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126 | La Lettre du Pneumologue Vol. XV - n° 5 - septembre-octobre 2012 MISE AU POINT Physiopathologie, diagnostic et prise en charge des malformations pulmonaires de l’enfant Congenital bronchopulmonary malformations: pathogenesis, diagnosis and treatment A. Hadchouel*, C. Delacourt* * Service de pneumologie pédiatrique, hôpital Necker-Enfants-Malades, Paris. I l existe une grande variété d’anomalies du développement pulmonaire, aboutissant à la coexistence chez le même individu de poumon normal et de tissu malformatif localisé. Ces diffé- rentes anomalies ont une origine assez précoce, au stade pseudoglandulaire ou au début du stade canaliculaire du développement pulmonaire, comme en témoigne leur identification possible à l’échographie du deuxième trimestre de la gros- sesse. En effet, les progrès de l’échographie anté- natale permettent actuellement d’identifier un grand nombre de ces malformations dès la période fœtale sous la forme d’hyperéchogénicité et/ou de kystes. Il s’agit essentiellement de malformations adénomatoïdes kystiques pulmonaires (MAKP), de séquestrations, d’emphysèmes lobaires géants, d’atrésies bronchiques et de kystes bronchogé- niques. Les études rétrospectives publiées au cours de ces dernières années se sont particulièrement intéressées aux 2 types de malformations les plus fréquentes, les MAKP et les séquestrations, et ont permis de mieux en définir l’évolution natu- relle, surtout avant la naissance. En revanche, les mécanismes physiopathologiques à l’origine de ces anomalies ne sont pas encore complètement élucidés. La prise en charge de ces malformations dépend du moment auquel est fait le diagnostic ainsi que de la présence ou du risque de compli- cations éventuelles. Description lésionnelle, diagnostic et prise en charge MAKP Les MAKP sont des malformations bronchopul- monaires caractérisées par la présence de “kystes” intraparenchymateux de taille variable, allant de quelques millimètres à plusieurs centimètres, bordés par un épithélium de type respiratoire. Toujours en communication à la fois avec les voies aériennes proximales et le tissu pulmonaire distal, ce ne sont toutefois pas de véritable kystes. Les MAKP ont été initialement divisées en 3 types selon la présence de kystes et leur taille (classification de Stocker). L’incidence des MAKP se situerait entre 1 cas sur 1 000 et 1 cas sur 5 000 naissances vivantes (1). De nombreuses MAKP sont maintenant diagnos- tiquées avant la naissance par l’échographie anté- natale, le plus souvent au deuxième trimestre de la grossesse, avec des termes moyens de découverte s’échelonnant entre 20 et 23 semaines d’aménor- rhée (SA) selon les séries (2, 3). Une augmentation de la taille est fréquente au cours de la vie fœtale, avec un maximum attendu autour de 28 SA (4), puis le volume de la malformation peut diminuer et, dans un certain nombre de cas, n’être plus visible à l’échographie en fin de grossesse (5). Dans notre

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126 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 5 - septembre-octobre 2012

MISE AU POINT

Physiopathologie, diagnostic et prise en charge des malformations pulmonaires de l’enfantCongenital bronchopulmonary malformations: pathogenesis , diagnosis and treatment

A. Hadchouel*, C. Delacourt*

* Service de pneumologie pédiatrique, hôpital Necker-Enfants-Malades, Paris.

I l existe une grande variété d’anomalies du développement pulmonaire, aboutissant à la coexistence chez le même individu de poumon

normal et de tissu malformatif localisé. Ces diffé-rentes anomalies ont une origine assez précoce, au stade pseudoglandulaire ou au début du stade canaliculaire du développement pulmonaire, comme en témoigne leur identification possible à l’échographie du deuxième trimestre de la gros-sesse. En effet, les progrès de l’échographie anté-natale permettent actuellement d’identifier un grand nombre de ces malformations dès la période fœtale sous la forme d’hyperéchogénicité et/ou de kystes. Il s’agit essentiellement de malformations adénomatoïdes kystiques pulmonaires (MAKP), de séquestrations, d’emphysèmes lobaires géants, d’atrésies bronchiques et de kystes bronchogé-niques. Les études rétrospectives publiées au cours de ces dernières années se sont particulièrement intéressées aux 2 types de malformations les plus fréquentes, les MAKP et les séquestrations, et ont permis de mieux en définir l’évolution natu-relle, surtout avant la naissance. En revanche, les mécanismes physiopathologiques à l’origine de ces anomalies ne sont pas encore complètement élucidés. La prise en charge de ces malformations dépend du moment auquel est fait le diagnostic ainsi que de la présence ou du risque de compli-cations éventuelles.

Description lésionnelle, diagnostic et prise en charge

MAKP

Les MAKP sont des malformations bronchopul-monaires caractérisées par la présence de “kystes” intraparenchymateux de taille variable, allant de quelques millimètres à plusieurs centimètres, bordés par un épithélium de type respiratoire. Toujours en communication à la fois avec les voies aériennes proximales et le tissu pulmonaire distal, ce ne sont toutefois pas de véritable kystes. Les MAKP ont été initialement divisées en 3 types selon la présence de kystes et leur taille (classification de Stocker). L’incidence des MAKP se situerait entre 1 cas sur 1 000 et 1 cas sur 5 000 naissances vivantes (1). De nombreuses MAKP sont maintenant diagnos-tiquées avant la naissance par l’échographie anté-natale, le plus souvent au deuxième trimestre de la grossesse, avec des termes moyens de découverte s’échelonnant entre 20 et 23 semaines d’aménor-rhée (SA) selon les séries (2, 3). Une augmentation de la taille est fréquente au cours de la vie fœtale, avec un maximum attendu autour de 28 SA (4), puis le volume de la malformation peut diminuer et, dans un certain nombre de cas, n’être plus visible à l’échographie en fin de grossesse (5). Dans notre

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Figure 1. Tomodensitométrie montrant une MAKP macrokystique du lobe supérieur gauche découverte à l’occasion d’une infection chez un enfant de 5 ans. A. Coupe axiale. B. Coupe coronale.

A B

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Points forts » Les principales malformations pulmonaires sont les malformations adénomatoïdes kystiques (MAKP)

et les séquestrations. Un grand nombre de ces malformations est maintenant diagnostiqué avant la nais-sance. Certaines régressent spontanément, sans que le mécanisme exact de cette régression soit connu.

» Les principales manifestations cliniques après la naissance sont la surinfection de la malformation. » Le traitement de ces malformations est chirurgical. » Les différentes formes de malformation pulmonaire ont vraisemblablement des origines physiopatholo-

giques communes. Plusieurs hypothèses sont émises, et leur pathogénie fait probablement intervenir des phénomènes obstructifs anatomiques et fonctionnels et des anomalies moléculaires du développement. Les études récentes sont en faveur d’un rôle essentiel du Fibroblast Growth Factor 10 (FGF10) dans la genèse des MAKP.

Mots-clésMalformation adénomatoïde kystique du poumonSéquestrationDiagnostic prénatalDéveloppement pulmonaireChirurgie

Highlights » Congenital lung malforma-

tions are mainly represented by Congenital Cystic Adeno-matoid Malformations (CCAM) and sequestrations. Many of these malformations are now prenatally diagnosed. Spon-taneous regression can occur, but the involved mechanism is currently unknown.

» Infection of the lesion is the most frequent clinical mani-festation.

» The treatment of these malformations is surgical resection.

» The dif ferent types of congenital malformations of the lung are likely to have common pathophysiological mechanisms. Pathogenesis seems to involve anatomical and functional obstructive mechanisms together with molecular abnormalities of lung development. Recent studies highlight the role of Fibroblast Growth Factor 10 (FGF10) in this occurrence of CCAM.

KeywordsCystic adenomatoid malformation of the lung

Sequestration

Prenatal diagnosis

Lung development

Surgery

expérience, le taux de disparition échographique est de 25 % (5). Certaines MAKP peuvent nécessiter des gestes thérapeutiques anténataux. Les lésions macrokystiques volumineuses peuvent en effet comprimer les structures médiastinales, et même être à l’origine d’une anasarque fœtoplacentaire. Dans ce cas, la mise en place d’un drain de dérivation kystoamniotique est indiquée et permet de diminuer le volume de la lésion. À la naissance, la présentation clinique est très variable et essentiellement corrélée à la taille de la malformation (3). Près de la moitié des nouveau-nés sont asymptomatiques (6, 7). Les malformations volumineuses peuvent être à l’origine de signes de détresse respiratoire et doivent être rapidement opérées. Une radiographie pulmonaire est habituellement réalisée à la naissance quelle que soit la présentation clinique. Cependant, la radiographie standard peut apparaître faussement normale ; sa sensibilité dans l’évaluation initiale a été estimée à 61 % (6). De même, dans les cas où les lésions n’étaient plus visibles à la dernière échogra-phie prénatale, la radiographie standard peut être interprétée comme normale alors que la tomodensi-tométrie (TDM) montre des lésions persistantes dans plus de 90 % des cas (5, 8). C’est pourquoi la TDM thoracique avec injection est indispensable dans tous les cas de malformations kystiques ou hyperécho-gènes de diagnostic prénatal, quelles qu’aient été leur évolution avant la naissance et leur présenta-

tion clinique postnatale. Le délai de réalisation de cet examen varie d’un centre à l’autre, et il est en général réalisé dans les 3 premiers mois de vie. La TDM permet de préciser le type de lésion et oriente parfois vers le diagnostic d’un autre type de malfor-mation ; elle permet également d’évaluer le volume et l’extension de la lésion (figure 1). Chez les enfants asymptomatiques, l’incidence et la prévalence des complications sont peu connues ; le manque d’études prospectives à long terme est principalement dû à la fréquente décision d’exérèse chirurgicale des malfor-mations pulmonaires. La principale complication est l’infection de la malformation, qui semble cepen-dant peu fréquente au cours des 3 premières années de vie, survenant dans 10 % des cas environ (9). La survenue d’un pneumothorax ou d’un saignement révélé par une hémoptysie est également possible, mais rare (1). Concernant les formes, non diagnos-tiquées avant la naissance, l’infection est le prin-cipal mode de révélation, au cours des premières années de vie (7). Il faut d’ailleurs savoir évoquer le diagnostic de MAKP devant un tableau d’infection pulmonaire récurrente affectant le même segment. D’autres manifestations plus rares peuvent révéler une MAKP : pneumothorax, hémothorax, chylothorax et hémoptysie (3). Concernant leur prise en charge thérapeutique, les formes symptomatiques sont opérées par thoracoscopie ou thoracotomie, avec une exérèse qui se limite à la zone pathologique.

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Figure 2. Tomodensitométrie montrant une séquestration intralobaire du lobe inférieur droit, découverte à l’occasion du bilan d’infections répétées du même segment pulmonaire chez un enfant de 18 mois. A. Coupe paracoronale en fenêtre médiastinale mettant en évidence 2 vaisseaux systémiques naissant de l’aorte sous-diaphragmatique et vascularisant une zone de condensation lobaire inférieure droite. B. Coupe axiale montrant le séquestre pulmonaire surinfecté.

A B

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MISE AU POINT Physiopathologie, diagnostic et prise en charge des malformations pulmonaires de l’enfant

Il y a en revanche controverse quant à la nécessité d’effectuer une exérèse systématique des MAKP asymptomatiques. L’approche conservatrice s’appuie sur 4 arguments principaux (1) :

➤ un taux faible de complications infectieuses au cours des 3 premières années de vie ;

➤ les risques inhérents à la chirurgie thoracique ; ➤ l’absence de lien clairement démontré entre

malformation kystique et dégénérescence tumorale ; ➤ la possibilité d’une régression spontanée avec

l’âge.Le risque tumoral est une interrogation majeure, souvent utilisée comme argument en faveur de l’intervention. Environ 40 cas d’association entre des MAKP et des carcinomes bronchioloalvéolaires, rhabdo-myosarcomes ou pleuro-pneumoblastomes ont été publiés. Toutefois, il est possible qu’il s’agisse d’associations de lésions malformative et tumo-rale chez le même patient, plutôt que de la dégé-nérescence d’une unique lésion initiale, reflétant éventuellement une même susceptibilité génétique. Enfin, certaines tumeurs sont toutefois survenues malgré une résection antérieure de la malformation. La chirurgie systématique ne protégerait donc pas totalement du risque tumoral.

Séquestrations

Les séquestrations pulmonaires constituent, avec les MAKP, les malformations pulmonaires les plus fréquemment diagnostiquées en anténatal. Il en existe 2 types : intra- et extralobaire. La forme intra-lobaire est un segment pulmonaire isolé non fonc-

tionnel sans communication avec les voies aériennes ou le parenchyme normal adjacent, et irrigué par une ou plusieurs artères systémiques anormales (10). Elle ne possède pas d’enveloppe pleurale propre. La forme extralobaire est moins fréquente. Elle correspond à du mésenchyme aberrant, qui se développe de façon autonome, sans lien avec le poumon normal. Elle possède sa propre enveloppe pleurale. Les formes intralobaires sont le plus souvent localisées au niveau du lobe inférieur gauche (10). Les formes extralobaires sont le plus souvent de localisation intrathoracique, entre le lobe inférieur gauche et le diaphragme, mais elles peuvent également être localisées au niveau abdominal, médiastinal anté-rieur ou postérieur (11). Les formes intralobaires peuvent être associées à d’autres types de malfor-mation pulmonaire, comme une MAKP, ces lésions étant alors considérées comme des formes hybrides. Les séquestrations extralobaires sont associées à une autre malformation congénitale dans 40 % des cas (déformations vertébrales ou de la cage thoracique, hernie de la coupole diaphragmatique, duplications digestives, cardiopathies) [12]. À la naissance, les séquestrations sont asymptomatiques dans 80 % des cas, puis elles peuvent rester asymptomatiques dans seulement 10 à 15 % des cas (11). Concernant les formes symptomatiques, les signes cliniques sont comparables à ceux rencontrés au cours des MAKP, avec cependant 2 particularités :

➤ une plus grande fréquence des épisodes de surin-fection, qui constituent le mode de révélation clas-sique des formes non identifiées avant la naissance ;

➤ la possibilité de défaillance cardiaque précoce secondaire à un shunt gauche-gauche. Les signes

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MISE AU POINT

de détresse respiratoire et d’insuffisance cardiaque sont en général précoces, avant 2 semaines de vie (13), alors que les complications infectieuses apparaissent en général après 3 ans et sont plus fréquentes chez l’adulte (14). Enfin, il existe une possibilité de régression spontanée des lésions au cours du temps. Dans une récente revue de la littérature, sur 95 cas de séquestrations de diagnostic prénatal, une régression anténatale progressive des lésions a été observée dans 38 cas. À la naissance, les nouveau-nés étaient asympto-matiques, et la malformation n’était plus visible sur la TDM postnatale, ce qui suggère la possibilité d’une thrombose spontanée de l’artère nourri-cière (15). L’aspect radiologique est souvent celui d’une opacité bien définie, triangulaire, d’une base ; il peut aussi parfois s’agir de lésions kystiques, dans les formes hybrides. C’est la TDM thoracique avec injection de produit de contraste qui permet de poser définitivement le diagnostic et qui met en évidence la vascularisation systémique de la masse (figure 2). Le traitement des séquestrations est le plus souvent chirurgical. Une embolisation peut être proposée dans les formes non infectées et non kystiques.

Autres malformations ◆ L’emphysème lobaire congénital

L’emphysème lobaire congénital (ELC) est caracté-risé par la distension progressive d’un lobe, parfois de 2. Il est rarement diagnostiqué en période anténa-tale. L’âge de révélation de l’ELC est habituellement précoce, dans les premiers mois de vie, parfois dès la naissance. L’ELC est rarement asymptomatique et de découverte fortuite chez le grand enfant ou même chez l’adulte.

◆ L’atrésie bronchiqueL’atrésie bronchique peut être identifiée avant la naissance ; son aspect hyperéchogène est similaire à un ELC ou à une MAKP microkystique. En l’absence de diagnostic anténatal, l’atrésie bronchique est en général découverte dans l’enfance ou à l’âge adulte, soit de façon fortuite sur une radiographie thora-cique réalisée pour une autre indication, soit devant un tableau d’infection récurrente ou de dyspnée. L’atrésie peut toucher une bronche lobaire, segmen-taire ou sous-segmentaire. L’atteinte de la bronche segmentaire ventilant le segment apicodorsal du lobe supérieur gauche est la plus classique (16). L’as-sociation, à la TDM, d’une hyperclarté systématisée et d’un mucocèle est très évocatrice. C’est toutefois

l’examen anatomopathologique des pièces opéra-toires qui permet d’affirmer le diagnostic d’atrésie bronchique et, parfois, de corriger le diagnostic posé initialement. Ainsi, sur une série de 105 malforma-tions pulmonaires kystiques asymptomatiques opérées avec un diagnostic présomptif de MAKP ou de séquestration, le diagnostic d’atrésie bron-chique a été posé à l’examen histologique dans 6 % des cas (17).

◆ Les kystes bronchogéniquesLes kystes bronchogéniques représentent 10 à 15 % des malformations pulmonaires identifiées chez l’enfant (18). Il s’agit de structures kystiques isolées, remplies de liquide ou de mucus. Ils sont souvent attachés à la trachée ou à une bronche souche, mais ils ne communiquent pas avec elles (10). Sur le plan physiopathologique, ils sont considérés comme un bourgeon bronchique aberrant à partir du tube digestif primitif. Leur diagnostic prénatal est assez rare. Leur localisation est le plus souvent médiastinale, juste au-dessous de la bifurcation trachéale, mais peut en fait être extrêmement variée, en situation intrapulmo-naire, pleurale, suprasternale ou abdominale. La taille des kystes augmente progressivement avec l’âge. Les symptômes possibles sont liés à l’effet de masse du kyste sur les structures adja-centes (3) et dépendent donc de la taille et de la localisation de celui-ci. Lorsqu’il est périphérique, le kyste bronchogénique est généralement asymp-tomatique, de découverte fortuite, souvent à l’âge adulte. Lorsqu’il est médiastinal, il peut comprimer les voies aériennes proximales et entraîner une détresse respiratoire précoce de sévérité variable. Cette détresse respiratoire est parfois progres-sive : un phénomène d’air trapping distend le poumon en aval, entraînant l’évolution vers un ELC. La compression des voies aériennes peut aussi favoriser l’infection des territoires pulmonaires en aval. La compression de l’œsophage se mani-feste par une dysphagie. Enfin, la compression des structures cardiovasculaires peut intéresser les cavités cardiaques – et entraîner des troubles du rythme (19) –, mais aussi les gros vaisseaux comme la veine cave supérieure (20). La surin-fection intrakystique est également un mode de révélation, d’autant plus qu’elle peut provoquer une brusque augmentation de volume du kyste et des signes fonctionnels de compression. D’autres manifestations, plus rares, sont possibles, comme la survenue d’un pneumothorax, d’un hémothorax ou d’une hémoptysie (3).

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MISE AU POINT Physiopathologie, diagnostic et prise en charge des malformations pulmonaires de l’enfant

Physiopathologie

Des aspects morphologiques souvent superposables en anténatal ainsi que la coexistence possible de 2 types de malformation chez le même individu, ou encore la possibilité de formes mixtes plaident pour des anomalies communes du développement à l’ori-gine des malformations pulmonaires congénitales. Il apparaît en effet de plus en plus probable que ces malformations réputées différentes aient en fait des mécanismes physiopathologiques communs (10) et résultent d’une anomalie focale (à la fois dans le temps et dans l’espace) du développement pulmo-naire (12). Une hypothèse proposée comme un phénomène fréquemment – sinon constamment – à l’origine de ces malformations est la survenue d’une sténose bronchique organique au cours du dévelop-pement (10). L’accumulation de liquide pulmonaire en amont de l’obstacle serait responsable d’une dilatation pseudo-kystique des voies aériennes et d’anomalies du développement pulmonaire. L’argument le plus fort en faveur de cette hypo-thèse est la présence d’aspects comparables à des malformations adénomatoïdes lors d’obstructions malformatives précoces et prolongées des voies aériennes fœtales, comme les atrésies laryngées (10, 21). Cette hypothèse reste néanmoins controversée, certains auteurs retrouvant effectivement une fréquence élevée d’obstacles bronchiques anato-miques en aval des MAKP (22), alors que d’autres ne retrouvent jamais cette association malgré une recherche systématique (23). Une autre hypothèse est celle d’un arrêt du développement pulmonaire normal, du fait d’interactions locales inappro-priées entre les nombreux acteurs responsables du contrôle du développement. Cette hypothèse est issue à la fois des descriptions histologiques fœtales, des études moléculaires disponibles dans les MAKP humaines et des résultats obtenus avec les modèles expérimentaux. Les études fœtales des MAKP ont en effet apporté un éclairage nouveau sur la physiopathologie de ces malformations. Elles ont beaucoup mieux décrit le parenchyme alvéolaire localisé entre les kystes, dont l’aspect immature est parfois compatible avec un aspect de stade du développement pulmonaire, pseudo-glandulaire ou canaliculaire, plus précoce que celui où a lieu le prélèvement (23). Ces données sont en faveur d’une anomalie du développement touchant la différenciation épithéliale et/ou les interactions entre le mésenchyme et les unités respiratoires distales. Ces différences d’aspect parenchymateux sont influencées par l’âge gestationnel, les aspects

les plus matures étant observés à des termes plus avancés (23), ce qui témoigne probablement d’une capacité du poumon à poursuivre sa maturation au sein de la zone malformée. Une vascularisation systémique est associée à ces anomalies paren-chymateuses dans 30 % des cas (23). Ce point est également très important, car il démontre le caractère très arbitraire de l’appellation “séques-tration” en présence d’une vascularisation systé-mique. L’hypothèse d’un déséquilibre des facteurs contrôlant le développement pulmonaire normal à l’origine des MAKP a été renforcée par les quelques études comparant l’expression de marqueurs molé-culaires du développement dans les tissus malfor-matifs et les tissus témoins. Ces études ont montré la persistance dans les MAKP de l’expression de plusieurs facteurs impliqués dans les stades précoces du développement pulmonaire ou encore dans la prolifération cellulaire. C’est le cas notamment du Thyroid Transcription Factor 1 (TTF-1), du facteur de transcription Hoxb-5, du Platelet-Derived Growth Factor-β (PDGF-β) et du Glial cell-Derived Neuro-trophic Factor (GDNF). Concernant les modèles animaux, il est possible d’induire des anomalies kystiques pulmonaires par la surexpression dans le poumon fœtal de facteurs essentiels au dévelop-pement pulmonaire, comme le Fibroblast Growth Factor (FGF) 7, le FGF10 ou le Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF). Enfin, les connaissances récentes acquises sur le développement des voies aériennes permettent d’envisager un mécanisme mêlant à la fois des phénomènes obstructifs et des anomalies moléculaires. Il y a en effet une motri-cité bronchique chez le fœtus, responsable d’un péristaltisme indispensable à la formation des voies aériennes (24, 25). L’obstruction responsable de la malformation pourrait n’être que fonctionnelle, ce qui expliquerait les discordances quant à l’iden-tification d’obstacles anatomiques. Il a déjà été montré que certains facteurs essentiels au dévelop-pement des voies aériennes sont capables d’accé-lérer ce péristaltisme, aboutissant à la dilatation des voies aériennes en formation. Parmi ces facteurs, on retrouve notamment le FGF10, qui, en excès, augmente la fréquence du péristaltisme des voies aériennes fœtales accompagnant la mise en place de l’arbre bronchique normal, et aboutit ainsi à une dilatation importante des voies aériennes (24). De plus, la surexpression transitoire et localisée de FGF10 dans le poumon fœtal de rats a permis d’induire des lésions très proches des MAKP (26). L’ensemble de ces résultats oriente vers un rôle essentiel du FGF10 dans la genèse des MAKP. ■

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Objectif vaccinologie

Directeur des publications : Claudie Damour-Terrasson

Sous l’égide deet des Lettres du Gynécologue, du Pneumologue,de l’Hépato-gastroentérologue, d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale

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Pr François Denis

Dr Marie-Alliette Dommergues

Pr Jean-Paul Stahl

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La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 5 - septembre-octobre 2012 | 131

MISE AU POINT

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Références bibliographiques