photographie cil' l'auteur par isabelle non

14

Upload: others

Post on 24-Mar-2022

4 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Photographie cil' l'auteur par Isabelle Non

FUGUES TOULOUSAINES

Il a été tiré de cet ouvrage 99 exemplaires sur papier "Sensation" des Papeteries Arjomari,

160 g. pour l'intérieur et 270 g. pour la couverture, agrémentés d'un tirage original signé de l'auteur,

numérotés, constituant l'édition originale.

00002

Editions Subcrvic 1997 - Parc des Moutiers - 12032 Rodez Cedex 09 LI reproduction, même partielle, des images et du texte, est strictement interdite en France et à l'étranger.

I (m^iJ^^^éserves. �

Claude Nori

FUGUES TOULOUSAINES Images c/ et ~ ' i ç tzytes

Editions Subervie

Je suis né à Toulouse d'une famille d'émigrés italiens, origi- naires de la région de Vérone, qui trouvèrent dans la Ville Rose bien des points communs avec leur pays d'origine. Mes parents ouvrirent place de la Trinité (petite piazzeta à la fontaine florentine) où ma mère vit toujours aujourd'hui, une épicerie puis un restaurant où se retrouvaient de nombreux réfugiés méditerranéens et, une fois par an, toute la troupe de la Scala de Milan en tournée au théâtre du Capitole. On y chantait avec les larmes aux yeux et la nostalgie au fond de la gorge, de vieilles chansons napolitaines, des airs d'opéra et les marches des chasseurs alpins.

Comme de nombreux agitateurs dans l'âme, j'ai dû, un jour de 1968, quitter la ville où mon enfance et mon adolescence furent si heureuses et où je m'initiais assez tôt, troubadour et «vitelloni» aux délices du fin'amor pour déverser ma fougue et mon énergie dans les torrents artistiques de la capitale. A cette époque, les provinces possédaient un pouvoir économique et culturel presque inexistant, aussi fallait-il «monter» à Paris avec tout ce que ce mot comporte de romanesque, d'épique et d'un peu ridicule. Pour ma part, j'avais une peur viscérale de perdre mon accent car l'accent de Toulouse est une pointe de piment dans un plat fade ; c'est une façon de cogner la langue, de lui faire dévaler les torrents, de lui donner du jus. Ainsi, avec deux copains dont l'un m'enseigna les rudiments de la photographie (avant que Jean Dieuzaide ne m'éblouisse de ses noirs et blancs) et l'autre, l'art de formuler les concepts, nous traversâmes la

France du sud au nord dans une vieille 2CV battant le pavillon noir de l'anarchie et de la flibusterie.

Toulouse où j'abandonnais la halle du marché des Carmes, la saveur des tomates de Perpignan, le sucré des oignons d'Espagne, le rubis et le cuivre des Corbières, l'élégance de la rouquette et surtout un amour, Shania, qui- adorait les anges, le piano, les petits crabes pimentés et Vinicius de Moraes, mais qui, dans un sacerdoce total, avait décidé qu'elle ne quitterait jamais le sanctuaire des Sapes, la rue St Rome où elle travaillait dans un magasin de jeans américains. Shania, je le sais aujourd'hui, qui m'avait laissé partir seul pour ne pas encombrer ma destinée et qui, par ses encouragements perpétuels, m'avait persuadé de mes talents artistiques. En parcourant cette France des petites routes (en 2CV, il ne sert à rien d'emprunter les grands axes), en voyant défiler le paysage où se superposaient en images saccadées, maisons du Sud-Ouest, cours de ferme, stations d'essence, épiceries, monuments aux morts et petits jardins, je sentais que tous ces lieux anonymes prenaient soudain de l'importance parce qu'ils se révélaient à ma vision nostalgique. J'eus la certitude que mon infidélité à Toulouse serait passagère et que je retrouverais intactes toutes ces choses sur lesquelles mon regard affectueux s'était posé.

Aujourd'hui, le train entre en gare Matabiau, je sens un air étrange et familier m'envelopper de toutes parts, doux comme le ciel qui sait prendre la couleur intense du bleu et fort comme le vent d'autan s'échappant des narines d'un taureau pour soule- ver la tempête à l'intérieur de notre crâne. La Méditerranée et l'océan tentent toujours d'embrasser la ville de leurs tentacules,

Comme de nombreux poètes

dans l'âme, j'ai dû

un jour de 1968 quitter la ville

où mon enfance et mon adolescence furent si heureuses

et où je m'initiais assez tôt, troubadour et vitelloni, aux délices du fin'amor

pour déverser l'na fougue et mon énergie

dans les torrents artistiques de la capitale.

Je suis revenu depuis à Toulouse à travers les pupilles noires des flamencas sur les avions du Sud et le long des routes

en vers luisants de la photographie.

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections

de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒

dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.