physiopathologie et prise en charge en mpr des douleurs du membre fantôme pr pascal giraux, service...
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Physiopathologie et prise en charge en MPR des douleurs du membre fantôme
Pr Pascal Giraux,Service MPR,CHU de Saint-Etienne
1. membre fantôme: motricité et douleur
2. Réorganisation cérébrale et amputation
3. La douleur de membre fantôme : un cas de plasticité cérébrale maladaptative?
4. Pistes thérapeutiques
membre fantôme :motricité et douleur
les amputations de membre et les avulsions de plexus brachial (BPA) sont souvent associées à un phénomène de membre fantôme.
membre fantôme =
1) persistance d ’une image corporelle plus ou moins complète malgré l ’absence du membre ou sa déafférentation complète (BPA)
2) perception de mouvements
volontaires / automatiques
3) douleur chronique
Mouvements du membre fantôme :
pas de données épidémiologiquesdiminueraient au long courspossibilité de variabilité à court terme:
selon les variations d’image corporelle (télescopage, …) selon la douleur fantôme associée (crampes, freezing lors de paroxysme douloureux, …)
peu de connaissances sur la motricité fantôme
Historiquement, le membre fantôme est une illusion:
Ambroise Paré (XVIème): première description du phénomène: les amputés continuent de percevoir la présence de leur membre absent.
Silas Weir Mitchell (1872): « the phantom limb had certain sensory properties like touch and pain, as well as kinaesthetic properties like being able to be moved voluntarily”… “sensorial delusion”
Des difficultés conceptuelles persistantes:
Les mouvements de membre fantôme sont toujours décrits comme « imaginaires » dans la majorité des travaux scientifiques (Roux, Lotterie et al., 2003; Roux, Ibarrola et al., 2001; Hugdahl, Rosen et al., 2001; Ersland, Rosen et al., 1996; Lotze, Flor et al., 2001; Rosen, Hugdahl et al., 2001; …).
Renforcées par la possibilité de sensations kinesthésiques imaginées chez tous (imagerie motrice) (ex: Jeannerod 1995)
douleur fantôme :
30-50 % des amputés membre sup > membre inférieur diminue avec le tempsdoit être différenciée des douleurs de moignons et des causalgies. souvent variable (fond + paroxysmes)souvent insupportable.souvent résistant aux médicaments (morphine, clonazepam, gabapentine,...) développement de la chirurgie fonctionnelle (stimulation corticale)
initialement considérée d ’origine périphérique (nevrome, ...)
puis démonstration expérimentale d ’une plasticité au niveau:
spinalthalamiquecortical (M1 et S1)
Sensations fantômes
D’après Bruger et alPNAS 2000
Sensations fantômes référées
D’après Ramashandran et alBrain 1998
Difficultés motrices pour les mouvements de membres fantômes
(Raffin et al., from Cortex 2011)
Difficultés motrices pour les mouvements de membres fantômes
(Raffin et al., cortex 2011)
% of length of
remaining limb
AgeTime since amputation
Phantom pain intensity during
movements
Phantom movement amplitude
Time to execute
-0,62non sig.
0.53 0.73 non sig.
Corrélations des difficultés motrices avec des critères cliniques (19 amputés MS)
Difficultés d’exécution motrice , mais imagination motrice préservée pour les mouvements de membres fantômes
(Raffin et al., Cortex 2011)
II. Réorganisation cérébrale et amputation
Organisation des aires sensorimotrices primaires chez l’homme d ’après Penfield
Réorganisations de M1 et S1 après amputation
(adapté de Wu et al. 1999)
Réorganisations corticales après amputation de main chez le singe
amputés
Mouvement de fermeture-ouverture du poing :
volontaires sains
d ’après Lotze et al, Brain 2001
Persistance à long terme des représentations sensorimotrices
Données d ’imagerie fonctionnelle
(Mercier et al., 2006)
Sensations de mouvements du membre fantôme provoquées par des stimulations corticales magnétiques (TMS)
Fingers Fingers + wrist Wrist Elbow Global arm movementNo movement
• Mouvements des « doigts » fantômes
d ’après Brugger et al, PNAS 2000
Persistance des représentations sensorimotrices
chez les patients agénésiques
Les mouvements de membre fantôme ne sont pas des mouvements
imaginés : mise en évidence des deux modalités en imagerie fonctionnelle
(Raffin et al., in prep)
Les mouvements de membre fantôme ne sont pas des mouvements
imaginés : mise en évidence des deux modalités en imagerie fonctionnelle
(Raffin et al., in prep)
Persistance d’une commande motrice descendante après amputation: EMG de surface des muscles du moignon durant les mouvements de
membres fantômes
(Gagné et al., 2009)(Reilly et al., 2006)
Persistance d’une commande motrice descendante pour des mouvements exécutés mais pas imaginés de membres
fantômes
(Raffin et al., Cortex 2011)
La douleur de membre fantôme : un cas de plasticité cérébrale maladaptative?
Origine neurologique central des douleurs fantômes?
la douleur fantôme pourrait résulter de :
la persistance de représentations corporelles détériorées dans certaines régions cérébrales (SI, SII, insula, cortex pariétal, … ?),
de relations fonctionnelles détériorées entre régions cérébrales (ex: thalamus / S1 / SII)
Flor et al, Nature 1995 :
• Etude MEG, stimulation pneumatique lèvres et doigts (sains), calcul du COG• Cortical réorg = D1 – D2• douleur = West Haven-Yale Multidimensional Pain Inventory• corrélation douleur et cortical réorg: r=0.93
Corrélation douleur fantôme et réorganisations cérébrales S1
D1D2
Lotze et al, Nature Neurosci. 1999 :
• intensité des douleurs de membre fantôme corrélée réorganisations dans M1• et diminuée pas l’utilisation de douleurs myoélectriques
Corrélation douleur fantôme et réorganisations cérébrales M1
Raffin et al, in prep (Brain) :
• intensité des douleurs de membre fantôme corrélée à l’extension des activités M1 du coude vers la main (overlap),• et négativement corrélée à l’activité motrice de la main fantôme (T-max)
Corrélation douleur fantôme et réorganisations cérébrales M1
Mvt Diff Doul mvt
M1 Tmax (main)
-0.63 (r) -0.64
overlap 0.81 0.71
Pistes thérapeutiques
Origine central des douleurs fantômes?
Amputation et BPA induisent des réorganisationsau niveau spinal, M1, S1, thalamus,autres régions probables: SII , insula , cortex pariétal, cortex prémoteur, cervelet ?
la douleur fantôme pourrait résulter de :la persistance de représentations corporelles détériorées dans certaines régions cérébrales (SII, insula),de relations fonctionnelles détériorées entre régions cérébrales (ex: thalamus / S1 / SII)
Hypothèse de travail thérapeutique
Des méthodes thérapeutiques ayant pour but de restaurer des représentations sensitives ou motrices pourraient diminuer les douleurs de membre fantôme.
pré-chirurgie 6 mois overlap
main droite main gauche
Giraux et al, Nature Neurosci. 2001
Réversibilité des réorganisations cérébrales induites par l’amputation ?
Modèle de l’allogreffe de main
Flor et al, Lancet 2001 :
• Entraînement de la discrimination tactile chez amputés membre supérieur• discrimination de la fréquence/localisation de stimulations électriques du moignon• 10 sessions de 90 minutes sur 15 jours
L’entraînement tactile
Flor et al, Lancet 2001 :
• Diminution des douleurs fantômes • corrélée aux modifications de réorganisations cérébrales sensitives
L’entraînement tactile
Relations entre activité motrice et douleur fantôme?
corrélation entre intensité des réorganisations corticales dans M1 et l ’intensité douloureuse (Lotze 2001)
données comportementales : illusion kinesthésiques accompagnées de soulagement de la douleur fantôme(Ramachandran 1996)
la stimulation du cortex moteur peut induire un soulagement des douleurs centrales chroniques
La boite à miroir (Ramachandran VS.)
Ramachandran and Hirstein, Brain, 1998
Utilisation du miroir pour le membre inférieur
Ramachandran et al , 2010
Limitations méthodologiques de la « boîte à miroir » :
absence d ’études cliniques
impossibilité de différencier les effets de: la bilatéralité des mouvements la rétroaction visuelle
amputés : impossibilité de différencier les effets dela complétion de l ’image corporellel ’entraînement moteur
1) Enregistrement des mouvements du membre sain
2) mise en concordance des vidéos de mouvements du membre sain avec le membre lésé
METHODE :
utilisation de types / vitesse variés de mouvements
instruction : avec le membre fantôme, faire le même mouvement que le mouvement projeté
session: ~1 heure, ~100 mouvements
training: 20 sessions
Exemple d ’entraînement visiomoteur
Exemple d ’entraînement visiomoteur
RESULTATS : soulagement douloureux
EVA, 10 sujets (résultats préliminaire)
Moseley et al, Neurology 2006 : • UL amputees (9) , BPA (5) , CRPSI (37) • 2 weeks of training: motor imagery + mirror box + hand laterality recognition • controled study, 6 months follow-up.
Motor simulation and pain
Tsao et al, NEJM 2007 : • Lower limb amputees (22)• 4 weeks of training: mirror box versus mental-visualization and covered mirror• controled study, 1 month follow-up.
Motor simulation and pain
Plasticité du cortex moteur induite par l ’entraînement (sujets BPA)
avant entraînement
Giraux P, Sirigu A. Neuroimage 2003
côté paralysé
côté sain
après entraînement
MECANISMES ?
Effet immédiat: ‘gate control’ cortical?
Soulagement différé:
L ’entraînement visuomoteur pourrait restaurer les représentations motrices indirectement, les représentations sensitives
CONCLUSION I:
L’entraînement visuomoteur soulage durablement les douleurs fantômes chez certains patients,
avec une efficacité à court et long terme.
C ’est une méthode simple et sans effet secondaire
dont il faut poursuivre l ’évaluation…
CONCLUSION II:
Les douleurs de membres fantômes sont en partie dues à des réorganisations neurologiques centrales
Les méthodes comportementales motrice, dont la rééducation visuomotrice, ou sensitives, sont une voie de traitement possible
D’autres méthodes modifiant les propriétés physiologiques du cortex de façon focale (rTMS, tDCS, Stimulation implantée) ou générale (pharmacologie) ont aussi un intérêt potentiel. Association de ces méthodes?