des biblio-thèques, services d’archives et musées que de telles œuvresont pu traverser les siècles et parvenir jusqu’à nous.Aujourd’hui, toutefois, un grand nombre de livres, lettres,œuvres photographiques et autres naissent numériques.L’Internet a donné naissance à de nouveaux moyens d’ex-pression tels que les blogues et les pages Web personnelles.Bien des contenus électroniques disparaissent, malheureu-sement, chaque jour. Ils sont effacés, remplacés ou modifiés,et ainsi perdus à jamais pour les générations futures.

Aucun système organisé de conservation des contenus nu-mériques n’existe à l’heure actuelle, et cela est dû en partieaux lois sur le droit d’auteur. Pour préserver un contenu, ilfaut inévitablement le copier. De nombreuses législationsnationales prévoient des exceptions au droit d’auteur per-mettant la réalisation de copies par les bibliothèques, ser-vices d’archives et autres institutions ayant des activités deconservation, mais ces exceptions n’ont pas suivi l’évolutionde la technologie numérique.

Problèmes de droitd’auteur

En quoi la conservation numérique crée-t-elle des problèmesde droit d’auteur? Autrefois, les œuvres analogiques nécessi-taient rarement plus qu’un suivi passif avec, à l’occasion, une in-tervention pour réparer ou restaurer un livre, un film, une es-quisse, un dessin, une photo, etc. Il fallait pour celaqu’apparaissent des signes concrets de détérioration: un testde pliage permettait de constater que le papier d’un volumeétait devenu friable, l’odeur de vinaigre d’un film était un signe

d’acidification. Les œuvres nu-mériques, en revanche, sont sou-vent éphémères, car elles peu-vent être effacées ou écraséespar une nouvelle version et s’altè-rent rapidement et sans avertis-sement. Il faut donc commencerà penser à leur conservation dèsleur création ou leur acquisition.Le problème qui se pose est quetoute intervention sur uneœuvre numérique – catalogage,maintenance, conversion à unnouveau format – comporte laréalisation d’une copie. Qui plusest, les pratiques de conservationnumérique nécessitent la créa-

tion de plusieurs copies identiques destinées à être conservéesà des endroits différents, afin d’éviter les pertes dues aux incen-dies, inondations ou autres catastrophes. L’utilisation d’œuvresdans des services d’archives à des fins de conservation peutmettre en jeu le droit de reproduction ainsi que les droits dedistribution, de mise à disposition, de représentation ou d’exé-cution publique ou de présentation publique.

Ayant été élaborés à l’époque de l’analogique, la plupart dessystèmes nationaux qui prévoient des exceptions en faveurdes bibliothèques, services d’archives ou autres institutionsayant des activités de conservation prévoient des limitationsimpossibles à appliquer en ce qui concerne les contenus nu-mériques. Certains autorisent, par exemple, les bibliothèquesou les services d’archives à réaliser trois copies d’une œuvre àdes fins de conservation et de remplacement, alors que laconservation numérique nécessite plus de trois exemplaires.Dans d’autres cas, la législation nationale peut interdire la réa-lisation de toute copie de remplacement ou de conservationen l’absence de signes de détérioration apparents, ce qui netient pas compte du fait que lorsqu’il devient visible qu’uneœuvre numérique est détériorée, cela peut signifier qu’elle estdéjà irrémédiablement perdue.

Les exceptions au droit d’auteur limitent souvent le droit decopie et de conservation des institutions concernées auxœuvres se trouvant déjà dans leurs collections. Cependant,certains contenus qui étaient autrefois distribués sur un sup-port matériel sont aujourd’hui créés et commercialisés élec-troniquement, et d’autres peuvent seulement être visionnésen temps réel, sans qu’aucun exemplaire puisse en être

CONSERVATIONNUMÉRIQUES ET DROIT D’AUTEUR

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Cet article de JUNE M. BESEK, directrice du Kernochan Center for Law, Media and the Arts, de la faculté de droitde l’université Columbia, à New York, met en lumière les difficultés que pose la conservation des œuvres numé-riques en vue de leur utilisation par les générations futures. La tâche est compliquée à la fois par l’éphéméritédes contenus et les lois actuelles en matière de protection du droit d’auteur.

Avant l’ère numérique, on n’intervenait sur une œuvrequ’en présence de signes concrets de détérioration, telsque la friabilité des pages d’un livre ou l’acidificationd’une pellicule de film. Les contenus numériques sontsouvent effacés ou remplacés avant que l’on ait mêmele temps de penser à leur conservation.

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conservé. Les sites Web, blogues et autres formes de conte-nus générés par les utilisateurs sont l’expression de la cultureactuelle; s’il est interdit aux institutions compétentes d’en réa-liser des copies à des fins de conservation, la possibilité de lesétudier et d’en jouir sera perdue à tout jamais.

L’OMPI s’attaque au problème

L’OMPI a tenu le 15 juillet dernier un atelier sur la conser-vation numérique et le droit d’auteur, afin d’attirer l’atten-tion sur la nécessité fondamentale que constitue laconservation des contenus numériques ainsi que sur lesfaçons d’aborder les questions de droit d’auteur qui s’y rat-tachent (voir www.wipo.int/meetings/en/2008/cr_wk_ge).Bibliothécaires, responsables de conservation numériqueet spécialistes du droit d’auteur du monde entier y ontétudié la situation en matière de conservation des conte-nus numériques au regard du droit d’auteur. Des débatsd’experts ont été consacrés aux activités de préservationsdans trois domaines: bulletins électroniques, Internet etjournaux. Les travaux ont eu pour toile de fond un rapportindépendant intitulé International Study on the Impact ofCopyright Law on Digital Preservation (www.digitalpreservation.gov/partners/resources/pubs/digital_preservation_final_report2008.pdf), qui examine les lois sur le droit d’au-teur et les lois connexes de l’Australie, des États-Unisd’Amérique et du Royaume-Uni.

L’atelier s’est penché plus particulièrement sur un certainnombre de formules utilisées dans le monde pour les tra-vaux de conservation numérique, face aux préoccupa-tions de droit d’auteur. Certains projets évitent complète-ment le problème en se limitant à la numérisationd’œuvres du domaine public. D’autres, comme l’InternetArchive, se fondent sur des exceptions existantes tellesque la notion d’usage loyal. Dans d’autres cas encore, parexemple l’initiative Portico ou le dépôt électronique de laKoninklikje Bibliotheek, des accords de coopération sontpassés avec les titulaires de droits. Les programmes deconservation numérique en cours sont extrêmementutiles, car en plus d’assurer la préservation de contenusculturels de grande valeur, ils ouvrent la voie à l’établisse-ment de pratiques recommandées dans ce domaine. Ilfaut admettre, cela étant, qu’ils ne représentent que dessolutions incomplètes, qui ne s’appliquent qu’à une frac-tion des œuvres créés sous une forme numérique.

Une réforme des loispour la conservationnumérique

Il pourrait être nécessaire de réformer les législations afinque les institutions concernées puissent entreprendre untravail de conservation systématique des contenus numé-riques. Le rapport ci-dessus propose que ces dernièressoient autorisées à copier toutes les œuvres numériques àtitre préventif, sans avoir à attendre que des signes de dé-térioration soient visibles, et que la limite de trois exem-plaires soit abolie. Il recommande également que les loisnationales facilitent la conservation systématique encombinant à l’autorisation, pour les institutions en ques-tion, de moissonner le matériel disponible sur Internet,

des mesures d’encouragement à la conclusion d’accordscontractuels favorisant la conservation et la mise en placede mécanismes de dépôt légal.

Un certain nombre d’intérêts concurrents devraient toute-fois être pris en compte dans une telle réforme. S’il est im-portant que les institutions ayant des activités de conser-vation de contenus numériques bénéficient d’exceptionsadéquates, il est tout aussi essentiel de préserver les limi-tations nécessaires à la protection des titulaires de droits.Le triple critère de la Convention de Berne, le Traité del’OMPI sur le droit d’auteur et le Traité de l’OMPI sur les in-terprétations et exécutions et les phonogrammes restrei-gnent les exceptions et limitations à “certains cas spé-ciaux” qui “ne portent pas atteinte à l’exploitation normalede l’œuvre” ni ne causent “un préjudice injustifié aux inté-rêts légitimes” du titulaire de droits. La mise en place demécanismes de sécurité et de limitation d’accès appro-priés sera donc nécessaire pour que les activités deconservation des institutions concernées ne puissent pascauser un préjudice injustifié aux intérêts des titulaires dedroits et nuire à leur marché. Il est en outre fondamentald’exiger que la conservation des contenus numériquessoit soumise à un ensemble de pratiques normalisées, afinque les exceptions qui l’autorisent puissent bénéficier du-rablement à la société. Une exception en faveur des bi-bliothèques peut remplir les exigences du triple critère sielle est élaborée avec soin, mais la difficulté réside dans larecherche d’un équilibre approprié.

Certains pays ont déjà entrepris d’adapter leurs lois auxquestions de conservation des contenus numériques. Àcet égard, il a notamment été question, au cours de l’ate-lier de l’OMPI, du rapport Gowers du Royaume-Uni, dugroupe d’études sur l’article 108 de la loi sur le droit d’au-teur des États-Unis d’Amérique et des modifications ap-portées récemment à la législation australienne en matiè-re de droit d’auteur. Outre les questions de sécurité etd’étendue d’accès, les participants ont souligné le rôle descontrats et des mesures techniques de protection en tantqu’obstacles en puissance à la conservation des contenusnumériques.

La réforme des lois n’est que l’un des paramètres del’équation. La conclusion d’accords de coopération entreles institutions chargées de la conservation numérique etles titulaires de droits reste une nécessité essentielle. Elle aen effet contribué de manière importante aux initiativesprises jusqu’à présent en matière de conservation, et ilconvient d’éviter qu’elle soit freinée par des réformes lé-gislatives qui doivent, au contraire, l’encourager.

De même, les lois sur le droit d’auteur ne sont que l’un desobstacles à surmonter en ce qui concerne la conservationdes contenus numériques. Le financement, les moyenstechniques et la recherche d’un consensus quant auxmeilleures pratiques à observer revêtent tout autant d’im-portance. Les décideurs politiques doivent être convain-cus de la nécessité absolue de consacrer des ressources àdes programmes de conservation numérique. Le règle-ment des questions de droit d’auteur constituerait un pro-grès important sur la voie de la conservation systéma-tique des contenus numériques.

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Excellent métier, de nos jours,que celui d’écrivain privé. Il y amême des firmes qui offrent ceservice d’écriture et de rédactionà ceux qui manquent de temps(comme les personnalités poli-tiques), n’ont pas la plume facileou sont, au contraire, trop proli-fiques pour produire une œuvresans qu’on les aide à faire leursrecherches ou leurs premiersjets. Alexandre Dumas faisait par-tie de cette dernière catégorie.

Ce n’est qu’en 2002, alors qu’ilétait mort en 1870, que lescendres d’Alexandre Dumas ontété transférées au Panthéon, àParis, où il a rejoint d’autres géants littéraires de sonépoque, dont notamment Émile Zola et Victor Hugo.Il semble que soit ainsi réglée la question de la pa-ternité de certaines des œuvres les plus aimées de lalittérature, telles que la saga des “TroisMousquetaires”, “Le Comte de Monte-Cristo” et “LaTulipe Noire”. De nombreux assistants ont participé àl’élaboration des pièces et des romans de Dumas. Leplus remarquable d’entre eux fut Auguste Maquetqui, après l’avoir aidé à écrire, entre autres, les œuvresci-dessus, l’attaqua en justice, dans les années 1850,pour impayé et pour récupérer ses droits de proprié-té littéraire en tant que coauteur. Le tribunal statuaque le droit d’auteur appartenait exclusivement àDumas, mais condamna ce dernier à verser à Maquetla somme de 145 200 francs, payables en 11 ans. Lesécrivains qui travaillent ainsi en sous-traitance sou-haitent parfois voir leur travail reconnu, même s’ils si-gnent un contrat par lequel ils acceptent de ne pasexercer leur droit d’attribution en échange de la ré-munération qu’ils reçoivent. L’affaire Maquet c.Dumas illustre bien à quel point il est difficile de déli-miter clairement la valeur de la contribution de cha-cun dans ce type de collaboration.

Dumas, lorsqu’on l’attaqua sur la question de la parti-cipation de ses collaborateurs, ne fit aucun secret àce sujet – il avait d’ailleurs écrit en 1845 à la Sociétédes gens de lettres une missive ouverte dans laquel-le il nommait Maquet ainsi que les œuvres aux-quelles celui-ci avait contribué. Il fut tout aussi clairen ce qui concerne les sources factuelles et littérairesde son inspiration. Plusieurs de ses romans étant pu-bliés, et cela de manière pratiquement simultanée,sous forme de feuilleton dans divers journaux surune période de plusieurs mois, un travail permanentd’écriture était nécessaire, avec des délais très res-treints. Dumas et Maquet (qui avait une formation

d’historien) contribuaient tousdeux à la recherche des sujets, àla discussion des intrigues et auxsuggestions de détail; Dumas de-mandait à Maquet de rédigerune première copie qu’il révisaitensuite pour lui donner sa formefinale. La dernière touche était dela main de Dumas, mais unelettre de Matharel de Fiennes àMaquet, durant le procès, révèleque ce n’était peut-être pas tou-jours le cas. Un épisode duVicomte de Bragelonne ayant étéperdu à la veille de sa publicationdans le journal Le Siècle, deFiennes avait en effet demandé àMaquet de venir récrire son tex-

te, de mémoire, à ses bureaux. L’exemplaire revu parDumas ayant ensuite été retrouvé, il avait comparéles deux versions et constaté que ce dernier n’y avaitchangé en tout et pour tout qu’une trentaine demots sur 500 lignes.

La comparaison de deux manuscrits – ou de deuxdocuments produits par ordinateur, même sur desmachines distinctes – n’a toutefois rien de probantdans un cas de collaboration aussi étroite. Face à tantde communications verbales et d’échanges de vuesentre deux personnes, comment peut-on, en effet,attribuer telle idée ou tel mot à l’une plutôt qu’àl’autre? En fin de compte, le cours de l’histoire aurapeut-être fourni à Dumas une meilleure revancheque la reconnaissance par un tribunal de sa qualitéde maître d’œuvre face à l’acte physique d’écriture,même considérable, de Maquet. Le premier romande ce dernier avait été publié sous le nom de Dumas,après avoir été développé et amélioré par celui-ci(c’était “Le Chevalier d’Harmental”). Lorsque Maquetmit fin à leur collaboration, il publia sous son proprenom, mais ses romans sont depuis longtemps tom-bés dans l’oubli.

Célébrité et renommée

Cet exemple pose la question de l’avantage lié à lapublication d’une œuvre sous un nom connu, com-me celui de Dumas. Selon certains spécialistes de lapropriété intellectuelle,1 le droit d’auteur et le droitdes marques présentent une analogie: le nom d’unauteur peut être considéré comme la marque de cedernier, dans la mesure où il favorise l’identificationpar le public et la “consommation” de certains pro-duits. De la même façon, un collaborateur littérairepeut être considéré comme un preneur de licence,qui ne dispose toutefois d’aucun pouvoir de décision

COLLABORATEUR,CRÉATEURS, TRICHEURS

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1 Jane C. Ginsburg, sur labase d’un article deVictor Nabhan (2004).

25

Alexandre Dumas et Auguste Maquet par lecélèbre caricaturiste français Gill.

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Page 28: P.I. ET FINANCEMENT...Gaye. La rémunération de Pullman, pour son rôle dans la création et le placement de ces obligations, s’est élevée à 10% des sommes mobilisées. Les principaux

en ce qui concerne le produit fini. Les éditeurs deDumas considéraient probablement, à l’époque deses grands succès, que son nom était le plus vendeur.Les grands peintres et sculpteurs ont utilisé des assis-tants de la même manière, l’un des meilleursexemples étant celui de Rubens, qui a été servi ainsipar Van Dyck, Teniers et Jan Breughel.

L’analogie avec les marques permet aussi d’envisagerles atteintes aux droits d’auteur comme des infrac-tions analogues à la substitution frauduleuse (“pas-sing off”) ou à la contrefaçon. Le plagiat consiste às’attribuer délibérément la paternité de l’œuvre d’uneautre personne et peut aussi être constitué en casd’utilisation du texte d’une autre personne sans men-tion ou avec une mention insuffisante de la source.Dans le domaine des arts, la contrefaçon consiste aus-si à attribuer délibérément une création artistique àune autre personne, généralement un artiste dont lenom est connu et porteur de valeur sur le marché.

Bien avant l’arrivée des ordinateurs personnels, lesétudiants utilisaient des “antisèches” ou des modèlesde rédaction. L’Internet a multiplié les possibilités deplagiat, ce qui a favorisé l’élaboration de techniquesde détection, dont notamment des logiciels spéciaux,et même des machines capables de comparer deuxtextes avec une grande exactitude. Mais quel que soitle degré de perfectionnement de la technique depreuve employée et en dehors des cas évidents decopie de larges extraits d’un texte, les ressemblancesrelevées entre deux écrits soulèvent parfois des pro-blèmes tout à fait classiques, qui imposent de faire ap-pel au jugement humain. L’utilisation de deux phrasesidentiques est-elle accidentelle et si elle est délibérée,à quel point l’est-elle? Les différences entre deuxtextes sont-elles suffisamment minimes pour que l’onpuisse conclure au plagiat? Aurait-il fallu utiliser desguillemets? La source aurait-elle dû être mentionnéeen cours de texte plutôt qu’à la fin?

Poursuivre une personnalité peut faire subir au plai-gnant les foudres combinées des célébrités, de l’ordreétabli, du pouvoir et de l’argent. Florence Deeks a parexemple été traitée tout au long des années 1920 et1930 de vieille fille irascible aux prétentions invéri-fiables, alors qu’elle disposait d’éléments démontrantque la trame, les omissions et même les erreurs fac-

tuelles de l’ouvrage qu’elle avait proposé à l’éditeur deH. G. Wells, la maison MacMillan, se retrouvaient dansle livre de celui-ci intitulé “ The History of the World” etque ladite maison d’édition avait très bien pu prêterson manuscrit au célèbre écrivain.

Les beaux-arts ont eux aussi leurs méthodes mo-dernes de vérification de l’authenticité telles que la da-tation au radiocarbone, l’examen aux rayons X et desmoyens d’analyse chimique améliorés. Han vanMeegeren (1889-1947), le célèbre faussaire du grandmaître hollandais Vermeer, aurait eu plus de mal àtromper son monde de nos jours. Mais il existe aussides copies d’œuvres d’art légitimes, faites sur comman-de et sans intention frauduleuse, et il arrive que les ar-tistes eux-même compliquent encore les choses, pargénérosité ou par cupidité – un Jean-Baptiste Corot(1796-1875) qui signait à l’occasion les toiles de sesélèves ou un Salvador Dali vieillissant qui signait, lui,des feuilles de papier ou des toiles en blanc.

Ce qui compte, en dernièreanalyse, c’est la gravité de l’in-tention frauduleuse et le préju-dice causé à la société. Ceuxqui sont sensibilisés à la pro-priété intellectuelle diront, biensûr, que la substitution fraudu-leuse est moralement inaccep-table et que si une réputationest détruite, c’est dans l’intérêt

de la culture, de la qualité et de l’honnêteté intellec-tuelle. Mais cet argument moral est grandement ren-forcé dès lors que l’on prend conscience de la gravi-té des conséquences pratiques. La dépréciation desqualifications des diplômés sur le marché du travail,par exemple, justifie la prise de sanctions sévères (ex-clusion, annulation de résultats) à l’encontre des étu-diants plagiaires. Un exemple encore plus frappantserait celui d’un article rédigé contre rémunération àla demande d’un laboratoire pharmaceutique etfaussement attribué, dans une revue médicale, à unspécialiste de la médecine alors qu’il vante les mé-rites d’un traitement potentiellement dangereuxpour les patients du monde entier. Florence Deeks,cela étant, a passé une décennie à se battre seule etsans succès devant les tribunaux (ce n’est qu’après samort que l’on commença à lui témoigner quelquesympathie), tandis que le livre de Wells se vendait etfaisait le plus grand bien à sa réputation.

Parfois, pourtant, le vent tourne: Maquet, qui n’avaitpas réussi à obtenir la reconnaissance de sa qualitéde coauteur, vécut et mourut riche, tandis queDumas, aussi célèbre de son vivant qu’à titre posthu-me, finit ruiné – encore que ce fut en raison de sapropre prodigalité.

0CTOBRE 200826

Le Château d’If a servi de cadre au roman“Le Comte de Monte-Cristo”.

Les héros des Trois Mousquetaires vus parl’illustrateur Maurice Leloir (1851-1940).

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Suite à l’article “Le droit d’auteur au tribunal: Parfum ou forme d’expression artistique?”et à deux décisions rendues récemment en France sur la question, nous faisons ci-aprèsle point de la situation.

Depuis une décision rendue le 15 février 2008 par le Tribunal correctionnel de Paris, tousles regards du milieu français de la propriété intellectuelle sont tournés vers les parfums.Les sociétés Kenzo Parfums, Lancôme, L’Oréal, Christian Dior Parfums, Yves Saint-Laurent

Parfums et plusieurs autres avaient en effet engagé des actions en contrefaçon de marque contre un certainnombre de personnes physiques pour avoir proposé à la vente des fragrances présentées comme des équi-valents aux parfums de ces sociétés. Ces produits étaient commercialisés sous des arguments tels que “Si vousaimez le parfum X, vous aimerez mon parfum Y” ou “Demandez le tableau de concordance de nos parfums etdes parfums connus”. Or, le Tribunal correction de Paris a considéré que la seule référence à des parfumsconnus était insuffisante à caractériser la matérialité du délit de contrefaçon de marque.

Cette décision est totalement en contradiction avec le Code français de la propriété intellectuelle, lequel in-terdit, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’ad-jonction de mots tels que: “formule, façon, système, imitation, genre, méthode”. Elle va également à l’encontrede la jurisprudence établie, qui rejette les pratiques de concordance. Nous espérons par conséquent qu’ellesera la seule de ce genre et que le recours formé par les demandeurs leur sera favorable.

La question de la protection des parfums par la législation française sur le droit d’auteur est elle aussi, une foisde plus, un objet de débat. Dans un arrêt rendu le 13 juin 2006, la Cour de cassation française avait considéréque le créateur d’un parfum ne pouvait pas bénéficier d’une rémunération au sens de la loi sur le droit d’au-teur. Les tribunaux français s’étaient ensuite montrés indécis en ce qui concerne l’extension du droit d’auteuraux parfums. Mais le 1er juillet 2008, la Haute Cour a réitéré son ancienne position, en statuant que la fragran-ce d’un parfum, qui procède de la simple mise en œuvre d’un savoir-faire, ne constitue pas la création d’uneforme d’expression pouvant bénéficier de la protection du droit d’auteur.

Le fait d’exclure les parfums de la protection du droit d’auteur crée des risques importants en ce qui concerne ladéfense des droits qui s’y attachent. Et il est en outre très difficile de défendre les fragrances par le droit desmarques, de sorte que les risques de contrefaçon se trouvent accrus, surtout si les pratiques de concordance sontautorisées dans la foulée de la décision ci-dessus. Espérons que les autres outils juridiques du droit français, telsque la concurrence déloyale et la protection spécifique des marques notoires, continueront d’être applicables.

contrôle de la qualité dans la chaîne de distributionde semences de NERICA®. C’est à ce titre que je vou-drais vous demander de préciser que NERICA® estune marque enregistrée, car il est important quel’ADRAO protège sa marque afin que les agriculteurs,dont les ressources sont limitées, sachent que le rizqu’ils plantent est bien de l’authentique NERICA®.

Je serais heureuse de vous parler des autres travauxde recherche entrepris par le Groupe consultatif pourla recherche agricole internationale (GCRAI) sur lesincidences des changements climatiques pour lesagriculteurs pauvres des pays en développement.

COURRIERDES LECTEURS

>>>

Franck Soutoul et

Jean-Philippe Bresson,

mandataires européens

en marques,

INLEX IP Expertise,

et reporters pour IP TALK,

France.

27

La protection des parfums par le droit français de la propriétéintellectuelle menacée!

Protéger la marque NERICA®

Victoria Henson-

Apollonio, PhD, spécialiste

scientifique principal et

directeur de projet,

Service consultatif central

sur la propriété

intellectuelle, unité du

Bureau du système du

GCRAI en Italie.

Je vous écris au sujet de votremerveilleux article sur le NERI-CA®, un produit issu des re-cherches de l’Association pourle développement de la rizicul-ture en Afrique de l’Ouest(ADRAO), pour souligner un

détail qui, malgré sa petitesse, pourrait être impor-tant. Je voulais vous signaler que le mot NERICA® faitl’objet d’un enregistrement de marque aux États-Unisd’Amérique. Nous conseillons l’ADRAO en matière degestion de la propriété intellectuelle et d’utilisationde cette dernière pour encourager l’adoption des va-riétés de riz NERICA® et l’introduction de systèmes de

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0CTOBRE 200828

Le Magazine de l’OMPI a bien mentionné que “la marque Nerica a été enregistrée auprès de l’USPTO en2004”. En ce qui concerne l’utilisation du symbole ®, l’article du Magazine intitulé “Utilisation des marques:bien comprendre les principes de base” précise ce qui suit: “Il n’est pas obligatoire d’utiliser le symbole ®puisque celui-ci n’offre aucune protection juridique. Il sert à indiquer au public que la marque est enregis-trée et peut donc les dissuader d’utiliser celle-ci de façon illicite. Si l’on a recours à la mention de réserve, el-le doit figurer dans la première utilisation de la marque, la plus importante, dans une annonce publicitaireou sur une étiquette. Il n’est pas nécessaire de faire figurer la mention chaque fois que l’on cite la marque.(…) Lorsque vous citez une marque dans un document imprimé, faites toujours ressortir la marque en uti-lisant des lettres majuscules, des caractères gras, de la couleur, des italiques, le soulignement ou des guille-mets. Ainsi, il y a moins de risques que la marque soit considérée comme un terme générique.”

Réponse de la rédaction:

Calendrier des réunions

6 – 10 OCTOBRE GENÈVE

Groupe de travail préparatoire du Comité d’experts de l’Union de Nice pour la classification internationaledes produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques (vingt septième session)

Le Groupe de travail préparatoire poursuivra ses travaux de révision de la neuvième édition de la classifi-cation de Nice. Ses recommandations seront soumises pour adoption à la vingt et unième session duComité d’experts de l’Union de Nice, en 2010.Invitations: en qualité de membres, les États membres du Groupe de travail préparatoire du Comité d’ex-perts de l’Union de Nice; en qualité d’observateurs, les États membres de l’Union de Paris qui ne sont pasmembres du groupe de travail préparatoire et certaines organisations.

21 – 22 OCTOBRE GENÈVEAtelier de l’OMPI sur l’arbitrage

Réunion annuelle destinée à toutes les parties intéressées par les procédures d’arbitrage de l’OMPI, qu’ils’agisse d’arbitres ou de représentants potentiels de parties.Invitations: ouvert à toutes les parties intéressées, moyennant paiement d’un droit d’inscription.

23 – 24 OCTOBRE GENÈVEAtelier de niveau avancé de l’OMPI sur le règlement des litiges relatifs aux noms de domaine: infor-mations sur les pratiques et les précédents

Réunion destinée à toutes les personnes désireuses de recevoir des informations sur les tendances ob-servées dans les décisions rendues par les commissions de l’OMPI chargées du règlement des litiges re-latifs aux noms de domaine.Invitations: ouvert aux parties intéressées, moyennant paiement d’un droit d’inscription.

24 – 28 NOVEMBRE GENÈVEGroupe de travail ad hoc sur le développement juridique du système de Madrid concernant l’enregis-trement international des marques (deuxième session)

Le groupe de travail poursuivra ses travaux sur le développement juridique du système. Invitations: en qualité de membres, les États membres de l’Union de Madrid et la Communauté euro-péenne; en qualité d’observateurs, d’autres États membres de l’OMPI ou de l’Union de Paris et certainesorganisations.

1ER – 5 DÉCEMBRE GENÈVEComité permanent du droit des marques, des dessins et modèles industriels et des indications géo-graphiques (SCT) (vingtième session)

Le comité poursuivra ses travaux sur les domaines de convergence en ce qui concerne les marques nontraditionnelles et les procédures d’opposition en matière de marques, en s’appuyant sur les résultats dela dix neuvième session. Le comité poursuivra en outre ses travaux sur des questions d’actualité telles queles formalités relatives à l’enregistrement des dessins et modèles et les marques et les dénominationscommunes internationales pour les substances pharmaceutiques (DCI).Invitations: en qualité de membres, les États membres de l’OMPI ou de l’Union de Paris et la Communautéeuropéenne; en qualité d’observateurs, d’autres États et certaines organisations.

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Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement internationaldes marques, Protocole, Règlement d’exécution (en vigueur le 1er septembre 2008) et Instructions administratives (en vigueur le1er janvier 2008)Anglais n° 204E, Espagnol n° 204S, Français n° 204F20 francs suisses (port et expédition non compris)

Guide pour l’enregistrement des marques en vertu de l’Arrangementde Madrid et du Protocole de Madrid (mis à jour en septembre 2008)Anglais n° 455E, Espagnol n° 455S, Français n° 455F60 francs suisses (port et expédition non compris)

Comprendre la propriété industrielleRusse n° 895RGratuit

Apprender del pasado para crear el futuro: Las creaciones artísticas y el derecho de autorEspagnol n° 935SGratuit

Le fonds de contributions volontaires de l’OMPI: une voix plusforte pour les communautés autochtones et locales dans le cadredes activités de l’OMPI dans le domaine des savoirs traditionnels,des expressions culturelles traditionnelles et des ressourcesgénétique – Brochure N° 3Français n° 936FGratuit

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